undefined cover
undefined cover
Au coeur du complotisme, Part. 1 - Séverine Falkowicz cover
Au coeur du complotisme, Part. 1 - Séverine Falkowicz cover
Projet Utopia

Au coeur du complotisme, Part. 1 - Séverine Falkowicz

Au coeur du complotisme, Part. 1 - Séverine Falkowicz

58min |08/09/2025
Play
undefined cover
undefined cover
Au coeur du complotisme, Part. 1 - Séverine Falkowicz cover
Au coeur du complotisme, Part. 1 - Séverine Falkowicz cover
Projet Utopia

Au coeur du complotisme, Part. 1 - Séverine Falkowicz

Au coeur du complotisme, Part. 1 - Séverine Falkowicz

58min |08/09/2025
Play

Description

Aujourd'hui nous allons plonger au cœur d'un phénomène qui fascine autant qu'il divise : le complotisme. Pourquoi tant de gens croient-ils à des théories alternatives, où un groupe d’individus cachés et malveillants tirent les ficelles de nos sociétés ? Et quoi de mieux que la psychologie sociale pour comprendre un phénomène aux dimensions multiples, qui touche à la fois à la manière de voir le monde, aux raisonnements, mais également à la société et à ses mécanismes qui nous guident et nous façonnent ?

Pour en parler, j'ai le plaisir d'accueillir Séverine Falkowicz, spécialiste de l'influence sociale et de la manipulation comportementale, elle est également co-autrice du livre “Complotisme et manipulations. Petit guide pour déjouer les fausses croyances, fake news, et autres fadaises”, au éditions Book e Book, avec Alexander Samuel, Thierry Ripoll et Fabien Girandola. À travers ce podcast, elle nous éclairera sur les mécanismes socio-psychologiques qui sous-tendent les théories du complot. Si vous vous poser des questions sur le complotisme, il est probable que vous trouviez des réponses en nous écoutant.

Avant de commencer je tenais tout particulièrement à remercier Eliot et Clémence d’avoir eu la gentillesse de nous accueillir chez eux jusqu’à 2h du matin pour enregistrer cet épisode ! Encore une fois, un grand merci !


Soutenir mon travail :

https://fr.tipeee.com/projet-utopia

ou

https://fr.liberapay.com/Projet_Utopia/ 


Les livres de Séverine :

https://www.book-e-book.com/livres/225-complotisme-et-manipulation.html

https://www.editions-eyrolles.com/livre/au-coeur-de-l-esprit-critique


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Chers utopistes, bonjour et bienvenue dans le podcast du projet Utopia, un podcast qui s'intéresse aux rapports entre science et société. Et voilà, c'est déjà la saison 4 du podcast. 4 ans à discuter avec des spécialistes sur des questions scientifiques. Depuis 4 saisons, je produis ce podcast avec mes propres deniers en essayant d'améliorer la qualité à chaque saison. Heureusement, quelques-uns d'entre vous ont soutenu ce travail, ce qui m'a permis de parfaire mon matériel et me motive pour continuer à vous proposer du contenu de qualité. Pour faciliter ces dons, et si vous avez aussi envie de soutenir le podcast, sachez que je viens d'ouvrir un compte Tipeee, vous trouverez le lien en description. Alors de quoi allons-nous parler aujourd'hui ? Et bien nous allons plonger au cœur d'un phénomène qui fascine autant qu'il divise, le complotisme. Pourquoi tant de gens croient-ils à des théories alternatives où un groupe d'individus cachés et malveillants tirent les ficelles de nos sociétés ? Et quoi de mieux que la psychologie sociale pour comprendre un phénomène aux dimensions multiples qui touche à la fois à la manière de voir le monde, au raisonnement, mais également à la société et à ses mécanismes qui nous guident et nous façonnent ? Pour en parler, J'ai le plaisir d'accueillir Séverine Falkovitch, spécialiste de l'influence sociale et de la manipulation comportementale. Elle est également co-autrice du livre Complotisme et manipulation, petit guide pour déjouer les fausses croyances, fake news et autres fadaises, aux éditions Booky Book, écrit avec Alexander Samuel, Thierry Ripoll et Fabien Gérandola. A travers ce podcast, elle nous éclairera sur les mécanismes socio-psychologiques qui sous-tendent l'univers des complotistes. Si vous vous posez des questions sur le complotisme, il est probable que vous trouviez des réponses en nous écoutant. Et avant de commencer, je tenais tout particulièrement à remercier Elliot et Clémence d'avoir eu la gentillesse de nous accueillir chez eux jusqu'à 2h du matin pour enregistrer cet épisode. Encore une fois, grand merci. Séverine, bonjour, je suis ravi de t'accueillir dans ce podcast. Est-ce que tu peux d'abord te présenter s'il te plaît ?

  • Speaker #1

    Oui, bonjour. Je suis maître de conférence en psychologie sociale, je fais partie du laboratoire de psychologie sociale d'Aix-en-Provence. Je suis aussi psychologue sociale et en termes de champ de recherche, je travaille dans le champ de l'influence sociale et de la manipulation, manipulation comportementale notamment. Et je suis également la coautrice d'un ouvrage d'introduction à l'esprit critique qui s'appelle Au cœur de l'esprit critique et Au cœur du complotisme avec notamment Alexandre Samuel, Fabien Gerandola et Thierry Ripolle. Et puis bon après voilà d'autres projets encore derrière, sans doute encore un bouquin sur la psychanalyse, pourquoi croit-on à la psychanalyse, mais ça viendra un petit peu plus tard dans l'année.

  • Speaker #0

    Et donc nous sommes réunis autour de ce thème là de, pas de la psychanalyse mais du complotisme, et donc je suis ravi aussi parce que c'est vraiment un thème moi qui m'intéresse énormément puisque je travaille en parallèle sur un documentaire sur ce thème là, et il y a beaucoup beaucoup beaucoup beaucoup de choses à dire. Donc là on va essentiellement parler de l'angle de la psychosociale, puisque c'est vraiment ton domaine. Et c'est aussi, pour les gens qui ne savent pas, c'est aussi, je pense, le domaine scientifique qui a le plus étudié le complotisme finalement. Il y a la psychologie en général, mais la psychosociale en particulier. Pour parler de complotisme, on peut commencer, je pense, par parler des croyances.

  • Speaker #1

    Oui, pourquoi pas. Alors, disons qu'on pourrait se demander effectivement qu'est-ce que c'est qu'une croyance. Alors, au départ, tout est croyance, tant qu'on n'a pas procédé à des investigations. Donc si on prend... Une croyance en particulier, on peut essayer de l'évaluer. Et quand on va l'évaluer, si à l'issue de nos tests, on arrive à trouver des éléments qui vont nous permettre de cautionner cette croyance, eh bien, on va s'avancer du côté de la connaissance. Si par contre, on se rend compte du fait que la croyance ne tient pas par rapport à la réalité, par rapport aux éléments factuels, du fait des méthodes d'investigation qu'on utilise, et bien là on sera de l'autre côté, on va dire, d'une échelle, de ce qu'on pourrait considérer comme un continuum, on sera du côté des fausses croyances. Après, il y aura des croyances que l'on n'est pas en mesure d'évaluer, parce que, par exemple, elles ne se prêtent pas à l'investigation, on n'a pas techniquement la possibilité de les tester. Il y a d'autres croyances encore qu'on n'aura pas eu le temps d'évaluer, donc ces croyances, pour l'instant... On peut les considérer comme des croyances en ne sachant pas trop quel est le statut qu'on doit leur accorder. Ça ne veut pas dire qu'elles seront nécessairement fausses ou vraies, on ne saurait se prononcer.

  • Speaker #0

    Mais il peut y avoir aussi des fausses connaissances. Parce que tu disais que les connaissances c'est plus des croyances vraies, mais c'est vrai qu'il peut y avoir aussi des fausses connaissances. Des choses qui ont été validées, mais on se rend compte plus tard, par exemple, que c'est toute la complexité de la science.

  • Speaker #1

    Oui, on est effectivement sur un continuum. Donc, disons que quand avec de la méthode, on s'avance du côté de la connaissance, on va déplacer le curseur vers la connaissance. Mais ensuite, parfois, quand on poursuit les investigations, quand on dispose de meilleures méthodes encore, ou quand, par exemple, on se rend compte que les études ont été biaisées, là, on est capable. dans le champ de la science d'ajuster le statut qu'on attribue à une information. Et en ce sens, la science, en fait, elle se remet en permanence en question, même si, le plus souvent, du point de vue des méthodes que l'on utilise, c'est suffisamment fiable, c'est suffisamment solide pour considérer qu'on peut avoir parfois des acquis. Et donc, il y a clairement certaines de nos connaissances que l'on ne remettra pas en question. Et donc l'idée c'est également de sortir de l'idée d'un relativisme, tout ne se vaut pas, et même si effectivement parfois, en dépit des précautions que l'on prend, des méthodes que l'on utilise dans le champ de la science, il y a à redire, les méthodes scientifiques nous permettent de sortir de notre subjectivité, et en leur faisant confiance, c'est le meilleur moyen dont on dispose pour... essayer de se positionner sans trop prendre de risques.

  • Speaker #0

    En gros, ce que tu veux dire, c'est qu'on peut considérer qu'il y a différentes formes de croyances, et qu'il y en a certaines qui sont plus solides que d'autres, plus crédibles que d'autres, où on a le plus d'éléments pour estimer qu'elles sont valables, et donc que ce sont des connaissances. Et du coup, le complotisme, il se positionne comment là-dedans ?

  • Speaker #1

    Le complotisme... Il pose souci du point de vue des croyances dans la mesure où il se nourrit de fausses croyances. Alors pas seulement bien sûr, mais il est important pour nous d'arriver à attribuer correctement à une croyance son statut, c'est-à-dire savoir si une croyance va être vraie ou fausse, savoir où elle va se situer, parce que si on élabore nos raisonnements sur la base de fausses croyances, on ne pourra pas. pas tirer les bonnes conclusions.

  • Speaker #0

    Tout simplement. Mais aussi, si on n'a pas les mêmes croyances, si les socles de croyances ne sont pas les mêmes selon les individus, ça ne pose pas de problème lorsque nos relations n'ont pas d'importance liées à ces croyances-là, mais dès que ces croyances sont au cœur de nos relations communes, ça peut poser problème. Donc par exemple, dans le champ social, dans la politique, on fait des choix politiques, des choix sociaux, les... La croyance des individus, elle rentre forcément en ligne de compte. Le problème, c'est que lorsqu'on est face à des personnes qui n'ont pas du tout la même épistémologie finalement que nous, avec des croyances complètement différentes, un ensemble de croyances complètement différentes, comment on arrive en fait à construire quelque chose ensemble ? Comment on arrive à faire société en fait avec ces gens-là ? Je pense que c'est un des problèmes que peut poser le complotisme lorsqu'il rentre vraiment dans le champ de la politique, de la société, etc.

  • Speaker #1

    J'aime bien l'expression que tu as employée. Tu as parlé des personnes qui n'avaient pas la même épistémologie que nous. L'épistémologie, ce n'est pas subjectif. Déjà, peut-être donner une définition de ce que c'est que l'épistémologie. Il s'agit de la façon dont nous construisons nos connaissances, comment nous élaborons la connaissance. Donc, pour s'entendre, il faut effectivement savoir comment... Quels sont les critères qui nous permettent de retenir ou de rejeter un élément d'information donnée ?

  • Speaker #0

    Comment on peut s'accorder sur telle ou telle information, tel ou tel élément, telle ou telle croyance ou connaissance ?

  • Speaker #1

    Ça pourrait être important que les gens que nous nous formions tous à l'épistémologie, parce qu'en fait on a de bonnes raisons parfois de retenir ou de rejeter un élément donné. Je peux peut-être donner un exemple, mais une personne qui va accorder du crédit à une information tout simplement parce qu'elle a été énoncée par une personne célèbre, si c'est son seul critère, elle va être victime peut-être de ce qu'on appelle la preuve sociale. Donc si après elle a d'autres raisons complémentaires et qui en viennent davantage à questionner les fondements, de son adhésion à cette croyance. Là, peut-être qu'elle aura des arguments qui auront plus de valeur. Donc, si nous nous accordions sur ces critères d'adhésion et de rejet, on arriverait à mieux s'entendre. Ça, c'est le premier point. D'où l'intérêt, à mon sens, de se former davantage à l'esprit critique, qui nous permet effectivement de maîtriser ce qui relève de l'épistémologie. Savoir, par exemple, quand on traite l'information, quels sont les facteurs qui peuvent nous induire en erreur. Par exemple, les biais cognitifs, les heuristiques de raisonnement. qui vont faire qu'on va aller vers une information plutôt qu'une autre, parce qu'on préfère aller dans cette direction-là. En termes de biais, on peut parler aussi du biais de confirmation d'hypothèse. Et puis, notre esprit critique aussi, on va le nourrir par des connaissances. Donc, ces connaissances de base, ce que nous avons élaboré et que nous considérons être solide, d'où est-ce que ça vient ? Comment avons-nous construit aussi ? notre culture générale, personnelle. Et parfois, nous avons des connaissances auxquelles nous croyons fortement, qui vont constituer les prémices de nos modes de raisonnement. Et quand nous ne partageons pas les mêmes prémices, ça va être difficile de s'entendre, premièrement. Et de la même façon, dans la façon dont on va articuler ces prémices, les unes par rapport aux autres, là encore... des différences en fonction de plein de paramètres. Et là aussi, ça peut poser souci. On peut, au final, même quand on échange en toute bonne foi, ne jamais parvenir à se rencontrer.

  • Speaker #0

    Pour moi, c'est un des problèmes fondamentaux du complotisme dans la société. Et notamment lorsque ce complotisme-là devient quelque chose d'extrêmement radical dans le sens où on est en train de vivre en France. une radicalisation vers l'extrême droite d'une certaine partie de la population. Et je pense que ça peut potentiellement influencer la direction politique de la France bientôt. Donc c'est quand même des questions qui doivent vraiment se poser au cœur de la société actuellement. Et je trouve qu'on n'en parle pas suffisamment.

  • Speaker #1

    Oui, tout à fait. Alors je vais effectivement donner un exemple. Donc si on échange par exemple sur une question de santé tout d'abord. Et que... Oh putain. Si moi, je dis par exemple, oui, mais l'Organisation mondiale de la santé dit que, et pour moi, si ça représente un organisme qui est le plus souvent fiable, même si ça n'est pas systématiquement le cas, parce qu'il faut toujours rester en alerte d'un point de vue méthodologique, voir comment... Comment ? Ceux qui argumentent construisent leur mode de raisonnement. Mais bon, admettons que moi, je considère que l'OMS soit fiable. Si je suis face à une personne qui adhère à des croyances complotistes en matière de santé, elle pourra peut-être me dire, « Ah non, mais l'OMS, moi, je rejette ces organismes-là. » Et donc, on ne pourra pas s'entendre. Et donc, nos appuis même ne seront pas les mêmes. Donc, ça posera souci. dans le champ de la politique, pareil, en fait, tu peux avoir des gens, effectivement, qui glissent vers l'extrême droite simplement en rejetant ceux qu'ils considèrent comme ayant le pouvoir actuellement. Et donc, un rejet des élites responsables de tous les maux. Oui, totalement. Donc, ça peut participer à la montée du fascisme. Parmi... De multiples autres causes.

  • Speaker #0

    Oui, bien sûr, c'est pas la seule, évidemment. Du coup, pourquoi est-ce qu'on adhérerait à des croyances qui sont fausses ? C'est quoi, en fait, qui pourrait nous conduire à faire ça ? Puisque, a priori, on a tous envie d'être dans le vrai, tu vois. Je pense que la plupart des gens, ils sont pas pour envie d'être dans le faux. Ils se positionnent pas comme ça. Donc, qu'est-ce que c'est qui nous pousse à avoir des croyances ? Alors, là, on parle vraiment de croyances fausses, mais après, on pourrait dériver vers vraiment des croyances complotistes qui sont pour moi... qui peuvent devenir complètement décalés, en décalage total en fait avec la norme, avec les croyances qui sont dans la société en général. Donc est-ce que c'est juste justement une réaction contre les normes sociales ? Ou est-ce que ça va au-delà de ça ?

  • Speaker #1

    Non j'allais dire en plaisantant mais attends, là c'est un faux dilemme. Non, c'est une idée contrôlée.

  • Speaker #0

    Tu as raison.

  • Speaker #1

    Alors non, en fait tu pourrais avoir des gens qui te disent que si les gens vont dans les directions dans lesquelles ils veulent aller, c'est parce qu'ils veulent bien y aller. Moi, je ne suis pas certaine que ce soit toujours le cas au départ. Pourquoi ? Parce qu'en fait, même si effectivement, quand on demande aux gens quelles sont leurs positions et qu'on essaye de les faire changer, et qu'on constate le plus souvent qu'on a beaucoup de mal à les faire changer, donc l'idée est de... Ce qu'on va en déduire, c'est qu'on n'arrive pas facilement à faire changer les gens. Sauf qu'en fait, quand on prend les gens qui au départ ne sont pas positionnés et qu'on essaye de les amener dans une direction, dans ces moments-là, on voit que finalement ça peut être assez facile de les amener soit d'un côté, soit du côté inverse.

  • Speaker #0

    Est-ce que tu peux donner un exemple ?

  • Speaker #1

    Oui, je vais donner un exemple. Donc, imaginons une personne qui soit intéressée par la connaissance de soi. Et dans ces rencontres, elle commence soit par rencontrer un psychiataliste, soit par rencontrer une personne qui vient, par exemple, parler de psychologie sociale expérimentale. Je suppose que dans les deux cas, elle sera enthousiaste. Elle sera enthousiasmée même. Et donc, peut-être qu'ensuite, elle va s'engager dans cette direction-là. d'un côté ou de l'autre, suivant le contexte, et que si derrière, ensuite, on vient l'attaquer sur ses positions, et bien, effectivement, ce sera possible qu'elle reste sur ses positions initiales. Mais donc, au départ, elle aura été, par le contexte, peut-être amenée à s'engager d'un côté ou de l'autre. Donc, je pense que dans les positions auxquelles nous adhérons, parfois quand nous adhérons à de fausses croyances, et là, pour le coup, la psychanalyse est une pseudoscience, c'est-à-dire que c'est une non-science, Nous dépendons de nos rencontres,

  • Speaker #0

    du contexte. En fait, on change difficilement d'avis une fois qu'une croyance est ancrée. Oui. Une fois qu'on a une vision du monde qui est assez affirmée. Sinon, on est assez souple. C'est ça que tu veux dire. Alors,

  • Speaker #1

    au départ, je pense qu'on est effectivement perméable. Et d'ailleurs, on n'a pas de raison de ne pas l'être, puisqu'on est là pour apprendre. Alors après, effectivement, au-delà de ce contexte, on peut avoir des préférences. Par exemple, on peut être davantage tenté par l'idée Merci. de partir explorer l'inconscient, que par l'idée d'aller décrypter des expérimentations scientifiques de psychologie sociale, avec des paramètres qui vont nous permettre d'avancer, on va dire, de façon plus solide, mais peut-être un peu moins rapidement, un peu moins intuitivement, subjectivement, alors que peut-être on a envie de chercher en soi, dans sa représentation de la façon dont on peut travailler sur soi-même, si ça ne cadre pas, ça sera peut-être un peu moins ludique. Donc... il peut y avoir aussi des préférences personnelles. Donc tout ça peut interagir avec...

  • Speaker #0

    Il y a des préférences personnelles qui sont basées sur quelque chose. Elles sont basées sur un vécu aussi, sur une représentation du monde. Oui, tout à fait. Donc on a construit aussi, qu'on a appris, qu'on a construit au fur et à mesure du temps.

  • Speaker #1

    On aura été aussi conditionnés, parce qu'effectivement, imagine que depuis que tu es petit, on t'est amené à développer ta pensée analytique. Tu vas peut-être aussi avoir besoin de preuves, et tu vas peut-être avoir cette appétence pour le fait de décortiquer. les expérimentations, et puis comprendre aussi l'intérêt que ça peut représenter. Et de l'autre côté, si au contraire, en termes de personnalité, tu as envie de quelque chose de plutôt rapide, facile, ou alors de mystérieux, il y a des choses qui vont faire écho par rapport à la façon dont on réagit. Il y a vraiment une interaction entre l'individu, le contexte, et puis il y a une chose aussi dont on ne parle pas en termes de contexte, c'est... toutes les personnes qui nous environnent. Je parlais de preuves sociales tout à l'heure. Mais si tu es dans un groupe d'amis aussi qui te dit, viens voir la psychanalyse, c'est génial, et qu'en fait, on y va à plusieurs, ou alors qu'une personne va t'introduire pour aller, je ne sais pas moi, aller voir un acupuncteur, en te disant, tu vas voir, ça fonctionne. Et donc, les rupolations...

  • Speaker #0

    Oui, ça me fait beaucoup de bien. Ma grand-mère aussi, elle adore. Mon père, il ne pense plus que... Il ne parle plus que de ça. C'est trop bien. Et tout machin.

  • Speaker #1

    ça a marché chez ma belle-sœur. Aussi, en fait, c'est pour ça que, là encore, l'esprit critique, le fait de connaître un peu quelles sont les raisons qui nous semblent logiques, mais qui ne sont pas valables pour valider un point de vue, être capable de les repérer, peut-être pas pour systématiquement les discréditer, mais pour comme une alerte se mettre en place et se dire bon attention, là il faudrait peut-être que je ne m'engage pas tout de suite dans cette direction là et que j'aille checker davantage oui après il faut avoir les compétences pour savoir analyser les informations qu'on va checker c'est un autre souci donc formation à l'esprit critique et même là en fait comment dire, avoir les bonnes prémices aussi parce que pareil il y a Si tu n'as pas les bonnes prémices,

  • Speaker #0

    si tu n'as pas les bonnes compétences ou les bonnes connaissances, tu peux effectivement mal interpréter ce que tu vas lire ou carrément ne rien.

  • Speaker #1

    Même par exemple si tu rentres dans des procès d'intention, ce qui se passe aussi souvent dans le cadre du complotisme, on va suspecter... des complots cachés. Parce que c'est vrai qu'on n'a même pas encore donné la définition du complotisme.

  • Speaker #0

    Oui, parce qu'on n'en parle pas tout à fait directement encore.

  • Speaker #1

    En fait, le problème, c'est qu'on ne va pas raisonner correctement. Parce qu'on ne va pas partir faire une enquête, mais on va peut-être partir avec en tête, finalement, des éléments d'information qu'on a ajoutés soi-même et qui vont diriger notre enquête.

  • Speaker #0

    Entre guillemets, on sait ce qu'on cherche.

  • Speaker #1

    Exactement.

  • Speaker #0

    donc on ne pourra même plus parler d'enquête en fait c'est un petit peu comme dessiner une cible autour d'une flèche quelque part croire en des fausses croyances on a dit tout à l'heure que ça pourrait avoir des conséquences dans la société selon certains contextes mais en général c'est pas tellement gênant peut-être que la plupart des gens ils ont des croyances fausses comme ça de croire que tel truc fonctionne que tel truc existe qu'ils croient aux esprits ou pas aux esprits etc Quelles peuvent être les conséquences ? Est-ce que tu penses qu'il peut y avoir des conséquences grades ou est-ce que c'est pas si grave que ça ? Puisqu'on est tous des êtres de croyance, on a tous un minimum de croyance et donc parmi elles, certainement des croyances fausses aussi. Donc voilà, qu'est-ce que tu aurais à dire par rapport à ça ?

  • Speaker #1

    Alors dans mon positionnement, là il y a une part de positionnement personnel. Moi je pense qu'il n'est pas de petites fausses croyances. Pourquoi ? Parce que si on prend par exemple l'astrologie, on pourrait se dire ça va, c'est gentil, il croit qu'il est bélier. Mais en fait, le problème qui se pose, c'est que quand on adhère à l'astrologie, après tout, pourquoi pas penser qu'il existe des choses magiques ? Et donc en fait, ça va peut-être venir conditionner notre rapport à la science. Par conséquent, peut-être qu'adhérer à une fausse croyance de ce type, ça va nous amener à adhérer à d'autres fausses croyances, et de proche en proche, jusqu'où est-ce qu'on est capable d'aller ? Ça pose souci. Ça c'est le premier point. Le deuxième point c'est qu'en plus les gens qui en général adhèrent à de fausses croyances, comme tout le monde, ne vont pas se contenter d'y croire dans leur coin. Ils vont en parler, ils vont les diffuser autour d'eux. Et donc on va porter atteinte aussi aux autres et puis ça aura des conséquences collectives. Si on regarde par exemple ce qui se passe sur les réseaux sociaux, il y a des gens qui des fois diffusent de fausses croyances de façon massive et on... On ne peut pas considérer que ce soit bien de les laisser s'exprimer sans pouvoir dire que non, c'est faux, non, on n'est pas d'accord.

  • Speaker #0

    Pas forcément les interdire de s'exprimer, mais en tout cas répondre, avoir une réaction face à ça et ne pas les laisser juste diffuser.

  • Speaker #1

    C'est pour ça que j'ai dit non pas les laisser s'exprimer, c'est les laisser s'exprimer sans dire non. C'est-à-dire qu'en fait il faut dire quand les choses ne sont pas correctes. On ne peut pas se contenter de dire d'ailleurs que les choses ne sont pas correctes. Il faut aussi expliquer pourquoi on considère qu'elles ne sont pas correctes, c'est-à-dire, là encore, en revenir au fondement, pour pouvoir s'assurer aussi nous-mêmes que ce qu'on dit est correctement construit. Pourquoi ? Si tu veux, on peut peut-être parler de liberté d'expression. Donc, certains ont des positionnements bien tranchés sur cette question-là.

  • Speaker #0

    Surtout aux Etats-Unis en ce moment, la liberté aux Etats-Unis c'est quelque chose de très important en général, et la liberté d'expression est extrêmement valorisée par Donald Trump et surtout Elon Musk, et là on est quand même dans un contexte où... C'est des personnes qui nous écoutent peut-être plus tard. Là on est dans le contexte où Donald Trump vient d'être réélu il y a quelques temps, assez récemment, et où il commence à se mettre en place certaines choses avec Elon Musk qui ne sont pas très ragoûtantes. en tout cas en termes de démocratie. Et ils mobilisent énormément cette idée de la liberté d'expression. Je ne sais pas si tu voulais aussi parler de ça, mais moi je trouve que c'est un sujet d'actualité.

  • Speaker #1

    Oui, alors en fait la problématique est la même aux États-Unis qu'en France, sur le fond. Je pense qu'en fait on analyse mal les choses. Je vais évoquer les positions des uns et des autres en ce qui concerne cette fameuse liberté d'expression. Il y a, on va dire, les tenants de la bienveillance. tel que le concept est utilisé le plus souvent sur les réseaux sociaux. Cette bienveillance qui est revendiquée, soi-disant parce qu'on devrait respecter les opinions des uns et des autres, être ouvert,

  • Speaker #0

    être... doivent pouvoir s'exprimer, etc.

  • Speaker #1

    vont en fait tolérer toutes les expressions, et même donc la diffusion de fausses croyances. Ça a des conséquences négatives pour les gens, c'est qu'en fait ceux qui vont être exposés à des discours qui promeuvent les fausses croyances vont être pour partie au moins influencés. pensées par ces discours et ça aura des conséquences pour eux négatives. Donc la diffusion de fausses croyances a des conséquences délétères.

  • Speaker #0

    On rappelle que les fausses croyances, c'est vraiment des croyances qui ont été démontrées fausses. On ne parle pas de croyances qui pourraient être fausses, etc. On parle de croyances vraiment démontrées fausses ou potentiellement dangereuses.

  • Speaker #1

    D'ailleurs, dans le champ de l'esprit critique, je tiens à rappeler... que si on va lutter contre les fausses croyances, on ne va pas lutter contre toutes les fausses croyances, on va lutter contre les fausses croyances délétères. C'est-à-dire contre les fausses croyances dont on sait qu'elles vont porter atteinte aux gens. Donc, lutter contre ceux qui, au nom de la liberté, diffusent de fausses croyances en leur opposant des contre-arguments... pour énoncer le fait que leurs positions sont fausses, ça correspond au fait d'essayer de protéger ceux qui sont exposés aux conséquences potentielles de ces fausses croyances.

  • Speaker #0

    Donc... Oui, c'est aussi un moyen pour ces gens qui mobilisent la liberté d'expression d'imposer leurs propres croyances dans le débat public, alors que des fois, elles n'ont pas lieu d'être.

  • Speaker #1

    Oui. Alors là, tu me parles de ceux qui les génèrent. Moi, j'évoquais déjà les personnes, en fait, plutôt qui laissaient. faire. Donc, la position qui consiste à dire les sons, les gens s'exprimer indépendamment de la nature de l'expression.

  • Speaker #0

    C'est la noula,

  • Speaker #1

    quoi. Donc, si je reviens justement à cette question de la bienveillance, en fait, en réalité, on n'est pas bienveillant quand on laisse s'exprimer des positions fausses parce que la bienveillance, elle peut aussi se définir autrement. Moi, je fais la distinction entre deux types de bienveillance. Donc, une bienveillance relationnelle, qui va consister à respecter son interlocuteur, à être humain, à lui permettre, effectivement, peut-être d'être confortable dans ce que la personne va dire. Et je pense que cette bienveillance relationnelle, elle est importante, mais elle n'est pas suffisante. Il faut aussi, je pense, si on veut vraiment revendiquer une position bienveillante, mais bienveillante de justement au sens propre du terme, c'est-à-dire chercher à offrir aux autres ce qu'il y a de meilleur, veiller sur les gens, bienveillance, donc on va dire bien vouloir. Bon, donc la deuxième forme de bienveillance, ce sera une bienveillance épistémique qui consiste aussi à essayer de faire en sorte que les positions qui sont diffusées soient les positions les plus justes. Sur la base, bien sûr, les plus fiables. Sur la base, en fait, de ce qui nous permet de dire qu'une position est fiable ou non. C'est pas non plus, on n'est pas dans la subjectivité là. Quand on revendique le fait qu'une croyance soit fausse, on ne va pas le faire comme ça parce qu'on en a juste envie, mais parce qu'en fait, on aura vraiment déterminé le fait qu'elle est fausse. Donc, ça c'était le premier point, cette notion de bienveillance. Le deuxième point... C'est que quand on parle de liberté d'expression, souvent on pense qu'on parle de liberté, mais ce n'est pas le cas. Parce que si justement une liberté d'expression débridée a des conséquences négatives dans nos choix, dans nos comportements, si on en vient à mal se soigner, on en vient à mal voter, on en vient à mal se connaître, parce qu'on va par exemple partir dans les dérives... Du développement personnel, de la psychanalyse, de l'astrologie, enfin voilà. Qu'est-ce qui va se passer de la psychologie ? Parce que aussi dans le champ de la psychologie, en dépit du fait que la psychologie soit une science, il y a parfois des psychologues aussi qui partent dans les dérives ou qui vont se mettre à être séduits par des... comment dire ? des méthodes qui n'ont pas été éprouvées par la science et d'ailleurs ça va à l'encontre de notre code de déontologie bref, quand on fait ça vu que ça a des conséquences négatives pour nous parce que nous sommes influencés négativement, alors que nous n'aurions pas dû l'être, en fait, on contrevient à un grand nombre d'autres libertés, qui sont les nôtres, à savoir la liberté de choisir en connaissance de cause,

  • Speaker #0

    de façon éclairée. Même quand tu parlais de soigner soi-même, lorsqu'on adhère à des fausses croyances par rapport à soi-même, on va générer après des prophéties autoréalisatrices.

  • Speaker #1

    Oui.

  • Speaker #0

    Et donc, nous interpréter nos propres comportements, nos propres... envie, besoin, etc. par le biais de ces fausses croyances et donc ne pas finalement mettre le doigt sur les véritables causes, enjeux ou envies qu'on peut avoir en réalité.

  • Speaker #1

    Totalement, je peux donner deux exemples même. Le premier ça va être le fait de croire à l'astrologie et de dire, tiens, en fait, moi si je suis têtu, c'est parce que je suis bélier. et donc une personne qui peut être... aurait pu être un peu plus ouverte aux positions des autres, vu qu'elle a cette image d'elle-même, parce qu'on lui a attribué cette étiquette, on l'a amenée à croire à l'astrologie, peut-être depuis qu'elle était petite. En fait, elle va dire, moi, je suis comme ça, elle ne va pas se remettre en question, alors qu'elle aurait totalement les moyens de le faire. Ça, c'est le premier exemple. Deuxième exemple, l'hypersensibilité. Il y a plein de psys qui pensent qu'on peut considérer qu'il y a des gens hypersensibles, etc. Alors qu'en fait, ce n'est pas le cas. L'hypersensibilité étant associée, par exemple, à des ressentis très forts au niveau des émotions, etc. Du coup, les gens vont se penser parfois hypersensibles alors qu'ils auront peut-être en arrière-fond des problèmes de gestion émotionnelle. Au lieu, par exemple, pour le coup, de se dire, « Tiens, comment je peux essayer de mieux gérer mes émotions ? » Et pourquoi pas, s'il y a besoin, en allant voir, je ne sais pas, un psychologue, par exemple, qui travaille dans le champ des thérapies cognitives ou comportementales, où on a de vrais outils pour aider à la gestion de soi, ils vont rester dans leur position en se disant, « C'est ainsi, je suis trop sensible pour le monde cruel dans lequel nous vivons, je suis malheureux et... » Et c'est ainsi. Donc, vous voyez, en fait, tu vois, on a une fausse représentation de soi, une fausse représentation de la réalité, de la façon dont les choses fonctionnent. Et ça va nous induire en erreur quant à la façon dont nous nous concevons, dont nous agissons et dans notre rapport aux autres.

  • Speaker #0

    Oui. Non, mais c'est sûr.

  • Speaker #1

    Et donc, parce que du coup, je n'avais pas énoncé explicitement ce que je voulais dire, c'est qu'en fait, la liberté d'expression, elle va contrevenir à d'autres libertés, comme notre liberté de mieux nous connaître, de mieux voter, de mieux nous soigner. Je l'avais peut-être dit déjà, mais c'est très bien de le redire.

  • Speaker #0

    Mais par contre, ce qui est intéressant, c'est qu'on dit souvent que la liberté des uns s'arrête là où commence celle des autres. Mais en fait, on peut dire aussi finalement, avec cet angle-là, ça peut aussi avoir des conséquences sur soi-même.

  • Speaker #1

    elle s'arrête aussi là où commence notre propre liberté finalement c'est assez paradoxal tu vois la liberté des uns s'arrête là où commence notre propre liberté parce qu'on va porter atteinte aux autres aussi par la diffusion de ces idées là donc en fait ça n'est pas une question de on porte atteinte à soi même là je disais là où s'arrête celle des autres dans ce sens là mais ça c'est

  • Speaker #0

    parce que c'est une formulation connue et j'aime bien du coup mettre le côté paradoxal de soi même ça c'est marrant

  • Speaker #1

    Je me suis amusée à faire un post d'ailleurs sur le sujet, dans lequel j'ai écrit qu'en fait, la phrase d'origine, c'était pas « la liberté s'arrête là où commence celle de son voisin » . moi j'ai restitué la phrase d'origine qui est la liberté s'arrête là où commence celle de son voisin qui s'il avait eu accès ou à des informations correctes, n'aurait pas fait le choix dans lequel il s'est engagé. Voilà. Donc en fait...

  • Speaker #0

    Bien fait pour lui.

  • Speaker #1

    C'est ça.

  • Speaker #0

    Est-ce que tu peux arriver à relier, du coup, toutes ces thématiques-là qu'on vient d'aborder au complotisme ?

  • Speaker #1

    Alors, déjà peut-être dire que... Enfin, le complotisme, on a tendance à penser... qu'il y a d'un côté les complotistes et de l'autre, nous. Et donc avec un regard très stigmatisant du complotisme, peut-être caricatural, ça c'est un premier point. Et le deuxième point, au final, c'est qu'on en entend tellement parler de partout, en disant « ah, tu es complotiste, c'est complotiste » , qu'on ne sait même plus ce que c'est que le complotisme. Oui,

  • Speaker #0

    on pourrait le définir avant.

  • Speaker #1

    Exactement. Donc je vais en revenir peut-être. Peut-être que ce que je te propose, c'est de commencer par définir ce qu'est le complotisme. Oui, on va faire ça. Et puis ça pourrait être intéressant aussi de voir ce qu'il n'est pas. Donc être complotiste, ça consiste à penser qu'il existe un complot caché par en général soit des élites, un petit groupe de personnes, mais ça peut être aussi des groupes de personnes qu'on n'apprécie pas nécessairement, donc dans l'objectif de nuire. Et alors, on va le penser, ceci dit, il existe pourtant, pour rendre compte des positions que l'on défend soi-même, une thèse. officielle pour expliquer ce dont on souhaite rendre compte de façon alternative. Par exemple, plutôt que de dire si un virus mondial s'est répandu, soit parce que c'est venu comme ça, je ne sais pas moi, d'une contamination animale, soit parce que oui, il y a eu peut-être un accident au sein d'un laboratoire qui fait qu'après, ça s'est diffusé. C'est le fait de dire que les élites ont organisé un complot mondial dans l'objectif de procéder à un génocide, de réduire la population mondiale, ou alors de vendre des vaccins.

  • Speaker #0

    Quoi, c'est faux ?

  • Speaker #1

    Je ne sais pas, en fait, je ne suis pas sûre. Ça, ça reste entre nous, bien sûr. Voilà, donc ça, c'est la définition du complotisme. Adhérer à de telles positions, alors qu'il existe des... Des explications qui nous permettent de penser qu'il en est autrement. Alors, qu'est-ce que le complotisme n'est pas ? Eh bien déjà, quand les complotistes se positionnent... Le complot qu'ils suspectent, ils se disent, vous allez voir, un jour, vous verrez que nous avions raison, etc. En fait, non, parce qu'on a déjà de bonnes raisons de penser que ce qu'ils suspectent comme étant un complot, c'est pas juste. Donc, ça n'est pas un complot qui finira par émerger. On pourrait penser aussi que les complotistes...

  • Speaker #0

    Pourtant, ils disent toujours qu'ils ont toujours eu raison, mais à postériori...

  • Speaker #1

    En général, oui. Ils vont te dire « j'avais raison » , mais parce qu'en fait, eux, dans la lecture de l'actualité, des faits, ils vont continuer, pour alimenter leur vision des choses, d'aller faire du « cherry picking » . Ils vont aller prendre, par exemple, dans la communauté scientifique, ils vont aller prendre peut-être le chercheur qui va être lui-même complotiste. Et donc, effectivement,

  • Speaker #0

    ils vont réduire la dissuasance, quelque part.

  • Speaker #1

    Ils vont prendre des figures d'autorité pour venir appuyer leur point de vue. Ils vont aller prendre l'article aussi, qui va peut-être aller dans leur sens. Le problème, c'est que là, pour le coup, ils vont peut-être manquer dans leur démarche d'esprit critique, parce que dans le champ d'esprit critique, ce qu'on nous apprend en termes de méthode, c'est que ce qui fait science, ce n'est pas tant l'expression d'un chercheur isolé qui va venir les conforter, eux, dans leur position, c'est voir sur la base de... méthode, qu'est-ce qu'on a construit collectivement comme connaissance ? Et donc, toujours dans l'idée de se départir de notre subjectivité. Parce qu'on peut très bien considérer en effet que tu vas avoir, allez, des fois même des chercheurs qui vont tricher, ou des articles de mauvaise qualité, etc. Mais on ne peut pas non plus penser que tous les chercheurs dans tous les laboratoires du monde qui vont travailler sur la même question... vont être dans un complot pour nous amener à adhérer à des positions qui iraient à l'encontre de ce qu'on sait.

  • Speaker #0

    Mais souvent dans la représentation complotiste, je trouve qu'il y a ce côté... Valorisation du sauveur. Eux-mêmes souvent se considèrent comme des sauveurs parce qu'ils vont aider à découvrir les complots ou à changer la société de manière radicale pour pouvoir l'améliorer parce que d'après leur vision ils vont dénoncer ceci ou cela. Et aussi... figure du héros chez les gens qui vont porter au nu, qui sont souvent des personnes un peu isolées dans leur communauté, comme tu disais, des scientifiques qui sont plus ou moins mis sur le banc de la science par les autres scientifiques parce qu'ils ont des positions en fait qui sont radicalement opposées à ce qui se dit en général dans ces milieux-là. Et pour nous, ça va plutôt être potentiellement des charlatans puisqu'ils ne représentent pas ce qui se fait d'habituellement, ce qui se dit d'habituellement dans la littérature scientifique, alors que pour eux, au contraire, c'est des sortes de Galilée. quoi. Oui,

  • Speaker #1

    alors ça me fait sourire parce que...

  • Speaker #0

    C'est justement une déformation de ce que était Galilée en réalité.

  • Speaker #1

    Oui, aussi, ouais. En fait, je te disais, avec Alexander, on s'est amusé à mettre en place une petite expérimentation. Donc en fait, on va voir ce qu'on en fait derrière, si on arrive à la publier ou pas, et qui irait dans ce sens. Et donc on trouve effectivement ça très intéressant. Alors... Ce qui se passe, c'est que de toute façon, vu que l'idée c'est qu'il existe un complot caché. Donc si c'est caché, nécessairement, par défaut, tu vas partir de l'idée qu'un très petit nombre de personnes savent. Donc ça va émaner de voix minoritaires, d'où le héros, celui qui va venir à l'encontre de tous. Mais en même temps, ça va servir l'un des objectifs des complots. que d'aller à l'encontre du système, puisqu'en fait c'est aussi ce dont se nourrit le complotisme, c'est le fait de rejeter toutes les instances qui incarnent le pouvoir dominant. Donc prendre la tangente, adhérer aux positions déliantes.

  • Speaker #0

    C'est un peu leur moyen à eux de récupérer le pouvoir finalement. Oui, tout à fait. Ça peut prendre différentes formes. Je ne parle pas forcément du pouvoir politique, mais ça peut être le pouvoir politique, mais ça peut être aussi juste le pouvoir sur leur vie. Puisqu'il y a un truc qui revient souvent dans la littérature sur le complotisme, c'est ce lien avec le sentiment de perte de contrôle de sa vie, de la société, des choses qui nous dépassent, etc.

  • Speaker #1

    Oui, et puis effectivement dans les facteurs qui vont augmenter la probabilité d'adhérer à des idées complotistes, tu vas voir par exemple... Le niveau de précarité, donc quand on est en plus grande précarité, on a des raisons d'en vouloir aux élites. Parce que quand on parle des élites, ça va être qui ? Ça va être les politiques qui disposent du pouvoir de décision, les journalistes qui ont le pouvoir de l'information, les industriels qui ont le pouvoir de production.

  • Speaker #0

    Oui, tout va dépendre des représentations qu'on a.

  • Speaker #1

    Les scientifiques qui ont le pouvoir, on va dire, de la définition de ce que c'est la connaissance. Donc on va leur en vouloir parce qu'on va considérer que ceux qui ont le pouvoir ont une part de responsabilité dans le fait qu'on soit soi-même dans la précarité. Et le fait de leur attribuer un rôle dans ce qu'ils vivent, en les responsabilisant, ça va permettre de retrouver du contrôle et de se sentir mieux finalement. Donc ça répond à un besoin psychologique. comme tu le disais, au besoin de contrôle.

  • Speaker #0

    Mais du coup, je t'ai coupé. Je ne sais pas si tu ne voulais pas enchaîner sur autre chose.

  • Speaker #1

    En fait, j'évoquais ce que le complotisme n'était pas. Et donc, en fait, en dépit du fait que les complotistes pensent qu'ils exercent pleinement et bien mieux que nous leur esprit critique, malheureusement, ils ne sont pas dans une démarche sceptique, dans une démarche sceptique valide. Pourquoi ? Parce qu'en fait... Quand on entre dans une démarche d'esprit critique, on en parlait un peu tout à l'heure, c'est comme si on se livrait à une enquête. Mais au début de l'enquête, on ne présage pas de la conclusion à laquelle on va aboutir. Mais dans le cas du complotisme, on part de la conclusion et on va essayer d'abreuver son raisonnement.

  • Speaker #0

    Il y a un complot quelque part. C'est ça.

  • Speaker #1

    On va essayer de trouver tous les éléments qui peuvent venir.

  • Speaker #0

    conforter notre idée de départ et donc en fait on raisonne à l'envers c'est vraiment comme une enquête c'est à dire que comme il y a un complot quelque part qui est caché on va chercher finalement chaque élément qui peut nous montrer ou être un indice que le complot est là sous nos yeux c'est assez rigolo parce que souvent ils vont détecter des signes qui sont Tellement improbable que tu te dis mais personne en fait en tant que comploteur mettrait des signes aussi évidents parce que c'est trop détectable quoi, trop facilement détectable. Et le but d'un complot c'est aussi de ne pas être découvert quand même malgré tout. Mais voilà je sais pas, ils vont interpréter ça après complètement différemment en disant par exemple que si c'est si évident c'est parce qu'ils ont aussi besoin de narguer les autres ou de... de signifier qu'ils ont fait ceci pour réunir d'autres personnes qui ont compris. Et donc, par exemple, Trump qui faisait un signe de la main, il avait été interprété d'une manière complètement extrapolée comme étant le signe qu'en fait il était avec Kuan Yin. Donc voilà.

  • Speaker #1

    J'ai d'ailleurs une question très personnelle à te poser. Pourquoi depuis tout à l'heure tu me fais ces gestes avec tes deux mains, ce triangle ? Qu'est-ce que ça signifie ?

  • Speaker #0

    Ce triangle avec l'œil au milieu,

  • Speaker #1

    tu veux dire ? Oui. Donc oui, donc...

  • Speaker #0

    Donc qu'est-ce que le colomboïdisme n'est pas aussi ?

  • Speaker #1

    Ce ne sont pas... Ce ne sont donc pas des... Enfin, ils ne sont pas dans l'esprit critique.

  • Speaker #0

    Ce ne sont pas des faits enquêteurs, parce que...

  • Speaker #1

    Alors,

  • Speaker #0

    les fois qui... Enfin,

  • Speaker #1

    si, dans le sens où ils peuvent être très intelligents, ils peuvent partir sur des années très approfondies, mais le problème, c'est vraiment celui de la démarche, de l'épistémologie. Oui,

  • Speaker #0

    mais une vraie enquête se fait avec méthode aussi, normalement. Après, même les enquêteurs aussi, des fois, bafouent ces méthodes-là, mais normalement, il y a des méthodes qui sont censées être meilleures que d'autres, même dans les enquêtes. Oui,

  • Speaker #1

    mais tu vois, s'ils n'ont pas la formation, ils n'en portent pas la responsabilité directe. Oui, c'est ça. Parce qu'en fait, je crois que tu disais, c'est pas très fin, mais en fait, des fois, oui, ils peuvent être très fins eux-mêmes, mais juste, ils n'ont pas les outils. Donc, ils ne peuvent pas faire autrement.

  • Speaker #0

    Oui c'est vrai des fois ils détectent des trucs Tu te dis comment ils sont allés chercher ça Des fois c'est même troublant, puis en fait sous une règle générale, en creusant un peu, on se rend compte que cette question ne tient pas à grand chose. Mais des fois ça peut être troublant effectivement, quand on n'a pas non plus les billes en face pour répondre, c'est pas évident quoi.

  • Speaker #1

    D'ailleurs ce qu'évoquait Alexander Samuel, avec lequel, enfin voilà, sur toutes ces questions on a travaillé ensemble et j'échange régulièrement, c'est que, et lui qui les connaît quand même très bien parce qu'il a énormément échangé sur les réseaux sociaux avec eux, etc. directement, Il me disait que parfois, les complotistes avaient une connaissance... des connaissances plus importantes de la littérature, par exemple, que les personnes qui sont restées dans la science. Et donc, ils vont te citer tel article et ça. Le seul problème, c'est qu'en fait, ils ne vont pas traiter derrière l'information correctement. Parce qu'ils n'ont pas les outils.

  • Speaker #0

    Ou parce qu'ils vont, par exemple, prendre un article qui est issu d'un journal prédateur, des choses comme ça, parce qu'ils ne savent pas ce que c'est un journal prédateur.

  • Speaker #1

    Il y a la question du statut de l'information. Donc, voilà. Et en ce sens, ce ne sont pas des imbéciles, en fait. Quand il y a... Parce qu'en fait, là, je pensais à l'imbécilité parce que tu vois, par exemple, je pense aussi à mes étudiants quand on évoque les différents complots et la question de la terre plate. Et puis, ce que j'entends dire, c'est de toute façon, ces Américains, ils sont complètement stupides. Et je dis, ben, eux, non. Alors, je vais leur demander, mais vous, dans quelle mesure vous croyez à l'homéopathie, par exemple ? En général, c'est une question que je pose.

  • Speaker #0

    En quelle mesure vous croyez à la terre ronde ?

  • Speaker #1

    Je te parle de l'homéopathie. Pourquoi ? Parce que là, justement, l'homéopathie, au début de l'année, en général, ils sont nombreux à y croire et sans savoir en fait ce qu'il y a derrière. Et donc, le fait d'avoir une expérience eux-mêmes de ce type, de pouvoir constater derrière que finalement, oui, ils ont été capables d'adhérer à une fausse croyance, Je vais leur dire, mais là... en l'état, en quoi est-ce plus stupide d'adhérer à l'idée que la Terre est plate que d'adhérer à l'homéopathie ? Et tu vois, en fait, ça remet les choses en perspective. C'est qu'en fait, quand une personne n'a pas la possibilité de savoir en quoi sa croyance est fausse, parce que par exemple, on n'a pas à la juger, et donc ça ne relève pas nécessairement de la bêtise, de la crédulité ou autre. Ça va être essentiellement un problème de méthode. Quand on va te dire, mais en réalité, la Terre est plate et on nous cache le fait qu'elle est plate, si tu adhères à à cette prémisse selon laquelle on nous cache que la Terre est plate parce que derrière il y a un complot des élites, des gouvernements. Oui, tu peux t'ouvrir finalement à plein d'idées qui peuvent paraître farfelues. Et quand on va voir d'ailleurs ce qu'en disent les platistes sur cette question de la Terre plate, c'est pas non plus de gus qui viennent comme ça te dire que la Terre est plate.

  • Speaker #0

    Ils sont des études, des exemples, des photos des fois un peu troublantes, des choses comme ça.

  • Speaker #1

    Et je dis des fois aussi, d'ailleurs, que je suis assez troublée, parce qu'il m'est arrivé une fois de faire travailler mes étudiants sur différents complots. Et j'avais un groupe d'étudiantes, en fait, qui a travaillé sur les reptiliens et qui en sont sortis en me disant qu'elles croyaient à l'existence des reptiliens. Et donc j'aurais dit, mais attendez, non ! Et puis en fait, je n'ai pas réussi à les amener à abandonner leur croyance, parce qu'en fait, elles avaient été, par exemple, très troublées par des images qu'elles avaient vues de reptiliens qui auraient laissé des griffes. sur une voiture, elle nous disait mais comment vous pouvez expliquer ça ? Tu vois, donc en fait, voilà, donc bref, les gens ne sont pas stupides. Enfin, moi je pense qu'il ne faut pas privilégier cette hypothèse-là, parce que sinon c'est trop facilement écarté le problème. Il y a les imbéciles d'un côté, et les autres de l'autre.

  • Speaker #0

    Et encore, on n'a pas parlé de tous les paramètres autres, parce que par exemple pour l'homéopathie... Tu as parlé du biais de la preuve sociale, mais effectivement, quand tout le monde autour de toi utilise l'homéopathie, que toi tu en as reçu quand tu es petit, etc. Tu n'as pas vraiment de raison, a priori, de remettre en cause.

  • Speaker #1

    Totalement. Et puis en plus, le pire, c'est que je parlais effectivement de réseau, mais il y a des faisceaux de croyance aussi. Par exemple, je ne sais pas, quand il y a des enfants et que tu veux bien les traiter, donc tu vas peut-être être dans l'homéopathie. et puis tu vas aussi être... dans, je ne sais pas moi, être anti-vax, parce que tu comprends, les vaccins, ça pourrait porter atteinte à ton enfant. Tu vas être obligatoirement dans l'allaitement parce que c'est naturel. Alors même si l'allaitement, c'est bien pour la santé de l'enfant. Mais tu vois, de façon, tu vas avoir des faisceaux d'engagement et de croyance. Et en ce sens, d'ailleurs, il peut y avoir... Par rapport à ces valeurs, alors qu'ils vont nous parler, par exemple dans l'idée de bien s'occuper de son enfant, de ne pas lui porter atteinte, etc. Tu peux avoir des gens aussi, quand on regarde le niveau d'éducation, qui ont... des niveaux d'éducation très élevés qui sont partis se renseigner, mais le problème c'est qu'ils sont partis mal se renseigner. Alors si effectivement le fait d'être issu de niveaux sociaux plutôt défavorisés ça va favoriser le complotisme ce qu'on peut voir c'est que ça peut aussi dépendre de... on va dire, de ses intérêts personnels. Par exemple, de son positionnement politique. Tu as par exemple des personnes qui, du fait de leur volonté de persévérer dans des activités capitalistes, qui vont davantage adhérer aux théories qui réfutent le réchauffement climatique, parce que ça leur permet de ne pas changer leurs activités économiques, et pourtant avec des niveaux d'éducation élevés. Et ces mêmes personnes seront moins perméables à des théories du complot, au contraire d'un autre type qui ne vont pas viser leurs intérêts directs, je ne sais pas, comme la Terre plate.

  • Speaker #0

    Du coup, j'ai une question, quelle serait pour toi la différence entre... Des croyances de type théorie du complot et des croyances autres. Est-ce qu'il y a une différence fondamentale ? Qu'est-ce qui est spécifique peut-être ? Peut-être que c'est cette question-là que je devrais poser. Qu'est-ce qui est spécifique aux croyances complotistes ? Parce que j'ai l'impression que dans tout ce que tu dis, on peut autant l'appliquer au complotisme qu'à n'importe quel type de croyance. Est-ce qu'il y a une spécificité ou pas ?

  • Speaker #1

    Alors oui, il y a une spécificité, mais là où effectivement c'est très intéressant, c'est qu'il y a, comme tu viens de le souligner, il y a énormément de points communs. C'est que dans les deux cas, en fait, ce sont de fausses croyances. Donc la spécificité des théories du complot, c'est qu'en fait, du complotisme, ça va être le fait de suspecter des intentions cachées, la présence d'un complot, etc. Mais ça montre quoi ? Ça montre que de la même façon dont on peut se laisser abuser par de fausses croyances, On peut aussi se laisser abuser par les fausses croyances qui nourrissent les théories du complot et donc en venir à adhérer à des idées complotistes. Ça ne veut donc pas dire que parce que l'on adhère à des idées complotistes, on est ce qu'on peut appeler de complotiste soi-même. Je pense qu'on peut tous adhérer au moins de façon ponctuelle à des idées de type complotiste. regardes On va prendre les antivax. Les antivax ont été traités, qualifiés, pendant la période Covid, de complotistes. Mais en fait non, parce que parmi les personnes qui pouvaient être antivax, il pouvait y avoir aussi ceux qui doutaient, ceux qui justement se laissaient séduire par des discours, ou alors ceux qui étaient dans la crainte. Oui,

  • Speaker #0

    qui entendent des choses et qui ne savent pas trop se positionner. Qui ne sont pas forcément dans le complot.

  • Speaker #1

    Donc en fait, on peut s'engager vers le complotisme, mais ce n'est pas dit non plus qu'on y aille pleinement, parce qu'après, dans la façon dont on va justement qualifier le complotisme, ça va être plutôt un mode de pensée plus général, plus systématique, où la personne ne va pas adhérer qu'à une théorie, parce que finalement, on peut se laisser tous avoir une fois, ou peut-être même aller deux fois. Mais ça va être le fait d'être dans un... un positionnement psychologique qui va nous amener à adhérer en fait à en général une multiplicité de théories du complot.

  • Speaker #0

    Dans le documentaire sur lequel je travaille, Sébastien Dieguez nous a dit un truc que j'ai trouvé assez intéressant, c'est que pour lui le complotisme c'est du coup difficile de différencier réellement par rapport aux autres croyances etc. Et donc ce serait plus une attitude, donc plus des comportements qui vont... devoir être analysés comme étant complotistes plutôt que comme des croyances complotistes qui n'ont pas tant de différence que ça avec les croyances normales. Mais par contre, les attitudes qui vont découler, là où ils seront complotistes, c'est-à-dire la militance qu'on va avoir, les comportements qu'on va avoir, le fait de se réunir entre complotistes, etc.

  • Speaker #1

    Alors là, ça va dépendre parce qu'après, des fois, les individus peuvent se définir en fonction de leur préférence et donc ils vont peut-être se constituer enfin Comment dire ? Ouais, se réunir et se forger une identité, puis après continuer à s'influencer les uns les autres pour s'engager dans une direction donnée.

  • Speaker #0

    C'est-à-dire qu'aujourd'hui, le complotisme, souvent, il est revendiqué. Alors qu'avant, quand on traitait quelqu'un de complotiste, entre guillemets, il prenait mal, ce qui était logique. C'était un peu aussi, des fois, l'objectif de certains de balayer facilement le fait que des idées étaient complotistes, sans avoir du coup à les argumenter contre. À rugbanter contre, pardon. Par contre, aujourd'hui, il y en a beaucoup qui se revendiquent complotistes.

  • Speaker #1

    En fait, le truc, c'est qu'il n'y a pas que les théories du complot. Pourquoi est-ce qu'on va aussi avoir des identités qui se forgent quand les gens sont complotistes ? C'est que le complotisme va être associé souvent à des narratifs. Des narratifs qui peuvent séduire et pire que ça en fait, le complotisme peut être instrumentalisé par par exemple des partis politiques, par des groupes qui ont le pouvoir. Je vais donner un exemple à l'extrême droite. Le fait d'adhérer à la théorie du grand remplacement, ça permet de faire peur aux gens et puis d'aller vers le Rassemblement National dans l'idée que celui-ci va pouvoir les protéger. Donc en fait le complotisme là pour le coup va servir les intérêts de ce parti politique. Le fait également de... de dire que les vaccins sont dangereux, etc. Donc l'extrême droite, on a montré qu'ils étaient très proches des milieux complotistes. Et ça leur sert à quoi ? Ça leur sert à dire que ce que fait le gouvernement, que la façon dont le gouvernement a géré la crise, etc., c'était pas bien du tout. Et du coup, si on disqualifie le gouvernement actuel, ceux qui ont le pouvoir, ça permet d'autant plus facilement de prendre sa place. Là, pour le coup, il peut y avoir de vrais complots. le problème c'est que les complotistes qui pourtant sont friands de complot là ils se font totalement avoir parce que le complot qui se trame en fait vient les instrumentaliser eux, il faut faire attention je pense à ne pas stéréotyper ce que serait le complotisme et réfléchir aussi à la façon dont nous risquons de nous engager dans de fausses croyances complotistes d'adhérer ici ou là à des fausses croyances complotistes. Et comment faire pour essayer de s'en rendre compte ? Essayer toujours d'arriver à voir quels sont les fondements de nos croyances, toujours en essayant d'exercer son esprit critique. Se méfier aussi de ces narratifs qui peuvent nous séduire, de tout ce qui peut nous faire peur. Donc voilà, toutes les raisons pour lesquelles, même dire pour les vaccins, c'est naturel de ne pas se vacciner. Il y a plein de raisons qui vont faire que les gens vont aller vers ces positions-là. Donc développer son esprit critique.

  • Speaker #0

    L'épisode se termine ici aujourd'hui. Pour écouter la suite, il faudra patienter jusqu'au mois prochain. En attendant, vous pouvez commander le livre Complotisme et Manipulation chez votre libraire local préféré et soutenir le podcast sur Tipeee ou LibéraPay. A bientôt !

Chapters

  • Intro

    01:59

  • Présentation

    02:09

  • Qu'est-ce qu'une croyance ?

    03:33

  • Des épistémologies différentes

    07:26

  • Pourquoi adhérer a de fausses croyances ?

    13:41

  • Conséquences des fausses croyances

    20:38

  • La question de la liberté d'expression

    23:09

  • Qu'est-ce que le complotisme ?

    33:37

  • Les Théories du complot : des croyances ordinaires ?

    51:01

  • Outro

    57:37

Description

Aujourd'hui nous allons plonger au cœur d'un phénomène qui fascine autant qu'il divise : le complotisme. Pourquoi tant de gens croient-ils à des théories alternatives, où un groupe d’individus cachés et malveillants tirent les ficelles de nos sociétés ? Et quoi de mieux que la psychologie sociale pour comprendre un phénomène aux dimensions multiples, qui touche à la fois à la manière de voir le monde, aux raisonnements, mais également à la société et à ses mécanismes qui nous guident et nous façonnent ?

Pour en parler, j'ai le plaisir d'accueillir Séverine Falkowicz, spécialiste de l'influence sociale et de la manipulation comportementale, elle est également co-autrice du livre “Complotisme et manipulations. Petit guide pour déjouer les fausses croyances, fake news, et autres fadaises”, au éditions Book e Book, avec Alexander Samuel, Thierry Ripoll et Fabien Girandola. À travers ce podcast, elle nous éclairera sur les mécanismes socio-psychologiques qui sous-tendent les théories du complot. Si vous vous poser des questions sur le complotisme, il est probable que vous trouviez des réponses en nous écoutant.

Avant de commencer je tenais tout particulièrement à remercier Eliot et Clémence d’avoir eu la gentillesse de nous accueillir chez eux jusqu’à 2h du matin pour enregistrer cet épisode ! Encore une fois, un grand merci !


Soutenir mon travail :

https://fr.tipeee.com/projet-utopia

ou

https://fr.liberapay.com/Projet_Utopia/ 


Les livres de Séverine :

https://www.book-e-book.com/livres/225-complotisme-et-manipulation.html

https://www.editions-eyrolles.com/livre/au-coeur-de-l-esprit-critique


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Chers utopistes, bonjour et bienvenue dans le podcast du projet Utopia, un podcast qui s'intéresse aux rapports entre science et société. Et voilà, c'est déjà la saison 4 du podcast. 4 ans à discuter avec des spécialistes sur des questions scientifiques. Depuis 4 saisons, je produis ce podcast avec mes propres deniers en essayant d'améliorer la qualité à chaque saison. Heureusement, quelques-uns d'entre vous ont soutenu ce travail, ce qui m'a permis de parfaire mon matériel et me motive pour continuer à vous proposer du contenu de qualité. Pour faciliter ces dons, et si vous avez aussi envie de soutenir le podcast, sachez que je viens d'ouvrir un compte Tipeee, vous trouverez le lien en description. Alors de quoi allons-nous parler aujourd'hui ? Et bien nous allons plonger au cœur d'un phénomène qui fascine autant qu'il divise, le complotisme. Pourquoi tant de gens croient-ils à des théories alternatives où un groupe d'individus cachés et malveillants tirent les ficelles de nos sociétés ? Et quoi de mieux que la psychologie sociale pour comprendre un phénomène aux dimensions multiples qui touche à la fois à la manière de voir le monde, au raisonnement, mais également à la société et à ses mécanismes qui nous guident et nous façonnent ? Pour en parler, J'ai le plaisir d'accueillir Séverine Falkovitch, spécialiste de l'influence sociale et de la manipulation comportementale. Elle est également co-autrice du livre Complotisme et manipulation, petit guide pour déjouer les fausses croyances, fake news et autres fadaises, aux éditions Booky Book, écrit avec Alexander Samuel, Thierry Ripoll et Fabien Gérandola. A travers ce podcast, elle nous éclairera sur les mécanismes socio-psychologiques qui sous-tendent l'univers des complotistes. Si vous vous posez des questions sur le complotisme, il est probable que vous trouviez des réponses en nous écoutant. Et avant de commencer, je tenais tout particulièrement à remercier Elliot et Clémence d'avoir eu la gentillesse de nous accueillir chez eux jusqu'à 2h du matin pour enregistrer cet épisode. Encore une fois, grand merci. Séverine, bonjour, je suis ravi de t'accueillir dans ce podcast. Est-ce que tu peux d'abord te présenter s'il te plaît ?

  • Speaker #1

    Oui, bonjour. Je suis maître de conférence en psychologie sociale, je fais partie du laboratoire de psychologie sociale d'Aix-en-Provence. Je suis aussi psychologue sociale et en termes de champ de recherche, je travaille dans le champ de l'influence sociale et de la manipulation, manipulation comportementale notamment. Et je suis également la coautrice d'un ouvrage d'introduction à l'esprit critique qui s'appelle Au cœur de l'esprit critique et Au cœur du complotisme avec notamment Alexandre Samuel, Fabien Gerandola et Thierry Ripolle. Et puis bon après voilà d'autres projets encore derrière, sans doute encore un bouquin sur la psychanalyse, pourquoi croit-on à la psychanalyse, mais ça viendra un petit peu plus tard dans l'année.

  • Speaker #0

    Et donc nous sommes réunis autour de ce thème là de, pas de la psychanalyse mais du complotisme, et donc je suis ravi aussi parce que c'est vraiment un thème moi qui m'intéresse énormément puisque je travaille en parallèle sur un documentaire sur ce thème là, et il y a beaucoup beaucoup beaucoup beaucoup de choses à dire. Donc là on va essentiellement parler de l'angle de la psychosociale, puisque c'est vraiment ton domaine. Et c'est aussi, pour les gens qui ne savent pas, c'est aussi, je pense, le domaine scientifique qui a le plus étudié le complotisme finalement. Il y a la psychologie en général, mais la psychosociale en particulier. Pour parler de complotisme, on peut commencer, je pense, par parler des croyances.

  • Speaker #1

    Oui, pourquoi pas. Alors, disons qu'on pourrait se demander effectivement qu'est-ce que c'est qu'une croyance. Alors, au départ, tout est croyance, tant qu'on n'a pas procédé à des investigations. Donc si on prend... Une croyance en particulier, on peut essayer de l'évaluer. Et quand on va l'évaluer, si à l'issue de nos tests, on arrive à trouver des éléments qui vont nous permettre de cautionner cette croyance, eh bien, on va s'avancer du côté de la connaissance. Si par contre, on se rend compte du fait que la croyance ne tient pas par rapport à la réalité, par rapport aux éléments factuels, du fait des méthodes d'investigation qu'on utilise, et bien là on sera de l'autre côté, on va dire, d'une échelle, de ce qu'on pourrait considérer comme un continuum, on sera du côté des fausses croyances. Après, il y aura des croyances que l'on n'est pas en mesure d'évaluer, parce que, par exemple, elles ne se prêtent pas à l'investigation, on n'a pas techniquement la possibilité de les tester. Il y a d'autres croyances encore qu'on n'aura pas eu le temps d'évaluer, donc ces croyances, pour l'instant... On peut les considérer comme des croyances en ne sachant pas trop quel est le statut qu'on doit leur accorder. Ça ne veut pas dire qu'elles seront nécessairement fausses ou vraies, on ne saurait se prononcer.

  • Speaker #0

    Mais il peut y avoir aussi des fausses connaissances. Parce que tu disais que les connaissances c'est plus des croyances vraies, mais c'est vrai qu'il peut y avoir aussi des fausses connaissances. Des choses qui ont été validées, mais on se rend compte plus tard, par exemple, que c'est toute la complexité de la science.

  • Speaker #1

    Oui, on est effectivement sur un continuum. Donc, disons que quand avec de la méthode, on s'avance du côté de la connaissance, on va déplacer le curseur vers la connaissance. Mais ensuite, parfois, quand on poursuit les investigations, quand on dispose de meilleures méthodes encore, ou quand, par exemple, on se rend compte que les études ont été biaisées, là, on est capable. dans le champ de la science d'ajuster le statut qu'on attribue à une information. Et en ce sens, la science, en fait, elle se remet en permanence en question, même si, le plus souvent, du point de vue des méthodes que l'on utilise, c'est suffisamment fiable, c'est suffisamment solide pour considérer qu'on peut avoir parfois des acquis. Et donc, il y a clairement certaines de nos connaissances que l'on ne remettra pas en question. Et donc l'idée c'est également de sortir de l'idée d'un relativisme, tout ne se vaut pas, et même si effectivement parfois, en dépit des précautions que l'on prend, des méthodes que l'on utilise dans le champ de la science, il y a à redire, les méthodes scientifiques nous permettent de sortir de notre subjectivité, et en leur faisant confiance, c'est le meilleur moyen dont on dispose pour... essayer de se positionner sans trop prendre de risques.

  • Speaker #0

    En gros, ce que tu veux dire, c'est qu'on peut considérer qu'il y a différentes formes de croyances, et qu'il y en a certaines qui sont plus solides que d'autres, plus crédibles que d'autres, où on a le plus d'éléments pour estimer qu'elles sont valables, et donc que ce sont des connaissances. Et du coup, le complotisme, il se positionne comment là-dedans ?

  • Speaker #1

    Le complotisme... Il pose souci du point de vue des croyances dans la mesure où il se nourrit de fausses croyances. Alors pas seulement bien sûr, mais il est important pour nous d'arriver à attribuer correctement à une croyance son statut, c'est-à-dire savoir si une croyance va être vraie ou fausse, savoir où elle va se situer, parce que si on élabore nos raisonnements sur la base de fausses croyances, on ne pourra pas. pas tirer les bonnes conclusions.

  • Speaker #0

    Tout simplement. Mais aussi, si on n'a pas les mêmes croyances, si les socles de croyances ne sont pas les mêmes selon les individus, ça ne pose pas de problème lorsque nos relations n'ont pas d'importance liées à ces croyances-là, mais dès que ces croyances sont au cœur de nos relations communes, ça peut poser problème. Donc par exemple, dans le champ social, dans la politique, on fait des choix politiques, des choix sociaux, les... La croyance des individus, elle rentre forcément en ligne de compte. Le problème, c'est que lorsqu'on est face à des personnes qui n'ont pas du tout la même épistémologie finalement que nous, avec des croyances complètement différentes, un ensemble de croyances complètement différentes, comment on arrive en fait à construire quelque chose ensemble ? Comment on arrive à faire société en fait avec ces gens-là ? Je pense que c'est un des problèmes que peut poser le complotisme lorsqu'il rentre vraiment dans le champ de la politique, de la société, etc.

  • Speaker #1

    J'aime bien l'expression que tu as employée. Tu as parlé des personnes qui n'avaient pas la même épistémologie que nous. L'épistémologie, ce n'est pas subjectif. Déjà, peut-être donner une définition de ce que c'est que l'épistémologie. Il s'agit de la façon dont nous construisons nos connaissances, comment nous élaborons la connaissance. Donc, pour s'entendre, il faut effectivement savoir comment... Quels sont les critères qui nous permettent de retenir ou de rejeter un élément d'information donnée ?

  • Speaker #0

    Comment on peut s'accorder sur telle ou telle information, tel ou tel élément, telle ou telle croyance ou connaissance ?

  • Speaker #1

    Ça pourrait être important que les gens que nous nous formions tous à l'épistémologie, parce qu'en fait on a de bonnes raisons parfois de retenir ou de rejeter un élément donné. Je peux peut-être donner un exemple, mais une personne qui va accorder du crédit à une information tout simplement parce qu'elle a été énoncée par une personne célèbre, si c'est son seul critère, elle va être victime peut-être de ce qu'on appelle la preuve sociale. Donc si après elle a d'autres raisons complémentaires et qui en viennent davantage à questionner les fondements, de son adhésion à cette croyance. Là, peut-être qu'elle aura des arguments qui auront plus de valeur. Donc, si nous nous accordions sur ces critères d'adhésion et de rejet, on arriverait à mieux s'entendre. Ça, c'est le premier point. D'où l'intérêt, à mon sens, de se former davantage à l'esprit critique, qui nous permet effectivement de maîtriser ce qui relève de l'épistémologie. Savoir, par exemple, quand on traite l'information, quels sont les facteurs qui peuvent nous induire en erreur. Par exemple, les biais cognitifs, les heuristiques de raisonnement. qui vont faire qu'on va aller vers une information plutôt qu'une autre, parce qu'on préfère aller dans cette direction-là. En termes de biais, on peut parler aussi du biais de confirmation d'hypothèse. Et puis, notre esprit critique aussi, on va le nourrir par des connaissances. Donc, ces connaissances de base, ce que nous avons élaboré et que nous considérons être solide, d'où est-ce que ça vient ? Comment avons-nous construit aussi ? notre culture générale, personnelle. Et parfois, nous avons des connaissances auxquelles nous croyons fortement, qui vont constituer les prémices de nos modes de raisonnement. Et quand nous ne partageons pas les mêmes prémices, ça va être difficile de s'entendre, premièrement. Et de la même façon, dans la façon dont on va articuler ces prémices, les unes par rapport aux autres, là encore... des différences en fonction de plein de paramètres. Et là aussi, ça peut poser souci. On peut, au final, même quand on échange en toute bonne foi, ne jamais parvenir à se rencontrer.

  • Speaker #0

    Pour moi, c'est un des problèmes fondamentaux du complotisme dans la société. Et notamment lorsque ce complotisme-là devient quelque chose d'extrêmement radical dans le sens où on est en train de vivre en France. une radicalisation vers l'extrême droite d'une certaine partie de la population. Et je pense que ça peut potentiellement influencer la direction politique de la France bientôt. Donc c'est quand même des questions qui doivent vraiment se poser au cœur de la société actuellement. Et je trouve qu'on n'en parle pas suffisamment.

  • Speaker #1

    Oui, tout à fait. Alors je vais effectivement donner un exemple. Donc si on échange par exemple sur une question de santé tout d'abord. Et que... Oh putain. Si moi, je dis par exemple, oui, mais l'Organisation mondiale de la santé dit que, et pour moi, si ça représente un organisme qui est le plus souvent fiable, même si ça n'est pas systématiquement le cas, parce qu'il faut toujours rester en alerte d'un point de vue méthodologique, voir comment... Comment ? Ceux qui argumentent construisent leur mode de raisonnement. Mais bon, admettons que moi, je considère que l'OMS soit fiable. Si je suis face à une personne qui adhère à des croyances complotistes en matière de santé, elle pourra peut-être me dire, « Ah non, mais l'OMS, moi, je rejette ces organismes-là. » Et donc, on ne pourra pas s'entendre. Et donc, nos appuis même ne seront pas les mêmes. Donc, ça posera souci. dans le champ de la politique, pareil, en fait, tu peux avoir des gens, effectivement, qui glissent vers l'extrême droite simplement en rejetant ceux qu'ils considèrent comme ayant le pouvoir actuellement. Et donc, un rejet des élites responsables de tous les maux. Oui, totalement. Donc, ça peut participer à la montée du fascisme. Parmi... De multiples autres causes.

  • Speaker #0

    Oui, bien sûr, c'est pas la seule, évidemment. Du coup, pourquoi est-ce qu'on adhérerait à des croyances qui sont fausses ? C'est quoi, en fait, qui pourrait nous conduire à faire ça ? Puisque, a priori, on a tous envie d'être dans le vrai, tu vois. Je pense que la plupart des gens, ils sont pas pour envie d'être dans le faux. Ils se positionnent pas comme ça. Donc, qu'est-ce que c'est qui nous pousse à avoir des croyances ? Alors, là, on parle vraiment de croyances fausses, mais après, on pourrait dériver vers vraiment des croyances complotistes qui sont pour moi... qui peuvent devenir complètement décalés, en décalage total en fait avec la norme, avec les croyances qui sont dans la société en général. Donc est-ce que c'est juste justement une réaction contre les normes sociales ? Ou est-ce que ça va au-delà de ça ?

  • Speaker #1

    Non j'allais dire en plaisantant mais attends, là c'est un faux dilemme. Non, c'est une idée contrôlée.

  • Speaker #0

    Tu as raison.

  • Speaker #1

    Alors non, en fait tu pourrais avoir des gens qui te disent que si les gens vont dans les directions dans lesquelles ils veulent aller, c'est parce qu'ils veulent bien y aller. Moi, je ne suis pas certaine que ce soit toujours le cas au départ. Pourquoi ? Parce qu'en fait, même si effectivement, quand on demande aux gens quelles sont leurs positions et qu'on essaye de les faire changer, et qu'on constate le plus souvent qu'on a beaucoup de mal à les faire changer, donc l'idée est de... Ce qu'on va en déduire, c'est qu'on n'arrive pas facilement à faire changer les gens. Sauf qu'en fait, quand on prend les gens qui au départ ne sont pas positionnés et qu'on essaye de les amener dans une direction, dans ces moments-là, on voit que finalement ça peut être assez facile de les amener soit d'un côté, soit du côté inverse.

  • Speaker #0

    Est-ce que tu peux donner un exemple ?

  • Speaker #1

    Oui, je vais donner un exemple. Donc, imaginons une personne qui soit intéressée par la connaissance de soi. Et dans ces rencontres, elle commence soit par rencontrer un psychiataliste, soit par rencontrer une personne qui vient, par exemple, parler de psychologie sociale expérimentale. Je suppose que dans les deux cas, elle sera enthousiaste. Elle sera enthousiasmée même. Et donc, peut-être qu'ensuite, elle va s'engager dans cette direction-là. d'un côté ou de l'autre, suivant le contexte, et que si derrière, ensuite, on vient l'attaquer sur ses positions, et bien, effectivement, ce sera possible qu'elle reste sur ses positions initiales. Mais donc, au départ, elle aura été, par le contexte, peut-être amenée à s'engager d'un côté ou de l'autre. Donc, je pense que dans les positions auxquelles nous adhérons, parfois quand nous adhérons à de fausses croyances, et là, pour le coup, la psychanalyse est une pseudoscience, c'est-à-dire que c'est une non-science, Nous dépendons de nos rencontres,

  • Speaker #0

    du contexte. En fait, on change difficilement d'avis une fois qu'une croyance est ancrée. Oui. Une fois qu'on a une vision du monde qui est assez affirmée. Sinon, on est assez souple. C'est ça que tu veux dire. Alors,

  • Speaker #1

    au départ, je pense qu'on est effectivement perméable. Et d'ailleurs, on n'a pas de raison de ne pas l'être, puisqu'on est là pour apprendre. Alors après, effectivement, au-delà de ce contexte, on peut avoir des préférences. Par exemple, on peut être davantage tenté par l'idée Merci. de partir explorer l'inconscient, que par l'idée d'aller décrypter des expérimentations scientifiques de psychologie sociale, avec des paramètres qui vont nous permettre d'avancer, on va dire, de façon plus solide, mais peut-être un peu moins rapidement, un peu moins intuitivement, subjectivement, alors que peut-être on a envie de chercher en soi, dans sa représentation de la façon dont on peut travailler sur soi-même, si ça ne cadre pas, ça sera peut-être un peu moins ludique. Donc... il peut y avoir aussi des préférences personnelles. Donc tout ça peut interagir avec...

  • Speaker #0

    Il y a des préférences personnelles qui sont basées sur quelque chose. Elles sont basées sur un vécu aussi, sur une représentation du monde. Oui, tout à fait. Donc on a construit aussi, qu'on a appris, qu'on a construit au fur et à mesure du temps.

  • Speaker #1

    On aura été aussi conditionnés, parce qu'effectivement, imagine que depuis que tu es petit, on t'est amené à développer ta pensée analytique. Tu vas peut-être aussi avoir besoin de preuves, et tu vas peut-être avoir cette appétence pour le fait de décortiquer. les expérimentations, et puis comprendre aussi l'intérêt que ça peut représenter. Et de l'autre côté, si au contraire, en termes de personnalité, tu as envie de quelque chose de plutôt rapide, facile, ou alors de mystérieux, il y a des choses qui vont faire écho par rapport à la façon dont on réagit. Il y a vraiment une interaction entre l'individu, le contexte, et puis il y a une chose aussi dont on ne parle pas en termes de contexte, c'est... toutes les personnes qui nous environnent. Je parlais de preuves sociales tout à l'heure. Mais si tu es dans un groupe d'amis aussi qui te dit, viens voir la psychanalyse, c'est génial, et qu'en fait, on y va à plusieurs, ou alors qu'une personne va t'introduire pour aller, je ne sais pas moi, aller voir un acupuncteur, en te disant, tu vas voir, ça fonctionne. Et donc, les rupolations...

  • Speaker #0

    Oui, ça me fait beaucoup de bien. Ma grand-mère aussi, elle adore. Mon père, il ne pense plus que... Il ne parle plus que de ça. C'est trop bien. Et tout machin.

  • Speaker #1

    ça a marché chez ma belle-sœur. Aussi, en fait, c'est pour ça que, là encore, l'esprit critique, le fait de connaître un peu quelles sont les raisons qui nous semblent logiques, mais qui ne sont pas valables pour valider un point de vue, être capable de les repérer, peut-être pas pour systématiquement les discréditer, mais pour comme une alerte se mettre en place et se dire bon attention, là il faudrait peut-être que je ne m'engage pas tout de suite dans cette direction là et que j'aille checker davantage oui après il faut avoir les compétences pour savoir analyser les informations qu'on va checker c'est un autre souci donc formation à l'esprit critique et même là en fait comment dire, avoir les bonnes prémices aussi parce que pareil il y a Si tu n'as pas les bonnes prémices,

  • Speaker #0

    si tu n'as pas les bonnes compétences ou les bonnes connaissances, tu peux effectivement mal interpréter ce que tu vas lire ou carrément ne rien.

  • Speaker #1

    Même par exemple si tu rentres dans des procès d'intention, ce qui se passe aussi souvent dans le cadre du complotisme, on va suspecter... des complots cachés. Parce que c'est vrai qu'on n'a même pas encore donné la définition du complotisme.

  • Speaker #0

    Oui, parce qu'on n'en parle pas tout à fait directement encore.

  • Speaker #1

    En fait, le problème, c'est qu'on ne va pas raisonner correctement. Parce qu'on ne va pas partir faire une enquête, mais on va peut-être partir avec en tête, finalement, des éléments d'information qu'on a ajoutés soi-même et qui vont diriger notre enquête.

  • Speaker #0

    Entre guillemets, on sait ce qu'on cherche.

  • Speaker #1

    Exactement.

  • Speaker #0

    donc on ne pourra même plus parler d'enquête en fait c'est un petit peu comme dessiner une cible autour d'une flèche quelque part croire en des fausses croyances on a dit tout à l'heure que ça pourrait avoir des conséquences dans la société selon certains contextes mais en général c'est pas tellement gênant peut-être que la plupart des gens ils ont des croyances fausses comme ça de croire que tel truc fonctionne que tel truc existe qu'ils croient aux esprits ou pas aux esprits etc Quelles peuvent être les conséquences ? Est-ce que tu penses qu'il peut y avoir des conséquences grades ou est-ce que c'est pas si grave que ça ? Puisqu'on est tous des êtres de croyance, on a tous un minimum de croyance et donc parmi elles, certainement des croyances fausses aussi. Donc voilà, qu'est-ce que tu aurais à dire par rapport à ça ?

  • Speaker #1

    Alors dans mon positionnement, là il y a une part de positionnement personnel. Moi je pense qu'il n'est pas de petites fausses croyances. Pourquoi ? Parce que si on prend par exemple l'astrologie, on pourrait se dire ça va, c'est gentil, il croit qu'il est bélier. Mais en fait, le problème qui se pose, c'est que quand on adhère à l'astrologie, après tout, pourquoi pas penser qu'il existe des choses magiques ? Et donc en fait, ça va peut-être venir conditionner notre rapport à la science. Par conséquent, peut-être qu'adhérer à une fausse croyance de ce type, ça va nous amener à adhérer à d'autres fausses croyances, et de proche en proche, jusqu'où est-ce qu'on est capable d'aller ? Ça pose souci. Ça c'est le premier point. Le deuxième point c'est qu'en plus les gens qui en général adhèrent à de fausses croyances, comme tout le monde, ne vont pas se contenter d'y croire dans leur coin. Ils vont en parler, ils vont les diffuser autour d'eux. Et donc on va porter atteinte aussi aux autres et puis ça aura des conséquences collectives. Si on regarde par exemple ce qui se passe sur les réseaux sociaux, il y a des gens qui des fois diffusent de fausses croyances de façon massive et on... On ne peut pas considérer que ce soit bien de les laisser s'exprimer sans pouvoir dire que non, c'est faux, non, on n'est pas d'accord.

  • Speaker #0

    Pas forcément les interdire de s'exprimer, mais en tout cas répondre, avoir une réaction face à ça et ne pas les laisser juste diffuser.

  • Speaker #1

    C'est pour ça que j'ai dit non pas les laisser s'exprimer, c'est les laisser s'exprimer sans dire non. C'est-à-dire qu'en fait il faut dire quand les choses ne sont pas correctes. On ne peut pas se contenter de dire d'ailleurs que les choses ne sont pas correctes. Il faut aussi expliquer pourquoi on considère qu'elles ne sont pas correctes, c'est-à-dire, là encore, en revenir au fondement, pour pouvoir s'assurer aussi nous-mêmes que ce qu'on dit est correctement construit. Pourquoi ? Si tu veux, on peut peut-être parler de liberté d'expression. Donc, certains ont des positionnements bien tranchés sur cette question-là.

  • Speaker #0

    Surtout aux Etats-Unis en ce moment, la liberté aux Etats-Unis c'est quelque chose de très important en général, et la liberté d'expression est extrêmement valorisée par Donald Trump et surtout Elon Musk, et là on est quand même dans un contexte où... C'est des personnes qui nous écoutent peut-être plus tard. Là on est dans le contexte où Donald Trump vient d'être réélu il y a quelques temps, assez récemment, et où il commence à se mettre en place certaines choses avec Elon Musk qui ne sont pas très ragoûtantes. en tout cas en termes de démocratie. Et ils mobilisent énormément cette idée de la liberté d'expression. Je ne sais pas si tu voulais aussi parler de ça, mais moi je trouve que c'est un sujet d'actualité.

  • Speaker #1

    Oui, alors en fait la problématique est la même aux États-Unis qu'en France, sur le fond. Je pense qu'en fait on analyse mal les choses. Je vais évoquer les positions des uns et des autres en ce qui concerne cette fameuse liberté d'expression. Il y a, on va dire, les tenants de la bienveillance. tel que le concept est utilisé le plus souvent sur les réseaux sociaux. Cette bienveillance qui est revendiquée, soi-disant parce qu'on devrait respecter les opinions des uns et des autres, être ouvert,

  • Speaker #0

    être... doivent pouvoir s'exprimer, etc.

  • Speaker #1

    vont en fait tolérer toutes les expressions, et même donc la diffusion de fausses croyances. Ça a des conséquences négatives pour les gens, c'est qu'en fait ceux qui vont être exposés à des discours qui promeuvent les fausses croyances vont être pour partie au moins influencés. pensées par ces discours et ça aura des conséquences pour eux négatives. Donc la diffusion de fausses croyances a des conséquences délétères.

  • Speaker #0

    On rappelle que les fausses croyances, c'est vraiment des croyances qui ont été démontrées fausses. On ne parle pas de croyances qui pourraient être fausses, etc. On parle de croyances vraiment démontrées fausses ou potentiellement dangereuses.

  • Speaker #1

    D'ailleurs, dans le champ de l'esprit critique, je tiens à rappeler... que si on va lutter contre les fausses croyances, on ne va pas lutter contre toutes les fausses croyances, on va lutter contre les fausses croyances délétères. C'est-à-dire contre les fausses croyances dont on sait qu'elles vont porter atteinte aux gens. Donc, lutter contre ceux qui, au nom de la liberté, diffusent de fausses croyances en leur opposant des contre-arguments... pour énoncer le fait que leurs positions sont fausses, ça correspond au fait d'essayer de protéger ceux qui sont exposés aux conséquences potentielles de ces fausses croyances.

  • Speaker #0

    Donc... Oui, c'est aussi un moyen pour ces gens qui mobilisent la liberté d'expression d'imposer leurs propres croyances dans le débat public, alors que des fois, elles n'ont pas lieu d'être.

  • Speaker #1

    Oui. Alors là, tu me parles de ceux qui les génèrent. Moi, j'évoquais déjà les personnes, en fait, plutôt qui laissaient. faire. Donc, la position qui consiste à dire les sons, les gens s'exprimer indépendamment de la nature de l'expression.

  • Speaker #0

    C'est la noula,

  • Speaker #1

    quoi. Donc, si je reviens justement à cette question de la bienveillance, en fait, en réalité, on n'est pas bienveillant quand on laisse s'exprimer des positions fausses parce que la bienveillance, elle peut aussi se définir autrement. Moi, je fais la distinction entre deux types de bienveillance. Donc, une bienveillance relationnelle, qui va consister à respecter son interlocuteur, à être humain, à lui permettre, effectivement, peut-être d'être confortable dans ce que la personne va dire. Et je pense que cette bienveillance relationnelle, elle est importante, mais elle n'est pas suffisante. Il faut aussi, je pense, si on veut vraiment revendiquer une position bienveillante, mais bienveillante de justement au sens propre du terme, c'est-à-dire chercher à offrir aux autres ce qu'il y a de meilleur, veiller sur les gens, bienveillance, donc on va dire bien vouloir. Bon, donc la deuxième forme de bienveillance, ce sera une bienveillance épistémique qui consiste aussi à essayer de faire en sorte que les positions qui sont diffusées soient les positions les plus justes. Sur la base, bien sûr, les plus fiables. Sur la base, en fait, de ce qui nous permet de dire qu'une position est fiable ou non. C'est pas non plus, on n'est pas dans la subjectivité là. Quand on revendique le fait qu'une croyance soit fausse, on ne va pas le faire comme ça parce qu'on en a juste envie, mais parce qu'en fait, on aura vraiment déterminé le fait qu'elle est fausse. Donc, ça c'était le premier point, cette notion de bienveillance. Le deuxième point... C'est que quand on parle de liberté d'expression, souvent on pense qu'on parle de liberté, mais ce n'est pas le cas. Parce que si justement une liberté d'expression débridée a des conséquences négatives dans nos choix, dans nos comportements, si on en vient à mal se soigner, on en vient à mal voter, on en vient à mal se connaître, parce qu'on va par exemple partir dans les dérives... Du développement personnel, de la psychanalyse, de l'astrologie, enfin voilà. Qu'est-ce qui va se passer de la psychologie ? Parce que aussi dans le champ de la psychologie, en dépit du fait que la psychologie soit une science, il y a parfois des psychologues aussi qui partent dans les dérives ou qui vont se mettre à être séduits par des... comment dire ? des méthodes qui n'ont pas été éprouvées par la science et d'ailleurs ça va à l'encontre de notre code de déontologie bref, quand on fait ça vu que ça a des conséquences négatives pour nous parce que nous sommes influencés négativement, alors que nous n'aurions pas dû l'être, en fait, on contrevient à un grand nombre d'autres libertés, qui sont les nôtres, à savoir la liberté de choisir en connaissance de cause,

  • Speaker #0

    de façon éclairée. Même quand tu parlais de soigner soi-même, lorsqu'on adhère à des fausses croyances par rapport à soi-même, on va générer après des prophéties autoréalisatrices.

  • Speaker #1

    Oui.

  • Speaker #0

    Et donc, nous interpréter nos propres comportements, nos propres... envie, besoin, etc. par le biais de ces fausses croyances et donc ne pas finalement mettre le doigt sur les véritables causes, enjeux ou envies qu'on peut avoir en réalité.

  • Speaker #1

    Totalement, je peux donner deux exemples même. Le premier ça va être le fait de croire à l'astrologie et de dire, tiens, en fait, moi si je suis têtu, c'est parce que je suis bélier. et donc une personne qui peut être... aurait pu être un peu plus ouverte aux positions des autres, vu qu'elle a cette image d'elle-même, parce qu'on lui a attribué cette étiquette, on l'a amenée à croire à l'astrologie, peut-être depuis qu'elle était petite. En fait, elle va dire, moi, je suis comme ça, elle ne va pas se remettre en question, alors qu'elle aurait totalement les moyens de le faire. Ça, c'est le premier exemple. Deuxième exemple, l'hypersensibilité. Il y a plein de psys qui pensent qu'on peut considérer qu'il y a des gens hypersensibles, etc. Alors qu'en fait, ce n'est pas le cas. L'hypersensibilité étant associée, par exemple, à des ressentis très forts au niveau des émotions, etc. Du coup, les gens vont se penser parfois hypersensibles alors qu'ils auront peut-être en arrière-fond des problèmes de gestion émotionnelle. Au lieu, par exemple, pour le coup, de se dire, « Tiens, comment je peux essayer de mieux gérer mes émotions ? » Et pourquoi pas, s'il y a besoin, en allant voir, je ne sais pas, un psychologue, par exemple, qui travaille dans le champ des thérapies cognitives ou comportementales, où on a de vrais outils pour aider à la gestion de soi, ils vont rester dans leur position en se disant, « C'est ainsi, je suis trop sensible pour le monde cruel dans lequel nous vivons, je suis malheureux et... » Et c'est ainsi. Donc, vous voyez, en fait, tu vois, on a une fausse représentation de soi, une fausse représentation de la réalité, de la façon dont les choses fonctionnent. Et ça va nous induire en erreur quant à la façon dont nous nous concevons, dont nous agissons et dans notre rapport aux autres.

  • Speaker #0

    Oui. Non, mais c'est sûr.

  • Speaker #1

    Et donc, parce que du coup, je n'avais pas énoncé explicitement ce que je voulais dire, c'est qu'en fait, la liberté d'expression, elle va contrevenir à d'autres libertés, comme notre liberté de mieux nous connaître, de mieux voter, de mieux nous soigner. Je l'avais peut-être dit déjà, mais c'est très bien de le redire.

  • Speaker #0

    Mais par contre, ce qui est intéressant, c'est qu'on dit souvent que la liberté des uns s'arrête là où commence celle des autres. Mais en fait, on peut dire aussi finalement, avec cet angle-là, ça peut aussi avoir des conséquences sur soi-même.

  • Speaker #1

    elle s'arrête aussi là où commence notre propre liberté finalement c'est assez paradoxal tu vois la liberté des uns s'arrête là où commence notre propre liberté parce qu'on va porter atteinte aux autres aussi par la diffusion de ces idées là donc en fait ça n'est pas une question de on porte atteinte à soi même là je disais là où s'arrête celle des autres dans ce sens là mais ça c'est

  • Speaker #0

    parce que c'est une formulation connue et j'aime bien du coup mettre le côté paradoxal de soi même ça c'est marrant

  • Speaker #1

    Je me suis amusée à faire un post d'ailleurs sur le sujet, dans lequel j'ai écrit qu'en fait, la phrase d'origine, c'était pas « la liberté s'arrête là où commence celle de son voisin » . moi j'ai restitué la phrase d'origine qui est la liberté s'arrête là où commence celle de son voisin qui s'il avait eu accès ou à des informations correctes, n'aurait pas fait le choix dans lequel il s'est engagé. Voilà. Donc en fait...

  • Speaker #0

    Bien fait pour lui.

  • Speaker #1

    C'est ça.

  • Speaker #0

    Est-ce que tu peux arriver à relier, du coup, toutes ces thématiques-là qu'on vient d'aborder au complotisme ?

  • Speaker #1

    Alors, déjà peut-être dire que... Enfin, le complotisme, on a tendance à penser... qu'il y a d'un côté les complotistes et de l'autre, nous. Et donc avec un regard très stigmatisant du complotisme, peut-être caricatural, ça c'est un premier point. Et le deuxième point, au final, c'est qu'on en entend tellement parler de partout, en disant « ah, tu es complotiste, c'est complotiste » , qu'on ne sait même plus ce que c'est que le complotisme. Oui,

  • Speaker #0

    on pourrait le définir avant.

  • Speaker #1

    Exactement. Donc je vais en revenir peut-être. Peut-être que ce que je te propose, c'est de commencer par définir ce qu'est le complotisme. Oui, on va faire ça. Et puis ça pourrait être intéressant aussi de voir ce qu'il n'est pas. Donc être complotiste, ça consiste à penser qu'il existe un complot caché par en général soit des élites, un petit groupe de personnes, mais ça peut être aussi des groupes de personnes qu'on n'apprécie pas nécessairement, donc dans l'objectif de nuire. Et alors, on va le penser, ceci dit, il existe pourtant, pour rendre compte des positions que l'on défend soi-même, une thèse. officielle pour expliquer ce dont on souhaite rendre compte de façon alternative. Par exemple, plutôt que de dire si un virus mondial s'est répandu, soit parce que c'est venu comme ça, je ne sais pas moi, d'une contamination animale, soit parce que oui, il y a eu peut-être un accident au sein d'un laboratoire qui fait qu'après, ça s'est diffusé. C'est le fait de dire que les élites ont organisé un complot mondial dans l'objectif de procéder à un génocide, de réduire la population mondiale, ou alors de vendre des vaccins.

  • Speaker #0

    Quoi, c'est faux ?

  • Speaker #1

    Je ne sais pas, en fait, je ne suis pas sûre. Ça, ça reste entre nous, bien sûr. Voilà, donc ça, c'est la définition du complotisme. Adhérer à de telles positions, alors qu'il existe des... Des explications qui nous permettent de penser qu'il en est autrement. Alors, qu'est-ce que le complotisme n'est pas ? Eh bien déjà, quand les complotistes se positionnent... Le complot qu'ils suspectent, ils se disent, vous allez voir, un jour, vous verrez que nous avions raison, etc. En fait, non, parce qu'on a déjà de bonnes raisons de penser que ce qu'ils suspectent comme étant un complot, c'est pas juste. Donc, ça n'est pas un complot qui finira par émerger. On pourrait penser aussi que les complotistes...

  • Speaker #0

    Pourtant, ils disent toujours qu'ils ont toujours eu raison, mais à postériori...

  • Speaker #1

    En général, oui. Ils vont te dire « j'avais raison » , mais parce qu'en fait, eux, dans la lecture de l'actualité, des faits, ils vont continuer, pour alimenter leur vision des choses, d'aller faire du « cherry picking » . Ils vont aller prendre, par exemple, dans la communauté scientifique, ils vont aller prendre peut-être le chercheur qui va être lui-même complotiste. Et donc, effectivement,

  • Speaker #0

    ils vont réduire la dissuasance, quelque part.

  • Speaker #1

    Ils vont prendre des figures d'autorité pour venir appuyer leur point de vue. Ils vont aller prendre l'article aussi, qui va peut-être aller dans leur sens. Le problème, c'est que là, pour le coup, ils vont peut-être manquer dans leur démarche d'esprit critique, parce que dans le champ d'esprit critique, ce qu'on nous apprend en termes de méthode, c'est que ce qui fait science, ce n'est pas tant l'expression d'un chercheur isolé qui va venir les conforter, eux, dans leur position, c'est voir sur la base de... méthode, qu'est-ce qu'on a construit collectivement comme connaissance ? Et donc, toujours dans l'idée de se départir de notre subjectivité. Parce qu'on peut très bien considérer en effet que tu vas avoir, allez, des fois même des chercheurs qui vont tricher, ou des articles de mauvaise qualité, etc. Mais on ne peut pas non plus penser que tous les chercheurs dans tous les laboratoires du monde qui vont travailler sur la même question... vont être dans un complot pour nous amener à adhérer à des positions qui iraient à l'encontre de ce qu'on sait.

  • Speaker #0

    Mais souvent dans la représentation complotiste, je trouve qu'il y a ce côté... Valorisation du sauveur. Eux-mêmes souvent se considèrent comme des sauveurs parce qu'ils vont aider à découvrir les complots ou à changer la société de manière radicale pour pouvoir l'améliorer parce que d'après leur vision ils vont dénoncer ceci ou cela. Et aussi... figure du héros chez les gens qui vont porter au nu, qui sont souvent des personnes un peu isolées dans leur communauté, comme tu disais, des scientifiques qui sont plus ou moins mis sur le banc de la science par les autres scientifiques parce qu'ils ont des positions en fait qui sont radicalement opposées à ce qui se dit en général dans ces milieux-là. Et pour nous, ça va plutôt être potentiellement des charlatans puisqu'ils ne représentent pas ce qui se fait d'habituellement, ce qui se dit d'habituellement dans la littérature scientifique, alors que pour eux, au contraire, c'est des sortes de Galilée. quoi. Oui,

  • Speaker #1

    alors ça me fait sourire parce que...

  • Speaker #0

    C'est justement une déformation de ce que était Galilée en réalité.

  • Speaker #1

    Oui, aussi, ouais. En fait, je te disais, avec Alexander, on s'est amusé à mettre en place une petite expérimentation. Donc en fait, on va voir ce qu'on en fait derrière, si on arrive à la publier ou pas, et qui irait dans ce sens. Et donc on trouve effectivement ça très intéressant. Alors... Ce qui se passe, c'est que de toute façon, vu que l'idée c'est qu'il existe un complot caché. Donc si c'est caché, nécessairement, par défaut, tu vas partir de l'idée qu'un très petit nombre de personnes savent. Donc ça va émaner de voix minoritaires, d'où le héros, celui qui va venir à l'encontre de tous. Mais en même temps, ça va servir l'un des objectifs des complots. que d'aller à l'encontre du système, puisqu'en fait c'est aussi ce dont se nourrit le complotisme, c'est le fait de rejeter toutes les instances qui incarnent le pouvoir dominant. Donc prendre la tangente, adhérer aux positions déliantes.

  • Speaker #0

    C'est un peu leur moyen à eux de récupérer le pouvoir finalement. Oui, tout à fait. Ça peut prendre différentes formes. Je ne parle pas forcément du pouvoir politique, mais ça peut être le pouvoir politique, mais ça peut être aussi juste le pouvoir sur leur vie. Puisqu'il y a un truc qui revient souvent dans la littérature sur le complotisme, c'est ce lien avec le sentiment de perte de contrôle de sa vie, de la société, des choses qui nous dépassent, etc.

  • Speaker #1

    Oui, et puis effectivement dans les facteurs qui vont augmenter la probabilité d'adhérer à des idées complotistes, tu vas voir par exemple... Le niveau de précarité, donc quand on est en plus grande précarité, on a des raisons d'en vouloir aux élites. Parce que quand on parle des élites, ça va être qui ? Ça va être les politiques qui disposent du pouvoir de décision, les journalistes qui ont le pouvoir de l'information, les industriels qui ont le pouvoir de production.

  • Speaker #0

    Oui, tout va dépendre des représentations qu'on a.

  • Speaker #1

    Les scientifiques qui ont le pouvoir, on va dire, de la définition de ce que c'est la connaissance. Donc on va leur en vouloir parce qu'on va considérer que ceux qui ont le pouvoir ont une part de responsabilité dans le fait qu'on soit soi-même dans la précarité. Et le fait de leur attribuer un rôle dans ce qu'ils vivent, en les responsabilisant, ça va permettre de retrouver du contrôle et de se sentir mieux finalement. Donc ça répond à un besoin psychologique. comme tu le disais, au besoin de contrôle.

  • Speaker #0

    Mais du coup, je t'ai coupé. Je ne sais pas si tu ne voulais pas enchaîner sur autre chose.

  • Speaker #1

    En fait, j'évoquais ce que le complotisme n'était pas. Et donc, en fait, en dépit du fait que les complotistes pensent qu'ils exercent pleinement et bien mieux que nous leur esprit critique, malheureusement, ils ne sont pas dans une démarche sceptique, dans une démarche sceptique valide. Pourquoi ? Parce qu'en fait... Quand on entre dans une démarche d'esprit critique, on en parlait un peu tout à l'heure, c'est comme si on se livrait à une enquête. Mais au début de l'enquête, on ne présage pas de la conclusion à laquelle on va aboutir. Mais dans le cas du complotisme, on part de la conclusion et on va essayer d'abreuver son raisonnement.

  • Speaker #0

    Il y a un complot quelque part. C'est ça.

  • Speaker #1

    On va essayer de trouver tous les éléments qui peuvent venir.

  • Speaker #0

    conforter notre idée de départ et donc en fait on raisonne à l'envers c'est vraiment comme une enquête c'est à dire que comme il y a un complot quelque part qui est caché on va chercher finalement chaque élément qui peut nous montrer ou être un indice que le complot est là sous nos yeux c'est assez rigolo parce que souvent ils vont détecter des signes qui sont Tellement improbable que tu te dis mais personne en fait en tant que comploteur mettrait des signes aussi évidents parce que c'est trop détectable quoi, trop facilement détectable. Et le but d'un complot c'est aussi de ne pas être découvert quand même malgré tout. Mais voilà je sais pas, ils vont interpréter ça après complètement différemment en disant par exemple que si c'est si évident c'est parce qu'ils ont aussi besoin de narguer les autres ou de... de signifier qu'ils ont fait ceci pour réunir d'autres personnes qui ont compris. Et donc, par exemple, Trump qui faisait un signe de la main, il avait été interprété d'une manière complètement extrapolée comme étant le signe qu'en fait il était avec Kuan Yin. Donc voilà.

  • Speaker #1

    J'ai d'ailleurs une question très personnelle à te poser. Pourquoi depuis tout à l'heure tu me fais ces gestes avec tes deux mains, ce triangle ? Qu'est-ce que ça signifie ?

  • Speaker #0

    Ce triangle avec l'œil au milieu,

  • Speaker #1

    tu veux dire ? Oui. Donc oui, donc...

  • Speaker #0

    Donc qu'est-ce que le colomboïdisme n'est pas aussi ?

  • Speaker #1

    Ce ne sont pas... Ce ne sont donc pas des... Enfin, ils ne sont pas dans l'esprit critique.

  • Speaker #0

    Ce ne sont pas des faits enquêteurs, parce que...

  • Speaker #1

    Alors,

  • Speaker #0

    les fois qui... Enfin,

  • Speaker #1

    si, dans le sens où ils peuvent être très intelligents, ils peuvent partir sur des années très approfondies, mais le problème, c'est vraiment celui de la démarche, de l'épistémologie. Oui,

  • Speaker #0

    mais une vraie enquête se fait avec méthode aussi, normalement. Après, même les enquêteurs aussi, des fois, bafouent ces méthodes-là, mais normalement, il y a des méthodes qui sont censées être meilleures que d'autres, même dans les enquêtes. Oui,

  • Speaker #1

    mais tu vois, s'ils n'ont pas la formation, ils n'en portent pas la responsabilité directe. Oui, c'est ça. Parce qu'en fait, je crois que tu disais, c'est pas très fin, mais en fait, des fois, oui, ils peuvent être très fins eux-mêmes, mais juste, ils n'ont pas les outils. Donc, ils ne peuvent pas faire autrement.

  • Speaker #0

    Oui c'est vrai des fois ils détectent des trucs Tu te dis comment ils sont allés chercher ça Des fois c'est même troublant, puis en fait sous une règle générale, en creusant un peu, on se rend compte que cette question ne tient pas à grand chose. Mais des fois ça peut être troublant effectivement, quand on n'a pas non plus les billes en face pour répondre, c'est pas évident quoi.

  • Speaker #1

    D'ailleurs ce qu'évoquait Alexander Samuel, avec lequel, enfin voilà, sur toutes ces questions on a travaillé ensemble et j'échange régulièrement, c'est que, et lui qui les connaît quand même très bien parce qu'il a énormément échangé sur les réseaux sociaux avec eux, etc. directement, Il me disait que parfois, les complotistes avaient une connaissance... des connaissances plus importantes de la littérature, par exemple, que les personnes qui sont restées dans la science. Et donc, ils vont te citer tel article et ça. Le seul problème, c'est qu'en fait, ils ne vont pas traiter derrière l'information correctement. Parce qu'ils n'ont pas les outils.

  • Speaker #0

    Ou parce qu'ils vont, par exemple, prendre un article qui est issu d'un journal prédateur, des choses comme ça, parce qu'ils ne savent pas ce que c'est un journal prédateur.

  • Speaker #1

    Il y a la question du statut de l'information. Donc, voilà. Et en ce sens, ce ne sont pas des imbéciles, en fait. Quand il y a... Parce qu'en fait, là, je pensais à l'imbécilité parce que tu vois, par exemple, je pense aussi à mes étudiants quand on évoque les différents complots et la question de la terre plate. Et puis, ce que j'entends dire, c'est de toute façon, ces Américains, ils sont complètement stupides. Et je dis, ben, eux, non. Alors, je vais leur demander, mais vous, dans quelle mesure vous croyez à l'homéopathie, par exemple ? En général, c'est une question que je pose.

  • Speaker #0

    En quelle mesure vous croyez à la terre ronde ?

  • Speaker #1

    Je te parle de l'homéopathie. Pourquoi ? Parce que là, justement, l'homéopathie, au début de l'année, en général, ils sont nombreux à y croire et sans savoir en fait ce qu'il y a derrière. Et donc, le fait d'avoir une expérience eux-mêmes de ce type, de pouvoir constater derrière que finalement, oui, ils ont été capables d'adhérer à une fausse croyance, Je vais leur dire, mais là... en l'état, en quoi est-ce plus stupide d'adhérer à l'idée que la Terre est plate que d'adhérer à l'homéopathie ? Et tu vois, en fait, ça remet les choses en perspective. C'est qu'en fait, quand une personne n'a pas la possibilité de savoir en quoi sa croyance est fausse, parce que par exemple, on n'a pas à la juger, et donc ça ne relève pas nécessairement de la bêtise, de la crédulité ou autre. Ça va être essentiellement un problème de méthode. Quand on va te dire, mais en réalité, la Terre est plate et on nous cache le fait qu'elle est plate, si tu adhères à à cette prémisse selon laquelle on nous cache que la Terre est plate parce que derrière il y a un complot des élites, des gouvernements. Oui, tu peux t'ouvrir finalement à plein d'idées qui peuvent paraître farfelues. Et quand on va voir d'ailleurs ce qu'en disent les platistes sur cette question de la Terre plate, c'est pas non plus de gus qui viennent comme ça te dire que la Terre est plate.

  • Speaker #0

    Ils sont des études, des exemples, des photos des fois un peu troublantes, des choses comme ça.

  • Speaker #1

    Et je dis des fois aussi, d'ailleurs, que je suis assez troublée, parce qu'il m'est arrivé une fois de faire travailler mes étudiants sur différents complots. Et j'avais un groupe d'étudiantes, en fait, qui a travaillé sur les reptiliens et qui en sont sortis en me disant qu'elles croyaient à l'existence des reptiliens. Et donc j'aurais dit, mais attendez, non ! Et puis en fait, je n'ai pas réussi à les amener à abandonner leur croyance, parce qu'en fait, elles avaient été, par exemple, très troublées par des images qu'elles avaient vues de reptiliens qui auraient laissé des griffes. sur une voiture, elle nous disait mais comment vous pouvez expliquer ça ? Tu vois, donc en fait, voilà, donc bref, les gens ne sont pas stupides. Enfin, moi je pense qu'il ne faut pas privilégier cette hypothèse-là, parce que sinon c'est trop facilement écarté le problème. Il y a les imbéciles d'un côté, et les autres de l'autre.

  • Speaker #0

    Et encore, on n'a pas parlé de tous les paramètres autres, parce que par exemple pour l'homéopathie... Tu as parlé du biais de la preuve sociale, mais effectivement, quand tout le monde autour de toi utilise l'homéopathie, que toi tu en as reçu quand tu es petit, etc. Tu n'as pas vraiment de raison, a priori, de remettre en cause.

  • Speaker #1

    Totalement. Et puis en plus, le pire, c'est que je parlais effectivement de réseau, mais il y a des faisceaux de croyance aussi. Par exemple, je ne sais pas, quand il y a des enfants et que tu veux bien les traiter, donc tu vas peut-être être dans l'homéopathie. et puis tu vas aussi être... dans, je ne sais pas moi, être anti-vax, parce que tu comprends, les vaccins, ça pourrait porter atteinte à ton enfant. Tu vas être obligatoirement dans l'allaitement parce que c'est naturel. Alors même si l'allaitement, c'est bien pour la santé de l'enfant. Mais tu vois, de façon, tu vas avoir des faisceaux d'engagement et de croyance. Et en ce sens, d'ailleurs, il peut y avoir... Par rapport à ces valeurs, alors qu'ils vont nous parler, par exemple dans l'idée de bien s'occuper de son enfant, de ne pas lui porter atteinte, etc. Tu peux avoir des gens aussi, quand on regarde le niveau d'éducation, qui ont... des niveaux d'éducation très élevés qui sont partis se renseigner, mais le problème c'est qu'ils sont partis mal se renseigner. Alors si effectivement le fait d'être issu de niveaux sociaux plutôt défavorisés ça va favoriser le complotisme ce qu'on peut voir c'est que ça peut aussi dépendre de... on va dire, de ses intérêts personnels. Par exemple, de son positionnement politique. Tu as par exemple des personnes qui, du fait de leur volonté de persévérer dans des activités capitalistes, qui vont davantage adhérer aux théories qui réfutent le réchauffement climatique, parce que ça leur permet de ne pas changer leurs activités économiques, et pourtant avec des niveaux d'éducation élevés. Et ces mêmes personnes seront moins perméables à des théories du complot, au contraire d'un autre type qui ne vont pas viser leurs intérêts directs, je ne sais pas, comme la Terre plate.

  • Speaker #0

    Du coup, j'ai une question, quelle serait pour toi la différence entre... Des croyances de type théorie du complot et des croyances autres. Est-ce qu'il y a une différence fondamentale ? Qu'est-ce qui est spécifique peut-être ? Peut-être que c'est cette question-là que je devrais poser. Qu'est-ce qui est spécifique aux croyances complotistes ? Parce que j'ai l'impression que dans tout ce que tu dis, on peut autant l'appliquer au complotisme qu'à n'importe quel type de croyance. Est-ce qu'il y a une spécificité ou pas ?

  • Speaker #1

    Alors oui, il y a une spécificité, mais là où effectivement c'est très intéressant, c'est qu'il y a, comme tu viens de le souligner, il y a énormément de points communs. C'est que dans les deux cas, en fait, ce sont de fausses croyances. Donc la spécificité des théories du complot, c'est qu'en fait, du complotisme, ça va être le fait de suspecter des intentions cachées, la présence d'un complot, etc. Mais ça montre quoi ? Ça montre que de la même façon dont on peut se laisser abuser par de fausses croyances, On peut aussi se laisser abuser par les fausses croyances qui nourrissent les théories du complot et donc en venir à adhérer à des idées complotistes. Ça ne veut donc pas dire que parce que l'on adhère à des idées complotistes, on est ce qu'on peut appeler de complotiste soi-même. Je pense qu'on peut tous adhérer au moins de façon ponctuelle à des idées de type complotiste. regardes On va prendre les antivax. Les antivax ont été traités, qualifiés, pendant la période Covid, de complotistes. Mais en fait non, parce que parmi les personnes qui pouvaient être antivax, il pouvait y avoir aussi ceux qui doutaient, ceux qui justement se laissaient séduire par des discours, ou alors ceux qui étaient dans la crainte. Oui,

  • Speaker #0

    qui entendent des choses et qui ne savent pas trop se positionner. Qui ne sont pas forcément dans le complot.

  • Speaker #1

    Donc en fait, on peut s'engager vers le complotisme, mais ce n'est pas dit non plus qu'on y aille pleinement, parce qu'après, dans la façon dont on va justement qualifier le complotisme, ça va être plutôt un mode de pensée plus général, plus systématique, où la personne ne va pas adhérer qu'à une théorie, parce que finalement, on peut se laisser tous avoir une fois, ou peut-être même aller deux fois. Mais ça va être le fait d'être dans un... un positionnement psychologique qui va nous amener à adhérer en fait à en général une multiplicité de théories du complot.

  • Speaker #0

    Dans le documentaire sur lequel je travaille, Sébastien Dieguez nous a dit un truc que j'ai trouvé assez intéressant, c'est que pour lui le complotisme c'est du coup difficile de différencier réellement par rapport aux autres croyances etc. Et donc ce serait plus une attitude, donc plus des comportements qui vont... devoir être analysés comme étant complotistes plutôt que comme des croyances complotistes qui n'ont pas tant de différence que ça avec les croyances normales. Mais par contre, les attitudes qui vont découler, là où ils seront complotistes, c'est-à-dire la militance qu'on va avoir, les comportements qu'on va avoir, le fait de se réunir entre complotistes, etc.

  • Speaker #1

    Alors là, ça va dépendre parce qu'après, des fois, les individus peuvent se définir en fonction de leur préférence et donc ils vont peut-être se constituer enfin Comment dire ? Ouais, se réunir et se forger une identité, puis après continuer à s'influencer les uns les autres pour s'engager dans une direction donnée.

  • Speaker #0

    C'est-à-dire qu'aujourd'hui, le complotisme, souvent, il est revendiqué. Alors qu'avant, quand on traitait quelqu'un de complotiste, entre guillemets, il prenait mal, ce qui était logique. C'était un peu aussi, des fois, l'objectif de certains de balayer facilement le fait que des idées étaient complotistes, sans avoir du coup à les argumenter contre. À rugbanter contre, pardon. Par contre, aujourd'hui, il y en a beaucoup qui se revendiquent complotistes.

  • Speaker #1

    En fait, le truc, c'est qu'il n'y a pas que les théories du complot. Pourquoi est-ce qu'on va aussi avoir des identités qui se forgent quand les gens sont complotistes ? C'est que le complotisme va être associé souvent à des narratifs. Des narratifs qui peuvent séduire et pire que ça en fait, le complotisme peut être instrumentalisé par par exemple des partis politiques, par des groupes qui ont le pouvoir. Je vais donner un exemple à l'extrême droite. Le fait d'adhérer à la théorie du grand remplacement, ça permet de faire peur aux gens et puis d'aller vers le Rassemblement National dans l'idée que celui-ci va pouvoir les protéger. Donc en fait le complotisme là pour le coup va servir les intérêts de ce parti politique. Le fait également de... de dire que les vaccins sont dangereux, etc. Donc l'extrême droite, on a montré qu'ils étaient très proches des milieux complotistes. Et ça leur sert à quoi ? Ça leur sert à dire que ce que fait le gouvernement, que la façon dont le gouvernement a géré la crise, etc., c'était pas bien du tout. Et du coup, si on disqualifie le gouvernement actuel, ceux qui ont le pouvoir, ça permet d'autant plus facilement de prendre sa place. Là, pour le coup, il peut y avoir de vrais complots. le problème c'est que les complotistes qui pourtant sont friands de complot là ils se font totalement avoir parce que le complot qui se trame en fait vient les instrumentaliser eux, il faut faire attention je pense à ne pas stéréotyper ce que serait le complotisme et réfléchir aussi à la façon dont nous risquons de nous engager dans de fausses croyances complotistes d'adhérer ici ou là à des fausses croyances complotistes. Et comment faire pour essayer de s'en rendre compte ? Essayer toujours d'arriver à voir quels sont les fondements de nos croyances, toujours en essayant d'exercer son esprit critique. Se méfier aussi de ces narratifs qui peuvent nous séduire, de tout ce qui peut nous faire peur. Donc voilà, toutes les raisons pour lesquelles, même dire pour les vaccins, c'est naturel de ne pas se vacciner. Il y a plein de raisons qui vont faire que les gens vont aller vers ces positions-là. Donc développer son esprit critique.

  • Speaker #0

    L'épisode se termine ici aujourd'hui. Pour écouter la suite, il faudra patienter jusqu'au mois prochain. En attendant, vous pouvez commander le livre Complotisme et Manipulation chez votre libraire local préféré et soutenir le podcast sur Tipeee ou LibéraPay. A bientôt !

Chapters

  • Intro

    01:59

  • Présentation

    02:09

  • Qu'est-ce qu'une croyance ?

    03:33

  • Des épistémologies différentes

    07:26

  • Pourquoi adhérer a de fausses croyances ?

    13:41

  • Conséquences des fausses croyances

    20:38

  • La question de la liberté d'expression

    23:09

  • Qu'est-ce que le complotisme ?

    33:37

  • Les Théories du complot : des croyances ordinaires ?

    51:01

  • Outro

    57:37

Share

Embed

You may also like

Description

Aujourd'hui nous allons plonger au cœur d'un phénomène qui fascine autant qu'il divise : le complotisme. Pourquoi tant de gens croient-ils à des théories alternatives, où un groupe d’individus cachés et malveillants tirent les ficelles de nos sociétés ? Et quoi de mieux que la psychologie sociale pour comprendre un phénomène aux dimensions multiples, qui touche à la fois à la manière de voir le monde, aux raisonnements, mais également à la société et à ses mécanismes qui nous guident et nous façonnent ?

Pour en parler, j'ai le plaisir d'accueillir Séverine Falkowicz, spécialiste de l'influence sociale et de la manipulation comportementale, elle est également co-autrice du livre “Complotisme et manipulations. Petit guide pour déjouer les fausses croyances, fake news, et autres fadaises”, au éditions Book e Book, avec Alexander Samuel, Thierry Ripoll et Fabien Girandola. À travers ce podcast, elle nous éclairera sur les mécanismes socio-psychologiques qui sous-tendent les théories du complot. Si vous vous poser des questions sur le complotisme, il est probable que vous trouviez des réponses en nous écoutant.

Avant de commencer je tenais tout particulièrement à remercier Eliot et Clémence d’avoir eu la gentillesse de nous accueillir chez eux jusqu’à 2h du matin pour enregistrer cet épisode ! Encore une fois, un grand merci !


Soutenir mon travail :

https://fr.tipeee.com/projet-utopia

ou

https://fr.liberapay.com/Projet_Utopia/ 


Les livres de Séverine :

https://www.book-e-book.com/livres/225-complotisme-et-manipulation.html

https://www.editions-eyrolles.com/livre/au-coeur-de-l-esprit-critique


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Chers utopistes, bonjour et bienvenue dans le podcast du projet Utopia, un podcast qui s'intéresse aux rapports entre science et société. Et voilà, c'est déjà la saison 4 du podcast. 4 ans à discuter avec des spécialistes sur des questions scientifiques. Depuis 4 saisons, je produis ce podcast avec mes propres deniers en essayant d'améliorer la qualité à chaque saison. Heureusement, quelques-uns d'entre vous ont soutenu ce travail, ce qui m'a permis de parfaire mon matériel et me motive pour continuer à vous proposer du contenu de qualité. Pour faciliter ces dons, et si vous avez aussi envie de soutenir le podcast, sachez que je viens d'ouvrir un compte Tipeee, vous trouverez le lien en description. Alors de quoi allons-nous parler aujourd'hui ? Et bien nous allons plonger au cœur d'un phénomène qui fascine autant qu'il divise, le complotisme. Pourquoi tant de gens croient-ils à des théories alternatives où un groupe d'individus cachés et malveillants tirent les ficelles de nos sociétés ? Et quoi de mieux que la psychologie sociale pour comprendre un phénomène aux dimensions multiples qui touche à la fois à la manière de voir le monde, au raisonnement, mais également à la société et à ses mécanismes qui nous guident et nous façonnent ? Pour en parler, J'ai le plaisir d'accueillir Séverine Falkovitch, spécialiste de l'influence sociale et de la manipulation comportementale. Elle est également co-autrice du livre Complotisme et manipulation, petit guide pour déjouer les fausses croyances, fake news et autres fadaises, aux éditions Booky Book, écrit avec Alexander Samuel, Thierry Ripoll et Fabien Gérandola. A travers ce podcast, elle nous éclairera sur les mécanismes socio-psychologiques qui sous-tendent l'univers des complotistes. Si vous vous posez des questions sur le complotisme, il est probable que vous trouviez des réponses en nous écoutant. Et avant de commencer, je tenais tout particulièrement à remercier Elliot et Clémence d'avoir eu la gentillesse de nous accueillir chez eux jusqu'à 2h du matin pour enregistrer cet épisode. Encore une fois, grand merci. Séverine, bonjour, je suis ravi de t'accueillir dans ce podcast. Est-ce que tu peux d'abord te présenter s'il te plaît ?

  • Speaker #1

    Oui, bonjour. Je suis maître de conférence en psychologie sociale, je fais partie du laboratoire de psychologie sociale d'Aix-en-Provence. Je suis aussi psychologue sociale et en termes de champ de recherche, je travaille dans le champ de l'influence sociale et de la manipulation, manipulation comportementale notamment. Et je suis également la coautrice d'un ouvrage d'introduction à l'esprit critique qui s'appelle Au cœur de l'esprit critique et Au cœur du complotisme avec notamment Alexandre Samuel, Fabien Gerandola et Thierry Ripolle. Et puis bon après voilà d'autres projets encore derrière, sans doute encore un bouquin sur la psychanalyse, pourquoi croit-on à la psychanalyse, mais ça viendra un petit peu plus tard dans l'année.

  • Speaker #0

    Et donc nous sommes réunis autour de ce thème là de, pas de la psychanalyse mais du complotisme, et donc je suis ravi aussi parce que c'est vraiment un thème moi qui m'intéresse énormément puisque je travaille en parallèle sur un documentaire sur ce thème là, et il y a beaucoup beaucoup beaucoup beaucoup de choses à dire. Donc là on va essentiellement parler de l'angle de la psychosociale, puisque c'est vraiment ton domaine. Et c'est aussi, pour les gens qui ne savent pas, c'est aussi, je pense, le domaine scientifique qui a le plus étudié le complotisme finalement. Il y a la psychologie en général, mais la psychosociale en particulier. Pour parler de complotisme, on peut commencer, je pense, par parler des croyances.

  • Speaker #1

    Oui, pourquoi pas. Alors, disons qu'on pourrait se demander effectivement qu'est-ce que c'est qu'une croyance. Alors, au départ, tout est croyance, tant qu'on n'a pas procédé à des investigations. Donc si on prend... Une croyance en particulier, on peut essayer de l'évaluer. Et quand on va l'évaluer, si à l'issue de nos tests, on arrive à trouver des éléments qui vont nous permettre de cautionner cette croyance, eh bien, on va s'avancer du côté de la connaissance. Si par contre, on se rend compte du fait que la croyance ne tient pas par rapport à la réalité, par rapport aux éléments factuels, du fait des méthodes d'investigation qu'on utilise, et bien là on sera de l'autre côté, on va dire, d'une échelle, de ce qu'on pourrait considérer comme un continuum, on sera du côté des fausses croyances. Après, il y aura des croyances que l'on n'est pas en mesure d'évaluer, parce que, par exemple, elles ne se prêtent pas à l'investigation, on n'a pas techniquement la possibilité de les tester. Il y a d'autres croyances encore qu'on n'aura pas eu le temps d'évaluer, donc ces croyances, pour l'instant... On peut les considérer comme des croyances en ne sachant pas trop quel est le statut qu'on doit leur accorder. Ça ne veut pas dire qu'elles seront nécessairement fausses ou vraies, on ne saurait se prononcer.

  • Speaker #0

    Mais il peut y avoir aussi des fausses connaissances. Parce que tu disais que les connaissances c'est plus des croyances vraies, mais c'est vrai qu'il peut y avoir aussi des fausses connaissances. Des choses qui ont été validées, mais on se rend compte plus tard, par exemple, que c'est toute la complexité de la science.

  • Speaker #1

    Oui, on est effectivement sur un continuum. Donc, disons que quand avec de la méthode, on s'avance du côté de la connaissance, on va déplacer le curseur vers la connaissance. Mais ensuite, parfois, quand on poursuit les investigations, quand on dispose de meilleures méthodes encore, ou quand, par exemple, on se rend compte que les études ont été biaisées, là, on est capable. dans le champ de la science d'ajuster le statut qu'on attribue à une information. Et en ce sens, la science, en fait, elle se remet en permanence en question, même si, le plus souvent, du point de vue des méthodes que l'on utilise, c'est suffisamment fiable, c'est suffisamment solide pour considérer qu'on peut avoir parfois des acquis. Et donc, il y a clairement certaines de nos connaissances que l'on ne remettra pas en question. Et donc l'idée c'est également de sortir de l'idée d'un relativisme, tout ne se vaut pas, et même si effectivement parfois, en dépit des précautions que l'on prend, des méthodes que l'on utilise dans le champ de la science, il y a à redire, les méthodes scientifiques nous permettent de sortir de notre subjectivité, et en leur faisant confiance, c'est le meilleur moyen dont on dispose pour... essayer de se positionner sans trop prendre de risques.

  • Speaker #0

    En gros, ce que tu veux dire, c'est qu'on peut considérer qu'il y a différentes formes de croyances, et qu'il y en a certaines qui sont plus solides que d'autres, plus crédibles que d'autres, où on a le plus d'éléments pour estimer qu'elles sont valables, et donc que ce sont des connaissances. Et du coup, le complotisme, il se positionne comment là-dedans ?

  • Speaker #1

    Le complotisme... Il pose souci du point de vue des croyances dans la mesure où il se nourrit de fausses croyances. Alors pas seulement bien sûr, mais il est important pour nous d'arriver à attribuer correctement à une croyance son statut, c'est-à-dire savoir si une croyance va être vraie ou fausse, savoir où elle va se situer, parce que si on élabore nos raisonnements sur la base de fausses croyances, on ne pourra pas. pas tirer les bonnes conclusions.

  • Speaker #0

    Tout simplement. Mais aussi, si on n'a pas les mêmes croyances, si les socles de croyances ne sont pas les mêmes selon les individus, ça ne pose pas de problème lorsque nos relations n'ont pas d'importance liées à ces croyances-là, mais dès que ces croyances sont au cœur de nos relations communes, ça peut poser problème. Donc par exemple, dans le champ social, dans la politique, on fait des choix politiques, des choix sociaux, les... La croyance des individus, elle rentre forcément en ligne de compte. Le problème, c'est que lorsqu'on est face à des personnes qui n'ont pas du tout la même épistémologie finalement que nous, avec des croyances complètement différentes, un ensemble de croyances complètement différentes, comment on arrive en fait à construire quelque chose ensemble ? Comment on arrive à faire société en fait avec ces gens-là ? Je pense que c'est un des problèmes que peut poser le complotisme lorsqu'il rentre vraiment dans le champ de la politique, de la société, etc.

  • Speaker #1

    J'aime bien l'expression que tu as employée. Tu as parlé des personnes qui n'avaient pas la même épistémologie que nous. L'épistémologie, ce n'est pas subjectif. Déjà, peut-être donner une définition de ce que c'est que l'épistémologie. Il s'agit de la façon dont nous construisons nos connaissances, comment nous élaborons la connaissance. Donc, pour s'entendre, il faut effectivement savoir comment... Quels sont les critères qui nous permettent de retenir ou de rejeter un élément d'information donnée ?

  • Speaker #0

    Comment on peut s'accorder sur telle ou telle information, tel ou tel élément, telle ou telle croyance ou connaissance ?

  • Speaker #1

    Ça pourrait être important que les gens que nous nous formions tous à l'épistémologie, parce qu'en fait on a de bonnes raisons parfois de retenir ou de rejeter un élément donné. Je peux peut-être donner un exemple, mais une personne qui va accorder du crédit à une information tout simplement parce qu'elle a été énoncée par une personne célèbre, si c'est son seul critère, elle va être victime peut-être de ce qu'on appelle la preuve sociale. Donc si après elle a d'autres raisons complémentaires et qui en viennent davantage à questionner les fondements, de son adhésion à cette croyance. Là, peut-être qu'elle aura des arguments qui auront plus de valeur. Donc, si nous nous accordions sur ces critères d'adhésion et de rejet, on arriverait à mieux s'entendre. Ça, c'est le premier point. D'où l'intérêt, à mon sens, de se former davantage à l'esprit critique, qui nous permet effectivement de maîtriser ce qui relève de l'épistémologie. Savoir, par exemple, quand on traite l'information, quels sont les facteurs qui peuvent nous induire en erreur. Par exemple, les biais cognitifs, les heuristiques de raisonnement. qui vont faire qu'on va aller vers une information plutôt qu'une autre, parce qu'on préfère aller dans cette direction-là. En termes de biais, on peut parler aussi du biais de confirmation d'hypothèse. Et puis, notre esprit critique aussi, on va le nourrir par des connaissances. Donc, ces connaissances de base, ce que nous avons élaboré et que nous considérons être solide, d'où est-ce que ça vient ? Comment avons-nous construit aussi ? notre culture générale, personnelle. Et parfois, nous avons des connaissances auxquelles nous croyons fortement, qui vont constituer les prémices de nos modes de raisonnement. Et quand nous ne partageons pas les mêmes prémices, ça va être difficile de s'entendre, premièrement. Et de la même façon, dans la façon dont on va articuler ces prémices, les unes par rapport aux autres, là encore... des différences en fonction de plein de paramètres. Et là aussi, ça peut poser souci. On peut, au final, même quand on échange en toute bonne foi, ne jamais parvenir à se rencontrer.

  • Speaker #0

    Pour moi, c'est un des problèmes fondamentaux du complotisme dans la société. Et notamment lorsque ce complotisme-là devient quelque chose d'extrêmement radical dans le sens où on est en train de vivre en France. une radicalisation vers l'extrême droite d'une certaine partie de la population. Et je pense que ça peut potentiellement influencer la direction politique de la France bientôt. Donc c'est quand même des questions qui doivent vraiment se poser au cœur de la société actuellement. Et je trouve qu'on n'en parle pas suffisamment.

  • Speaker #1

    Oui, tout à fait. Alors je vais effectivement donner un exemple. Donc si on échange par exemple sur une question de santé tout d'abord. Et que... Oh putain. Si moi, je dis par exemple, oui, mais l'Organisation mondiale de la santé dit que, et pour moi, si ça représente un organisme qui est le plus souvent fiable, même si ça n'est pas systématiquement le cas, parce qu'il faut toujours rester en alerte d'un point de vue méthodologique, voir comment... Comment ? Ceux qui argumentent construisent leur mode de raisonnement. Mais bon, admettons que moi, je considère que l'OMS soit fiable. Si je suis face à une personne qui adhère à des croyances complotistes en matière de santé, elle pourra peut-être me dire, « Ah non, mais l'OMS, moi, je rejette ces organismes-là. » Et donc, on ne pourra pas s'entendre. Et donc, nos appuis même ne seront pas les mêmes. Donc, ça posera souci. dans le champ de la politique, pareil, en fait, tu peux avoir des gens, effectivement, qui glissent vers l'extrême droite simplement en rejetant ceux qu'ils considèrent comme ayant le pouvoir actuellement. Et donc, un rejet des élites responsables de tous les maux. Oui, totalement. Donc, ça peut participer à la montée du fascisme. Parmi... De multiples autres causes.

  • Speaker #0

    Oui, bien sûr, c'est pas la seule, évidemment. Du coup, pourquoi est-ce qu'on adhérerait à des croyances qui sont fausses ? C'est quoi, en fait, qui pourrait nous conduire à faire ça ? Puisque, a priori, on a tous envie d'être dans le vrai, tu vois. Je pense que la plupart des gens, ils sont pas pour envie d'être dans le faux. Ils se positionnent pas comme ça. Donc, qu'est-ce que c'est qui nous pousse à avoir des croyances ? Alors, là, on parle vraiment de croyances fausses, mais après, on pourrait dériver vers vraiment des croyances complotistes qui sont pour moi... qui peuvent devenir complètement décalés, en décalage total en fait avec la norme, avec les croyances qui sont dans la société en général. Donc est-ce que c'est juste justement une réaction contre les normes sociales ? Ou est-ce que ça va au-delà de ça ?

  • Speaker #1

    Non j'allais dire en plaisantant mais attends, là c'est un faux dilemme. Non, c'est une idée contrôlée.

  • Speaker #0

    Tu as raison.

  • Speaker #1

    Alors non, en fait tu pourrais avoir des gens qui te disent que si les gens vont dans les directions dans lesquelles ils veulent aller, c'est parce qu'ils veulent bien y aller. Moi, je ne suis pas certaine que ce soit toujours le cas au départ. Pourquoi ? Parce qu'en fait, même si effectivement, quand on demande aux gens quelles sont leurs positions et qu'on essaye de les faire changer, et qu'on constate le plus souvent qu'on a beaucoup de mal à les faire changer, donc l'idée est de... Ce qu'on va en déduire, c'est qu'on n'arrive pas facilement à faire changer les gens. Sauf qu'en fait, quand on prend les gens qui au départ ne sont pas positionnés et qu'on essaye de les amener dans une direction, dans ces moments-là, on voit que finalement ça peut être assez facile de les amener soit d'un côté, soit du côté inverse.

  • Speaker #0

    Est-ce que tu peux donner un exemple ?

  • Speaker #1

    Oui, je vais donner un exemple. Donc, imaginons une personne qui soit intéressée par la connaissance de soi. Et dans ces rencontres, elle commence soit par rencontrer un psychiataliste, soit par rencontrer une personne qui vient, par exemple, parler de psychologie sociale expérimentale. Je suppose que dans les deux cas, elle sera enthousiaste. Elle sera enthousiasmée même. Et donc, peut-être qu'ensuite, elle va s'engager dans cette direction-là. d'un côté ou de l'autre, suivant le contexte, et que si derrière, ensuite, on vient l'attaquer sur ses positions, et bien, effectivement, ce sera possible qu'elle reste sur ses positions initiales. Mais donc, au départ, elle aura été, par le contexte, peut-être amenée à s'engager d'un côté ou de l'autre. Donc, je pense que dans les positions auxquelles nous adhérons, parfois quand nous adhérons à de fausses croyances, et là, pour le coup, la psychanalyse est une pseudoscience, c'est-à-dire que c'est une non-science, Nous dépendons de nos rencontres,

  • Speaker #0

    du contexte. En fait, on change difficilement d'avis une fois qu'une croyance est ancrée. Oui. Une fois qu'on a une vision du monde qui est assez affirmée. Sinon, on est assez souple. C'est ça que tu veux dire. Alors,

  • Speaker #1

    au départ, je pense qu'on est effectivement perméable. Et d'ailleurs, on n'a pas de raison de ne pas l'être, puisqu'on est là pour apprendre. Alors après, effectivement, au-delà de ce contexte, on peut avoir des préférences. Par exemple, on peut être davantage tenté par l'idée Merci. de partir explorer l'inconscient, que par l'idée d'aller décrypter des expérimentations scientifiques de psychologie sociale, avec des paramètres qui vont nous permettre d'avancer, on va dire, de façon plus solide, mais peut-être un peu moins rapidement, un peu moins intuitivement, subjectivement, alors que peut-être on a envie de chercher en soi, dans sa représentation de la façon dont on peut travailler sur soi-même, si ça ne cadre pas, ça sera peut-être un peu moins ludique. Donc... il peut y avoir aussi des préférences personnelles. Donc tout ça peut interagir avec...

  • Speaker #0

    Il y a des préférences personnelles qui sont basées sur quelque chose. Elles sont basées sur un vécu aussi, sur une représentation du monde. Oui, tout à fait. Donc on a construit aussi, qu'on a appris, qu'on a construit au fur et à mesure du temps.

  • Speaker #1

    On aura été aussi conditionnés, parce qu'effectivement, imagine que depuis que tu es petit, on t'est amené à développer ta pensée analytique. Tu vas peut-être aussi avoir besoin de preuves, et tu vas peut-être avoir cette appétence pour le fait de décortiquer. les expérimentations, et puis comprendre aussi l'intérêt que ça peut représenter. Et de l'autre côté, si au contraire, en termes de personnalité, tu as envie de quelque chose de plutôt rapide, facile, ou alors de mystérieux, il y a des choses qui vont faire écho par rapport à la façon dont on réagit. Il y a vraiment une interaction entre l'individu, le contexte, et puis il y a une chose aussi dont on ne parle pas en termes de contexte, c'est... toutes les personnes qui nous environnent. Je parlais de preuves sociales tout à l'heure. Mais si tu es dans un groupe d'amis aussi qui te dit, viens voir la psychanalyse, c'est génial, et qu'en fait, on y va à plusieurs, ou alors qu'une personne va t'introduire pour aller, je ne sais pas moi, aller voir un acupuncteur, en te disant, tu vas voir, ça fonctionne. Et donc, les rupolations...

  • Speaker #0

    Oui, ça me fait beaucoup de bien. Ma grand-mère aussi, elle adore. Mon père, il ne pense plus que... Il ne parle plus que de ça. C'est trop bien. Et tout machin.

  • Speaker #1

    ça a marché chez ma belle-sœur. Aussi, en fait, c'est pour ça que, là encore, l'esprit critique, le fait de connaître un peu quelles sont les raisons qui nous semblent logiques, mais qui ne sont pas valables pour valider un point de vue, être capable de les repérer, peut-être pas pour systématiquement les discréditer, mais pour comme une alerte se mettre en place et se dire bon attention, là il faudrait peut-être que je ne m'engage pas tout de suite dans cette direction là et que j'aille checker davantage oui après il faut avoir les compétences pour savoir analyser les informations qu'on va checker c'est un autre souci donc formation à l'esprit critique et même là en fait comment dire, avoir les bonnes prémices aussi parce que pareil il y a Si tu n'as pas les bonnes prémices,

  • Speaker #0

    si tu n'as pas les bonnes compétences ou les bonnes connaissances, tu peux effectivement mal interpréter ce que tu vas lire ou carrément ne rien.

  • Speaker #1

    Même par exemple si tu rentres dans des procès d'intention, ce qui se passe aussi souvent dans le cadre du complotisme, on va suspecter... des complots cachés. Parce que c'est vrai qu'on n'a même pas encore donné la définition du complotisme.

  • Speaker #0

    Oui, parce qu'on n'en parle pas tout à fait directement encore.

  • Speaker #1

    En fait, le problème, c'est qu'on ne va pas raisonner correctement. Parce qu'on ne va pas partir faire une enquête, mais on va peut-être partir avec en tête, finalement, des éléments d'information qu'on a ajoutés soi-même et qui vont diriger notre enquête.

  • Speaker #0

    Entre guillemets, on sait ce qu'on cherche.

  • Speaker #1

    Exactement.

  • Speaker #0

    donc on ne pourra même plus parler d'enquête en fait c'est un petit peu comme dessiner une cible autour d'une flèche quelque part croire en des fausses croyances on a dit tout à l'heure que ça pourrait avoir des conséquences dans la société selon certains contextes mais en général c'est pas tellement gênant peut-être que la plupart des gens ils ont des croyances fausses comme ça de croire que tel truc fonctionne que tel truc existe qu'ils croient aux esprits ou pas aux esprits etc Quelles peuvent être les conséquences ? Est-ce que tu penses qu'il peut y avoir des conséquences grades ou est-ce que c'est pas si grave que ça ? Puisqu'on est tous des êtres de croyance, on a tous un minimum de croyance et donc parmi elles, certainement des croyances fausses aussi. Donc voilà, qu'est-ce que tu aurais à dire par rapport à ça ?

  • Speaker #1

    Alors dans mon positionnement, là il y a une part de positionnement personnel. Moi je pense qu'il n'est pas de petites fausses croyances. Pourquoi ? Parce que si on prend par exemple l'astrologie, on pourrait se dire ça va, c'est gentil, il croit qu'il est bélier. Mais en fait, le problème qui se pose, c'est que quand on adhère à l'astrologie, après tout, pourquoi pas penser qu'il existe des choses magiques ? Et donc en fait, ça va peut-être venir conditionner notre rapport à la science. Par conséquent, peut-être qu'adhérer à une fausse croyance de ce type, ça va nous amener à adhérer à d'autres fausses croyances, et de proche en proche, jusqu'où est-ce qu'on est capable d'aller ? Ça pose souci. Ça c'est le premier point. Le deuxième point c'est qu'en plus les gens qui en général adhèrent à de fausses croyances, comme tout le monde, ne vont pas se contenter d'y croire dans leur coin. Ils vont en parler, ils vont les diffuser autour d'eux. Et donc on va porter atteinte aussi aux autres et puis ça aura des conséquences collectives. Si on regarde par exemple ce qui se passe sur les réseaux sociaux, il y a des gens qui des fois diffusent de fausses croyances de façon massive et on... On ne peut pas considérer que ce soit bien de les laisser s'exprimer sans pouvoir dire que non, c'est faux, non, on n'est pas d'accord.

  • Speaker #0

    Pas forcément les interdire de s'exprimer, mais en tout cas répondre, avoir une réaction face à ça et ne pas les laisser juste diffuser.

  • Speaker #1

    C'est pour ça que j'ai dit non pas les laisser s'exprimer, c'est les laisser s'exprimer sans dire non. C'est-à-dire qu'en fait il faut dire quand les choses ne sont pas correctes. On ne peut pas se contenter de dire d'ailleurs que les choses ne sont pas correctes. Il faut aussi expliquer pourquoi on considère qu'elles ne sont pas correctes, c'est-à-dire, là encore, en revenir au fondement, pour pouvoir s'assurer aussi nous-mêmes que ce qu'on dit est correctement construit. Pourquoi ? Si tu veux, on peut peut-être parler de liberté d'expression. Donc, certains ont des positionnements bien tranchés sur cette question-là.

  • Speaker #0

    Surtout aux Etats-Unis en ce moment, la liberté aux Etats-Unis c'est quelque chose de très important en général, et la liberté d'expression est extrêmement valorisée par Donald Trump et surtout Elon Musk, et là on est quand même dans un contexte où... C'est des personnes qui nous écoutent peut-être plus tard. Là on est dans le contexte où Donald Trump vient d'être réélu il y a quelques temps, assez récemment, et où il commence à se mettre en place certaines choses avec Elon Musk qui ne sont pas très ragoûtantes. en tout cas en termes de démocratie. Et ils mobilisent énormément cette idée de la liberté d'expression. Je ne sais pas si tu voulais aussi parler de ça, mais moi je trouve que c'est un sujet d'actualité.

  • Speaker #1

    Oui, alors en fait la problématique est la même aux États-Unis qu'en France, sur le fond. Je pense qu'en fait on analyse mal les choses. Je vais évoquer les positions des uns et des autres en ce qui concerne cette fameuse liberté d'expression. Il y a, on va dire, les tenants de la bienveillance. tel que le concept est utilisé le plus souvent sur les réseaux sociaux. Cette bienveillance qui est revendiquée, soi-disant parce qu'on devrait respecter les opinions des uns et des autres, être ouvert,

  • Speaker #0

    être... doivent pouvoir s'exprimer, etc.

  • Speaker #1

    vont en fait tolérer toutes les expressions, et même donc la diffusion de fausses croyances. Ça a des conséquences négatives pour les gens, c'est qu'en fait ceux qui vont être exposés à des discours qui promeuvent les fausses croyances vont être pour partie au moins influencés. pensées par ces discours et ça aura des conséquences pour eux négatives. Donc la diffusion de fausses croyances a des conséquences délétères.

  • Speaker #0

    On rappelle que les fausses croyances, c'est vraiment des croyances qui ont été démontrées fausses. On ne parle pas de croyances qui pourraient être fausses, etc. On parle de croyances vraiment démontrées fausses ou potentiellement dangereuses.

  • Speaker #1

    D'ailleurs, dans le champ de l'esprit critique, je tiens à rappeler... que si on va lutter contre les fausses croyances, on ne va pas lutter contre toutes les fausses croyances, on va lutter contre les fausses croyances délétères. C'est-à-dire contre les fausses croyances dont on sait qu'elles vont porter atteinte aux gens. Donc, lutter contre ceux qui, au nom de la liberté, diffusent de fausses croyances en leur opposant des contre-arguments... pour énoncer le fait que leurs positions sont fausses, ça correspond au fait d'essayer de protéger ceux qui sont exposés aux conséquences potentielles de ces fausses croyances.

  • Speaker #0

    Donc... Oui, c'est aussi un moyen pour ces gens qui mobilisent la liberté d'expression d'imposer leurs propres croyances dans le débat public, alors que des fois, elles n'ont pas lieu d'être.

  • Speaker #1

    Oui. Alors là, tu me parles de ceux qui les génèrent. Moi, j'évoquais déjà les personnes, en fait, plutôt qui laissaient. faire. Donc, la position qui consiste à dire les sons, les gens s'exprimer indépendamment de la nature de l'expression.

  • Speaker #0

    C'est la noula,

  • Speaker #1

    quoi. Donc, si je reviens justement à cette question de la bienveillance, en fait, en réalité, on n'est pas bienveillant quand on laisse s'exprimer des positions fausses parce que la bienveillance, elle peut aussi se définir autrement. Moi, je fais la distinction entre deux types de bienveillance. Donc, une bienveillance relationnelle, qui va consister à respecter son interlocuteur, à être humain, à lui permettre, effectivement, peut-être d'être confortable dans ce que la personne va dire. Et je pense que cette bienveillance relationnelle, elle est importante, mais elle n'est pas suffisante. Il faut aussi, je pense, si on veut vraiment revendiquer une position bienveillante, mais bienveillante de justement au sens propre du terme, c'est-à-dire chercher à offrir aux autres ce qu'il y a de meilleur, veiller sur les gens, bienveillance, donc on va dire bien vouloir. Bon, donc la deuxième forme de bienveillance, ce sera une bienveillance épistémique qui consiste aussi à essayer de faire en sorte que les positions qui sont diffusées soient les positions les plus justes. Sur la base, bien sûr, les plus fiables. Sur la base, en fait, de ce qui nous permet de dire qu'une position est fiable ou non. C'est pas non plus, on n'est pas dans la subjectivité là. Quand on revendique le fait qu'une croyance soit fausse, on ne va pas le faire comme ça parce qu'on en a juste envie, mais parce qu'en fait, on aura vraiment déterminé le fait qu'elle est fausse. Donc, ça c'était le premier point, cette notion de bienveillance. Le deuxième point... C'est que quand on parle de liberté d'expression, souvent on pense qu'on parle de liberté, mais ce n'est pas le cas. Parce que si justement une liberté d'expression débridée a des conséquences négatives dans nos choix, dans nos comportements, si on en vient à mal se soigner, on en vient à mal voter, on en vient à mal se connaître, parce qu'on va par exemple partir dans les dérives... Du développement personnel, de la psychanalyse, de l'astrologie, enfin voilà. Qu'est-ce qui va se passer de la psychologie ? Parce que aussi dans le champ de la psychologie, en dépit du fait que la psychologie soit une science, il y a parfois des psychologues aussi qui partent dans les dérives ou qui vont se mettre à être séduits par des... comment dire ? des méthodes qui n'ont pas été éprouvées par la science et d'ailleurs ça va à l'encontre de notre code de déontologie bref, quand on fait ça vu que ça a des conséquences négatives pour nous parce que nous sommes influencés négativement, alors que nous n'aurions pas dû l'être, en fait, on contrevient à un grand nombre d'autres libertés, qui sont les nôtres, à savoir la liberté de choisir en connaissance de cause,

  • Speaker #0

    de façon éclairée. Même quand tu parlais de soigner soi-même, lorsqu'on adhère à des fausses croyances par rapport à soi-même, on va générer après des prophéties autoréalisatrices.

  • Speaker #1

    Oui.

  • Speaker #0

    Et donc, nous interpréter nos propres comportements, nos propres... envie, besoin, etc. par le biais de ces fausses croyances et donc ne pas finalement mettre le doigt sur les véritables causes, enjeux ou envies qu'on peut avoir en réalité.

  • Speaker #1

    Totalement, je peux donner deux exemples même. Le premier ça va être le fait de croire à l'astrologie et de dire, tiens, en fait, moi si je suis têtu, c'est parce que je suis bélier. et donc une personne qui peut être... aurait pu être un peu plus ouverte aux positions des autres, vu qu'elle a cette image d'elle-même, parce qu'on lui a attribué cette étiquette, on l'a amenée à croire à l'astrologie, peut-être depuis qu'elle était petite. En fait, elle va dire, moi, je suis comme ça, elle ne va pas se remettre en question, alors qu'elle aurait totalement les moyens de le faire. Ça, c'est le premier exemple. Deuxième exemple, l'hypersensibilité. Il y a plein de psys qui pensent qu'on peut considérer qu'il y a des gens hypersensibles, etc. Alors qu'en fait, ce n'est pas le cas. L'hypersensibilité étant associée, par exemple, à des ressentis très forts au niveau des émotions, etc. Du coup, les gens vont se penser parfois hypersensibles alors qu'ils auront peut-être en arrière-fond des problèmes de gestion émotionnelle. Au lieu, par exemple, pour le coup, de se dire, « Tiens, comment je peux essayer de mieux gérer mes émotions ? » Et pourquoi pas, s'il y a besoin, en allant voir, je ne sais pas, un psychologue, par exemple, qui travaille dans le champ des thérapies cognitives ou comportementales, où on a de vrais outils pour aider à la gestion de soi, ils vont rester dans leur position en se disant, « C'est ainsi, je suis trop sensible pour le monde cruel dans lequel nous vivons, je suis malheureux et... » Et c'est ainsi. Donc, vous voyez, en fait, tu vois, on a une fausse représentation de soi, une fausse représentation de la réalité, de la façon dont les choses fonctionnent. Et ça va nous induire en erreur quant à la façon dont nous nous concevons, dont nous agissons et dans notre rapport aux autres.

  • Speaker #0

    Oui. Non, mais c'est sûr.

  • Speaker #1

    Et donc, parce que du coup, je n'avais pas énoncé explicitement ce que je voulais dire, c'est qu'en fait, la liberté d'expression, elle va contrevenir à d'autres libertés, comme notre liberté de mieux nous connaître, de mieux voter, de mieux nous soigner. Je l'avais peut-être dit déjà, mais c'est très bien de le redire.

  • Speaker #0

    Mais par contre, ce qui est intéressant, c'est qu'on dit souvent que la liberté des uns s'arrête là où commence celle des autres. Mais en fait, on peut dire aussi finalement, avec cet angle-là, ça peut aussi avoir des conséquences sur soi-même.

  • Speaker #1

    elle s'arrête aussi là où commence notre propre liberté finalement c'est assez paradoxal tu vois la liberté des uns s'arrête là où commence notre propre liberté parce qu'on va porter atteinte aux autres aussi par la diffusion de ces idées là donc en fait ça n'est pas une question de on porte atteinte à soi même là je disais là où s'arrête celle des autres dans ce sens là mais ça c'est

  • Speaker #0

    parce que c'est une formulation connue et j'aime bien du coup mettre le côté paradoxal de soi même ça c'est marrant

  • Speaker #1

    Je me suis amusée à faire un post d'ailleurs sur le sujet, dans lequel j'ai écrit qu'en fait, la phrase d'origine, c'était pas « la liberté s'arrête là où commence celle de son voisin » . moi j'ai restitué la phrase d'origine qui est la liberté s'arrête là où commence celle de son voisin qui s'il avait eu accès ou à des informations correctes, n'aurait pas fait le choix dans lequel il s'est engagé. Voilà. Donc en fait...

  • Speaker #0

    Bien fait pour lui.

  • Speaker #1

    C'est ça.

  • Speaker #0

    Est-ce que tu peux arriver à relier, du coup, toutes ces thématiques-là qu'on vient d'aborder au complotisme ?

  • Speaker #1

    Alors, déjà peut-être dire que... Enfin, le complotisme, on a tendance à penser... qu'il y a d'un côté les complotistes et de l'autre, nous. Et donc avec un regard très stigmatisant du complotisme, peut-être caricatural, ça c'est un premier point. Et le deuxième point, au final, c'est qu'on en entend tellement parler de partout, en disant « ah, tu es complotiste, c'est complotiste » , qu'on ne sait même plus ce que c'est que le complotisme. Oui,

  • Speaker #0

    on pourrait le définir avant.

  • Speaker #1

    Exactement. Donc je vais en revenir peut-être. Peut-être que ce que je te propose, c'est de commencer par définir ce qu'est le complotisme. Oui, on va faire ça. Et puis ça pourrait être intéressant aussi de voir ce qu'il n'est pas. Donc être complotiste, ça consiste à penser qu'il existe un complot caché par en général soit des élites, un petit groupe de personnes, mais ça peut être aussi des groupes de personnes qu'on n'apprécie pas nécessairement, donc dans l'objectif de nuire. Et alors, on va le penser, ceci dit, il existe pourtant, pour rendre compte des positions que l'on défend soi-même, une thèse. officielle pour expliquer ce dont on souhaite rendre compte de façon alternative. Par exemple, plutôt que de dire si un virus mondial s'est répandu, soit parce que c'est venu comme ça, je ne sais pas moi, d'une contamination animale, soit parce que oui, il y a eu peut-être un accident au sein d'un laboratoire qui fait qu'après, ça s'est diffusé. C'est le fait de dire que les élites ont organisé un complot mondial dans l'objectif de procéder à un génocide, de réduire la population mondiale, ou alors de vendre des vaccins.

  • Speaker #0

    Quoi, c'est faux ?

  • Speaker #1

    Je ne sais pas, en fait, je ne suis pas sûre. Ça, ça reste entre nous, bien sûr. Voilà, donc ça, c'est la définition du complotisme. Adhérer à de telles positions, alors qu'il existe des... Des explications qui nous permettent de penser qu'il en est autrement. Alors, qu'est-ce que le complotisme n'est pas ? Eh bien déjà, quand les complotistes se positionnent... Le complot qu'ils suspectent, ils se disent, vous allez voir, un jour, vous verrez que nous avions raison, etc. En fait, non, parce qu'on a déjà de bonnes raisons de penser que ce qu'ils suspectent comme étant un complot, c'est pas juste. Donc, ça n'est pas un complot qui finira par émerger. On pourrait penser aussi que les complotistes...

  • Speaker #0

    Pourtant, ils disent toujours qu'ils ont toujours eu raison, mais à postériori...

  • Speaker #1

    En général, oui. Ils vont te dire « j'avais raison » , mais parce qu'en fait, eux, dans la lecture de l'actualité, des faits, ils vont continuer, pour alimenter leur vision des choses, d'aller faire du « cherry picking » . Ils vont aller prendre, par exemple, dans la communauté scientifique, ils vont aller prendre peut-être le chercheur qui va être lui-même complotiste. Et donc, effectivement,

  • Speaker #0

    ils vont réduire la dissuasance, quelque part.

  • Speaker #1

    Ils vont prendre des figures d'autorité pour venir appuyer leur point de vue. Ils vont aller prendre l'article aussi, qui va peut-être aller dans leur sens. Le problème, c'est que là, pour le coup, ils vont peut-être manquer dans leur démarche d'esprit critique, parce que dans le champ d'esprit critique, ce qu'on nous apprend en termes de méthode, c'est que ce qui fait science, ce n'est pas tant l'expression d'un chercheur isolé qui va venir les conforter, eux, dans leur position, c'est voir sur la base de... méthode, qu'est-ce qu'on a construit collectivement comme connaissance ? Et donc, toujours dans l'idée de se départir de notre subjectivité. Parce qu'on peut très bien considérer en effet que tu vas avoir, allez, des fois même des chercheurs qui vont tricher, ou des articles de mauvaise qualité, etc. Mais on ne peut pas non plus penser que tous les chercheurs dans tous les laboratoires du monde qui vont travailler sur la même question... vont être dans un complot pour nous amener à adhérer à des positions qui iraient à l'encontre de ce qu'on sait.

  • Speaker #0

    Mais souvent dans la représentation complotiste, je trouve qu'il y a ce côté... Valorisation du sauveur. Eux-mêmes souvent se considèrent comme des sauveurs parce qu'ils vont aider à découvrir les complots ou à changer la société de manière radicale pour pouvoir l'améliorer parce que d'après leur vision ils vont dénoncer ceci ou cela. Et aussi... figure du héros chez les gens qui vont porter au nu, qui sont souvent des personnes un peu isolées dans leur communauté, comme tu disais, des scientifiques qui sont plus ou moins mis sur le banc de la science par les autres scientifiques parce qu'ils ont des positions en fait qui sont radicalement opposées à ce qui se dit en général dans ces milieux-là. Et pour nous, ça va plutôt être potentiellement des charlatans puisqu'ils ne représentent pas ce qui se fait d'habituellement, ce qui se dit d'habituellement dans la littérature scientifique, alors que pour eux, au contraire, c'est des sortes de Galilée. quoi. Oui,

  • Speaker #1

    alors ça me fait sourire parce que...

  • Speaker #0

    C'est justement une déformation de ce que était Galilée en réalité.

  • Speaker #1

    Oui, aussi, ouais. En fait, je te disais, avec Alexander, on s'est amusé à mettre en place une petite expérimentation. Donc en fait, on va voir ce qu'on en fait derrière, si on arrive à la publier ou pas, et qui irait dans ce sens. Et donc on trouve effectivement ça très intéressant. Alors... Ce qui se passe, c'est que de toute façon, vu que l'idée c'est qu'il existe un complot caché. Donc si c'est caché, nécessairement, par défaut, tu vas partir de l'idée qu'un très petit nombre de personnes savent. Donc ça va émaner de voix minoritaires, d'où le héros, celui qui va venir à l'encontre de tous. Mais en même temps, ça va servir l'un des objectifs des complots. que d'aller à l'encontre du système, puisqu'en fait c'est aussi ce dont se nourrit le complotisme, c'est le fait de rejeter toutes les instances qui incarnent le pouvoir dominant. Donc prendre la tangente, adhérer aux positions déliantes.

  • Speaker #0

    C'est un peu leur moyen à eux de récupérer le pouvoir finalement. Oui, tout à fait. Ça peut prendre différentes formes. Je ne parle pas forcément du pouvoir politique, mais ça peut être le pouvoir politique, mais ça peut être aussi juste le pouvoir sur leur vie. Puisqu'il y a un truc qui revient souvent dans la littérature sur le complotisme, c'est ce lien avec le sentiment de perte de contrôle de sa vie, de la société, des choses qui nous dépassent, etc.

  • Speaker #1

    Oui, et puis effectivement dans les facteurs qui vont augmenter la probabilité d'adhérer à des idées complotistes, tu vas voir par exemple... Le niveau de précarité, donc quand on est en plus grande précarité, on a des raisons d'en vouloir aux élites. Parce que quand on parle des élites, ça va être qui ? Ça va être les politiques qui disposent du pouvoir de décision, les journalistes qui ont le pouvoir de l'information, les industriels qui ont le pouvoir de production.

  • Speaker #0

    Oui, tout va dépendre des représentations qu'on a.

  • Speaker #1

    Les scientifiques qui ont le pouvoir, on va dire, de la définition de ce que c'est la connaissance. Donc on va leur en vouloir parce qu'on va considérer que ceux qui ont le pouvoir ont une part de responsabilité dans le fait qu'on soit soi-même dans la précarité. Et le fait de leur attribuer un rôle dans ce qu'ils vivent, en les responsabilisant, ça va permettre de retrouver du contrôle et de se sentir mieux finalement. Donc ça répond à un besoin psychologique. comme tu le disais, au besoin de contrôle.

  • Speaker #0

    Mais du coup, je t'ai coupé. Je ne sais pas si tu ne voulais pas enchaîner sur autre chose.

  • Speaker #1

    En fait, j'évoquais ce que le complotisme n'était pas. Et donc, en fait, en dépit du fait que les complotistes pensent qu'ils exercent pleinement et bien mieux que nous leur esprit critique, malheureusement, ils ne sont pas dans une démarche sceptique, dans une démarche sceptique valide. Pourquoi ? Parce qu'en fait... Quand on entre dans une démarche d'esprit critique, on en parlait un peu tout à l'heure, c'est comme si on se livrait à une enquête. Mais au début de l'enquête, on ne présage pas de la conclusion à laquelle on va aboutir. Mais dans le cas du complotisme, on part de la conclusion et on va essayer d'abreuver son raisonnement.

  • Speaker #0

    Il y a un complot quelque part. C'est ça.

  • Speaker #1

    On va essayer de trouver tous les éléments qui peuvent venir.

  • Speaker #0

    conforter notre idée de départ et donc en fait on raisonne à l'envers c'est vraiment comme une enquête c'est à dire que comme il y a un complot quelque part qui est caché on va chercher finalement chaque élément qui peut nous montrer ou être un indice que le complot est là sous nos yeux c'est assez rigolo parce que souvent ils vont détecter des signes qui sont Tellement improbable que tu te dis mais personne en fait en tant que comploteur mettrait des signes aussi évidents parce que c'est trop détectable quoi, trop facilement détectable. Et le but d'un complot c'est aussi de ne pas être découvert quand même malgré tout. Mais voilà je sais pas, ils vont interpréter ça après complètement différemment en disant par exemple que si c'est si évident c'est parce qu'ils ont aussi besoin de narguer les autres ou de... de signifier qu'ils ont fait ceci pour réunir d'autres personnes qui ont compris. Et donc, par exemple, Trump qui faisait un signe de la main, il avait été interprété d'une manière complètement extrapolée comme étant le signe qu'en fait il était avec Kuan Yin. Donc voilà.

  • Speaker #1

    J'ai d'ailleurs une question très personnelle à te poser. Pourquoi depuis tout à l'heure tu me fais ces gestes avec tes deux mains, ce triangle ? Qu'est-ce que ça signifie ?

  • Speaker #0

    Ce triangle avec l'œil au milieu,

  • Speaker #1

    tu veux dire ? Oui. Donc oui, donc...

  • Speaker #0

    Donc qu'est-ce que le colomboïdisme n'est pas aussi ?

  • Speaker #1

    Ce ne sont pas... Ce ne sont donc pas des... Enfin, ils ne sont pas dans l'esprit critique.

  • Speaker #0

    Ce ne sont pas des faits enquêteurs, parce que...

  • Speaker #1

    Alors,

  • Speaker #0

    les fois qui... Enfin,

  • Speaker #1

    si, dans le sens où ils peuvent être très intelligents, ils peuvent partir sur des années très approfondies, mais le problème, c'est vraiment celui de la démarche, de l'épistémologie. Oui,

  • Speaker #0

    mais une vraie enquête se fait avec méthode aussi, normalement. Après, même les enquêteurs aussi, des fois, bafouent ces méthodes-là, mais normalement, il y a des méthodes qui sont censées être meilleures que d'autres, même dans les enquêtes. Oui,

  • Speaker #1

    mais tu vois, s'ils n'ont pas la formation, ils n'en portent pas la responsabilité directe. Oui, c'est ça. Parce qu'en fait, je crois que tu disais, c'est pas très fin, mais en fait, des fois, oui, ils peuvent être très fins eux-mêmes, mais juste, ils n'ont pas les outils. Donc, ils ne peuvent pas faire autrement.

  • Speaker #0

    Oui c'est vrai des fois ils détectent des trucs Tu te dis comment ils sont allés chercher ça Des fois c'est même troublant, puis en fait sous une règle générale, en creusant un peu, on se rend compte que cette question ne tient pas à grand chose. Mais des fois ça peut être troublant effectivement, quand on n'a pas non plus les billes en face pour répondre, c'est pas évident quoi.

  • Speaker #1

    D'ailleurs ce qu'évoquait Alexander Samuel, avec lequel, enfin voilà, sur toutes ces questions on a travaillé ensemble et j'échange régulièrement, c'est que, et lui qui les connaît quand même très bien parce qu'il a énormément échangé sur les réseaux sociaux avec eux, etc. directement, Il me disait que parfois, les complotistes avaient une connaissance... des connaissances plus importantes de la littérature, par exemple, que les personnes qui sont restées dans la science. Et donc, ils vont te citer tel article et ça. Le seul problème, c'est qu'en fait, ils ne vont pas traiter derrière l'information correctement. Parce qu'ils n'ont pas les outils.

  • Speaker #0

    Ou parce qu'ils vont, par exemple, prendre un article qui est issu d'un journal prédateur, des choses comme ça, parce qu'ils ne savent pas ce que c'est un journal prédateur.

  • Speaker #1

    Il y a la question du statut de l'information. Donc, voilà. Et en ce sens, ce ne sont pas des imbéciles, en fait. Quand il y a... Parce qu'en fait, là, je pensais à l'imbécilité parce que tu vois, par exemple, je pense aussi à mes étudiants quand on évoque les différents complots et la question de la terre plate. Et puis, ce que j'entends dire, c'est de toute façon, ces Américains, ils sont complètement stupides. Et je dis, ben, eux, non. Alors, je vais leur demander, mais vous, dans quelle mesure vous croyez à l'homéopathie, par exemple ? En général, c'est une question que je pose.

  • Speaker #0

    En quelle mesure vous croyez à la terre ronde ?

  • Speaker #1

    Je te parle de l'homéopathie. Pourquoi ? Parce que là, justement, l'homéopathie, au début de l'année, en général, ils sont nombreux à y croire et sans savoir en fait ce qu'il y a derrière. Et donc, le fait d'avoir une expérience eux-mêmes de ce type, de pouvoir constater derrière que finalement, oui, ils ont été capables d'adhérer à une fausse croyance, Je vais leur dire, mais là... en l'état, en quoi est-ce plus stupide d'adhérer à l'idée que la Terre est plate que d'adhérer à l'homéopathie ? Et tu vois, en fait, ça remet les choses en perspective. C'est qu'en fait, quand une personne n'a pas la possibilité de savoir en quoi sa croyance est fausse, parce que par exemple, on n'a pas à la juger, et donc ça ne relève pas nécessairement de la bêtise, de la crédulité ou autre. Ça va être essentiellement un problème de méthode. Quand on va te dire, mais en réalité, la Terre est plate et on nous cache le fait qu'elle est plate, si tu adhères à à cette prémisse selon laquelle on nous cache que la Terre est plate parce que derrière il y a un complot des élites, des gouvernements. Oui, tu peux t'ouvrir finalement à plein d'idées qui peuvent paraître farfelues. Et quand on va voir d'ailleurs ce qu'en disent les platistes sur cette question de la Terre plate, c'est pas non plus de gus qui viennent comme ça te dire que la Terre est plate.

  • Speaker #0

    Ils sont des études, des exemples, des photos des fois un peu troublantes, des choses comme ça.

  • Speaker #1

    Et je dis des fois aussi, d'ailleurs, que je suis assez troublée, parce qu'il m'est arrivé une fois de faire travailler mes étudiants sur différents complots. Et j'avais un groupe d'étudiantes, en fait, qui a travaillé sur les reptiliens et qui en sont sortis en me disant qu'elles croyaient à l'existence des reptiliens. Et donc j'aurais dit, mais attendez, non ! Et puis en fait, je n'ai pas réussi à les amener à abandonner leur croyance, parce qu'en fait, elles avaient été, par exemple, très troublées par des images qu'elles avaient vues de reptiliens qui auraient laissé des griffes. sur une voiture, elle nous disait mais comment vous pouvez expliquer ça ? Tu vois, donc en fait, voilà, donc bref, les gens ne sont pas stupides. Enfin, moi je pense qu'il ne faut pas privilégier cette hypothèse-là, parce que sinon c'est trop facilement écarté le problème. Il y a les imbéciles d'un côté, et les autres de l'autre.

  • Speaker #0

    Et encore, on n'a pas parlé de tous les paramètres autres, parce que par exemple pour l'homéopathie... Tu as parlé du biais de la preuve sociale, mais effectivement, quand tout le monde autour de toi utilise l'homéopathie, que toi tu en as reçu quand tu es petit, etc. Tu n'as pas vraiment de raison, a priori, de remettre en cause.

  • Speaker #1

    Totalement. Et puis en plus, le pire, c'est que je parlais effectivement de réseau, mais il y a des faisceaux de croyance aussi. Par exemple, je ne sais pas, quand il y a des enfants et que tu veux bien les traiter, donc tu vas peut-être être dans l'homéopathie. et puis tu vas aussi être... dans, je ne sais pas moi, être anti-vax, parce que tu comprends, les vaccins, ça pourrait porter atteinte à ton enfant. Tu vas être obligatoirement dans l'allaitement parce que c'est naturel. Alors même si l'allaitement, c'est bien pour la santé de l'enfant. Mais tu vois, de façon, tu vas avoir des faisceaux d'engagement et de croyance. Et en ce sens, d'ailleurs, il peut y avoir... Par rapport à ces valeurs, alors qu'ils vont nous parler, par exemple dans l'idée de bien s'occuper de son enfant, de ne pas lui porter atteinte, etc. Tu peux avoir des gens aussi, quand on regarde le niveau d'éducation, qui ont... des niveaux d'éducation très élevés qui sont partis se renseigner, mais le problème c'est qu'ils sont partis mal se renseigner. Alors si effectivement le fait d'être issu de niveaux sociaux plutôt défavorisés ça va favoriser le complotisme ce qu'on peut voir c'est que ça peut aussi dépendre de... on va dire, de ses intérêts personnels. Par exemple, de son positionnement politique. Tu as par exemple des personnes qui, du fait de leur volonté de persévérer dans des activités capitalistes, qui vont davantage adhérer aux théories qui réfutent le réchauffement climatique, parce que ça leur permet de ne pas changer leurs activités économiques, et pourtant avec des niveaux d'éducation élevés. Et ces mêmes personnes seront moins perméables à des théories du complot, au contraire d'un autre type qui ne vont pas viser leurs intérêts directs, je ne sais pas, comme la Terre plate.

  • Speaker #0

    Du coup, j'ai une question, quelle serait pour toi la différence entre... Des croyances de type théorie du complot et des croyances autres. Est-ce qu'il y a une différence fondamentale ? Qu'est-ce qui est spécifique peut-être ? Peut-être que c'est cette question-là que je devrais poser. Qu'est-ce qui est spécifique aux croyances complotistes ? Parce que j'ai l'impression que dans tout ce que tu dis, on peut autant l'appliquer au complotisme qu'à n'importe quel type de croyance. Est-ce qu'il y a une spécificité ou pas ?

  • Speaker #1

    Alors oui, il y a une spécificité, mais là où effectivement c'est très intéressant, c'est qu'il y a, comme tu viens de le souligner, il y a énormément de points communs. C'est que dans les deux cas, en fait, ce sont de fausses croyances. Donc la spécificité des théories du complot, c'est qu'en fait, du complotisme, ça va être le fait de suspecter des intentions cachées, la présence d'un complot, etc. Mais ça montre quoi ? Ça montre que de la même façon dont on peut se laisser abuser par de fausses croyances, On peut aussi se laisser abuser par les fausses croyances qui nourrissent les théories du complot et donc en venir à adhérer à des idées complotistes. Ça ne veut donc pas dire que parce que l'on adhère à des idées complotistes, on est ce qu'on peut appeler de complotiste soi-même. Je pense qu'on peut tous adhérer au moins de façon ponctuelle à des idées de type complotiste. regardes On va prendre les antivax. Les antivax ont été traités, qualifiés, pendant la période Covid, de complotistes. Mais en fait non, parce que parmi les personnes qui pouvaient être antivax, il pouvait y avoir aussi ceux qui doutaient, ceux qui justement se laissaient séduire par des discours, ou alors ceux qui étaient dans la crainte. Oui,

  • Speaker #0

    qui entendent des choses et qui ne savent pas trop se positionner. Qui ne sont pas forcément dans le complot.

  • Speaker #1

    Donc en fait, on peut s'engager vers le complotisme, mais ce n'est pas dit non plus qu'on y aille pleinement, parce qu'après, dans la façon dont on va justement qualifier le complotisme, ça va être plutôt un mode de pensée plus général, plus systématique, où la personne ne va pas adhérer qu'à une théorie, parce que finalement, on peut se laisser tous avoir une fois, ou peut-être même aller deux fois. Mais ça va être le fait d'être dans un... un positionnement psychologique qui va nous amener à adhérer en fait à en général une multiplicité de théories du complot.

  • Speaker #0

    Dans le documentaire sur lequel je travaille, Sébastien Dieguez nous a dit un truc que j'ai trouvé assez intéressant, c'est que pour lui le complotisme c'est du coup difficile de différencier réellement par rapport aux autres croyances etc. Et donc ce serait plus une attitude, donc plus des comportements qui vont... devoir être analysés comme étant complotistes plutôt que comme des croyances complotistes qui n'ont pas tant de différence que ça avec les croyances normales. Mais par contre, les attitudes qui vont découler, là où ils seront complotistes, c'est-à-dire la militance qu'on va avoir, les comportements qu'on va avoir, le fait de se réunir entre complotistes, etc.

  • Speaker #1

    Alors là, ça va dépendre parce qu'après, des fois, les individus peuvent se définir en fonction de leur préférence et donc ils vont peut-être se constituer enfin Comment dire ? Ouais, se réunir et se forger une identité, puis après continuer à s'influencer les uns les autres pour s'engager dans une direction donnée.

  • Speaker #0

    C'est-à-dire qu'aujourd'hui, le complotisme, souvent, il est revendiqué. Alors qu'avant, quand on traitait quelqu'un de complotiste, entre guillemets, il prenait mal, ce qui était logique. C'était un peu aussi, des fois, l'objectif de certains de balayer facilement le fait que des idées étaient complotistes, sans avoir du coup à les argumenter contre. À rugbanter contre, pardon. Par contre, aujourd'hui, il y en a beaucoup qui se revendiquent complotistes.

  • Speaker #1

    En fait, le truc, c'est qu'il n'y a pas que les théories du complot. Pourquoi est-ce qu'on va aussi avoir des identités qui se forgent quand les gens sont complotistes ? C'est que le complotisme va être associé souvent à des narratifs. Des narratifs qui peuvent séduire et pire que ça en fait, le complotisme peut être instrumentalisé par par exemple des partis politiques, par des groupes qui ont le pouvoir. Je vais donner un exemple à l'extrême droite. Le fait d'adhérer à la théorie du grand remplacement, ça permet de faire peur aux gens et puis d'aller vers le Rassemblement National dans l'idée que celui-ci va pouvoir les protéger. Donc en fait le complotisme là pour le coup va servir les intérêts de ce parti politique. Le fait également de... de dire que les vaccins sont dangereux, etc. Donc l'extrême droite, on a montré qu'ils étaient très proches des milieux complotistes. Et ça leur sert à quoi ? Ça leur sert à dire que ce que fait le gouvernement, que la façon dont le gouvernement a géré la crise, etc., c'était pas bien du tout. Et du coup, si on disqualifie le gouvernement actuel, ceux qui ont le pouvoir, ça permet d'autant plus facilement de prendre sa place. Là, pour le coup, il peut y avoir de vrais complots. le problème c'est que les complotistes qui pourtant sont friands de complot là ils se font totalement avoir parce que le complot qui se trame en fait vient les instrumentaliser eux, il faut faire attention je pense à ne pas stéréotyper ce que serait le complotisme et réfléchir aussi à la façon dont nous risquons de nous engager dans de fausses croyances complotistes d'adhérer ici ou là à des fausses croyances complotistes. Et comment faire pour essayer de s'en rendre compte ? Essayer toujours d'arriver à voir quels sont les fondements de nos croyances, toujours en essayant d'exercer son esprit critique. Se méfier aussi de ces narratifs qui peuvent nous séduire, de tout ce qui peut nous faire peur. Donc voilà, toutes les raisons pour lesquelles, même dire pour les vaccins, c'est naturel de ne pas se vacciner. Il y a plein de raisons qui vont faire que les gens vont aller vers ces positions-là. Donc développer son esprit critique.

  • Speaker #0

    L'épisode se termine ici aujourd'hui. Pour écouter la suite, il faudra patienter jusqu'au mois prochain. En attendant, vous pouvez commander le livre Complotisme et Manipulation chez votre libraire local préféré et soutenir le podcast sur Tipeee ou LibéraPay. A bientôt !

Chapters

  • Intro

    01:59

  • Présentation

    02:09

  • Qu'est-ce qu'une croyance ?

    03:33

  • Des épistémologies différentes

    07:26

  • Pourquoi adhérer a de fausses croyances ?

    13:41

  • Conséquences des fausses croyances

    20:38

  • La question de la liberté d'expression

    23:09

  • Qu'est-ce que le complotisme ?

    33:37

  • Les Théories du complot : des croyances ordinaires ?

    51:01

  • Outro

    57:37

Description

Aujourd'hui nous allons plonger au cœur d'un phénomène qui fascine autant qu'il divise : le complotisme. Pourquoi tant de gens croient-ils à des théories alternatives, où un groupe d’individus cachés et malveillants tirent les ficelles de nos sociétés ? Et quoi de mieux que la psychologie sociale pour comprendre un phénomène aux dimensions multiples, qui touche à la fois à la manière de voir le monde, aux raisonnements, mais également à la société et à ses mécanismes qui nous guident et nous façonnent ?

Pour en parler, j'ai le plaisir d'accueillir Séverine Falkowicz, spécialiste de l'influence sociale et de la manipulation comportementale, elle est également co-autrice du livre “Complotisme et manipulations. Petit guide pour déjouer les fausses croyances, fake news, et autres fadaises”, au éditions Book e Book, avec Alexander Samuel, Thierry Ripoll et Fabien Girandola. À travers ce podcast, elle nous éclairera sur les mécanismes socio-psychologiques qui sous-tendent les théories du complot. Si vous vous poser des questions sur le complotisme, il est probable que vous trouviez des réponses en nous écoutant.

Avant de commencer je tenais tout particulièrement à remercier Eliot et Clémence d’avoir eu la gentillesse de nous accueillir chez eux jusqu’à 2h du matin pour enregistrer cet épisode ! Encore une fois, un grand merci !


Soutenir mon travail :

https://fr.tipeee.com/projet-utopia

ou

https://fr.liberapay.com/Projet_Utopia/ 


Les livres de Séverine :

https://www.book-e-book.com/livres/225-complotisme-et-manipulation.html

https://www.editions-eyrolles.com/livre/au-coeur-de-l-esprit-critique


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Chers utopistes, bonjour et bienvenue dans le podcast du projet Utopia, un podcast qui s'intéresse aux rapports entre science et société. Et voilà, c'est déjà la saison 4 du podcast. 4 ans à discuter avec des spécialistes sur des questions scientifiques. Depuis 4 saisons, je produis ce podcast avec mes propres deniers en essayant d'améliorer la qualité à chaque saison. Heureusement, quelques-uns d'entre vous ont soutenu ce travail, ce qui m'a permis de parfaire mon matériel et me motive pour continuer à vous proposer du contenu de qualité. Pour faciliter ces dons, et si vous avez aussi envie de soutenir le podcast, sachez que je viens d'ouvrir un compte Tipeee, vous trouverez le lien en description. Alors de quoi allons-nous parler aujourd'hui ? Et bien nous allons plonger au cœur d'un phénomène qui fascine autant qu'il divise, le complotisme. Pourquoi tant de gens croient-ils à des théories alternatives où un groupe d'individus cachés et malveillants tirent les ficelles de nos sociétés ? Et quoi de mieux que la psychologie sociale pour comprendre un phénomène aux dimensions multiples qui touche à la fois à la manière de voir le monde, au raisonnement, mais également à la société et à ses mécanismes qui nous guident et nous façonnent ? Pour en parler, J'ai le plaisir d'accueillir Séverine Falkovitch, spécialiste de l'influence sociale et de la manipulation comportementale. Elle est également co-autrice du livre Complotisme et manipulation, petit guide pour déjouer les fausses croyances, fake news et autres fadaises, aux éditions Booky Book, écrit avec Alexander Samuel, Thierry Ripoll et Fabien Gérandola. A travers ce podcast, elle nous éclairera sur les mécanismes socio-psychologiques qui sous-tendent l'univers des complotistes. Si vous vous posez des questions sur le complotisme, il est probable que vous trouviez des réponses en nous écoutant. Et avant de commencer, je tenais tout particulièrement à remercier Elliot et Clémence d'avoir eu la gentillesse de nous accueillir chez eux jusqu'à 2h du matin pour enregistrer cet épisode. Encore une fois, grand merci. Séverine, bonjour, je suis ravi de t'accueillir dans ce podcast. Est-ce que tu peux d'abord te présenter s'il te plaît ?

  • Speaker #1

    Oui, bonjour. Je suis maître de conférence en psychologie sociale, je fais partie du laboratoire de psychologie sociale d'Aix-en-Provence. Je suis aussi psychologue sociale et en termes de champ de recherche, je travaille dans le champ de l'influence sociale et de la manipulation, manipulation comportementale notamment. Et je suis également la coautrice d'un ouvrage d'introduction à l'esprit critique qui s'appelle Au cœur de l'esprit critique et Au cœur du complotisme avec notamment Alexandre Samuel, Fabien Gerandola et Thierry Ripolle. Et puis bon après voilà d'autres projets encore derrière, sans doute encore un bouquin sur la psychanalyse, pourquoi croit-on à la psychanalyse, mais ça viendra un petit peu plus tard dans l'année.

  • Speaker #0

    Et donc nous sommes réunis autour de ce thème là de, pas de la psychanalyse mais du complotisme, et donc je suis ravi aussi parce que c'est vraiment un thème moi qui m'intéresse énormément puisque je travaille en parallèle sur un documentaire sur ce thème là, et il y a beaucoup beaucoup beaucoup beaucoup de choses à dire. Donc là on va essentiellement parler de l'angle de la psychosociale, puisque c'est vraiment ton domaine. Et c'est aussi, pour les gens qui ne savent pas, c'est aussi, je pense, le domaine scientifique qui a le plus étudié le complotisme finalement. Il y a la psychologie en général, mais la psychosociale en particulier. Pour parler de complotisme, on peut commencer, je pense, par parler des croyances.

  • Speaker #1

    Oui, pourquoi pas. Alors, disons qu'on pourrait se demander effectivement qu'est-ce que c'est qu'une croyance. Alors, au départ, tout est croyance, tant qu'on n'a pas procédé à des investigations. Donc si on prend... Une croyance en particulier, on peut essayer de l'évaluer. Et quand on va l'évaluer, si à l'issue de nos tests, on arrive à trouver des éléments qui vont nous permettre de cautionner cette croyance, eh bien, on va s'avancer du côté de la connaissance. Si par contre, on se rend compte du fait que la croyance ne tient pas par rapport à la réalité, par rapport aux éléments factuels, du fait des méthodes d'investigation qu'on utilise, et bien là on sera de l'autre côté, on va dire, d'une échelle, de ce qu'on pourrait considérer comme un continuum, on sera du côté des fausses croyances. Après, il y aura des croyances que l'on n'est pas en mesure d'évaluer, parce que, par exemple, elles ne se prêtent pas à l'investigation, on n'a pas techniquement la possibilité de les tester. Il y a d'autres croyances encore qu'on n'aura pas eu le temps d'évaluer, donc ces croyances, pour l'instant... On peut les considérer comme des croyances en ne sachant pas trop quel est le statut qu'on doit leur accorder. Ça ne veut pas dire qu'elles seront nécessairement fausses ou vraies, on ne saurait se prononcer.

  • Speaker #0

    Mais il peut y avoir aussi des fausses connaissances. Parce que tu disais que les connaissances c'est plus des croyances vraies, mais c'est vrai qu'il peut y avoir aussi des fausses connaissances. Des choses qui ont été validées, mais on se rend compte plus tard, par exemple, que c'est toute la complexité de la science.

  • Speaker #1

    Oui, on est effectivement sur un continuum. Donc, disons que quand avec de la méthode, on s'avance du côté de la connaissance, on va déplacer le curseur vers la connaissance. Mais ensuite, parfois, quand on poursuit les investigations, quand on dispose de meilleures méthodes encore, ou quand, par exemple, on se rend compte que les études ont été biaisées, là, on est capable. dans le champ de la science d'ajuster le statut qu'on attribue à une information. Et en ce sens, la science, en fait, elle se remet en permanence en question, même si, le plus souvent, du point de vue des méthodes que l'on utilise, c'est suffisamment fiable, c'est suffisamment solide pour considérer qu'on peut avoir parfois des acquis. Et donc, il y a clairement certaines de nos connaissances que l'on ne remettra pas en question. Et donc l'idée c'est également de sortir de l'idée d'un relativisme, tout ne se vaut pas, et même si effectivement parfois, en dépit des précautions que l'on prend, des méthodes que l'on utilise dans le champ de la science, il y a à redire, les méthodes scientifiques nous permettent de sortir de notre subjectivité, et en leur faisant confiance, c'est le meilleur moyen dont on dispose pour... essayer de se positionner sans trop prendre de risques.

  • Speaker #0

    En gros, ce que tu veux dire, c'est qu'on peut considérer qu'il y a différentes formes de croyances, et qu'il y en a certaines qui sont plus solides que d'autres, plus crédibles que d'autres, où on a le plus d'éléments pour estimer qu'elles sont valables, et donc que ce sont des connaissances. Et du coup, le complotisme, il se positionne comment là-dedans ?

  • Speaker #1

    Le complotisme... Il pose souci du point de vue des croyances dans la mesure où il se nourrit de fausses croyances. Alors pas seulement bien sûr, mais il est important pour nous d'arriver à attribuer correctement à une croyance son statut, c'est-à-dire savoir si une croyance va être vraie ou fausse, savoir où elle va se situer, parce que si on élabore nos raisonnements sur la base de fausses croyances, on ne pourra pas. pas tirer les bonnes conclusions.

  • Speaker #0

    Tout simplement. Mais aussi, si on n'a pas les mêmes croyances, si les socles de croyances ne sont pas les mêmes selon les individus, ça ne pose pas de problème lorsque nos relations n'ont pas d'importance liées à ces croyances-là, mais dès que ces croyances sont au cœur de nos relations communes, ça peut poser problème. Donc par exemple, dans le champ social, dans la politique, on fait des choix politiques, des choix sociaux, les... La croyance des individus, elle rentre forcément en ligne de compte. Le problème, c'est que lorsqu'on est face à des personnes qui n'ont pas du tout la même épistémologie finalement que nous, avec des croyances complètement différentes, un ensemble de croyances complètement différentes, comment on arrive en fait à construire quelque chose ensemble ? Comment on arrive à faire société en fait avec ces gens-là ? Je pense que c'est un des problèmes que peut poser le complotisme lorsqu'il rentre vraiment dans le champ de la politique, de la société, etc.

  • Speaker #1

    J'aime bien l'expression que tu as employée. Tu as parlé des personnes qui n'avaient pas la même épistémologie que nous. L'épistémologie, ce n'est pas subjectif. Déjà, peut-être donner une définition de ce que c'est que l'épistémologie. Il s'agit de la façon dont nous construisons nos connaissances, comment nous élaborons la connaissance. Donc, pour s'entendre, il faut effectivement savoir comment... Quels sont les critères qui nous permettent de retenir ou de rejeter un élément d'information donnée ?

  • Speaker #0

    Comment on peut s'accorder sur telle ou telle information, tel ou tel élément, telle ou telle croyance ou connaissance ?

  • Speaker #1

    Ça pourrait être important que les gens que nous nous formions tous à l'épistémologie, parce qu'en fait on a de bonnes raisons parfois de retenir ou de rejeter un élément donné. Je peux peut-être donner un exemple, mais une personne qui va accorder du crédit à une information tout simplement parce qu'elle a été énoncée par une personne célèbre, si c'est son seul critère, elle va être victime peut-être de ce qu'on appelle la preuve sociale. Donc si après elle a d'autres raisons complémentaires et qui en viennent davantage à questionner les fondements, de son adhésion à cette croyance. Là, peut-être qu'elle aura des arguments qui auront plus de valeur. Donc, si nous nous accordions sur ces critères d'adhésion et de rejet, on arriverait à mieux s'entendre. Ça, c'est le premier point. D'où l'intérêt, à mon sens, de se former davantage à l'esprit critique, qui nous permet effectivement de maîtriser ce qui relève de l'épistémologie. Savoir, par exemple, quand on traite l'information, quels sont les facteurs qui peuvent nous induire en erreur. Par exemple, les biais cognitifs, les heuristiques de raisonnement. qui vont faire qu'on va aller vers une information plutôt qu'une autre, parce qu'on préfère aller dans cette direction-là. En termes de biais, on peut parler aussi du biais de confirmation d'hypothèse. Et puis, notre esprit critique aussi, on va le nourrir par des connaissances. Donc, ces connaissances de base, ce que nous avons élaboré et que nous considérons être solide, d'où est-ce que ça vient ? Comment avons-nous construit aussi ? notre culture générale, personnelle. Et parfois, nous avons des connaissances auxquelles nous croyons fortement, qui vont constituer les prémices de nos modes de raisonnement. Et quand nous ne partageons pas les mêmes prémices, ça va être difficile de s'entendre, premièrement. Et de la même façon, dans la façon dont on va articuler ces prémices, les unes par rapport aux autres, là encore... des différences en fonction de plein de paramètres. Et là aussi, ça peut poser souci. On peut, au final, même quand on échange en toute bonne foi, ne jamais parvenir à se rencontrer.

  • Speaker #0

    Pour moi, c'est un des problèmes fondamentaux du complotisme dans la société. Et notamment lorsque ce complotisme-là devient quelque chose d'extrêmement radical dans le sens où on est en train de vivre en France. une radicalisation vers l'extrême droite d'une certaine partie de la population. Et je pense que ça peut potentiellement influencer la direction politique de la France bientôt. Donc c'est quand même des questions qui doivent vraiment se poser au cœur de la société actuellement. Et je trouve qu'on n'en parle pas suffisamment.

  • Speaker #1

    Oui, tout à fait. Alors je vais effectivement donner un exemple. Donc si on échange par exemple sur une question de santé tout d'abord. Et que... Oh putain. Si moi, je dis par exemple, oui, mais l'Organisation mondiale de la santé dit que, et pour moi, si ça représente un organisme qui est le plus souvent fiable, même si ça n'est pas systématiquement le cas, parce qu'il faut toujours rester en alerte d'un point de vue méthodologique, voir comment... Comment ? Ceux qui argumentent construisent leur mode de raisonnement. Mais bon, admettons que moi, je considère que l'OMS soit fiable. Si je suis face à une personne qui adhère à des croyances complotistes en matière de santé, elle pourra peut-être me dire, « Ah non, mais l'OMS, moi, je rejette ces organismes-là. » Et donc, on ne pourra pas s'entendre. Et donc, nos appuis même ne seront pas les mêmes. Donc, ça posera souci. dans le champ de la politique, pareil, en fait, tu peux avoir des gens, effectivement, qui glissent vers l'extrême droite simplement en rejetant ceux qu'ils considèrent comme ayant le pouvoir actuellement. Et donc, un rejet des élites responsables de tous les maux. Oui, totalement. Donc, ça peut participer à la montée du fascisme. Parmi... De multiples autres causes.

  • Speaker #0

    Oui, bien sûr, c'est pas la seule, évidemment. Du coup, pourquoi est-ce qu'on adhérerait à des croyances qui sont fausses ? C'est quoi, en fait, qui pourrait nous conduire à faire ça ? Puisque, a priori, on a tous envie d'être dans le vrai, tu vois. Je pense que la plupart des gens, ils sont pas pour envie d'être dans le faux. Ils se positionnent pas comme ça. Donc, qu'est-ce que c'est qui nous pousse à avoir des croyances ? Alors, là, on parle vraiment de croyances fausses, mais après, on pourrait dériver vers vraiment des croyances complotistes qui sont pour moi... qui peuvent devenir complètement décalés, en décalage total en fait avec la norme, avec les croyances qui sont dans la société en général. Donc est-ce que c'est juste justement une réaction contre les normes sociales ? Ou est-ce que ça va au-delà de ça ?

  • Speaker #1

    Non j'allais dire en plaisantant mais attends, là c'est un faux dilemme. Non, c'est une idée contrôlée.

  • Speaker #0

    Tu as raison.

  • Speaker #1

    Alors non, en fait tu pourrais avoir des gens qui te disent que si les gens vont dans les directions dans lesquelles ils veulent aller, c'est parce qu'ils veulent bien y aller. Moi, je ne suis pas certaine que ce soit toujours le cas au départ. Pourquoi ? Parce qu'en fait, même si effectivement, quand on demande aux gens quelles sont leurs positions et qu'on essaye de les faire changer, et qu'on constate le plus souvent qu'on a beaucoup de mal à les faire changer, donc l'idée est de... Ce qu'on va en déduire, c'est qu'on n'arrive pas facilement à faire changer les gens. Sauf qu'en fait, quand on prend les gens qui au départ ne sont pas positionnés et qu'on essaye de les amener dans une direction, dans ces moments-là, on voit que finalement ça peut être assez facile de les amener soit d'un côté, soit du côté inverse.

  • Speaker #0

    Est-ce que tu peux donner un exemple ?

  • Speaker #1

    Oui, je vais donner un exemple. Donc, imaginons une personne qui soit intéressée par la connaissance de soi. Et dans ces rencontres, elle commence soit par rencontrer un psychiataliste, soit par rencontrer une personne qui vient, par exemple, parler de psychologie sociale expérimentale. Je suppose que dans les deux cas, elle sera enthousiaste. Elle sera enthousiasmée même. Et donc, peut-être qu'ensuite, elle va s'engager dans cette direction-là. d'un côté ou de l'autre, suivant le contexte, et que si derrière, ensuite, on vient l'attaquer sur ses positions, et bien, effectivement, ce sera possible qu'elle reste sur ses positions initiales. Mais donc, au départ, elle aura été, par le contexte, peut-être amenée à s'engager d'un côté ou de l'autre. Donc, je pense que dans les positions auxquelles nous adhérons, parfois quand nous adhérons à de fausses croyances, et là, pour le coup, la psychanalyse est une pseudoscience, c'est-à-dire que c'est une non-science, Nous dépendons de nos rencontres,

  • Speaker #0

    du contexte. En fait, on change difficilement d'avis une fois qu'une croyance est ancrée. Oui. Une fois qu'on a une vision du monde qui est assez affirmée. Sinon, on est assez souple. C'est ça que tu veux dire. Alors,

  • Speaker #1

    au départ, je pense qu'on est effectivement perméable. Et d'ailleurs, on n'a pas de raison de ne pas l'être, puisqu'on est là pour apprendre. Alors après, effectivement, au-delà de ce contexte, on peut avoir des préférences. Par exemple, on peut être davantage tenté par l'idée Merci. de partir explorer l'inconscient, que par l'idée d'aller décrypter des expérimentations scientifiques de psychologie sociale, avec des paramètres qui vont nous permettre d'avancer, on va dire, de façon plus solide, mais peut-être un peu moins rapidement, un peu moins intuitivement, subjectivement, alors que peut-être on a envie de chercher en soi, dans sa représentation de la façon dont on peut travailler sur soi-même, si ça ne cadre pas, ça sera peut-être un peu moins ludique. Donc... il peut y avoir aussi des préférences personnelles. Donc tout ça peut interagir avec...

  • Speaker #0

    Il y a des préférences personnelles qui sont basées sur quelque chose. Elles sont basées sur un vécu aussi, sur une représentation du monde. Oui, tout à fait. Donc on a construit aussi, qu'on a appris, qu'on a construit au fur et à mesure du temps.

  • Speaker #1

    On aura été aussi conditionnés, parce qu'effectivement, imagine que depuis que tu es petit, on t'est amené à développer ta pensée analytique. Tu vas peut-être aussi avoir besoin de preuves, et tu vas peut-être avoir cette appétence pour le fait de décortiquer. les expérimentations, et puis comprendre aussi l'intérêt que ça peut représenter. Et de l'autre côté, si au contraire, en termes de personnalité, tu as envie de quelque chose de plutôt rapide, facile, ou alors de mystérieux, il y a des choses qui vont faire écho par rapport à la façon dont on réagit. Il y a vraiment une interaction entre l'individu, le contexte, et puis il y a une chose aussi dont on ne parle pas en termes de contexte, c'est... toutes les personnes qui nous environnent. Je parlais de preuves sociales tout à l'heure. Mais si tu es dans un groupe d'amis aussi qui te dit, viens voir la psychanalyse, c'est génial, et qu'en fait, on y va à plusieurs, ou alors qu'une personne va t'introduire pour aller, je ne sais pas moi, aller voir un acupuncteur, en te disant, tu vas voir, ça fonctionne. Et donc, les rupolations...

  • Speaker #0

    Oui, ça me fait beaucoup de bien. Ma grand-mère aussi, elle adore. Mon père, il ne pense plus que... Il ne parle plus que de ça. C'est trop bien. Et tout machin.

  • Speaker #1

    ça a marché chez ma belle-sœur. Aussi, en fait, c'est pour ça que, là encore, l'esprit critique, le fait de connaître un peu quelles sont les raisons qui nous semblent logiques, mais qui ne sont pas valables pour valider un point de vue, être capable de les repérer, peut-être pas pour systématiquement les discréditer, mais pour comme une alerte se mettre en place et se dire bon attention, là il faudrait peut-être que je ne m'engage pas tout de suite dans cette direction là et que j'aille checker davantage oui après il faut avoir les compétences pour savoir analyser les informations qu'on va checker c'est un autre souci donc formation à l'esprit critique et même là en fait comment dire, avoir les bonnes prémices aussi parce que pareil il y a Si tu n'as pas les bonnes prémices,

  • Speaker #0

    si tu n'as pas les bonnes compétences ou les bonnes connaissances, tu peux effectivement mal interpréter ce que tu vas lire ou carrément ne rien.

  • Speaker #1

    Même par exemple si tu rentres dans des procès d'intention, ce qui se passe aussi souvent dans le cadre du complotisme, on va suspecter... des complots cachés. Parce que c'est vrai qu'on n'a même pas encore donné la définition du complotisme.

  • Speaker #0

    Oui, parce qu'on n'en parle pas tout à fait directement encore.

  • Speaker #1

    En fait, le problème, c'est qu'on ne va pas raisonner correctement. Parce qu'on ne va pas partir faire une enquête, mais on va peut-être partir avec en tête, finalement, des éléments d'information qu'on a ajoutés soi-même et qui vont diriger notre enquête.

  • Speaker #0

    Entre guillemets, on sait ce qu'on cherche.

  • Speaker #1

    Exactement.

  • Speaker #0

    donc on ne pourra même plus parler d'enquête en fait c'est un petit peu comme dessiner une cible autour d'une flèche quelque part croire en des fausses croyances on a dit tout à l'heure que ça pourrait avoir des conséquences dans la société selon certains contextes mais en général c'est pas tellement gênant peut-être que la plupart des gens ils ont des croyances fausses comme ça de croire que tel truc fonctionne que tel truc existe qu'ils croient aux esprits ou pas aux esprits etc Quelles peuvent être les conséquences ? Est-ce que tu penses qu'il peut y avoir des conséquences grades ou est-ce que c'est pas si grave que ça ? Puisqu'on est tous des êtres de croyance, on a tous un minimum de croyance et donc parmi elles, certainement des croyances fausses aussi. Donc voilà, qu'est-ce que tu aurais à dire par rapport à ça ?

  • Speaker #1

    Alors dans mon positionnement, là il y a une part de positionnement personnel. Moi je pense qu'il n'est pas de petites fausses croyances. Pourquoi ? Parce que si on prend par exemple l'astrologie, on pourrait se dire ça va, c'est gentil, il croit qu'il est bélier. Mais en fait, le problème qui se pose, c'est que quand on adhère à l'astrologie, après tout, pourquoi pas penser qu'il existe des choses magiques ? Et donc en fait, ça va peut-être venir conditionner notre rapport à la science. Par conséquent, peut-être qu'adhérer à une fausse croyance de ce type, ça va nous amener à adhérer à d'autres fausses croyances, et de proche en proche, jusqu'où est-ce qu'on est capable d'aller ? Ça pose souci. Ça c'est le premier point. Le deuxième point c'est qu'en plus les gens qui en général adhèrent à de fausses croyances, comme tout le monde, ne vont pas se contenter d'y croire dans leur coin. Ils vont en parler, ils vont les diffuser autour d'eux. Et donc on va porter atteinte aussi aux autres et puis ça aura des conséquences collectives. Si on regarde par exemple ce qui se passe sur les réseaux sociaux, il y a des gens qui des fois diffusent de fausses croyances de façon massive et on... On ne peut pas considérer que ce soit bien de les laisser s'exprimer sans pouvoir dire que non, c'est faux, non, on n'est pas d'accord.

  • Speaker #0

    Pas forcément les interdire de s'exprimer, mais en tout cas répondre, avoir une réaction face à ça et ne pas les laisser juste diffuser.

  • Speaker #1

    C'est pour ça que j'ai dit non pas les laisser s'exprimer, c'est les laisser s'exprimer sans dire non. C'est-à-dire qu'en fait il faut dire quand les choses ne sont pas correctes. On ne peut pas se contenter de dire d'ailleurs que les choses ne sont pas correctes. Il faut aussi expliquer pourquoi on considère qu'elles ne sont pas correctes, c'est-à-dire, là encore, en revenir au fondement, pour pouvoir s'assurer aussi nous-mêmes que ce qu'on dit est correctement construit. Pourquoi ? Si tu veux, on peut peut-être parler de liberté d'expression. Donc, certains ont des positionnements bien tranchés sur cette question-là.

  • Speaker #0

    Surtout aux Etats-Unis en ce moment, la liberté aux Etats-Unis c'est quelque chose de très important en général, et la liberté d'expression est extrêmement valorisée par Donald Trump et surtout Elon Musk, et là on est quand même dans un contexte où... C'est des personnes qui nous écoutent peut-être plus tard. Là on est dans le contexte où Donald Trump vient d'être réélu il y a quelques temps, assez récemment, et où il commence à se mettre en place certaines choses avec Elon Musk qui ne sont pas très ragoûtantes. en tout cas en termes de démocratie. Et ils mobilisent énormément cette idée de la liberté d'expression. Je ne sais pas si tu voulais aussi parler de ça, mais moi je trouve que c'est un sujet d'actualité.

  • Speaker #1

    Oui, alors en fait la problématique est la même aux États-Unis qu'en France, sur le fond. Je pense qu'en fait on analyse mal les choses. Je vais évoquer les positions des uns et des autres en ce qui concerne cette fameuse liberté d'expression. Il y a, on va dire, les tenants de la bienveillance. tel que le concept est utilisé le plus souvent sur les réseaux sociaux. Cette bienveillance qui est revendiquée, soi-disant parce qu'on devrait respecter les opinions des uns et des autres, être ouvert,

  • Speaker #0

    être... doivent pouvoir s'exprimer, etc.

  • Speaker #1

    vont en fait tolérer toutes les expressions, et même donc la diffusion de fausses croyances. Ça a des conséquences négatives pour les gens, c'est qu'en fait ceux qui vont être exposés à des discours qui promeuvent les fausses croyances vont être pour partie au moins influencés. pensées par ces discours et ça aura des conséquences pour eux négatives. Donc la diffusion de fausses croyances a des conséquences délétères.

  • Speaker #0

    On rappelle que les fausses croyances, c'est vraiment des croyances qui ont été démontrées fausses. On ne parle pas de croyances qui pourraient être fausses, etc. On parle de croyances vraiment démontrées fausses ou potentiellement dangereuses.

  • Speaker #1

    D'ailleurs, dans le champ de l'esprit critique, je tiens à rappeler... que si on va lutter contre les fausses croyances, on ne va pas lutter contre toutes les fausses croyances, on va lutter contre les fausses croyances délétères. C'est-à-dire contre les fausses croyances dont on sait qu'elles vont porter atteinte aux gens. Donc, lutter contre ceux qui, au nom de la liberté, diffusent de fausses croyances en leur opposant des contre-arguments... pour énoncer le fait que leurs positions sont fausses, ça correspond au fait d'essayer de protéger ceux qui sont exposés aux conséquences potentielles de ces fausses croyances.

  • Speaker #0

    Donc... Oui, c'est aussi un moyen pour ces gens qui mobilisent la liberté d'expression d'imposer leurs propres croyances dans le débat public, alors que des fois, elles n'ont pas lieu d'être.

  • Speaker #1

    Oui. Alors là, tu me parles de ceux qui les génèrent. Moi, j'évoquais déjà les personnes, en fait, plutôt qui laissaient. faire. Donc, la position qui consiste à dire les sons, les gens s'exprimer indépendamment de la nature de l'expression.

  • Speaker #0

    C'est la noula,

  • Speaker #1

    quoi. Donc, si je reviens justement à cette question de la bienveillance, en fait, en réalité, on n'est pas bienveillant quand on laisse s'exprimer des positions fausses parce que la bienveillance, elle peut aussi se définir autrement. Moi, je fais la distinction entre deux types de bienveillance. Donc, une bienveillance relationnelle, qui va consister à respecter son interlocuteur, à être humain, à lui permettre, effectivement, peut-être d'être confortable dans ce que la personne va dire. Et je pense que cette bienveillance relationnelle, elle est importante, mais elle n'est pas suffisante. Il faut aussi, je pense, si on veut vraiment revendiquer une position bienveillante, mais bienveillante de justement au sens propre du terme, c'est-à-dire chercher à offrir aux autres ce qu'il y a de meilleur, veiller sur les gens, bienveillance, donc on va dire bien vouloir. Bon, donc la deuxième forme de bienveillance, ce sera une bienveillance épistémique qui consiste aussi à essayer de faire en sorte que les positions qui sont diffusées soient les positions les plus justes. Sur la base, bien sûr, les plus fiables. Sur la base, en fait, de ce qui nous permet de dire qu'une position est fiable ou non. C'est pas non plus, on n'est pas dans la subjectivité là. Quand on revendique le fait qu'une croyance soit fausse, on ne va pas le faire comme ça parce qu'on en a juste envie, mais parce qu'en fait, on aura vraiment déterminé le fait qu'elle est fausse. Donc, ça c'était le premier point, cette notion de bienveillance. Le deuxième point... C'est que quand on parle de liberté d'expression, souvent on pense qu'on parle de liberté, mais ce n'est pas le cas. Parce que si justement une liberté d'expression débridée a des conséquences négatives dans nos choix, dans nos comportements, si on en vient à mal se soigner, on en vient à mal voter, on en vient à mal se connaître, parce qu'on va par exemple partir dans les dérives... Du développement personnel, de la psychanalyse, de l'astrologie, enfin voilà. Qu'est-ce qui va se passer de la psychologie ? Parce que aussi dans le champ de la psychologie, en dépit du fait que la psychologie soit une science, il y a parfois des psychologues aussi qui partent dans les dérives ou qui vont se mettre à être séduits par des... comment dire ? des méthodes qui n'ont pas été éprouvées par la science et d'ailleurs ça va à l'encontre de notre code de déontologie bref, quand on fait ça vu que ça a des conséquences négatives pour nous parce que nous sommes influencés négativement, alors que nous n'aurions pas dû l'être, en fait, on contrevient à un grand nombre d'autres libertés, qui sont les nôtres, à savoir la liberté de choisir en connaissance de cause,

  • Speaker #0

    de façon éclairée. Même quand tu parlais de soigner soi-même, lorsqu'on adhère à des fausses croyances par rapport à soi-même, on va générer après des prophéties autoréalisatrices.

  • Speaker #1

    Oui.

  • Speaker #0

    Et donc, nous interpréter nos propres comportements, nos propres... envie, besoin, etc. par le biais de ces fausses croyances et donc ne pas finalement mettre le doigt sur les véritables causes, enjeux ou envies qu'on peut avoir en réalité.

  • Speaker #1

    Totalement, je peux donner deux exemples même. Le premier ça va être le fait de croire à l'astrologie et de dire, tiens, en fait, moi si je suis têtu, c'est parce que je suis bélier. et donc une personne qui peut être... aurait pu être un peu plus ouverte aux positions des autres, vu qu'elle a cette image d'elle-même, parce qu'on lui a attribué cette étiquette, on l'a amenée à croire à l'astrologie, peut-être depuis qu'elle était petite. En fait, elle va dire, moi, je suis comme ça, elle ne va pas se remettre en question, alors qu'elle aurait totalement les moyens de le faire. Ça, c'est le premier exemple. Deuxième exemple, l'hypersensibilité. Il y a plein de psys qui pensent qu'on peut considérer qu'il y a des gens hypersensibles, etc. Alors qu'en fait, ce n'est pas le cas. L'hypersensibilité étant associée, par exemple, à des ressentis très forts au niveau des émotions, etc. Du coup, les gens vont se penser parfois hypersensibles alors qu'ils auront peut-être en arrière-fond des problèmes de gestion émotionnelle. Au lieu, par exemple, pour le coup, de se dire, « Tiens, comment je peux essayer de mieux gérer mes émotions ? » Et pourquoi pas, s'il y a besoin, en allant voir, je ne sais pas, un psychologue, par exemple, qui travaille dans le champ des thérapies cognitives ou comportementales, où on a de vrais outils pour aider à la gestion de soi, ils vont rester dans leur position en se disant, « C'est ainsi, je suis trop sensible pour le monde cruel dans lequel nous vivons, je suis malheureux et... » Et c'est ainsi. Donc, vous voyez, en fait, tu vois, on a une fausse représentation de soi, une fausse représentation de la réalité, de la façon dont les choses fonctionnent. Et ça va nous induire en erreur quant à la façon dont nous nous concevons, dont nous agissons et dans notre rapport aux autres.

  • Speaker #0

    Oui. Non, mais c'est sûr.

  • Speaker #1

    Et donc, parce que du coup, je n'avais pas énoncé explicitement ce que je voulais dire, c'est qu'en fait, la liberté d'expression, elle va contrevenir à d'autres libertés, comme notre liberté de mieux nous connaître, de mieux voter, de mieux nous soigner. Je l'avais peut-être dit déjà, mais c'est très bien de le redire.

  • Speaker #0

    Mais par contre, ce qui est intéressant, c'est qu'on dit souvent que la liberté des uns s'arrête là où commence celle des autres. Mais en fait, on peut dire aussi finalement, avec cet angle-là, ça peut aussi avoir des conséquences sur soi-même.

  • Speaker #1

    elle s'arrête aussi là où commence notre propre liberté finalement c'est assez paradoxal tu vois la liberté des uns s'arrête là où commence notre propre liberté parce qu'on va porter atteinte aux autres aussi par la diffusion de ces idées là donc en fait ça n'est pas une question de on porte atteinte à soi même là je disais là où s'arrête celle des autres dans ce sens là mais ça c'est

  • Speaker #0

    parce que c'est une formulation connue et j'aime bien du coup mettre le côté paradoxal de soi même ça c'est marrant

  • Speaker #1

    Je me suis amusée à faire un post d'ailleurs sur le sujet, dans lequel j'ai écrit qu'en fait, la phrase d'origine, c'était pas « la liberté s'arrête là où commence celle de son voisin » . moi j'ai restitué la phrase d'origine qui est la liberté s'arrête là où commence celle de son voisin qui s'il avait eu accès ou à des informations correctes, n'aurait pas fait le choix dans lequel il s'est engagé. Voilà. Donc en fait...

  • Speaker #0

    Bien fait pour lui.

  • Speaker #1

    C'est ça.

  • Speaker #0

    Est-ce que tu peux arriver à relier, du coup, toutes ces thématiques-là qu'on vient d'aborder au complotisme ?

  • Speaker #1

    Alors, déjà peut-être dire que... Enfin, le complotisme, on a tendance à penser... qu'il y a d'un côté les complotistes et de l'autre, nous. Et donc avec un regard très stigmatisant du complotisme, peut-être caricatural, ça c'est un premier point. Et le deuxième point, au final, c'est qu'on en entend tellement parler de partout, en disant « ah, tu es complotiste, c'est complotiste » , qu'on ne sait même plus ce que c'est que le complotisme. Oui,

  • Speaker #0

    on pourrait le définir avant.

  • Speaker #1

    Exactement. Donc je vais en revenir peut-être. Peut-être que ce que je te propose, c'est de commencer par définir ce qu'est le complotisme. Oui, on va faire ça. Et puis ça pourrait être intéressant aussi de voir ce qu'il n'est pas. Donc être complotiste, ça consiste à penser qu'il existe un complot caché par en général soit des élites, un petit groupe de personnes, mais ça peut être aussi des groupes de personnes qu'on n'apprécie pas nécessairement, donc dans l'objectif de nuire. Et alors, on va le penser, ceci dit, il existe pourtant, pour rendre compte des positions que l'on défend soi-même, une thèse. officielle pour expliquer ce dont on souhaite rendre compte de façon alternative. Par exemple, plutôt que de dire si un virus mondial s'est répandu, soit parce que c'est venu comme ça, je ne sais pas moi, d'une contamination animale, soit parce que oui, il y a eu peut-être un accident au sein d'un laboratoire qui fait qu'après, ça s'est diffusé. C'est le fait de dire que les élites ont organisé un complot mondial dans l'objectif de procéder à un génocide, de réduire la population mondiale, ou alors de vendre des vaccins.

  • Speaker #0

    Quoi, c'est faux ?

  • Speaker #1

    Je ne sais pas, en fait, je ne suis pas sûre. Ça, ça reste entre nous, bien sûr. Voilà, donc ça, c'est la définition du complotisme. Adhérer à de telles positions, alors qu'il existe des... Des explications qui nous permettent de penser qu'il en est autrement. Alors, qu'est-ce que le complotisme n'est pas ? Eh bien déjà, quand les complotistes se positionnent... Le complot qu'ils suspectent, ils se disent, vous allez voir, un jour, vous verrez que nous avions raison, etc. En fait, non, parce qu'on a déjà de bonnes raisons de penser que ce qu'ils suspectent comme étant un complot, c'est pas juste. Donc, ça n'est pas un complot qui finira par émerger. On pourrait penser aussi que les complotistes...

  • Speaker #0

    Pourtant, ils disent toujours qu'ils ont toujours eu raison, mais à postériori...

  • Speaker #1

    En général, oui. Ils vont te dire « j'avais raison » , mais parce qu'en fait, eux, dans la lecture de l'actualité, des faits, ils vont continuer, pour alimenter leur vision des choses, d'aller faire du « cherry picking » . Ils vont aller prendre, par exemple, dans la communauté scientifique, ils vont aller prendre peut-être le chercheur qui va être lui-même complotiste. Et donc, effectivement,

  • Speaker #0

    ils vont réduire la dissuasance, quelque part.

  • Speaker #1

    Ils vont prendre des figures d'autorité pour venir appuyer leur point de vue. Ils vont aller prendre l'article aussi, qui va peut-être aller dans leur sens. Le problème, c'est que là, pour le coup, ils vont peut-être manquer dans leur démarche d'esprit critique, parce que dans le champ d'esprit critique, ce qu'on nous apprend en termes de méthode, c'est que ce qui fait science, ce n'est pas tant l'expression d'un chercheur isolé qui va venir les conforter, eux, dans leur position, c'est voir sur la base de... méthode, qu'est-ce qu'on a construit collectivement comme connaissance ? Et donc, toujours dans l'idée de se départir de notre subjectivité. Parce qu'on peut très bien considérer en effet que tu vas avoir, allez, des fois même des chercheurs qui vont tricher, ou des articles de mauvaise qualité, etc. Mais on ne peut pas non plus penser que tous les chercheurs dans tous les laboratoires du monde qui vont travailler sur la même question... vont être dans un complot pour nous amener à adhérer à des positions qui iraient à l'encontre de ce qu'on sait.

  • Speaker #0

    Mais souvent dans la représentation complotiste, je trouve qu'il y a ce côté... Valorisation du sauveur. Eux-mêmes souvent se considèrent comme des sauveurs parce qu'ils vont aider à découvrir les complots ou à changer la société de manière radicale pour pouvoir l'améliorer parce que d'après leur vision ils vont dénoncer ceci ou cela. Et aussi... figure du héros chez les gens qui vont porter au nu, qui sont souvent des personnes un peu isolées dans leur communauté, comme tu disais, des scientifiques qui sont plus ou moins mis sur le banc de la science par les autres scientifiques parce qu'ils ont des positions en fait qui sont radicalement opposées à ce qui se dit en général dans ces milieux-là. Et pour nous, ça va plutôt être potentiellement des charlatans puisqu'ils ne représentent pas ce qui se fait d'habituellement, ce qui se dit d'habituellement dans la littérature scientifique, alors que pour eux, au contraire, c'est des sortes de Galilée. quoi. Oui,

  • Speaker #1

    alors ça me fait sourire parce que...

  • Speaker #0

    C'est justement une déformation de ce que était Galilée en réalité.

  • Speaker #1

    Oui, aussi, ouais. En fait, je te disais, avec Alexander, on s'est amusé à mettre en place une petite expérimentation. Donc en fait, on va voir ce qu'on en fait derrière, si on arrive à la publier ou pas, et qui irait dans ce sens. Et donc on trouve effectivement ça très intéressant. Alors... Ce qui se passe, c'est que de toute façon, vu que l'idée c'est qu'il existe un complot caché. Donc si c'est caché, nécessairement, par défaut, tu vas partir de l'idée qu'un très petit nombre de personnes savent. Donc ça va émaner de voix minoritaires, d'où le héros, celui qui va venir à l'encontre de tous. Mais en même temps, ça va servir l'un des objectifs des complots. que d'aller à l'encontre du système, puisqu'en fait c'est aussi ce dont se nourrit le complotisme, c'est le fait de rejeter toutes les instances qui incarnent le pouvoir dominant. Donc prendre la tangente, adhérer aux positions déliantes.

  • Speaker #0

    C'est un peu leur moyen à eux de récupérer le pouvoir finalement. Oui, tout à fait. Ça peut prendre différentes formes. Je ne parle pas forcément du pouvoir politique, mais ça peut être le pouvoir politique, mais ça peut être aussi juste le pouvoir sur leur vie. Puisqu'il y a un truc qui revient souvent dans la littérature sur le complotisme, c'est ce lien avec le sentiment de perte de contrôle de sa vie, de la société, des choses qui nous dépassent, etc.

  • Speaker #1

    Oui, et puis effectivement dans les facteurs qui vont augmenter la probabilité d'adhérer à des idées complotistes, tu vas voir par exemple... Le niveau de précarité, donc quand on est en plus grande précarité, on a des raisons d'en vouloir aux élites. Parce que quand on parle des élites, ça va être qui ? Ça va être les politiques qui disposent du pouvoir de décision, les journalistes qui ont le pouvoir de l'information, les industriels qui ont le pouvoir de production.

  • Speaker #0

    Oui, tout va dépendre des représentations qu'on a.

  • Speaker #1

    Les scientifiques qui ont le pouvoir, on va dire, de la définition de ce que c'est la connaissance. Donc on va leur en vouloir parce qu'on va considérer que ceux qui ont le pouvoir ont une part de responsabilité dans le fait qu'on soit soi-même dans la précarité. Et le fait de leur attribuer un rôle dans ce qu'ils vivent, en les responsabilisant, ça va permettre de retrouver du contrôle et de se sentir mieux finalement. Donc ça répond à un besoin psychologique. comme tu le disais, au besoin de contrôle.

  • Speaker #0

    Mais du coup, je t'ai coupé. Je ne sais pas si tu ne voulais pas enchaîner sur autre chose.

  • Speaker #1

    En fait, j'évoquais ce que le complotisme n'était pas. Et donc, en fait, en dépit du fait que les complotistes pensent qu'ils exercent pleinement et bien mieux que nous leur esprit critique, malheureusement, ils ne sont pas dans une démarche sceptique, dans une démarche sceptique valide. Pourquoi ? Parce qu'en fait... Quand on entre dans une démarche d'esprit critique, on en parlait un peu tout à l'heure, c'est comme si on se livrait à une enquête. Mais au début de l'enquête, on ne présage pas de la conclusion à laquelle on va aboutir. Mais dans le cas du complotisme, on part de la conclusion et on va essayer d'abreuver son raisonnement.

  • Speaker #0

    Il y a un complot quelque part. C'est ça.

  • Speaker #1

    On va essayer de trouver tous les éléments qui peuvent venir.

  • Speaker #0

    conforter notre idée de départ et donc en fait on raisonne à l'envers c'est vraiment comme une enquête c'est à dire que comme il y a un complot quelque part qui est caché on va chercher finalement chaque élément qui peut nous montrer ou être un indice que le complot est là sous nos yeux c'est assez rigolo parce que souvent ils vont détecter des signes qui sont Tellement improbable que tu te dis mais personne en fait en tant que comploteur mettrait des signes aussi évidents parce que c'est trop détectable quoi, trop facilement détectable. Et le but d'un complot c'est aussi de ne pas être découvert quand même malgré tout. Mais voilà je sais pas, ils vont interpréter ça après complètement différemment en disant par exemple que si c'est si évident c'est parce qu'ils ont aussi besoin de narguer les autres ou de... de signifier qu'ils ont fait ceci pour réunir d'autres personnes qui ont compris. Et donc, par exemple, Trump qui faisait un signe de la main, il avait été interprété d'une manière complètement extrapolée comme étant le signe qu'en fait il était avec Kuan Yin. Donc voilà.

  • Speaker #1

    J'ai d'ailleurs une question très personnelle à te poser. Pourquoi depuis tout à l'heure tu me fais ces gestes avec tes deux mains, ce triangle ? Qu'est-ce que ça signifie ?

  • Speaker #0

    Ce triangle avec l'œil au milieu,

  • Speaker #1

    tu veux dire ? Oui. Donc oui, donc...

  • Speaker #0

    Donc qu'est-ce que le colomboïdisme n'est pas aussi ?

  • Speaker #1

    Ce ne sont pas... Ce ne sont donc pas des... Enfin, ils ne sont pas dans l'esprit critique.

  • Speaker #0

    Ce ne sont pas des faits enquêteurs, parce que...

  • Speaker #1

    Alors,

  • Speaker #0

    les fois qui... Enfin,

  • Speaker #1

    si, dans le sens où ils peuvent être très intelligents, ils peuvent partir sur des années très approfondies, mais le problème, c'est vraiment celui de la démarche, de l'épistémologie. Oui,

  • Speaker #0

    mais une vraie enquête se fait avec méthode aussi, normalement. Après, même les enquêteurs aussi, des fois, bafouent ces méthodes-là, mais normalement, il y a des méthodes qui sont censées être meilleures que d'autres, même dans les enquêtes. Oui,

  • Speaker #1

    mais tu vois, s'ils n'ont pas la formation, ils n'en portent pas la responsabilité directe. Oui, c'est ça. Parce qu'en fait, je crois que tu disais, c'est pas très fin, mais en fait, des fois, oui, ils peuvent être très fins eux-mêmes, mais juste, ils n'ont pas les outils. Donc, ils ne peuvent pas faire autrement.

  • Speaker #0

    Oui c'est vrai des fois ils détectent des trucs Tu te dis comment ils sont allés chercher ça Des fois c'est même troublant, puis en fait sous une règle générale, en creusant un peu, on se rend compte que cette question ne tient pas à grand chose. Mais des fois ça peut être troublant effectivement, quand on n'a pas non plus les billes en face pour répondre, c'est pas évident quoi.

  • Speaker #1

    D'ailleurs ce qu'évoquait Alexander Samuel, avec lequel, enfin voilà, sur toutes ces questions on a travaillé ensemble et j'échange régulièrement, c'est que, et lui qui les connaît quand même très bien parce qu'il a énormément échangé sur les réseaux sociaux avec eux, etc. directement, Il me disait que parfois, les complotistes avaient une connaissance... des connaissances plus importantes de la littérature, par exemple, que les personnes qui sont restées dans la science. Et donc, ils vont te citer tel article et ça. Le seul problème, c'est qu'en fait, ils ne vont pas traiter derrière l'information correctement. Parce qu'ils n'ont pas les outils.

  • Speaker #0

    Ou parce qu'ils vont, par exemple, prendre un article qui est issu d'un journal prédateur, des choses comme ça, parce qu'ils ne savent pas ce que c'est un journal prédateur.

  • Speaker #1

    Il y a la question du statut de l'information. Donc, voilà. Et en ce sens, ce ne sont pas des imbéciles, en fait. Quand il y a... Parce qu'en fait, là, je pensais à l'imbécilité parce que tu vois, par exemple, je pense aussi à mes étudiants quand on évoque les différents complots et la question de la terre plate. Et puis, ce que j'entends dire, c'est de toute façon, ces Américains, ils sont complètement stupides. Et je dis, ben, eux, non. Alors, je vais leur demander, mais vous, dans quelle mesure vous croyez à l'homéopathie, par exemple ? En général, c'est une question que je pose.

  • Speaker #0

    En quelle mesure vous croyez à la terre ronde ?

  • Speaker #1

    Je te parle de l'homéopathie. Pourquoi ? Parce que là, justement, l'homéopathie, au début de l'année, en général, ils sont nombreux à y croire et sans savoir en fait ce qu'il y a derrière. Et donc, le fait d'avoir une expérience eux-mêmes de ce type, de pouvoir constater derrière que finalement, oui, ils ont été capables d'adhérer à une fausse croyance, Je vais leur dire, mais là... en l'état, en quoi est-ce plus stupide d'adhérer à l'idée que la Terre est plate que d'adhérer à l'homéopathie ? Et tu vois, en fait, ça remet les choses en perspective. C'est qu'en fait, quand une personne n'a pas la possibilité de savoir en quoi sa croyance est fausse, parce que par exemple, on n'a pas à la juger, et donc ça ne relève pas nécessairement de la bêtise, de la crédulité ou autre. Ça va être essentiellement un problème de méthode. Quand on va te dire, mais en réalité, la Terre est plate et on nous cache le fait qu'elle est plate, si tu adhères à à cette prémisse selon laquelle on nous cache que la Terre est plate parce que derrière il y a un complot des élites, des gouvernements. Oui, tu peux t'ouvrir finalement à plein d'idées qui peuvent paraître farfelues. Et quand on va voir d'ailleurs ce qu'en disent les platistes sur cette question de la Terre plate, c'est pas non plus de gus qui viennent comme ça te dire que la Terre est plate.

  • Speaker #0

    Ils sont des études, des exemples, des photos des fois un peu troublantes, des choses comme ça.

  • Speaker #1

    Et je dis des fois aussi, d'ailleurs, que je suis assez troublée, parce qu'il m'est arrivé une fois de faire travailler mes étudiants sur différents complots. Et j'avais un groupe d'étudiantes, en fait, qui a travaillé sur les reptiliens et qui en sont sortis en me disant qu'elles croyaient à l'existence des reptiliens. Et donc j'aurais dit, mais attendez, non ! Et puis en fait, je n'ai pas réussi à les amener à abandonner leur croyance, parce qu'en fait, elles avaient été, par exemple, très troublées par des images qu'elles avaient vues de reptiliens qui auraient laissé des griffes. sur une voiture, elle nous disait mais comment vous pouvez expliquer ça ? Tu vois, donc en fait, voilà, donc bref, les gens ne sont pas stupides. Enfin, moi je pense qu'il ne faut pas privilégier cette hypothèse-là, parce que sinon c'est trop facilement écarté le problème. Il y a les imbéciles d'un côté, et les autres de l'autre.

  • Speaker #0

    Et encore, on n'a pas parlé de tous les paramètres autres, parce que par exemple pour l'homéopathie... Tu as parlé du biais de la preuve sociale, mais effectivement, quand tout le monde autour de toi utilise l'homéopathie, que toi tu en as reçu quand tu es petit, etc. Tu n'as pas vraiment de raison, a priori, de remettre en cause.

  • Speaker #1

    Totalement. Et puis en plus, le pire, c'est que je parlais effectivement de réseau, mais il y a des faisceaux de croyance aussi. Par exemple, je ne sais pas, quand il y a des enfants et que tu veux bien les traiter, donc tu vas peut-être être dans l'homéopathie. et puis tu vas aussi être... dans, je ne sais pas moi, être anti-vax, parce que tu comprends, les vaccins, ça pourrait porter atteinte à ton enfant. Tu vas être obligatoirement dans l'allaitement parce que c'est naturel. Alors même si l'allaitement, c'est bien pour la santé de l'enfant. Mais tu vois, de façon, tu vas avoir des faisceaux d'engagement et de croyance. Et en ce sens, d'ailleurs, il peut y avoir... Par rapport à ces valeurs, alors qu'ils vont nous parler, par exemple dans l'idée de bien s'occuper de son enfant, de ne pas lui porter atteinte, etc. Tu peux avoir des gens aussi, quand on regarde le niveau d'éducation, qui ont... des niveaux d'éducation très élevés qui sont partis se renseigner, mais le problème c'est qu'ils sont partis mal se renseigner. Alors si effectivement le fait d'être issu de niveaux sociaux plutôt défavorisés ça va favoriser le complotisme ce qu'on peut voir c'est que ça peut aussi dépendre de... on va dire, de ses intérêts personnels. Par exemple, de son positionnement politique. Tu as par exemple des personnes qui, du fait de leur volonté de persévérer dans des activités capitalistes, qui vont davantage adhérer aux théories qui réfutent le réchauffement climatique, parce que ça leur permet de ne pas changer leurs activités économiques, et pourtant avec des niveaux d'éducation élevés. Et ces mêmes personnes seront moins perméables à des théories du complot, au contraire d'un autre type qui ne vont pas viser leurs intérêts directs, je ne sais pas, comme la Terre plate.

  • Speaker #0

    Du coup, j'ai une question, quelle serait pour toi la différence entre... Des croyances de type théorie du complot et des croyances autres. Est-ce qu'il y a une différence fondamentale ? Qu'est-ce qui est spécifique peut-être ? Peut-être que c'est cette question-là que je devrais poser. Qu'est-ce qui est spécifique aux croyances complotistes ? Parce que j'ai l'impression que dans tout ce que tu dis, on peut autant l'appliquer au complotisme qu'à n'importe quel type de croyance. Est-ce qu'il y a une spécificité ou pas ?

  • Speaker #1

    Alors oui, il y a une spécificité, mais là où effectivement c'est très intéressant, c'est qu'il y a, comme tu viens de le souligner, il y a énormément de points communs. C'est que dans les deux cas, en fait, ce sont de fausses croyances. Donc la spécificité des théories du complot, c'est qu'en fait, du complotisme, ça va être le fait de suspecter des intentions cachées, la présence d'un complot, etc. Mais ça montre quoi ? Ça montre que de la même façon dont on peut se laisser abuser par de fausses croyances, On peut aussi se laisser abuser par les fausses croyances qui nourrissent les théories du complot et donc en venir à adhérer à des idées complotistes. Ça ne veut donc pas dire que parce que l'on adhère à des idées complotistes, on est ce qu'on peut appeler de complotiste soi-même. Je pense qu'on peut tous adhérer au moins de façon ponctuelle à des idées de type complotiste. regardes On va prendre les antivax. Les antivax ont été traités, qualifiés, pendant la période Covid, de complotistes. Mais en fait non, parce que parmi les personnes qui pouvaient être antivax, il pouvait y avoir aussi ceux qui doutaient, ceux qui justement se laissaient séduire par des discours, ou alors ceux qui étaient dans la crainte. Oui,

  • Speaker #0

    qui entendent des choses et qui ne savent pas trop se positionner. Qui ne sont pas forcément dans le complot.

  • Speaker #1

    Donc en fait, on peut s'engager vers le complotisme, mais ce n'est pas dit non plus qu'on y aille pleinement, parce qu'après, dans la façon dont on va justement qualifier le complotisme, ça va être plutôt un mode de pensée plus général, plus systématique, où la personne ne va pas adhérer qu'à une théorie, parce que finalement, on peut se laisser tous avoir une fois, ou peut-être même aller deux fois. Mais ça va être le fait d'être dans un... un positionnement psychologique qui va nous amener à adhérer en fait à en général une multiplicité de théories du complot.

  • Speaker #0

    Dans le documentaire sur lequel je travaille, Sébastien Dieguez nous a dit un truc que j'ai trouvé assez intéressant, c'est que pour lui le complotisme c'est du coup difficile de différencier réellement par rapport aux autres croyances etc. Et donc ce serait plus une attitude, donc plus des comportements qui vont... devoir être analysés comme étant complotistes plutôt que comme des croyances complotistes qui n'ont pas tant de différence que ça avec les croyances normales. Mais par contre, les attitudes qui vont découler, là où ils seront complotistes, c'est-à-dire la militance qu'on va avoir, les comportements qu'on va avoir, le fait de se réunir entre complotistes, etc.

  • Speaker #1

    Alors là, ça va dépendre parce qu'après, des fois, les individus peuvent se définir en fonction de leur préférence et donc ils vont peut-être se constituer enfin Comment dire ? Ouais, se réunir et se forger une identité, puis après continuer à s'influencer les uns les autres pour s'engager dans une direction donnée.

  • Speaker #0

    C'est-à-dire qu'aujourd'hui, le complotisme, souvent, il est revendiqué. Alors qu'avant, quand on traitait quelqu'un de complotiste, entre guillemets, il prenait mal, ce qui était logique. C'était un peu aussi, des fois, l'objectif de certains de balayer facilement le fait que des idées étaient complotistes, sans avoir du coup à les argumenter contre. À rugbanter contre, pardon. Par contre, aujourd'hui, il y en a beaucoup qui se revendiquent complotistes.

  • Speaker #1

    En fait, le truc, c'est qu'il n'y a pas que les théories du complot. Pourquoi est-ce qu'on va aussi avoir des identités qui se forgent quand les gens sont complotistes ? C'est que le complotisme va être associé souvent à des narratifs. Des narratifs qui peuvent séduire et pire que ça en fait, le complotisme peut être instrumentalisé par par exemple des partis politiques, par des groupes qui ont le pouvoir. Je vais donner un exemple à l'extrême droite. Le fait d'adhérer à la théorie du grand remplacement, ça permet de faire peur aux gens et puis d'aller vers le Rassemblement National dans l'idée que celui-ci va pouvoir les protéger. Donc en fait le complotisme là pour le coup va servir les intérêts de ce parti politique. Le fait également de... de dire que les vaccins sont dangereux, etc. Donc l'extrême droite, on a montré qu'ils étaient très proches des milieux complotistes. Et ça leur sert à quoi ? Ça leur sert à dire que ce que fait le gouvernement, que la façon dont le gouvernement a géré la crise, etc., c'était pas bien du tout. Et du coup, si on disqualifie le gouvernement actuel, ceux qui ont le pouvoir, ça permet d'autant plus facilement de prendre sa place. Là, pour le coup, il peut y avoir de vrais complots. le problème c'est que les complotistes qui pourtant sont friands de complot là ils se font totalement avoir parce que le complot qui se trame en fait vient les instrumentaliser eux, il faut faire attention je pense à ne pas stéréotyper ce que serait le complotisme et réfléchir aussi à la façon dont nous risquons de nous engager dans de fausses croyances complotistes d'adhérer ici ou là à des fausses croyances complotistes. Et comment faire pour essayer de s'en rendre compte ? Essayer toujours d'arriver à voir quels sont les fondements de nos croyances, toujours en essayant d'exercer son esprit critique. Se méfier aussi de ces narratifs qui peuvent nous séduire, de tout ce qui peut nous faire peur. Donc voilà, toutes les raisons pour lesquelles, même dire pour les vaccins, c'est naturel de ne pas se vacciner. Il y a plein de raisons qui vont faire que les gens vont aller vers ces positions-là. Donc développer son esprit critique.

  • Speaker #0

    L'épisode se termine ici aujourd'hui. Pour écouter la suite, il faudra patienter jusqu'au mois prochain. En attendant, vous pouvez commander le livre Complotisme et Manipulation chez votre libraire local préféré et soutenir le podcast sur Tipeee ou LibéraPay. A bientôt !

Chapters

  • Intro

    01:59

  • Présentation

    02:09

  • Qu'est-ce qu'une croyance ?

    03:33

  • Des épistémologies différentes

    07:26

  • Pourquoi adhérer a de fausses croyances ?

    13:41

  • Conséquences des fausses croyances

    20:38

  • La question de la liberté d'expression

    23:09

  • Qu'est-ce que le complotisme ?

    33:37

  • Les Théories du complot : des croyances ordinaires ?

    51:01

  • Outro

    57:37

Share

Embed

You may also like