- Speaker #0
On se retrouve dans un fossé à Istanbul, déclaré cliniquement mort. Et ça a été là le point de départ de l'ouverture à une autre dimension.
- Speaker #1
À l'âge de 19 ans, il a frôlé la mort. C'est là qu'il a vécu une expérience de mort imminente qui a bouleversé et changé sa vie à tout jamais. Jean-Yves Leloup, c'est un prêtre orthodoxe, c'est surtout un auteur, un commentateur, un traducteur des évangiles.
- Speaker #0
Une expérience de mort imminente, il y a beaucoup d'images, il y a des ancêtres qu'on rencontre, il y a tout ça. Il y avait vraiment...
- Speaker #1
Ces gens qui recherchent précisément l'immortalité. Vous ne pensez pas qu'on pourrait un jour ne jamais mourir ?
- Speaker #0
Il y a d'autres dimensions. On n'est pas nés simplement pour devenir des intelligences augmentées. C'est merveilleux, l'intelligence artificielle. Mais ça reste une vie mortelle. Notre corps est fait pour la métamorphose. On est nés pour ressusciter.
- Speaker #1
On a l'impression que tout est chaotique, absurde. Le réchauffement climatique, les guerres, cette violence qui monte.
- Speaker #0
Si on ne parle pas de Dieu, on va tous mourir. Celui qui aime demeure en Dieu. Celui qui n'aime pas demeure dans la mort. Pourquoi vous,
- Speaker #1
vous êtes finalement chrétien ?
- Speaker #0
Montrez-moi mieux que le Christ. On est arrêté par une certaine interprétation de l'évangile. Et on dit que c'est ça la vérité. La vérité, on ne l'a pas. Plus on grandit, moins on a de vérité. Mais plus on devient vrai.
- Speaker #1
Cet évangile de Marie dont on n'a qu'un fragment auquel on ne s'attend pas du tout, ce morceau qui est dans cet évangile, qui traduit la même chose qu'aujourd'hui dans l'Église catholique. Comment vous la percevez d'ailleurs cette Myriam de Magdala ?
- Speaker #0
Est-ce qu'on va se mettre à écouter cette femme ? C'est l'inconscient du christianisme refoulé. Je crois qu'il y a deux choses que Christiane n'a pas assumées, c'est le féminin et...
- Speaker #1
Il était dans le non-sens, l'absurdité, il a vécu des épreuves dans l'enfance et durant sa jeunesse extrêmement difficiles, et puis il y a ce réveil spirituel inédit qui l'emmène au baptême, à la prêtrise. C'est un auteur prolifique qui a plus de 90 livres à son actif. Je parle bien sûr de Jean-Yves Leloup. Dans ce podcast, nous avons exploré son parcours depuis l'enfance, la manière dont on vient au monde. Nous avons exploré les difficultés qu'on peut rencontrer au cours de sa vie. Et puis, nous avons surtout découvert ce que c'est que de rencontrer Jésus, de se mettre à sa suite, d'explorer cette voie intérieure et spirituelle qui change la vie d'une personne, qui vraiment nous amène vers plus d'amour, plus de paix, plus de joie. Et puis, comment il a aussi développé toute une théologie autour de la non-dualité, autour de cette expérience de communion entre les êtres. qui nous permet aussi de toucher le bouddhisme, le zen, le soufisme, parce que c'est quelqu'un qui a une ouverture immense sur les autres religions. Vraiment, ce podcast est extraordinaire parce que vous allez trouver des mots et surtout une manière de raconter, de vivre l'évangile que vous n'avez peut-être jamais entendue par ailleurs. Ici, il n'y a pas de dogmatisme avec Jean-Yves Leloup, il y a toujours des questions. Vous allez découvrir comment on peut être chrétien d'une manière extraordinairement libre et très très proche de cette voie spirituelle du Christ qui ne ressemble à aucune autre. Bienvenue dans ce nouveau podcast. avec Jean-Yves Leloup. Bienvenue Jean-Yves Leloup, merci d'avoir accepté mon invitation à participer à ce podcast. Alors je dis bienvenue, puis en même temps c'est vous qui nous accueillez ici, dans cet observatoire du silence qui fait partie, qui est un lieu du réseau des intercontinentales de la conscience. Alors Jean-Yves Leloup, moi je vous connais très bien, je suis une grande fan de vos écrits, mais la plupart des gens peut-être qui nous écoutent ne vous connaissent pas. Alors si on vous demande qui êtes-vous, que répondez-vous ? Avant de poursuivre ce podcast, passionnant, j'ai une très bonne nouvelle pour toi. Tu n'as pas besoin de prendre de notes puisque mon équipe a créé une fiche qui récapitule tout ce qui a été dit, les phrases pépites, les meilleurs conseils, les meilleurs moments et surtout tous les liens. Tu peux télécharger cette fiche gratuitement et maintenant en cliquant simplement sur le lien qui se trouve dans la description de ce podcast. Vas-y, profites-en, puis on se retrouve juste après avec mon invité. Que répondez-vous ?
- Speaker #0
Alors... Qui êtes-vous ? Ça dépend à quel niveau on se situe, si c'est au niveau social, au niveau religieux ou simplement au niveau de l'être. Alors là, j'aimerais bien dire que je suis comme un brin d'herbe, c'est-à-dire que je crois, comme l'herbe croit, c'est-à-dire vers la lumière. C'est l'essentiel. Donc si je crois, c'est je suis, je crois. Donc, c'est que je suis aimé par l'être qui me fait être et je crois en croissance vers lui. Ça, c'est l'essentiel. Au niveau social, je suis, on pourrait dire, prêtre orthodoxe. C'est vrai que c'est plus qu'un métier, puisque c'est une vocation d'être prêtre, c'est faire un peu le pont entre le visible et... et l'invisible, et j'aime bien être dans cet entre-deux, entre celui qui nous fait être et l'être que nous sommes. Donc dans la tradition orthodoxe, bon, ça c'est une longue histoire.
- Speaker #1
Et puis Jean-Yves Leloup, alors effectivement dans un évangile apocryphe de Thomas que vous avez traduit et commenté, il y a cette phrase de Jésus qui dit « Si on vous demande d'où vous venez, répondez que nous venons de la lumière, là où la lumière est née d'elle-même. » Et puis en même temps, il y a cette incarnation, ce moment où nous sommes nés sur cette terre et vous êtes né en janvier 1950, pas très loin d'ici, à Angers. Et je me demandais dans quel genre de famille est-ce que vous êtes arrivé sur cette terre ?
- Speaker #0
D'abord, je vous remercie de rappeler ce beau texte de l'évangile de Thomas, parce que c'est vrai qu'il faut se rappeler qu'on est tous de la lumière, qu'on est du silence, qu'on dit quelques mots et on retourne au silence. Le silence est le commencement et la fin, l'origine de ce que nous sommes. D'ailleurs, ça a toujours été frappé quand on demande à Jésus qu'est-ce que la vérité, il se tait. Et pourtant, il dira ailleurs, je suis la vérité. Donc, l'important, ce n'est pas les vérités qu'on a, le milieu dans lequel on est né, mais c'est la vérité qu'on est. Et d'ailleurs, la vérité, on ne l'aura pas. Ce n'est pas de l'ordre de l'avoir, mais de l'ordre de l'être, de l'être avec. Donc, dans quel milieu je suis né ? Un milieu à la fois de commerçant, euh hum Ma maman avait une origine plutôt paysanne. Mon père, ça aussi, c'est assez curieux. C'était la famille Leloup de Labillier, qui avait son château pas très loin d'ici. C'est une famille qui a été martyr pendant les guerres de Vendée. Mes ancêtres ont eu la tête coupée. Il croyait au Sacré-Cœur. C'est toute une histoire un peu étrange, alors que mon grand-père était franc-maçon. Alors vous voyez, hérité d'un mélange de franc-maçon et de Sacré-Cœur, ça fait un mélange de christianisme à la fois très pieux, du style vendéen, et en même temps une recherche un petit peu ésotérique. Nokia. Il y a tout cela, mais c'est bien dans l'inconscient.
- Speaker #1
Parce que vos parents pratiquaient la religion ?
- Speaker #0
Aucune religion. Mes mêmes parents étaient, à certains moments, un peu farouchement anti-cléricaux. C'est-à-dire tout ce qui était de l'ordre de l'Église, du christianisme, ça semblait être quelque chose de complètement dépassé. Ça n'existe pas. D'où... Tout mon questionnement, qu'est-ce qui existe ? Justement, qu'est-ce qui existe vraiment ? Bien sûr, ne me parlez jamais de ce dont je suis en train de vous parler. Mais bon, c'est curieux, parce que la vie, après avoir tellement voyagé dans tous les coins du monde, me ramène par ici, donc près du lieu de mes ancêtres, du lieu de ma naissance. C'est assez mystérieux, comme si rien n'était oublié. toutes ces mémoires habitaient les profondeurs de nos cellules. Dans quelle famille je suis né ? Et c'est vrai qu'enfant, je me sentais assez étranger à cette famille. Et que je cherchais autre chose que ce qui m'était proposé, qui était toujours, bien sûr, de l'ordre de la réussite, le fait de pouvoir un peu briller, avoir une place dans la société. Et être en bonne santé, enfin des choses tout à fait normales et bonnes, mais qui ne me satisfaisaient pas.
- Speaker #1
Et effectivement, dans ce parcours, on peut lire dans votre livre L'Absurde et la Grâce, justement tout ce parcours que vous avez vécu dans une enfance pas facile, avec des épreuves difficiles. Et puis, en grandissant, il y a quelque chose, vous en avez parlé, est-ce que vous pourriez nous en dire peut-être quelques mots pour des personnes aussi aujourd'hui qui peut-être traversent leur jeunesse d'une manière difficile, avec une perte de repères, dans un monde qui va très vite, qui effectivement n'apporte pas forcément du sens, où on a l'impression que tout est chaotique, absurde, le réchauffement climatique, les guerres, cette violence qui monte. Il y a beaucoup de jeunes probablement qui se sentent perdus, qui se dispersent. dans les drogues, l'alcool, la pornographie, on est un peu dans cette société qui se perd. Vous, vous avez traversé ça. Qu'est-ce qui s'est passé pour vous ?
- Speaker #0
Oui, j'ai baigné complètement dans tout ça, vraiment dans l'absurdité, à un moment, me dire à quoi ça sert. Donc, c'est vrai qu'assez tôt, j'ai été un enfant fugueur. Donc, c'est... C'était impossible. Platon parlait de la démangeaison des ailes. Il y a des moments où on se sent étouffé, on n'en peut plus. On a envie de prendre un peu d'air, un peu d'envol. Et alors là, il me fallait quitter l'école. Et puis à un moment, j'ai quitté ma famille. C'est maintenant que je me rends compte de ce que j'ai pu faire souffrir, faire endurer à mes parents. Parce qu'un enfant qui s'en va, on ne sait pas où il est. Et effectivement, je faisais la route, j'allais à droite, à gauche. Donc on me n'aime rechercher par la police quelques jours après. Mais c'est vrai que c'était difficile jusqu'au moment où je leur ai mis un petit mot, où vous m'avez fait naître pour mourir. Dès qu'un enfant est né, il est assez vieux pour mourir. Donc ça suffit, je vais voir s'il y a quelque chose ailleurs. Et là, je suis parti. Effectivement, en chemin, on rencontre toutes sortes de personnes. nos rencontres. des marchands de drogue on rencontre des gens qui vous invitent à faire toutes sortes d'expériences et là bon c'est vrai, Rimbaud parle de ce lent dérèglement de tous les sens, donc là c'est vrai que je suis allé un petit peu au bout, jusqu'au jour où on me retrouve dans un fossé à Istanbul comme déclaré cliniquement mort hein Et ça a été là un peu le point de départ à la fois de cet espace-temps et l'ouverture à une autre dimension qui est comme une nouvelle naissance. Et là, effectivement, on pourra peut-être en parler.
- Speaker #1
Alors c'est quelque chose dont on parle de plus en plus parce que vous faites référence au NDE, aux expériences de mort imminente, c'est ça que vous avez vécu ?
- Speaker #0
Oui.
- Speaker #1
Qu'est-ce que... Qu'est-ce qui en est sorti pour vous ? J'entends que c'était un moment d'ouverture et de réveil. Comment ça s'est passé ? Qu'est-ce que ça a enclenché ?
- Speaker #0
D'abord, c'était un moment de grande douleur, c'est-à-dire physiquement. Et puis, jusqu'ici, mystérieusement, on pourrait dire la pulsion de mort avec la drogue et toutes ces expériences un peu limites, comme si vraiment, pour moi, la vérité, c'était la mort. Qu'on arrête de me raconter des histoires, de moi m'en raconter, les autres m'en racontent. Je crois qu'il n'y a que la mort qui va me dire qu'est-ce qui est authentique. Donc il y avait une pulsion vraiment suicidaire. Et là, au moment où ça arrive, je n'étais plus d'accord. Parce que je me dis quand même, même pas 19 ans, c'est un peu tôt pour... Et pourtant, je croyais avoir tout vécu. Mais là, c'est encore autre chose, quand on est dans ce moment au bord d'un abîme. Mais je voulais savoir, plonger, pour savoir qu'est-ce qui est. Qu'est-ce qui reste quand il ne reste plus rien ? Qu'est-ce qu'on est vraiment ? Qu'est-ce que c'est que toutes ces histoires qu'on nous raconte ? Donc effectivement, il y a eu ce moment où je disais non. Non, je ne veux pas mourir, je ne veux pas souffrir, je ne veux pas mourir. Enfin, non. Et plus je disais non, plus ça fait mal. Et là, c'est intéressant parce qu'effectivement, tant qu'on dit non à quelque chose, on le renforce d'une certaine façon. Tant qu'on dit non à sa douleur, ça nous fait encore plus mal. Jusqu'à ce moment où j'ai dit oui, c'est ainsi. J'ai dû boire un peu. Dans les eaux du Bosphore, quelque chose qui n'était pas de l'ordre du Danube bleu. C'est vraiment un empoisonnement, une mort assez lente, le poison. Et alors là, qu'est-ce qui s'est passé ? C'est bien difficile parce que c'est avec des mots. Et les mots, ils sont dans cet espace-temps. Donc, c'est toujours limité. Donc, c'est un peu... Des fois, je me demande si on ne se raconte pas de nouveau des histoires. Pour moi, c'est qu'après ce oui, il y a une espèce de plongée ou de montée. Je ne sais pas. Les images qui me viennent, c'est comme si l'oiseau sortait de sa cage. C'est un oiseau et ça sort de sa cage. On en a parlé, cette espèce de sortie hors du corps. dans cette découverte que ce qui informe nos atomes, nos molécules, a une certaine indépendance par rapport au corps. Et là, l'oiseau sort de sa cage, sort de ses limites. Et puis, encore un autre pas, c'est comme si... Le vol sortait de l'oiseau. Et le vol va rejoindre l'espace. Il devient l'espace. Alors là, le mot lumière, le mot espace, ce sont encore des mots. Mais c'est des mots que j'ai pour essayer de dire ce qui s'est passé à ce moment-là. Donc là, il n'y a pas eu d'image. Je vois dans les espérances de mort imminente, il y a beaucoup d'images, il y a des ancêtres qu'on rencontre, il y a tout ça. Pour moi, il n'y avait vraiment rien. Mais ce rien contenait tout. L'espace, la lumière, c'est des mots que je peux arriver à dire. C'est plus que ça. Et c'est mieux que ça. Parce que c'était aussi un moment de béatitude, de paix. Puis qu'est-ce qui s'est passé ? De l'extérieur, on m'a dit qu'on m'avait emmené pour la morgue. C'est-à-dire, il y avait ma petite caisse en tôle à côté. Comme ça se passait pour beaucoup de jeunes qui voyageaient sans identité, on n'avait pas trouvé de papier, donc on ne savait pas à quel pays j'appartenais. Donc là, on était près de... de m'enterrer. Il paraît que j'ai remué du gros orteil. Il est vivant ! Quand on parle des crocs morts, effectivement, leur fonction autrefois, c'était de mordre le gros orteil. Bon, on ne m'a pas mordi le gros orteil, mais toujours est-il qu'on a dit qu'il n'est pas mort. Et ça, c'est vu de l'extérieur. De l'intérieur, ce que je sais, c'est qu'à un moment... L'espace est rentré dans le vol. Le vol est rentré dans l'oiseau. Et l'oiseau est retourné dans sa cage. Donc j'y suis toujours. Mais douloureusement. C'est-à-dire que cette démangeaison des ailes, elle est toujours là. Cet espace que j'ai pu connaître, cette pure présence, cette pure conscience, je dirais, c'est quelque chose de... de réel. Donc là, j'étais réanimé, on m'a dit, il revient. Et effectivement, c'était très douloureux, difficile de revenir. Et le corps, on garde encore des traces intérieurement. Et bon, réanimé. Et au bout de quelques jours, ça allait mieux. Et là, on... Donc je faisais le muet, comme si je ne pouvais plus parler, mais on avait vu que j'entendais. Quand on me demandait qui j'étais et d'où je venais, je ne répondais pas, mais on sentait que j'avais entendu. Donc à un moment, un médecin m'a dit, tu es peut-être muet, mais tu n'es pas sourd, donc tu dois entendre ce que je vais te dire. Prends la porte. Donc, vas-y. Donc je suis sorti. Et bon, Istanbul, je ne sais pas si vous connaissez.
- Speaker #1
J'y suis jamais allé.
- Speaker #0
Il y a au moins un lieu important à Istanbul. Il y en a au moins deux. Mais il y en a un, le premier que j'ai rencontré, c'était la mosquée bleue. Une magnifique mosquée. Donc, je suis allé vers cette mosquée. Sans savoir où j'allais. Et là, effectivement, dans la mosquée, dont d'abord les tapis. Le contact avec un sol doux. On m'avait demandé de me laver les pieds. Et puis, là, les tapis. Et puis, cet espace bleu. Je me dis, tiens, il y a dans ce lieu comme un écho de cet espace vide que j'avais goûté et contemplé. Parce que ma question maintenant, c'est qu'est-ce que c'est que ça ? Qu'est-ce qui s'est passé ? Qu'est-ce qui m'est arrivé ? Qu'est-ce qui reste quand il ne reste plus rien ? Il y a cet espace, il y a ce bleu. Donc... où est-ce que je peux en avoir un écho dans cette vie dans laquelle je suis revenu, dans cette petite cage où je me trouve. Donc la mosquée bleue a un bel espace, puis je voyais les gens se prosterner, tout ça. Donc je faisais pareil, jusqu'à un moment où il y a un monsieur qui me dit « muslim » . Je dis « non, rien, je ne suis ni muslim, ni quoi que ce soit » . Dehors ? Dehors, bon. C'est dommage parce que c'était un bel espace. Et donc dehors, je regarde de l'autre côté de la place. C'est en bout de nom qu'il y a la mosquée de Blé. Et en face, il y a ce qui est aujourd'hui une mosquée aussi. Et il y a un beau bâtiment qui est la basilique Sainte-Sophie. Donc un lieu de... un grand lieu de la tradition chrétienne orthodoxe, dont s'est inspirée d'ailleurs pour les architectes la mosquée bleue. Donc je passe d'une coupole à l'autre. Et là, dans ce qui était une église, une basilique, c'est vrai que c'était un peu défiguré parce qu'on a mis des panneaux avec les différents noms d'Allah et tout ça. Enfin, ce n'était pas aussi beau. au niveau de l'espace que dans la mosquée bleue. Mais bon, il y avait plein de fresques tout autour, des mosaïques. Et là, je me souviens d'avoir regardé une mosaïque où il y avait un visage du Christ. Et là, dans ce regard du Christ, c'est à la fois l'espace, le bleu que j'avais vu, mais quelque chose de plus. C'est dégueu. Comme si cet espace, ce bleu, me regardait. C'est vraiment mystérieux comme expérience. Pour moi, c'est peut-être la différence qu'il y a entre Dieu et la nature. C'est la différence qu'il y a entre le bleu du ciel et le bleu d'un regard. C'est toujours le bleu. On ne voit que du bleu. Mais dans le bleu... d'un regard, il y a quelque chose de plus que le bleu du ciel. Il y a quelqu'un, il y a une présence. Et là, je suis regardé. Là, non seulement je vois, mais je suis vu. Qu'est-ce que c'est que ça, encore une fois ? Et là, je pose la question, qui c'est ? Cet homme qui me regarde. Et là, on me dit... « Écoute, va au fanart. » Le fanart, c'était ce qui reste un peu du patriarcat de Constantinople. C'est-à-dire pas grand-chose aujourd'hui. Et là, je vais donc demander, et je vois un beau vieillard. J'ai su plus tard que c'était le patriarche à Ténégora.
- Speaker #1
C'est incroyable.
- Speaker #0
Donc, ça fait quand même un peu longtemps. Et là, je vais devant l'icône, où je retrouve une icône du Christ, donc à l'intérieur de la petite église du Fanart, et je lui demande qui c'est. Et là, il me dit, donc il me conduit, et puis effectivement, autour de l'icône, il y a écrit « O-ON » , c'est-à-dire « Celui qui est » . Je suis celui qui est. Tout d'un coup, il y a une espèce d'éclair qui me fait tomber un peu dans les pommes. Mais ce que j'ai expérimenté, ce que j'ai vu, c'est « je suis » . C'est la présence de « je suis » . Pour moi, il y a une expérience d'un pur « je suis » . Donc, ce que vous me dites, ce n'est pas du baratin. Il y a quelque chose que j'ai vécu. Je vous raconte un peu tout ça. Il me dit, écoute, si tu veux comprendre un peu tout ça, va au Mont Athos. Il donne des adresses, je vous passe les détails, parce qu'au milieu de tout ça, il y a quand même des loukoums, un peu d'autres vies, des relations humaines, vraiment humaines. Et là, il m'envoie au Mont Athos en disant qu'il y a peut-être un des monastères à Stravonikita. tu trouveras peut-être des gens qui te diront qui est cet homme, qui est cet homme qu'on appelle O-On, qu'on appelle le « je suis » . Donc là, je suis allé au Moatos, et c'est petit à petit comme ça que j'ai découvert que je suis, que ce « je suis » que j'avais expérimenté, ce pur « je suis » . Ni ceci, ni cela, tout ça, c'était manifesté, c'était incarné dans la personne de Jésus. Et là, Oui. La première chose qu'on m'a demandé, c'était d'essayer de lire l'Évangile. J'ai vraiment bouleversé par cette lecture de l'Évangile, comment ce « je suis » s'incarne dans l'histoire, se manifeste. Et que ce « je suis » , c'est un « je suis » qui aime. Là, je reviens à mon brin d'herbe. Si je suis et si je crois, c'est que je suis aimé. Je suis aimé par l'être, même si mon brin d'herbe est un peu chiffonné. et fatigué, et a toutes sortes de souffrances à subir. Mais le simple fait d'être, c'est d'être aimé. Le simple fait de croître, de grandir, c'est être aimé de la vie qui grandit aussi en nous. Donc tout ça, c'est des mots que je mets après, mais au moment, cette découverte, et la beauté de l'Évangile, dont on n'avait jamais parlé. que je ne connaissais pas et c'était vraiment quelque chose de bouleversant. En même temps, j'ai reçu cet avertissement en me disant, parce que j'étais trop attaché à l'évangile, on me dit mais attention, tu vas devenir protestant. Je ne sais pas si ça voulait dire protestant, mais je savais que j'étais chez les orthodoxes. Si vous connaissez, c'est les hommes du Mont Athos, ces grands barbus.
- Speaker #1
Il n'y a que des hommes au Mont Athos d'ailleurs, c'est vraiment un monastère.
- Speaker #0
Parce que le... chacun à découvrir aussi ce féminin qui est en lui.
- Speaker #1
On pourra en reparler tout à l'heure.
- Speaker #0
C'est des explications. Pour moi, c'est cette expérience de mort clinique qui est le point de départ de ma quête après une vie vraiment de dispersion, d'essayer de faire toutes les expériences possibles pour savoir qu'est-ce qui est, qu'est-ce qui reste. Et il ne reste rien, nothing, c'est-à-dire pas une chose. Mais ce pas une chose, ce rien, c'est une présence. C'est quelqu'un, c'est je suis. Il reste le pur je suis. Et ce je suis, donc il s'agit de le découvrir, et il s'agit surtout de le laisser être, de le laisser grandir, de le laisser aimer. Et qu'à ce moment-là, notre vie prend de la saveur, prend du sens.
- Speaker #1
En vous écoutant, Jaël Lehoux, je me rends compte que... C'est vrai que vous... Je me demandais si vous aviez lu les évangiles déjà auparavant ou si la première fois que vous avez lu un évangile, c'était après cette expérience.
- Speaker #0
C'est après cette expérience que j'ai compris, en tout cas.
- Speaker #1
C'est ça, parce qu'en fait, ce que je me rends compte en vous écoutant, c'est que c'est votre expérience qui a pu nourrir aussi cette réception du texte. Parce que c'est une question que se posent souvent les gens, c'est j'essaie de lire la Bible, mais je n'arrive pas à comprendre. Et vous, vous avez justement aussi une manière extraordinaire de pouvoir interpréter la Bible. Quel conseil pourriez-vous donner à quelqu'un aujourd'hui qui démarre et qui ne sait pas très bien comment prendre ça et qui n'a pas forcément une expérience mystique profonde comme ça derrière lui ou derrière elle ?
- Speaker #0
Oui, c'est vrai que ce n'est pas facile parce que ça reste des mots. Ça fait partie de la culture mondiale, ça fait partie de la littérature. Je crois que si on est quelqu'un d'honnête... On ne peut pas passer à côté de ces grands textes sacrés de l'humanité et à côté de l'Évangile. Mais je dirais, ça devient une parole lorsque ça nous est adressé, lorsqu'il y a une rencontre. Je pense à cet écrivain qui s'appelle De Luca, qui tous les matins lit un verset de la Bible en hébreu. C'est comme un noyau d'olive qu'il tient dans la bouche. Mais il dit, je ne crois pas, parce que je n'arrive pas à prier le texte. C'est-à-dire, c'est un texte intéressant, mentalement, mais il ne me parle pas. Je ne me sens pas appelé. Il n'y a pas de relation. Et je crois que c'est ça. Donc, on peut lire la Bible, mais il y a un moment où ça devient une relation. Alors, à quel moment ? C'est là que je crois que c'est ce moment d'ouverture du cœur, qui est un don de l'esprit. C'est là qu'il y a cette parole qu'on retrouve chez Saint-Jean, « Une ne peut venir à moi si le Père ne l'attire » . C'est-à-dire cette attirance vers le Saint-Esprit. Et cette attirance, on la ressent souvent dans des états de manque. On manque d'amour, on manque de vie, on manque de sens. Et là, c'est cette soif qui nous rend capable de recevoir cette parole. Mais c'est une parole d'un autre qui vient d'ailleurs, du plus profond de nous-mêmes. Et en même temps, le plus profond de nous-mêmes, c'est le tout autre. Donc, quel conseil ? C'est vrai que je n'ai pas beaucoup de... mon expérience en tout cas ces paroles là ont pris du sens parce que j'ai reconnu quelque chose que j'ai vécu le nom de je suis le mot je suis avant qu'Abraham fût je suis ça veut dire quelque chose pour moi ça c'est clair mais je comprends complètement que pour d'autres ça veut rien dire avant d'être existé c'est pas possible donc ça ne parle pas vraiment à la À la raison. Ce n'est pas un livre de philosophie ou de science, mais c'est un livre qui parle à l'expérience profonde du cœur, du cœur intelligent. Ça me fait penser à une phrase que vous avez aussi écrite sur la visée. Quand on parle du péché, de cette traduction de l'hébreu qui dit c'est manquer sa cible, manquer la visée. Mais pour comprendre la visée, il faut justement en avoir une. C'est-à-dire passer par le fait de reconnaître que j'ai besoin de quelque chose. Moi, je me dis souvent que les gens qui s'approchent de la Bible, c'est qu'au fond, il y a un appel finalement. Et puis, s'ils arrivent à reconnaître finalement ce qui leur manque, ça leur permet de dessiner ce qu'ils recherchent. et la visée commence à arriver, peut-être que là, je leur dis ensuite, peut-être qu'il faut faire le pari de Pascal, au fond, de dire « je crois maintenant que quelqu'un va s'adresser à moi et quelque chose peut-être pourra s'ouvrir. » Et j'entends que c'est ce que vous dites peut-être à travers l'esprit, qui est un don, auquel je peux aussi peut-être me préparer ou m'ouvrir à recevoir.
- Speaker #1
Mais c'est vrai que le péché visé à côté, c'est de se sentir désaxé. Donc, on sent. tout être humain sent à un certain moment qu'il n'est plus dans son axe, ou qu'il n'y a plus d'axe du tout, qu'on est à côté de la plaque qu'on est à côté de soi-même qu'on est à côté de son être, mais si Jésus nous remet dans notre axe il nous rend cet axe ciel-terre cette filiation perdue, cette relation perdue avec la source de l'être, donc on est le fait de se sentir un peu désaxé ou à côté c'est ce qui va nous nous appeler, à nous redresser, à revenir. Et à ce moment-là, effectivement, les paroles du Christ prennent du sens pour nous tenir debout.
- Speaker #0
Donc vous avez fait cette expérience de lecture de l'Évangile, quelque chose se réveille, et puis vous allez petit à petit rentrer quand même dans un parcours de prêtrise, entrer dans le courant des Dominicains. Est-ce que vous pouvez nous raconter un petit peu comment ça se produit, ça justement, comment cette... quête se développe au fur et à mesure.
- Speaker #1
C'est un peu tortueux, mais bon, c'est comme ça. Donc, je découvre le Christ, je découvre le christianisme. Et on me rappelle que pour comprendre les évangiles, il faut aussi les replacer dans la tradition qui a écrit l'évangile. Parce que le texte même de l'évangile, c'est une œuvre commune.
- Speaker #0
Il n'y a pas un seul auteur.
- Speaker #1
C'est la présence même d'une église. On me dit bien sûr que l'Église orthodoxe est la seule qui n'a pas d'autre, et quelquefois avec une grande violence vis-à-vis des catholiques. Comme si au Moïtos, on vivait encore au temps des croisades, c'est-à-dire au moment où les croisés se sont emparés de Constantinople et ont mis une prostituée sur le trône du patriarche. Comme si c'était hier, c'était très curieux cet apprécié. À chaque fois je disais, mais ça, il y a bien longtemps. Je crois que les catholiques, ils ont peut-être un peu évolué. Mais bon, c'est inscrit là aussi dans la Genèse, dans le code génétique de beaucoup d'orthodoxes, en tout cas en Grèce. Donc là, je découvre en même temps que l'Évangile, la tradition, les traditions. Et là, c'est toute la question de l'interprétation. C'est-à-dire que quand on dit que les chrétiens ou les juifs... Les musulmans sont le peuple du livre. Je crois que c'est plus juste de dire que c'est le peuple de l'interprétation, l'interprétation du livre, et que cette interprétation est infinie, elle est variée et variable. Et c'est ça aussi qui est intéressant, c'est qu'encore une fois, la vérité, on ne l'a pas. Pour moi, c'est le danger des catéchismes. Un catéchisme nous met en état d'arrestation. On est arrêté par une certaine interprétation de l'Évangile. Et on dit que c'est ça, la vérité. Alors qu'encore une fois, la vérité, on ne l'a pas. Et je crois que plus on grandit, moins on a de vérité. Mais plus on devient vrai, plus on essaye de devenir vrai, de ne pas se mentir, justement. Et que là, les interprétations peuvent être diverses. Et parlantes pour chacun,
- Speaker #0
au fond.
- Speaker #1
Le Christ est un diamant, on ne peut pas voir toutes les facettes à la fois. Et c'est merveilleux de voir que la facette que contemple l'autre enrichit celle qui est la mienne. Donc là, effectivement, comme ça, j'ai découvert un peu les différentes interprétations possibles. À côté de l'interprétation à la lettre, l'interprétation symbolique, l'interprétation spirituelle. Et c'est important aussi pour interpréter notre vie. c'est-à-dire l'interprétation des écritures m'apprend à interpréter ma vie à un niveau tout à fait historique, charnel, à un niveau plus psychologique, et puis aussi, c'est un sens spirituel. C'est l'art d'interpréter les écritures, c'est l'art d'interpréter les rêves, l'art d'interpréter la... la vie et les événements.
- Speaker #0
Dans deux secondes, c'est la pause café. Mais non, je plaisante. Avant de reprendre la suite de cet échange, j'aimerais juste te glisser une invitation qui est plus personnelle. Parce que si tu es curieux ou curieuse de découvrir une manière plus ouverte, inclusive et non culpabilisante de vivre la foi chrétienne, alors tu vas adorer ce que je t'ai préparé. Il s'agit de Ma Communauté en ligne, qui est un espace bienveillant, safe, où tu peux me poser directement tes questions, librement, sans jugement évidemment, et rencontrer aussi d'autres personnes qui cheminent comme toi. On se retrouve tous les mois sur Zoom lors de soirées interactives où on partage autour de la Bible. Tu as accès aussi à toutes mes masterclass pour apprendre à interpréter la Bible par toi-même, à découvrir la méditation des grands enseignements du Christ pour qu'il commence vraiment à te transformer de l'intérieur. Parce que tu le sais, c'est une parole qui est à mettre en pratique au quotidien, sinon il ne va rien se passer. Et puis, je te partage aussi, du coup, des exercices spirituels pour pratiquer. Et puis évidemment, je t'accompagne dans les grands thèmes de la foi. Et surprise, tu auras même accès à des extraits inédits de mes podcasts où nos invités nous emmènent dans un voyage spirituel pour découvrir d'autres manières de regarder, réfléchir et méditer. Pour me rejoindre, c'est très simple. Il suffit de cliquer sur le lien qui est dans la description du podcast et tu pourras découvrir ma communauté en ligne. Et on reprend avec mon invité. Parce que vous avez aussi beaucoup étudié justement la philosophie, la psychologie, d'autres traditions spirituelles. C'est tout ça qui... ça c'est de votre propre fait, en fait, c'est par votre propre passion au fond qui vous mène à ça ?
- Speaker #1
Oui, dans cette quête de vérité, bon, il y a... on parlait de la drogue, mais pourquoi plier la philosophie et la psychologie ? Mais c'est vrai que ces expériences-là touchent davantage le corps. Mais bon, tout ça a fait ce que je suis, là où je me suis trouvé, et donc on m'a baptisé orthodoxe. Mais je craignais un petit peu ça, parce que si je me laissais enfermer dans une seule boutique. Mais bon, ce baptême au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit aussi, c'est quelque chose. Parce que Jésus, il nous fait entrer dans la Trinité, il nous fait entrer dans cette filiation divine. Et l'Esprit qui nous manque, la catastrophe originelle, c'est la perte de l'Esprit-Saint. On a toujours un esprit intellectuel, mais on a perdu ce Saint-Esprit qui nous met en relation, qui nous garde dans la mémoire de l'être qui nous fait être, justement, dans cette relation avec la source que Jésus appelle son Père et notre Père. Donc là, effectivement, il y a eu ce baptême orthodoxe. Je vous passe les détails. mais à un moment on m'a fait comprendre que je n'étais pas orthodoxe dans le sens où je n'étais pas grec, ni russe. J'étais français.
- Speaker #0
Vous n'êtes jamais à votre place.
- Speaker #1
Donc là, va voir. J'étais français s'il y avait des orthodoxes. Et là, c'était un petit peu difficile parce qu'effectivement, il y a des églises orthodoxes françaises plus ou moins en conflit avec les autres églises. Et puis, Bon, le chemin faisant, c'est vrai que j'ai rencontré l'ordre des Dominicains, parce que là, il y avait un certain nombre de personnes qui connaissaient bien les pères de l'Église, la patrologie, toute cette belle collection des sources chrétiennes. Donc je me dis, eux, ils connaissent plus les pères, donc je vais y aller. Et donc, j'ai voulu rentrer chez les Dominicains. Là, c'était à Rennes. Rude Briseux, je me souviens, ça fait longtemps tout ça. Et bon, j'étais vraiment très bien. J'ai découvert en même temps Thomas d'Aquin, Jean de Lacroix, Maître Ecarte. Alors là, Maître Ecarte, c'était vraiment un grand bonheur pour moi, parce qu'au-delà de la philosophie de l'être, la métaphysique selon Thomas d'Aquin... en lien avec Aristote, là, il y avait vraiment cette notion de l'expérience et que Dieu est toujours au-delà, au-delà de Dieu, puisque Dieu, c'est encore un mot, c'est toujours des mots qu'on dit. De nouveau, je retrouvais un peu le langage de l'expérience qu'on trouve chez les pères. Mais c'est vrai qu'entre la scolastique, la pensée catholique et les racines du christianisme, il y a eu quelque chose qui a été coupé à un moment. Et ça, c'est une grande... grande douleur, cette séparation. L'Église est une, mais il y a des moments de grande déchirure qui éclatent aussi. Ce tissu déchiré, comment le... le recoudre, retrouver cette unité. C'est pour ça qu'on m'a dit que maintenant, il faut être catholique, parce que c'est là qu'est la vérité.
- Speaker #0
Oui, c'est encore une nouvelle voie.
- Speaker #1
Je me suis dit, je peux devenir catholique, ça ne fera pas un orthodoxe de moi. C'est comme un ami juif qui m'avait dit ça une fois, le jour de son baptême. Il m'a dit, tu me baptises chrétien, mais sache bien que ça ne fait pas un juif de moi. Ça fait un chrétien de plus, mais pas un juif de moi. C'est un peu dans cet esprit-là. C'est vrai que l'orthodoxie, c'est l'Église du premier millénaire, dans sa diversité. L'Église qui est à Antioche, l'Église qui est à Jérusalem, l'Église qui est en Alexandrie. C'est une communion d'Église. C'est peut-être ça qu'on a perdu. L'unité, ce n'est pas l'uniformité. Ce n'est pas un monopole, je dirais, une direction générale. Donc là, effectivement, chez les Dominicains, il y a eu des moments de grand bonheur. Mais le père Laure, qui s'occupait de m'instruire dans la tradition catholique, me dit « Chez les Dominicains, en ce moment, il y a des difficultés. » C'est vrai qu'on était à l'époque de mai 68. Donc, effectivement, il me dit « Chez les Dominicains, tu trouveras des très bons sociologues, des grands psychologues. » des bons théologiens, mais qui ne croient pas en Dieu. Parce qu'ils savent, donc ils n'ont pas besoin de croire. On est un peu la phrase de Lacan, mais c'était assez amusant. Il me dit donc, ce que tu cherches, c'est autre chose. Et donc là, j'ai eu tout un temps où j'ai vécu auprès de Monial, justement là en Bretagne, à Beaufort. C'était un moment aussi important. Mais là, je vivais vraiment comme un ermite. solitaire, donc je travaillais avec les cochons. C'est là que j'ai découvert l'existence de l'âme, d'ailleurs, auprès des... Qu'est-ce que c'est que l'âme ? Et quand plus tard, je me suis invité à un congrès de philosophie à Moscou, où je passais devant un cimetière, et le philosophe me dit, mais regarde tous ces petits tas là, où est l'âme dans tout ça ? Où est l'âme ? Alors je lui dis, mais l'âme, c'est justement la différence qu'il y a entre toi et ce petit tas de poussière. C'est ce qui anime ce petit tas de poussière, de molécules, d'atomes, et qui te donne une forme. Et ça, je l'avais appris avec les cochons.
- Speaker #0
Avec les cochons.
- Speaker #1
Parce que j'étais chargé de... Excusez-moi, c'est un peu trivial, mais...
- Speaker #0
Ça me fait penser à la parabole du fils prodigue. Surtout, c'est justement le fils prodigue qui se retrouve lui aussi à s'occuper des cochons.
- Speaker #1
Ah oui, oui, j'avais pas fait le...
- Speaker #0
Mais en plus, c'est en vous écoutant maintenant, parce que c'est aussi le moment où tout d'un coup, son âme se réveille, au fond. Ah oui.
- Speaker #1
C'est beau ça, parce que moi, effectivement, je devais mettre la crotte des cochons pour faire de l'engrais. Et à un moment, j'ai cette grande question métaphysique. Un cochon, c'est de l'engrais. Puis je vois un petit cochon qui me regarde et qui remue de la queue. Et là, j'ai l'impression qu'il était en train de me démontrer ce que c'était que l'âme. C'est que cette matière, elle est animée, elle est informée. Alors, quelle est la source de l'information ? D'où vient cette âme ? Ça, ce sera encore d'autres questions. Mais je ne pouvais plus douter à ce moment-là de la réalité de l'âme. Certains aujourd'hui disent qu'il n'y a pas d'âme, mais regardez un petit cochon, remué de la queue. Regardez cette matière qui a un visage. Une tête de cochon, peut-être, mais un visage, c'est encore autre chose. Donc, il y a de quoi s'émerveiller. Donc, ce sens de l'âme... tout ça pour dire qu'auprès de ces de cémonial. J'ai appris d'abord la beauté des femmes vraiment belles et habitées. Je dirais des femmes femmes, mais avec quelque chose au-dedans. Et ça, c'était beau. C'est beau. C'est beau à voir. Et puis, la pratique de la prière, en lien avec la terre, enfin, c'était un beau moment. Donc je suis au milieu des moniales, mais je ne suis pas une moniale. Même avec un voile. Donc il y a un moment où il faut faire un choix, et je sens que mon choix, ça va vraiment vers un ordre qui s'appelle l'échartreux, c'est-à-dire un ordre de moine silencieux, retiré du monde, et consacré vraiment à la prière. Alors là vraiment, c'est mon goût du silence. cette méfiance à l'égard des mots, qui sont toujours un petit peu ambiguës, qui peuvent être mal interprétés. Donc c'est dans ce silence de l'expérience de Je suis. Je me suis dit, là, je vais être tranquille. Et en même temps, ce sens qu'au cœur de ce « je suis » , il y a tous les autres. Là, l'image, j'aime bien cette image des pères de l'Église qui disent qu'il y a un centre et une multitude de rayons. Chacun de nous est un rayon. Et plus il va vers le centre, plus il se rapproche des autres rayons. C'est ce que je vivais vraiment dans la solitude. C'est-à-dire, plus j'allais vers les profondeurs de moi-même, plus je me sentais en communion avec les autres. Plus je ressentais du dedans ce qu'ils étaient en train de vivre, ce que vivait le monde. Ça, je l'avais déjà un peu vérifié au Moatos. Quand je vois un moine dans son ermitage, je lui pose la question, mais qu'est-ce que vous faites là ? Il y a tellement de choses à faire dans le monde. Il y a tellement de souffrances et tout ça. pour y aller donner un coup de main. Et là, il me regarde et me dit, non, mais est-ce que tu sais que je remets de l'or dans le monde ? Alors, je me dis, bon, encore un parano, un mégalo. Donc, je lui donne toutes mes petites étiquettes de psy, tout ce qu'il faut en me disant qu'il délire. Sauf qu'il me dit un jour, attention, là, il y a un tremblement de terre. Je note le jour, la date. Et quand je sors du moine-tos, je vérifie le jour, la date, et je vois qu'effectivement, il y a eu un énorme tremblement de terre. À cette époque, c'était au Mexique. Je ne sais pas si vous vous en souvenez, mais c'était un terrible tremblement de terre. Bon, le Mexique et la Grèce étaient un petit peu éloignés. Je me suis dit, tiens, cet homme n'était pas si parano, si mégalo que ça. c'est-à-dire il sentait dans son corps ce qui se passait dans le reste de l'univers. Donc je me dis que quand il dit « je remets de l'ordre » , là après, bon, c'était le témoignage tellement de père du désert, justement, je remets de l'ordre dans moi-même et je remets de l'ordre dans l'univers, parce qu'on n'est pas séparés. Et s'il y a un petit peu de paix en moi, il y a un lieu où il y a de la paix dans l'univers. Je peux arriver à faire la paix dans mon mental, dans mon cœur, dans ma vie. C'est pas seulement pour moi, c'est pour tout l'univers. Je me disais, ça, c'est un vrai travail. Un vrai travail, à la fois pour aller vers les profondeurs de soi-même, découvrir qui est, qui est je suis, et en même temps, sentir que dans ce je suis, il y a tout l'univers qui est présent. Qu'à certains moments, la meilleure chose qu'il y a à faire pour l'univers, c'est d'entrer dans ce silence. Et agir, agir du cœur même de ce silence.
- Speaker #0
C'est vrai qu'on est tellement dans ce faire, il faut faire des choses, qu'on se dit que juste s'arrêter et ne rien faire, a priori, on a l'impression que ça pourrait être inutile, alors que peut-être c'est ce dont le monde a cruellement besoin. C'est tout simplement d'être en communion, au fond, c'est ça ? Peut-être que vous décrivez aussi.
- Speaker #1
De travailler, je dirais, à partir de l'intérieur. de l'univers. C'est vrai aussi pour le climat. C'est vrai aussi pour... Il y a plein d'inflammations. Une maladie très contemporaine. Et là aussi, mettre un peu de paix jusque dans son corps, je crois que ça a quelque chose à voir avec le corps de l'univers. Notre corps et le corps de l'univers ne sont pas séparés. Sans le soleil, sans l'eau et tous les éléments, on n'existe pas. Donc, remettre un peu paix en soi-même, c'est vraiment remettre la paix dans les yeux. Et puis, c'était aussi ce que j'aimais bien chez les Dominicains, c'est leur orientation. Contemplata alistradere. C'est-à-dire contempler et du cœur de la contemplation, partager ce qu'on a contemplé. Parce que je trouvais ça très évangélique, dans le sens où Jésus, d'abord, il n'a pas beaucoup parlé, deux ou trois années de sa vie. Et dans ces trois années, il se retirait beaucoup, en silence, en prière. Il revenait pour partager, je dirais, ce trou plein de vie, d'esprit qui était en lui, qu'il voulait partager avec les autres pour qu'eux-mêmes communient. Là où je suis, je veux que vous soyez aussi. C'est une parole magnifique. Là où je suis, c'est là que nous sommes appelés à être. Et dans ce « je suis » , on est en communion. Avec toutes les consciences, avec tous les « je suis » qui sont en profondeur. Donc, à la fois l'ordre dominicain et l'appel vers Richard Treu, je me suis dit que c'était là qu'est ma place.
- Speaker #0
Qu'est-ce que vous diriez de ce qu'est être disciple finalement aujourd'hui ? Qu'est-ce que c'est être disciple de Jésus finalement ?
- Speaker #1
Écoutez justement, je suis qui est écouté, c'est l'amour. L'amour, il vous conduit à travers un tas de lieux et il ne nous laisse pas tranquille. C'est-à-dire que la paix, ce n'est pas toujours la tranquillité. C'est d'aimer, c'est de se donner. donc là Je pensais trouver la paix, la tranquillité, le don intérieur chez les Chartreux. Mais manque de chance, parce que tout est bien. Tout concourt au bien de ceux qui cherchent la vérité, qui aiment Dieu. Je le crois vraiment, mais je n'ai pas pu rester très longtemps, parce que je ne supportais pas le régime. Les œufs, après le long dérèglement de tous les sens que j'avais vécu, ce n'était pas possible. tellement malade. Et puis le rythme de vie des Chartreux, qui est un très beau rythme. On se couche à 7h, on se relève à 11h, et puis on se recouche à 2h, et on se relève à 6h. Très bien. Mais pour moi, ce n'était pas possible. Je ne pouvais pas dormir à 7h. Alors j'étais très bien entre 11h et 2h. C'était intéressant, cette prière de nuit. On a l'impression d'entrer en contact avec tout l'inconscient du monde. de travailler à un autre niveau, je dirais, à un autre niveau de relation avec tous les rêves qui habitent l'humanité, les rêves et les cauchemars. Mais bon, pour moi, après, je ne pouvais plus me rendormir. Ce qui fait que le père Maître me disait, mais ici, chez Chartres, on dort huit heures, deux fois quatre heures. Je lui dis, oui, mais moi, ça faisait à peine deux heures. Donc, si tu ne supportes pas notre mode de vie... C'est que tu n'as pas fait le broche-champ. Va ! C'est vrai que c'est la grande parole de l'Évangile. Va plus loin. Ultreia aussi, c'est la parole des pèlerins de Compostelle. Donc va, je suis allé. Mais j'avoue que c'était un moment là aussi difficile. Parce que je crois vraiment que j'étais un peu fait pour cette vie. Et le Mede-Novis dont la porte. pensaient aussi mais objectivement puis j'avais laissé mourir une pâquerette ça c'était un indice important c'était un manque d'attention qu'il y avait une petite pâquerette devant une image de la Vierge et que moi j'avais laissé mourir la pâquerette donc c'est que j'étais pas dans le présent j'étais dans mes idées mais la pâquerette Tellement important. Et là, il avait complètement raison. Donc, mais va. Peut-être qu'après tout, tu n'es pas chartreux, mais il y aura cette nostalgie en toi qui fait que tu pourras partager aussi avec les autres cette nostalgie. Et c'est vrai que ça m'a duré, enfin ça dure toujours, cette espèce de nostalgie du silence, de la pure présence. Mais bon. peut-être que ce n'est pas le moment d'être au paradis tout de suite. Je ne peux pas être en paix tant que les autres ne le sont pas. Je peux être complètement heureux, mais pas complètement. Tant qu'un seul être souffre, c'est quelque chose d'évident. Surtout dans ces moments de béatitude, dans ces moments de pure contemplation, on est tellement bien. La beauté, la vérité, tout ça, ce ne sont plus... Les mots, c'est ce à quoi aspire l'être humain. On est fait pour être heureux, on est fait pour être dans la vérité, et puis il nous arrive d'y être, mais on n'y est pas complètement, parce que le corps de l'univers souffre, le corps social souffre, et on ne peut pas être heureux tout seul.
- Speaker #0
C'est vrai que je me rends compte en vous écoutant aussi que c'est pour ça qu'on a besoin de personnes comme vous, de personnes qui sont dans le silence, ou les moniales, ou les moines, parce que... Ils nous montrent un horizon, ils sont un peu comme des lampes qui nous rappellent l'axe de cette quête, de cette paix, de cette béatitude profonde, de cette pure joie aussi. On a besoin de se rappeler que c'est possible.
- Speaker #1
Et qu'on n'est pas né seulement pour mourir. Il y a d'autres dimensions. Qu'on n'est pas né simplement pour devenir des intelligences augmentées. C'est merveilleux, l'intelligence artificielle. enfin, plutôt qu'intelligence, il faut parler de... l'accumulation de mémoire qui nous rende plus... Ce qui nous est permis avec un certain nombre d'appendices, de puces ou de produits qui prolongent notre vie. Mais ça reste une vie mortelle, ça reste une vie à l'horizontale.
- Speaker #0
Vous ne pensez pas qu'on pourra un jour, ces gens qui recherchent précisément l'immortalité, qu'on ne puisse jamais mourir, vous n'y croyez pas ?
- Speaker #1
Bien sûr qu'on va tous ne jamais mourir. Il s'agit de s'éveiller, il s'agit de ressusciter. Bien sûr qu'on est fait pour la non-mort, mais pas à l'horizontale.
- Speaker #0
Est-ce que vous pourriez développer ça ? Justement parce que vous écrivez ça en « j'étais né pour mourir et j'ai découvert que j'étais né pour vivre » . Et cette expérience de la résurrection, comment vous, vous comprenez la résurrection ?
- Speaker #1
Oui, c'est-à-dire que la résurrection, ça se passe, le mot « anastasis » , « ana » ça veut dire « monter » . C'est-à-dire que c'est la vie élevée, c'est la vie éveillée. Là, je vous parlais de l'intelligence artificielle. Encore une fois, c'est quelque chose de très bien, mais ça reste à l'horizontale, ça reste de l'être mortel. Ça ne m'empêche pas de mourir. Je peux mourir très équilibré ou en pleine forme, mais ça reste mortel, ça reste à l'horizontale. C'est dans le temps. Et l'éternité, la résurrection, c'est du non-temps. Éternité, ce n'est pas un peu long, surtout vers la fin, comme disait Woody Allen. mais l'éternité c'est justement le... L'ouverture a du non-temps. Et là, ça rejoint, si je peux en parler, parce que ça fait écho avec mon expérience d'Istanbul. C'est-à-dire l'ouverture à une réalité qui n'est pas de l'ordre du temps. Et donc, nous ne sommes pas nés pour vivre une vie prolongée. Nous sommes nés pour ressusciter, pour nous éveiller. C'est-à-dire, nous sommes sur... L'image pour moi qui me parle le plus, c'est celle de la métamorphose. C'est-à-dire que nous ne sommes pas des grenouilles faites pour devenir aussi grosses que le bœuf. C'est-à-dire qu'on veut devenir Dieu. Ça, c'est la grenouille qui veut devenir le bœuf et qui éclate. Et c'est ce qui est en train de se passer. C'est qu'on éclate, c'est l'atome, c'est l'atomisation, etc. On a tout le pouvoir, mais pourquoi faire ? Mais la chenille, elle est faite pour devenir papillon, mais à travers une mort-résurrection. Ce que les uns appellent la mort de la chenille, les autres l'appellent la naissance du papillon. Je crois que notre corps est fait pour la métamorphose. Là, on est dans le monde comme une sorte de chrysalide. Ce que j'évoquais encore comme étant la démangeaison des ailes. C'est vrai que c'est des images qui... Mais on n'est pas fait pour devenir de grosses larves. Et la grosse larve, c'est l'homme augmenté. C'est une magnifique larve, avec toutes sortes de cotillons métalliques et brillants, mais c'est une larve. Nous sommes faits pour devenir des papillons. Et ça, ça passe par une métamorphose, ça passe à une certaine mort du mental, d'un certain mental, d'une utilisation fermée du mental. pour entrer dans l'ouverture, au non-temps, à la présence du ressuscité en nous.
- Speaker #0
Sur cette idée du royaume, aujourd'hui il y a aussi beaucoup de personnes qui disent qu'il y a ceux qui sont sauvés, ceux qui ne seront pas sauvés. Parfois Jésus a des phrases assez dures aussi, ou une espèce d'ambiguïté. J'avais envie de vous entendre là-dessus. Est-ce qu'on est... tous appelés, mais tous n'arrivent pas à vivre cette métanoïa. Que se passe-t-il de ces gens qui, peut-être, n'arrivent pas à goûter à cette éternité, à ce royaume ? Que va-t-il se passer ? Comment vous voyez ça ?
- Speaker #1
Je crois qu'effectivement, on est tous appelés. Jésus dit, par exemple, qu'il y a beaucoup d'appelés et peu d'élus. On est tous appelés, mais pas tous répondent. Et que la réponse... dépend de nous. C'est-à-dire que si l'être, le secret de l'être, le fond de l'être est amour, là où il y a de l'amour, il y a de la liberté. La seule chose que ne peut pas faire l'amour, c'est de nous forcer à l'aimer. On n'est pas forcé d'aimer, on n'est pas forcé de croire. On est infiniment libre. Parce que justement, pour qu'il y ait amour, il faut qu'il y ait cette réciprocité, cette adhésion. Et c'est vrai qu'il s'agit d'être capable de dire oui à ce qu'on ne comprend pas, à ce qu'on ne sait pas, parce que ce n'est pas de l'ordre du savoir. Donc il y a un saut dans la confiance.
- Speaker #0
Et là, c'est vrai que le paradis perdu, c'est la confiance perdue. C'est la légèreté perdue aussi. C'est la joie perdue. On ne fait pas confiance à l'être, à la vie. On ne croit pas qu'on est aimé. Surtout infiniment aimé et gratuitement. Pour nous, ce n'est pas possible parce que l'amour s'est toujours intéressé. On attend toujours quelque chose. Parce que là, c'est gratuit. Ça ne se mérite pas. Donc là, il y a vraiment... Cette acceptation du don. Alors, c'est vrai qu'il y a les paroles de Jean, par exemple, « Celui qui aime demeure en Dieu, Dieu demeure en lui, celui qui n'aime pas demeure dans la mort. » C'est tellement simple que là, on ne peut pas ne pas comprendre. Mais tout le monde peut vérifier ça. Si on n'aime pas, on n'est pas vivant, on est mort, on végète. on ne vit pas vraiment, ni humainement, ni vitalement. La moindre fleur, elle demeure en Dieu parce qu'elle croit, parce qu'elle croit à la lumière, parce qu'elle aime la lumière. Le simple fait de s'ouvrir à la lumière, elle répond à l'amour qui la fait être. Donc il s'agit de retrouver en nous cette ouverture, cette confiance, cette foi dans l'amour. Mais autrement, on demeure dans la mort.
- Speaker #1
C'est aussi ce qui fait l'universalité du message chrétien. Quand je vous entends, je trouve que c'est, au fond, quiconque aime, on n'est pas forcé d'être finalement chrétien. Comment vous voyez ça ? Vous qui avez tellement travaillé aussi avec les autres traditions spirituelles et religieuses, qu'est-ce qui fait que... C'est toujours la question qu'on me pose souvent d'ailleurs, c'est pourquoi tu es chrétienne finalement ? Pourquoi tu n'aurais pas pu être soufie ou taoïste ? Des fois, je dis que le Tao, pour moi, j'ai l'impression que c'est l'évangile asiatique. finalement, qu'est-ce qui est si particulier ? Pourquoi vous, vous êtes finalement chrétien et vous êtes resté chrétien ? Ou est-ce que vous êtes toujours chrétien ? Vous qualifieriez comme ça, je ne sais pas, mais...
- Speaker #0
J'allais dire, montrez-moi mieux que le Christ. Alors là aussi, il y a quelque chose que j'ai oublié de vous dire. Avant d'aller au Mont Athos, je suis passé par Thessalonique, puisque c'est à côté. Et à Thessalonique, il y a un musée, un musée d'art. J'entre dans ce musée et il y a une salle consacrée aux arts asiatiques. Et là, je vois de magnifiques statues du Bouddha. Effectivement, une sorte de sérénité, de paix. Le corps un peu stylisé, puis les yeux mi-clos et ce sourire intérieur. Je me dis, tiens, c'est magnifique, tout est à l'intérieur. J'ai à me mettre dans une bonne posture et à regarder l'infini, l'infini intérieur. Je ne suis pas dans une autre salle. Là, c'était l'art grec. Là aussi, la beauté. La beauté des fesses, la beauté des muscles, la beauté, l'harmonie. Quelque chose de magnifique. L'homme debout, vous connaissez. Ces merveilleux apollons. Et là aussi, je suis tout aussi émerveillé. Mais quand vous regardez les yeux, les yeux sont vides. Ils ne sont pas fermés, ils sont vides. Là aussi, c'est magnifique, mais tout est à l'extérieur. Tout est extériorisé. D'un côté, tout est à l'intérieur, d'un autre côté, tout est à l'extérieur. Je passe dans une troisième salle, où là, effectivement, je découvre les icônes. On y revient. Je vois, encore une fois, un billet. un visage du Christ. Et dans ce visage du Christ, je vois là la même sérénité que chez les Bouddhas. C'est des vieilles icônes. Donc on représente le Christ. Ça peut sembler d'ailleurs curieux pour un occidental parce qu'il n'y a pas d'émotion. C'est au-delà des émotions. C'est justement, c'est apathèse. C'est au-delà des pathologies, on pourrait dire, positives ou négatives. Il n'est ni hilar ni triste. un visage étrange, mais de sérénité. Et les yeux sont ouverts. Je me dis, tiens, là c'est intéressant. On n'oppose plus le dedans et le dehors, justement. Et dans la matière, dans sa plénitude, il y a de nouveau quelque chose qui me regarde, qui est habité. Donc là, effectivement, cette découverte du Christ, pour moi, c'est la synthèse. Merci. Je dirais qu'à ce moment-là, j'ai reçu le choc de la synthèse. Je ne savais pas encore qui était Jésus, mais je voyais que j'étais à un moment de ma vie... où je ne pouvais pas nier mon corps, puisqu'il m'avait fait suffisamment souffrir. Dire que mon corps était une illusion, un songe et tout ça, me rappelait l'estomac, un tas de choses. Me rappelait que la matière ça existe, le corps ça existe. Et puis d'un autre côté, je ne pouvais pas nier l'infini intérieur, le silence intérieur, la beauté intérieure. Je ne pouvais pas nier ça non plus. Et quand... On me disait que l'homme n'est que matière, etc. Comme ce que j'avais appris à l'école. La pensée, c'est le phosphène dans le cerveau. Enfin, tout ça, il n'y a que de la matière. En évolution, en ébullition, etc. Je ne pouvais pas croire que ça. Dans le regard d'un enfant, il y a quelque chose de plus que des nuages, que des agrégats qui se font et qui se défont. Il y a quelque chose de plus. Je ne pouvais pas nier cet espace intérieur. Je ne pouvais pas nier la matière. Et là, je me trouvais devant des philosophies qui disaient que le réel, c'est l'esprit. Le corps, c'est une illusion. Ça passe et ça trépasse. Et d'autres qui me disaient qu'il n'y a que la matière qui existe. L'esprit, c'est un épiphénomène, une complexification de la matière. Et je ne pouvais nier ni l'un ni l'autre. Et là, tout d'un coup, je voyais incarner quelqu'un qui est l'un et l'autre, qui est esprit et matière. Bon, par la suite, je découvrais qu'effectivement, quelqu'un comme Maxime le Confesseur appelle Jésus l'archétype de la synthèse. Et je me dis, archétype, ça veut dire donc non seulement une manifestation, mais c'est à l'intérieur de moi. C'est une image structurante. Chacun de nous, qu'on soit croyant ou pas croyant, nous sommes travaillés par cet archétype de la synthèse. C'est ça, être humain, tenir ensemble la matière et l'esprit. Tenir ensemble le ciel et la terre. Tenir ensemble le fini et l'infini, l'éternel et le temps. L'éternel et le temps. Ce côté incréé et côté créé, le non-manifesté et le manifesté. Nous sommes appelés à faire la synthèse entre ces deux niveaux de réalité, parce que la réalité est une. La réalité est une. Comme dans l'océan, les vagues, les tempêtes de la surface et le fond de l'océan. C'est complètement différent, c'est un climat différent. Mais c'est un, c'est un seul océan. Et que le climat dans lequel je vis, c'est plutôt souvent la tempête, les vagues ou le vague. Et puis, mais quelque part en moi, il y a du pur silence, il y a de la tranquillité, il y a la paix. Tenir ensemble les deux. Donc tout ça pour revenir à votre question, pourquoi je suis chrétien ? Montrez-moi mieux. Ça me fait penser aussi à ce que disait Dostoevsky, « Montrez-moi plus beau que le Christ » . Quelqu'un qui récapitule autant de vérités, je le suis. Si le Christ n'est pas la vérité, ça ne m'intéresse pas. Mais montrez-moi quelqu'un qui synthétise, qui récapitule, qui habite autant de vérités. Le philosophe matérialiste est content. Quand il étudie le Christ, le philosophe spiritualiste ou idéaliste est content. Parce que chacun y trouve ce qu'il cherche avec quelque chose de plus. Et ce quelque chose de plus remet en question ce qu'il sait. Parce qu'un diamant, on ne peut pas voir toutes les facettes à la fois. Et chaque jour, je découvre une autre facette du Christ et je retrouve sa présence. dans des lieux auxquels je ne m'attendais pas. Et là, on retrouve l'expérience de Saint Paul, c'est-à-dire que le Christ, il est dans notre ennemi, dans celui qu'on considère comme notre ennemi. C'est la grande expérience de Paul, quand même, que je suis Jésus que tu persécutes, c'est-à-dire celui qu'on considère comme étant l'ennemi de notre religion, parce que Paul, c'était quand même un homme... infiniment sincère, infiniment croyant dans la Torah, dans sa religion, et voilà qu'il découvre ce qu'il considère comme un hérétique, comme quelqu'un qu'il faut détruire. Et il le fait, au nom de Dieu. Et on continue, au nom de Dieu, à tuer, jusqu'au moment où les yeux perdent leur...
- Speaker #1
Les écailles tombent.
- Speaker #0
Voilà. Les écailles qui tombent de nos yeux et à ce moment-là, on voit que celui que l'on déteste pour des bonnes raisons, pour des raisons spirituelles, pour des raisons de Dieu, c'est Dieu lui-même, c'est le Christ lui-même. Ça, c'est bouleversant. Donc, effectivement, on n'a pas fini de découvrir sa présence. là où on ne l'attend pas et là où on ne veut surtout pas le voir et le chercher. Et ça, je crois que c'est un petit peu d'actualité. C'est ce moment tellement précieux où nos yeux s'ouvrent. Tu es là. Là, il est là. Là, tu es là. Là, je suis est là, dans une forme inconnue, une forme que je déteste. Mais c'est toi.
- Speaker #1
C'est très beau ce que vous dites. Ça me fait penser à quelque chose aussi que vous avez écrit. Ça me fait penser à ce « je suis » qui dit « je suis la question et la réponse » . Et puis vous dites, quand vous lisez la Bible et que vous avez une certitude sur un verset, cherchez dans la Bible le verset qui le contredit. C'est un peu ce que j'entends dans ce que vous dites, au fond.
- Speaker #0
Oui, c'est pour ça que c'est toujours étonnant quand on présente la Bible comme un livre de réponses à nos questions. Alors que je crois que c'est un livre de questions à nos réponses. On a des réponses psychologiques, des réponses scientifiques, chacun a ses petites réponses sur son existence, ses expériences. Et l'abîme nous questionne dans nos réponses en nous disant « attention, ça c'est pas Dieu » . Il y a quelque chose de plus, il y a quelque chose d'autre. C'est ce qui nous remet en marche. C'est ce que dit Jésus, il nous remet en marche. Il est bien heureux. Alors là on retrouve les béatitudes. Achreï en hébreu ça veut dire « en marche » . En France, on ne peut plus tellement employer ce terme.
- Speaker #1
Oui, mais on va se faire un coup.
- Speaker #0
Mais être bien heureux, être makarios, être heureux, c'est dans le mouvement de la vie qui se donne. Retrouver le mouvement de la vie qui se donne. Et là, c'est effectivement recevoir toutes les réponses qu'on reçoit, des sciences, des philosophies, de la religion, mais de les traverser. C'est la question, qui es-tu ? Qui suis-je ? Qu'est-ce qui est ? Qu'est-ce qui est vraiment ? Et qu'est-ce qu'il aime en toi ?
- Speaker #1
Jean-Yves Leloup, quoi ! Si t'es emballé comme moi par ce podcast, j'ai une surprise pour les plus passionnés, parce que j'ai eu la chance de passer 24 heures avec lui, et nous en avons profité pour tourner des images rares dans son église, qui est absolument magnifique. Il partage avec nous le langage secret des icônes. Et tu vas trouver le lien pour y accéder depuis ma communauté en ligne, au bas de cette vidéo, c'est dans la partie de description, et tu vas voir C'est magique ! Bon allez, on retrouve Jean-Yves dans le podcast. Je me demandais comment vous étiez arrivés, puisque vous avez travaillé, beaucoup traduit et commenté des évangiles apocryphes. Quand on fait des études de théologie à la faculté, vous aussi probablement, moi en théologie protestante, mais j'imagine aussi en théologie catholique, le monde apocryphe, ce n'est pas la première chose qu'on nous enseigne. On le met un petit peu un voile dessus. Et pourtant, j'ai l'impression, pour en avoir lu certains de vous, que c'est là que j'ai retrouvé précisément ce que vous dites, beaucoup plus ce questionnement sur quelque chose de beaucoup plus mystique, de beaucoup plus spirituel, de beaucoup plus profond. Je n'arrive pas à dire, mais c'est quelque chose comme si c'est ce qui manquait dans les évangiles canoniques. Je me demandais comment vous êtes arrivé dans cette recherche, comment vous êtes arrivé aux apocryphes et voilà.
- Speaker #0
J'y suis arrivé par mes études à l'université de... de Strasbourg, où il y avait le département d'histoire des religions. Et il y avait le professeur Ménard qui avait traduit et commenté un certain nombre de ces textes apocryphes. Et là, je me suis vraiment intéressé parce que je me suis dit, pourquoi la terre, puisque ça a été découvert dans des grottes en Nagamadi, comme il y en a eu d'autres, mais ça c'est autre chose. à Qumran, donc ça fait partie de l'honnêteté d'apprendre à les connaître. Sans ces a priori, ces gnostiques, enfin vous savez, ces étiquettes qui nous dispendent de lire. Ça c'est hérétique, ça c'est attention, tu vas te perdre, tout ça. On m'a prévenu qu'effectivement ça pouvait être mal interprété. Mais je me dis que c'est quand même intéressant pour connaître les origines du christianisme. Je me suis dit maintenant, j'ai choisi cette voie du christianisme sans nier la beauté du bouddhisme, la beauté de l'islam, la beauté de l'hindouisme. Je dirais que l'intelligence prend des formes différentes, l'intelligence créatrice. Il y en a qui me conviennent plus et d'autres moins. Donc pour moi, la synthèse, comme on le disait il y a quelques instants, c'est vraiment le christianisme. connaître les textes fondateurs et de voir qu'effectivement, aux origines du christianisme, il y a aussi des textes qu'aujourd'hui on appelle apocryphes et qui effectivement étaient peut-être rejetés par l'institution. comme étant inutiles, pas utiles. Parce que c'est des textes qui ne parlent pas tellement à la raison, qui parlent beaucoup à l'imagination. C'est plus compliqué que ça. Ça parle à ce que Henri Corbin appelle l'imaginal, c'est-à-dire ce monde intermédiaire. Là, on est en présence de textes de visionnaires. C'est le style prophétique, c'est le style des apocalypses. Pour certains, quand on lit l'Apocalypse aujourd'hui, on n'y comprend rien. Ou alors on y comprend quelque chose, mais c'est-à-dire on réduit ça aux événements qui se passent et tout ça. Il y a une espèce de réduction. Mais les lire eux-mêmes, et je crois que ça m'a beaucoup intéressé, l'évangile de Thomas particulièrement, parce que c'était un recueil de paroles, avant que les évangiles soient mis en scène. Donc là aussi, ça m'a fait réfléchir en disant que, effectivement, les évangiles étaient... À l'origine, il y avait des recueils de paroles, des recueils de miracles, des recueils d'événements, et que les évangélistes ou la communauté qui a rédigé ces textes a dû mettre ensemble les choses-là. Et que là, on avait un recueil de paroles sans doute primitives de Jésus, ou qu'elle en a rajouté d'autres paroles. Mais ça me semblait intéressant. Puis pour moi, Thomas, c'était important parce que c'était aussi l'apôtre de l'Inde. Et qu'en Inde, j'avais eu l'occasion de rencontrer des chrétiens issus de cette vieille tradition. Et je trouvais ça très intéressant, ces échos entre les grands textes de l'Inde, particulièrement sur l'Advaita, la non-dualité, et puis l'évangile de Thomas, où ils étaient demandés de faire le deux-un, d'assumer la dualité, mais de découvrir ce qui relie les différences entraînantes. Dans ce non-deux, c'est au-delà du deux. Et pour moi, c'était une façon intéressante d'entrer dans le mystère de la Trinité. Pour être un, il faut être trois. Il y a l'amour, l'aimer et l'aimant. Mais on peut être un que trois. Et souvent, c'est le troisième qui était oublié. Donc là, ça me fait aussi réfléchir sur l'importance du Saint-Esprit. Saint-Esprit qui fait le deux, qui nous réunit et qui, comme il unit le Père et le Fils. Il y a eu aussi l'évangile de Marie.
- Speaker #1
Ça, c'est extraordinaire pour les gens qui ne connaissent pas forcément cet évangile de Marie dont on n'a qu'un fragment, on ne l'a pas en entier, qui est donc quand même une femme auxquelles on ne s'attend pas du tout à ce qu'il y ait dans l'Antiquité tout d'un coup. C'est finalement cette Myriam de Magdala qui, en fait, est quand même très prépondérante dans les évangiles. On n'a pas pu masquer son importance. Et puis, tout d'un coup, il y a cet évangile-là qui arrive et que vous avez traduit. Comment vous la percevez, d'ailleurs, cette Myriam de Magdala ? Je me demandais, aujourd'hui, elle revient. Même le pape a fini par la reconnaître comme l'apôtre des apôtres ou apôtresse. Qu'est-ce qu'elle dirait, elle, aujourd'hui ? Pourquoi elle a disparu ?
- Speaker #0
Oui, c'est important qu'on la reconnaisse comme ap��tre des apôtres, donc apôtre faisant partie des apôtres et enseignant les apôtres. Et c'est pour ça que ce texte, je crois qu'il y a quelque chose de vraiment authentique, parce qu'il y a quelque chose de très humain. Quand on voit Pierre, par exemple, en disant, est-ce qu'on va se mettre à écouter cette femme ?
- Speaker #1
C'est incroyable ce morceau qui est dans cet évangile, qui traduit la même chose qu'aujourd'hui. dans l'Église catholique, principalement, qui n'intègrent pas le ministère des femmes. Les femmes ne peuvent pas être prêtres. Et c'est vrai que dans l'Évangile de Marie, elles enseignent, elles disent que le Christ lui a dit au moment de la résurrection, et puis Pierre remet ça en question.
- Speaker #0
Oui, ce que dit Pierre, on sent quelqu'un de sincère, pour qui la religion, parce que Marie-Madeleine, quand on l'appelle la pécheresse, c'est-à-dire hors la loi, C'est-à-dire qu'elle transgresse la loi, pas seulement au niveau de ce qui peut se passer au-dessous de la ceinture, mais parce qu'elle étudie la Torah. Et qu'à l'époque, comme aujourd'hui, encore dans certains milieux extrêmes, les femmes n'ont pas le droit à la Torah, n'ont pas le droit d'étudier. Et qu'elle, c'est peut-être grâce à son frère Lazare qu'elle étudie la Torah. Parce que je crois que c'est une femme intéressante dans le sens où elle cherche tout. Elle cherche un homme, certainement, mais pas qu'un homme. Elle cherche un homme qui soit habité par Dieu. Et elle ne cherche pas que Dieu, elle cherche aussi. Elle étudie la Torah, mais cette Torah, elle aimerait la voir incarnée. C'est là qu'elle est très intéressante, parce que c'est bien joli, tous ces grands textes, mais voir quelqu'un qui incarne ce qu'il dit. qui fait ce qu'il dit. Et Jésus, pour elle, c'est la Torah incarnée. Elle est bien juive à ce niveau-là, mais tout d'un coup, elle a trouvé une Torah vivante, une Torah avec laquelle on peut danser, qu'on peut étreindre, comme le font les racédymes d'ailleurs. Je ne sais pas si vous les avez vus danser avec les rouleaux de la Torah. Il y a une espèce d'amour. Ils l'appellent la Torah d'ailleurs leur fiancée. Mais bon, c'est quand même un rouleau de papier. Et pour Marie-Madeleine, un rouleau de papier... On peut danser avec, mais si c'est un être humain, c'est encore quelque chose de plus grand. Mais dans cet être humain, comme dans les rouleaux de parchemin, il y a l'information créatrice. Il y a le grand « je suis » . Donc là, chez Cézanne, il y a une histoire d'amour à la fois de Dieu et de l'homme. Et Jésus est justement pour elle cette synthèse. Et c'est important que cette question de Pierre... Est-ce que le Christ lui aurait enseigné des choses qu'à nous, hommes, il n'a pas enseigné ? Ce n'est pas possible. Donc, Lévi le remet un peu à sa place en disant « Tu es toujours un emporté. » Et quand on connaît l'histoire de Pierre, c'est vrai, c'est d'une extrême générosité, mais qui a des problèmes avec les femmes. Il y a d'autres textes terribles à la gare de ses filles. Pierre était marié, il avait des filles, et sa fille qui s'appelle Pétronille était, paraît-il, très jolie. Et comme elle était très jolie, elle attirait un certain nombre de soldats romains, etc. Et il a prié pour que sa fille soit défigurée, pour qu'elle ne soit pas séduisante. Il y a quelque chose là, vous vous sentez bien. C'est tellement humain. Et derrière tout ça, il y a quand même ma fille, c'est une façon de se la garder aussi. C'est tellement humain qu'il y a quelque chose d'authentique dans ces vieux textes. Mais derrière tout ça, on sent aussi l'exclusion du féminin. Et pour moi, ces textes apocryphes, donc me poser la question, quel intérêt ils ont pour moi, c'est qu'ils me... C'est l'inconscient du christianisme refoulé. C'est ce que le christianisme refoulé n'a pas assumé. Je crois qu'il y a deux choses que le christianisme n'a pas assumées, c'est le féminin et la gnose. Et c'est lié. La gnose, c'est une forme de connaissance, je dirais, plus féminine. La gnose, c'est une connaissance par connaturalité, comme dit saint Thomas. On connaît quelque chose en devenant.
- Speaker #1
Plus expérimenté.
- Speaker #0
expérientiel c'est-à-dire une connaissance par participation il ne faut pas opposer à la connaissance par analyse par raison encore une fois le masculin, le cerveau droit, le cerveau gauche il ne faut pas les opposer mais le christianisme a un petit peu refoulé cette connaissance intuitive cette connaissance par participation par connaturalité qu'on appelle la gnose. On ne connaît que ce qu'on devient. Et on devient ce qu'on connaît. Encore une fois, la gnose, c'est l'amour. Et ce n'est pas par hasard, quand on dit qu'Adam a connu Ève, que la connaissance, en hébreu, c'est effectivement l'étreinte. Là, toute cette forme de connaissance a été un peu suspectée. On peut comprendre pourquoi. Je peux... Je pense à ce père Laure dont je vous parlais tout à l'heure. Il me dit qu'entre un homme et une femme chrétien, ils peuvent lire le crédo ensemble, je crois en Dieu, mais ça finit par la résurrection de la chair. On voyait dans quel sens il disait ça. Mais c'est effectivement ça. La chair elle-même, le corps lui-même, est appelé à participer à la vie de Dieu. et je crois que la femme peut-être de par son aide, de par cette familiarité qu'elle peut avoir avec l'énergie créatrice, de mettre un enfant au monde, est beaucoup moins dans la dualité qu'un esprit masculin qui analyse, qui voit les choses, mais quelquefois davantage de l'extérieur. C'est-à-dire qu'on a perdu cette connaissance matricielle. Avec la matrice. Pas seulement avec le cœur, mais avec la matrice. Et la gnose a quelque chose à avoir avec le féminin. Et cet évangile de Marie. C'est ça qui est étonnant, parce que c'est un évangile extrêmement spirituel, puisqu'il est question du nous et de la fine pointe de l'homme, c'est-à-dire de dépasser la connaissance psychique, mentale du réel. Et c'est avec le nous qu'on peut connaître le monde de la résurrection. C'est-à-dire que lorsque le mental est calmé, lorsque le psychisme est apaisé, alors on entre dans une autre qualité de conscience, dans laquelle ce monde des esprits, ce monde, on parlera aussi du monde des anges, peut se révéler. Mais tant que le mental n'est pas calmé, comment est-ce que je te connais ? Il y a aussi, d'un point de vue anthropologique, d'un point de vue théologique, et d'un point de vue anthropologique, des choses intéressantes à découvrir dans ce texte. Et effectivement, Pierre, n'a pas été obligatoirement initiée à ce mode de connaissance matricielle et au-delà du mental qu'on appelle le nous. C'est qu'aujourd'hui, pour parler de Dieu, on a besoin peut-être de ces textes qui nous rappellent qu'on ne peut connaître Dieu que par Dieu. Autrement, on en parle. Et ça, je disais, mettrais carte. On a des pensées sur Dieu, mais Dieu lui-même, on ne le connaît pas. Et on prend nos pensées sur Dieu, nos représentations de Dieu pour Dieu lui-même. Et ça, je dirais, pour un esprit féminin, qu'on soit de sexe mâle ou femelle d'ailleurs, c'est au-delà. Quand je dis du féminin, c'est une qualité d'être, de conscience, de pensée. Il s'agit donc de se réconcilier avec ce féminin pour avoir accès à ce monde de l'esprit. Et ça, c'était un peu refoulé. Donc, la gnose et le féminin et la providence, je ne sais pas comment vous appelez ça, nous donnent ces textes, nous invitent à les méditer, sans oublier les autres. Ça aussi, dans le milieu universitaire, ce qu'on m'a beaucoup reproché, c'est de mettre ces textes réservés un petit peu à des initiés, à des gens qui, soi-disant, ont le discernement, la connaissance pour replacer les choses dans leur contexte et tout ça. Pourquoi mettre ça en livre de poche ? Tout le monde peut lire ça. Alors ça, c'est un crime. Au point de vue universitaire, là, si vous voulez, vous cassez la carrière, comme on dit. C'est parfait de faire des choses compréhensibles pour tout le monde. Et même personnellement, donc ces textes m'ont fait du bien. Je ne vois pas pourquoi. ils ne seraient pas utiles et feront du bien aux autres. Mais c'est effectivement assez mal reçu et on oppose. C'est une attitude assez ancienne. A l'origine, je pense à Saint-Irénée de Lyon, avec son adversus héréses, c'est-à-dire contre l'hérésie, et puis Clément d'Alexandrie. C'est-à-dire qu'il y a dans l'Église des inquisiteurs et il y a des pasteurs. Il y a des gens qui excluent. Non, c'est la façon de penser. On pense en excluant. Et puis d'autres, leur façon de penser, c'est d'inclure, de comprendre. Et je crois qu'il faut tenir un peu les deux. Moi, j'aime bien lire Irénée de Lyon et j'aime bien lire Clément d'Alexandrie parce que l'un et l'autre me conduisent à cette... qui est pour moi vraiment le cœur de ma vie, c'est-à-dire ne rien mélanger. et de ne rien opposer. Et quand on parle du Christ, parce que c'est toujours, encore une fois, si le Christ c'est la vérité, donc tout ce qui ressemble au Christ, ça se rapproche de cette vérité qu'il incarne et tout ce qui s'en éloigne. Et ce que je vois en lui, c'est que, effectivement, le divin et l'humain ne sont pas séparés. Le Père est plus grand que moi. Donc le Père et moi, nous sommes un, mais en même temps, le Père est plus grand que moi. C'est-à-dire, ils ne sont pas séparés, mais ils ne sont pas mélangés. Dieu est Dieu, l'homme est homme mais non séparé, non mélangé et c'est un principe on pourrait dire herméneutique pour beaucoup de choses dans ma vie l'homme et la femme ne sont pas séparés, c'est un même être une même vie, un même souffle mais ils ne sont pas mélangés c'est pour ça qu'autrement il n'y a pas d'amour si on est mélangé si on est séparé, il n'y a pas d'amour il faut différenciation qui n'est pas séparation, il faut union qui n'est pas confusion. Vraiment Dieu, vraiment homme, sans confusion, sans séparation. Vraiment homme, vraiment femme, sans confusion, sans séparation. Vraiment apocryphe, vraiment canonique, sans confusion, sans séparation. Enfin, à beaucoup de niveaux, je trouve que c'est un principe qui nous aide à vivre, qui nous éclaire.
- Speaker #1
C'est vrai que c'est la condition de l'amour. On arrive à la fin de notre rencontre, Jean-Yves Leloup, même si on pourrait encore parler des heures.
- Speaker #0
J'espère qu'on aura d'autres occasions.
- Speaker #1
J'espère aussi. J'ai quelques petites questions que je pose à chacun de mes invités à la fin. Je me demandais quelle était votre citation biblique préférée ?
- Speaker #0
« Apprenez de moi, je suis doux et humble de cœur » . Vous connaissez la référence, mais je me dis que c'est tout un programme, parce que c'est le seul moment où Jésus dit « apprenez de moi » . Apprenez de « je suis » . Dans le fond, il y a de la douceur et de l'humilité. Et que la douceur, c'est l'amour incarné. Et l'humilité, c'est la vérité incarnée. Donc, apprenez de moi. Je suis doux et humble de cœur. Ça, c'est la parole de Jésus.
- Speaker #1
Quel personnage biblique, à part Jésus, aimeriez-vous rencontrer ? Et qu'est-ce que vous auriez envie de lui demander ?
- Speaker #0
Marie-Madeleine.
- Speaker #1
Je me suis dit que c'était ça.
- Speaker #0
Marie-Madeleine et je lui demanderai comment tu trouves mon Jésus comment tu qu'elle me parle de lui
- Speaker #1
Dieu vous donne un vœu à exaucer qu'est-ce que vous lui demandez ?
- Speaker #0
que ton nom soit sanctifié, la volonté soit faite Amen que ton règne vienne on peut rien souhaiter de mieux en tout cas c'est un vrai vœu
- Speaker #1
C'est d'ailleurs la prière que Jésus nous donne.
- Speaker #0
C'est partager son désir, finalement. C'est partager le désir de l'homme en Dieu et de Dieu dans l'homme.
- Speaker #1
Chacun de mes invités a posé, sans savoir qui serait le prochain invité, une question par écrit. Alors, je vais vous transmettre celle que Philippe Gonzales, qui était mon dernier invité, a posée, donc sans savoir que ce serait vous. Je vous invite à la lire et à y répondre.
- Speaker #0
Que peut encore apporter à la société le fait de continuer à parler de Dieu ? C'est une magnifique question. Mais si on ne parle pas de Dieu, il n'y a pas d'issue. Si on ne parle pas de Dieu... On va tous dans le mur, on va tous mourir, on le sait. Parler de Dieu, c'est de dire qu'il y a autre chose que le monde qui meurt. Oui, on ne cherche pas du sens, on cherche une issue aujourd'hui. C'est plus que du sens. Il n'y a pas d'autre issue que Dieu en nous et que nous en Dieu. L'issue n'est plus à chercher au dehors. puisqu'au dehors on sait où tout ça nous conduit on sait où nous conduit le progrès un progrès sans fin et sans finalité où est-ce que ça nous conduit ? donc nulle part et là parler de Dieu c'est dire qu'il y a autre chose que nulle part et cette autre chose c'est pas une chose c'est pas ceci, c'est pas cela c'est nothing, pas une chose mais justement parler de Dieu c'est parler d'une réalité qui n'existe pas. Parce que tout ce qui existe, un commencement et une fin, Dieu n'existe pas. Il est la source de l'existence. Donc la source, le commencement de l'existence, comme la fin, c'est l'être. Mais dans les temps, alors là si on parle dans le langage philosophique, il n'y a pas d'issue. Donc c'est très important de parler de Dieu, même si on en parle mal. même si c'est très mal reçu, parce que ça veut dire qu'on cherche autre chose, on cherche du sens. Et que le mot Dieu, c'est quand même terrible. Vous savez que le mot athée, athéos, donc sans Dieu, à l'origine c'est ce qu'on appelle une maladie des yeux. Parce que théos, c'est la vision, c'est la vision de la lumière. Et être athée, c'est être malade. Et malheureux, c'est d'être sans lumière et sans vision. Et donc, pour avoir été longtemps athée, et d'avoir vécu ça douloureusement, aujourd'hui, on se vante d'être athée. Tout le monde est content. Même ceux qui y croient n'osent pas dire qu'ils y croient. Parce que c'est ringard, c'est très difficile de dire qu'on croit en Dieu. Mais moi, je ne crois pas du tout en Dieu. Mais j'ouvre les yeux. C'est-à-dire que la première chose que je vois quand j'ouvre les yeux, c'est Dieu. Puisque Dieu, enfin, Deus vient de dies, ça veut dire la lumière. C'est-à-dire que dès qu'on ouvre les yeux, on voit la lumière. Avant de voir votre visage, avant de voir les murs de cette bibliothèque, avant de voir toute chose, je vois la lumière. La première chose qu'on voit, c'est Dieu. Mais le problème, c'est que la lumière, ça ne se voit pas. Donc c'est le paradoxe. Dieu, c'est ce qu'il y a de plus présent, parce que c'est la lumière dans laquelle on se trouve, mais les visages, quelquefois, nous aveuglent. C'est-à-dire qu'on ne voit plus la lumière. Et la synthèse, de nouveau, on y revient, c'est de voir la lumière et le visage en même temps. C'est de voir les choses et la lumière qui les fait exister. Donc, parler de Dieu, c'est important, encore à un autre niveau. Alors là, je serais un petit peu plus grave, parce que ne plus voir Dieu dans les êtres, c'est les réduire à des choses, les réduire à l'état d'objet. Là, on a malheureusement des histoires. Maintenant, il ne faut plus dire la dernière guerre. Le fait de ne plus voir Dieu dans un être humain, c'est en faire de la vermine. C'est en faire un non-être, en faire une chose, de la chair à canon. Donc, c'est tellement important de parler de Dieu et de rappeler qu'il est là. Dans chaque être humain, dans le soleil, dans la terre, dans tous ces éléments. Autrement, ne plus voir Dieu, ne plus parler de Dieu, c'est réduire toute chose à de la cendre, de la chair à canon, ce qu'il faut pour la chambre à gaz. On est ramené, réduit à sa simple matière. Donc parler de Dieu... C'est bien, voir Dieu, c'est encore mieux. C'est-à-dire ouvrir les yeux à la lumière qu'on ne voit pas. Quand on voit Dieu, on ne le verra pas. C'est ce que dit Saint Jean. Dieu, on ne l'a jamais vu. On est d'accord, Dieu n'est pas un existant. Il n'est pas quelque chose parmi les choses. C'est la lumière qui nous permet de voir les choses. Ce n'est pas un état de conscience, ce n'est pas un objet de conscience. C'est la conscience qui nous permet de penser. La vie, on ne l'a jamais vue. Vous l'avez vue, votre vie. Montrez-moi votre vie. On ne peut voir qu'un corps. On ne peut voir que les manifestations de la vie. Mais la vie, elle est là. Et sans elle, on ne parlerait pas en ce moment. Sans Dieu, on ne se poserait pas la question de Dieu.
- Speaker #1
Merci Jean-Yves Leloup. Je vais du coup vous poser la question de... Du coup, je vais vous proposer de vous écrire une question pour la prochaine personne qui sera invitée dans le podcast et qui donc va découvrir, comme vous venez de le faire, cette question, si vous voulez bien.
- Speaker #0
Je vous le dis quand même, c'est une question piège.
- Speaker #1
Question épineuse et complexe, pleine de paradoxes, pleine de « et » . C'est ça que je retiens aussi avec vous, Jean-Yves Leloup, c'est cette communion, c'est le « et » , et le « oui » , et le « non » , et la question et la réponse. Merci beaucoup d'être venu dans ce podcast, Jean-Yves Leloup. Je vous laisse retourner au silence dans votre observatoire et à très bientôt, j'espère.
- Speaker #2
Avant de terminer cet épisode, j'ai un petit mot pour toi. Tu l'as entendu dans ce podcast, de nombreuses pépites ont été échangées. Il y a peut-être des infos que tu aurais aimé garder, des liens qui auraient pu t'être utiles. Eh bien, si tu n'as pas pris de notes, ce n'est pas grave, j'ai une bonne nouvelle, on l'a fait pour toi. On a résumé tous les moments forts, on a enregistré tous les liens dans une fiche gratuite que tu peux télécharger maintenant.
- Speaker #1
Il suffit de cliquer sur le lien qui se trouve dans la description de ce podcast.
- Speaker #2
Tu entres ton email et tu reçois la fiche tout de suite. Et puis surtout si, comme nous, Ce podcast t'a plu ? Que tu penses que plus de gens devraient entendre ce message d'ouverture ? Eh bien, ton aide, elle est essentielle et très simple. Suivant ta plateforme, tu peux liker la vidéo, nous mettre 5 étoiles, tu peux t'abonner à la chaîne et surtout, laisse-nous un commentaire pour aider l'algorithme à se mettre en marche et diffuser plus loin notre contenu. Merci à toi et au plaisir de te retrouver dans le prochain podcast Spiritualité.