Speaker #0Donc on va parler de la scène où Rojdi se déplace au restaurant Le Focaccio pour aller récupérer son ami Sediqi, qui est le temps de quelques minutes caché par un autre de ses commerçants au moment où ils viennent d'apprendre que les talibans sont revenus au pouvoir. et réinvestissent la ville de Kaboul. Et ce général Sediqi, qui est un personnage qui existe totalement dans la vraie vie, qui a vu le film l'autre jour en présentation, était recherché par les services. Donc évidemment, c'était une cible pour le nouveau pouvoir qui s'improvisait. Et cette scène, c'est le moment où il arrive, il rencontre son ami commerçant, il dit « Où est-ce qu'est Sediqi ? » Il est un peu plus loin. Et en ressortant, il va vers la voiture et on voit les talibans qui arrivent et ce ami commerçant qui se fait tuer. Ça, c'est la situation et qui est une situation qui est... très importante à plein d'égards, parce qu'elle raconte vraiment, en guise d'introduction du film, en prise de contact avec le sujet, de quelle manière les talibans revenant au pouvoir s'attaquent directement, finalement, aux gens des contre-pouvoirs des généraux militaires qui sont contre eux, naturellement, et aussi comme valeur importante sur l'alcool, en l'occurrence, en s'attaquant, on va le voir, à ce commerçant. Et moi, j'avais envie, à l'image de... Comme c'était aussi une scène de démarrage, en guise d'introduction, comme on vient d'en parler, c'était aussi une manière de présenter quelle allait être la grammaire du film. Quand on a réfléchi à la mise en scène de ce film, je dis « on » , c'est avec toutes mes équipes, et vraiment dans un dialogue très étroit avec Nicolas Bolduc, le chef opérateur, avec qui j'avais déjà travaillé sur « Être un mousquetaire » , on s'est posé beaucoup de questions quand on a le réflexe de proposer, de projeter une histoire qui se passe dans des pays du Moyen-Orient, du Proche-Orient. c'est vrai que depuis le cinéma de Catherine Bigelow Je pense effectivement à Zero Dark City ou une certaine mise en scène de Paul Greengrass aussi, dans Green Zone, qui ont déjà une quinzaine, vingtaine d'années. Et à la suite, avec beaucoup de films sur les plateformes ou de séries télé qui se passent, ou en Irak ou sur ces zones de conflit du Moyen-Orient, en Afghanistan, il y avait une espèce de grammaire, une écriture visuelle. On est là un peu pour parler technique, mais c'est aussi ça que j'essaie de dire, qui était de créer un petit peu... de la véracité, du danger, de l'intensité, par finalement une caméra assez présente. Présente parce que son style de caméra, ce qu'on a appelé beaucoup la caméra épaule, crée une situation de prise sur le vif, de grand réalisme, comme d'une caméra un peu reporter, où tout d'un coup, on allait courir avec la caméra pour effuir les bombes. Et ça a créé comme ça un cinéma de vérité très fort. et je pense Je parlais de Green Zone, pour certains qui connaissent, où ils ont ces images, j'imagine, en tête de Matt Damon qui arrive dans des zones de conflit très menaçantes, avec des snipers cachés, et cette caméra collée dans le point de vue des personnages très forte. Et Catherine Giego l'a aussi beaucoup utilisé dans Zero Darks Sortie. Où en réalité, il y avait certes de la mise en scène, mais c'était aussi une mise en scène de la captation d'images, avec une écriture qui se redéfinirait, qui se préciserait au montage. avec... de temps en temps plusieurs caméras pour filmer la même action et au montage on allait passer de l'un à l'autre avec certaines longues focales courtes focales et ça créerait un petit cinéma d'urgence Moi, j'ai adoré voir ça, évidemment. Mais comme on est 20 ans après, et qu'il y a eu quand même beaucoup sur Netflix, sur d'autres plateformes, des films, des séries, très bien faites, avec un peu ce réflexe-là, de se dire, on va créer du chaos, du danger, de l'intensité, avec ce filmage-là. C'est vrai qu'on s'est posé la question du contre-pied de ça, et de se dire, en réalité, est-ce qu'on n'aurait pas intérêt à essayer de faire naître l'intensité, l'urgence, le rythme, la dangerosité et le chaos ? le plus possible dans la situation, dans le cadre, plutôt qu'avec notre caméra. Et en poussant un petit peu cet exercice, on s'est dit, voire même de façon un peu dogmatique, dans ces grandes scènes de tension, et je vais y venir à la situation précisément, pourquoi on n'aurait pas une caméra qui serait presque en plan fixe en réalité, mais qui serait OK pour être en plan fixe ou avec des mouvements très légers, mais qui constituerait quand même une force et une vérité, de notre point de vue, en étant certes en plan fixe, mais être dans une écriture du temps réel, sans coupe, sans montage, donc ce qu'on appelle un plan-séquence, mais un plan-séquence qui ne serait pas virtuose, au sens où on peut voir, ne serait-ce qu'encore très récemment, dans l'adolescence, des mises en scène brillantes de plan-séquence, où on sent quand même, parce que c'est aussi le parti pris du film, la série presque un peu marketing, la narration en plan-séquence, les caméras qui s'accrochent sur les voitures, qui décollent dans le ciel, qui reviennent. J'ai adoré voir cette série. mais c'est assumé. Là, on voulait un plan séquence qui ne se verrait pas avec une caméra statique et qui ferait vivre l'action dans la scène. Et ça, ça m'a guidé beaucoup. Et c'est pour ça que cette scène, on l'a imaginée, donc le moment où... Elle est compliquée à décrire à la radio parce qu'elle est quand même très visuelle, mais je vais essayer de faire comme ça le mieux possible. On l'a imaginée avec une caméra qui serait déjà en extérieur, avec une amorce de la voiture. Et Roshdi qui porte son copain sur les épaules, qui s'est fait blesser. Donc la belle carrure de Roshdi, homme fort à ce moment-là, arrive à maintenir son pote et à l'amener vers nous, vers la caméra, c'est-à-dire en réalité vers la voiture. Et à ce moment-là, moi j'avais aussi très envie de recycler aussi dans une cinéphilie large que j'avais, la puissance du son et la dramaturgie du son. C'est-à-dire en réalité de se dire ce que tu n'entends sans le voir. peut aussi rendre les choses très lisibles, très narratives et très dangereuses. Autrement dit, au moment où Roshdi traverse la rue avec son camarade, qui tient comme ça sur les épaules, on entend un 4x4 taliban qu'on ne voit pas, et on voit Roshdi accélérer le pas. Et tout d'un coup, je trouvais ça très intéressant de se dire, ok d'accord, on comprend très bien qu'il accélère le pas pour fuir. un 4x4 qui manifestement arrive dans la rue au même moment qu'eux, sachant qu'il a un militaire dans les bras et qu'on a compris que ce militaire-là a été recherché par les talibans, c'est assez lisible. Et donc, tout ça pour dire qu'en réalité, c'est un plan qui dure 3 minutes 30, minimum, je crois, avec une caméra qui est fixe, parce que si vous continuez à vous projeter visuellement sur des images que vous n'avez pas encore, le Rojdi arrive vers nous, et il se met en gros plan avec nous, et il se cache derrière la voiture, avec ses dix-quilles malades, enfin blessés. Et en arrière-plan, on a le 4x4 taliban qui passe devant le commerçant qui lui-même était en train de décharger ses bouteilles de vin et qui s'arrête naturellement parce qu'à ce moment-là, évidemment, leur cible aussi, c'est la culture de l'alcool. Et je trouve que dans ce plan-là, il y avait déjà un début de mise en scène qui m'intéressait beaucoup parce que c'était déjà un, dans le même cadre fixe, le passage d'un comédien, donc Rochdy, qui était au début du plan, tout petit dans le cadre parce qu'il y a assez loin, donc finalement un plan large. Et au fur et à mesure qu'il se rapprochait pour finir complètement en gros plan face à nous, donc ça, je trouvais ça intéressant. Et de la même manière, lui qui était en plan large avec son camarade au début du plan, de la scène, le 4x4 qu'on n'avait pas entendu allait arriver et prendre en arrière-plan l'écriture du plan. Et il y a aussi ce que j'aimais beaucoup dans l'idée, c'était de se dire, c'est toujours très fort les mises en scène d'arrière-plan vécues par un personnage au premier plan qui ne voit pas forcément ce qui se passe, mais qui le comprend. Donc ça, c'est ce que j'ai aimé aussi faire à ce moment-là. Moi, c'est un des plans que j'aime beaucoup parce que je trouve qu'il raconte aussi beaucoup de la mise en scène du film qui va venir et de la situation. Et on se rend compte que la situation devient menaçante et dangereuse. Et il y a autre chose aussi, c'est que quand le 4x4 de Taliban arrive avec les cinq hommes armés, descendent naturellement, surprennent ce commerçant avec qui on a échangé quelques mots juste avant, en train de décharger un peu à la va-vite. son stock de vin, parce que ça a une valeur importante, et qui cherche à fuir, évidemment, avec son stock de vin, dans une petite camionnette très mal dissimulée, avec une bâche et tout. Donc les talibans le surprennent, évidemment, le grillent. Ils prennent l'alcool, ils le jettent, ils disent « tu vas où avec ça ? » Ils cassent les bouteilles au sol, et on sent que ça devient un peu chaud. Ça commence à partir un peu en couille. Tout ça est vécu, nous, du point de vue de la caméra, nous, spectateurs, on voit à la fois la scène d'arrière-plan, donc ce commerçant qu'on a vu juste avant, qui se fait encercler par cinq figurants et qui commence à dire « mais non, mais arrêtez, je ne fais rien de mal » , et les talibans qui prennent les bouteilles, qui les jettent. Et en tout premier plan, avec en plus le visage absolument magnifique de Rochdy, qui chope le cadre, lui qui ne voit pas forcément la scène, mais qui la comprend très bien. Et il y a une composition très photographique, évidemment. Pour ceux qui connaissent un peu la technique, on est là aussi pour parler de tout ça, c'est des focales qui sont dites assez courtes, à la différence de longues focales. Et quand on parle de focale courte, ça veut dire en fait que le plan, la focale, l'objectif qu'on décide de mettre sur la caméra est très large et ça permet d'avoir une profondeur d'arrière-champ qui est très nette aussi. C'est-à-dire qu'on peut effectivement avoir, si vous prenez une photographie, filmer quelqu'un en très gros plan et avoir en arrière-plan une action que vous lisez aussi. Et généralement, quand on fait ça, on a souvent du flou en arrière-plan. Et là, on avait fait une focale spéciale, justement, qui permet que tout soit net, que la profondeur de champ soit aussi nette. Donc, c'est aussi un travail photographique très important. Et moi, j'aimais beaucoup ces mises en scène-là. Je me rappelle d'un film d'Inaritu qui s'appelait Amour Chienne, où j'avais vraiment compris et reçu la mise en scène de l'arrière-plan. En réalité, je trouvais que... Il y avait à un moment donné un accident de voiture qui est fondateur dans la construction du scénario du film. Et on était d'abord avec un personnage dans un café ou en train de suivre une scène. Et tout d'un coup, en arrière-plan, boum, il y avait un gros poum. Et ça crée un truc de réalisme absolu. Et c'est repris aujourd'hui, je trouve, dans les footages et les rushs et les vidéos qu'on voit sur Internet, sur des événements dramatiques d'attentats ou autres, où tout d'un coup, il y a des gens qui se filment à une fête, en selfie, ils sont trop contents d'être là entre copains et tout. Et en arrière-plan, tout d'un coup, il y a un boom, où il y a une bagarre, et ça crée un truc de réalisme absolu. Ils avaient envie de créer ça aussi. Bonjour à tous, je m'appelle Martin Bourboulon, je suis réalisateur, et je viens vous parler aujourd'hui de mon dernier film, qui sort le vendredi 27 juin, qui s'appelle 13 jours, 13 nuits, avec Roche Dizem, Lina Koudry, Babette Sitskudsen et Christophe Montenèze. Et c'est l'histoire de l'exfiltration de l'ambassade de France au moment où les talibans reprennent la ville de Kaboul en 2021. Évidemment, comme chacun de nous, on a tous des... J'imagine des scènes, des moments, des sensations de cinéphiles qui nous ont marqués. Et moi, c'est vrai que j'ai une scène particulièrement dont je me souviens que je revisionne plutôt régulièrement. que j'aime montrer à mes enfants, qui est une scène dans le temps des gitans, des Mirkus Turica, où il y a la rencontre amoureuse de ces deux jeunes gens qui se retrouvent à un moment donné dans un lac. Et elle, elle est allongée comme ça, nue, et lui, il arrive comme ça. Et c'est une image absolument féérique qui m'a complètement bouleversé visuellement. quand je l'avais découverte la première fois, parce que je m'étais dit, mais ça, je ne l'ai jamais vu dans aucun autre film. Avec un lac, avec des bougies, avec ce peuple magnifique, et surtout, cette musique de Goran Bregovic, le compositeur historique de Kusturica, avec ce morceau que je vous recommande d'écouter, si vous ne le connaissez pas, mais il est quand même très connu, qui s'appelle « Edelergie » . Et il y a ce moment très... très particulier, très singulier du cinéma de Costa Rica, qui est dans ce lac avec cette lumière un petit peu sombre. Ce n'est pas vraiment le jour, mais ce n'est pas encore complètement la nuit. C'est un petit peu chaud. Tout d'un coup, ce corps qui est dans le lac avec cette musique de Gran Brezovi, qui part en lévitation, sous les yeux complètement hallucinés de Perron, le personnage principal, qui voit sa femme partir en lévitation au-dessus du lac, avec cette musique et ses chœurs de sang dans le morceau des Dellerzy, avec cette rythmique de basse très forte. de manière millimétrée. Et c'est un moment de cinéma très fort. J'en ai presque des frissons en vous en parlant. Et ça m'a marqué. J'aime aussi me dire que beaucoup de films, de scènes, de choses m'ont marqué. Finalement, pour faire un cinéma dans lequel je ne me retrouve pas du tout, en tout cas encore aujourd'hui, je n'ai jamais pu faire encore un film comme la scène dont je viens de vous parler. mais qui à un endroit, je ne saurais pas comment vous l'expliquer, de manière un peu mystérieuse, me construit comme ça quand même dans mes goûts de cinéma. Et peut-être qu'il faudrait vraiment chercher, mais il y a dans mes derniers films, ou peut-être dans celui-ci aussi, des choses qui sont nourries de cette cinéphilie et de certaines de ces scènes-là de Kusturika dans 13 jours, 13 nuits. J'étais un élève normal, mais pas non plus excellent. J'étais plutôt dans un lycée de bonne réputation, dans un quartier plutôt privilégié à Paris, donc une enfance et une adolescence relativement privilégiées. Et c'est vrai que l'école ne me passionnait pas plus que ça. Et j'avais cette sensation et cette envie de finalement, assez rapidement, en affranchir. Donc je suis allé jusqu'au bac de manière très correcte. Mais après, j'ai eu tout de suite un coup d'éclat, en fait, un petit coup de cœur avec la découverte de la manière de fabriquer des films. Alors, on est deux frères. Mon frère fait complètement autre chose. Donc, il y avait peut-être un atavisme familial, mais qui nous a pas... Il se trouve que lui fait un parcours très différent. Mais c'est vrai que moi, mon père étant donc producteur de cinéma à ce moment-là, associé avec Bertrand Tavernier, et j'ai pu prendre contact assez tôt avec l'expérience du... du plateau, ne serait-ce que pour visiter, voir un peu comment ça se passe. Ça, c'était, je dirais, à partir de mes 16 ans, 15-16 ans. Et d'être assez fasciné déjà par, comme je pense beaucoup d'enfants ou d'adolescents, la découverte de l'envers du décor, qui, dans un premier temps, fascine. Se rendre compte qu'en fait, un film, une scène, pour prendre quelque chose qui est très commun, on peut mettre 3-4 heures à la filmer, alors qu'en réalité, dans le film, elle serait passée en 30 secondes. Et que cet alliage de l'industrie et de l'artisanat me fascinait, voire me bouleversait. De voir qu'il y avait autant de moyens mis en place pour fabriquer du faux et que les enjeux financiers étaient donc très importants, parce qu'en plus, moi, j'étais fils de producteur indépendant, pour qui ce n'était pas facile et je voyais bien le stress que ça pouvait procurer. Et en même temps, qu'on continuait à, et on continue toujours à le faire, ce que je trouve génial, à caler des travelling avec des bouts de bois, des petites... de cal et se trouve que c'était voilà cette association tous les métiers m'a beaucoup plu et puis j'ai commencé à travailler un peu sur des films en tant que stagiaire mise en scène et là j'ai eu un peu de chance parce que je forcément par le fait des connaissances de mon père et puis au bout d'un moment ça fait un peu boule de neige j'ai rencontré un premier assistant réalisateur qui s'appelait valérie hautenay girard avec qui mon père avait travaillé sur les films de Bertrand Terenier, et qui m'a proposé de la suivre sur Les rivières pourbes de Mathieu Kassovitz. Et là, c'était dans les années 2000. Et là, j'ai compris ce que c'était qu'un tournage et j'ai mordu. C'est-à-dire que tu arrives plein d'entrains avec une cinéphilie, en plus j'étais à la fac de cinéma, Kasso qui sortait à ce moment-là de La Haine, tout ça, t'es excité comme tout. Et c'était, pour ceux qui connaissent le film, dans la vallée de Bourdoisans, en pleine nuit, le film avait beaucoup de qualité, c'était un peu les premiers grands blockbusters comme ça français Et j'arrive, je dis « Ah ouais, je veux faire du cinéma, j'adore tout ça. » Ok, bah écoute, là, il est 11h du soir, tu mets une doudoune, tu te mets bien au chaud, tu prends le toki et tu vas de l'autre côté de la vallée et tu bloques toutes les voitures. Et on se revoit à 5h, il y a une pause pour la soupe. Et là, tu te dis « Ok, d'accord, donc c'est ça en fait le cinéma. » Mais t'apprends aussi et tu comprends, en bloquant des voitures de l'autre côté de la vallée, qu'en réalité, tu commences à comprendre comment se fabrique un film. Et petit à petit dans les stages, après j'ai travaillé sur « Laissez passer » de Bertrand Tavernier. J'étais un peu plus au contact du plateau, à m'occuper des comédiens, en loge, dire quand est-ce qu'ils étaient prêts. Tu commences à comprendre aussi la logique, l'association millimétrée, que le temps est compté parce que le temps est cher. Et la vraie belle rencontre aussi que j'ai faite dans la foulée, c'est avec Jean-Paul Rapneau sur Bon Voyage. Là, j'étais deuxième assistant réalisateur avec Stéphane Gluck et j'y ai passé tout le tournage. Et ça, c'est la magie du film d'époque. de fabriquer, de voir comment se fabriquent les costumes, la mise en scène, l'exode de Bordeaux. Et à la suite de Bon Voyage, pour finir une petite histoire, moi j'avais 23 ans, et je pense que là le goût de la mise en scène m'a piqué. J'avais envie moi aussi de fabriquer, de me mettre en scène. Peut-être que je me sentais aussi peut-être un peu appelé par quelque chose, une confiance en moi à cet endroit-là, qu'il y avait encore tout à apprendre, mais ça m'attire, ça me plaît d'aller mettre en scène. d'aller jouer avec le vraisemblable. Et j'ai fait un court-métrage qui avait été écrit par mon co-co-second assistant, Roger Delattre, et que Michel et Laurent Pétain ont produit à la fin du tournage. Et que Jean-Paul a, en 35 mm je précise, merveilleux, et qu'ils avaient bien aimé, qu'ils faisaient six minutes, et qui avait été quand même tiré sur 100 copies pour être devant le film en salle. Trop bien. Tu sais jamais vraiment pourquoi les films ne se font pas et en fait... Je pense qu'il ne faut pas trop chercher à comprendre. C'est difficile de faire un film. Et là, c'est aussi l'avantage que j'avais, moi, avec mon histoire familiale, d'avoir un père qui était producteur indépendant, d'avoir discuté beaucoup avec Jean-Paul Rapneau, d'avoir évidemment eu dans mon quotidien, dans ma vie, pendant 30 ans à ce moment-là, mais oui, 25-30 ans, Bertrand Tavernier, qui était donc l'associé de mon père, où je savais que l'histoire du cinéma est faite de projets qui ne se font pas forcément, et je l'ai bien expérimenté depuis. des adaptations de bouquins sur lesquels tu travailles qui finalement ne se font pas, des scénarios qui ne vont pas au bout, des acteurs qui disent oui puis qui disent non, qui font que le financement flanche et que du coup le projet est retardé. Tout ça est très fragile. Donc moi j'arrivais fort de ça aussi, de cette expérience par procuration. Mon père a développé beaucoup de films, engagé de l'argent, qui ne se sont pas faits. Et l'histoire du cinéma, on se souvient aussi beaucoup des histoires de films où on se dit... tel acteur avait refusé tel rôle, Daniel Oteuil devait faire un tout simple, finalement c'est François Cluzet, c'est comme ça. Donc moi, je ne me prends pas trop la tête à ce moment-là. Je ne me dis pas que ça ne s'est pas fait, donc ce n'est pas un bon projet. Le plaisir de spectateur, il vient aussi de la diversité des genres des films qu'on aime voir, il me semble. En tout cas, si je dois parler à titre plus personnel, je prends autant de plaisir à voir une très belle comédie bien écrite, bien jouée, très drôle, qu'un grand film d'époque, un film de science-fiction d'un univers que je ne connais pas, que revoir un Kubrick. Je veux dire, les plus grands génies de cette discipline, les plus grands artistes du 7e art ont aussi... Passer leur vie à changer de genre, il me semble. Quand on voit Barry Lyndon et l'Odyssée, il n'y a pas vraiment beaucoup de liens. Si ce n'est que je trouve très direct, mais en tout cas ce sont des genres très différents. Évidemment, l'immense carrière de Steven Spielberg est très inspirante pour nous tous aussi, parce que toute sa vie, il a confronté son regard de cinéaste à l'exercice de la comédie, aux films d'aventure, aux films d'anticipation, avec The Fabelman, c'est beaucoup plus récent, plus intimiste. Le film en noir et blanc, il a tout fait, Spielberg, Les Dents de la Mer. Et peut-être que c'est aussi en France où on s'autorise un peu moins ça. Peut-être que si on a un marché qui est plus petit, qui est peut-être plus difficile aussi. Je ne sais pas à quel endroit ça se situe, mais moi, je le dis souvent, je suis très admiratif d'une carrière comme celle de Patrice Lecomte, qui commence avec deux chefs-d'œuvre de la comédie française avec Les Bronzés et qui, tout au long de sa carrière, va se confronter aussi à des univers, je trouve, dans des genres de films différents. Quand il fait le mari de la coiffeuse, c'est pas pareil que la fille sur le pont. Monsieur Hirsch, c'est un grand film. Il challenge aussi à sa manière. Et moi, effectivement, sans plan de carrière ou plan de vol très défini de manière stratégique, il y a quand même une grande envie de me challenger, de me confronter à la grammaire de la mise en scène, puisque c'est vraiment le terrain dans lequel j'ai envie de continuer à évoluer. Et que c'est tout aussi passionnant de faire papa ou maman, en se posant la question de c'est quoi la... bonne mise en scène pour que cette comédie remplisse son objectif, c'est-à-dire qu'elle touche à une émotion précise qui est celle du rire, que quand on fait Eiffel ou Les Trois Mousquetaires ou 13 jours, 13 nuits qui évidemment sont dans des mises en scène très différentes mais c'est passionnant de se poser la question de c'est quoi la bonne mise en scène et je rajoute souvent aussi que non seulement ça me plaît de continuer parce que c'est une chance intellectuellement de me confronter à des genres très différents Mais ce qui me plaît surtout, et ça je l'assume fortement et je le dis régulièrement, c'est de systématiquement penser au spectateur. Je trouve que c'est très noble et moi ça m'aide dans ma créativité si je puis dire. Parce que quand on se pose la question sur Papa Maman de se dire comment à ce moment-là il peut croire à une histoire qui n'est pas réaliste, il n'y a pas de juge qui va dire à un couple... Bon bah puisqu'il n'y en a aucun des deux qui veut la garde, vous mettez une boîte à chaussures dimanche dans votre salon, vous les faites voter et puis vous me dites lundi, ça n'existe pas. Et pourtant ça doit être drôle. Mais pour que ça soit drôle, il ne faut pas forcément que ça soit réaliste, parce que ça ne l'est pas, mais que ça puisse être vraisemblable. Si ça ne l'est pas vraisemblable, ce n'est pas drôle du tout. Ça devient même un peu désagréable. parce que tout d'un coup, c'est des parents qui mettent des tartes dans la gueule de leurs enfants de manière un peu gratuite et ce n'est pas très drôle. Donc comment on se pose la question de ce pitch qui est surpuissant, qui est très fort en comédie. Je le dis facilement parce que ce n'est pas moi qui ai eu l'idée du pitch, c'est Guillaume Clicquot de Mans qui a eu cette idée magnifique de comédie. Un couple qui divorce et qui va tout faire pour ne pas avoir la garde de ses enfants, c'est génial. Mais ça peut prendre beaucoup de formes différentes. Et moi, ce qui m'a plu, c'était de me dire, moi j'ai commencé à travailler sur l'idée de ce pitch avant de reprendre le scénario avec tous les auteurs. C'était au fond de se dire, mais là-dedans, il y a un sujet de comédie de remariage génial. C'est quand même... aussi l'histoire d'un couple qui va se reséduire dans cette guerre folle. C'est des process de réflexion que je trouve passionnant. Et comment ça doit être drôle ? Et c'est quoi la mise en scène ? Il faut que ça aille vite parce que si ça s'étire trop en longueur, de mon point de vue, modestement, mais comme c'était moi qui le réalisais, j'étais obligé d'affirmer. Si c'est trop long, j'ai peur qu'on décroche, qu'on n'y croit pas. Donc il faut que ça aille à 200 à l'heure parce qu'on se fasse balader et que ça soit un peu poil à gratter. Quand j'aborde 13 jours, 13 nuits, évidemment, je peux pas faire la même mise en scène que sur pape au moment et voilà je dirais que là La vigilance que j'ai eue, c'est après avoir eu la chance de vivre ce gros succès sur Papa ou Maman après ces deux premières expériences. Ça a été d'avoir ce petit crédit, cette petite balle comme au flipper. Je me suis dit, puisque il y a ce démarrage qui est quand même réconfortant, c'est le moment de dire au marché, aux producteurs, OK, j'ai fait ça, mais je vais essayer, profitant un peu de ce petit capital de confiance, de faire complètement autre chose. pour pas justement, et à ce moment-là, effectivement, quand même, la tentation est ce que je trouve très normal. Tout le monde vient te voir en disant, ah là, on a un scénario génial sur un couple qui divorce avec trois enfants. J'ai dit, mais oui, mais ça ressemble un peu à ce que c'était pas pour moi. Ah ben non, ça n'a rien à voir, là, il y a trois garçons, c'est pas du tout une fille et deux garçons. Et puis ça se passe pas en Normandie, ça se passe à Marseille. Non, non, tu verras, ça n'a rien à voir. Tout le monde vient te voir pour ce que tu sais faire. Et donc, c'est à ce moment-là que j'ai croisé la route du sénat au Défelle et que tout d'un coup, j'ai été aspiré par l'envie de... de faire une grande histoire d'amour un peu onirique, un peu inventée, fantasmée, et ça m'a plu. Et d'un film d'époque, et de me confronter à complètement autre chose. C'est un scénario sur une idée originale de Caroline Bongrand, qui développait ce projet depuis très longtemps, donc c'est son projet de manière personnelle. Et moi, je croise la route de ce projet après qu'il ait lui-même été dans les mains de différentes équipes de cinéma. Quand je dis équipe, c'est producteur, réalisateur. Certains étaient passés avant. C'est la vie des films. L'histoire du cinéma est faite de ça, de films qui ont passé du temps avant de se faire avec d'autres équipes. Et moi, j'arrive à ce moment-là, en fait. Donc, presque une quinzaine d'années après que ce scénario ait été écrit par Caroline. Et je flash, en fait, sur la dimension, comment dire... fantasmé assumé qui a pu aussi derrière est un objet de critique du film et je comprends aussi que ça ce qu'on adhère pas à ça le principe d'une auteur d'une histoire d'amour qui aurait motivé la création d'un grand artiste ça m'a pas dérangé les critiques à cet endroit là parce que moi je n'ai pas découvert dans les critiques j'ai assumé ça très bien donc on préfère toujours que tout le monde trouve son film super mais mais c'était pas c'était ok parce que à partir du moment on fait quelque chose et que nous on dit bah moi j'ai fait le maximum avec le plus de sincérité possible Donc ça me va, en fait. Après, ça ne vous a pas touché. Vous auriez aimé voir beaucoup moins l'histoire d'amour. Vous ne l'avez pas trouvé passionnante. Vous auriez aimé voir plus de Tour Eiffel. Peu importe. Donc moi, j'ai aimé cet alliage des deux. Et surtout, si la Tour Eiffel avait été faite par amour, ça m'aurait éclaté. Parce qu'aujourd'hui, quand même, malgré tout, comme dans le biopic de Mozart, Amadeus, ou beaucoup d'autres films, un peu sous forme du chrony, il y avait suffisamment d'éléments factuels de l'histoire vraie. pour dire aux gens aussi, prouve-moi que ce n'est pas vrai. Et ce qui m'a plus aidé de confronter, pour en venir à ça, j'ai rencontré Vanessa Van Zuleyn, qui avait racheté les droits du projet, la productrice, qui elle-même avait essayé de développer le projet avec un autre réalisateur, ça n'avait pas eu lieu. Et moi, j'arrivais peut-être à un bon moment, un peu, entre guillemets, fort du succès de Papa ou Maman, mais faible parce que je n'avais jamais fait une histoire comme ça. Je n'avais jamais fait un film d'époque, 23 millions d'euros, avec une reconstitution. J'apprends beaucoup au contact aussi de Mathias Boucard, le directeur de la photographie, que je trouve très doué et qui m'apprend aussi pas mal. Mathias, il vient de la publicité, il a un sens graphique très fort, de la direction artistique très pointue. Et c'est un magnifique accompagnateur, je l'ai retrouvé après sur Carême. Et j'apprends de lui d'assumer... de traiter son sujet comme il doit l'être à partir du moment où on a décidé de faire ce genre de film. Quand on décide de faire Eiffel, sur cette histoire un peu fantasmée, quelque part, il faut aussi assumer ce qu'on est en train de faire. Et j'apprends une mise en scène un peu plus ample, des mouvements de grues, et j'apprends aussi à essayer d'être toujours dans une corrélation juste, je l'espère, entre l'intime et l'épique. entre l'intime de cet homme qui est mu et motivé par ce moteur émotionnel fort de prouver à la femme qu'il aime qu'il est quelqu'un, qu'il est un grand artiste. Ça, je trouve que la problématique superbe. C'est aussi un des sujets que j'aime beaucoup dans Eiffel, c'est de montrer que tous les grands génies, les grands artistes, les grands écrivains, les grands peintres, et on le sait, Picasso, pour beaucoup d'autres grandes personnes qui ont marqué l'histoire de l'humanité dans leurs créations et dans leurs œuvres, sont des motivés émotionnellement par un ressort intime très puissant. Ou une dette affective vis-à-vis de leurs parents, de leurs pères, ou souvent une revanche amoureuse très forte, ou émotionnellement, c'est ce qui génère le maximum de créativité. Donc ça m'intéressait de traiter de ça aussi, et c'est ce qu'on raconte dans le film. Je dirais que j'apprends ça, j'apprends une mise en scène qui essaie d'avoir des moments plus intimes, en connexion avec le personnage et Romain, et des moments un peu plus... un peu plus ample pour le spectateur, mais pour nous aussi. Et puis je continue à aiguiser un œil qui peut déplaire, en France, je le sais aussi, où j'assume de dire que j'aime la notion de film populaire. Ça me plaît de me dire qu'on peut avoir un maximum d'exigences de cinéma, essayer d'avoir les meilleurs acteurs, d'être dans un travail le plus exigeant possible et surtout très sincère. en continuant à se dire qu'on a envie que ça soit touché par les gens. Jusqu'à présent, j'ai fait six films. J'en ai fait cinq produits par Dimitri Rassam et un produit par Vanessa, qui est donc Eiffel. Et les six films sont distribués par Pathé. Donc j'ai quand même une filiation avec cette famille. Et Dimitri, en fait, voit Eiffel. Et je pense que, sachant que les droits étaient chez Vanessa, donc il n'était pas question qu'ils le produisent, mais on reste évidemment très proches. Et je pense que... En plus d'une réflexion plus globale sur l'envie à ce moment-là du cinéma, et un peu en visionnaire, parce que c'était juste avant le Covid, lucide sur la mutation de la manière de consommer les images, de la manière dont les gens vont au cinéma et tout, à ce moment-là, germe en lui ce projet de remettre au goût du jour les trois mousquetaires. Et me voyant faire Eiffel avec cette ambition-là, ce budget, produit par Pathé, qui est quand même sa famille de cinéma, et on l'est tous en connexion, il me parle de ce projet des mousquetaires en plein tournage d'Eiffel. avant le Covid. Et donc c'est un tremplin évident parce qu'il se convainc que les trois mousquetaires, c'est le nouveau projet qu'il faut faire pour lui. Et il demande à Matt et Alex d'écrire les trois mousquetaires pour moi. Sachant que moi je les connaissais très bien, je travaillais sur Papouamant. Et voilà, donc on peut dire que d'une certaine manière, Eiffel a été un tremplin, oui, alors pour moi, certainement. Parce que ça m'a permis de montrer ce que je savais aussi, sans doute mettre aussi des films d'époque, d'apprendre en tout cas. Et lui, ça le met dans une dynamique. Et c'est comme ça que les trois mousquetaires, le projet arrive. Ce que je ressens, ce que je regarde plutôt, c'est qu'on n'est pas si nombreux à être passés, effectivement, de comédies comme Papa ou Maman, par exemple, à 13 jours, 13 nuits. On ne peut pas faire plus grand écart, on se dirait. Et effectivement, je ressens qu'à chaque fois, j'ai pu avoir les moyens de mes ambitions pour les projets. C'est très simple, c'est jusqu'au jour où ça ne marche plus, on arrêtera de me donner ce budget-là. C'est quand même pas très compliqué, c'est une arithmétique qui finalement est assez scientifique. C'est vrai que même avec un peu de recul, quand je regarde tout ça, je me dis effectivement que j'ai si beaucoup de chance, mais on a beaucoup travaillé, d'avoir à chaque fois eu, je touche du bois, ces films qui ont rencontré leur succès, plutôt des gros succès comme Les Mousquetaires, même Eiffel qui a fait plus d'un million et demi d'entrées. Il y a une période où le Covid était encore très présent dans la fréquentation des salles. Donc, 13 jours, 13 nuits sur la semaine prochaine. Je ne peux pas te dire du tout dans quel état d'esprit je suis, mais c'est toujours très vertigineux. C'est un sujet plus difficile aussi. On verra. Après, c'est un film qui a beaucoup d'ambition et avec lequel on a essayé de mettre les moyens au bon endroit. Mais oui, je ressens ça. Après, je vois le cinéma très inspirant aussi pour moi de Cédric Jiménez. On est un peu sur le même genre de... de trajectoire, j'ai envie de dire, où l'UFC passe de la French à Bac Nord, à Novembre, à Chien 51, dont j'ai vu le teaser que j'ai trouvé vraiment très attirant, très cool. Il y a Jérôme Salle aussi qui a fait des choses comme ça, Guillaume Canet qui font des... Je veux dire, je ne me considère pas non plus seul, mais j'ai envie de dire, au-delà même de notre personnalité à tous et de nos goûts, le cinéma a énormément de ressources dans les sujets, dans les talents, dans les équipes, dans les producteurs aussi, on parlait de... Cédric avec Hugo Célineac ou d'autres, pour avoir l'ambition de grands projets. Et je trouve que c'est... Si en tout cas, les films qu'on fait, nous, entraînent une dynamique ou en tout cas, ils participent, je sais qu'il y a des misérables qui vont se faire là bientôt. Ouais, je trouve ça bien. Il y a plusieurs métiers dans le métier de cinéaste, c'est aussi ce qui rend totalement passionnant ce job. Quand je parle de la comparaison entre un skipper et un cinéaste, c'est le cinéaste dans son métier de metteur en scène sur le plateau de tournage. Parce qu'il y a le cinéaste avant, en phase de préparation, d'écriture, de casting, et il y a le cinéaste après qui est en salle de montage et qui réécrit son film avec son monteur, mais où ils sont deux, trois dans la salle de montage, et puis tu as le cinéaste dans lequel je suis aujourd'hui. qui accompagne la sortie de son film. Mais sur le cinéaste en tournage, je parle du plus récent, de 13 jours 13 nuits, puisqu'on est là aussi pour ça, c'est un chef d'équipe, un chef de navire, assez seul, entouré d'une armée autour de lui. Encore plus au Maroc, à Casablanca, où les équipes sont démultipliées, les gens sont formidablement habitués à travailler en nombre. et qu'on avait près de 10 000 figurants pendant le tournage. Donc il y a des jours où on est 800 figurants, 300 de l'équipe technique, on est presque plus de 1000 à la cantine. Donc c'est délirant. Et à l'arrivée, on est quand même tout seul à faire son film, même si tous ces gens-là sont au service de ce qu'on a dans la tête. Et quand je parle du comparaison avec le skipper en équipage, c'est que le skipper, c'est le référent immédiat. Moi, je fais pas mal de bateaux, j'en ai fait beaucoup, j'en fais moins. Dans la tempête, dans un coup de vent la nuit, dans un moment un peu chaud où on flippe un peu. c'est totalement légitime. On cherche du regard le skipper et on doit sentir que lui, c'est OK, quoi. Non seulement il contrôle, mais il l'avait anticipé. Le coup de vent, il l'avait vu venir. Il avait orienté sa trajectoire. Et j'ai envie de te dire que si notre référent est en confiance, nous-mêmes, on est OK. Ce qui n'empêche pas d'être un peu anxieux et tout, mais on se dit, ah bah, il a l'air de savoir où il va, ça me rassure. Et le cinéaste, c'est un peu ça. C'est-à-dire qu'il y a des moments où sur un plateau, il reste... deux heures de tournage, la nuit commence à arriver, ça ne se passe pas forcément comme prévu. Et on vient te dire, mais du coup, les trois caméras, on les met où ? On fait comment ? Il y en a une qui est cassée. Et toi, tu te dois de dire, OK, pas de problème. On avait prévu cinq plans, on va en faire que trois. Si la caméra, la troisième caméra est cassée, ce n'est pas grave, elle reste dans le camion. On va s'en sortir avec les deux qu'on a là. Par contre, on en met une sur le stade, une qui reste à l'épaule de ce côté-là. Et on drive un petit peu avec évidemment son équipe, sa garde rapprochée, son chef-op. sa première assistante qui nous oriente et tout aussi sur l'organisation de plan de travail. Mais cette sensation de donner l'impression, je vais venir, qu'on drive et qu'on est le référent et qu'on est entre guillemets en maîtrise, ça met un cadre de travail pour les équipes, pour les acteurs aussi, pour tout le monde qui fait que, bon ben voilà, on donne la sensation qu'on gère et qu'on est en confiance et que tout est sous contrôle. Alors là où l'analogie avec le skipper me passionne, c'est que le skipper, une fois qu'il a dit, vous inquiétez pas, mettez vos doudounes, il va faire froid. Mettez-vous de ce côté-là parce que la gîte va être plutôt à bas bord. C'est vrai qu'il y a un coup de grain qui arrive, mais c'est ce que j'avais prévu. C'est pour ça qu'on n'est pas allé prendre un bord plus ou moins large. C'est cool, moi je me suis retrouvé dans ce cas-là. Je mets ma doudoune, je prends un carré de chocolat et je me dis que le mec gère et je passe plutôt un bon moment. Après tout, on ne m'a pas forcé à venir. Mais sauf que le skipper, quand il descend dans sa cabine pour dire je vais me changer et tout. Peut-être que lui, à ce moment-là, en fait, il a un gros coup de doute. Il se dit, mais putain... Là, je suis dans la coulisse. Je ne peux pas montrer que je ne sais pas où on va, mais moi, à ce moment-là, il a le droit humainement de se dire « Mais merde, est-ce que le coup de vent ne va vraiment pas être plus fort que ce qu'ils ont annoncé ? » Je suis un peu emmerdé, je ne l'avais pas vu venir à ce point-là quand même. Si ça merde, est-ce que j'ai assez d'essence ? Il me semble que non, parce que je pensais faire le plein demain, mais ça, je ne peux pas leur dire. Il y a tout ça. Et le cinéaste, c'est pareil. Les démons, il ne sait pas forcément tout le temps tout. on vient te dire mais la caméra on la met là ou on la met là ? Bon on la met là bien sûr, tu sais pas en fait L'acteur, il te dit, est-ce que j'ai besoin d'en refaire une ? Non, c'est OK, j'ai tout ce qu'il faut. Et tu lui dis ça parce qu'il faut bien avancer. Mais tu vois, on ne sait pas toujours tout. Et pourtant, on doit donner l'impression de savoir pour rassurer. Et je trouve que c'est une analogie qui est intéressante et qui est aussi... moteur de créativité quand même. On trouve des bonnes idées et on le sait, tous les grands artistes, les grands créateurs se nourrissent de ça. La contrainte crée la créativité quand même. L'expérience des trois mousquetaires est assez inédite. Je pense même en expérience de tournage récente dans le cinéma français, c'est qu'on a tourné 150 jours. Donc c'est énorme, c'est effectivement deux films. Et moi, c'était une préparation de sportif. Je me suis organisé comme ça, avec un mec qui m'a préparé physiquement un peu, pour tenir, mentalement aussi, parce qu'il faut tenir le choc d'une si longue durée. Je me suis organisé moi, mais disons que je me suis mis dans un mindset, dans une discipline, comme de préparer un grand marathon, parce que c'est le cas. En fait, d'essayer d'arriver le plus en forme possible, sans faire non plus un entraînement de grand sportif, mais de faire un peu plus que... Je ne sais pas, de faire un peu... Si tu arrives épuisé, complètement HS, et que physiquement, dès que tu marches trois escaliers, tu te sens cuit... Les 150 jours encaissés sont compliqués parce que c'est de 6h du mat à 9h du soir et puis il y a du monde sur le plateau, il y a les acteurs. Donc j'ai essayé d'arriver le plus en forme possible, ce qui ne m'a pas empêché d'être cuit à l'arrivée, mais quand même j'ai tenu le coup. Et puis surtout la clé absolue c'est de prendre chaque jour qui vient comme... vraiment jour par jour. Si tu arrives le 16 août, on a commencé le 16 août et on a fini le 3 mai, pour donner une idée sur la taille du tournage. Si tu arrives le 16 août et que tu te dis « waouh, j'en ai jusqu'au 3 mai » , t'es mort. Tu arrives le 16 août 2022, tu dis j'en ai jusqu'au 3 mai 2023, t'es cuit parce que tu dis... Donc c'est vraiment comment tu vas faire jour par... Déjà tu fais la première journée, la deuxième, puis les trois mousquetaires, il y a beaucoup de scènes d'action, de gros trucs comme ça, donc c'est quand même assez vertigineux de se dire comment on va faire... Moi t'as entendu sur le tournage, les équipes me disaient mais il faut qu'on fasse un point sur la scène de l'incendie, la bagarre entre Eva et François, hyper compliquée, les assurances, il faut tout construire en décor, tu fais la fin de Milady. sauf que ce tournage là devait avoir lieu le la première semaine du mois de mars et toi tu es en septembre et avant cette scène là tu as l'impression qu'il ya déjà énormément de choses très compliqué aussi à réaliser quoi l'église le truc le tentative donc c'est vertigineux tu dis putain ça paraît tellement loin et en même temps il faut tellement s'en occuper aussi mais pour revenir sur ta question oui ça donne des ça donne des armes et du du référent d'expérience fort pour 13h 13 nuits Mais ce n'est pas pour autant que tu arrives tranquille, mais tu arrives un peu plus armé.