STRESS POST-TRAUMATIQUE : "J’ai été confrontée à la mort et j’ai l’impression de ne pas en être totalement revenue" - Fanny cover
STRESS POST-TRAUMATIQUE : "J’ai été confrontée à la mort et j’ai l’impression de ne pas en être totalement revenue" - Fanny cover
Patients

STRESS POST-TRAUMATIQUE : "J’ai été confrontée à la mort et j’ai l’impression de ne pas en être totalement revenue" - Fanny

STRESS POST-TRAUMATIQUE : "J’ai été confrontée à la mort et j’ai l’impression de ne pas en être totalement revenue" - Fanny

34min |16/05/2024|

963

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Description

Comment continuer de vivre quand on a traversé l'inimaginable ? Comment se relève-t-on d’un événement traumatique de cette envergure ?


Que faisiez-vous lors des attentats du 13 novembre 2015 ? 


Ce soir-là, Fanny était au Bataclan avec ses amis, comme des centaines de personnes. Elle voulait simplement profiter d’un concert. Elle ne sait pas encore que sa vie va basculer. Victime rescapée, elle va devoir affronter les conséquences d’un stress post-traumatique. 


Aujourd’hui dans « Patients » on va parler d’un sujet très étudié depuis la guerre du Vietnam : le stress post-traumatique.

Pour aller plus loin : 


Vous pouvez suivre Fanny sur son compte Instagram : https://www.instagram.com/faniparolini?utm_source=ig_web_button_share_sheet&igsh=ZDNlZDc0MzIxNw==


Vous souffrez de stress post-traumatique et vous souhaitez en parler avec un médecin généraliste ou spécialiste ? Nos médecins sont à votre écoute.

*Ce podcast recueille des témoignages personnels qui peuvent heurter votre sensibilité. Nous vous rappelons que ces récits représentent le vécu de nos invités et ne sont pas nécessairement représentatifs de notre point de vue.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Ce podcast vous est proposé par la plateforme Livi.

  • Speaker #1

    Bonjour, je m'appelle César Ancel-Ancel. Je suis médecin généraliste et urgentiste. Bienvenue dans Patient, saison 2.

  • Speaker #0

    Fanny et le stress post-traumatique

  • Speaker #1

    Que faisiez-vous lors des attentats du 13 novembre 2015 ? Ce soir-là, Fanny était au Bataclan avec ses amis, comme des centaines de personnes. Elle voulait simplement profiter d'un concert. Elle ne sait pas encore que sa vie va basculer. Victime rescapée, elle va devoir affronter les conséquences d'un stress post-traumatique. Cette pathologie, très étudiée depuis les années 70, notamment suite à la guerre du Vietnam, est responsable de troubles invalidants mais accessibles à la thérapie. Comment continuer de vivre quand on a traversé l'inimaginable ? Comment se relève-t-on d'un événement traumatique de cette envergure ? Aujourd'hui, j'ai la chance d'accueillir Fanny qui va nous raconter son histoire. Bonjour Fanny. Bonjour. Est-ce que ça te dérange si on se tutoie ?

  • Speaker #0

    Non, aucun problème.

  • Speaker #1

    Comment vas-tu ?

  • Speaker #0

    Bien, merci.

  • Speaker #1

    Fanny, est-ce que tu peux te présenter en quelques mots ? Oui,

  • Speaker #0

    donc je m'appelle Fanny, j'ai 39 ans et j'ai été invitée par votre équipe pour vous parler des effets du choc post-traumatique. puisque j'ai traversé les attentats qui ont touché Paris en 2015.

  • Speaker #1

    Je suis ravi de te recevoir, Fanny, aujourd'hui dans Patience. Je sais que tu prends peu la parole sur ce sujet. Vraiment, merci de nous faire confiance pour nous confier ton témoignage. Je vous en prie. Ton témoignage qui est vraiment nécessaire pour venir en aide aux personnes qui traversent ou qui ont traversé la même chose que toi, notamment le stress post-traumatique. Est-ce que tu peux nous raconter un peu ton histoire ?

  • Speaker #0

    Oui, j'habitais à Paris. À l'époque, j'allais très souvent au concert, c'était un hobby, et je me rendais, comme de nombreux Parisiens, de nombreux soirs de ma vie, à un concert au Bataclan. Sauf que, comme tout le monde le sait... Ça a mal tourné et d'une soirée banale dans ma vie, c'est devenu un tournant qu'on ne contrôle absolument pas et qui... change le reste de la vie.

  • Speaker #1

    J'aimerais bien que tu nous dises avec tes mots ce que c'est le stress post-traumatique.

  • Speaker #0

    Alors, en tant que patient, je peux déjà dire que c'est quelque chose qu'on ne mesure pas très bien au départ. On sait qu'il nous est arrivé quelque chose de très grave. Comme toute chose très grave, il va falloir le soigner, mais on ne mesure pas vraiment le choc qui nous est arrivé et les retentissements que ça va produire. Le choc post-traumatique, il peut s'exprimer en partie immédiatement, mais aussi à moyen terme et aussi à long terme. Donc ça va être différentes manifestations, aussi bien psychiques que physiques, et cela dépend de chaque individu.

  • Speaker #1

    Toi, avant cette horrible soirée, comment tu définirais la Fanny, la jeune femme de 31 ans avant le Bataclan ?

  • Speaker #0

    Comment dire ? Une personne qui voulait s'amuser, qui voulait enchaîner les concerts. En fait, je vivais déjà une forme de thérapie à travers la musique, comme beaucoup de gens, comme avec tout type de musique, une forme de catharsis. J'étais assez un tournant de ma vie. Donc voilà, je me disais, qu'est-ce que je veux faire de ma vie maintenant ? Une nouvelle phase, je veux m'amuser, je veux rencontrer de nouvelles personnes. Et ça passait par... L'amusement, les concerts, notamment.

  • Speaker #1

    Tu travaillais à cette époque-là ? Oui,

  • Speaker #0

    je travaillais, effectivement. Je travaille toujours avec des aménagements, au vu de ce qui est arrivé. Mais oui, je travaillais.

  • Speaker #1

    Qu'est-ce que tu fais comme métier ?

  • Speaker #0

    Je travaille pour le ministère de l'écologie.

  • Speaker #1

    On va revenir sur le stress post-traumatique. Est-ce que tu pourrais décrire les symptômes que tu as eus ?

  • Speaker #0

    Il y a eu d'abord, pour survivre, mon mécanisme. Dans un premier temps, ça a été la dissociation. C'est-à-dire faire comme si, bien malgré moi, faire comme si ça ne m'était pas pleinement arrivé, ou tout du moins décrire l'événement de l'extérieur, comme si ce n'était pas à moi que c'était arrivé. donc j'ai essayé de m'expliquer les choses par la politique la géopolitique et pourquoi ils ont fait ça chercher des raisons parler au pluriel aussi nous, mais voilà j'ai survécu dans un premier temps en me mettant pas dedans, après j'ai réalisé que grâce à mon suivi psychiatrique que Ce n'était pas aidant parce que là, du coup, je faisais semblant de ne pas être dans l'événement, alors que le but d'une vraie thérapie globale, c'est quand même de se dire Ok, j'y étais, et maintenant, comment on répare ? Donc ça a été un processus assez long. Autre symptôme, des terreurs, des cauchemars, des peurs d'intrusion, des faux instincts. Oui, là, je sens qu'il va se passer quelque chose d'horrible, des intuitions terribles. Et puis, ce qui est encore plus triste, c'est que parfois, des intuitions qui se sont révélées vraies, comme le 14 juillet 2016, j'étais persuadée qu'il allait se passer quelque chose. Pour moi, c'était évident, parce que je n'arrêtais pas de cogiter en me disant Mais oui, mais là, c'est la fête nationale, donc ce serait quand même une bonne... date pour attaquer le pays, etc. Donc, des psychoses comme ça, justifiées ou non.

  • Speaker #1

    Comment ça s'est passé le 14 juillet ?

  • Speaker #0

    J'ai déjà eu beaucoup de mal ce jour-là à rejoindre ma famille. Je devais rendre visite à ma famille dans le sud de la France. J'ai eu énormément de mal à prendre le train et rien que sur le quai, j'analysais, comme je le fais encore aujourd'hui, le comportement des gens, leurs attitudes, mais qu'est-ce qu'il peut bien y avoir dans ce sac ? Mais pourquoi il monte et il descend ? Il faut dire que je pense que toutes les victimes rescapées ne prennent pas nécessairement les transports encore aujourd'hui. Donc le fait de les prendre... comme pour arriver jusqu'à vous aujourd'hui, honnêtement. Ce n'était pas super facile. Et donc, j'ai demandé de l'aide à la personne à côté de moi, en lui demandant, vous ne trouvez pas que c'est bizarre ? Est-ce que vous pensez que je devrais descendre du train ? Elle m'a rassurée et elle m'a permis d'arriver à destination. On a d'ailleurs sympathisé et on est restés amis jusqu'à aujourd'hui. Une dame formidable. Je suis finalement arrivée à destination dans le sud de la France. Et là, j'ai fait part à ma famille de ma peur en disant Écoutez, je ne vais pas aller au milieu du village, moi, regarder le feu d'artifice. Je ne peux pas.

  • Speaker #1

    C'était où, dans le sud de la France ?

  • Speaker #0

    C'était dans la région de Narbonne. D'accord. Et voilà, donc j'ai évité. Je suis restée bien cloîtrée dans la maison pour ne pas entendre de bruit de feu d'artifice. Et j'avais les yeux rivés sur la télévision, sur Paris, en fait, en me disant, ben voilà, ils vont frapper Paris. Et en fait, non, ils n'ont pas frappé Paris, ils ont frappé Nice. Et moi, j'étais là, ben voilà, je le savais, je m'en doutais, c'était sûr. Et c'est un schéma qui se reproduit en anticipation. Parfois, c'est juste, parfois, c'est complètement fantasmé. Mais bon, c'est...

  • Speaker #1

    C'est quelque chose qui t'accompagne encore ?

  • Speaker #0

    Oui, tout à fait. D'accord. Récemment, j'ai été invitée à l'Olympia. Je n'avais pas franchement envie d'y aller.

  • Speaker #1

    Tu y as été ?

  • Speaker #0

    J'y suis allée, j'ai passé une très mauvaise soirée.

  • Speaker #1

    À cause de ça ?

  • Speaker #0

    Oui, parce que je me disais, c'est une belle enseigne, c'est quand même une salle mythique. Donc résultat des courses, je savais qu'il y avait quelques rescapés présents, je les ai cherchés. Et ensuite, j'étais aussi accompagnée par quelqu'un qui connaît mon état. Et j'ai quitté la salle par une sortie, pas la sortie principale. Parce que là, on est à quelques jours des attentats du 22 mars à Moscou. Et ça a ravivé énormément le traumatisme de savoir que devant et à l'intérieur d'une salle où allait se passer un concert de rock, les gens sont insacrés en masse.

  • Speaker #1

    Donc, ces intuitions, ces flashs qui reviennent. J'aimerais bien revenir sur, immédiatement après les événements, comment ça s'est passé ? Est-ce que tu as bénéficié d'une prise en charge ? immédiate, est-ce que tu peux nous raconter ?

  • Speaker #0

    Alors, effectivement, il y a eu la mise en place de cellules d'urgence et d'écoute dans les mairies d'arrondissement de Paris. Je ne sais pas si c'est toutes les mairies, mais il y a eu l'ouverture des hôpitaux également. Et moi, à l'époque, mon conjoint m'a dit... qu'il était nécessaire, alors que moi j'avais plutôt envie de me cloîtrer chez moi, qu'il était nécessaire d'aller parler à ces cellules. Donc on s'est rendu à la mairie du 11e arrondissement, on a rencontré des psychiatres, on a pu... déjà pour cet événement énorme, commencer à le partager. Et après, je me suis rendue à l'hôpital, à l'Hôtel Dieu, où il y a une cellule médico-judiciaire où on peut parler de ce genre d'événements d'une échelle sans précédent. Je pense, en tout cas, à Paris, en temps de paix théorique.

  • Speaker #1

    Et c'est quoi ton ressenti sur cette prise en charge ? Tu as trouvé ça utile ? Tu as ressenti que ça t'avait aidé ?

  • Speaker #0

    Oui, oui, oui, vraiment. Et... Il y a eu une prise en charge également immédiate après les événements, dans les rues voisines du Bataclan. Il y a eu des hôpitaux de campagne, en quelque sorte. Mais également pour les blessés psychiques, le relevé de notre identité et la possibilité de parler. Bon, même si d'abord, il fallait parler aux autorités, mais on pouvait aussi un petit peu parler à des médecins à ce moment-là. je sais également qu'il y a des personnes qui sont reparties chez elles, parce qu'on est libre, finalement. On a une liberté de soin dans notre pays. On peut parler ou ne pas parler, rentrer chez soi. Et ça m'a beaucoup frappée de savoir que certains sont sortis de la salle, vous avez une blessure physique, non, bon, ok, on passe. Ça renvoie à une forme de responsabilité ou de possibilité également. de prendre cette liberté, cette responsabilité individuelle de parler quand on a un choc. Et je pense qu'il est important de mettre le plus rapidement possible les cellules d'écoute suite au choc. Je ne peux pas faire de lien direct, mais je sais, pour l'événement qui me concerne, qu'il y a eu des victimes. à postériori, une 131ème et peut-être même une 132ème victime, parce que les personnes ne supportent plus la vie. Je ne peux pas faire de lien direct.

  • Speaker #1

    Tu parles de personnes qui se sont suicidées ? Oui.

  • Speaker #0

    Pour dire qu'on ne peut pas forcer les soins, on est libre.

  • Speaker #1

    Bien sûr.

  • Speaker #0

    Mais la visibilité et la disponibilité des soins psychiques, psychiatriques, psychologiques, est vraiment vitale.

  • Speaker #1

    Une fois que tu as bénéficié de cette prise en charge en aiguë, ensuite, comment ça s'est passé ? Ça s'est articulé, c'est-à-dire qu'on t'a proposé une sorte de suivi régulier en ambulatoire ? On te l'a proposé directement ? Ou c'est toi qui as dû te débrouiller pour trouver des personnes, psychologues ou psychiatres, qui se sont occupés de toi ? Comment ça s'est passé ?

  • Speaker #0

    J'ai dû parler à la police deux fois. Il me semble que c'est après la seconde fois que j'ai déposé que... La police m'a orientée vers l'hôtel Dieu. Les hôpitaux nous sont restés ouverts très longtemps. Tant qu'on est encore dans les dix ans après les faits, je pense qu'on n'a pas de difficulté à trouver un psychiatre. En tout cas, moi, je vis en région parisienne et j'habitais Paris à l'époque, donc je peux témoigner de ça. Je ne sais pas pour le reste du territoire, mais si on le veut, on le peut. Mais après, on ne vient pas chercher les patients chez eux.

  • Speaker #1

    Ensuite, tu as enchaîné sur un suivi régulier que tu as encore actuellement ?

  • Speaker #0

    Une fois que j'ai rencontré mon psychiatre, on a, sur plusieurs années, tissé un lien de confiance, parce que c'est une discipline particulière qui implique la proposition de médicaments, qu'une fois qu'on accepte de prendre un médicament, il y a la recherche de la bonne molécule. la tolérance de la molécule, le changement de molécule. Ça nécessite aussi beaucoup de bonne volonté, de discipline aussi, parce qu'autrement, c'est...

  • Speaker #1

    Oui, tu as des ajustements parce que tu as les molécules différentes et selon les personnes, on a plus ou moins des effets indésirables ou une efficacité. Donc, tu as eu cet ajustement. Est-ce qu'en parallèle, tu as bénéficié d'une psychothérapie ?

  • Speaker #0

    Oui, encore une fois, sur mon initiative.

  • Speaker #1

    Sur ton initiative, oui, d'accord.

  • Speaker #0

    Oui, et à ce moment-là, autour de ma trentaine, j'envisageais des changements de vie. L'idée de suivre une psychothérapie m'avait déjà germé en moi. Après cet événement, j'ai cherché plus spécifiquement une psychologue qui faisait appel au corps pour réinvestir mon corps. Honnêtement, je crois que j'ai été vraiment, comme certains psychiatres me l'ont expliqué, dans un syndrome de dissociation type syndrome de Lazare, c'est-à-dire avoir été confrontée à la mort et ne pas en être totalement revenue, c'est-à-dire être un peu comme une âme qui vit à côté de son corps. qui n'est pas vraiment... quelqu'un qui n'est pas vraiment incarné.

  • Speaker #1

    Tu parlais tout à l'heure d'une dissociation au niveau, on va dire, mental, mais tu avais aussi cette composante du corps, tu avais l'impression de ne pas être dans ton corps finalement, c'est ça ?

  • Speaker #0

    Oui, tout à fait.

  • Speaker #1

    D'accord. Et ça, le traitement, la psychothérapie a été efficace là-dessus ?

  • Speaker #0

    Oui, c'était des séances particulières qui alliaient marche ou course à la psychothérapie.

  • Speaker #1

    D'accord.

  • Speaker #0

    D'ailleurs, je remercie beaucoup cette psychologue qui avait une méthode très innovante. Ça peut se rapprocher aussi de la Gestalt-thérapie.

  • Speaker #1

    D'accord.

  • Speaker #0

    On mobilise le patient en faisant des scénettes,

  • Speaker #1

    des jeux de rôle,

  • Speaker #0

    en prononçant des textes, des choses qui impliquent. Donc oui, ça a été efficace. Je suis toujours les séances avec cette psychologue. Nous ne faisons plus de sport ensemble, mais le fait de toujours la voir... me soutient énormément.

  • Speaker #1

    Tu sens que cet accompagnement que tu as eu depuis le début te permet d'avancer progressivement et d'aller mieux.

  • Speaker #0

    Tout à fait, oui. Je ne sais pas comment le formuler, mais le fait de prononcer le mot patient depuis tout à l'heure et que ça fasse aussi partie de votre thème, ça me rappelle vraiment le concept de patience qu'il faut avoir. Parce qu'aller mieux prend un peu de temps.

  • Speaker #1

    Oui, ça c'est important de le dire, effectivement. Ce n'est pas quelques séances qui vont suffire.

  • Speaker #0

    Effectivement.

  • Speaker #1

    Et c'est ce que revendiquent pas mal de psychologues, notamment sur le remboursement des séances. C'est vrai. J'aimerais bien qu'on parle un peu de ton rapport aux autres. Est-ce que tu sens que ton entourage ou les gens qui sont au courant de ce qui t'est arrivé, est-ce qu'ils parviennent à bien réagir, à t'aider ? Est-ce que tu peux nous parler du comportement de tes proches ? Comment ça s'est passé ?

  • Speaker #0

    Les événements sont assez révélateurs.

  • Speaker #1

    Tu nous as parlé tout à l'heure de ton compagnon. Oui. Qui lui a pris un peu... De l'époque. De l'époque.

  • Speaker #0

    Qui donc... les plus compagnons actuels. Ça aussi, c'est révélateur. Ah oui ? Oui, je pense que suite à des événements traumatiques, il y a de nombreux changements qui arrivent. On prend conscience des choses et parfois on se dit je souhaite commencer quelque chose de nouveau. Et ça a été le cas, je pense, pour beaucoup de mes camarades d'infortune.

  • Speaker #1

    C'est ce qui est décrit, effectivement, dans des situations de pathologie même.

  • Speaker #0

    La gestion d'un choc. s'intègre sur le terrain déjà de la personne et ce qui va émerger par la suite, il y avait déjà quelque part quelques pistes ou quelques graines dans le présent de la personne. Et pour la réaction de la famille, c'est la même chose. Si on avait un super entourage aimant, encourageant, évidemment, il va répondre positivement. continuer d'entourer, d'accompagner. Si ce n'était pas le cas, sans surprise, ça ne vient pas.

  • Speaker #1

    Tu as l'impression que cet événement a catalysé certaines choses, c'est-à-dire qu'il a intensifié, autant dans un bon sens que dans le mauvais sens, les rapports que tu pouvais avoir avec les autres ?

  • Speaker #0

    Je pense que si des personnes n'étaient pas très accompagnantes avant, parfois elles n'ont pas plus compris la gravité des choses et ne sont pas plus accompagnantes après. Ça remet les choses en perspective. Justement, on se dit, ah tiens, il semblerait que j'étais peut-être dans le manque de conscience d'une certaine situation. Maintenant que je bénéficie de certains soins, je peux peut-être ouvrir les yeux sur ce que je dois améliorer, comment je dois prendre soin de moi, quelle est la valeur de ma santé, de ma santé psychique. Ça a créé aussi... parfois des révélations.

  • Speaker #1

    Est-ce qu'il y a des choses que tu aurais souhaité qu'on te dise, des choses qu'on fasse pour mieux t'accompagner à ce moment-là ? Est-ce que tu as des choses que tu attendais, qui viennent, de proches, et qui ne sont pas venues ?

  • Speaker #0

    Ah oui, ou même tout simplement, je ne vais pas trop balancer non plus, ce n'est pas le sujet, mais même des personnes de la famille qui n'ont pas pris l'ampleur de ce qui s'est passé. Des très proches qu'il faut appeler pour dire je suis... survivante d'un massacre à bon. Et, bah oui, c'était juste comme ça. La distance, parfois, et je ne sais pas comment l'expliquer, mais il y a des personnes qui ne prennent pas la mesure de ce qui s'est passé. Je pense que c'est de moins en moins vrai en région parisienne, surtout à l'approche de nouveaux événements internationaux et suite à tout ce qui a pu se passer. en moins de dix ans sur notre territoire et dans le monde. Mais dans un premier temps, oui, un manque de prise de conscience de la gravité des faits.

  • Speaker #1

    Donc tu donnerais quand même le conseil aux personnes qui nous écoutent dans ce type de situation de bien faire attention, à bien écouter, à bien être présent et qu'on peut parfois être négligent. Ce type de situation, c'est ça, tu penses ? Oui,

  • Speaker #0

    surtout quand on parle de blessés psychologiques et que la blessure ne se voit pas. Évidemment, moi, je ne me suis pas fait reconstruire le visage. J'ai toujours mes membres. Je suis sortie recouverte du sang, mais des autres, pas le mien. C'était pas génial, c'était pas très facile à gérer, mais une fois qu'on a pris sa douche et qu'on a enlevé nos vêtements tachés, les gens ne réalisent pas. Et puis pour ceux qui ont perdu des proches, c'est difficile à comprendre aussi notre traumatisme. Je pense notamment, j'ai l'âge forcément de certaines victimes décédées, qui ont donc des parents endeuillés. Face aux parents endeuillés aussi, ça a été très difficile d'exister. parce que comment se plaindre d'être en vie quand des parents ont perdu leur enfant ? Donc ça aussi, c'est une place difficile à assumer. Ça a été tout un défi dans la vie associative, jusqu'au procès des événements. Ça a pu se terminer en bonne intelligence, parce qu'il y a des personnes... de très bonne volonté dans les associations qui essayent de créer le lien, mais ça a été très, très brutal les deux premières années. C'était très, très violent.

  • Speaker #1

    Au sein des victimes et des familles des victimes ? Oui. Tu as été suivie par des associations, accompagnée par les associations ? Alors,

  • Speaker #0

    encore une fois, c'est au bon vouloir de la personne. Si on veut rejoindre une association, on le peut. on peut même en fonder une si on veut. Et je pense que ceux qui l'ont fait ont été extrêmement courageux et bien inspirés, parce que c'est salutaire, voire salvateur. Et ça crée évidemment des liens jusqu'à aujourd'hui. Il y a aussi les fédérations d'associations, et des associations plus anciennes en rapport avec des... catastrophes en tout genre, naturelles, terroristes, etc., qui peuvent créer un super réseau de soutien. Mais encore une fois, c'est à chacun de se dire, bon, je ne dois pas être seule, vers qui je peux me tourner.

  • Speaker #1

    Comment ça se passe maintenant au niveau de ton quotidien ?

  • Speaker #0

    On est dans la neuvième année après les faits. Et pour ma part, aujourd'hui, c'est... presque un peu plus réelle, donc difficile qu'avant. Avant, je fuyais un petit peu la réalité parce que je devais tenir. J'ai décidé de changer de compagnon, changer de lieu de vie, tenter de voyager, ce qui n'était franchement pas facile après cette période. Donc, j'ai puisé énormément dans mes ressources et aujourd'hui... C'est un peu plus difficile. C'est un peu, pour moi, l'avion qui atterrit. Et se demander, après le procès, qu'est-ce que je fais ? Qu'est-ce que je deviens ? Est-ce que je suis une victime pour toujours ? Ou est-ce que j'avance ? Est-ce que je peux le faire aussi ? Est-ce que je peux avancer ? Ou est-ce que je suis tout simplement... Je ne suis pas maître de la situation ?

  • Speaker #1

    Ce côté victime pour toujours, qu'est-ce que tu en penses de ça ?

  • Speaker #0

    Je pense que c'est du domaine de la cicatrice. On peut avoir de graves fractures. et des cicatrices. Les fractures se réparent, les cicatrices se referment, mais elles restent. Et la fragilité aussi. Donc je dirais que psychiquement, c'est très comparable.

  • Speaker #1

    Là, actuellement, tu disais que tu es dans une phase un peu particulière. On a parlé au tout début de tes symptômes. Là, actuellement, tu as expliqué que tu as encore des symptômes et de l'inconfort. Comment ça se passe au niveau du rythme de tes symptômes ? Est-ce qu'il y a, par exemple, des journées où tu es tranquille, ou des périodes de ta vie où tu es tranquille ?

  • Speaker #0

    Ça se compte à la journée. voire à la demi-journée. Ça m'est arrivé il n'y a pas très longtemps. J'ai passé l'après-midi dans un jardin, un jardin d'un ami. Je me suis bien fatiguée avec les outils, avec les pots, avec la terre, etc. Et pendant plusieurs heures, j'étais très occupée. J'ai eu très, très mal au dos après. Et j'étais très contente et je me suis dit, tiens, pendant ces heures, je n'ai pas pensé à la menace parce que j'étais dans un endroit... que j'estimais sécurisant. Mais quand même, même si je ne me sentais pas menacée personnellement, je ne pouvais pas m'empêcher en entendant au loin la cour de récréation d'une école, en disant j'espère que les enfants vont bien des trucs comme ça. Ça ne quitte jamais vraiment longtemps. Même si on se dit tiens, j'ai passé deux heures à rien penser mais finalement, il y a toujours un fantôme qui vient nous hanter.

  • Speaker #1

    Mais donc, pendant plusieurs heures, tu t'es dit justement ah tiens, et c'était il y a combien de temps ça ?

  • Speaker #0

    C'était il y a peu de temps, c'était peut-être il y a une semaine.

  • Speaker #1

    Et c'était nouveau ça ?

  • Speaker #0

    Oui, c'était nouveau, parce que j'ai eu comme une forme de refute. Donc là, je me suis donné une chance avec un nouveau compagnon. Je lui ai bien dit, pourtant je lui ai dit mais t'es sûre parce que moi je suis une personne cassée donc je suis pas sûre que ce soit une super affaire. Il m'a dit non, mais moi, je ne vois pas ça. Donc, j'ai dit bon, OK. Mais c'est délicat parce qu'il y a la manière dont les autres nous voient, mais il y a cette façon dont on se voit qui est difficile à gérer.

  • Speaker #1

    Est-ce que toi, tu fais appel à d'autres choses, on va dire un peu non conventionnelles ? Je pense par exemple aux médecines douces ou à d'autres activités pour aller bien.

  • Speaker #0

    Oui. En novembre, j'ai eu le temps de tester plein de choses. Je me suis juste arrêtée devant le chamanisme. Et autrement, oui, la kinésiologie, des thérapies en tout genre. de la simple ostéopathie, chiropraxie, pour gérer des problèmes de bruxisme, crispation, jusqu'à se dire, est-ce que je ne vais pas faire des choses mystiques ? Mais je me suis arrêtée avant.

  • Speaker #1

    Est-ce que tu t'es renseignée sur... les évolutions concernant le traitement du stress post-traumatique, sur ce qui se faisait dans d'autres pays, sur des thérapies, des molécules ? Est-ce que tu t'intéresses à ça ?

  • Speaker #0

    Oui, alors en termes de thérapie notamment, je continue pour les molécules à tester plusieurs choses. Là, j'en suis à la sertraline, donc j'arrive à progressivement baisser le dosage. Et en termes de thérapie, j'ai rencontré... des rescapés qui avaient participé à une étude clinique sur les bienfaits de la plongée sur le stress post-traumatique. Et l'étude clinique a été testée sur plusieurs populations comme des vétérans de l'armée, des personnes malades chroniques, des personnes endeuillées, et également... Suite aux attentats de 2015 DRSKP. et les résultats ont été positifs. L'étude a été validée et un protocole de plongée, dont l'école principale est située en Guadeloupe, mais dont le directeur et cofondateur de cette méthode fait des émules tous les ans en formant des instructeurs et des instructrices de plongée. Cette méthode m'a beaucoup aidée.

  • Speaker #1

    D'accord. Donc tu as participé à cette méthode ?

  • Speaker #0

    Oui, je n'ai pas eu l'occasion de participer à l'étude qui a eu lieu, il me semble, en 2017. D'accord. Merci beaucoup. Certaines rescapées m'en ont parlé et m'ont permis de faire un voyage en groupe. Après cette découverte, j'y suis retournée quatre fois de plus. J'essaye moi aussi d'en parler aux personnes qui auraient des troubles type phobie sévère. Je n'ai pas encore rencontré, heureusement, de personnes. qui aurait subi un choc comme une attaque de masse. Mais j'essaye de parler autour de moi de cette méthode qui s'appelle Baptisme-Aide.

  • Speaker #1

    Est-ce que tu t'es retrouvée en position d'aidante, toi ?

  • Speaker #0

    Je suis de nature déjà assez psychologue, à analyser les situations, à conseiller si je le peux. Donc nécessairement, oui, ça m'est arrivé. Et je dirais qu'une fois qu'on porte le badge RSKP d'attentat, les personnes viennent parfois naturellement exposer un problème. En fait, les gens font beaucoup de projections. Naturellement, je n'ai pas forcément noté tout, mais oui, ça a été jusqu'à, une fois que je l'ai découvert, accompagner des gens pour plonger. J'ai commencé par mon frère, ma sœur, qui avait des troubles plutôt... confiance en soi, assumer une identité, jusqu'à la phobie de l'eau. Mon ami qui est venu avec moi et qui a vaincu sa peur de l'eau.

  • Speaker #1

    D'accord. Donc c'est toi qui les as accompagnées ? Oui. Et comment tu te sens dans ce rôle ?

  • Speaker #0

    C'est gratifiant. On se dit qu'on sert à quelque chose.

  • Speaker #1

    Ça a un terme, ça. Ça s'appelle l'euphorie de l'aidant.

  • Speaker #0

    Je vais recommencer alors. Ça me semble légal. Je pense que je peux le faire encore.

  • Speaker #1

    J'aimerais revenir sur l'encadrement et le suivi. Moi, en t'écoutant, j'ai l'impression que... Tu as été bien encadrée, bien suivie, mais est-ce que tu penses qu'il y a des choses qui pourraient être améliorées par le corps médical ?

  • Speaker #0

    Je dirais la sensibilisation à l'impact psychique que peuvent avoir les événements. Évidemment, on va tout de suite faire venir une ambulance en cas de problème, mais continuer à... montrer aux personnes, notamment, je sais que ça existe déjà, j'ai déjà vu des personnes avec des petits gilets qui sont signalés.

  • Speaker #1

    Ces cellules d'unité médico-psychologique. Oui,

  • Speaker #0

    je crois. Voilà. Continuer la visibilité de ce personnel-là parce qu'une mauvaise santé psychique peut amener... des vrais troubles ensuite. On peut attenter à sa vie après.

  • Speaker #1

    On revient sur ce que tu nous as raconté. Des personnes, finalement, passent à travers les mailles du filet, ignorent même que ça existe. Elles peuvent se retrouver avec un stress post-traumatique non pris en charge, finalement. Tout à fait. Au cours de ton parcours, qu'est-ce qui a été le plus difficile à surmonter ?

  • Speaker #0

    Assumer son identité de victime, c'est un vrai défi. parce qu'on ne s'en empare pas chacun et chacune de la même façon. Encore une fois, c'est indexé sur la personne qu'on est avant. Et du coup, se dire, mais qu'est-ce que je vais en faire ? Est-ce que je vais devenir une star des réseaux sociaux ? Comment je vais transformer ça ? Est-ce que je vais être visible ? Est-ce que je vais être transparent ? L'identité de victime, c'est difficile parce qu'il faut continuer à vivre. Donc, c'est arrivé sur une population... ni jeune ni âgé, mais qui a encore beaucoup de choses à vivre. Donc, continuer à travailler, continuer à peut-être fonder une famille ou pas, c'est ça qui est le plus difficile, à mon sens. Qu'est-ce que je fais maintenant de ma carcasse ? C'est ça, le challenge.

  • Speaker #1

    Est-ce qu'il y a eu des étapes où tu t'es dit j'ai franchi quelque chose, j'ai dépassé quelque chose, ça va mieux ?

  • Speaker #0

    Je dirais que la plongée a été décisive parce qu'elle force à... éviter les pensées parasites, pour appliquer des consignes simples, respirer calmement. Si on a la chance d'être dans un joli environnement comme la mer des Caraïbes, par exemple, et qu'on peut voir de jolis poissons, etc., on peut se rendre compte qu'il y a des choses à découvrir. Pour moi, c'était une découverte à ce moment-là. Mais même si on est, admettons, dans une eau d'un joli bleu, on découvre la valeur de la vie. Se dire je respire, j'applique des consignes simples et je me retrouve face à la valeur de ma vie. Et je réussis à faire quelque chose de simple. Je respire, je vis, je suis fière, je sors, je continue.

  • Speaker #1

    J'aimerais bien qu'on parle un peu des conseils que tu pourrais donner. aux femmes ou aux hommes qui traversent la même chose que toi. C'est-à-dire qu'en fait, le stress post-traumatique, pour rappel, effectivement, c'est avoir subi un événement ou avoir été témoin d'un événement qui t'a mis en danger sur le plan vital ou sur le plan fonctionnel. Donc ça englobe beaucoup de personnes, finalement. Je crois que selon les statistiques, on estime qu'en France, il y aura jusque 5% des personnes qui pourraient souffrir d'un stress post-traumatique durant leur vie. Quel conseil, toi, tu donnerais à ces personnes ?

  • Speaker #0

    De ne pas ignorer l'impact que ça a eu sur eux, qu'il est anormal de subir ou d'assister à ce genre de choses. Du coup, ça brise un équilibre cérébral, émotionnel, et on ne peut pas ignorer des lésions invisibles que ça nous inflige. Et donc, comme quand on a une... n'importe quelle autre blessure, on va se soigner. Aller se soigner, va te faire soigner, c'est pas un gros mot.

  • Speaker #1

    Bien sûr. Donc tu les engagerais à franchir le pas, en fait. Oui. Voilà, parce que ça marche le traitement. Oui. Fanny, qu'est-ce qu'on peut te souhaiter pour la suite ?

  • Speaker #0

    Je dirais une bonne... cicatrisation de mes blessures et puis de continuer à méditer sur la valeur de la vie des séances de plongée peut-être aussi ? ah oui, plein de séances de plongée et pour rassurer tout le monde, c'est possible dans tous les départements. C'est possible même dans une piscine.

  • Speaker #1

    Ouais. Et il y a un petit point, quelque chose que tu nous as partagé avant, c'est que tu t'étais mise à chanter et à faire de la musique.

  • Speaker #0

    Oui, c'est vrai. Mon compagnon actuel est guitariste amateur et on s'est notamment rencontrés autour de la musique. Donc moi, au chant et avec quelques petites bases de guitare. Et lui... à la guitare et du coup ça fait écho à ce qui m'est arrivé donc ça tord le cou à un événement traumatique

  • Speaker #1

    Fanny merci beaucoup pour ce témoignage c'était très riche, assez émouvant on souhaite le meilleur pour la suite merci beaucoup,

  • Speaker #0

    merci à vous

  • Speaker #1

    Merci à toutes et à tous de nous avoir suivis. N'hésitez pas à partager cet épisode. J'espère que la parole de Fanny vous a autant aidé que moi à comprendre davantage cette pathologie encore trop souvent ignorée. Je la remercie encore vivement de nous avoir confié son histoire. Pour compléter ce témoignage, nous allons solliciter l'éclairage d'un expert. Rendez-vous la semaine prochaine. En attendant, si vous souhaitez aller plus loin, je vous recommande ces associations. L'association AFVT Association française des victimes de terrorisme, l'association 13-11-15, l'association mémoire traumatique et victimologie, ou encore l'association filigrane. On se retrouve dans deux semaines, même jour, même heure, pour entendre une autre histoire de passion. En attendant, je vous dis à très vite, et surtout, prenez soin de vous !

  • Speaker #0

    Ce podcast vous a été proposé par la plateforme Levy.

Description

Comment continuer de vivre quand on a traversé l'inimaginable ? Comment se relève-t-on d’un événement traumatique de cette envergure ?


Que faisiez-vous lors des attentats du 13 novembre 2015 ? 


Ce soir-là, Fanny était au Bataclan avec ses amis, comme des centaines de personnes. Elle voulait simplement profiter d’un concert. Elle ne sait pas encore que sa vie va basculer. Victime rescapée, elle va devoir affronter les conséquences d’un stress post-traumatique. 


Aujourd’hui dans « Patients » on va parler d’un sujet très étudié depuis la guerre du Vietnam : le stress post-traumatique.

Pour aller plus loin : 


Vous pouvez suivre Fanny sur son compte Instagram : https://www.instagram.com/faniparolini?utm_source=ig_web_button_share_sheet&igsh=ZDNlZDc0MzIxNw==


Vous souffrez de stress post-traumatique et vous souhaitez en parler avec un médecin généraliste ou spécialiste ? Nos médecins sont à votre écoute.

*Ce podcast recueille des témoignages personnels qui peuvent heurter votre sensibilité. Nous vous rappelons que ces récits représentent le vécu de nos invités et ne sont pas nécessairement représentatifs de notre point de vue.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Ce podcast vous est proposé par la plateforme Livi.

  • Speaker #1

    Bonjour, je m'appelle César Ancel-Ancel. Je suis médecin généraliste et urgentiste. Bienvenue dans Patient, saison 2.

  • Speaker #0

    Fanny et le stress post-traumatique

  • Speaker #1

    Que faisiez-vous lors des attentats du 13 novembre 2015 ? Ce soir-là, Fanny était au Bataclan avec ses amis, comme des centaines de personnes. Elle voulait simplement profiter d'un concert. Elle ne sait pas encore que sa vie va basculer. Victime rescapée, elle va devoir affronter les conséquences d'un stress post-traumatique. Cette pathologie, très étudiée depuis les années 70, notamment suite à la guerre du Vietnam, est responsable de troubles invalidants mais accessibles à la thérapie. Comment continuer de vivre quand on a traversé l'inimaginable ? Comment se relève-t-on d'un événement traumatique de cette envergure ? Aujourd'hui, j'ai la chance d'accueillir Fanny qui va nous raconter son histoire. Bonjour Fanny. Bonjour. Est-ce que ça te dérange si on se tutoie ?

  • Speaker #0

    Non, aucun problème.

  • Speaker #1

    Comment vas-tu ?

  • Speaker #0

    Bien, merci.

  • Speaker #1

    Fanny, est-ce que tu peux te présenter en quelques mots ? Oui,

  • Speaker #0

    donc je m'appelle Fanny, j'ai 39 ans et j'ai été invitée par votre équipe pour vous parler des effets du choc post-traumatique. puisque j'ai traversé les attentats qui ont touché Paris en 2015.

  • Speaker #1

    Je suis ravi de te recevoir, Fanny, aujourd'hui dans Patience. Je sais que tu prends peu la parole sur ce sujet. Vraiment, merci de nous faire confiance pour nous confier ton témoignage. Je vous en prie. Ton témoignage qui est vraiment nécessaire pour venir en aide aux personnes qui traversent ou qui ont traversé la même chose que toi, notamment le stress post-traumatique. Est-ce que tu peux nous raconter un peu ton histoire ?

  • Speaker #0

    Oui, j'habitais à Paris. À l'époque, j'allais très souvent au concert, c'était un hobby, et je me rendais, comme de nombreux Parisiens, de nombreux soirs de ma vie, à un concert au Bataclan. Sauf que, comme tout le monde le sait... Ça a mal tourné et d'une soirée banale dans ma vie, c'est devenu un tournant qu'on ne contrôle absolument pas et qui... change le reste de la vie.

  • Speaker #1

    J'aimerais bien que tu nous dises avec tes mots ce que c'est le stress post-traumatique.

  • Speaker #0

    Alors, en tant que patient, je peux déjà dire que c'est quelque chose qu'on ne mesure pas très bien au départ. On sait qu'il nous est arrivé quelque chose de très grave. Comme toute chose très grave, il va falloir le soigner, mais on ne mesure pas vraiment le choc qui nous est arrivé et les retentissements que ça va produire. Le choc post-traumatique, il peut s'exprimer en partie immédiatement, mais aussi à moyen terme et aussi à long terme. Donc ça va être différentes manifestations, aussi bien psychiques que physiques, et cela dépend de chaque individu.

  • Speaker #1

    Toi, avant cette horrible soirée, comment tu définirais la Fanny, la jeune femme de 31 ans avant le Bataclan ?

  • Speaker #0

    Comment dire ? Une personne qui voulait s'amuser, qui voulait enchaîner les concerts. En fait, je vivais déjà une forme de thérapie à travers la musique, comme beaucoup de gens, comme avec tout type de musique, une forme de catharsis. J'étais assez un tournant de ma vie. Donc voilà, je me disais, qu'est-ce que je veux faire de ma vie maintenant ? Une nouvelle phase, je veux m'amuser, je veux rencontrer de nouvelles personnes. Et ça passait par... L'amusement, les concerts, notamment.

  • Speaker #1

    Tu travaillais à cette époque-là ? Oui,

  • Speaker #0

    je travaillais, effectivement. Je travaille toujours avec des aménagements, au vu de ce qui est arrivé. Mais oui, je travaillais.

  • Speaker #1

    Qu'est-ce que tu fais comme métier ?

  • Speaker #0

    Je travaille pour le ministère de l'écologie.

  • Speaker #1

    On va revenir sur le stress post-traumatique. Est-ce que tu pourrais décrire les symptômes que tu as eus ?

  • Speaker #0

    Il y a eu d'abord, pour survivre, mon mécanisme. Dans un premier temps, ça a été la dissociation. C'est-à-dire faire comme si, bien malgré moi, faire comme si ça ne m'était pas pleinement arrivé, ou tout du moins décrire l'événement de l'extérieur, comme si ce n'était pas à moi que c'était arrivé. donc j'ai essayé de m'expliquer les choses par la politique la géopolitique et pourquoi ils ont fait ça chercher des raisons parler au pluriel aussi nous, mais voilà j'ai survécu dans un premier temps en me mettant pas dedans, après j'ai réalisé que grâce à mon suivi psychiatrique que Ce n'était pas aidant parce que là, du coup, je faisais semblant de ne pas être dans l'événement, alors que le but d'une vraie thérapie globale, c'est quand même de se dire Ok, j'y étais, et maintenant, comment on répare ? Donc ça a été un processus assez long. Autre symptôme, des terreurs, des cauchemars, des peurs d'intrusion, des faux instincts. Oui, là, je sens qu'il va se passer quelque chose d'horrible, des intuitions terribles. Et puis, ce qui est encore plus triste, c'est que parfois, des intuitions qui se sont révélées vraies, comme le 14 juillet 2016, j'étais persuadée qu'il allait se passer quelque chose. Pour moi, c'était évident, parce que je n'arrêtais pas de cogiter en me disant Mais oui, mais là, c'est la fête nationale, donc ce serait quand même une bonne... date pour attaquer le pays, etc. Donc, des psychoses comme ça, justifiées ou non.

  • Speaker #1

    Comment ça s'est passé le 14 juillet ?

  • Speaker #0

    J'ai déjà eu beaucoup de mal ce jour-là à rejoindre ma famille. Je devais rendre visite à ma famille dans le sud de la France. J'ai eu énormément de mal à prendre le train et rien que sur le quai, j'analysais, comme je le fais encore aujourd'hui, le comportement des gens, leurs attitudes, mais qu'est-ce qu'il peut bien y avoir dans ce sac ? Mais pourquoi il monte et il descend ? Il faut dire que je pense que toutes les victimes rescapées ne prennent pas nécessairement les transports encore aujourd'hui. Donc le fait de les prendre... comme pour arriver jusqu'à vous aujourd'hui, honnêtement. Ce n'était pas super facile. Et donc, j'ai demandé de l'aide à la personne à côté de moi, en lui demandant, vous ne trouvez pas que c'est bizarre ? Est-ce que vous pensez que je devrais descendre du train ? Elle m'a rassurée et elle m'a permis d'arriver à destination. On a d'ailleurs sympathisé et on est restés amis jusqu'à aujourd'hui. Une dame formidable. Je suis finalement arrivée à destination dans le sud de la France. Et là, j'ai fait part à ma famille de ma peur en disant Écoutez, je ne vais pas aller au milieu du village, moi, regarder le feu d'artifice. Je ne peux pas.

  • Speaker #1

    C'était où, dans le sud de la France ?

  • Speaker #0

    C'était dans la région de Narbonne. D'accord. Et voilà, donc j'ai évité. Je suis restée bien cloîtrée dans la maison pour ne pas entendre de bruit de feu d'artifice. Et j'avais les yeux rivés sur la télévision, sur Paris, en fait, en me disant, ben voilà, ils vont frapper Paris. Et en fait, non, ils n'ont pas frappé Paris, ils ont frappé Nice. Et moi, j'étais là, ben voilà, je le savais, je m'en doutais, c'était sûr. Et c'est un schéma qui se reproduit en anticipation. Parfois, c'est juste, parfois, c'est complètement fantasmé. Mais bon, c'est...

  • Speaker #1

    C'est quelque chose qui t'accompagne encore ?

  • Speaker #0

    Oui, tout à fait. D'accord. Récemment, j'ai été invitée à l'Olympia. Je n'avais pas franchement envie d'y aller.

  • Speaker #1

    Tu y as été ?

  • Speaker #0

    J'y suis allée, j'ai passé une très mauvaise soirée.

  • Speaker #1

    À cause de ça ?

  • Speaker #0

    Oui, parce que je me disais, c'est une belle enseigne, c'est quand même une salle mythique. Donc résultat des courses, je savais qu'il y avait quelques rescapés présents, je les ai cherchés. Et ensuite, j'étais aussi accompagnée par quelqu'un qui connaît mon état. Et j'ai quitté la salle par une sortie, pas la sortie principale. Parce que là, on est à quelques jours des attentats du 22 mars à Moscou. Et ça a ravivé énormément le traumatisme de savoir que devant et à l'intérieur d'une salle où allait se passer un concert de rock, les gens sont insacrés en masse.

  • Speaker #1

    Donc, ces intuitions, ces flashs qui reviennent. J'aimerais bien revenir sur, immédiatement après les événements, comment ça s'est passé ? Est-ce que tu as bénéficié d'une prise en charge ? immédiate, est-ce que tu peux nous raconter ?

  • Speaker #0

    Alors, effectivement, il y a eu la mise en place de cellules d'urgence et d'écoute dans les mairies d'arrondissement de Paris. Je ne sais pas si c'est toutes les mairies, mais il y a eu l'ouverture des hôpitaux également. Et moi, à l'époque, mon conjoint m'a dit... qu'il était nécessaire, alors que moi j'avais plutôt envie de me cloîtrer chez moi, qu'il était nécessaire d'aller parler à ces cellules. Donc on s'est rendu à la mairie du 11e arrondissement, on a rencontré des psychiatres, on a pu... déjà pour cet événement énorme, commencer à le partager. Et après, je me suis rendue à l'hôpital, à l'Hôtel Dieu, où il y a une cellule médico-judiciaire où on peut parler de ce genre d'événements d'une échelle sans précédent. Je pense, en tout cas, à Paris, en temps de paix théorique.

  • Speaker #1

    Et c'est quoi ton ressenti sur cette prise en charge ? Tu as trouvé ça utile ? Tu as ressenti que ça t'avait aidé ?

  • Speaker #0

    Oui, oui, oui, vraiment. Et... Il y a eu une prise en charge également immédiate après les événements, dans les rues voisines du Bataclan. Il y a eu des hôpitaux de campagne, en quelque sorte. Mais également pour les blessés psychiques, le relevé de notre identité et la possibilité de parler. Bon, même si d'abord, il fallait parler aux autorités, mais on pouvait aussi un petit peu parler à des médecins à ce moment-là. je sais également qu'il y a des personnes qui sont reparties chez elles, parce qu'on est libre, finalement. On a une liberté de soin dans notre pays. On peut parler ou ne pas parler, rentrer chez soi. Et ça m'a beaucoup frappée de savoir que certains sont sortis de la salle, vous avez une blessure physique, non, bon, ok, on passe. Ça renvoie à une forme de responsabilité ou de possibilité également. de prendre cette liberté, cette responsabilité individuelle de parler quand on a un choc. Et je pense qu'il est important de mettre le plus rapidement possible les cellules d'écoute suite au choc. Je ne peux pas faire de lien direct, mais je sais, pour l'événement qui me concerne, qu'il y a eu des victimes. à postériori, une 131ème et peut-être même une 132ème victime, parce que les personnes ne supportent plus la vie. Je ne peux pas faire de lien direct.

  • Speaker #1

    Tu parles de personnes qui se sont suicidées ? Oui.

  • Speaker #0

    Pour dire qu'on ne peut pas forcer les soins, on est libre.

  • Speaker #1

    Bien sûr.

  • Speaker #0

    Mais la visibilité et la disponibilité des soins psychiques, psychiatriques, psychologiques, est vraiment vitale.

  • Speaker #1

    Une fois que tu as bénéficié de cette prise en charge en aiguë, ensuite, comment ça s'est passé ? Ça s'est articulé, c'est-à-dire qu'on t'a proposé une sorte de suivi régulier en ambulatoire ? On te l'a proposé directement ? Ou c'est toi qui as dû te débrouiller pour trouver des personnes, psychologues ou psychiatres, qui se sont occupés de toi ? Comment ça s'est passé ?

  • Speaker #0

    J'ai dû parler à la police deux fois. Il me semble que c'est après la seconde fois que j'ai déposé que... La police m'a orientée vers l'hôtel Dieu. Les hôpitaux nous sont restés ouverts très longtemps. Tant qu'on est encore dans les dix ans après les faits, je pense qu'on n'a pas de difficulté à trouver un psychiatre. En tout cas, moi, je vis en région parisienne et j'habitais Paris à l'époque, donc je peux témoigner de ça. Je ne sais pas pour le reste du territoire, mais si on le veut, on le peut. Mais après, on ne vient pas chercher les patients chez eux.

  • Speaker #1

    Ensuite, tu as enchaîné sur un suivi régulier que tu as encore actuellement ?

  • Speaker #0

    Une fois que j'ai rencontré mon psychiatre, on a, sur plusieurs années, tissé un lien de confiance, parce que c'est une discipline particulière qui implique la proposition de médicaments, qu'une fois qu'on accepte de prendre un médicament, il y a la recherche de la bonne molécule. la tolérance de la molécule, le changement de molécule. Ça nécessite aussi beaucoup de bonne volonté, de discipline aussi, parce qu'autrement, c'est...

  • Speaker #1

    Oui, tu as des ajustements parce que tu as les molécules différentes et selon les personnes, on a plus ou moins des effets indésirables ou une efficacité. Donc, tu as eu cet ajustement. Est-ce qu'en parallèle, tu as bénéficié d'une psychothérapie ?

  • Speaker #0

    Oui, encore une fois, sur mon initiative.

  • Speaker #1

    Sur ton initiative, oui, d'accord.

  • Speaker #0

    Oui, et à ce moment-là, autour de ma trentaine, j'envisageais des changements de vie. L'idée de suivre une psychothérapie m'avait déjà germé en moi. Après cet événement, j'ai cherché plus spécifiquement une psychologue qui faisait appel au corps pour réinvestir mon corps. Honnêtement, je crois que j'ai été vraiment, comme certains psychiatres me l'ont expliqué, dans un syndrome de dissociation type syndrome de Lazare, c'est-à-dire avoir été confrontée à la mort et ne pas en être totalement revenue, c'est-à-dire être un peu comme une âme qui vit à côté de son corps. qui n'est pas vraiment... quelqu'un qui n'est pas vraiment incarné.

  • Speaker #1

    Tu parlais tout à l'heure d'une dissociation au niveau, on va dire, mental, mais tu avais aussi cette composante du corps, tu avais l'impression de ne pas être dans ton corps finalement, c'est ça ?

  • Speaker #0

    Oui, tout à fait.

  • Speaker #1

    D'accord. Et ça, le traitement, la psychothérapie a été efficace là-dessus ?

  • Speaker #0

    Oui, c'était des séances particulières qui alliaient marche ou course à la psychothérapie.

  • Speaker #1

    D'accord.

  • Speaker #0

    D'ailleurs, je remercie beaucoup cette psychologue qui avait une méthode très innovante. Ça peut se rapprocher aussi de la Gestalt-thérapie.

  • Speaker #1

    D'accord.

  • Speaker #0

    On mobilise le patient en faisant des scénettes,

  • Speaker #1

    des jeux de rôle,

  • Speaker #0

    en prononçant des textes, des choses qui impliquent. Donc oui, ça a été efficace. Je suis toujours les séances avec cette psychologue. Nous ne faisons plus de sport ensemble, mais le fait de toujours la voir... me soutient énormément.

  • Speaker #1

    Tu sens que cet accompagnement que tu as eu depuis le début te permet d'avancer progressivement et d'aller mieux.

  • Speaker #0

    Tout à fait, oui. Je ne sais pas comment le formuler, mais le fait de prononcer le mot patient depuis tout à l'heure et que ça fasse aussi partie de votre thème, ça me rappelle vraiment le concept de patience qu'il faut avoir. Parce qu'aller mieux prend un peu de temps.

  • Speaker #1

    Oui, ça c'est important de le dire, effectivement. Ce n'est pas quelques séances qui vont suffire.

  • Speaker #0

    Effectivement.

  • Speaker #1

    Et c'est ce que revendiquent pas mal de psychologues, notamment sur le remboursement des séances. C'est vrai. J'aimerais bien qu'on parle un peu de ton rapport aux autres. Est-ce que tu sens que ton entourage ou les gens qui sont au courant de ce qui t'est arrivé, est-ce qu'ils parviennent à bien réagir, à t'aider ? Est-ce que tu peux nous parler du comportement de tes proches ? Comment ça s'est passé ?

  • Speaker #0

    Les événements sont assez révélateurs.

  • Speaker #1

    Tu nous as parlé tout à l'heure de ton compagnon. Oui. Qui lui a pris un peu... De l'époque. De l'époque.

  • Speaker #0

    Qui donc... les plus compagnons actuels. Ça aussi, c'est révélateur. Ah oui ? Oui, je pense que suite à des événements traumatiques, il y a de nombreux changements qui arrivent. On prend conscience des choses et parfois on se dit je souhaite commencer quelque chose de nouveau. Et ça a été le cas, je pense, pour beaucoup de mes camarades d'infortune.

  • Speaker #1

    C'est ce qui est décrit, effectivement, dans des situations de pathologie même.

  • Speaker #0

    La gestion d'un choc. s'intègre sur le terrain déjà de la personne et ce qui va émerger par la suite, il y avait déjà quelque part quelques pistes ou quelques graines dans le présent de la personne. Et pour la réaction de la famille, c'est la même chose. Si on avait un super entourage aimant, encourageant, évidemment, il va répondre positivement. continuer d'entourer, d'accompagner. Si ce n'était pas le cas, sans surprise, ça ne vient pas.

  • Speaker #1

    Tu as l'impression que cet événement a catalysé certaines choses, c'est-à-dire qu'il a intensifié, autant dans un bon sens que dans le mauvais sens, les rapports que tu pouvais avoir avec les autres ?

  • Speaker #0

    Je pense que si des personnes n'étaient pas très accompagnantes avant, parfois elles n'ont pas plus compris la gravité des choses et ne sont pas plus accompagnantes après. Ça remet les choses en perspective. Justement, on se dit, ah tiens, il semblerait que j'étais peut-être dans le manque de conscience d'une certaine situation. Maintenant que je bénéficie de certains soins, je peux peut-être ouvrir les yeux sur ce que je dois améliorer, comment je dois prendre soin de moi, quelle est la valeur de ma santé, de ma santé psychique. Ça a créé aussi... parfois des révélations.

  • Speaker #1

    Est-ce qu'il y a des choses que tu aurais souhaité qu'on te dise, des choses qu'on fasse pour mieux t'accompagner à ce moment-là ? Est-ce que tu as des choses que tu attendais, qui viennent, de proches, et qui ne sont pas venues ?

  • Speaker #0

    Ah oui, ou même tout simplement, je ne vais pas trop balancer non plus, ce n'est pas le sujet, mais même des personnes de la famille qui n'ont pas pris l'ampleur de ce qui s'est passé. Des très proches qu'il faut appeler pour dire je suis... survivante d'un massacre à bon. Et, bah oui, c'était juste comme ça. La distance, parfois, et je ne sais pas comment l'expliquer, mais il y a des personnes qui ne prennent pas la mesure de ce qui s'est passé. Je pense que c'est de moins en moins vrai en région parisienne, surtout à l'approche de nouveaux événements internationaux et suite à tout ce qui a pu se passer. en moins de dix ans sur notre territoire et dans le monde. Mais dans un premier temps, oui, un manque de prise de conscience de la gravité des faits.

  • Speaker #1

    Donc tu donnerais quand même le conseil aux personnes qui nous écoutent dans ce type de situation de bien faire attention, à bien écouter, à bien être présent et qu'on peut parfois être négligent. Ce type de situation, c'est ça, tu penses ? Oui,

  • Speaker #0

    surtout quand on parle de blessés psychologiques et que la blessure ne se voit pas. Évidemment, moi, je ne me suis pas fait reconstruire le visage. J'ai toujours mes membres. Je suis sortie recouverte du sang, mais des autres, pas le mien. C'était pas génial, c'était pas très facile à gérer, mais une fois qu'on a pris sa douche et qu'on a enlevé nos vêtements tachés, les gens ne réalisent pas. Et puis pour ceux qui ont perdu des proches, c'est difficile à comprendre aussi notre traumatisme. Je pense notamment, j'ai l'âge forcément de certaines victimes décédées, qui ont donc des parents endeuillés. Face aux parents endeuillés aussi, ça a été très difficile d'exister. parce que comment se plaindre d'être en vie quand des parents ont perdu leur enfant ? Donc ça aussi, c'est une place difficile à assumer. Ça a été tout un défi dans la vie associative, jusqu'au procès des événements. Ça a pu se terminer en bonne intelligence, parce qu'il y a des personnes... de très bonne volonté dans les associations qui essayent de créer le lien, mais ça a été très, très brutal les deux premières années. C'était très, très violent.

  • Speaker #1

    Au sein des victimes et des familles des victimes ? Oui. Tu as été suivie par des associations, accompagnée par les associations ? Alors,

  • Speaker #0

    encore une fois, c'est au bon vouloir de la personne. Si on veut rejoindre une association, on le peut. on peut même en fonder une si on veut. Et je pense que ceux qui l'ont fait ont été extrêmement courageux et bien inspirés, parce que c'est salutaire, voire salvateur. Et ça crée évidemment des liens jusqu'à aujourd'hui. Il y a aussi les fédérations d'associations, et des associations plus anciennes en rapport avec des... catastrophes en tout genre, naturelles, terroristes, etc., qui peuvent créer un super réseau de soutien. Mais encore une fois, c'est à chacun de se dire, bon, je ne dois pas être seule, vers qui je peux me tourner.

  • Speaker #1

    Comment ça se passe maintenant au niveau de ton quotidien ?

  • Speaker #0

    On est dans la neuvième année après les faits. Et pour ma part, aujourd'hui, c'est... presque un peu plus réelle, donc difficile qu'avant. Avant, je fuyais un petit peu la réalité parce que je devais tenir. J'ai décidé de changer de compagnon, changer de lieu de vie, tenter de voyager, ce qui n'était franchement pas facile après cette période. Donc, j'ai puisé énormément dans mes ressources et aujourd'hui... C'est un peu plus difficile. C'est un peu, pour moi, l'avion qui atterrit. Et se demander, après le procès, qu'est-ce que je fais ? Qu'est-ce que je deviens ? Est-ce que je suis une victime pour toujours ? Ou est-ce que j'avance ? Est-ce que je peux le faire aussi ? Est-ce que je peux avancer ? Ou est-ce que je suis tout simplement... Je ne suis pas maître de la situation ?

  • Speaker #1

    Ce côté victime pour toujours, qu'est-ce que tu en penses de ça ?

  • Speaker #0

    Je pense que c'est du domaine de la cicatrice. On peut avoir de graves fractures. et des cicatrices. Les fractures se réparent, les cicatrices se referment, mais elles restent. Et la fragilité aussi. Donc je dirais que psychiquement, c'est très comparable.

  • Speaker #1

    Là, actuellement, tu disais que tu es dans une phase un peu particulière. On a parlé au tout début de tes symptômes. Là, actuellement, tu as expliqué que tu as encore des symptômes et de l'inconfort. Comment ça se passe au niveau du rythme de tes symptômes ? Est-ce qu'il y a, par exemple, des journées où tu es tranquille, ou des périodes de ta vie où tu es tranquille ?

  • Speaker #0

    Ça se compte à la journée. voire à la demi-journée. Ça m'est arrivé il n'y a pas très longtemps. J'ai passé l'après-midi dans un jardin, un jardin d'un ami. Je me suis bien fatiguée avec les outils, avec les pots, avec la terre, etc. Et pendant plusieurs heures, j'étais très occupée. J'ai eu très, très mal au dos après. Et j'étais très contente et je me suis dit, tiens, pendant ces heures, je n'ai pas pensé à la menace parce que j'étais dans un endroit... que j'estimais sécurisant. Mais quand même, même si je ne me sentais pas menacée personnellement, je ne pouvais pas m'empêcher en entendant au loin la cour de récréation d'une école, en disant j'espère que les enfants vont bien des trucs comme ça. Ça ne quitte jamais vraiment longtemps. Même si on se dit tiens, j'ai passé deux heures à rien penser mais finalement, il y a toujours un fantôme qui vient nous hanter.

  • Speaker #1

    Mais donc, pendant plusieurs heures, tu t'es dit justement ah tiens, et c'était il y a combien de temps ça ?

  • Speaker #0

    C'était il y a peu de temps, c'était peut-être il y a une semaine.

  • Speaker #1

    Et c'était nouveau ça ?

  • Speaker #0

    Oui, c'était nouveau, parce que j'ai eu comme une forme de refute. Donc là, je me suis donné une chance avec un nouveau compagnon. Je lui ai bien dit, pourtant je lui ai dit mais t'es sûre parce que moi je suis une personne cassée donc je suis pas sûre que ce soit une super affaire. Il m'a dit non, mais moi, je ne vois pas ça. Donc, j'ai dit bon, OK. Mais c'est délicat parce qu'il y a la manière dont les autres nous voient, mais il y a cette façon dont on se voit qui est difficile à gérer.

  • Speaker #1

    Est-ce que toi, tu fais appel à d'autres choses, on va dire un peu non conventionnelles ? Je pense par exemple aux médecines douces ou à d'autres activités pour aller bien.

  • Speaker #0

    Oui. En novembre, j'ai eu le temps de tester plein de choses. Je me suis juste arrêtée devant le chamanisme. Et autrement, oui, la kinésiologie, des thérapies en tout genre. de la simple ostéopathie, chiropraxie, pour gérer des problèmes de bruxisme, crispation, jusqu'à se dire, est-ce que je ne vais pas faire des choses mystiques ? Mais je me suis arrêtée avant.

  • Speaker #1

    Est-ce que tu t'es renseignée sur... les évolutions concernant le traitement du stress post-traumatique, sur ce qui se faisait dans d'autres pays, sur des thérapies, des molécules ? Est-ce que tu t'intéresses à ça ?

  • Speaker #0

    Oui, alors en termes de thérapie notamment, je continue pour les molécules à tester plusieurs choses. Là, j'en suis à la sertraline, donc j'arrive à progressivement baisser le dosage. Et en termes de thérapie, j'ai rencontré... des rescapés qui avaient participé à une étude clinique sur les bienfaits de la plongée sur le stress post-traumatique. Et l'étude clinique a été testée sur plusieurs populations comme des vétérans de l'armée, des personnes malades chroniques, des personnes endeuillées, et également... Suite aux attentats de 2015 DRSKP. et les résultats ont été positifs. L'étude a été validée et un protocole de plongée, dont l'école principale est située en Guadeloupe, mais dont le directeur et cofondateur de cette méthode fait des émules tous les ans en formant des instructeurs et des instructrices de plongée. Cette méthode m'a beaucoup aidée.

  • Speaker #1

    D'accord. Donc tu as participé à cette méthode ?

  • Speaker #0

    Oui, je n'ai pas eu l'occasion de participer à l'étude qui a eu lieu, il me semble, en 2017. D'accord. Merci beaucoup. Certaines rescapées m'en ont parlé et m'ont permis de faire un voyage en groupe. Après cette découverte, j'y suis retournée quatre fois de plus. J'essaye moi aussi d'en parler aux personnes qui auraient des troubles type phobie sévère. Je n'ai pas encore rencontré, heureusement, de personnes. qui aurait subi un choc comme une attaque de masse. Mais j'essaye de parler autour de moi de cette méthode qui s'appelle Baptisme-Aide.

  • Speaker #1

    Est-ce que tu t'es retrouvée en position d'aidante, toi ?

  • Speaker #0

    Je suis de nature déjà assez psychologue, à analyser les situations, à conseiller si je le peux. Donc nécessairement, oui, ça m'est arrivé. Et je dirais qu'une fois qu'on porte le badge RSKP d'attentat, les personnes viennent parfois naturellement exposer un problème. En fait, les gens font beaucoup de projections. Naturellement, je n'ai pas forcément noté tout, mais oui, ça a été jusqu'à, une fois que je l'ai découvert, accompagner des gens pour plonger. J'ai commencé par mon frère, ma sœur, qui avait des troubles plutôt... confiance en soi, assumer une identité, jusqu'à la phobie de l'eau. Mon ami qui est venu avec moi et qui a vaincu sa peur de l'eau.

  • Speaker #1

    D'accord. Donc c'est toi qui les as accompagnées ? Oui. Et comment tu te sens dans ce rôle ?

  • Speaker #0

    C'est gratifiant. On se dit qu'on sert à quelque chose.

  • Speaker #1

    Ça a un terme, ça. Ça s'appelle l'euphorie de l'aidant.

  • Speaker #0

    Je vais recommencer alors. Ça me semble légal. Je pense que je peux le faire encore.

  • Speaker #1

    J'aimerais revenir sur l'encadrement et le suivi. Moi, en t'écoutant, j'ai l'impression que... Tu as été bien encadrée, bien suivie, mais est-ce que tu penses qu'il y a des choses qui pourraient être améliorées par le corps médical ?

  • Speaker #0

    Je dirais la sensibilisation à l'impact psychique que peuvent avoir les événements. Évidemment, on va tout de suite faire venir une ambulance en cas de problème, mais continuer à... montrer aux personnes, notamment, je sais que ça existe déjà, j'ai déjà vu des personnes avec des petits gilets qui sont signalés.

  • Speaker #1

    Ces cellules d'unité médico-psychologique. Oui,

  • Speaker #0

    je crois. Voilà. Continuer la visibilité de ce personnel-là parce qu'une mauvaise santé psychique peut amener... des vrais troubles ensuite. On peut attenter à sa vie après.

  • Speaker #1

    On revient sur ce que tu nous as raconté. Des personnes, finalement, passent à travers les mailles du filet, ignorent même que ça existe. Elles peuvent se retrouver avec un stress post-traumatique non pris en charge, finalement. Tout à fait. Au cours de ton parcours, qu'est-ce qui a été le plus difficile à surmonter ?

  • Speaker #0

    Assumer son identité de victime, c'est un vrai défi. parce qu'on ne s'en empare pas chacun et chacune de la même façon. Encore une fois, c'est indexé sur la personne qu'on est avant. Et du coup, se dire, mais qu'est-ce que je vais en faire ? Est-ce que je vais devenir une star des réseaux sociaux ? Comment je vais transformer ça ? Est-ce que je vais être visible ? Est-ce que je vais être transparent ? L'identité de victime, c'est difficile parce qu'il faut continuer à vivre. Donc, c'est arrivé sur une population... ni jeune ni âgé, mais qui a encore beaucoup de choses à vivre. Donc, continuer à travailler, continuer à peut-être fonder une famille ou pas, c'est ça qui est le plus difficile, à mon sens. Qu'est-ce que je fais maintenant de ma carcasse ? C'est ça, le challenge.

  • Speaker #1

    Est-ce qu'il y a eu des étapes où tu t'es dit j'ai franchi quelque chose, j'ai dépassé quelque chose, ça va mieux ?

  • Speaker #0

    Je dirais que la plongée a été décisive parce qu'elle force à... éviter les pensées parasites, pour appliquer des consignes simples, respirer calmement. Si on a la chance d'être dans un joli environnement comme la mer des Caraïbes, par exemple, et qu'on peut voir de jolis poissons, etc., on peut se rendre compte qu'il y a des choses à découvrir. Pour moi, c'était une découverte à ce moment-là. Mais même si on est, admettons, dans une eau d'un joli bleu, on découvre la valeur de la vie. Se dire je respire, j'applique des consignes simples et je me retrouve face à la valeur de ma vie. Et je réussis à faire quelque chose de simple. Je respire, je vis, je suis fière, je sors, je continue.

  • Speaker #1

    J'aimerais bien qu'on parle un peu des conseils que tu pourrais donner. aux femmes ou aux hommes qui traversent la même chose que toi. C'est-à-dire qu'en fait, le stress post-traumatique, pour rappel, effectivement, c'est avoir subi un événement ou avoir été témoin d'un événement qui t'a mis en danger sur le plan vital ou sur le plan fonctionnel. Donc ça englobe beaucoup de personnes, finalement. Je crois que selon les statistiques, on estime qu'en France, il y aura jusque 5% des personnes qui pourraient souffrir d'un stress post-traumatique durant leur vie. Quel conseil, toi, tu donnerais à ces personnes ?

  • Speaker #0

    De ne pas ignorer l'impact que ça a eu sur eux, qu'il est anormal de subir ou d'assister à ce genre de choses. Du coup, ça brise un équilibre cérébral, émotionnel, et on ne peut pas ignorer des lésions invisibles que ça nous inflige. Et donc, comme quand on a une... n'importe quelle autre blessure, on va se soigner. Aller se soigner, va te faire soigner, c'est pas un gros mot.

  • Speaker #1

    Bien sûr. Donc tu les engagerais à franchir le pas, en fait. Oui. Voilà, parce que ça marche le traitement. Oui. Fanny, qu'est-ce qu'on peut te souhaiter pour la suite ?

  • Speaker #0

    Je dirais une bonne... cicatrisation de mes blessures et puis de continuer à méditer sur la valeur de la vie des séances de plongée peut-être aussi ? ah oui, plein de séances de plongée et pour rassurer tout le monde, c'est possible dans tous les départements. C'est possible même dans une piscine.

  • Speaker #1

    Ouais. Et il y a un petit point, quelque chose que tu nous as partagé avant, c'est que tu t'étais mise à chanter et à faire de la musique.

  • Speaker #0

    Oui, c'est vrai. Mon compagnon actuel est guitariste amateur et on s'est notamment rencontrés autour de la musique. Donc moi, au chant et avec quelques petites bases de guitare. Et lui... à la guitare et du coup ça fait écho à ce qui m'est arrivé donc ça tord le cou à un événement traumatique

  • Speaker #1

    Fanny merci beaucoup pour ce témoignage c'était très riche, assez émouvant on souhaite le meilleur pour la suite merci beaucoup,

  • Speaker #0

    merci à vous

  • Speaker #1

    Merci à toutes et à tous de nous avoir suivis. N'hésitez pas à partager cet épisode. J'espère que la parole de Fanny vous a autant aidé que moi à comprendre davantage cette pathologie encore trop souvent ignorée. Je la remercie encore vivement de nous avoir confié son histoire. Pour compléter ce témoignage, nous allons solliciter l'éclairage d'un expert. Rendez-vous la semaine prochaine. En attendant, si vous souhaitez aller plus loin, je vous recommande ces associations. L'association AFVT Association française des victimes de terrorisme, l'association 13-11-15, l'association mémoire traumatique et victimologie, ou encore l'association filigrane. On se retrouve dans deux semaines, même jour, même heure, pour entendre une autre histoire de passion. En attendant, je vous dis à très vite, et surtout, prenez soin de vous !

  • Speaker #0

    Ce podcast vous a été proposé par la plateforme Levy.

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Description

Comment continuer de vivre quand on a traversé l'inimaginable ? Comment se relève-t-on d’un événement traumatique de cette envergure ?


Que faisiez-vous lors des attentats du 13 novembre 2015 ? 


Ce soir-là, Fanny était au Bataclan avec ses amis, comme des centaines de personnes. Elle voulait simplement profiter d’un concert. Elle ne sait pas encore que sa vie va basculer. Victime rescapée, elle va devoir affronter les conséquences d’un stress post-traumatique. 


Aujourd’hui dans « Patients » on va parler d’un sujet très étudié depuis la guerre du Vietnam : le stress post-traumatique.

Pour aller plus loin : 


Vous pouvez suivre Fanny sur son compte Instagram : https://www.instagram.com/faniparolini?utm_source=ig_web_button_share_sheet&igsh=ZDNlZDc0MzIxNw==


Vous souffrez de stress post-traumatique et vous souhaitez en parler avec un médecin généraliste ou spécialiste ? Nos médecins sont à votre écoute.

*Ce podcast recueille des témoignages personnels qui peuvent heurter votre sensibilité. Nous vous rappelons que ces récits représentent le vécu de nos invités et ne sont pas nécessairement représentatifs de notre point de vue.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Ce podcast vous est proposé par la plateforme Livi.

  • Speaker #1

    Bonjour, je m'appelle César Ancel-Ancel. Je suis médecin généraliste et urgentiste. Bienvenue dans Patient, saison 2.

  • Speaker #0

    Fanny et le stress post-traumatique

  • Speaker #1

    Que faisiez-vous lors des attentats du 13 novembre 2015 ? Ce soir-là, Fanny était au Bataclan avec ses amis, comme des centaines de personnes. Elle voulait simplement profiter d'un concert. Elle ne sait pas encore que sa vie va basculer. Victime rescapée, elle va devoir affronter les conséquences d'un stress post-traumatique. Cette pathologie, très étudiée depuis les années 70, notamment suite à la guerre du Vietnam, est responsable de troubles invalidants mais accessibles à la thérapie. Comment continuer de vivre quand on a traversé l'inimaginable ? Comment se relève-t-on d'un événement traumatique de cette envergure ? Aujourd'hui, j'ai la chance d'accueillir Fanny qui va nous raconter son histoire. Bonjour Fanny. Bonjour. Est-ce que ça te dérange si on se tutoie ?

  • Speaker #0

    Non, aucun problème.

  • Speaker #1

    Comment vas-tu ?

  • Speaker #0

    Bien, merci.

  • Speaker #1

    Fanny, est-ce que tu peux te présenter en quelques mots ? Oui,

  • Speaker #0

    donc je m'appelle Fanny, j'ai 39 ans et j'ai été invitée par votre équipe pour vous parler des effets du choc post-traumatique. puisque j'ai traversé les attentats qui ont touché Paris en 2015.

  • Speaker #1

    Je suis ravi de te recevoir, Fanny, aujourd'hui dans Patience. Je sais que tu prends peu la parole sur ce sujet. Vraiment, merci de nous faire confiance pour nous confier ton témoignage. Je vous en prie. Ton témoignage qui est vraiment nécessaire pour venir en aide aux personnes qui traversent ou qui ont traversé la même chose que toi, notamment le stress post-traumatique. Est-ce que tu peux nous raconter un peu ton histoire ?

  • Speaker #0

    Oui, j'habitais à Paris. À l'époque, j'allais très souvent au concert, c'était un hobby, et je me rendais, comme de nombreux Parisiens, de nombreux soirs de ma vie, à un concert au Bataclan. Sauf que, comme tout le monde le sait... Ça a mal tourné et d'une soirée banale dans ma vie, c'est devenu un tournant qu'on ne contrôle absolument pas et qui... change le reste de la vie.

  • Speaker #1

    J'aimerais bien que tu nous dises avec tes mots ce que c'est le stress post-traumatique.

  • Speaker #0

    Alors, en tant que patient, je peux déjà dire que c'est quelque chose qu'on ne mesure pas très bien au départ. On sait qu'il nous est arrivé quelque chose de très grave. Comme toute chose très grave, il va falloir le soigner, mais on ne mesure pas vraiment le choc qui nous est arrivé et les retentissements que ça va produire. Le choc post-traumatique, il peut s'exprimer en partie immédiatement, mais aussi à moyen terme et aussi à long terme. Donc ça va être différentes manifestations, aussi bien psychiques que physiques, et cela dépend de chaque individu.

  • Speaker #1

    Toi, avant cette horrible soirée, comment tu définirais la Fanny, la jeune femme de 31 ans avant le Bataclan ?

  • Speaker #0

    Comment dire ? Une personne qui voulait s'amuser, qui voulait enchaîner les concerts. En fait, je vivais déjà une forme de thérapie à travers la musique, comme beaucoup de gens, comme avec tout type de musique, une forme de catharsis. J'étais assez un tournant de ma vie. Donc voilà, je me disais, qu'est-ce que je veux faire de ma vie maintenant ? Une nouvelle phase, je veux m'amuser, je veux rencontrer de nouvelles personnes. Et ça passait par... L'amusement, les concerts, notamment.

  • Speaker #1

    Tu travaillais à cette époque-là ? Oui,

  • Speaker #0

    je travaillais, effectivement. Je travaille toujours avec des aménagements, au vu de ce qui est arrivé. Mais oui, je travaillais.

  • Speaker #1

    Qu'est-ce que tu fais comme métier ?

  • Speaker #0

    Je travaille pour le ministère de l'écologie.

  • Speaker #1

    On va revenir sur le stress post-traumatique. Est-ce que tu pourrais décrire les symptômes que tu as eus ?

  • Speaker #0

    Il y a eu d'abord, pour survivre, mon mécanisme. Dans un premier temps, ça a été la dissociation. C'est-à-dire faire comme si, bien malgré moi, faire comme si ça ne m'était pas pleinement arrivé, ou tout du moins décrire l'événement de l'extérieur, comme si ce n'était pas à moi que c'était arrivé. donc j'ai essayé de m'expliquer les choses par la politique la géopolitique et pourquoi ils ont fait ça chercher des raisons parler au pluriel aussi nous, mais voilà j'ai survécu dans un premier temps en me mettant pas dedans, après j'ai réalisé que grâce à mon suivi psychiatrique que Ce n'était pas aidant parce que là, du coup, je faisais semblant de ne pas être dans l'événement, alors que le but d'une vraie thérapie globale, c'est quand même de se dire Ok, j'y étais, et maintenant, comment on répare ? Donc ça a été un processus assez long. Autre symptôme, des terreurs, des cauchemars, des peurs d'intrusion, des faux instincts. Oui, là, je sens qu'il va se passer quelque chose d'horrible, des intuitions terribles. Et puis, ce qui est encore plus triste, c'est que parfois, des intuitions qui se sont révélées vraies, comme le 14 juillet 2016, j'étais persuadée qu'il allait se passer quelque chose. Pour moi, c'était évident, parce que je n'arrêtais pas de cogiter en me disant Mais oui, mais là, c'est la fête nationale, donc ce serait quand même une bonne... date pour attaquer le pays, etc. Donc, des psychoses comme ça, justifiées ou non.

  • Speaker #1

    Comment ça s'est passé le 14 juillet ?

  • Speaker #0

    J'ai déjà eu beaucoup de mal ce jour-là à rejoindre ma famille. Je devais rendre visite à ma famille dans le sud de la France. J'ai eu énormément de mal à prendre le train et rien que sur le quai, j'analysais, comme je le fais encore aujourd'hui, le comportement des gens, leurs attitudes, mais qu'est-ce qu'il peut bien y avoir dans ce sac ? Mais pourquoi il monte et il descend ? Il faut dire que je pense que toutes les victimes rescapées ne prennent pas nécessairement les transports encore aujourd'hui. Donc le fait de les prendre... comme pour arriver jusqu'à vous aujourd'hui, honnêtement. Ce n'était pas super facile. Et donc, j'ai demandé de l'aide à la personne à côté de moi, en lui demandant, vous ne trouvez pas que c'est bizarre ? Est-ce que vous pensez que je devrais descendre du train ? Elle m'a rassurée et elle m'a permis d'arriver à destination. On a d'ailleurs sympathisé et on est restés amis jusqu'à aujourd'hui. Une dame formidable. Je suis finalement arrivée à destination dans le sud de la France. Et là, j'ai fait part à ma famille de ma peur en disant Écoutez, je ne vais pas aller au milieu du village, moi, regarder le feu d'artifice. Je ne peux pas.

  • Speaker #1

    C'était où, dans le sud de la France ?

  • Speaker #0

    C'était dans la région de Narbonne. D'accord. Et voilà, donc j'ai évité. Je suis restée bien cloîtrée dans la maison pour ne pas entendre de bruit de feu d'artifice. Et j'avais les yeux rivés sur la télévision, sur Paris, en fait, en me disant, ben voilà, ils vont frapper Paris. Et en fait, non, ils n'ont pas frappé Paris, ils ont frappé Nice. Et moi, j'étais là, ben voilà, je le savais, je m'en doutais, c'était sûr. Et c'est un schéma qui se reproduit en anticipation. Parfois, c'est juste, parfois, c'est complètement fantasmé. Mais bon, c'est...

  • Speaker #1

    C'est quelque chose qui t'accompagne encore ?

  • Speaker #0

    Oui, tout à fait. D'accord. Récemment, j'ai été invitée à l'Olympia. Je n'avais pas franchement envie d'y aller.

  • Speaker #1

    Tu y as été ?

  • Speaker #0

    J'y suis allée, j'ai passé une très mauvaise soirée.

  • Speaker #1

    À cause de ça ?

  • Speaker #0

    Oui, parce que je me disais, c'est une belle enseigne, c'est quand même une salle mythique. Donc résultat des courses, je savais qu'il y avait quelques rescapés présents, je les ai cherchés. Et ensuite, j'étais aussi accompagnée par quelqu'un qui connaît mon état. Et j'ai quitté la salle par une sortie, pas la sortie principale. Parce que là, on est à quelques jours des attentats du 22 mars à Moscou. Et ça a ravivé énormément le traumatisme de savoir que devant et à l'intérieur d'une salle où allait se passer un concert de rock, les gens sont insacrés en masse.

  • Speaker #1

    Donc, ces intuitions, ces flashs qui reviennent. J'aimerais bien revenir sur, immédiatement après les événements, comment ça s'est passé ? Est-ce que tu as bénéficié d'une prise en charge ? immédiate, est-ce que tu peux nous raconter ?

  • Speaker #0

    Alors, effectivement, il y a eu la mise en place de cellules d'urgence et d'écoute dans les mairies d'arrondissement de Paris. Je ne sais pas si c'est toutes les mairies, mais il y a eu l'ouverture des hôpitaux également. Et moi, à l'époque, mon conjoint m'a dit... qu'il était nécessaire, alors que moi j'avais plutôt envie de me cloîtrer chez moi, qu'il était nécessaire d'aller parler à ces cellules. Donc on s'est rendu à la mairie du 11e arrondissement, on a rencontré des psychiatres, on a pu... déjà pour cet événement énorme, commencer à le partager. Et après, je me suis rendue à l'hôpital, à l'Hôtel Dieu, où il y a une cellule médico-judiciaire où on peut parler de ce genre d'événements d'une échelle sans précédent. Je pense, en tout cas, à Paris, en temps de paix théorique.

  • Speaker #1

    Et c'est quoi ton ressenti sur cette prise en charge ? Tu as trouvé ça utile ? Tu as ressenti que ça t'avait aidé ?

  • Speaker #0

    Oui, oui, oui, vraiment. Et... Il y a eu une prise en charge également immédiate après les événements, dans les rues voisines du Bataclan. Il y a eu des hôpitaux de campagne, en quelque sorte. Mais également pour les blessés psychiques, le relevé de notre identité et la possibilité de parler. Bon, même si d'abord, il fallait parler aux autorités, mais on pouvait aussi un petit peu parler à des médecins à ce moment-là. je sais également qu'il y a des personnes qui sont reparties chez elles, parce qu'on est libre, finalement. On a une liberté de soin dans notre pays. On peut parler ou ne pas parler, rentrer chez soi. Et ça m'a beaucoup frappée de savoir que certains sont sortis de la salle, vous avez une blessure physique, non, bon, ok, on passe. Ça renvoie à une forme de responsabilité ou de possibilité également. de prendre cette liberté, cette responsabilité individuelle de parler quand on a un choc. Et je pense qu'il est important de mettre le plus rapidement possible les cellules d'écoute suite au choc. Je ne peux pas faire de lien direct, mais je sais, pour l'événement qui me concerne, qu'il y a eu des victimes. à postériori, une 131ème et peut-être même une 132ème victime, parce que les personnes ne supportent plus la vie. Je ne peux pas faire de lien direct.

  • Speaker #1

    Tu parles de personnes qui se sont suicidées ? Oui.

  • Speaker #0

    Pour dire qu'on ne peut pas forcer les soins, on est libre.

  • Speaker #1

    Bien sûr.

  • Speaker #0

    Mais la visibilité et la disponibilité des soins psychiques, psychiatriques, psychologiques, est vraiment vitale.

  • Speaker #1

    Une fois que tu as bénéficié de cette prise en charge en aiguë, ensuite, comment ça s'est passé ? Ça s'est articulé, c'est-à-dire qu'on t'a proposé une sorte de suivi régulier en ambulatoire ? On te l'a proposé directement ? Ou c'est toi qui as dû te débrouiller pour trouver des personnes, psychologues ou psychiatres, qui se sont occupés de toi ? Comment ça s'est passé ?

  • Speaker #0

    J'ai dû parler à la police deux fois. Il me semble que c'est après la seconde fois que j'ai déposé que... La police m'a orientée vers l'hôtel Dieu. Les hôpitaux nous sont restés ouverts très longtemps. Tant qu'on est encore dans les dix ans après les faits, je pense qu'on n'a pas de difficulté à trouver un psychiatre. En tout cas, moi, je vis en région parisienne et j'habitais Paris à l'époque, donc je peux témoigner de ça. Je ne sais pas pour le reste du territoire, mais si on le veut, on le peut. Mais après, on ne vient pas chercher les patients chez eux.

  • Speaker #1

    Ensuite, tu as enchaîné sur un suivi régulier que tu as encore actuellement ?

  • Speaker #0

    Une fois que j'ai rencontré mon psychiatre, on a, sur plusieurs années, tissé un lien de confiance, parce que c'est une discipline particulière qui implique la proposition de médicaments, qu'une fois qu'on accepte de prendre un médicament, il y a la recherche de la bonne molécule. la tolérance de la molécule, le changement de molécule. Ça nécessite aussi beaucoup de bonne volonté, de discipline aussi, parce qu'autrement, c'est...

  • Speaker #1

    Oui, tu as des ajustements parce que tu as les molécules différentes et selon les personnes, on a plus ou moins des effets indésirables ou une efficacité. Donc, tu as eu cet ajustement. Est-ce qu'en parallèle, tu as bénéficié d'une psychothérapie ?

  • Speaker #0

    Oui, encore une fois, sur mon initiative.

  • Speaker #1

    Sur ton initiative, oui, d'accord.

  • Speaker #0

    Oui, et à ce moment-là, autour de ma trentaine, j'envisageais des changements de vie. L'idée de suivre une psychothérapie m'avait déjà germé en moi. Après cet événement, j'ai cherché plus spécifiquement une psychologue qui faisait appel au corps pour réinvestir mon corps. Honnêtement, je crois que j'ai été vraiment, comme certains psychiatres me l'ont expliqué, dans un syndrome de dissociation type syndrome de Lazare, c'est-à-dire avoir été confrontée à la mort et ne pas en être totalement revenue, c'est-à-dire être un peu comme une âme qui vit à côté de son corps. qui n'est pas vraiment... quelqu'un qui n'est pas vraiment incarné.

  • Speaker #1

    Tu parlais tout à l'heure d'une dissociation au niveau, on va dire, mental, mais tu avais aussi cette composante du corps, tu avais l'impression de ne pas être dans ton corps finalement, c'est ça ?

  • Speaker #0

    Oui, tout à fait.

  • Speaker #1

    D'accord. Et ça, le traitement, la psychothérapie a été efficace là-dessus ?

  • Speaker #0

    Oui, c'était des séances particulières qui alliaient marche ou course à la psychothérapie.

  • Speaker #1

    D'accord.

  • Speaker #0

    D'ailleurs, je remercie beaucoup cette psychologue qui avait une méthode très innovante. Ça peut se rapprocher aussi de la Gestalt-thérapie.

  • Speaker #1

    D'accord.

  • Speaker #0

    On mobilise le patient en faisant des scénettes,

  • Speaker #1

    des jeux de rôle,

  • Speaker #0

    en prononçant des textes, des choses qui impliquent. Donc oui, ça a été efficace. Je suis toujours les séances avec cette psychologue. Nous ne faisons plus de sport ensemble, mais le fait de toujours la voir... me soutient énormément.

  • Speaker #1

    Tu sens que cet accompagnement que tu as eu depuis le début te permet d'avancer progressivement et d'aller mieux.

  • Speaker #0

    Tout à fait, oui. Je ne sais pas comment le formuler, mais le fait de prononcer le mot patient depuis tout à l'heure et que ça fasse aussi partie de votre thème, ça me rappelle vraiment le concept de patience qu'il faut avoir. Parce qu'aller mieux prend un peu de temps.

  • Speaker #1

    Oui, ça c'est important de le dire, effectivement. Ce n'est pas quelques séances qui vont suffire.

  • Speaker #0

    Effectivement.

  • Speaker #1

    Et c'est ce que revendiquent pas mal de psychologues, notamment sur le remboursement des séances. C'est vrai. J'aimerais bien qu'on parle un peu de ton rapport aux autres. Est-ce que tu sens que ton entourage ou les gens qui sont au courant de ce qui t'est arrivé, est-ce qu'ils parviennent à bien réagir, à t'aider ? Est-ce que tu peux nous parler du comportement de tes proches ? Comment ça s'est passé ?

  • Speaker #0

    Les événements sont assez révélateurs.

  • Speaker #1

    Tu nous as parlé tout à l'heure de ton compagnon. Oui. Qui lui a pris un peu... De l'époque. De l'époque.

  • Speaker #0

    Qui donc... les plus compagnons actuels. Ça aussi, c'est révélateur. Ah oui ? Oui, je pense que suite à des événements traumatiques, il y a de nombreux changements qui arrivent. On prend conscience des choses et parfois on se dit je souhaite commencer quelque chose de nouveau. Et ça a été le cas, je pense, pour beaucoup de mes camarades d'infortune.

  • Speaker #1

    C'est ce qui est décrit, effectivement, dans des situations de pathologie même.

  • Speaker #0

    La gestion d'un choc. s'intègre sur le terrain déjà de la personne et ce qui va émerger par la suite, il y avait déjà quelque part quelques pistes ou quelques graines dans le présent de la personne. Et pour la réaction de la famille, c'est la même chose. Si on avait un super entourage aimant, encourageant, évidemment, il va répondre positivement. continuer d'entourer, d'accompagner. Si ce n'était pas le cas, sans surprise, ça ne vient pas.

  • Speaker #1

    Tu as l'impression que cet événement a catalysé certaines choses, c'est-à-dire qu'il a intensifié, autant dans un bon sens que dans le mauvais sens, les rapports que tu pouvais avoir avec les autres ?

  • Speaker #0

    Je pense que si des personnes n'étaient pas très accompagnantes avant, parfois elles n'ont pas plus compris la gravité des choses et ne sont pas plus accompagnantes après. Ça remet les choses en perspective. Justement, on se dit, ah tiens, il semblerait que j'étais peut-être dans le manque de conscience d'une certaine situation. Maintenant que je bénéficie de certains soins, je peux peut-être ouvrir les yeux sur ce que je dois améliorer, comment je dois prendre soin de moi, quelle est la valeur de ma santé, de ma santé psychique. Ça a créé aussi... parfois des révélations.

  • Speaker #1

    Est-ce qu'il y a des choses que tu aurais souhaité qu'on te dise, des choses qu'on fasse pour mieux t'accompagner à ce moment-là ? Est-ce que tu as des choses que tu attendais, qui viennent, de proches, et qui ne sont pas venues ?

  • Speaker #0

    Ah oui, ou même tout simplement, je ne vais pas trop balancer non plus, ce n'est pas le sujet, mais même des personnes de la famille qui n'ont pas pris l'ampleur de ce qui s'est passé. Des très proches qu'il faut appeler pour dire je suis... survivante d'un massacre à bon. Et, bah oui, c'était juste comme ça. La distance, parfois, et je ne sais pas comment l'expliquer, mais il y a des personnes qui ne prennent pas la mesure de ce qui s'est passé. Je pense que c'est de moins en moins vrai en région parisienne, surtout à l'approche de nouveaux événements internationaux et suite à tout ce qui a pu se passer. en moins de dix ans sur notre territoire et dans le monde. Mais dans un premier temps, oui, un manque de prise de conscience de la gravité des faits.

  • Speaker #1

    Donc tu donnerais quand même le conseil aux personnes qui nous écoutent dans ce type de situation de bien faire attention, à bien écouter, à bien être présent et qu'on peut parfois être négligent. Ce type de situation, c'est ça, tu penses ? Oui,

  • Speaker #0

    surtout quand on parle de blessés psychologiques et que la blessure ne se voit pas. Évidemment, moi, je ne me suis pas fait reconstruire le visage. J'ai toujours mes membres. Je suis sortie recouverte du sang, mais des autres, pas le mien. C'était pas génial, c'était pas très facile à gérer, mais une fois qu'on a pris sa douche et qu'on a enlevé nos vêtements tachés, les gens ne réalisent pas. Et puis pour ceux qui ont perdu des proches, c'est difficile à comprendre aussi notre traumatisme. Je pense notamment, j'ai l'âge forcément de certaines victimes décédées, qui ont donc des parents endeuillés. Face aux parents endeuillés aussi, ça a été très difficile d'exister. parce que comment se plaindre d'être en vie quand des parents ont perdu leur enfant ? Donc ça aussi, c'est une place difficile à assumer. Ça a été tout un défi dans la vie associative, jusqu'au procès des événements. Ça a pu se terminer en bonne intelligence, parce qu'il y a des personnes... de très bonne volonté dans les associations qui essayent de créer le lien, mais ça a été très, très brutal les deux premières années. C'était très, très violent.

  • Speaker #1

    Au sein des victimes et des familles des victimes ? Oui. Tu as été suivie par des associations, accompagnée par les associations ? Alors,

  • Speaker #0

    encore une fois, c'est au bon vouloir de la personne. Si on veut rejoindre une association, on le peut. on peut même en fonder une si on veut. Et je pense que ceux qui l'ont fait ont été extrêmement courageux et bien inspirés, parce que c'est salutaire, voire salvateur. Et ça crée évidemment des liens jusqu'à aujourd'hui. Il y a aussi les fédérations d'associations, et des associations plus anciennes en rapport avec des... catastrophes en tout genre, naturelles, terroristes, etc., qui peuvent créer un super réseau de soutien. Mais encore une fois, c'est à chacun de se dire, bon, je ne dois pas être seule, vers qui je peux me tourner.

  • Speaker #1

    Comment ça se passe maintenant au niveau de ton quotidien ?

  • Speaker #0

    On est dans la neuvième année après les faits. Et pour ma part, aujourd'hui, c'est... presque un peu plus réelle, donc difficile qu'avant. Avant, je fuyais un petit peu la réalité parce que je devais tenir. J'ai décidé de changer de compagnon, changer de lieu de vie, tenter de voyager, ce qui n'était franchement pas facile après cette période. Donc, j'ai puisé énormément dans mes ressources et aujourd'hui... C'est un peu plus difficile. C'est un peu, pour moi, l'avion qui atterrit. Et se demander, après le procès, qu'est-ce que je fais ? Qu'est-ce que je deviens ? Est-ce que je suis une victime pour toujours ? Ou est-ce que j'avance ? Est-ce que je peux le faire aussi ? Est-ce que je peux avancer ? Ou est-ce que je suis tout simplement... Je ne suis pas maître de la situation ?

  • Speaker #1

    Ce côté victime pour toujours, qu'est-ce que tu en penses de ça ?

  • Speaker #0

    Je pense que c'est du domaine de la cicatrice. On peut avoir de graves fractures. et des cicatrices. Les fractures se réparent, les cicatrices se referment, mais elles restent. Et la fragilité aussi. Donc je dirais que psychiquement, c'est très comparable.

  • Speaker #1

    Là, actuellement, tu disais que tu es dans une phase un peu particulière. On a parlé au tout début de tes symptômes. Là, actuellement, tu as expliqué que tu as encore des symptômes et de l'inconfort. Comment ça se passe au niveau du rythme de tes symptômes ? Est-ce qu'il y a, par exemple, des journées où tu es tranquille, ou des périodes de ta vie où tu es tranquille ?

  • Speaker #0

    Ça se compte à la journée. voire à la demi-journée. Ça m'est arrivé il n'y a pas très longtemps. J'ai passé l'après-midi dans un jardin, un jardin d'un ami. Je me suis bien fatiguée avec les outils, avec les pots, avec la terre, etc. Et pendant plusieurs heures, j'étais très occupée. J'ai eu très, très mal au dos après. Et j'étais très contente et je me suis dit, tiens, pendant ces heures, je n'ai pas pensé à la menace parce que j'étais dans un endroit... que j'estimais sécurisant. Mais quand même, même si je ne me sentais pas menacée personnellement, je ne pouvais pas m'empêcher en entendant au loin la cour de récréation d'une école, en disant j'espère que les enfants vont bien des trucs comme ça. Ça ne quitte jamais vraiment longtemps. Même si on se dit tiens, j'ai passé deux heures à rien penser mais finalement, il y a toujours un fantôme qui vient nous hanter.

  • Speaker #1

    Mais donc, pendant plusieurs heures, tu t'es dit justement ah tiens, et c'était il y a combien de temps ça ?

  • Speaker #0

    C'était il y a peu de temps, c'était peut-être il y a une semaine.

  • Speaker #1

    Et c'était nouveau ça ?

  • Speaker #0

    Oui, c'était nouveau, parce que j'ai eu comme une forme de refute. Donc là, je me suis donné une chance avec un nouveau compagnon. Je lui ai bien dit, pourtant je lui ai dit mais t'es sûre parce que moi je suis une personne cassée donc je suis pas sûre que ce soit une super affaire. Il m'a dit non, mais moi, je ne vois pas ça. Donc, j'ai dit bon, OK. Mais c'est délicat parce qu'il y a la manière dont les autres nous voient, mais il y a cette façon dont on se voit qui est difficile à gérer.

  • Speaker #1

    Est-ce que toi, tu fais appel à d'autres choses, on va dire un peu non conventionnelles ? Je pense par exemple aux médecines douces ou à d'autres activités pour aller bien.

  • Speaker #0

    Oui. En novembre, j'ai eu le temps de tester plein de choses. Je me suis juste arrêtée devant le chamanisme. Et autrement, oui, la kinésiologie, des thérapies en tout genre. de la simple ostéopathie, chiropraxie, pour gérer des problèmes de bruxisme, crispation, jusqu'à se dire, est-ce que je ne vais pas faire des choses mystiques ? Mais je me suis arrêtée avant.

  • Speaker #1

    Est-ce que tu t'es renseignée sur... les évolutions concernant le traitement du stress post-traumatique, sur ce qui se faisait dans d'autres pays, sur des thérapies, des molécules ? Est-ce que tu t'intéresses à ça ?

  • Speaker #0

    Oui, alors en termes de thérapie notamment, je continue pour les molécules à tester plusieurs choses. Là, j'en suis à la sertraline, donc j'arrive à progressivement baisser le dosage. Et en termes de thérapie, j'ai rencontré... des rescapés qui avaient participé à une étude clinique sur les bienfaits de la plongée sur le stress post-traumatique. Et l'étude clinique a été testée sur plusieurs populations comme des vétérans de l'armée, des personnes malades chroniques, des personnes endeuillées, et également... Suite aux attentats de 2015 DRSKP. et les résultats ont été positifs. L'étude a été validée et un protocole de plongée, dont l'école principale est située en Guadeloupe, mais dont le directeur et cofondateur de cette méthode fait des émules tous les ans en formant des instructeurs et des instructrices de plongée. Cette méthode m'a beaucoup aidée.

  • Speaker #1

    D'accord. Donc tu as participé à cette méthode ?

  • Speaker #0

    Oui, je n'ai pas eu l'occasion de participer à l'étude qui a eu lieu, il me semble, en 2017. D'accord. Merci beaucoup. Certaines rescapées m'en ont parlé et m'ont permis de faire un voyage en groupe. Après cette découverte, j'y suis retournée quatre fois de plus. J'essaye moi aussi d'en parler aux personnes qui auraient des troubles type phobie sévère. Je n'ai pas encore rencontré, heureusement, de personnes. qui aurait subi un choc comme une attaque de masse. Mais j'essaye de parler autour de moi de cette méthode qui s'appelle Baptisme-Aide.

  • Speaker #1

    Est-ce que tu t'es retrouvée en position d'aidante, toi ?

  • Speaker #0

    Je suis de nature déjà assez psychologue, à analyser les situations, à conseiller si je le peux. Donc nécessairement, oui, ça m'est arrivé. Et je dirais qu'une fois qu'on porte le badge RSKP d'attentat, les personnes viennent parfois naturellement exposer un problème. En fait, les gens font beaucoup de projections. Naturellement, je n'ai pas forcément noté tout, mais oui, ça a été jusqu'à, une fois que je l'ai découvert, accompagner des gens pour plonger. J'ai commencé par mon frère, ma sœur, qui avait des troubles plutôt... confiance en soi, assumer une identité, jusqu'à la phobie de l'eau. Mon ami qui est venu avec moi et qui a vaincu sa peur de l'eau.

  • Speaker #1

    D'accord. Donc c'est toi qui les as accompagnées ? Oui. Et comment tu te sens dans ce rôle ?

  • Speaker #0

    C'est gratifiant. On se dit qu'on sert à quelque chose.

  • Speaker #1

    Ça a un terme, ça. Ça s'appelle l'euphorie de l'aidant.

  • Speaker #0

    Je vais recommencer alors. Ça me semble légal. Je pense que je peux le faire encore.

  • Speaker #1

    J'aimerais revenir sur l'encadrement et le suivi. Moi, en t'écoutant, j'ai l'impression que... Tu as été bien encadrée, bien suivie, mais est-ce que tu penses qu'il y a des choses qui pourraient être améliorées par le corps médical ?

  • Speaker #0

    Je dirais la sensibilisation à l'impact psychique que peuvent avoir les événements. Évidemment, on va tout de suite faire venir une ambulance en cas de problème, mais continuer à... montrer aux personnes, notamment, je sais que ça existe déjà, j'ai déjà vu des personnes avec des petits gilets qui sont signalés.

  • Speaker #1

    Ces cellules d'unité médico-psychologique. Oui,

  • Speaker #0

    je crois. Voilà. Continuer la visibilité de ce personnel-là parce qu'une mauvaise santé psychique peut amener... des vrais troubles ensuite. On peut attenter à sa vie après.

  • Speaker #1

    On revient sur ce que tu nous as raconté. Des personnes, finalement, passent à travers les mailles du filet, ignorent même que ça existe. Elles peuvent se retrouver avec un stress post-traumatique non pris en charge, finalement. Tout à fait. Au cours de ton parcours, qu'est-ce qui a été le plus difficile à surmonter ?

  • Speaker #0

    Assumer son identité de victime, c'est un vrai défi. parce qu'on ne s'en empare pas chacun et chacune de la même façon. Encore une fois, c'est indexé sur la personne qu'on est avant. Et du coup, se dire, mais qu'est-ce que je vais en faire ? Est-ce que je vais devenir une star des réseaux sociaux ? Comment je vais transformer ça ? Est-ce que je vais être visible ? Est-ce que je vais être transparent ? L'identité de victime, c'est difficile parce qu'il faut continuer à vivre. Donc, c'est arrivé sur une population... ni jeune ni âgé, mais qui a encore beaucoup de choses à vivre. Donc, continuer à travailler, continuer à peut-être fonder une famille ou pas, c'est ça qui est le plus difficile, à mon sens. Qu'est-ce que je fais maintenant de ma carcasse ? C'est ça, le challenge.

  • Speaker #1

    Est-ce qu'il y a eu des étapes où tu t'es dit j'ai franchi quelque chose, j'ai dépassé quelque chose, ça va mieux ?

  • Speaker #0

    Je dirais que la plongée a été décisive parce qu'elle force à... éviter les pensées parasites, pour appliquer des consignes simples, respirer calmement. Si on a la chance d'être dans un joli environnement comme la mer des Caraïbes, par exemple, et qu'on peut voir de jolis poissons, etc., on peut se rendre compte qu'il y a des choses à découvrir. Pour moi, c'était une découverte à ce moment-là. Mais même si on est, admettons, dans une eau d'un joli bleu, on découvre la valeur de la vie. Se dire je respire, j'applique des consignes simples et je me retrouve face à la valeur de ma vie. Et je réussis à faire quelque chose de simple. Je respire, je vis, je suis fière, je sors, je continue.

  • Speaker #1

    J'aimerais bien qu'on parle un peu des conseils que tu pourrais donner. aux femmes ou aux hommes qui traversent la même chose que toi. C'est-à-dire qu'en fait, le stress post-traumatique, pour rappel, effectivement, c'est avoir subi un événement ou avoir été témoin d'un événement qui t'a mis en danger sur le plan vital ou sur le plan fonctionnel. Donc ça englobe beaucoup de personnes, finalement. Je crois que selon les statistiques, on estime qu'en France, il y aura jusque 5% des personnes qui pourraient souffrir d'un stress post-traumatique durant leur vie. Quel conseil, toi, tu donnerais à ces personnes ?

  • Speaker #0

    De ne pas ignorer l'impact que ça a eu sur eux, qu'il est anormal de subir ou d'assister à ce genre de choses. Du coup, ça brise un équilibre cérébral, émotionnel, et on ne peut pas ignorer des lésions invisibles que ça nous inflige. Et donc, comme quand on a une... n'importe quelle autre blessure, on va se soigner. Aller se soigner, va te faire soigner, c'est pas un gros mot.

  • Speaker #1

    Bien sûr. Donc tu les engagerais à franchir le pas, en fait. Oui. Voilà, parce que ça marche le traitement. Oui. Fanny, qu'est-ce qu'on peut te souhaiter pour la suite ?

  • Speaker #0

    Je dirais une bonne... cicatrisation de mes blessures et puis de continuer à méditer sur la valeur de la vie des séances de plongée peut-être aussi ? ah oui, plein de séances de plongée et pour rassurer tout le monde, c'est possible dans tous les départements. C'est possible même dans une piscine.

  • Speaker #1

    Ouais. Et il y a un petit point, quelque chose que tu nous as partagé avant, c'est que tu t'étais mise à chanter et à faire de la musique.

  • Speaker #0

    Oui, c'est vrai. Mon compagnon actuel est guitariste amateur et on s'est notamment rencontrés autour de la musique. Donc moi, au chant et avec quelques petites bases de guitare. Et lui... à la guitare et du coup ça fait écho à ce qui m'est arrivé donc ça tord le cou à un événement traumatique

  • Speaker #1

    Fanny merci beaucoup pour ce témoignage c'était très riche, assez émouvant on souhaite le meilleur pour la suite merci beaucoup,

  • Speaker #0

    merci à vous

  • Speaker #1

    Merci à toutes et à tous de nous avoir suivis. N'hésitez pas à partager cet épisode. J'espère que la parole de Fanny vous a autant aidé que moi à comprendre davantage cette pathologie encore trop souvent ignorée. Je la remercie encore vivement de nous avoir confié son histoire. Pour compléter ce témoignage, nous allons solliciter l'éclairage d'un expert. Rendez-vous la semaine prochaine. En attendant, si vous souhaitez aller plus loin, je vous recommande ces associations. L'association AFVT Association française des victimes de terrorisme, l'association 13-11-15, l'association mémoire traumatique et victimologie, ou encore l'association filigrane. On se retrouve dans deux semaines, même jour, même heure, pour entendre une autre histoire de passion. En attendant, je vous dis à très vite, et surtout, prenez soin de vous !

  • Speaker #0

    Ce podcast vous a été proposé par la plateforme Levy.

Description

Comment continuer de vivre quand on a traversé l'inimaginable ? Comment se relève-t-on d’un événement traumatique de cette envergure ?


Que faisiez-vous lors des attentats du 13 novembre 2015 ? 


Ce soir-là, Fanny était au Bataclan avec ses amis, comme des centaines de personnes. Elle voulait simplement profiter d’un concert. Elle ne sait pas encore que sa vie va basculer. Victime rescapée, elle va devoir affronter les conséquences d’un stress post-traumatique. 


Aujourd’hui dans « Patients » on va parler d’un sujet très étudié depuis la guerre du Vietnam : le stress post-traumatique.

Pour aller plus loin : 


Vous pouvez suivre Fanny sur son compte Instagram : https://www.instagram.com/faniparolini?utm_source=ig_web_button_share_sheet&igsh=ZDNlZDc0MzIxNw==


Vous souffrez de stress post-traumatique et vous souhaitez en parler avec un médecin généraliste ou spécialiste ? Nos médecins sont à votre écoute.

*Ce podcast recueille des témoignages personnels qui peuvent heurter votre sensibilité. Nous vous rappelons que ces récits représentent le vécu de nos invités et ne sont pas nécessairement représentatifs de notre point de vue.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Ce podcast vous est proposé par la plateforme Livi.

  • Speaker #1

    Bonjour, je m'appelle César Ancel-Ancel. Je suis médecin généraliste et urgentiste. Bienvenue dans Patient, saison 2.

  • Speaker #0

    Fanny et le stress post-traumatique

  • Speaker #1

    Que faisiez-vous lors des attentats du 13 novembre 2015 ? Ce soir-là, Fanny était au Bataclan avec ses amis, comme des centaines de personnes. Elle voulait simplement profiter d'un concert. Elle ne sait pas encore que sa vie va basculer. Victime rescapée, elle va devoir affronter les conséquences d'un stress post-traumatique. Cette pathologie, très étudiée depuis les années 70, notamment suite à la guerre du Vietnam, est responsable de troubles invalidants mais accessibles à la thérapie. Comment continuer de vivre quand on a traversé l'inimaginable ? Comment se relève-t-on d'un événement traumatique de cette envergure ? Aujourd'hui, j'ai la chance d'accueillir Fanny qui va nous raconter son histoire. Bonjour Fanny. Bonjour. Est-ce que ça te dérange si on se tutoie ?

  • Speaker #0

    Non, aucun problème.

  • Speaker #1

    Comment vas-tu ?

  • Speaker #0

    Bien, merci.

  • Speaker #1

    Fanny, est-ce que tu peux te présenter en quelques mots ? Oui,

  • Speaker #0

    donc je m'appelle Fanny, j'ai 39 ans et j'ai été invitée par votre équipe pour vous parler des effets du choc post-traumatique. puisque j'ai traversé les attentats qui ont touché Paris en 2015.

  • Speaker #1

    Je suis ravi de te recevoir, Fanny, aujourd'hui dans Patience. Je sais que tu prends peu la parole sur ce sujet. Vraiment, merci de nous faire confiance pour nous confier ton témoignage. Je vous en prie. Ton témoignage qui est vraiment nécessaire pour venir en aide aux personnes qui traversent ou qui ont traversé la même chose que toi, notamment le stress post-traumatique. Est-ce que tu peux nous raconter un peu ton histoire ?

  • Speaker #0

    Oui, j'habitais à Paris. À l'époque, j'allais très souvent au concert, c'était un hobby, et je me rendais, comme de nombreux Parisiens, de nombreux soirs de ma vie, à un concert au Bataclan. Sauf que, comme tout le monde le sait... Ça a mal tourné et d'une soirée banale dans ma vie, c'est devenu un tournant qu'on ne contrôle absolument pas et qui... change le reste de la vie.

  • Speaker #1

    J'aimerais bien que tu nous dises avec tes mots ce que c'est le stress post-traumatique.

  • Speaker #0

    Alors, en tant que patient, je peux déjà dire que c'est quelque chose qu'on ne mesure pas très bien au départ. On sait qu'il nous est arrivé quelque chose de très grave. Comme toute chose très grave, il va falloir le soigner, mais on ne mesure pas vraiment le choc qui nous est arrivé et les retentissements que ça va produire. Le choc post-traumatique, il peut s'exprimer en partie immédiatement, mais aussi à moyen terme et aussi à long terme. Donc ça va être différentes manifestations, aussi bien psychiques que physiques, et cela dépend de chaque individu.

  • Speaker #1

    Toi, avant cette horrible soirée, comment tu définirais la Fanny, la jeune femme de 31 ans avant le Bataclan ?

  • Speaker #0

    Comment dire ? Une personne qui voulait s'amuser, qui voulait enchaîner les concerts. En fait, je vivais déjà une forme de thérapie à travers la musique, comme beaucoup de gens, comme avec tout type de musique, une forme de catharsis. J'étais assez un tournant de ma vie. Donc voilà, je me disais, qu'est-ce que je veux faire de ma vie maintenant ? Une nouvelle phase, je veux m'amuser, je veux rencontrer de nouvelles personnes. Et ça passait par... L'amusement, les concerts, notamment.

  • Speaker #1

    Tu travaillais à cette époque-là ? Oui,

  • Speaker #0

    je travaillais, effectivement. Je travaille toujours avec des aménagements, au vu de ce qui est arrivé. Mais oui, je travaillais.

  • Speaker #1

    Qu'est-ce que tu fais comme métier ?

  • Speaker #0

    Je travaille pour le ministère de l'écologie.

  • Speaker #1

    On va revenir sur le stress post-traumatique. Est-ce que tu pourrais décrire les symptômes que tu as eus ?

  • Speaker #0

    Il y a eu d'abord, pour survivre, mon mécanisme. Dans un premier temps, ça a été la dissociation. C'est-à-dire faire comme si, bien malgré moi, faire comme si ça ne m'était pas pleinement arrivé, ou tout du moins décrire l'événement de l'extérieur, comme si ce n'était pas à moi que c'était arrivé. donc j'ai essayé de m'expliquer les choses par la politique la géopolitique et pourquoi ils ont fait ça chercher des raisons parler au pluriel aussi nous, mais voilà j'ai survécu dans un premier temps en me mettant pas dedans, après j'ai réalisé que grâce à mon suivi psychiatrique que Ce n'était pas aidant parce que là, du coup, je faisais semblant de ne pas être dans l'événement, alors que le but d'une vraie thérapie globale, c'est quand même de se dire Ok, j'y étais, et maintenant, comment on répare ? Donc ça a été un processus assez long. Autre symptôme, des terreurs, des cauchemars, des peurs d'intrusion, des faux instincts. Oui, là, je sens qu'il va se passer quelque chose d'horrible, des intuitions terribles. Et puis, ce qui est encore plus triste, c'est que parfois, des intuitions qui se sont révélées vraies, comme le 14 juillet 2016, j'étais persuadée qu'il allait se passer quelque chose. Pour moi, c'était évident, parce que je n'arrêtais pas de cogiter en me disant Mais oui, mais là, c'est la fête nationale, donc ce serait quand même une bonne... date pour attaquer le pays, etc. Donc, des psychoses comme ça, justifiées ou non.

  • Speaker #1

    Comment ça s'est passé le 14 juillet ?

  • Speaker #0

    J'ai déjà eu beaucoup de mal ce jour-là à rejoindre ma famille. Je devais rendre visite à ma famille dans le sud de la France. J'ai eu énormément de mal à prendre le train et rien que sur le quai, j'analysais, comme je le fais encore aujourd'hui, le comportement des gens, leurs attitudes, mais qu'est-ce qu'il peut bien y avoir dans ce sac ? Mais pourquoi il monte et il descend ? Il faut dire que je pense que toutes les victimes rescapées ne prennent pas nécessairement les transports encore aujourd'hui. Donc le fait de les prendre... comme pour arriver jusqu'à vous aujourd'hui, honnêtement. Ce n'était pas super facile. Et donc, j'ai demandé de l'aide à la personne à côté de moi, en lui demandant, vous ne trouvez pas que c'est bizarre ? Est-ce que vous pensez que je devrais descendre du train ? Elle m'a rassurée et elle m'a permis d'arriver à destination. On a d'ailleurs sympathisé et on est restés amis jusqu'à aujourd'hui. Une dame formidable. Je suis finalement arrivée à destination dans le sud de la France. Et là, j'ai fait part à ma famille de ma peur en disant Écoutez, je ne vais pas aller au milieu du village, moi, regarder le feu d'artifice. Je ne peux pas.

  • Speaker #1

    C'était où, dans le sud de la France ?

  • Speaker #0

    C'était dans la région de Narbonne. D'accord. Et voilà, donc j'ai évité. Je suis restée bien cloîtrée dans la maison pour ne pas entendre de bruit de feu d'artifice. Et j'avais les yeux rivés sur la télévision, sur Paris, en fait, en me disant, ben voilà, ils vont frapper Paris. Et en fait, non, ils n'ont pas frappé Paris, ils ont frappé Nice. Et moi, j'étais là, ben voilà, je le savais, je m'en doutais, c'était sûr. Et c'est un schéma qui se reproduit en anticipation. Parfois, c'est juste, parfois, c'est complètement fantasmé. Mais bon, c'est...

  • Speaker #1

    C'est quelque chose qui t'accompagne encore ?

  • Speaker #0

    Oui, tout à fait. D'accord. Récemment, j'ai été invitée à l'Olympia. Je n'avais pas franchement envie d'y aller.

  • Speaker #1

    Tu y as été ?

  • Speaker #0

    J'y suis allée, j'ai passé une très mauvaise soirée.

  • Speaker #1

    À cause de ça ?

  • Speaker #0

    Oui, parce que je me disais, c'est une belle enseigne, c'est quand même une salle mythique. Donc résultat des courses, je savais qu'il y avait quelques rescapés présents, je les ai cherchés. Et ensuite, j'étais aussi accompagnée par quelqu'un qui connaît mon état. Et j'ai quitté la salle par une sortie, pas la sortie principale. Parce que là, on est à quelques jours des attentats du 22 mars à Moscou. Et ça a ravivé énormément le traumatisme de savoir que devant et à l'intérieur d'une salle où allait se passer un concert de rock, les gens sont insacrés en masse.

  • Speaker #1

    Donc, ces intuitions, ces flashs qui reviennent. J'aimerais bien revenir sur, immédiatement après les événements, comment ça s'est passé ? Est-ce que tu as bénéficié d'une prise en charge ? immédiate, est-ce que tu peux nous raconter ?

  • Speaker #0

    Alors, effectivement, il y a eu la mise en place de cellules d'urgence et d'écoute dans les mairies d'arrondissement de Paris. Je ne sais pas si c'est toutes les mairies, mais il y a eu l'ouverture des hôpitaux également. Et moi, à l'époque, mon conjoint m'a dit... qu'il était nécessaire, alors que moi j'avais plutôt envie de me cloîtrer chez moi, qu'il était nécessaire d'aller parler à ces cellules. Donc on s'est rendu à la mairie du 11e arrondissement, on a rencontré des psychiatres, on a pu... déjà pour cet événement énorme, commencer à le partager. Et après, je me suis rendue à l'hôpital, à l'Hôtel Dieu, où il y a une cellule médico-judiciaire où on peut parler de ce genre d'événements d'une échelle sans précédent. Je pense, en tout cas, à Paris, en temps de paix théorique.

  • Speaker #1

    Et c'est quoi ton ressenti sur cette prise en charge ? Tu as trouvé ça utile ? Tu as ressenti que ça t'avait aidé ?

  • Speaker #0

    Oui, oui, oui, vraiment. Et... Il y a eu une prise en charge également immédiate après les événements, dans les rues voisines du Bataclan. Il y a eu des hôpitaux de campagne, en quelque sorte. Mais également pour les blessés psychiques, le relevé de notre identité et la possibilité de parler. Bon, même si d'abord, il fallait parler aux autorités, mais on pouvait aussi un petit peu parler à des médecins à ce moment-là. je sais également qu'il y a des personnes qui sont reparties chez elles, parce qu'on est libre, finalement. On a une liberté de soin dans notre pays. On peut parler ou ne pas parler, rentrer chez soi. Et ça m'a beaucoup frappée de savoir que certains sont sortis de la salle, vous avez une blessure physique, non, bon, ok, on passe. Ça renvoie à une forme de responsabilité ou de possibilité également. de prendre cette liberté, cette responsabilité individuelle de parler quand on a un choc. Et je pense qu'il est important de mettre le plus rapidement possible les cellules d'écoute suite au choc. Je ne peux pas faire de lien direct, mais je sais, pour l'événement qui me concerne, qu'il y a eu des victimes. à postériori, une 131ème et peut-être même une 132ème victime, parce que les personnes ne supportent plus la vie. Je ne peux pas faire de lien direct.

  • Speaker #1

    Tu parles de personnes qui se sont suicidées ? Oui.

  • Speaker #0

    Pour dire qu'on ne peut pas forcer les soins, on est libre.

  • Speaker #1

    Bien sûr.

  • Speaker #0

    Mais la visibilité et la disponibilité des soins psychiques, psychiatriques, psychologiques, est vraiment vitale.

  • Speaker #1

    Une fois que tu as bénéficié de cette prise en charge en aiguë, ensuite, comment ça s'est passé ? Ça s'est articulé, c'est-à-dire qu'on t'a proposé une sorte de suivi régulier en ambulatoire ? On te l'a proposé directement ? Ou c'est toi qui as dû te débrouiller pour trouver des personnes, psychologues ou psychiatres, qui se sont occupés de toi ? Comment ça s'est passé ?

  • Speaker #0

    J'ai dû parler à la police deux fois. Il me semble que c'est après la seconde fois que j'ai déposé que... La police m'a orientée vers l'hôtel Dieu. Les hôpitaux nous sont restés ouverts très longtemps. Tant qu'on est encore dans les dix ans après les faits, je pense qu'on n'a pas de difficulté à trouver un psychiatre. En tout cas, moi, je vis en région parisienne et j'habitais Paris à l'époque, donc je peux témoigner de ça. Je ne sais pas pour le reste du territoire, mais si on le veut, on le peut. Mais après, on ne vient pas chercher les patients chez eux.

  • Speaker #1

    Ensuite, tu as enchaîné sur un suivi régulier que tu as encore actuellement ?

  • Speaker #0

    Une fois que j'ai rencontré mon psychiatre, on a, sur plusieurs années, tissé un lien de confiance, parce que c'est une discipline particulière qui implique la proposition de médicaments, qu'une fois qu'on accepte de prendre un médicament, il y a la recherche de la bonne molécule. la tolérance de la molécule, le changement de molécule. Ça nécessite aussi beaucoup de bonne volonté, de discipline aussi, parce qu'autrement, c'est...

  • Speaker #1

    Oui, tu as des ajustements parce que tu as les molécules différentes et selon les personnes, on a plus ou moins des effets indésirables ou une efficacité. Donc, tu as eu cet ajustement. Est-ce qu'en parallèle, tu as bénéficié d'une psychothérapie ?

  • Speaker #0

    Oui, encore une fois, sur mon initiative.

  • Speaker #1

    Sur ton initiative, oui, d'accord.

  • Speaker #0

    Oui, et à ce moment-là, autour de ma trentaine, j'envisageais des changements de vie. L'idée de suivre une psychothérapie m'avait déjà germé en moi. Après cet événement, j'ai cherché plus spécifiquement une psychologue qui faisait appel au corps pour réinvestir mon corps. Honnêtement, je crois que j'ai été vraiment, comme certains psychiatres me l'ont expliqué, dans un syndrome de dissociation type syndrome de Lazare, c'est-à-dire avoir été confrontée à la mort et ne pas en être totalement revenue, c'est-à-dire être un peu comme une âme qui vit à côté de son corps. qui n'est pas vraiment... quelqu'un qui n'est pas vraiment incarné.

  • Speaker #1

    Tu parlais tout à l'heure d'une dissociation au niveau, on va dire, mental, mais tu avais aussi cette composante du corps, tu avais l'impression de ne pas être dans ton corps finalement, c'est ça ?

  • Speaker #0

    Oui, tout à fait.

  • Speaker #1

    D'accord. Et ça, le traitement, la psychothérapie a été efficace là-dessus ?

  • Speaker #0

    Oui, c'était des séances particulières qui alliaient marche ou course à la psychothérapie.

  • Speaker #1

    D'accord.

  • Speaker #0

    D'ailleurs, je remercie beaucoup cette psychologue qui avait une méthode très innovante. Ça peut se rapprocher aussi de la Gestalt-thérapie.

  • Speaker #1

    D'accord.

  • Speaker #0

    On mobilise le patient en faisant des scénettes,

  • Speaker #1

    des jeux de rôle,

  • Speaker #0

    en prononçant des textes, des choses qui impliquent. Donc oui, ça a été efficace. Je suis toujours les séances avec cette psychologue. Nous ne faisons plus de sport ensemble, mais le fait de toujours la voir... me soutient énormément.

  • Speaker #1

    Tu sens que cet accompagnement que tu as eu depuis le début te permet d'avancer progressivement et d'aller mieux.

  • Speaker #0

    Tout à fait, oui. Je ne sais pas comment le formuler, mais le fait de prononcer le mot patient depuis tout à l'heure et que ça fasse aussi partie de votre thème, ça me rappelle vraiment le concept de patience qu'il faut avoir. Parce qu'aller mieux prend un peu de temps.

  • Speaker #1

    Oui, ça c'est important de le dire, effectivement. Ce n'est pas quelques séances qui vont suffire.

  • Speaker #0

    Effectivement.

  • Speaker #1

    Et c'est ce que revendiquent pas mal de psychologues, notamment sur le remboursement des séances. C'est vrai. J'aimerais bien qu'on parle un peu de ton rapport aux autres. Est-ce que tu sens que ton entourage ou les gens qui sont au courant de ce qui t'est arrivé, est-ce qu'ils parviennent à bien réagir, à t'aider ? Est-ce que tu peux nous parler du comportement de tes proches ? Comment ça s'est passé ?

  • Speaker #0

    Les événements sont assez révélateurs.

  • Speaker #1

    Tu nous as parlé tout à l'heure de ton compagnon. Oui. Qui lui a pris un peu... De l'époque. De l'époque.

  • Speaker #0

    Qui donc... les plus compagnons actuels. Ça aussi, c'est révélateur. Ah oui ? Oui, je pense que suite à des événements traumatiques, il y a de nombreux changements qui arrivent. On prend conscience des choses et parfois on se dit je souhaite commencer quelque chose de nouveau. Et ça a été le cas, je pense, pour beaucoup de mes camarades d'infortune.

  • Speaker #1

    C'est ce qui est décrit, effectivement, dans des situations de pathologie même.

  • Speaker #0

    La gestion d'un choc. s'intègre sur le terrain déjà de la personne et ce qui va émerger par la suite, il y avait déjà quelque part quelques pistes ou quelques graines dans le présent de la personne. Et pour la réaction de la famille, c'est la même chose. Si on avait un super entourage aimant, encourageant, évidemment, il va répondre positivement. continuer d'entourer, d'accompagner. Si ce n'était pas le cas, sans surprise, ça ne vient pas.

  • Speaker #1

    Tu as l'impression que cet événement a catalysé certaines choses, c'est-à-dire qu'il a intensifié, autant dans un bon sens que dans le mauvais sens, les rapports que tu pouvais avoir avec les autres ?

  • Speaker #0

    Je pense que si des personnes n'étaient pas très accompagnantes avant, parfois elles n'ont pas plus compris la gravité des choses et ne sont pas plus accompagnantes après. Ça remet les choses en perspective. Justement, on se dit, ah tiens, il semblerait que j'étais peut-être dans le manque de conscience d'une certaine situation. Maintenant que je bénéficie de certains soins, je peux peut-être ouvrir les yeux sur ce que je dois améliorer, comment je dois prendre soin de moi, quelle est la valeur de ma santé, de ma santé psychique. Ça a créé aussi... parfois des révélations.

  • Speaker #1

    Est-ce qu'il y a des choses que tu aurais souhaité qu'on te dise, des choses qu'on fasse pour mieux t'accompagner à ce moment-là ? Est-ce que tu as des choses que tu attendais, qui viennent, de proches, et qui ne sont pas venues ?

  • Speaker #0

    Ah oui, ou même tout simplement, je ne vais pas trop balancer non plus, ce n'est pas le sujet, mais même des personnes de la famille qui n'ont pas pris l'ampleur de ce qui s'est passé. Des très proches qu'il faut appeler pour dire je suis... survivante d'un massacre à bon. Et, bah oui, c'était juste comme ça. La distance, parfois, et je ne sais pas comment l'expliquer, mais il y a des personnes qui ne prennent pas la mesure de ce qui s'est passé. Je pense que c'est de moins en moins vrai en région parisienne, surtout à l'approche de nouveaux événements internationaux et suite à tout ce qui a pu se passer. en moins de dix ans sur notre territoire et dans le monde. Mais dans un premier temps, oui, un manque de prise de conscience de la gravité des faits.

  • Speaker #1

    Donc tu donnerais quand même le conseil aux personnes qui nous écoutent dans ce type de situation de bien faire attention, à bien écouter, à bien être présent et qu'on peut parfois être négligent. Ce type de situation, c'est ça, tu penses ? Oui,

  • Speaker #0

    surtout quand on parle de blessés psychologiques et que la blessure ne se voit pas. Évidemment, moi, je ne me suis pas fait reconstruire le visage. J'ai toujours mes membres. Je suis sortie recouverte du sang, mais des autres, pas le mien. C'était pas génial, c'était pas très facile à gérer, mais une fois qu'on a pris sa douche et qu'on a enlevé nos vêtements tachés, les gens ne réalisent pas. Et puis pour ceux qui ont perdu des proches, c'est difficile à comprendre aussi notre traumatisme. Je pense notamment, j'ai l'âge forcément de certaines victimes décédées, qui ont donc des parents endeuillés. Face aux parents endeuillés aussi, ça a été très difficile d'exister. parce que comment se plaindre d'être en vie quand des parents ont perdu leur enfant ? Donc ça aussi, c'est une place difficile à assumer. Ça a été tout un défi dans la vie associative, jusqu'au procès des événements. Ça a pu se terminer en bonne intelligence, parce qu'il y a des personnes... de très bonne volonté dans les associations qui essayent de créer le lien, mais ça a été très, très brutal les deux premières années. C'était très, très violent.

  • Speaker #1

    Au sein des victimes et des familles des victimes ? Oui. Tu as été suivie par des associations, accompagnée par les associations ? Alors,

  • Speaker #0

    encore une fois, c'est au bon vouloir de la personne. Si on veut rejoindre une association, on le peut. on peut même en fonder une si on veut. Et je pense que ceux qui l'ont fait ont été extrêmement courageux et bien inspirés, parce que c'est salutaire, voire salvateur. Et ça crée évidemment des liens jusqu'à aujourd'hui. Il y a aussi les fédérations d'associations, et des associations plus anciennes en rapport avec des... catastrophes en tout genre, naturelles, terroristes, etc., qui peuvent créer un super réseau de soutien. Mais encore une fois, c'est à chacun de se dire, bon, je ne dois pas être seule, vers qui je peux me tourner.

  • Speaker #1

    Comment ça se passe maintenant au niveau de ton quotidien ?

  • Speaker #0

    On est dans la neuvième année après les faits. Et pour ma part, aujourd'hui, c'est... presque un peu plus réelle, donc difficile qu'avant. Avant, je fuyais un petit peu la réalité parce que je devais tenir. J'ai décidé de changer de compagnon, changer de lieu de vie, tenter de voyager, ce qui n'était franchement pas facile après cette période. Donc, j'ai puisé énormément dans mes ressources et aujourd'hui... C'est un peu plus difficile. C'est un peu, pour moi, l'avion qui atterrit. Et se demander, après le procès, qu'est-ce que je fais ? Qu'est-ce que je deviens ? Est-ce que je suis une victime pour toujours ? Ou est-ce que j'avance ? Est-ce que je peux le faire aussi ? Est-ce que je peux avancer ? Ou est-ce que je suis tout simplement... Je ne suis pas maître de la situation ?

  • Speaker #1

    Ce côté victime pour toujours, qu'est-ce que tu en penses de ça ?

  • Speaker #0

    Je pense que c'est du domaine de la cicatrice. On peut avoir de graves fractures. et des cicatrices. Les fractures se réparent, les cicatrices se referment, mais elles restent. Et la fragilité aussi. Donc je dirais que psychiquement, c'est très comparable.

  • Speaker #1

    Là, actuellement, tu disais que tu es dans une phase un peu particulière. On a parlé au tout début de tes symptômes. Là, actuellement, tu as expliqué que tu as encore des symptômes et de l'inconfort. Comment ça se passe au niveau du rythme de tes symptômes ? Est-ce qu'il y a, par exemple, des journées où tu es tranquille, ou des périodes de ta vie où tu es tranquille ?

  • Speaker #0

    Ça se compte à la journée. voire à la demi-journée. Ça m'est arrivé il n'y a pas très longtemps. J'ai passé l'après-midi dans un jardin, un jardin d'un ami. Je me suis bien fatiguée avec les outils, avec les pots, avec la terre, etc. Et pendant plusieurs heures, j'étais très occupée. J'ai eu très, très mal au dos après. Et j'étais très contente et je me suis dit, tiens, pendant ces heures, je n'ai pas pensé à la menace parce que j'étais dans un endroit... que j'estimais sécurisant. Mais quand même, même si je ne me sentais pas menacée personnellement, je ne pouvais pas m'empêcher en entendant au loin la cour de récréation d'une école, en disant j'espère que les enfants vont bien des trucs comme ça. Ça ne quitte jamais vraiment longtemps. Même si on se dit tiens, j'ai passé deux heures à rien penser mais finalement, il y a toujours un fantôme qui vient nous hanter.

  • Speaker #1

    Mais donc, pendant plusieurs heures, tu t'es dit justement ah tiens, et c'était il y a combien de temps ça ?

  • Speaker #0

    C'était il y a peu de temps, c'était peut-être il y a une semaine.

  • Speaker #1

    Et c'était nouveau ça ?

  • Speaker #0

    Oui, c'était nouveau, parce que j'ai eu comme une forme de refute. Donc là, je me suis donné une chance avec un nouveau compagnon. Je lui ai bien dit, pourtant je lui ai dit mais t'es sûre parce que moi je suis une personne cassée donc je suis pas sûre que ce soit une super affaire. Il m'a dit non, mais moi, je ne vois pas ça. Donc, j'ai dit bon, OK. Mais c'est délicat parce qu'il y a la manière dont les autres nous voient, mais il y a cette façon dont on se voit qui est difficile à gérer.

  • Speaker #1

    Est-ce que toi, tu fais appel à d'autres choses, on va dire un peu non conventionnelles ? Je pense par exemple aux médecines douces ou à d'autres activités pour aller bien.

  • Speaker #0

    Oui. En novembre, j'ai eu le temps de tester plein de choses. Je me suis juste arrêtée devant le chamanisme. Et autrement, oui, la kinésiologie, des thérapies en tout genre. de la simple ostéopathie, chiropraxie, pour gérer des problèmes de bruxisme, crispation, jusqu'à se dire, est-ce que je ne vais pas faire des choses mystiques ? Mais je me suis arrêtée avant.

  • Speaker #1

    Est-ce que tu t'es renseignée sur... les évolutions concernant le traitement du stress post-traumatique, sur ce qui se faisait dans d'autres pays, sur des thérapies, des molécules ? Est-ce que tu t'intéresses à ça ?

  • Speaker #0

    Oui, alors en termes de thérapie notamment, je continue pour les molécules à tester plusieurs choses. Là, j'en suis à la sertraline, donc j'arrive à progressivement baisser le dosage. Et en termes de thérapie, j'ai rencontré... des rescapés qui avaient participé à une étude clinique sur les bienfaits de la plongée sur le stress post-traumatique. Et l'étude clinique a été testée sur plusieurs populations comme des vétérans de l'armée, des personnes malades chroniques, des personnes endeuillées, et également... Suite aux attentats de 2015 DRSKP. et les résultats ont été positifs. L'étude a été validée et un protocole de plongée, dont l'école principale est située en Guadeloupe, mais dont le directeur et cofondateur de cette méthode fait des émules tous les ans en formant des instructeurs et des instructrices de plongée. Cette méthode m'a beaucoup aidée.

  • Speaker #1

    D'accord. Donc tu as participé à cette méthode ?

  • Speaker #0

    Oui, je n'ai pas eu l'occasion de participer à l'étude qui a eu lieu, il me semble, en 2017. D'accord. Merci beaucoup. Certaines rescapées m'en ont parlé et m'ont permis de faire un voyage en groupe. Après cette découverte, j'y suis retournée quatre fois de plus. J'essaye moi aussi d'en parler aux personnes qui auraient des troubles type phobie sévère. Je n'ai pas encore rencontré, heureusement, de personnes. qui aurait subi un choc comme une attaque de masse. Mais j'essaye de parler autour de moi de cette méthode qui s'appelle Baptisme-Aide.

  • Speaker #1

    Est-ce que tu t'es retrouvée en position d'aidante, toi ?

  • Speaker #0

    Je suis de nature déjà assez psychologue, à analyser les situations, à conseiller si je le peux. Donc nécessairement, oui, ça m'est arrivé. Et je dirais qu'une fois qu'on porte le badge RSKP d'attentat, les personnes viennent parfois naturellement exposer un problème. En fait, les gens font beaucoup de projections. Naturellement, je n'ai pas forcément noté tout, mais oui, ça a été jusqu'à, une fois que je l'ai découvert, accompagner des gens pour plonger. J'ai commencé par mon frère, ma sœur, qui avait des troubles plutôt... confiance en soi, assumer une identité, jusqu'à la phobie de l'eau. Mon ami qui est venu avec moi et qui a vaincu sa peur de l'eau.

  • Speaker #1

    D'accord. Donc c'est toi qui les as accompagnées ? Oui. Et comment tu te sens dans ce rôle ?

  • Speaker #0

    C'est gratifiant. On se dit qu'on sert à quelque chose.

  • Speaker #1

    Ça a un terme, ça. Ça s'appelle l'euphorie de l'aidant.

  • Speaker #0

    Je vais recommencer alors. Ça me semble légal. Je pense que je peux le faire encore.

  • Speaker #1

    J'aimerais revenir sur l'encadrement et le suivi. Moi, en t'écoutant, j'ai l'impression que... Tu as été bien encadrée, bien suivie, mais est-ce que tu penses qu'il y a des choses qui pourraient être améliorées par le corps médical ?

  • Speaker #0

    Je dirais la sensibilisation à l'impact psychique que peuvent avoir les événements. Évidemment, on va tout de suite faire venir une ambulance en cas de problème, mais continuer à... montrer aux personnes, notamment, je sais que ça existe déjà, j'ai déjà vu des personnes avec des petits gilets qui sont signalés.

  • Speaker #1

    Ces cellules d'unité médico-psychologique. Oui,

  • Speaker #0

    je crois. Voilà. Continuer la visibilité de ce personnel-là parce qu'une mauvaise santé psychique peut amener... des vrais troubles ensuite. On peut attenter à sa vie après.

  • Speaker #1

    On revient sur ce que tu nous as raconté. Des personnes, finalement, passent à travers les mailles du filet, ignorent même que ça existe. Elles peuvent se retrouver avec un stress post-traumatique non pris en charge, finalement. Tout à fait. Au cours de ton parcours, qu'est-ce qui a été le plus difficile à surmonter ?

  • Speaker #0

    Assumer son identité de victime, c'est un vrai défi. parce qu'on ne s'en empare pas chacun et chacune de la même façon. Encore une fois, c'est indexé sur la personne qu'on est avant. Et du coup, se dire, mais qu'est-ce que je vais en faire ? Est-ce que je vais devenir une star des réseaux sociaux ? Comment je vais transformer ça ? Est-ce que je vais être visible ? Est-ce que je vais être transparent ? L'identité de victime, c'est difficile parce qu'il faut continuer à vivre. Donc, c'est arrivé sur une population... ni jeune ni âgé, mais qui a encore beaucoup de choses à vivre. Donc, continuer à travailler, continuer à peut-être fonder une famille ou pas, c'est ça qui est le plus difficile, à mon sens. Qu'est-ce que je fais maintenant de ma carcasse ? C'est ça, le challenge.

  • Speaker #1

    Est-ce qu'il y a eu des étapes où tu t'es dit j'ai franchi quelque chose, j'ai dépassé quelque chose, ça va mieux ?

  • Speaker #0

    Je dirais que la plongée a été décisive parce qu'elle force à... éviter les pensées parasites, pour appliquer des consignes simples, respirer calmement. Si on a la chance d'être dans un joli environnement comme la mer des Caraïbes, par exemple, et qu'on peut voir de jolis poissons, etc., on peut se rendre compte qu'il y a des choses à découvrir. Pour moi, c'était une découverte à ce moment-là. Mais même si on est, admettons, dans une eau d'un joli bleu, on découvre la valeur de la vie. Se dire je respire, j'applique des consignes simples et je me retrouve face à la valeur de ma vie. Et je réussis à faire quelque chose de simple. Je respire, je vis, je suis fière, je sors, je continue.

  • Speaker #1

    J'aimerais bien qu'on parle un peu des conseils que tu pourrais donner. aux femmes ou aux hommes qui traversent la même chose que toi. C'est-à-dire qu'en fait, le stress post-traumatique, pour rappel, effectivement, c'est avoir subi un événement ou avoir été témoin d'un événement qui t'a mis en danger sur le plan vital ou sur le plan fonctionnel. Donc ça englobe beaucoup de personnes, finalement. Je crois que selon les statistiques, on estime qu'en France, il y aura jusque 5% des personnes qui pourraient souffrir d'un stress post-traumatique durant leur vie. Quel conseil, toi, tu donnerais à ces personnes ?

  • Speaker #0

    De ne pas ignorer l'impact que ça a eu sur eux, qu'il est anormal de subir ou d'assister à ce genre de choses. Du coup, ça brise un équilibre cérébral, émotionnel, et on ne peut pas ignorer des lésions invisibles que ça nous inflige. Et donc, comme quand on a une... n'importe quelle autre blessure, on va se soigner. Aller se soigner, va te faire soigner, c'est pas un gros mot.

  • Speaker #1

    Bien sûr. Donc tu les engagerais à franchir le pas, en fait. Oui. Voilà, parce que ça marche le traitement. Oui. Fanny, qu'est-ce qu'on peut te souhaiter pour la suite ?

  • Speaker #0

    Je dirais une bonne... cicatrisation de mes blessures et puis de continuer à méditer sur la valeur de la vie des séances de plongée peut-être aussi ? ah oui, plein de séances de plongée et pour rassurer tout le monde, c'est possible dans tous les départements. C'est possible même dans une piscine.

  • Speaker #1

    Ouais. Et il y a un petit point, quelque chose que tu nous as partagé avant, c'est que tu t'étais mise à chanter et à faire de la musique.

  • Speaker #0

    Oui, c'est vrai. Mon compagnon actuel est guitariste amateur et on s'est notamment rencontrés autour de la musique. Donc moi, au chant et avec quelques petites bases de guitare. Et lui... à la guitare et du coup ça fait écho à ce qui m'est arrivé donc ça tord le cou à un événement traumatique

  • Speaker #1

    Fanny merci beaucoup pour ce témoignage c'était très riche, assez émouvant on souhaite le meilleur pour la suite merci beaucoup,

  • Speaker #0

    merci à vous

  • Speaker #1

    Merci à toutes et à tous de nous avoir suivis. N'hésitez pas à partager cet épisode. J'espère que la parole de Fanny vous a autant aidé que moi à comprendre davantage cette pathologie encore trop souvent ignorée. Je la remercie encore vivement de nous avoir confié son histoire. Pour compléter ce témoignage, nous allons solliciter l'éclairage d'un expert. Rendez-vous la semaine prochaine. En attendant, si vous souhaitez aller plus loin, je vous recommande ces associations. L'association AFVT Association française des victimes de terrorisme, l'association 13-11-15, l'association mémoire traumatique et victimologie, ou encore l'association filigrane. On se retrouve dans deux semaines, même jour, même heure, pour entendre une autre histoire de passion. En attendant, je vous dis à très vite, et surtout, prenez soin de vous !

  • Speaker #0

    Ce podcast vous a été proposé par la plateforme Levy.

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