- Nathan Laufer
En 1985, dans le film Retour vers le futur, ils imaginaient la ville de 2015 avec des voitures volantes partout. On est dix ans plus tard, en 2025, toujours pas de voiture volante. Ça pose la question, comment seront les villes dans les années 2050 ? Et justement, c'est tout l'objet de notre podcast Prospective Urbaine, où nous allons interroger nos invités sur leur vision de la Ville de Demain. Nous accueillons aujourd'hui, Benoît Hamon et Paul Lê.
Benoît, vous êtes une personnalité importante de la vie politique française, avec un engagement marqué pour les thématiques au cœur des enjeux de demain, comme l'écologie, la justice sociale et les nouveaux modèles économiques, ancien ministre délégué à l'économie sociale et solidaire et la consommation, ainsi que ministre de l'éducation nationale, vous avez œuvré pour des politiques favorisant l'inclusion et la durabilité. Votre expertise dans l'économie sociale et solidaire, associée à votre engagement pour des politiques publiques tournées vers l'avenir, fait de vous un interlocuteur clé pour discuter des solutions concrètes à mettre en place pour construire des villes inclusives, durables et adaptées aux enjeux du XXIe siècle.
- Benoît Hamon
Moi, je peux partir maintenant. C'est bien fait !
- Paul Lê
Il a taffé !
- Nathan Laufer
Et Paul, Paul Lê, c'est le cofondateur et le co-CEO de La Belle Vie, une entreprise française innovante spécialisée dans la livraison rapide de courses et de plats à domicile. Depuis sa création en 2015, La Belle Vie s'est imposée comme un acteur majeur de la foodtech en France, proposant une alternative moderne et efficace aux méthodes traditionnelles de distribution alimentaire. Votre engagement ne se limite pas à l'entrepreneuriat.
Vous êtes également impliqué dans des initiatives visant à promouvoir la diversité dans le secteur de la tech et de l'entrepreneuriat, notamment aux côtés de l'association Diversidays, que je remercie.
Votre vision de la Ville de Demain intègre une compréhension profonde des enjeux liés à la logistique urbaine et à la mobilité urbaine. En développant des solutions technologiques pour optimiser la chaîne d'approvisionnement et la distribution en milieu urbain, vous contribuez activement à repenser la manière dont les citadins accèdent aux biens de consommation tout en réduisant l'empreinte écologique des livraisons.
- Paul Lê
C'est bien, il a taffé !
- Nathan Laufer
Messieurs, je vous remercie d'avoir répondu à mon invitation et sans plus tarder, nous allons commencer par la première question.
Benoît, votre parcours politique vous a amené à défendre des causes sociales. Paul, votre carrière d'entrepreneur est également guidée par un engagement pour des villes inclusives et durables. Alors ma première question est, comment vos expériences personnelles façonnent-elles votre vision des villes et des mobilités de demain ?
- Benoît Hamon
Merci, vous avez 4 heures.
- Nathan Laufer
4 heures.
- Benoît Hamon
Tu veux commencer Paul ?
- Paul Lê
Ben non, il t'a regardé, il t'a regardé.
- Benoît Hamon
Ah qu'il est méchant ! Comment mon expérience façonne-t-elle ma vision de la ville ?
Il faut partir des certitudes qu'on a, déjà. Parce que vous observerez qu'en ce moment, tout le monde dit « Ah là là, le monde est incertain » . En réalité, on a beaucoup de certitudes. La première, c'est le dérèglement climatique. Le dérèglement climatique, il oblige à penser les espaces urbains de telle manière qu'ils soient capables d'absorber des phénomènes climatiques extrêmes, des canicules très fortes, de protéger les populations. Bref, il y a déjà ce sujet-là.
Deuxième certitude, ce sont les transitions démographiques. Les transitions démographiques, elles vont amener le continent africain à se développer beaucoup, à accélérer probablement les migrations internationales et le continent européen à vieillir. Donc nous allons avoir davantage de mobilité, de migration et une population qui va se mélanger, donc la question de l'inclusion va être centrale. Elle va être centrale aussi à travers le fait que le dérèglement climatique, en première certitude, aura des conséquences sur nos propres mobilités, puisque les migrations, en quelque sorte, ne seront pas réservées simplement aux pays qui sont les pays les plus pauvres. Mais comme on le constate aujourd'hui, prenez Los Angeles. Los Angeles, vous allez avoir des gens qui vont migrer à l'intérieur de leur propre pays. Pourquoi ? Parce qu'ils habitent dans des zones que les assurances ne veulent plus assurer, parce que les risques sont trop importants. Et donc ces questions de mobilité des personnes doivent nous amener à penser la ville.
Donc je prends rien que ces deux certitudes-là. J'évoquais le fait que la France vieillit, donc, la place des personnes âgées dans la ville, dès lors qu'on pense l'autonomie des personnes à domicile plutôt que dans des centres d'hébergement ou dans des EHPAD, etc. est aussi quelque chose qu'il va falloir repenser. Rien qu'à travers cela, on a deux axes évidents pour moi d'évolution de la ville, dès lors qu'on souhaite qu'elle soit bienveillante et pas morcelée entre des zones dans lesquelles les riches sont bien, et organisent leur propre sécurité à l'écart d'autres zones où règnerait le chaos et la loi du plus fort.
- Nathan Laufer
Très intéressant. Paul, qu'est-ce que ça vous évoque ?
- Paul Lê
Bravo Benoît, pour les 4 heures, j'aurais dû passer le premier, c'était plus simple.
Non, moi, je vais plutôt prendre d'un point de vue très égocentrique par rapport à ce que l'on fait, nous, chez la Belle Vie et Frichti, on réinvente la distribution dans les milieux urbains et comme tu l'as dit tout à l'heure, elle se veut un peu plus écologique et adaptée aussi à nos habitudes de consommation, à notre façon de vivre dans les villes. La vraie différence c'est qu'aujourd'hui les deux parents travaillent beaucoup, les deux parents sont carriéristes, ils ont un peu plus de moyens à la maison et faire les courses, c'est plus la sortie du samedi comme ça pouvait l'être il y a 20 et 30 ans. Aujourd'hui c'est une corvée. Et quand tu habites dans des centres urbains comme à Paris, c'est assez compliqué d'acheter des bons produits, pas chers et variés. Donc en vrai, s'alimenter, c'est pas si facile que ça à Paris. Et avoir un équilibre porte-monnaie et qualité, c'est pas si simple. Donc ça, on essaye de le résoudre. Et je pense que la consommation est de plus en plus digitalisée et permet de gagner plus de temps pour profiter un peu plus des autres, de sa famille et de ses proches. Passer ses samedis à acheter, avec aujourd'hui autant de compétition sur les loisirs, ça ne marche plus. Et en vrai, c'est une opportunité pour nous. À côté de ça, évidemment, quand tu as une entreprise d'aujourd'hui de 600 personnes, tu essaies de la faire grandir avec ce qui te marque autour de toi. C'est-à-dire que mon entreprise, je suis assez fier de dire qu'elle ressemble à la France que je vois tous les jours, qu'elle permet un ascenseur social. Aujourd'hui, sur les 600 salariés, il y en a 500 qui travaillent en logistique. Et le chemin royal pour arriver à la direction, notamment sur les aspects logistique, approvisionnement, achat, c'est de commencer étudiant, part-time, préparateur de commandes et travailler avec nous quelques mois, quelques années, vouloir faire une carrière chez nous, c'est possible. Donc ça, je suis content de pouvoir donner la chance à des CV que personne n'aurait regardé et que nous, on aime bien faire parce que ça nous touche, parce qu'on aurait pu être à leur place il y a quelques années, on l'a été d'ailleurs. Et c'est toujours cool de pouvoir trouver des entreprises qui, quand on a envie de travailler, qu'on a pas forcément les bons diplômes et le bon réseau, je suis capable de faire des belles carrières et être très bien payé. À côté de ça, évidemment, la livraison. La livraison doit être verte. On parle de réchauffement climatique. Aujourd'hui, 100% de nos livraisons sont en scooter électrique, vélo cargo, etc. Et si je devais donner ma vision du futur, il y aura de plus en plus de technologies, de plus en plus d'entreprises qui vont être pilotées par l'IA et la robotique, et notamment sur les métiers qui sont un peu durs, comme la préparation de commandes et la livraison, et ça posera des questions sur notre savoir-vivre et comment vivre mieux avec la technologie. Et je suis de la team qui dit que l'AI et la robotique va donner beaucoup d'abondance à l'humanité, et notamment en termes de temps et de qualité de vie. Et j'espère que c'est ce tournant-là qu'on va prendre.
- Nathan Laufer
Justement, c'est intéressant cette question sur l'intelligence artificielle. Je ne l'avais pas forcément notée, donc merci, merci Paul. Je vais m'adapter. Qu'est-ce que vous en pensez vous, Benoît, de l'intelligence artificielle pour les villes du futur, le monde de demain ?
- Benoît Hamon
L'intelligence, qu'elle soit artificielle ou humaine, ça dépend au service de quoi tu la mets. Et si on met l'intelligence artificielle au service de la soumission des personnes à des projets qui sont ultra polarisés, racistes, suprémacistes, etc. L'intelligence artificielle, dans ce cas-là, elle a une fin, à mes yeux, qui est une fin terrifiante. Si l'intelligence artificielle est mise au service de la connexion des gens entre eux, du fait de dégager, comme disait Paul, des moments pour soi, d'épanouissement, d'émancipation. C'est-à-dire que si elle prend en charge des tâches qui sont des tâches qui nous ennuient, nous alienent, nous font parfois souffrir, vive l'intelligence artificielle.
Donc en fait, de toute façon, elle est là. Et c'est toujours ça qui est intéressant. Et la question qui nous est renvoyée, c'est que fait-on de ce produit du génie humain ? Parce que ça reste, même si l'intelligence artificielle est capable maintenant d'apprendre, si elle est capable d'innover, de créer des choses, au point de départ, c'est le génie des hommes qui est à l'origine de cela. Et ce que je trouve intéressant dans ce débat sur l'intelligence artificielle, c'est qu'on sait, qu'elle s'immisce d'ores et déjà dans nos vies. Il nous revient, et c'est valable pour la ville en particulier, de créer les lieux, les espaces, alors pas forcément des espaces physiques, mais des endroits où nous délibérons, où nous parlons. On peut vivre tous au même endroit et ne jamais se croiser, ne jamais se voir et rester tous isolés. À raison du fait qu'on télétravaille, à raison du fait qu'on est la tête dans son écran et qu'on se connecte virtuellement à plein de gens, mais plus tout à fait réellement aux autres. Et je vous donne cet exemple-là qui m'a beaucoup frappé. Il y a une étude britannique qui montrait qu'il y a 60 ans, je crois que c'est du côté de Bristol, je ne suis plus sûr, mais en tout cas, ou de Sheffield. il y a 60 ou près d'un siècle peut-être, il faut la retrouver, elle est facile à retrouver sur internet. Ils ont étudié quelle était la distance que parcouraient les enfants librement laissée par leurs parents. Jusqu'où laissiez-vous vos enfants partir ? Et on était à une distance de 10 kilomètres il y a à peu près un siècle. On laissait les enfants prendre leur vélo ou aller jusqu'à 10 kilomètres. Aujourd'hui, c'est moins de 300 mètres en moyenne. Ce qui veut donc dire que nos espaces physiques se sont rétractés dans la liberté qu'on laisse à des enfants et des adolescents, alors qu'on est connecté à travers toutes sortes de devices, outils, instruments et d'opportunités au monde entier. Donc, moi, ce que je pense, c'est qu'il faut qu'on réapprenne aussi, l es expériences tangibles, physiques, et que cette question de la ville qui permet cela, fluide, me semble être un enjeu important, comme la ville démocratique, c'est-à-dire la ville qui délibère, des gens qui se parlent, qui décident, qui font des choix ensemble. Ça, ça va être tout à fait crucial. Donc l'intelligence artificielle peut nous aider à ça, ou au contraire, nous produire de l'enchaînement. Et ça, je ne le souhaite pas.
- Nathan Laufer
Paul, en tant que papa, e n tant que papa, est-ce que vous laissez vos enfants ?
- Paul Lê
De plus en plus, là je commence à être au-dessus des 300 mètres. Ils ont moins de 10 ans, mais je rejoins ce constat qu'on avait beaucoup plus de liberté de mouvement quand on était jeune, probablement parce qu'on était moins angoissé par les flux d'informations qu'on recevait et qui ont biaisé aujourd'hui notre point de vue sur le présent. Donc j'essaie de toujours essayer de leur faire goûter la vie que j'ai goûté quoi voilà plein de liberté parce qu'aujourd'hui en tant qu'entrepreneur c'est la liberté et avoir ce goût là c'est toujours assez cool donc c'est important c'est important.
Et justement si vous aviez des priorités sur la ville de demain quelles seraient-elles ?
La sécurité, ça c'est sûr. À partir du moment où on a la sécurité, on peut laisser nos enfants faire 500 mètres, 10 kilomètres, 30 000 kilomètres. Et ça, je pense que la data et la logistique, la robotique, peuvent nous aider à faire ça. Moi, je suis vraiment de la team complètement de libérer, enfin libérer, l'adoption de la robotique et de l'IA en leur mettant une espèce d'amendement, des régles universelles qui sont de ne pas faire de mal à l'homme et l'aider. Donc à partir du moment où ça pourrait arriver comme ça, c'est qu'un monde d'opportunités.
- Nathan Laufer
Et vous Benoît, qu'en pensez-vous ? Quelles seraient vos priorités sur la Ville de Demain ?
- Benoît Hamon
Je ne sais pas, ce n'est pas facile de hiérarchiser parce qu'il y a tellement de choses.
On peut en donner plusieurs il n'y a pas de souci.
Non mais c'est sûr que pouvoir se déplacer dans des environnements sûrs, c'est crucial. Prenons l'exemple des femmes, le fait de pouvoir aller d'un endroit à un autre sans avoir à craindre des agressions, qu'elles soient même seulement verbales, mais en tout cas un environnement qui est un environnement pas safe. Rien que ça, c'est encore devant nous. Et on voit bien les enjeux qu'il y a autour de ça. Donc ça, c'est évidemment quelque chose d'important. Et je crois que maintenant, il faut qu'on arrive à aussi raisonner en termes de lieux, qu'ils soient des lieux qui, sur le plan écologique, soient régénératifs. Nous, on a, par exemple, à Singa, on est concessionnaire de la gaieté lyrique à Paris.
Vous pouvez présenter Singa en quelque mot ?
Singa est une ONG qui est dédiée à l'inclusion des personnes réfugiées en Europe. Et bon, voilà, on gère aussi des lieux. Et on gère un lieu à Paris, la Gaîté Lyrique. Et avec d'autres, avec Arte, avec Artifarti, avec Make Sense. On est donc actionnaire de ce lieu qui est un lieu qui appartient à la ville de Paris, qui est un lieu culturel. Notre objectif a été de le transformer en un lieu régénératif. Ça veut dire quoi ? C'est en gros qu'il faut qu'on ait évidemment une neutralité dans nos impacts écologiques et si possible qu'on vise un impact positif. Et alors qu'est-ce qu'on a fait ? On a essayé de réfléchir comment ce lieu, qui a plusieurs étages, qui est ouvert et donc il faut chauffer, allumer en permanence, comment il pouvait absorber des consommations énergétiques du quartier. De façon à ce que, plutôt qu'un comité de quartier se réunisse en un endroit, consomme des fluides, il le fasse à la Gaîté Lyrique, que ça crée des connexions par ailleurs avec d'autres événements. On a donc porté ce projet d'un lieu culturel régénératif. Et je trouve intéressant que désormais, à la fois les projets, quand ils existent, d'occupation des lieux ou de création de nouveaux lieux, pensent la question climatique. Et la question climatique, elle n'est pas simplement, j'isole bien mon lieu ou je le fais en matériaux qui soient des matériaux réutilisables, recyclables. C'est aussi de penser les consommations et la manière dont ce lieu interagit avec ce qui se passe autour. C'est ce qu'on a essayé de faire avec la Gaîté Lyrique. Et ça, ça me semble intéressant de le mettre à l'agenda des prochaines années quand on pense la ville du futur.
- Nathan Laufer
C'est intéressant. Vous avez deux visions qui sont complémentaires. Alors, petite citation. Albert Einstein disait, on ne réglera pas les problèmes de demain avec la pensée d'aujourd'hui. Moi, j'aimerais vous poser la question, qu'est-ce que le Paul dit à 10 ans, 15 ans ? Et quelle est la différence avec sa pensée actuelle ? Qu'est-ce qui a évolué dans votre vie ? Comment vous avez modifié peut-être votre perception de l'environnement ? Et comment, justement, vous visualisez, in fine, le futur ?
- Paul Lê
Je ne suis pas tout à fait d'accord avec Albert, je lui dirai. Mais je pense que ce n'est pas forcément la pensée d'aujourd'hui, mais si on garde nos principes, qui sont, je pense, avoir les mêmes principes depuis toujours, c'est-à-dire des principes de respect, d'entraide, d'ouverture d'esprit. J'essaie de m'adapter à mon présent, mais si je devais éduquer des enfants, je ne leur apprendrai pas, évidemment je les aide à penser mais je leur donnerai beaucoup de principes et un cadre bienveillant pour qu'ils se créent eux-mêmes leurs bonnes pensées dans le bon sens. Voilà donc un socle de principes et de valeurs et la suite ils les créeront eux-mêmes. Donc je pense qu'il faut rester sur ça, c'est-à-dire donner un espèce de cadre bienveillant, évidemment puisqu'on est entre humains et sauf si on veut se faire remplacer par des robots, mais la bienveillance entre nous c'est quelque chose qui doit être primordial.
- Nathan Laufer
C'est une belle philosophie. Et vous, Benoît, qu'en pensez-vous de la citation d'Albert ? On lui dira que vous n'êtes pas d'accord.
- Benoît Hamon
Il dit, pour penser demain, les enjeux de demain ne peuvent pas être réglés avec la pensée d'aujourd'hui, c'est ça ?
- Nathan Laufer
C'est ça.
- Benoît Hamon
Tu es obligé d'avoir une pensée aujourd'hui. Ça dépend si c'est une réflexion philosophique sur le temps ça s'entend. Si on tire le fil de cette réflexion-là, c'est que je pense qu'il faut s'arracher à une vision du monde qui soit habité de trop de préjugés et trop, surtout, de principe ou de certitude liée à la manière dont on a vécu les choses. Aujourd'hui, c'est quoi le problème qu'on a ? C'est que face à toutes les certitudes que j'évoquais tout à l'heure, qui peuvent être un peu vertigineuses, je veux dire, quand tu évoques, Paul, la question de l'IA, quand je t'entends parler de ce à quoi tu aspires, on se dit, on est devant des bouleversements qui sont des bouleversements spectaculaires. Et tu as des gens qui disent, « Ouh là là ! » Le dérèglement climatique, l'impact de l'IA sur le travail, la connaissance de l'information, les transitions démographiques, tout ça va bouleverser le monde dans lequel nous vivons. Et singulièrement, ceux qui sont sur le toit de ce monde, les plus riches, se disent, est-ce que je vais pouvoir continuer à m'enrichir impunément, comme auparavant, quels que soient les impacts écologiques ? La réponse est manifestement non. Est-ce que ce pouvoir économique me donnera autant de pouvoir politique sur les choses ? Là aussi, la réponse sera forcément non, parce que le monde est de plus en plus multipolaire. Tu vois apparaître pendant un siècle, même plus d'un siècle, c'est quand même l'Occident qui a fixé le bon fuseau horaire à l'horloge du monde. C'était à Washington que ça se réglait, parfois à Londres, parfois à Paris, mais principalement les Occidentaux. C'est fini. On est en train de basculer dans un monde, on va dire, multipolaire. Et donc, on voit bien qu'il y a des gens qui voient la position qui était la leur de domination remise en cause. Et quel est leur réflexe ? Souvent le même, d'ailleurs, toujours. C'est « Make America great again » . Ça veut dire que je veux la faire comme elle était avant. Tu remarqueras. Et c'est marrant, tu veux la faire avec Musk qui lui dit « Je vais conquérir Mars » . Mais en fait, tu veux la faire comme avant. À l'époque, le « comme avant » , on n'est pas toujours d'accord. C'était quoi avant ? Nous, la France, on la refait comme avant, qui était mieux avant. À quel moment ? Et donc il y a ça, et je pense que cette grande tentation qui est très perceptible aujourd'hui, parmi les élites économiques et politiques, pas toutes, mais dans les pays occidentaux, elle ne peut pas être celle qui gouverne le monde et la manière de penser le futur. Parce que sinon, ça finira comme je te l'ai dit tout à l'heure, ou comme je l'ai évoqué, et c'est le vrai risque, et ça existe déjà, c'est que la ville, pour le coup, elle va se diviser. Elle est déjà divisée dans certains endroits. Va à Nice ! T'as de plus en plus de rues qui sont privatisées, où les riches privatisent l'espace public et vivent entre eux. Alors on avait avant les quartiers, les banlieues, et t'avais les villes, mais même maintenant à l'intérieur des villes, tu sais, t'as une forme de segmentation de plus en plus grande des espaces. Et c'est ça le vrai risque aujourd'hui, c'est le fait de nous isoler les uns des autres, et en nous isolant, à plus t'auras de frontières, plus t'auras de préjugés, donc t'auras plus t'auras de conflits, et tout ça finira très mal. Donc, ouais, je ne sais pas si je suis d'accord avec Albert Einstein, mais en tout cas, ce qui est certain, c'est que je pense que le réflexe de se dire c'était mieux avant, ce qui veut pas dire qu'il faut pas, on vient tous de quelque part, hein, ça veut pas dire qu'il faut couper le fil avec le passé. En tout cas, y retourner, et sans savoir d'ailleurs exactement où on va, ça me semble un peu hasardeux, tout ça, voilà.
- Nathan Laufer
Très intéressant.
- Benoît Hamon
Je vous remercie. Si t'avais dit complètement con ce que vient de dire Hamon !
- Nathan Laufer
Non jamais !
- Paul Lê
Après.
- Benoît Hamon
C'est ça, ouais. C'est le mec qui dit franchement, il m'a bousillé mon podcast !
- Nathan Laufer
Paul, vous habitez toujours en banlieue.
- Paul Lê
Ouais.
- Nathan Laufer
Et vous en êtes fier. On en avait discuté lors d'un événement.
- Paul Lê
En fait, je me dois d'en être fier. Puisqu'il y en a qui sont complexés, j'ai envie de leur dire tranquille, ça va. Mais si je devais arrêter d'en parler, ce qui est le but, parce qu'on pourrait se dire qu'il n'y a plus de banlieue, il n'y a plus de frontières, il n'y a plus de barrières, et que tout le monde vit sans préjuger et sans avoir préjugé sur les autres, tant mieux, c'est mon but. Mais aujourd'hui, j'en parle beaucoup parce qu'il y en a beaucoup qui ne l'assument pas. Et j'ai envie de leur dire, en fait, tranquille, il n'y a rien de grave, c'est bien là-bas. Regarde, j'y suis.
- Nathan Laufer
C'est top. Alors, selon vous, quel est le rôle des startups justement dans la création de solutions qui œuvrent au bien commun ?
- Paul Lê
Les startups déjà, et les entreprises en général, leur but, c'est de créer un business, donc de faire de l'argent. Et ça ne doit pas être mal, ça. Aujourd'hui, les gens disent « Tu gagnes de l'argent, ce n'est pas toujours bien vu. » Mais je pense qu'une entreprise qui grandit doit aussi assumer son petit pouvoir dans la société, c'est-à-dire savoir donner et ouvrir son entreprise à différents profils pour que son entreprise ressemble à la France qu'on a aujourd'hui. Ça, c'est très important. Donc, plus on grandit, plus on a de responsabilités et je pense que il y a beaucoup de choses qui peuvent se corriger en ayant des entrepreneurs qui ont cette vision là donc c'est pour ça que je suis très business, très création d'entreprise parce que c'est un vecteur social et très important pour l'équilibre de la société je pense voilà beaucoup de gens ont tendance à l'oublier. Parce que vive les entrepreneurs !
- Nathan Laufer
C'est un beau message. Et justement, c'est pour ça aussi que vous avez souhaité rejoindre l'aventure Singa. Parce que chez Singa, on porte aussi, on prône aussi ces valeurs d'inclusion dans l'entrepreneuriat.
- Paul Lê
Oui, et puis des entrepreneurs qui ont parfois vécu des préjugés et parfois un peu d'injustice malheureusement, feront des entrepreneurs, des bons entrepreneurs bien résilients et qui vont créer de la richesse et une ouverture en donnant une ouverture d'esprit en créant beaucoup de chance, en offrantde la chance, plus de chance à ceux qui en ont un peu moins voilà.
C'est beau !
C'est beau !
Benoît, vous êtes content de l'avoir à vos côtés chez Singa ?
- Benoît Hamon
Je trouve que si vous voulez moi j'aime bien, c e que je vais vous dire est contradictoire. Banaliser ce que font les entrepreneurs nouveaux arrivants, réfugiés, en disant qu'ils ont créé une entreprise, il ne faut pas que ce soit seulement l'exception. Ah, formidable, cette personne venue de Syrie a créé tel business. Et c'est l'exception quand, justement, tout est fait pour compliquer la vie d'un entrepreneur dès lors qu'on ne regarde pas son projet, mais on regarde d'où il vient. Ce qui est quand même un vrai problème et c'est parfois le cas de certaines banques, par exemple. Donc, j'aimerais bien que ça se banalise. Et en même temps, il faut se souvenir, par exemple, chez Singa, quand on est un entrepreneur réfugié, si on a été réfugié, c'est qu'on a été reconnu comme victime d'une oppression, victime de la remise en cause d'un droit fondamental. Donc, on a une expérience de vie qui est une expérience de vie singulière. Et il y a quelque chose, il y a de la force derrière aussi tout cela et quelque chose à partager de plus peut-être aussi qu'un projet d'entreprise. Donc ce que je crois, c'est que moi je m'en tiens aux preuves en fait. Mon côté Saint-Thomas, je crois que ce que je vois, mais les preuves qu'on collecte chez Singa, elles sont très simples. Il y a trois effets, on va dire, à la création d'entreprises par des personnes réfugiées ou nouvelles arrivantes. D'abord, elle crée un business. Donc de l'activité, de la richesse, des emplois, qui, eux, concernent tout le monde. Autant des citoyens allemands quand c'est en Allemagne que des Français quand c'est en France, que des nouveaux arrivants, de la diaspora, etc. Peu importe. Deuxième effet, souvent, il répare des trucs qui ne marchent pas. Je m'explique. C'est par l'observation de dysfonctionnement dans l'économie, dans la société, souvent ils vont sur la création de solutions en matière de santé, d'une solution en matière de mobilité, peu importe. Mais il y a vraiment des solutions. Et c'est intéressant, c'est parce qu'il y a une vraie utilité sociale, un peu indiscutable. Nous, on est capable de le mesurer, ça. Et puis le troisième effet, et ça c'est intéressant évidemment, c'est ce qu'on recherche un peu chez Singa aussi, c'est que ça change la perception, qu'on peut avoir de la question des migrations. Quand vous dites, par exemple, en France, que les gens ignorent, ou en Europe, que 21% des créateurs d'entreprises chaque année dans l'Union européenne sont des étrangers. À l'Union européenne. 21% ce n'est pas rien, quand même. 15% en France. Qui dit cela ? J'ai dit des étrangers, même pas des immigrés, parce que des immigrés, ça peut être quelqu'un qui est naturalisé français, mais qui est né à l'étranger. Donc, c'est vraiment, i l y a une dynamique qui est incroyable. Et alors, cette dynamique, elle a des raisons qui sont un peu moins nobles. C'est qu'en France, il te faut 10 ans, en moyenne, pour retrouver ton statut social d'origine quand tu es venu d'un pays étranger en France. 10 ans, c'est long. Et évidemment, l'entrepreneuriat est choisi comme un moyen d'accélérer l'inclusion plutôt que d'attendre de passer 10 ans à monter sur des chantiers ou à faire des boulots qui correspondent absolument ni à ton envie, ni à ton niveau de qualification. Et ça c'est aussi une donnée de la société française et donc pour ça moi je vois là ce sont des preuves elles sont sur la table et vous observerez que ces preuves on en parle jamais dans le débat public jamais jamais jamais jamais je parlais qu'un ministre de l'intérieur il va me dire délinquance délinquance délinquance je vais lui dire inclusion entreprenariat business richesse financement des retraites tout ça n'existe pas et donc notre job c'est de faire remonter ces sujets là à la surface et donc, c'est pour ça que d'ailleurs, ce que Paul dit, je suis de la team positif en gros. Je suis de la même team de ce point de vue-là. C'est que je vois trop de choses qui marchent. pour marcher dans le faut justement acheter leur connerie quoi sur ça va être le chaos la guerre civile etc. donc c'est pour ça que je suis pas bêtement optimiste, en disant ah tout va aller bien, parce que évidemment c'est compliqué mais je suis positif !
- Nathan Laufer
Super ! Paul comment vous faites pour intégrer, au sein de vos multiples activités, justement, cette dimension où vous alliez le business et les valeurs qui sont les vôtres ?
- Paul Lê
C'est assez naturel, ça. Tu vois, je te prends le contre-exemple, c'est qu'on reproche à certains confrères de démarrer avec, au bout d'un certain temps, certains confrères sont pointés du doigt parce que leurs équipes sont un peu trop, il n'y a pas assez de diversité dans leur équipe. Mais ça, c'est normal. Parce que dans leur cercle, quand on lance une entreprise, embaucher, c'est ce qu'il y a de plus compliqué. Il faut aller très vite. Donc évidemment, s'ils sont dans ce cercle, il n'y a pas beaucoup de diversité. Ils vont avoir une entreprise, au bout de quelques années, qui va être un peu moins colorée. Moi, c'est l'inverse. Mon cercle à moi, il est by design très dans la diversité. J'ai construit une entreprise et j'ai co-construit une entreprise qui nous ressemble de manière assez naturelle. C'est ça qu'il faut aussi. C'est en amont. C'est mettre un peu plus le pied à l'étrier à nos cousins, à nos soeurs, à nos enfants et les mettre dans les bonnes écoles. Voilà, parce qu'il faut se dire aussi qu'il y a des mauvaises écoles et il y a des très bonnes écoles. Et commencer à mettre un peu plus de diversité dès le début. Et puis derrière, on verra une économie, des entreprises qui vont ressembler un peu plus à ce que l'on voit tous les jours.
- Nathan Laufer
Et comment on pourrait intégrer cette vision à ces startups, entreprises, entrepreneuriat, au sein des politiques publiques ?
- Paul Lê
Aujourd'hui, c'est normal en fait. C'est quoi l'immigration ? C'est 30, 40 ans. Et ça commence à bien se voir. On était avant dans les quartiers. Maintenant on ne l'est plus. Donc la génération qui est en train de pousser n'a plus de limite. Elle est complètement intégrée et on va commencer à voir à la télé, dans les politiques, une vraie diversité. On est là pour l'accélérer parce qu'on voit aussi que c'est des opportunités, une certaine richesse d'en avoir et ça crée de la frustration quand on ne la voit pas parce qu'on veut aller plus vite. Mais je trouve que tout va à peu près dans le bon sens. Je suis très positif, et que la génération qui arrive va régler ce problème très rapidement parce que ça y est, ils ont toutes les armes pour le faire.
- Nathan Laufer
Team positif ?
- Benoît Hamon
Oui, mais là, une réaction. Pour le coup, il y a une chose à laquelle il faut faire attention, c'est que la diversité, ça ne te garantit pas que la société soit plus juste et plus solidaire. Aujourd'hui, il y a de plus en plus de latinos qui votent pour le fait de fermer aux Etats-Unis les frontières pour des vénézuéliens qui voudraient rentrer. Et tu vois en France aujourd'hui des réactions vis-à-vis des migrations, de nouvelles générations qui migrent peuvent être de la part de gens qui sont issus de l'immigration, au départ, on a parlé des descendants d'Italiens, d'Espagnols, etc. Et maintenant, aujourd'hui, des descendants de familles maghrébines qui disent qu'il faut maintenant fermer la porte parce que sinon, on n'y arrivera pas. Donc, le vrai sujet, qui n'est pas simple, là, pour le coup, je ne me hasarderai pas à avoir des certitudes, j'ai quelques convictions, mais la vraie question, c'est dans un contexte où tu as une augmentation des migrations internationales, pas que pour des mauvaises raisons, parce que c'est plus facile d'aller étudier à l'étranger aussi, t'as des opportunités en termes de formation, etc. C'est plus facile de bouger. C'est comment une société, avec un changement d'échelle des migrations internationales, comment elle reste inclusive. Et le peut-elle, d'ailleurs ? Et ça, ce sont des sujets qu'il faut traiter. Aujourd'hui, on ne les traite pas, puisqu'on dit que ce n'est pas possible, on ne fait rien pour que ce soit possible, d'ailleurs, parfois. Et donc, l'essentiel des politiques publiques parle d'exclusion, d'expulsion, d'OQTF, etc. Mais, voilà, ce que je crois c'est qu'il faut travailler ça, mais ne pas croire que parce que ta photo est plus diverse, tu changes les règles du jeu du système. Je pense que c'est bien qu'elle soit plus diverse en toute chose, parce que c'est plus représentatif de la réalité de la population. Mais ça n'empêche pas qu'il faut avoir des politiques spécifiques de justice, de solidarité, parce que la diversité ne réglera pas tout. Voilà, c'est tout.
- Nathan Laufer
Très intéressant. Paul ?
- Paul Lê
Non, je suis complètement d'accord. La diversité n'est pas une solution. Il y en a, d'accord, mais ce n'est pas quelque chose qui va complètement changer la société. Aujourd'hui, on le fait parce qu'encore une fois, j'ai une entreprise qui est à mon image et je suis naturellement moins biaisé sur certains recrutements. Mais je rejoins complètement ce que dit Benoît.
- Nathan Laufer
Très intéressant. Alors revenons quelque peu sur la vision que vous avez aussi des villes de demain. Ma question, c'est quelles initiatives sur des villes actuelles, que vous connaissez, vous inspirent dans la manière de répondre aux défis urbains ? Il y a des exemples comme ça qui vous viennent à l'esprit ?
- Paul Lê
Dans la mobilité, c'est sûr qu'aux États-Unis, avec San Francisco, les voitures autonomes, ça m'inspire. En Chine, les livraisons, et même au Japon, les livraisons par drone. Des personnes âgées qui habitent au 8e étage sont livrées parfois en drone de leur médicament. je pense qu'il faut aller vers là, la technologie permet de fluidifier beaucoup de choses donc ça c'est en termes de mobilité et technologie et je pense que ça va arriver très vite.
- Nathan Laufer
Les taxis volants à Paris ?
- Paul Lê
Tous ? Moi, je suis un pro-technologie à fond. Mais toujours une technologie qui permet à l'humanité de s'enrichir autrement que par le travail. Il y a aussi la culture, passer du temps avec les gens, transmettre aux gens qui sont autour de nous, créer des connexions humaines. Ça, j'y crois à fond. Et la technologie nous permet d'avoir ce temps-là. mais il faut une technologie au service de l'humanité et ça j'y crois à fond et je pousse pour ça.
- Nathan Laufer
Super intéressant, et vous Benoît ? Une initiative, une ville ?
- Benoît Hamon
Je prolonge ce que vient de dire Paul, la technologie au service du service public c'est génial tout l'enjeu pour nous c'est que la technologie soit pas un luxe que l'on s'offre quand on a les moyens de se l'offrir et qui vous facilite la vie mais ce qu'il a dit sur le fait de pouvoir un prolongement de la sécurité sociale à travers le fait qu'on puisse avoir avoir accès demain à des médicaments plus facilement que les transports publics, soit des lieux dans lesquels qu'ils soient sûrs, réguliers, accessibles pour les personnes en situation de handicap. Là encore, la technologie peut nous aider à beaucoup de ces choses-là. Oui, oui, oui, cent fois oui. C'est-à-dire que nous, il y a un vrai enjeu à mettre ce génie-là au service du bien commun. Et donc, en l'espèce. Si on parle de ville, mobilité, on est dans une ville dans laquelle il y a plein de possibilités de se déplacer d'un endroit à un autre. Ça peut être, évidemment, on peut mettre de l'argent dans les taxis volants, mais à mon avis, ça va coûter cher au début. Mais si on peut mettre de la technologie dans le métro, dans les services publics pour que ce soit, il y en a déjà. Je ne dis pas qu'il n'y en a pas. On l'a vu changer le métro. On a vécu une expérience incroyable, comme pendant les JO. C'est la preuve que ça marche. Tout marchait, tout était nickel. Et donc, voilà, je pense que moi, je suis à fond pour ça, mais après, je vais prendre un truc qui est à l'opposé de la technologie. Je prends un programme qu'on développe, nous chez Singa, qui s'appelle J'accueille, des cohabitations solidaires, c'est-à-dire l'hébergement de personnes réfugiées par des citoyens. Là, t'as pas de technologie, mais ça accélère incroyablement l'inclusion. Par quoi ? Par le lien pour les gens. Si tu habites chez moi, t'apprendras plus vite le français parce que tu es immergé dans un environnement francophone. Puis je te mets mon réseau social, professionnel, va te profite.
Et donc, je pense que la ville de demain, il faut que ce soit la ville du lien.
- Paul Lê
Complètement !
- Benoît Hamon
Des liens entre les gens. Et moi, j'attends de la technologie qu'elle relie aussi les gens.
- Paul Lê
Je suis d'accord. On peut prendre des exemples un peu plus macro. Tu prends un bus. Aujourd'hui, conduire un bus, il n'y a aucun plaisir. Et techniquement parlant, on peut mettre des bus autonomes qui se conduisent tout seul. Les chauffeurs du bus, tu ne vas pas lui enlever son travail. Par contre, tu vas continuer à être dans ton bus et créer du lien, aider les personnes à monter, transmettre des émotions, des choses, et créer du lien avec les personnes qui sont dans ton bus. C'est beaucoup plus satisfaisant et c'est aussi vers là qu'on doit diriger l'humanité. Et tu vois, c'est un exemple où en vrai, la technologie, et l'IA, va à fond. Mais on garde la personne dans le bus et son emploi pour créer du lien.
- Nathan Laufer
Peut-être que la technologie peut permettre à l'humain d'être plus polyvalent ? C'est un peu ça la vision que vous avez ?
- Paul Lê
On est de façon des humains et on a cet instinct de s'adapter partout et à plein d'environnements. Et aujourd'hui, il y a des choses qui ne sont pas satisfaisantes à faire et qu'on peut remplacer par la technologie et la créativité humaine et l'instinct humain va ne faire que s'adapter. Tant que la technologie est au service de l'humanité et pas contre l'humanité. Et c'est ça qu'on doit faire attention aujourd'hui.
- Nathan Laufer
Très intéressant. On est toujours de la Team Positif.
- Benoît Hamon
Oui, parce que sinon, tu peux dire, aujourd'hui, la technologie, elle sert surtout à faire, à sophistiquer les armes, donc à tuer les gens. Et tu le vois avec, à quel niveau, je veux dire, avec quand même des guerres qui sont extrêmement létales, et qui, et c'est cette technologie-là aussi dont on entend, nous, souvent parler, quand tu ouvres ton fil d'infos. Mais, mais c'est mieux de mettre Paul à ce job-là que, Musk, putain, pitié. Moi, je suis pour. Moi, je suis la team Paul et pas la team Elon. Voilà.
- Paul Lê
Moi, j'étais très dans la team Elon. Je reconnais en lui un génie de ce siècle. Évidemment, après, il est dans un monde, il a grandi. Il a aussi cet ADN, presque autistique, tu vois, de voir un monde rempli de data et binaire et que les choses évoluent. Il est très bon dans la création de choses mais la politique c'est le lien entre les humains et ça ça peut pas être binaire parce que t'es pas une machine t'es pas un algorithme, c'est tes réactions sont trop inattendues et on ne peut pas gérer une entreprise technologique et gérer le peuple de la même façon, en essayant de diriger les choses de manière très verticalisée, presque binaire. Donc c'est très compliqué de mettre un génie comme ça dans la politique. Par contre, je crois vraiment au bienfait de la technologie pour l'humanité et que la technologie doit être au service de tout le monde, du service public à fond, pour aider à ce qu'aime faire le service public, c'est aider les gens et pas devenir une friction et une peur administrative. Et partout où l'État agit, il doit se faire aider par la technologie, l'intelligence artificielle, parce que c'est le monde de demain qui va vers là et il faut l'adopter très vite, sinon on va se faire distancer. Mais l'adopter avec un modèle social comme on l'a. C'est là où on doit aller et c'est là où l'Europe doit aller et la France doit aller.
- Nathan Laufer
Paul Lê un jour en politique ?
- Paul Lê
Non, jamais. Non ? Non, jamais.
- Nathan Laufer
Ça ne vous intéresse pas ?
- Paul Lê
Non, non, non, jamais, jamais. Je pense qu'il y a deux pôles qui peuvent dessiner la France. Il y a le pôle, évidemment, politique, mais il y a aussi le pôle business. Il doit y avoir, je ne sais pas, 20 businessmen qui font le visage de la France. Ils achètent des médias. Certains médias sont de gauche, de droite, ils achètent des entreprises, ils investissent dans l'économie. Ils dessinent à leur manière la France. Et plus tu montes et plus à un moment donné tu parles aussi aux politiques, je préfère cette team-là. Je trouve que le métier de politique aujourd'hui est devenu très difficile, parce qu'on a trop de places publiques de discussion. Il faut être mentalement très chargé pour le faire, et souvent j'ai travaillé très très longtemps pour un politicien et j'ai vu que au niveau familial et ton entourage d'amis ça fait trop de dégâts quoi mais moi je suis trop trop attaché je suis trop attaché à ça quoi voilà on n'a qu'une vie voilà mais on peut rendre service à la société de l'autre côté, ceux qui font du business voilà rendre service ce n'est pas de la politique.
- Nathan Laufer
Ok, très intéressant la vision. On arrive au bout de l'entretien, on va conclure. Dernière question, chacun d'entre vous. On se projette, 2050, comment vous voyez-vous en 2050 ? Qu'espérez-vous comme changement en 2050, dans les villes principalement ?
- Benoît Hamon
Qu'est-ce que je vois dans les villes ? Je vais t'énoncer des pensées...
- Nathan Laufer
Un rêve ?
- Benoît Hamon
Mon rêve, c'est qu'on ait déjà compris, que ce qui se joue autour du dérèglement climatique, ce n'est pas l'avenir de la Terre, c'est l'avenir de l'humanité sur Terre. Ce qui n'est pas exactement la même chose. C'est que la Terre, elle nous survivra. Mais la question de l'habitabilité de la planète, elle est désormais posée. Et la ville va jouer un rôle cruciale dans cela, je vais prendre un exemple dans une ville que connaît Paul, mais à Trappes aujourd'hui, ils font des zones fraîcheurs parce que il y a un certain nombre de bâtiments qui sont des zones qui en cas de canicules peuvent être des vrais fours. Donc on raisonne complètement différemment comme on raisonne en termes de désartificialisation des sols. C'est pour que l'eau à nouveau circule et qu'elle ne s'évapore pas. Pourquoi ? Parce qu'elle restera en surface alors qu'on en a besoin pour recharger les nappes phréatiques et que ça va devenir un enjeu politique, stratégique, crucial que de contrôler l'eau demain. Donc on a des facteurs de guerre et de conflits brûlants liés aux conséquences du dérèglement climatique. Donc le sujet, il est vraiment de prendre à bras le corps cette question du fait de reprendre le contrôle de notre destinée. Et là aujourd'hui, on est en train de le perdre. On est en train de le perdre, la faute à un modèle économique qui est un modèle économique qui crée des dégâts qui sont irréversibles et qui produisent d'autres dégâts en chaîne. Donc voilà, moi j'espère qu'on aura trouvé les voies et les moyens en 2050 et qu'on aura enregistré de véritables progrès sous la forme d'une capacité collective à mieux maîtriser notre destin. J'ai peur aujourd'hui que nous soyons dans un moment où nous pourrions perdre collectivement si nous le décidions beaucoup du contrôle de notre avenir et notre futur. Paul a des enfants, j'en ai aussi. Et donc 2050, j'espère que si je suis encore vivant, qu'elles me diront, mes filles, tu ne nous as pas laissé que de la merde. Paul ? Pardon de parler comme ça.
- Paul Lê
Pas de soucis. J'espère aussi que mes enfants me diront t'as pas fait que de la merde et laissé que de la merde. Mais c'est important de penser ça parce que tu penses à ton prochain et le plus proche, donc tes enfants. Et à partir du moment où tu as envie de laisser les choses, un bel avenir pour eux au moment où tu ne seras plus là, ça te force aujourd'hui, et si tu as un peu de pouvoir, à faire les choses dans le bon sens. Maintenant, ton bon sens n'est pas forcément le bon sens de tout le monde, c'est ça le problème, mais essayons d'être pragmatiques. Il y a un changement climatique qui arrive, comment est-ce qu'on fait pour vivre avec et mettre les choses en place pour le contrôler. Il y a d'autres enjeux qu'on va voir arriver, c'est-à-dire des puissances rouges et des puissances bleues, et nous au milieu, comment est-ce qu'on fait pour garder ce modèle social que j'estime incroyable ? Si on regarde juste les premières pensées lorsqu'on écrit ce système-là, c'est génial. C'est très tourné vers les autres, il faut continuer à le garder. Évidemment, aujourd'hui, on pointe un peu plus les dérives de ce système-là, mais je pense que la technologie aujourd'hui, la data et l'AI, peuvent régler énormément de ces problèmes-là et garder justement un modèle social, mais très technologique. Donc j'essaierai d'inculquer les principes à mes enfants et leur dire que tout est possible grâce à la techno, et la techno qui n'est pas pensée que pour sa gueule.
- Nathan Laufer
Les enfants entrepreneurs ?
- Paul Lê
J'espère.
- Nathan Laufer
J'espère ?
- Paul Lê
Je ne sais pas, je suis fils d'entrepreneur moi-même. mais je pense qu'être entrepreneur c'est normal tu vois en Asie du Sud-Est tout le monde est entrepreneur parce qu'ils essayent de s'adapter à l'économie et à la vie là-bas donc entreprendre je trouve ça normal et j'espère transmettre les bons gènes à mes enfants après c'est pas grave s'ils n'y arrivent pas on ne leur en veut pas mais tant qu'ils restent sur leurs appuis et avec leurs principes qui sont pas des principes de trou du cul.
- Nathan Laufer
Ok. La fin, c'est toujours...
- Paul Lê
C'est toujours... on va vite.
- Nathan Laufer
Dernière phrase pour conclure. Quelle serait, vous, la citation que vous auriez envie de laisser à l'humanité ? La citation, Benoît Hamon, va sur un site internet.
- Benoît Hamon
Non, je vais pas, je vais pas donner une citation. Tu sais le mec qui dit qu'il peut laisser une citation, pour la postérité, il faut qu'il ait un peu le melon. Je vais te donner une citation d'une femme que je trouve, ça me va bien. En gros, c'est ce qu'elle a dit. Ça se passe à la fin du 19e siècle. Elle s'appelle Emma Goldman. Elle vient de Russie. Elle est réfugiée aux États-Unis. Et c'est une combattante syndicaliste et on est dans une période révolutionnaire et elle pressent que les révolutions peuvent accoucher de choses qui ne sont pas forcément meilleures que ce qu'on combat. En gros, elle dit attention à ce que derrière la révolution, ce soit plus joyeux. Et elle dit cette phrase que je trouve très juste. Elle dit « If I cannot dance, this is not my revolution. » Si je ne peux pas danser, ce ne sera pas ma révolution. En clair, si pendant le moment où on est en train de se battre, ce n'est pas joyeux. Le monde qui se préparera derrière ne sera pas joyeux. Je trouve qu'elle nous dit quelque chose. C'est, qu'on soit chef d'entreprise, responsable politique ou citoyen. Quand on propose quelque chose, si on n'a pas dans cette proposition une envie de partager, une certaine joie, je me méfie du deal. J'ai l'impression que le deal ne sera pas bon derrière. Donc la joie, c'est un bon indicateur.
- Nathan Laufer
Team positif toujours. Paul, vous avez le choix, votre citation ou quelqu'un d'autre ?
- Paul Lê
J'ai n'ai ni l'un ni l'autre, donc on va essayer de faire un truc sympa, mais si je devais laisser un message à quelqu'un, je lui dirais tu vois, j'ai fait d'autres podcasts et j'ai toujours dit à la fin t'inquiète pas demain c'est trop bien !
- Nathan Laufer
Sympa ! Merci, merci Paul, merci Benoît, d'avoir accepté mon invitation merci, j'espère que cet échange vous aura plu, que ça a été instructif aussi pour vous.
- Paul Lê
C'est la première fois qu'on fait un truc comme ça.
C'est la première fois qu'on se parle aussi longuement. On a nos numéros, on essaye de trouver, mais je pense qu'on est tous les deux très occupés. Donc, on te remercie. Si Benoît le permet, on te remercie pour ce moment. C'était cool !
- Nathan Laufer
Avec grand plaisir. Merci à vous !
- Paul Lê
Merci à toi, s alut !
- Nathan Laufer
Merci de nous avoir suivis et à très bientôt pour le deuxième épisode de Prospective Urbaine.