#39 David Happe : Gardiennes de la nature - et si les femmes prenaient leur place ? cover
#39 David Happe : Gardiennes de la nature - et si les femmes prenaient leur place ? cover
Sacrément Beau

#39 David Happe : Gardiennes de la nature - et si les femmes prenaient leur place ?

#39 David Happe : Gardiennes de la nature - et si les femmes prenaient leur place ?

41min |15/07/2024
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Description

Depuis le Moyen Âge, les femmes ont été nombreuses à être reconnues pour leurs connaissances pratiques et empiriques des plantes, en particulier dans le domaine de la phytothérapie. Celles qu’on qualifiait de sorcières possédaient pourtant des connaissances de guérisseuses que l’on consultait en l’absence d’un médecin.

Pourtant, durant des siècles et jusqu’à nos jours, la botanique académique est devenue majoritairement une affaire d’hommes.

Mais alors, qu'est-ce que cela dit de l’évolution de notre société et de notre relation à la nature ? Et plus largement, qu’est-ce que cela dit de la place des femmes dans les métiers de la forêt et de l’agriculture ?

Existe-t-il vraiment une dualité entre les hommes et les femmes dans la manière dont l’environnement est traité aujourd’hui et depuis des siècles ? Et comment les femmes contribuent-elles aujourd’hui à nous reconnecter au monde vivant ?

Mon invité du jour répond à ces questions.

Expert arboricole, il est l’auteur de plusieurs livres dont « Arbres en péril », « Au chevet des arbres », et « Chercheurs d’arbres », tous les trois parus aux éditions Le Mot & Le Reste entre 2021 et 2023.

J’ai la joie d’accueillir pour la deuxième fois dans Sacrément Beau, David Happe, à l’occasion de la sortie de son dernier livre « Gardiennes de la nature », paru aux éditions Le Pommier en avril dernier.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bienvenue dans Sacrément Beau, le podcast pour voir le monde sous un autre angle. Je suis Leïla Fégoul, la créatrice de ce podcast et communiquante au service du vivant. Sacrément Beau, c'est une invitation à la contemplation, une immersion profonde au cœur de notre intériorité pour faire l'expérience sensorielle et émotionnelle que nous offre la vie. Au fil des épisodes, je vous emmène avec moi faire la rencontre de personnalités. engagée et porteuse de projets à sens pour explorer le monde sous un éclairage nouveau. Que ce soit à travers l'art, la nature, la culture, l'histoire, la science ou la philosophie, élargissons nos horizons pour réveiller notre âme et cheminons vers une conscience de ce qui nous entoure pour changer nos points de vue. Depuis le Moyen-Âge, les femmes furent nombreuses à être reconnues pour leur connaissance pratique et empirique des plantes, en particulier dans le domaine de la phytothérapie. Celles qu'on qualifiait de sorcières portaient pourtant en elles les connaissances de guérisseuses que l'on consultait en l'absence d'un médecin. Pourtant, durant des siècles et jusqu'à nos jours, la botanique académique est devenue majoritairement une affaire d'hommes. Alors, qu'est-ce que cela dit de l'évolution de notre société et de sa relation à la nature ? Et plus largement, qu'est-ce que cela dit de la place des femmes dans les métiers de la forêt et de l'agriculture ? Existe-t-il vraiment une dualité entre les hommes et les femmes, dans la manière dont est traité l'environnement aujourd'hui et depuis des siècles ? Mon invité du jour répond à ces questions. Expert arboricole, il est l'auteur de plusieurs livres, dont Arbre en péril, Au chevet des arbres et Chercheur d'arbres, tous les trois parus aux éditions Le Mot et le Reste entre 2021 et 2023. Et j'ai la joie d'accueillir pour la deuxième fois dans Sacré-Mambo David Happ, à l'occasion de la sortie de son dernier livre, Gardienne de la nature aux éditions Le Pommier, paru en avril dernier. Bonjour David, comment allez-vous ?

  • Speaker #1

    Bonjour Leïla, ça va très bien, merci.

  • Speaker #0

    Je suis ravie de vous recevoir pour la deuxième fois. Écoutez, j'ai bien envie de démarrer cette interview en vous posant cette première question. Alors, comme je l'ai dit en introduction, votre dernier livre s'intitule Gardienne de la nature C'est un titre qui donne l'impression d'une mission un peu sacrée, qui sera attribuée aux femmes. Je trouve ça très solennel comme titre. Selon vous, cette mission de préserver et de protéger la nature, est-ce qu'elle incombe particulièrement aux femmes ?

  • Speaker #1

    Elle incombe à tout le monde. Mais force est de constater que, au cours de ces dernières décennies, et notamment dans les sphères professionnelles que j'évoque, l'agriculture, la silviculture, la recherche aussi dans le domaine botanique, la place des femmes était somme toute assez limitée ou en tout cas assez peu visible. Dans le domaine agricole, les femmes ont toujours été très très investies, mais il est clair qu'au cours des dernières décennies, les hommes étaient généralement beaucoup plus présents dans les médias ou dans les instances professionnelles pour évoquer... pour évoquer ce secteur professionnel. Quant à la forêt, quant à la sylviculture, les femmes sont, somme toute, présentes de manière très limitée, si ce n'est dans les postes à responsabilité, notamment les postes d'ingénieurs, mais sur les terrains, les femmes sont très peu présentes. Or, aujourd'hui, on l'évoquera certainement à la suite de cet entretien, ou alors lors de cet entretien, il n'y a aucune raison pour... pour que les femmes soient moins représentées, soient moins visibles dans ces sphères professionnelles.

  • Speaker #0

    D'ailleurs, vous l'avez écrit dans votre tribune pour Libération, je vais vous citer, vous écrivez Plusieurs indicateurs montrent qu'en agriculture, les femmes sont en moyenne plus engagées dans la transition écologique que leurs homologues masculins, en s'investissant davantage en faveur de l'agroécologie, des productions labellisées et des circuits courts. Est-ce que vous pensez que l'écologie, même si bien sûr elle concerne tout le monde, autant les hommes que les femmes, est-ce que vous pensez que l'écologie est aujourd'hui, d'après les statistiques, un domaine somme toute assez genré ? En quoi les femmes ? pourrait éventuellement aborder différemment ces questions environnementales aujourd'hui ?

  • Speaker #1

    Alors j'aimerais d'abord commencer en disant que je ne suis pas forcément un adepte de ce qu'on appelle la pensée essentialiste. C'est-à-dire que je ne considère pas que les femmes et les hommes ont, au-delà de leur biologie propre, des aptitudes, des caractéristiques particulières. C'est le genre de théorie qu'on voit encore traîner dans certains secteurs professionnels, notamment ceux que j'évoque. pas par tout le monde bien évidemment, mais par certains hommes. Mais par contre, je suis somme toute assez persuadé que les femmes, et les chiffres le montrent, sont particulièrement vulnérables vis-à-vis des changements globaux que la planète subit, que ce soit en matière de changement climatique ou de perte de biodiversité. Au niveau national, au niveau européen, ça ne se ressent pas. forcément de manière très immédiate, mais quand on va dans d'autres régions du monde, et notamment dans l'hémisphère sud, on se rend bien compte que les grandes catastrophes climatiques impactent de manière préférentielle les femmes et les jeunes, à la fois de manière directe, d'un point de vue sanitaire, mais aussi de manière indirecte, de par... de par l'impact de ce changement climatique, par exemple sur la production agricole, sachant que les femmes disposent de moins de moyens techniques, financiers, pour justement faire face à ce fléau climatique qui impacte par exemple leur production, leur production agricole comme je l'évoquais. Simplement, je pense qu'on a tous effectivement des parcours de vie différents. Et les femmes ont aussi, je dirais, d'une façon générale, une expérience différente avec la nature, une sensibilité qui est peut-être un peu différente, une vie quotidienne qui peut aussi être différente. Malheureusement, je déplore, mais les femmes assument encore très largement une bonne part des tâches familiales, les chiffres en attestent. Et ces expériences les obligent aussi à... à développer, je dirais, des capacités, un sens de l'organisation, un sens de pouvoir faire plusieurs choses aussi à la fois, c'est ce qui ressort à travers les témoignages que j'ai recueillis pour mon livre, qui laissent penser effectivement qu'elles peuvent être amenées à aborder certains métiers de la forêt, de l'agriculture, de manière peut-être différente, non pas parce qu'elles ont des aptitudes innées, je dirais, différentes, mais parce que par leur vie, parce qu'elles ont connu. elles peuvent effectivement être amenées à entrevoir leurs métiers d'une façon différente.

  • Speaker #0

    Pour rebondir sur la partie statistique, puisque vous évoquiez les chiffres, les statistiques semblent effectivement le montrer, on observe quand même une féminisation des métiers de l'agriculture et de la civiliculture. Pour faire le pont sur la réponse que vous venez de me donner, est-ce que cette tendance pourrait peut-être traduire une prise de conscience chez les femmes ? de l'importance du rôle qu'elles pourraient jouer, qu'elles peuvent jouer dans ces secteurs pour induire des changements significatifs dont on a besoin aujourd'hui ?

  • Speaker #1

    Clairement, on a besoin, à mon sens, plus de femmes dans ces métiers. De là à dire qu'aujourd'hui, les femmes sont plus représentées dans les métiers de l'agriculture et de la forêt, je mettrais un bémol, même si j'évoque cette hypothèse au début de mon livre, dans le domaine de l'agriculture. En pourcentage, effectivement, les femmes sont aujourd'hui plus représentées. On a environ 25% des exploitants agricoles qui sont des femmes. Mais en réalité, le nombre de femmes qui sont à la tête d'une exploitation agricole n'a pas augmenté en valeur absolue. Le nombre d'agriculteurs a largement diminué et le nombre de femmes est resté stable. Donc mécaniquement, effectivement, la proportion de femmes a augmenté. Quant au métier de la forêt… On constate une vraie différence entre les postes d'encadrement, notamment les postes d'ingénieurs, qui se sont très fortement féminisés. Aujourd'hui, dans les écoles d'ingénieurs qui préparent au métier de la forêt, mais aussi au métier du paysage, de l'agronomie, on a désormais quasiment une majorité de femmes, mais sur le terrain, au plus près du terrain, qu'on soit bûcheron, garde forestier, technicien. Les femmes ne constituent toujours qu'une part très congrue des effectifs. Or, aujourd'hui, aucun frein ne devrait subsister quant à la présence de... des femmes, je dirais, sur le terrain, au plus près du terrain, pour exercer ces métiers.

  • Speaker #0

    Oui, c'est vrai que quand on pense aux métiers forestiers, on a encore un petit peu l'image à l'ancienne du bûcheron. On s'imagine que finalement, ce métier se résume uniquement à un métier extrêmement physique. Est-ce que vous pensez que c'est à cause de ça, finalement, que peut-être il y a encore des espèces d'a priori, d'idées reçues sur ce métier, qui finalement, aujourd'hui, dans la conception plus moderne du métier, on peut imaginer... qui a d'autres éléments, d'autres fonctions. Vous en parlez dans le livre, vous dites que c'est un métier, finalement, aujourd'hui, multidimensionnel, qui, normalement, devrait, justement, encourager la présence de davantage de femmes sur ce métier, justement.

  • Speaker #1

    Oui, tout à fait. C'est vrai que, moi, personnellement, je suis issu d'une formation forestière, j'ai longtemps été forestier. Au tournant des années 80 et 90, on nous enseignait essentiellement la forêt comme étant un espace de production de bois. Aujourd'hui, dans les écoles forestières, même si la dimension économique de la forêt subsiste, et fort heureusement, on intègre bien évidemment de manière plus large les autres fonctions que peuvent exercer les forêts en termes d'accueil du public, en termes de respect de la biodiversité, en termes de protection de la ressource en eau, etc. Et à ce titre, il me semble effectivement que les femmes ont un rôle à jouer, ont une parole à porter. Très concrètement, il y a des techniciennes forestières sur le terrain, que ce soit dans le domaine public, à l'Office national des forêts, ou dans le secteur forestier, et on voit bien à travers leurs témoignages sur les réseaux sociaux, dans des revues et autres, que leur approche de la forêt est somme toute plus multifonctionnelle que les hommes en général. Alors je n'irai pas jusqu'à dire que les hommes ne sont pas du tout sensibles à la question de la biodiversité, etc. Mais c'est vrai que sur le terrain, lorsqu'il y a des initiatives qui sont portées pour préserver certaines espèces, pour accueillir le jeune public, pour faire découvrir la forêt, on sent que les femmes sont plus en première ligne, si je puis dire. Quant au métier, par exemple, du bûcheronnage, que vous évoquiez à l'instant, Il est clair qu'il y a 50 ans comme maintenant, il aurait été peut-être assez difficile de proposer à une femme d'être bûcheronne, tout simplement parce que le matériel était totalement inadapté. On avait des tronçonneuses qui pesaient des dizaines et des dizaines de kilos, ou alors on avait ce qu'on appelle des passe-partout, des très grandes scies qu'il fallait tenir à quatre bras. Aujourd'hui, avec les moyens techniques qu'on a, avec la mécanisation qui a évolué et qui a rendu l'ensemble des outils beaucoup plus accessibles à tous, Je pense que ces freins techniques, si je puis dire, n'existent plus. D'ailleurs, j'ai des témoignages du même genre dans le domaine agricole. J'ai eu l'occasion, à travers mon ouvrage, d'interroger certaines personnes, certaines femmes, qui étaient engagées dans les instances professionnelles agricoles, et qui me disaient qu'aujourd'hui, d'un point de vue mécanisation agricole, Il n'y a plus de réel frein pour permettre aux femmes d'exercer toutes les activités possibles dans le domaine agricole. Il y a encore des améliorations à trouver vis-à-vis des outils pour les rendre encore plus adaptés, et beaucoup plus universels, que ce soit vis-à-vis des hommes ou vis-à-vis des femmes. Mais aujourd'hui, conduire un tracteur, labourer un champ, semer, s'occuper de... d'animaux de la ferme ne posent plus de problème d'un point de vue technique et ce sont des métiers qui peuvent tout à fait être exercés par les hommes ou par les femmes.

  • Speaker #0

    Et d'ailleurs, ça aussi, vous le mettez en avant dans votre livre, au début de votre livre, vous expliquez que les chiffres le démontrent et qu'effectivement, si les femmes sont aujourd'hui souvent à l'avant-garde de mouvements de conservation, c'est parce qu'elles sont en train de se faire des mouvements de conservation et de la nature et de justice environnementale, il n'en reste pas moins qu'elles sont encore toujours sous-représentées dans les processus décisionnels de ces métiers. Qu'en pensez-vous ? Quelles actions concrètes, justement, pourraient être mises en place pour changer ça, pour assurer peut-être une meilleure inclusion des femmes déjà dans ces métiers que vous venez d'évoquer, et puis aussi dans le processus décisionnel en agriculture et en civiculture, par exemple ?

  • Speaker #1

    À mon avis, déjà, c'est au niveau des formations qu'il faut agir. Je reprends l'exemple de la forêt que je connais bien. Il y a 40 ans, dans les écoles forestières préparant au métier de technicien, d'agent forestier, vous aviez à peu près 10% de femmes. Il m'arrive assez régulièrement de dispenser des cours. de sylviculture dans des lycées forestiers de Bretagne où j'habite, et de l'avis même des professeurs que je rencontre, ils me disent que les pourcentages n'ont pas changé. Donc on a toujours aussi peu de femmes dans les métiers techniques liés à la forêt. Dans l'agriculture, les choses varient selon les filières. Il y a des filières qui se féminisent beaucoup, notamment les filières liées à l'élevage. Par contre, les filières qui font beaucoup appel aux technosciences, à la mécanisation, ont beaucoup plus de mal effectivement à se féminiser. Et ça c'est une réalité, les femmes qui s'investissent dans le domaine de l'agriculture sont beaucoup moins intéressées par les technologies, par ce que l'on appelle les technosciences dans le domaine agricole. C'est une réalité, elles sont intéressées par d'autres sujets, plus en lien avec la préservation de la biodiversité notamment, et ceci peut expliquer cela. Cela étant, si on veut faire évoluer les pratiques agricoles, notamment dans les grands systèmes intensifs, des grandes cultures, de la Brie, de la Beauce, et de je ne sais quelle autre région, on a effectivement besoin d'avoir un regard un petit peu différent sur les méthodes de production. Et je pense que les femmes peuvent contribuer à faire évoluer ce regard. La seule présence des femmes ne fera pas évoluer ce regard, mais je pense que c'est une des composantes qui peut contribuer à améliorer notre façon de produire.

  • Speaker #0

    Alors, vous, dans votre livre, vous dressez le portrait de sept femmes qui sont engagées au quotidien dans leur métier pour la cause du vivant, à travers l'exercice de leur métier. J'aurais été curieuse de savoir comment vous avez rencontré ces femmes et pourquoi vous avez choisi ces sept femmes en particulier pour exposer leurs témoignages.

  • Speaker #1

    Je voulais traiter de trois types de métiers ayant un rapport direct avec le vivant. Deux métiers de production, les deux métiers qu'on a assez largement évoqués jusqu'à présent, celui de l'agriculture et celui de la silviculture, de la gestion forestière. Je voulais aussi évoquer les métiers de la recherche. en lien avec le végétal. Alors ça, c'était mon premier critère. Après, je voulais aussi une bonne représentativité, je dirais, géographique des témoignages que j'allais recueillir. Et je voulais aussi faire écho à mon propre parcours, puisque dans mon livre, entre les différents portraits, j'aborde de manière assez subsainte certaines étapes de ma vie, en tant que forestier, en tant que botaniste. Et je voulais justement, à travers ces portraits, faire un petit va-et-vient entre mon expérience professionnelle et le parcours de ces femmes. Alors tout ça m'a conduit naturellement à aller vers certaines que je connaissais déjà. Je pense par exemple à Isabelle, qui étudie les mousses, qui se passionne pour l'étude des mousses et qui fait l'objet d'un portrait dans le livre. J'avais aussi repéré certaines personnes qui avaient, je dirais, des messages à porter, de réelles convictions à partager à travers les réseaux sociaux. sociaux. C'est le cas notamment de Marion, qui est forestière, d'Elodie, qui est cueilleuse. Et puis après, ça a été, je dirais, le pur hasard des recherches sur Internet, qui m'ont permis effectivement de repérer certains parcours assez intéressants et qui me semblaient assez exemplaires.

  • Speaker #0

    Et pour illustrer justement, juste avant le démarrage des portraits, il me semble, je crois que c'est dans l'introduction de votre livre, vous donnez quelques exemples historiques souvent de femmes qui ont eu cet élan du cœur de préservation de l'environnement à travers leurs actions. Est-ce que vous accepteriez, pour donner envie un peu à nos auditrices et à nos auditeurs, de nous parler d'un exemple en particulier de femmes historiquement qui ont eu cet élan du cœur de préservation de l'environnement ? qui illustre justement un petit peu ce que font ces femmes aujourd'hui, à l'image de celles que vous avez citées. Oui,

  • Speaker #1

    oui, oui. Alors, vous parlez effectivement des personnalités un peu historiques que je cite effectivement dans mon introduction. Et je penserais du coup à Julia Butterfly, qui est quand même quelqu'un d'assez impressionnant. C'est une femme qui est restée perchée pendant près de mille jours. dans un séquoia géant qui était voué à disparaître et à être défriché sur la côte ouest de Californie dans les années 80-90, à une époque où les grandes forêts de séquoia étaient particulièrement menacées par les grandes concessions forestières d'Amérique du Nord. Et donc, effectivement, il y a eu un certain nombre de... de mobilisations citoyennes qui ont été organisées à l'époque pour préserver ces séquoias, ces arbres et ces forêts monumentales. Et parmi ces éco-citoyens, il y avait effectivement une femme, une biologiste de formation, qui a grimpé au sommet de Luna, donc d'un séquoia millénaire, et y est resté mille jours de façon à éviter que les bichons l'exploitent. Donc ça c'est pour moi un parcours très inspirant et un parcours aussi qui fait écho à l'actualité, compte tenu des mobilisations citoyennes qui aujourd'hui se mettent en place, et à mon avis à raison, pour éviter que des projets destructeurs continuent à générer des abattages abusifs.

  • Speaker #0

    J'aimerais bien qu'on revienne un instant sur votre tribune pour Libération, où vous citez un philosophe, et d'ailleurs vous reprenez cette citation dans le corps de votre livre. Vous écrivez en le reprenant La nature est une femme publique, nous devons la mater, pénétrer ses secrets et l'enchaîner selon nos désirs C'est une citation qui est plutôt violente, moi-même j'ai trouvé ça plutôt révoltant à la lecture, c'est assez frappant, et je me demandais pourquoi vous aviez choisi cette citation, et comment, selon vous ? Elles reflètent les défis actuels dans la gestion des ressources naturelles aujourd'hui.

  • Speaker #1

    Alors cette citation effectivement de Francis Bacon correspond à une période un petit peu charnière dans notre histoire, dans notre histoire des sciences, dans notre histoire des techniques. En fait, c'est le début de l'époque moderne, l'époque où on a commencé à découvrir... un certain nombre de choses qui ont amélioré les techniques, la médecine, etc. Et dès le début de cette ère, de l'ère moderne, ces chercheurs, ces techniciens, ces scientifiques, ont considéré que l'acquisition de connaissances, le développement des techniques, des sciences, était une affaire d'hommes. Et Francis Bacon, le philosophe Francis Bacon, s'inscrit totalement dans cette... dans cette lignée-là, en disant bon, ben maintenant, la nature, voilà, la nature, on va la maîtriser, on va la gérer, et on va la gérer de manière de manière sérieuse, on va en faire une affaire d'homme Et il voulait, en ce sens, s'opposer à l'approche plus pragmatique, plus sensible, plus empirique qu'avaient avant les femmes avec la nature, via notamment la sorcellerie. jusqu'au 15e, 16e siècle, les femmes avaient un lien très étroit avec la nature et avaient une connaissance bien plus fine de la nature que les hommes. Mais cette connaissance était, je dirais, somme toute empirique et pas basée forcément sur des fondements scientifiques. Et donc, quand les hommes se sont emparés de la question scientifique, ils ont décidé effectivement que ce serait leur précaré, d'une certaine manière. Et aujourd'hui encore, même s'il y a eu effectivement des évolutions, on sent toujours cette emprise masculine sur les sciences et sur les techniques. D'ailleurs, dans les grandes instances scientifiques, dans les médias, quand on entend des experts, des techniciens, souvent on a affaire à des hommes. Heureusement, de plus en plus, on voit des femmes qui s'expriment sur ces sujets, mais ça reste encore relativement récent. Et dans les grandes instances académiques qui s'intéressent aux sciences et aux techniques, les hommes sont encore très largement dominants.

  • Speaker #0

    Oui, et puis ce qui ressort de cette citation, en tout cas moi, c'est l'effet que ça m'a fait à sa lecture, c'est qu'au-delà de la domination masculine sur la nature, il ressort aussi cette domination masculine sur la femme, sur le genre féminin. Donc c'est vrai que c'est assez… C'est là qu'on voit tout à fait comment est-ce que la nature est assimilée à la femme et comment finalement ces deux éléments sont plus ou moins, en tout cas par l'histoire, ont été traités un peu de la même manière.

  • Speaker #1

    Tout à fait.

  • Speaker #0

    Pour continuer sur cette thématique-là, j'aimerais bien qu'on parle un petit peu des mouvements écoféministes. Ça ressort un petit peu dans votre livre, les mouvements écoféministes, pour ceux qui ne connaissent pas forcément le terme, ce sont les mouvements qui explorent les liens entre patriarcat et destruction du vivant. Et vous dites dans votre livre que ces actions, les actions des mouvements écoféministes, restent aujourd'hui encore en marge des mondes professionnels et institutionnels. Vous le précisez dans votre livre. Comment est-ce que vous pensez qu'on pourrait intégrer ces mouvements davantage, justement dans les structures professionnelles, pour renforcer cet impact des femmes dans ces secteurs ?

  • Speaker #1

    Alors, effectivement, c'est un constat que j'évoque, mais que développe surtout ma préfacière Myriam Bafou, philosophe du féminisme, qui a écrit vraiment une remarquable préface dans l'ouvrage, je trouve. Alors, la question du renforcement de la pensée écoféministe dans les mouvements professionnels, ça, je me garderais bien d'y répondre. Je pense que Myriam pourrait y répondre plus largement que moi, parce que... Je ne suis pas philosophe, je ne suis pas sociologue, et du coup, c'est assez difficile pour moi de répondre à cette question précise. Par contre, comment veiller à ce que les femmes soient davantage intégrées dans les processus décisionnels de ces sphères professionnelles pour faire évoluer les choses en faveur de la nature ? Là-dessus, effectivement, je peux... je peux me prononcer si je puis dire. Aujourd'hui, dans ces instances professionnelles, que ce soit celui de la forêt, celui de l'agriculture, ou celui de la recherche botanique, de la recherche en général, les hommes sont toujours largement majoritaires. Par exemple, dans l'assemblée permanente des chambres d'agriculture, vous n'avez que 10 ou 15% d'élus qui sont des femmes. Dans celui de la forêt, vous avez... un cinquième ou un quart des représentants qui sont féminins. Donc du coup, ça oriente, je dirais, les politiques un peu structurelles et nationales en matière de gestion forestière, de gestion agricole. Donc effectivement, il faut que dans ces instances, on laisse davantage de place aux femmes, c'est certain.

  • Speaker #0

    Alors, lorsque vous avez fait le portrait de ces sept femmes, Qu'avez-vous appris d'elles, justement, quand vous avez terminé d'écrire votre livre ? Qu'est-ce que vous retenez de ces sept femmes dont vous avez dressé le portrait ?

  • Speaker #1

    Alors, elles ont tout un lien initial, je réfléchis en vous parlant, mais avec la nature, effectivement. Je pense aujourd'hui qu'on peut être issu d'un milieu strictement urbain et s'investir professionnellement dans le milieu de l'agriculture ou de la forêt. Je pense que c'est quand même un petit peu plus difficile. Effectivement, ce n'était pas un souhait de ma part, mais quand j'ai échangé avec ces femmes et que j'ai brossé leur portrait, je me suis rendu compte qu'elles avaient tous un lien direct avec la nature du fait de leur enfance, de leur adolescence. Donc, il y a effectivement un terreau favorable à la... Comment dire ? Oui, je dirais qu'il y avait un terreau favorable à ce qu'il puisse effectivement développer un parcours professionnel de cette nature. Par ailleurs, qu'est-ce qui les relie ? Je réfléchis en vous parlant. Oui, une force de caractère, ça c'est certain. Ce sont vraiment des femmes, je dirais, entreprenantes, qui veulent faire bouger les lignes, qui veulent sortir, je dirais, du cadre établi, qui veulent revisiter aussi le métier dans lequel ils ont décidé de s'investir. Je pense par exemple à Marion, qui est donc une technicienne forestière tout à fait compétente, mais qui revendique de porter un regard un peu différent sur la forêt. de voir les arbres, de voir la forêt vraiment comme un ensemble vivant et sensible. Et elle nous explique effectivement que cette sensibilité l'aide aussi à exercer son métier. Cette sensibilité vis-à-vis de la nature qui les entoure, c'est vraiment un point commun qui relie toutes ces femmes.

  • Speaker #0

    Et c'est même, il me semble, de mémoire de ma lecture, c'est même un ensemble vivant qui les inspire. Je pense à une des femmes dont vous dressez le portrait, je ne me souviens plus laquelle c'est. mais qui explique qu'elle se sent inspirée à écrire quand elle est entourée de la nature et qu'elle écrit beaucoup contre un arbre dans la forêt.

  • Speaker #1

    Totalement. Totalement. Il s'agit de Marion, que j'évoquais, qui est forestière et qui, je dirais...

  • Speaker #0

    sert la nature au sens où elle gère les arbres, elle veille à ce qu'ils grandissent dans de bonnes conditions, qu'ils puissent s'épanouir, si je peux dire, mais qui se sert aussi de la nature pour écrire, pour écrire des poésies, pour écrire des textes, qui sont d'ailleurs très intéressants. Donc il y a une sorte de relation un petit peu mutualiste entre la nature et elle. Elle agit pour préserver la nature, et en retour la nature... l'inspire et l'aide à créer.

  • Speaker #1

    Alors, vous en parliez tout à l'heure un petit peu aussi de la visibilité de ces femmes. D'ailleurs, dans le livre aussi, vous l'évoquez, vous évoquez qu'il est important aujourd'hui que les médias puissent faire paraître justement ces femmes qui travaillent au cœur du vivant ou en tout cas qui sont très engagées et aussi, si possible, à des niveaux décisionnels. C'est important. Je voulais vous poser d'ailleurs cette question, c'est ce que vous souhaitiez faire en écrivant ce livre, David ? Vous souhaitiez rendre enfin visible à votre manière ces gardiennes de la nature ?

  • Speaker #0

    Oui, oui, oui, parce que ça fait effectivement 30-35 ans que je travaille dans le domaine de la forêt et de la nature. J'ai eu l'occasion de rencontrer beaucoup, beaucoup d'hommes, des femmes aussi, mais moins nombreuses. Et curieusement, je me suis fait cette réflexion assez récemment en discutant avec mes deux filles. Je me suis rendu compte que les personnes qui m'avaient le plus inspiré tout au long de mon parcours ont souvent été féminins, alors même qu'elles étaient minoritaires, je dirais, d'un point de vue quantitatif, parmi mes interlocuteurs. qui pouvaient être à la fois des chasseurs, des forestiers, des agriculteurs, des élus, etc. Et je me suis dit quand même, si après 35 ans de vie professionnelle, les principales personnes qui me restent en tête et qui vraiment m'ont marqué tout au long de mon parcours sont des femmes, la moindre des choses, c'est de leur rendre hommage et de montrer à quel point le fait d'avoir des femmes dans ces métiers qui sont encore trop souvent et à tort considérés comme masculin est une nécessité. Oui, c'est clair.

  • Speaker #1

    D'ailleurs, votre livre, vous le dédiez à vos filles, Anouk et Rebecca, ce n'est pas anodin.

  • Speaker #0

    Non, ce n'est pas anodin. En fait, la petite histoire liée à ce livre, c'est que quand j'ai pris mon livre précédent, Chercheurs d'arbres, j'ai essayé d'avoir une certaine parité entre les hommes et les femmes. En fait, j'ai eu beaucoup de mal à trouver des femmes. chercheurs d'arbres. Alors non pas qu'elles n'existaient pas, elles sont nombreuses, mais elles sont certainement plus discrètes, et du coup quand vous consultez les réseaux sociaux, quand vous consultez la presse, vous tombez surtout sur des hommes. Et en en discutant avec mes filles, elles me disent Mais oui, effectivement, il serait peut-être bon que tu orientes un de tes écrits sur les femmes, justement pour montrer qu'elles sont... qu'elles sont largement présentes dans nos métiers, mais qu'elles sont aussi peut-être un peu plus discrètes. Ça me fait penser à un des témoignages du livre, le témoignage d'Isabelle, qui est une botaniste spécialiste des mousses, et que j'interroge sur ses travaux en lien avec l'étude des mousses. Et elle me dit que peut-être que les femmes font de la recherche botanique dans le domaine des mousses, par exemple, plus pour elles-mêmes que pour... que pour le faire savoir. Et c'est effectivement un petit peu le constat que j'ai fait dans le cadre de mes recherches. Alors, bien sûr, il y a des exceptions. Et d'une façon générale, j'ai l'impression que beaucoup de femmes font plein de choses, mais qu'elles ont peut-être moins la prétention, entre guillemets, de vouloir les présenter, les exposer à travers les réseaux sociaux, dans des articles, elles se font plus discrètes. Donc, je trouve qu'il était nécessaire de leur montrer en quoi leur travail méritait aussi d'être... d'être reconnue et reconnue.

  • Speaker #1

    Oui, une forme d'humilité peut-être de la part de ces femmes qui agissent pour elles-mêmes, mais en agissant pour elles-mêmes, qui agissent aussi pour le monde.

  • Speaker #0

    Oui, tout à fait. Et je voulais dire effectivement aussi que pendant très longtemps, dans les médias, lorsqu'on interrogait des experts, c'était effectivement des experts et non des expertes. Très souvent, vous interrogiez des botanistes, des écologues, des forestiers, des agriculteurs. Très souvent on avait affaire à des hommes et depuis quelques années il y a quand même un changement qui s'opère dans la société, peut-être un peu plus rapidement dans le domaine de la climatologie puisque le changement climatique est avec le climat. l'érosion de la biodiversité, les deux problèmes majeurs auxquels notre planète va devoir faire face. C'est vrai que dans le domaine de la climatologie, de plus en plus souvent, on entend des expertes dans les médias, et notamment l'une d'entre elles, Valérie Masson-Delmotte, qui est vice-présidente du GIEC, et qui, à mon avis, est vraiment un exemple très inspirant, qui peut montrer effectivement que... que les femmes se doivent d'être, de s'exprimer plus largement en tant qu'experte. Très très récemment, vous avez eu Sandra Lavorel, qui est une écologue, une spécialiste de la biodiversité, notamment en milieu alpin, qui a reçu la médaille d'or du CNRS. Je trouve que c'est vraiment une très très bonne chose que cette grande institution scientifique ait remis sa plus belle récompense à une femme. Ça donne vraiment de la visibilité. au travail des chercheuses. C'est vraiment une nécessité.

  • Speaker #1

    Oui, absolument. Alors, nous arrivons à la fin de cet épisode de podcast et j'aimerais peut-être vous poser quelques dernières questions pour revenir un petit peu sur le sujet de la matière, je dirais. Alors, je vois que vous avez cité plusieurs philosophes dans votre livre et là, cette fois-ci, c'est une femme que vous avez citée, Jeanne Burgard-Goutal, avec cette phrase. Il importe de toucher à tout pour toucher le monde là où il se trouve. Pouvez-vous nous dire ce que vous voulez dire par là ? Pourquoi vous avez choisi cette citation précisément ?

  • Speaker #0

    Ce que Jeanne Burgard-Goutal veut dire à travers ça, c'est qu'il faut faire évoluer, il faut faire, comment dire, il faut améliorer la situation des femmes en agissant où l'on peut, se faire de feu de tout bois, si je puis dire. C'est-à-dire qu'aujourd'hui, effectivement, il faut... Il faut militer pour que la place des femmes soit de plus en plus reconnue en agissant là où c'est possible. Alors, tout à l'heure, vous disiez à juste titre que les mouvements écoféministes agissaient plutôt, je dirais, au marge des secteurs professionnels institutionnalisés. C'est une réalité. Aujourd'hui, effectivement, il faut qu'ils rentrent pleinement dans ces secteurs-là. Et il me semble aussi que... On peut tous, à notre niveau, quel que soit le métier, quelle que soit, je dirais, la fonction qu'on exerce, faire avancer les choses. Je veux dire qu'on soit ministre, qu'on soit haut fonctionnaire dans l'administration ou qu'on soit bûcheronne sur le terrain, on peut tous faire passer un message comme quoi la place des femmes dans les métiers liés à la nature est devenue plus qu'essentielle. Et c'est en ce sens que... que je citais effectivement Jeanne Burgard-Goutal.

  • Speaker #1

    Est-ce que vous pensez qu'il faut se reconnecter au faire, à la matière, aux gestes, pour agir aujourd'hui concrètement ?

  • Speaker #0

    Oui, ça c'est sûr, notamment vis-à-vis de la biodiversité, on est bien d'accord. L'expérience montre que lorsqu'on a été sensibilisés à la nature de manière très concrète, de manière très... très palpable dans son jeune âge, on est ensuite sensibilisé pour la vie, si je puis dire. Et c'est ce que je disais tout à l'heure à travers le portrait de ces sept femmes. Ces sept femmes ont eu, dans leur jeûne, au cours de leur enfance, de leur adolescence, une relation très directe, quasi charnelle, avec la biodiversité, avec la nature qui les entourait. Et ça, effectivement, fortement... et inciter ensuite à avoir un parcours assez exemplaire et assez moteur pour agir, pour préserver la nature. Donc je pense effectivement qu'il faut se reconnecter avec la nature. Alors l'expression est peut-être un peu galvaudée aujourd'hui, mais c'est une réalité. C'est-à-dire qu'il faut effectivement s'en imprégner, soit de manière contemplative, soit de manière, je dirais, plus… plus utilitaire, mais en tout cas, effectivement, il faut retrouver ce lien direct avec la nature si on veut la préserver.

  • Speaker #1

    Alors, quel message souhaitez-vous faire passer à nos auditrices et à nos auditeurs, David ?

  • Speaker #0

    Je veux tout simplement mettre en évidence le fait que ces métiers que l'on considère encore trop, trop souvent, je pense, genrés, sont vraiment accessibles à tous. Aujourd'hui, prendre soin de la planète, passe aussi par une gestion, je dirais, active de la nature, pas uniquement, mais je veux dire, prendre soin de la nature, ce n'est pas uniquement l'observer de manière contemplative, c'est aussi de la gérer, pour qu'elle soit résiliente, pour qu'elle soit en bonne santé, si je puis dire, c'est-à-dire qu'il faut accepter effectivement qu'on coupe des arbres pour que d'autres puissent croître, il faut accepter qu'on produise, qu'on ait des productions agricoles pour pouvoir... nourrir la planète et en même temps il faut que ces productions agricoles se fassent de manière harmonieuse avec la nature qui les entoure et ces métiers de production liées à la nature, je souhaitais mettre en évidence qu'aujourd'hui il n'existe plus aucun frein, technique en tout cas, pour qu'il soit exercé par les femmes. Cela étant dit, le constat est là, les femmes commencent à à s'investir dans ces métiers, mais peut-être de manière encore trop discrète. Et je pense que, voilà, j'espère que mon livre apportera une petite contribution et motivera de jeunes étudiantes à s'engager vers ces métiers.

  • Speaker #1

    Merci beaucoup David, j'ai été absolument ravie de vous recevoir pour une deuxième fois ici.

  • Speaker #0

    Merci. Merci.

  • Speaker #1

    Quant à nous, nous nous retrouvons le mois prochain pour un nouvel épisode aux côtés d'un ou d'une invitée. Si l'épisode vous a plu, n'hésitez pas à le noter 5 étoiles, à le partager autour de vous et à vous abonner au podcast pour suivre les prochaines émissions. Alors à très vite !

Description

Depuis le Moyen Âge, les femmes ont été nombreuses à être reconnues pour leurs connaissances pratiques et empiriques des plantes, en particulier dans le domaine de la phytothérapie. Celles qu’on qualifiait de sorcières possédaient pourtant des connaissances de guérisseuses que l’on consultait en l’absence d’un médecin.

Pourtant, durant des siècles et jusqu’à nos jours, la botanique académique est devenue majoritairement une affaire d’hommes.

Mais alors, qu'est-ce que cela dit de l’évolution de notre société et de notre relation à la nature ? Et plus largement, qu’est-ce que cela dit de la place des femmes dans les métiers de la forêt et de l’agriculture ?

Existe-t-il vraiment une dualité entre les hommes et les femmes dans la manière dont l’environnement est traité aujourd’hui et depuis des siècles ? Et comment les femmes contribuent-elles aujourd’hui à nous reconnecter au monde vivant ?

Mon invité du jour répond à ces questions.

Expert arboricole, il est l’auteur de plusieurs livres dont « Arbres en péril », « Au chevet des arbres », et « Chercheurs d’arbres », tous les trois parus aux éditions Le Mot & Le Reste entre 2021 et 2023.

J’ai la joie d’accueillir pour la deuxième fois dans Sacrément Beau, David Happe, à l’occasion de la sortie de son dernier livre « Gardiennes de la nature », paru aux éditions Le Pommier en avril dernier.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bienvenue dans Sacrément Beau, le podcast pour voir le monde sous un autre angle. Je suis Leïla Fégoul, la créatrice de ce podcast et communiquante au service du vivant. Sacrément Beau, c'est une invitation à la contemplation, une immersion profonde au cœur de notre intériorité pour faire l'expérience sensorielle et émotionnelle que nous offre la vie. Au fil des épisodes, je vous emmène avec moi faire la rencontre de personnalités. engagée et porteuse de projets à sens pour explorer le monde sous un éclairage nouveau. Que ce soit à travers l'art, la nature, la culture, l'histoire, la science ou la philosophie, élargissons nos horizons pour réveiller notre âme et cheminons vers une conscience de ce qui nous entoure pour changer nos points de vue. Depuis le Moyen-Âge, les femmes furent nombreuses à être reconnues pour leur connaissance pratique et empirique des plantes, en particulier dans le domaine de la phytothérapie. Celles qu'on qualifiait de sorcières portaient pourtant en elles les connaissances de guérisseuses que l'on consultait en l'absence d'un médecin. Pourtant, durant des siècles et jusqu'à nos jours, la botanique académique est devenue majoritairement une affaire d'hommes. Alors, qu'est-ce que cela dit de l'évolution de notre société et de sa relation à la nature ? Et plus largement, qu'est-ce que cela dit de la place des femmes dans les métiers de la forêt et de l'agriculture ? Existe-t-il vraiment une dualité entre les hommes et les femmes, dans la manière dont est traité l'environnement aujourd'hui et depuis des siècles ? Mon invité du jour répond à ces questions. Expert arboricole, il est l'auteur de plusieurs livres, dont Arbre en péril, Au chevet des arbres et Chercheur d'arbres, tous les trois parus aux éditions Le Mot et le Reste entre 2021 et 2023. Et j'ai la joie d'accueillir pour la deuxième fois dans Sacré-Mambo David Happ, à l'occasion de la sortie de son dernier livre, Gardienne de la nature aux éditions Le Pommier, paru en avril dernier. Bonjour David, comment allez-vous ?

  • Speaker #1

    Bonjour Leïla, ça va très bien, merci.

  • Speaker #0

    Je suis ravie de vous recevoir pour la deuxième fois. Écoutez, j'ai bien envie de démarrer cette interview en vous posant cette première question. Alors, comme je l'ai dit en introduction, votre dernier livre s'intitule Gardienne de la nature C'est un titre qui donne l'impression d'une mission un peu sacrée, qui sera attribuée aux femmes. Je trouve ça très solennel comme titre. Selon vous, cette mission de préserver et de protéger la nature, est-ce qu'elle incombe particulièrement aux femmes ?

  • Speaker #1

    Elle incombe à tout le monde. Mais force est de constater que, au cours de ces dernières décennies, et notamment dans les sphères professionnelles que j'évoque, l'agriculture, la silviculture, la recherche aussi dans le domaine botanique, la place des femmes était somme toute assez limitée ou en tout cas assez peu visible. Dans le domaine agricole, les femmes ont toujours été très très investies, mais il est clair qu'au cours des dernières décennies, les hommes étaient généralement beaucoup plus présents dans les médias ou dans les instances professionnelles pour évoquer... pour évoquer ce secteur professionnel. Quant à la forêt, quant à la sylviculture, les femmes sont, somme toute, présentes de manière très limitée, si ce n'est dans les postes à responsabilité, notamment les postes d'ingénieurs, mais sur les terrains, les femmes sont très peu présentes. Or, aujourd'hui, on l'évoquera certainement à la suite de cet entretien, ou alors lors de cet entretien, il n'y a aucune raison pour... pour que les femmes soient moins représentées, soient moins visibles dans ces sphères professionnelles.

  • Speaker #0

    D'ailleurs, vous l'avez écrit dans votre tribune pour Libération, je vais vous citer, vous écrivez Plusieurs indicateurs montrent qu'en agriculture, les femmes sont en moyenne plus engagées dans la transition écologique que leurs homologues masculins, en s'investissant davantage en faveur de l'agroécologie, des productions labellisées et des circuits courts. Est-ce que vous pensez que l'écologie, même si bien sûr elle concerne tout le monde, autant les hommes que les femmes, est-ce que vous pensez que l'écologie est aujourd'hui, d'après les statistiques, un domaine somme toute assez genré ? En quoi les femmes ? pourrait éventuellement aborder différemment ces questions environnementales aujourd'hui ?

  • Speaker #1

    Alors j'aimerais d'abord commencer en disant que je ne suis pas forcément un adepte de ce qu'on appelle la pensée essentialiste. C'est-à-dire que je ne considère pas que les femmes et les hommes ont, au-delà de leur biologie propre, des aptitudes, des caractéristiques particulières. C'est le genre de théorie qu'on voit encore traîner dans certains secteurs professionnels, notamment ceux que j'évoque. pas par tout le monde bien évidemment, mais par certains hommes. Mais par contre, je suis somme toute assez persuadé que les femmes, et les chiffres le montrent, sont particulièrement vulnérables vis-à-vis des changements globaux que la planète subit, que ce soit en matière de changement climatique ou de perte de biodiversité. Au niveau national, au niveau européen, ça ne se ressent pas. forcément de manière très immédiate, mais quand on va dans d'autres régions du monde, et notamment dans l'hémisphère sud, on se rend bien compte que les grandes catastrophes climatiques impactent de manière préférentielle les femmes et les jeunes, à la fois de manière directe, d'un point de vue sanitaire, mais aussi de manière indirecte, de par... de par l'impact de ce changement climatique, par exemple sur la production agricole, sachant que les femmes disposent de moins de moyens techniques, financiers, pour justement faire face à ce fléau climatique qui impacte par exemple leur production, leur production agricole comme je l'évoquais. Simplement, je pense qu'on a tous effectivement des parcours de vie différents. Et les femmes ont aussi, je dirais, d'une façon générale, une expérience différente avec la nature, une sensibilité qui est peut-être un peu différente, une vie quotidienne qui peut aussi être différente. Malheureusement, je déplore, mais les femmes assument encore très largement une bonne part des tâches familiales, les chiffres en attestent. Et ces expériences les obligent aussi à... à développer, je dirais, des capacités, un sens de l'organisation, un sens de pouvoir faire plusieurs choses aussi à la fois, c'est ce qui ressort à travers les témoignages que j'ai recueillis pour mon livre, qui laissent penser effectivement qu'elles peuvent être amenées à aborder certains métiers de la forêt, de l'agriculture, de manière peut-être différente, non pas parce qu'elles ont des aptitudes innées, je dirais, différentes, mais parce que par leur vie, parce qu'elles ont connu. elles peuvent effectivement être amenées à entrevoir leurs métiers d'une façon différente.

  • Speaker #0

    Pour rebondir sur la partie statistique, puisque vous évoquiez les chiffres, les statistiques semblent effectivement le montrer, on observe quand même une féminisation des métiers de l'agriculture et de la civiliculture. Pour faire le pont sur la réponse que vous venez de me donner, est-ce que cette tendance pourrait peut-être traduire une prise de conscience chez les femmes ? de l'importance du rôle qu'elles pourraient jouer, qu'elles peuvent jouer dans ces secteurs pour induire des changements significatifs dont on a besoin aujourd'hui ?

  • Speaker #1

    Clairement, on a besoin, à mon sens, plus de femmes dans ces métiers. De là à dire qu'aujourd'hui, les femmes sont plus représentées dans les métiers de l'agriculture et de la forêt, je mettrais un bémol, même si j'évoque cette hypothèse au début de mon livre, dans le domaine de l'agriculture. En pourcentage, effectivement, les femmes sont aujourd'hui plus représentées. On a environ 25% des exploitants agricoles qui sont des femmes. Mais en réalité, le nombre de femmes qui sont à la tête d'une exploitation agricole n'a pas augmenté en valeur absolue. Le nombre d'agriculteurs a largement diminué et le nombre de femmes est resté stable. Donc mécaniquement, effectivement, la proportion de femmes a augmenté. Quant au métier de la forêt… On constate une vraie différence entre les postes d'encadrement, notamment les postes d'ingénieurs, qui se sont très fortement féminisés. Aujourd'hui, dans les écoles d'ingénieurs qui préparent au métier de la forêt, mais aussi au métier du paysage, de l'agronomie, on a désormais quasiment une majorité de femmes, mais sur le terrain, au plus près du terrain, qu'on soit bûcheron, garde forestier, technicien. Les femmes ne constituent toujours qu'une part très congrue des effectifs. Or, aujourd'hui, aucun frein ne devrait subsister quant à la présence de... des femmes, je dirais, sur le terrain, au plus près du terrain, pour exercer ces métiers.

  • Speaker #0

    Oui, c'est vrai que quand on pense aux métiers forestiers, on a encore un petit peu l'image à l'ancienne du bûcheron. On s'imagine que finalement, ce métier se résume uniquement à un métier extrêmement physique. Est-ce que vous pensez que c'est à cause de ça, finalement, que peut-être il y a encore des espèces d'a priori, d'idées reçues sur ce métier, qui finalement, aujourd'hui, dans la conception plus moderne du métier, on peut imaginer... qui a d'autres éléments, d'autres fonctions. Vous en parlez dans le livre, vous dites que c'est un métier, finalement, aujourd'hui, multidimensionnel, qui, normalement, devrait, justement, encourager la présence de davantage de femmes sur ce métier, justement.

  • Speaker #1

    Oui, tout à fait. C'est vrai que, moi, personnellement, je suis issu d'une formation forestière, j'ai longtemps été forestier. Au tournant des années 80 et 90, on nous enseignait essentiellement la forêt comme étant un espace de production de bois. Aujourd'hui, dans les écoles forestières, même si la dimension économique de la forêt subsiste, et fort heureusement, on intègre bien évidemment de manière plus large les autres fonctions que peuvent exercer les forêts en termes d'accueil du public, en termes de respect de la biodiversité, en termes de protection de la ressource en eau, etc. Et à ce titre, il me semble effectivement que les femmes ont un rôle à jouer, ont une parole à porter. Très concrètement, il y a des techniciennes forestières sur le terrain, que ce soit dans le domaine public, à l'Office national des forêts, ou dans le secteur forestier, et on voit bien à travers leurs témoignages sur les réseaux sociaux, dans des revues et autres, que leur approche de la forêt est somme toute plus multifonctionnelle que les hommes en général. Alors je n'irai pas jusqu'à dire que les hommes ne sont pas du tout sensibles à la question de la biodiversité, etc. Mais c'est vrai que sur le terrain, lorsqu'il y a des initiatives qui sont portées pour préserver certaines espèces, pour accueillir le jeune public, pour faire découvrir la forêt, on sent que les femmes sont plus en première ligne, si je puis dire. Quant au métier, par exemple, du bûcheronnage, que vous évoquiez à l'instant, Il est clair qu'il y a 50 ans comme maintenant, il aurait été peut-être assez difficile de proposer à une femme d'être bûcheronne, tout simplement parce que le matériel était totalement inadapté. On avait des tronçonneuses qui pesaient des dizaines et des dizaines de kilos, ou alors on avait ce qu'on appelle des passe-partout, des très grandes scies qu'il fallait tenir à quatre bras. Aujourd'hui, avec les moyens techniques qu'on a, avec la mécanisation qui a évolué et qui a rendu l'ensemble des outils beaucoup plus accessibles à tous, Je pense que ces freins techniques, si je puis dire, n'existent plus. D'ailleurs, j'ai des témoignages du même genre dans le domaine agricole. J'ai eu l'occasion, à travers mon ouvrage, d'interroger certaines personnes, certaines femmes, qui étaient engagées dans les instances professionnelles agricoles, et qui me disaient qu'aujourd'hui, d'un point de vue mécanisation agricole, Il n'y a plus de réel frein pour permettre aux femmes d'exercer toutes les activités possibles dans le domaine agricole. Il y a encore des améliorations à trouver vis-à-vis des outils pour les rendre encore plus adaptés, et beaucoup plus universels, que ce soit vis-à-vis des hommes ou vis-à-vis des femmes. Mais aujourd'hui, conduire un tracteur, labourer un champ, semer, s'occuper de... d'animaux de la ferme ne posent plus de problème d'un point de vue technique et ce sont des métiers qui peuvent tout à fait être exercés par les hommes ou par les femmes.

  • Speaker #0

    Et d'ailleurs, ça aussi, vous le mettez en avant dans votre livre, au début de votre livre, vous expliquez que les chiffres le démontrent et qu'effectivement, si les femmes sont aujourd'hui souvent à l'avant-garde de mouvements de conservation, c'est parce qu'elles sont en train de se faire des mouvements de conservation et de la nature et de justice environnementale, il n'en reste pas moins qu'elles sont encore toujours sous-représentées dans les processus décisionnels de ces métiers. Qu'en pensez-vous ? Quelles actions concrètes, justement, pourraient être mises en place pour changer ça, pour assurer peut-être une meilleure inclusion des femmes déjà dans ces métiers que vous venez d'évoquer, et puis aussi dans le processus décisionnel en agriculture et en civiculture, par exemple ?

  • Speaker #1

    À mon avis, déjà, c'est au niveau des formations qu'il faut agir. Je reprends l'exemple de la forêt que je connais bien. Il y a 40 ans, dans les écoles forestières préparant au métier de technicien, d'agent forestier, vous aviez à peu près 10% de femmes. Il m'arrive assez régulièrement de dispenser des cours. de sylviculture dans des lycées forestiers de Bretagne où j'habite, et de l'avis même des professeurs que je rencontre, ils me disent que les pourcentages n'ont pas changé. Donc on a toujours aussi peu de femmes dans les métiers techniques liés à la forêt. Dans l'agriculture, les choses varient selon les filières. Il y a des filières qui se féminisent beaucoup, notamment les filières liées à l'élevage. Par contre, les filières qui font beaucoup appel aux technosciences, à la mécanisation, ont beaucoup plus de mal effectivement à se féminiser. Et ça c'est une réalité, les femmes qui s'investissent dans le domaine de l'agriculture sont beaucoup moins intéressées par les technologies, par ce que l'on appelle les technosciences dans le domaine agricole. C'est une réalité, elles sont intéressées par d'autres sujets, plus en lien avec la préservation de la biodiversité notamment, et ceci peut expliquer cela. Cela étant, si on veut faire évoluer les pratiques agricoles, notamment dans les grands systèmes intensifs, des grandes cultures, de la Brie, de la Beauce, et de je ne sais quelle autre région, on a effectivement besoin d'avoir un regard un petit peu différent sur les méthodes de production. Et je pense que les femmes peuvent contribuer à faire évoluer ce regard. La seule présence des femmes ne fera pas évoluer ce regard, mais je pense que c'est une des composantes qui peut contribuer à améliorer notre façon de produire.

  • Speaker #0

    Alors, vous, dans votre livre, vous dressez le portrait de sept femmes qui sont engagées au quotidien dans leur métier pour la cause du vivant, à travers l'exercice de leur métier. J'aurais été curieuse de savoir comment vous avez rencontré ces femmes et pourquoi vous avez choisi ces sept femmes en particulier pour exposer leurs témoignages.

  • Speaker #1

    Je voulais traiter de trois types de métiers ayant un rapport direct avec le vivant. Deux métiers de production, les deux métiers qu'on a assez largement évoqués jusqu'à présent, celui de l'agriculture et celui de la silviculture, de la gestion forestière. Je voulais aussi évoquer les métiers de la recherche. en lien avec le végétal. Alors ça, c'était mon premier critère. Après, je voulais aussi une bonne représentativité, je dirais, géographique des témoignages que j'allais recueillir. Et je voulais aussi faire écho à mon propre parcours, puisque dans mon livre, entre les différents portraits, j'aborde de manière assez subsainte certaines étapes de ma vie, en tant que forestier, en tant que botaniste. Et je voulais justement, à travers ces portraits, faire un petit va-et-vient entre mon expérience professionnelle et le parcours de ces femmes. Alors tout ça m'a conduit naturellement à aller vers certaines que je connaissais déjà. Je pense par exemple à Isabelle, qui étudie les mousses, qui se passionne pour l'étude des mousses et qui fait l'objet d'un portrait dans le livre. J'avais aussi repéré certaines personnes qui avaient, je dirais, des messages à porter, de réelles convictions à partager à travers les réseaux sociaux. sociaux. C'est le cas notamment de Marion, qui est forestière, d'Elodie, qui est cueilleuse. Et puis après, ça a été, je dirais, le pur hasard des recherches sur Internet, qui m'ont permis effectivement de repérer certains parcours assez intéressants et qui me semblaient assez exemplaires.

  • Speaker #0

    Et pour illustrer justement, juste avant le démarrage des portraits, il me semble, je crois que c'est dans l'introduction de votre livre, vous donnez quelques exemples historiques souvent de femmes qui ont eu cet élan du cœur de préservation de l'environnement à travers leurs actions. Est-ce que vous accepteriez, pour donner envie un peu à nos auditrices et à nos auditeurs, de nous parler d'un exemple en particulier de femmes historiquement qui ont eu cet élan du cœur de préservation de l'environnement ? qui illustre justement un petit peu ce que font ces femmes aujourd'hui, à l'image de celles que vous avez citées. Oui,

  • Speaker #1

    oui, oui. Alors, vous parlez effectivement des personnalités un peu historiques que je cite effectivement dans mon introduction. Et je penserais du coup à Julia Butterfly, qui est quand même quelqu'un d'assez impressionnant. C'est une femme qui est restée perchée pendant près de mille jours. dans un séquoia géant qui était voué à disparaître et à être défriché sur la côte ouest de Californie dans les années 80-90, à une époque où les grandes forêts de séquoia étaient particulièrement menacées par les grandes concessions forestières d'Amérique du Nord. Et donc, effectivement, il y a eu un certain nombre de... de mobilisations citoyennes qui ont été organisées à l'époque pour préserver ces séquoias, ces arbres et ces forêts monumentales. Et parmi ces éco-citoyens, il y avait effectivement une femme, une biologiste de formation, qui a grimpé au sommet de Luna, donc d'un séquoia millénaire, et y est resté mille jours de façon à éviter que les bichons l'exploitent. Donc ça c'est pour moi un parcours très inspirant et un parcours aussi qui fait écho à l'actualité, compte tenu des mobilisations citoyennes qui aujourd'hui se mettent en place, et à mon avis à raison, pour éviter que des projets destructeurs continuent à générer des abattages abusifs.

  • Speaker #0

    J'aimerais bien qu'on revienne un instant sur votre tribune pour Libération, où vous citez un philosophe, et d'ailleurs vous reprenez cette citation dans le corps de votre livre. Vous écrivez en le reprenant La nature est une femme publique, nous devons la mater, pénétrer ses secrets et l'enchaîner selon nos désirs C'est une citation qui est plutôt violente, moi-même j'ai trouvé ça plutôt révoltant à la lecture, c'est assez frappant, et je me demandais pourquoi vous aviez choisi cette citation, et comment, selon vous ? Elles reflètent les défis actuels dans la gestion des ressources naturelles aujourd'hui.

  • Speaker #1

    Alors cette citation effectivement de Francis Bacon correspond à une période un petit peu charnière dans notre histoire, dans notre histoire des sciences, dans notre histoire des techniques. En fait, c'est le début de l'époque moderne, l'époque où on a commencé à découvrir... un certain nombre de choses qui ont amélioré les techniques, la médecine, etc. Et dès le début de cette ère, de l'ère moderne, ces chercheurs, ces techniciens, ces scientifiques, ont considéré que l'acquisition de connaissances, le développement des techniques, des sciences, était une affaire d'hommes. Et Francis Bacon, le philosophe Francis Bacon, s'inscrit totalement dans cette... dans cette lignée-là, en disant bon, ben maintenant, la nature, voilà, la nature, on va la maîtriser, on va la gérer, et on va la gérer de manière de manière sérieuse, on va en faire une affaire d'homme Et il voulait, en ce sens, s'opposer à l'approche plus pragmatique, plus sensible, plus empirique qu'avaient avant les femmes avec la nature, via notamment la sorcellerie. jusqu'au 15e, 16e siècle, les femmes avaient un lien très étroit avec la nature et avaient une connaissance bien plus fine de la nature que les hommes. Mais cette connaissance était, je dirais, somme toute empirique et pas basée forcément sur des fondements scientifiques. Et donc, quand les hommes se sont emparés de la question scientifique, ils ont décidé effectivement que ce serait leur précaré, d'une certaine manière. Et aujourd'hui encore, même s'il y a eu effectivement des évolutions, on sent toujours cette emprise masculine sur les sciences et sur les techniques. D'ailleurs, dans les grandes instances scientifiques, dans les médias, quand on entend des experts, des techniciens, souvent on a affaire à des hommes. Heureusement, de plus en plus, on voit des femmes qui s'expriment sur ces sujets, mais ça reste encore relativement récent. Et dans les grandes instances académiques qui s'intéressent aux sciences et aux techniques, les hommes sont encore très largement dominants.

  • Speaker #0

    Oui, et puis ce qui ressort de cette citation, en tout cas moi, c'est l'effet que ça m'a fait à sa lecture, c'est qu'au-delà de la domination masculine sur la nature, il ressort aussi cette domination masculine sur la femme, sur le genre féminin. Donc c'est vrai que c'est assez… C'est là qu'on voit tout à fait comment est-ce que la nature est assimilée à la femme et comment finalement ces deux éléments sont plus ou moins, en tout cas par l'histoire, ont été traités un peu de la même manière.

  • Speaker #1

    Tout à fait.

  • Speaker #0

    Pour continuer sur cette thématique-là, j'aimerais bien qu'on parle un petit peu des mouvements écoféministes. Ça ressort un petit peu dans votre livre, les mouvements écoféministes, pour ceux qui ne connaissent pas forcément le terme, ce sont les mouvements qui explorent les liens entre patriarcat et destruction du vivant. Et vous dites dans votre livre que ces actions, les actions des mouvements écoféministes, restent aujourd'hui encore en marge des mondes professionnels et institutionnels. Vous le précisez dans votre livre. Comment est-ce que vous pensez qu'on pourrait intégrer ces mouvements davantage, justement dans les structures professionnelles, pour renforcer cet impact des femmes dans ces secteurs ?

  • Speaker #1

    Alors, effectivement, c'est un constat que j'évoque, mais que développe surtout ma préfacière Myriam Bafou, philosophe du féminisme, qui a écrit vraiment une remarquable préface dans l'ouvrage, je trouve. Alors, la question du renforcement de la pensée écoféministe dans les mouvements professionnels, ça, je me garderais bien d'y répondre. Je pense que Myriam pourrait y répondre plus largement que moi, parce que... Je ne suis pas philosophe, je ne suis pas sociologue, et du coup, c'est assez difficile pour moi de répondre à cette question précise. Par contre, comment veiller à ce que les femmes soient davantage intégrées dans les processus décisionnels de ces sphères professionnelles pour faire évoluer les choses en faveur de la nature ? Là-dessus, effectivement, je peux... je peux me prononcer si je puis dire. Aujourd'hui, dans ces instances professionnelles, que ce soit celui de la forêt, celui de l'agriculture, ou celui de la recherche botanique, de la recherche en général, les hommes sont toujours largement majoritaires. Par exemple, dans l'assemblée permanente des chambres d'agriculture, vous n'avez que 10 ou 15% d'élus qui sont des femmes. Dans celui de la forêt, vous avez... un cinquième ou un quart des représentants qui sont féminins. Donc du coup, ça oriente, je dirais, les politiques un peu structurelles et nationales en matière de gestion forestière, de gestion agricole. Donc effectivement, il faut que dans ces instances, on laisse davantage de place aux femmes, c'est certain.

  • Speaker #0

    Alors, lorsque vous avez fait le portrait de ces sept femmes, Qu'avez-vous appris d'elles, justement, quand vous avez terminé d'écrire votre livre ? Qu'est-ce que vous retenez de ces sept femmes dont vous avez dressé le portrait ?

  • Speaker #1

    Alors, elles ont tout un lien initial, je réfléchis en vous parlant, mais avec la nature, effectivement. Je pense aujourd'hui qu'on peut être issu d'un milieu strictement urbain et s'investir professionnellement dans le milieu de l'agriculture ou de la forêt. Je pense que c'est quand même un petit peu plus difficile. Effectivement, ce n'était pas un souhait de ma part, mais quand j'ai échangé avec ces femmes et que j'ai brossé leur portrait, je me suis rendu compte qu'elles avaient tous un lien direct avec la nature du fait de leur enfance, de leur adolescence. Donc, il y a effectivement un terreau favorable à la... Comment dire ? Oui, je dirais qu'il y avait un terreau favorable à ce qu'il puisse effectivement développer un parcours professionnel de cette nature. Par ailleurs, qu'est-ce qui les relie ? Je réfléchis en vous parlant. Oui, une force de caractère, ça c'est certain. Ce sont vraiment des femmes, je dirais, entreprenantes, qui veulent faire bouger les lignes, qui veulent sortir, je dirais, du cadre établi, qui veulent revisiter aussi le métier dans lequel ils ont décidé de s'investir. Je pense par exemple à Marion, qui est donc une technicienne forestière tout à fait compétente, mais qui revendique de porter un regard un peu différent sur la forêt. de voir les arbres, de voir la forêt vraiment comme un ensemble vivant et sensible. Et elle nous explique effectivement que cette sensibilité l'aide aussi à exercer son métier. Cette sensibilité vis-à-vis de la nature qui les entoure, c'est vraiment un point commun qui relie toutes ces femmes.

  • Speaker #0

    Et c'est même, il me semble, de mémoire de ma lecture, c'est même un ensemble vivant qui les inspire. Je pense à une des femmes dont vous dressez le portrait, je ne me souviens plus laquelle c'est. mais qui explique qu'elle se sent inspirée à écrire quand elle est entourée de la nature et qu'elle écrit beaucoup contre un arbre dans la forêt.

  • Speaker #1

    Totalement. Totalement. Il s'agit de Marion, que j'évoquais, qui est forestière et qui, je dirais...

  • Speaker #0

    sert la nature au sens où elle gère les arbres, elle veille à ce qu'ils grandissent dans de bonnes conditions, qu'ils puissent s'épanouir, si je peux dire, mais qui se sert aussi de la nature pour écrire, pour écrire des poésies, pour écrire des textes, qui sont d'ailleurs très intéressants. Donc il y a une sorte de relation un petit peu mutualiste entre la nature et elle. Elle agit pour préserver la nature, et en retour la nature... l'inspire et l'aide à créer.

  • Speaker #1

    Alors, vous en parliez tout à l'heure un petit peu aussi de la visibilité de ces femmes. D'ailleurs, dans le livre aussi, vous l'évoquez, vous évoquez qu'il est important aujourd'hui que les médias puissent faire paraître justement ces femmes qui travaillent au cœur du vivant ou en tout cas qui sont très engagées et aussi, si possible, à des niveaux décisionnels. C'est important. Je voulais vous poser d'ailleurs cette question, c'est ce que vous souhaitiez faire en écrivant ce livre, David ? Vous souhaitiez rendre enfin visible à votre manière ces gardiennes de la nature ?

  • Speaker #0

    Oui, oui, oui, parce que ça fait effectivement 30-35 ans que je travaille dans le domaine de la forêt et de la nature. J'ai eu l'occasion de rencontrer beaucoup, beaucoup d'hommes, des femmes aussi, mais moins nombreuses. Et curieusement, je me suis fait cette réflexion assez récemment en discutant avec mes deux filles. Je me suis rendu compte que les personnes qui m'avaient le plus inspiré tout au long de mon parcours ont souvent été féminins, alors même qu'elles étaient minoritaires, je dirais, d'un point de vue quantitatif, parmi mes interlocuteurs. qui pouvaient être à la fois des chasseurs, des forestiers, des agriculteurs, des élus, etc. Et je me suis dit quand même, si après 35 ans de vie professionnelle, les principales personnes qui me restent en tête et qui vraiment m'ont marqué tout au long de mon parcours sont des femmes, la moindre des choses, c'est de leur rendre hommage et de montrer à quel point le fait d'avoir des femmes dans ces métiers qui sont encore trop souvent et à tort considérés comme masculin est une nécessité. Oui, c'est clair.

  • Speaker #1

    D'ailleurs, votre livre, vous le dédiez à vos filles, Anouk et Rebecca, ce n'est pas anodin.

  • Speaker #0

    Non, ce n'est pas anodin. En fait, la petite histoire liée à ce livre, c'est que quand j'ai pris mon livre précédent, Chercheurs d'arbres, j'ai essayé d'avoir une certaine parité entre les hommes et les femmes. En fait, j'ai eu beaucoup de mal à trouver des femmes. chercheurs d'arbres. Alors non pas qu'elles n'existaient pas, elles sont nombreuses, mais elles sont certainement plus discrètes, et du coup quand vous consultez les réseaux sociaux, quand vous consultez la presse, vous tombez surtout sur des hommes. Et en en discutant avec mes filles, elles me disent Mais oui, effectivement, il serait peut-être bon que tu orientes un de tes écrits sur les femmes, justement pour montrer qu'elles sont... qu'elles sont largement présentes dans nos métiers, mais qu'elles sont aussi peut-être un peu plus discrètes. Ça me fait penser à un des témoignages du livre, le témoignage d'Isabelle, qui est une botaniste spécialiste des mousses, et que j'interroge sur ses travaux en lien avec l'étude des mousses. Et elle me dit que peut-être que les femmes font de la recherche botanique dans le domaine des mousses, par exemple, plus pour elles-mêmes que pour... que pour le faire savoir. Et c'est effectivement un petit peu le constat que j'ai fait dans le cadre de mes recherches. Alors, bien sûr, il y a des exceptions. Et d'une façon générale, j'ai l'impression que beaucoup de femmes font plein de choses, mais qu'elles ont peut-être moins la prétention, entre guillemets, de vouloir les présenter, les exposer à travers les réseaux sociaux, dans des articles, elles se font plus discrètes. Donc, je trouve qu'il était nécessaire de leur montrer en quoi leur travail méritait aussi d'être... d'être reconnue et reconnue.

  • Speaker #1

    Oui, une forme d'humilité peut-être de la part de ces femmes qui agissent pour elles-mêmes, mais en agissant pour elles-mêmes, qui agissent aussi pour le monde.

  • Speaker #0

    Oui, tout à fait. Et je voulais dire effectivement aussi que pendant très longtemps, dans les médias, lorsqu'on interrogait des experts, c'était effectivement des experts et non des expertes. Très souvent, vous interrogiez des botanistes, des écologues, des forestiers, des agriculteurs. Très souvent on avait affaire à des hommes et depuis quelques années il y a quand même un changement qui s'opère dans la société, peut-être un peu plus rapidement dans le domaine de la climatologie puisque le changement climatique est avec le climat. l'érosion de la biodiversité, les deux problèmes majeurs auxquels notre planète va devoir faire face. C'est vrai que dans le domaine de la climatologie, de plus en plus souvent, on entend des expertes dans les médias, et notamment l'une d'entre elles, Valérie Masson-Delmotte, qui est vice-présidente du GIEC, et qui, à mon avis, est vraiment un exemple très inspirant, qui peut montrer effectivement que... que les femmes se doivent d'être, de s'exprimer plus largement en tant qu'experte. Très très récemment, vous avez eu Sandra Lavorel, qui est une écologue, une spécialiste de la biodiversité, notamment en milieu alpin, qui a reçu la médaille d'or du CNRS. Je trouve que c'est vraiment une très très bonne chose que cette grande institution scientifique ait remis sa plus belle récompense à une femme. Ça donne vraiment de la visibilité. au travail des chercheuses. C'est vraiment une nécessité.

  • Speaker #1

    Oui, absolument. Alors, nous arrivons à la fin de cet épisode de podcast et j'aimerais peut-être vous poser quelques dernières questions pour revenir un petit peu sur le sujet de la matière, je dirais. Alors, je vois que vous avez cité plusieurs philosophes dans votre livre et là, cette fois-ci, c'est une femme que vous avez citée, Jeanne Burgard-Goutal, avec cette phrase. Il importe de toucher à tout pour toucher le monde là où il se trouve. Pouvez-vous nous dire ce que vous voulez dire par là ? Pourquoi vous avez choisi cette citation précisément ?

  • Speaker #0

    Ce que Jeanne Burgard-Goutal veut dire à travers ça, c'est qu'il faut faire évoluer, il faut faire, comment dire, il faut améliorer la situation des femmes en agissant où l'on peut, se faire de feu de tout bois, si je puis dire. C'est-à-dire qu'aujourd'hui, effectivement, il faut... Il faut militer pour que la place des femmes soit de plus en plus reconnue en agissant là où c'est possible. Alors, tout à l'heure, vous disiez à juste titre que les mouvements écoféministes agissaient plutôt, je dirais, au marge des secteurs professionnels institutionnalisés. C'est une réalité. Aujourd'hui, effectivement, il faut qu'ils rentrent pleinement dans ces secteurs-là. Et il me semble aussi que... On peut tous, à notre niveau, quel que soit le métier, quelle que soit, je dirais, la fonction qu'on exerce, faire avancer les choses. Je veux dire qu'on soit ministre, qu'on soit haut fonctionnaire dans l'administration ou qu'on soit bûcheronne sur le terrain, on peut tous faire passer un message comme quoi la place des femmes dans les métiers liés à la nature est devenue plus qu'essentielle. Et c'est en ce sens que... que je citais effectivement Jeanne Burgard-Goutal.

  • Speaker #1

    Est-ce que vous pensez qu'il faut se reconnecter au faire, à la matière, aux gestes, pour agir aujourd'hui concrètement ?

  • Speaker #0

    Oui, ça c'est sûr, notamment vis-à-vis de la biodiversité, on est bien d'accord. L'expérience montre que lorsqu'on a été sensibilisés à la nature de manière très concrète, de manière très... très palpable dans son jeune âge, on est ensuite sensibilisé pour la vie, si je puis dire. Et c'est ce que je disais tout à l'heure à travers le portrait de ces sept femmes. Ces sept femmes ont eu, dans leur jeûne, au cours de leur enfance, de leur adolescence, une relation très directe, quasi charnelle, avec la biodiversité, avec la nature qui les entourait. Et ça, effectivement, fortement... et inciter ensuite à avoir un parcours assez exemplaire et assez moteur pour agir, pour préserver la nature. Donc je pense effectivement qu'il faut se reconnecter avec la nature. Alors l'expression est peut-être un peu galvaudée aujourd'hui, mais c'est une réalité. C'est-à-dire qu'il faut effectivement s'en imprégner, soit de manière contemplative, soit de manière, je dirais, plus… plus utilitaire, mais en tout cas, effectivement, il faut retrouver ce lien direct avec la nature si on veut la préserver.

  • Speaker #1

    Alors, quel message souhaitez-vous faire passer à nos auditrices et à nos auditeurs, David ?

  • Speaker #0

    Je veux tout simplement mettre en évidence le fait que ces métiers que l'on considère encore trop, trop souvent, je pense, genrés, sont vraiment accessibles à tous. Aujourd'hui, prendre soin de la planète, passe aussi par une gestion, je dirais, active de la nature, pas uniquement, mais je veux dire, prendre soin de la nature, ce n'est pas uniquement l'observer de manière contemplative, c'est aussi de la gérer, pour qu'elle soit résiliente, pour qu'elle soit en bonne santé, si je puis dire, c'est-à-dire qu'il faut accepter effectivement qu'on coupe des arbres pour que d'autres puissent croître, il faut accepter qu'on produise, qu'on ait des productions agricoles pour pouvoir... nourrir la planète et en même temps il faut que ces productions agricoles se fassent de manière harmonieuse avec la nature qui les entoure et ces métiers de production liées à la nature, je souhaitais mettre en évidence qu'aujourd'hui il n'existe plus aucun frein, technique en tout cas, pour qu'il soit exercé par les femmes. Cela étant dit, le constat est là, les femmes commencent à à s'investir dans ces métiers, mais peut-être de manière encore trop discrète. Et je pense que, voilà, j'espère que mon livre apportera une petite contribution et motivera de jeunes étudiantes à s'engager vers ces métiers.

  • Speaker #1

    Merci beaucoup David, j'ai été absolument ravie de vous recevoir pour une deuxième fois ici.

  • Speaker #0

    Merci. Merci.

  • Speaker #1

    Quant à nous, nous nous retrouvons le mois prochain pour un nouvel épisode aux côtés d'un ou d'une invitée. Si l'épisode vous a plu, n'hésitez pas à le noter 5 étoiles, à le partager autour de vous et à vous abonner au podcast pour suivre les prochaines émissions. Alors à très vite !

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Description

Depuis le Moyen Âge, les femmes ont été nombreuses à être reconnues pour leurs connaissances pratiques et empiriques des plantes, en particulier dans le domaine de la phytothérapie. Celles qu’on qualifiait de sorcières possédaient pourtant des connaissances de guérisseuses que l’on consultait en l’absence d’un médecin.

Pourtant, durant des siècles et jusqu’à nos jours, la botanique académique est devenue majoritairement une affaire d’hommes.

Mais alors, qu'est-ce que cela dit de l’évolution de notre société et de notre relation à la nature ? Et plus largement, qu’est-ce que cela dit de la place des femmes dans les métiers de la forêt et de l’agriculture ?

Existe-t-il vraiment une dualité entre les hommes et les femmes dans la manière dont l’environnement est traité aujourd’hui et depuis des siècles ? Et comment les femmes contribuent-elles aujourd’hui à nous reconnecter au monde vivant ?

Mon invité du jour répond à ces questions.

Expert arboricole, il est l’auteur de plusieurs livres dont « Arbres en péril », « Au chevet des arbres », et « Chercheurs d’arbres », tous les trois parus aux éditions Le Mot & Le Reste entre 2021 et 2023.

J’ai la joie d’accueillir pour la deuxième fois dans Sacrément Beau, David Happe, à l’occasion de la sortie de son dernier livre « Gardiennes de la nature », paru aux éditions Le Pommier en avril dernier.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bienvenue dans Sacrément Beau, le podcast pour voir le monde sous un autre angle. Je suis Leïla Fégoul, la créatrice de ce podcast et communiquante au service du vivant. Sacrément Beau, c'est une invitation à la contemplation, une immersion profonde au cœur de notre intériorité pour faire l'expérience sensorielle et émotionnelle que nous offre la vie. Au fil des épisodes, je vous emmène avec moi faire la rencontre de personnalités. engagée et porteuse de projets à sens pour explorer le monde sous un éclairage nouveau. Que ce soit à travers l'art, la nature, la culture, l'histoire, la science ou la philosophie, élargissons nos horizons pour réveiller notre âme et cheminons vers une conscience de ce qui nous entoure pour changer nos points de vue. Depuis le Moyen-Âge, les femmes furent nombreuses à être reconnues pour leur connaissance pratique et empirique des plantes, en particulier dans le domaine de la phytothérapie. Celles qu'on qualifiait de sorcières portaient pourtant en elles les connaissances de guérisseuses que l'on consultait en l'absence d'un médecin. Pourtant, durant des siècles et jusqu'à nos jours, la botanique académique est devenue majoritairement une affaire d'hommes. Alors, qu'est-ce que cela dit de l'évolution de notre société et de sa relation à la nature ? Et plus largement, qu'est-ce que cela dit de la place des femmes dans les métiers de la forêt et de l'agriculture ? Existe-t-il vraiment une dualité entre les hommes et les femmes, dans la manière dont est traité l'environnement aujourd'hui et depuis des siècles ? Mon invité du jour répond à ces questions. Expert arboricole, il est l'auteur de plusieurs livres, dont Arbre en péril, Au chevet des arbres et Chercheur d'arbres, tous les trois parus aux éditions Le Mot et le Reste entre 2021 et 2023. Et j'ai la joie d'accueillir pour la deuxième fois dans Sacré-Mambo David Happ, à l'occasion de la sortie de son dernier livre, Gardienne de la nature aux éditions Le Pommier, paru en avril dernier. Bonjour David, comment allez-vous ?

  • Speaker #1

    Bonjour Leïla, ça va très bien, merci.

  • Speaker #0

    Je suis ravie de vous recevoir pour la deuxième fois. Écoutez, j'ai bien envie de démarrer cette interview en vous posant cette première question. Alors, comme je l'ai dit en introduction, votre dernier livre s'intitule Gardienne de la nature C'est un titre qui donne l'impression d'une mission un peu sacrée, qui sera attribuée aux femmes. Je trouve ça très solennel comme titre. Selon vous, cette mission de préserver et de protéger la nature, est-ce qu'elle incombe particulièrement aux femmes ?

  • Speaker #1

    Elle incombe à tout le monde. Mais force est de constater que, au cours de ces dernières décennies, et notamment dans les sphères professionnelles que j'évoque, l'agriculture, la silviculture, la recherche aussi dans le domaine botanique, la place des femmes était somme toute assez limitée ou en tout cas assez peu visible. Dans le domaine agricole, les femmes ont toujours été très très investies, mais il est clair qu'au cours des dernières décennies, les hommes étaient généralement beaucoup plus présents dans les médias ou dans les instances professionnelles pour évoquer... pour évoquer ce secteur professionnel. Quant à la forêt, quant à la sylviculture, les femmes sont, somme toute, présentes de manière très limitée, si ce n'est dans les postes à responsabilité, notamment les postes d'ingénieurs, mais sur les terrains, les femmes sont très peu présentes. Or, aujourd'hui, on l'évoquera certainement à la suite de cet entretien, ou alors lors de cet entretien, il n'y a aucune raison pour... pour que les femmes soient moins représentées, soient moins visibles dans ces sphères professionnelles.

  • Speaker #0

    D'ailleurs, vous l'avez écrit dans votre tribune pour Libération, je vais vous citer, vous écrivez Plusieurs indicateurs montrent qu'en agriculture, les femmes sont en moyenne plus engagées dans la transition écologique que leurs homologues masculins, en s'investissant davantage en faveur de l'agroécologie, des productions labellisées et des circuits courts. Est-ce que vous pensez que l'écologie, même si bien sûr elle concerne tout le monde, autant les hommes que les femmes, est-ce que vous pensez que l'écologie est aujourd'hui, d'après les statistiques, un domaine somme toute assez genré ? En quoi les femmes ? pourrait éventuellement aborder différemment ces questions environnementales aujourd'hui ?

  • Speaker #1

    Alors j'aimerais d'abord commencer en disant que je ne suis pas forcément un adepte de ce qu'on appelle la pensée essentialiste. C'est-à-dire que je ne considère pas que les femmes et les hommes ont, au-delà de leur biologie propre, des aptitudes, des caractéristiques particulières. C'est le genre de théorie qu'on voit encore traîner dans certains secteurs professionnels, notamment ceux que j'évoque. pas par tout le monde bien évidemment, mais par certains hommes. Mais par contre, je suis somme toute assez persuadé que les femmes, et les chiffres le montrent, sont particulièrement vulnérables vis-à-vis des changements globaux que la planète subit, que ce soit en matière de changement climatique ou de perte de biodiversité. Au niveau national, au niveau européen, ça ne se ressent pas. forcément de manière très immédiate, mais quand on va dans d'autres régions du monde, et notamment dans l'hémisphère sud, on se rend bien compte que les grandes catastrophes climatiques impactent de manière préférentielle les femmes et les jeunes, à la fois de manière directe, d'un point de vue sanitaire, mais aussi de manière indirecte, de par... de par l'impact de ce changement climatique, par exemple sur la production agricole, sachant que les femmes disposent de moins de moyens techniques, financiers, pour justement faire face à ce fléau climatique qui impacte par exemple leur production, leur production agricole comme je l'évoquais. Simplement, je pense qu'on a tous effectivement des parcours de vie différents. Et les femmes ont aussi, je dirais, d'une façon générale, une expérience différente avec la nature, une sensibilité qui est peut-être un peu différente, une vie quotidienne qui peut aussi être différente. Malheureusement, je déplore, mais les femmes assument encore très largement une bonne part des tâches familiales, les chiffres en attestent. Et ces expériences les obligent aussi à... à développer, je dirais, des capacités, un sens de l'organisation, un sens de pouvoir faire plusieurs choses aussi à la fois, c'est ce qui ressort à travers les témoignages que j'ai recueillis pour mon livre, qui laissent penser effectivement qu'elles peuvent être amenées à aborder certains métiers de la forêt, de l'agriculture, de manière peut-être différente, non pas parce qu'elles ont des aptitudes innées, je dirais, différentes, mais parce que par leur vie, parce qu'elles ont connu. elles peuvent effectivement être amenées à entrevoir leurs métiers d'une façon différente.

  • Speaker #0

    Pour rebondir sur la partie statistique, puisque vous évoquiez les chiffres, les statistiques semblent effectivement le montrer, on observe quand même une féminisation des métiers de l'agriculture et de la civiliculture. Pour faire le pont sur la réponse que vous venez de me donner, est-ce que cette tendance pourrait peut-être traduire une prise de conscience chez les femmes ? de l'importance du rôle qu'elles pourraient jouer, qu'elles peuvent jouer dans ces secteurs pour induire des changements significatifs dont on a besoin aujourd'hui ?

  • Speaker #1

    Clairement, on a besoin, à mon sens, plus de femmes dans ces métiers. De là à dire qu'aujourd'hui, les femmes sont plus représentées dans les métiers de l'agriculture et de la forêt, je mettrais un bémol, même si j'évoque cette hypothèse au début de mon livre, dans le domaine de l'agriculture. En pourcentage, effectivement, les femmes sont aujourd'hui plus représentées. On a environ 25% des exploitants agricoles qui sont des femmes. Mais en réalité, le nombre de femmes qui sont à la tête d'une exploitation agricole n'a pas augmenté en valeur absolue. Le nombre d'agriculteurs a largement diminué et le nombre de femmes est resté stable. Donc mécaniquement, effectivement, la proportion de femmes a augmenté. Quant au métier de la forêt… On constate une vraie différence entre les postes d'encadrement, notamment les postes d'ingénieurs, qui se sont très fortement féminisés. Aujourd'hui, dans les écoles d'ingénieurs qui préparent au métier de la forêt, mais aussi au métier du paysage, de l'agronomie, on a désormais quasiment une majorité de femmes, mais sur le terrain, au plus près du terrain, qu'on soit bûcheron, garde forestier, technicien. Les femmes ne constituent toujours qu'une part très congrue des effectifs. Or, aujourd'hui, aucun frein ne devrait subsister quant à la présence de... des femmes, je dirais, sur le terrain, au plus près du terrain, pour exercer ces métiers.

  • Speaker #0

    Oui, c'est vrai que quand on pense aux métiers forestiers, on a encore un petit peu l'image à l'ancienne du bûcheron. On s'imagine que finalement, ce métier se résume uniquement à un métier extrêmement physique. Est-ce que vous pensez que c'est à cause de ça, finalement, que peut-être il y a encore des espèces d'a priori, d'idées reçues sur ce métier, qui finalement, aujourd'hui, dans la conception plus moderne du métier, on peut imaginer... qui a d'autres éléments, d'autres fonctions. Vous en parlez dans le livre, vous dites que c'est un métier, finalement, aujourd'hui, multidimensionnel, qui, normalement, devrait, justement, encourager la présence de davantage de femmes sur ce métier, justement.

  • Speaker #1

    Oui, tout à fait. C'est vrai que, moi, personnellement, je suis issu d'une formation forestière, j'ai longtemps été forestier. Au tournant des années 80 et 90, on nous enseignait essentiellement la forêt comme étant un espace de production de bois. Aujourd'hui, dans les écoles forestières, même si la dimension économique de la forêt subsiste, et fort heureusement, on intègre bien évidemment de manière plus large les autres fonctions que peuvent exercer les forêts en termes d'accueil du public, en termes de respect de la biodiversité, en termes de protection de la ressource en eau, etc. Et à ce titre, il me semble effectivement que les femmes ont un rôle à jouer, ont une parole à porter. Très concrètement, il y a des techniciennes forestières sur le terrain, que ce soit dans le domaine public, à l'Office national des forêts, ou dans le secteur forestier, et on voit bien à travers leurs témoignages sur les réseaux sociaux, dans des revues et autres, que leur approche de la forêt est somme toute plus multifonctionnelle que les hommes en général. Alors je n'irai pas jusqu'à dire que les hommes ne sont pas du tout sensibles à la question de la biodiversité, etc. Mais c'est vrai que sur le terrain, lorsqu'il y a des initiatives qui sont portées pour préserver certaines espèces, pour accueillir le jeune public, pour faire découvrir la forêt, on sent que les femmes sont plus en première ligne, si je puis dire. Quant au métier, par exemple, du bûcheronnage, que vous évoquiez à l'instant, Il est clair qu'il y a 50 ans comme maintenant, il aurait été peut-être assez difficile de proposer à une femme d'être bûcheronne, tout simplement parce que le matériel était totalement inadapté. On avait des tronçonneuses qui pesaient des dizaines et des dizaines de kilos, ou alors on avait ce qu'on appelle des passe-partout, des très grandes scies qu'il fallait tenir à quatre bras. Aujourd'hui, avec les moyens techniques qu'on a, avec la mécanisation qui a évolué et qui a rendu l'ensemble des outils beaucoup plus accessibles à tous, Je pense que ces freins techniques, si je puis dire, n'existent plus. D'ailleurs, j'ai des témoignages du même genre dans le domaine agricole. J'ai eu l'occasion, à travers mon ouvrage, d'interroger certaines personnes, certaines femmes, qui étaient engagées dans les instances professionnelles agricoles, et qui me disaient qu'aujourd'hui, d'un point de vue mécanisation agricole, Il n'y a plus de réel frein pour permettre aux femmes d'exercer toutes les activités possibles dans le domaine agricole. Il y a encore des améliorations à trouver vis-à-vis des outils pour les rendre encore plus adaptés, et beaucoup plus universels, que ce soit vis-à-vis des hommes ou vis-à-vis des femmes. Mais aujourd'hui, conduire un tracteur, labourer un champ, semer, s'occuper de... d'animaux de la ferme ne posent plus de problème d'un point de vue technique et ce sont des métiers qui peuvent tout à fait être exercés par les hommes ou par les femmes.

  • Speaker #0

    Et d'ailleurs, ça aussi, vous le mettez en avant dans votre livre, au début de votre livre, vous expliquez que les chiffres le démontrent et qu'effectivement, si les femmes sont aujourd'hui souvent à l'avant-garde de mouvements de conservation, c'est parce qu'elles sont en train de se faire des mouvements de conservation et de la nature et de justice environnementale, il n'en reste pas moins qu'elles sont encore toujours sous-représentées dans les processus décisionnels de ces métiers. Qu'en pensez-vous ? Quelles actions concrètes, justement, pourraient être mises en place pour changer ça, pour assurer peut-être une meilleure inclusion des femmes déjà dans ces métiers que vous venez d'évoquer, et puis aussi dans le processus décisionnel en agriculture et en civiculture, par exemple ?

  • Speaker #1

    À mon avis, déjà, c'est au niveau des formations qu'il faut agir. Je reprends l'exemple de la forêt que je connais bien. Il y a 40 ans, dans les écoles forestières préparant au métier de technicien, d'agent forestier, vous aviez à peu près 10% de femmes. Il m'arrive assez régulièrement de dispenser des cours. de sylviculture dans des lycées forestiers de Bretagne où j'habite, et de l'avis même des professeurs que je rencontre, ils me disent que les pourcentages n'ont pas changé. Donc on a toujours aussi peu de femmes dans les métiers techniques liés à la forêt. Dans l'agriculture, les choses varient selon les filières. Il y a des filières qui se féminisent beaucoup, notamment les filières liées à l'élevage. Par contre, les filières qui font beaucoup appel aux technosciences, à la mécanisation, ont beaucoup plus de mal effectivement à se féminiser. Et ça c'est une réalité, les femmes qui s'investissent dans le domaine de l'agriculture sont beaucoup moins intéressées par les technologies, par ce que l'on appelle les technosciences dans le domaine agricole. C'est une réalité, elles sont intéressées par d'autres sujets, plus en lien avec la préservation de la biodiversité notamment, et ceci peut expliquer cela. Cela étant, si on veut faire évoluer les pratiques agricoles, notamment dans les grands systèmes intensifs, des grandes cultures, de la Brie, de la Beauce, et de je ne sais quelle autre région, on a effectivement besoin d'avoir un regard un petit peu différent sur les méthodes de production. Et je pense que les femmes peuvent contribuer à faire évoluer ce regard. La seule présence des femmes ne fera pas évoluer ce regard, mais je pense que c'est une des composantes qui peut contribuer à améliorer notre façon de produire.

  • Speaker #0

    Alors, vous, dans votre livre, vous dressez le portrait de sept femmes qui sont engagées au quotidien dans leur métier pour la cause du vivant, à travers l'exercice de leur métier. J'aurais été curieuse de savoir comment vous avez rencontré ces femmes et pourquoi vous avez choisi ces sept femmes en particulier pour exposer leurs témoignages.

  • Speaker #1

    Je voulais traiter de trois types de métiers ayant un rapport direct avec le vivant. Deux métiers de production, les deux métiers qu'on a assez largement évoqués jusqu'à présent, celui de l'agriculture et celui de la silviculture, de la gestion forestière. Je voulais aussi évoquer les métiers de la recherche. en lien avec le végétal. Alors ça, c'était mon premier critère. Après, je voulais aussi une bonne représentativité, je dirais, géographique des témoignages que j'allais recueillir. Et je voulais aussi faire écho à mon propre parcours, puisque dans mon livre, entre les différents portraits, j'aborde de manière assez subsainte certaines étapes de ma vie, en tant que forestier, en tant que botaniste. Et je voulais justement, à travers ces portraits, faire un petit va-et-vient entre mon expérience professionnelle et le parcours de ces femmes. Alors tout ça m'a conduit naturellement à aller vers certaines que je connaissais déjà. Je pense par exemple à Isabelle, qui étudie les mousses, qui se passionne pour l'étude des mousses et qui fait l'objet d'un portrait dans le livre. J'avais aussi repéré certaines personnes qui avaient, je dirais, des messages à porter, de réelles convictions à partager à travers les réseaux sociaux. sociaux. C'est le cas notamment de Marion, qui est forestière, d'Elodie, qui est cueilleuse. Et puis après, ça a été, je dirais, le pur hasard des recherches sur Internet, qui m'ont permis effectivement de repérer certains parcours assez intéressants et qui me semblaient assez exemplaires.

  • Speaker #0

    Et pour illustrer justement, juste avant le démarrage des portraits, il me semble, je crois que c'est dans l'introduction de votre livre, vous donnez quelques exemples historiques souvent de femmes qui ont eu cet élan du cœur de préservation de l'environnement à travers leurs actions. Est-ce que vous accepteriez, pour donner envie un peu à nos auditrices et à nos auditeurs, de nous parler d'un exemple en particulier de femmes historiquement qui ont eu cet élan du cœur de préservation de l'environnement ? qui illustre justement un petit peu ce que font ces femmes aujourd'hui, à l'image de celles que vous avez citées. Oui,

  • Speaker #1

    oui, oui. Alors, vous parlez effectivement des personnalités un peu historiques que je cite effectivement dans mon introduction. Et je penserais du coup à Julia Butterfly, qui est quand même quelqu'un d'assez impressionnant. C'est une femme qui est restée perchée pendant près de mille jours. dans un séquoia géant qui était voué à disparaître et à être défriché sur la côte ouest de Californie dans les années 80-90, à une époque où les grandes forêts de séquoia étaient particulièrement menacées par les grandes concessions forestières d'Amérique du Nord. Et donc, effectivement, il y a eu un certain nombre de... de mobilisations citoyennes qui ont été organisées à l'époque pour préserver ces séquoias, ces arbres et ces forêts monumentales. Et parmi ces éco-citoyens, il y avait effectivement une femme, une biologiste de formation, qui a grimpé au sommet de Luna, donc d'un séquoia millénaire, et y est resté mille jours de façon à éviter que les bichons l'exploitent. Donc ça c'est pour moi un parcours très inspirant et un parcours aussi qui fait écho à l'actualité, compte tenu des mobilisations citoyennes qui aujourd'hui se mettent en place, et à mon avis à raison, pour éviter que des projets destructeurs continuent à générer des abattages abusifs.

  • Speaker #0

    J'aimerais bien qu'on revienne un instant sur votre tribune pour Libération, où vous citez un philosophe, et d'ailleurs vous reprenez cette citation dans le corps de votre livre. Vous écrivez en le reprenant La nature est une femme publique, nous devons la mater, pénétrer ses secrets et l'enchaîner selon nos désirs C'est une citation qui est plutôt violente, moi-même j'ai trouvé ça plutôt révoltant à la lecture, c'est assez frappant, et je me demandais pourquoi vous aviez choisi cette citation, et comment, selon vous ? Elles reflètent les défis actuels dans la gestion des ressources naturelles aujourd'hui.

  • Speaker #1

    Alors cette citation effectivement de Francis Bacon correspond à une période un petit peu charnière dans notre histoire, dans notre histoire des sciences, dans notre histoire des techniques. En fait, c'est le début de l'époque moderne, l'époque où on a commencé à découvrir... un certain nombre de choses qui ont amélioré les techniques, la médecine, etc. Et dès le début de cette ère, de l'ère moderne, ces chercheurs, ces techniciens, ces scientifiques, ont considéré que l'acquisition de connaissances, le développement des techniques, des sciences, était une affaire d'hommes. Et Francis Bacon, le philosophe Francis Bacon, s'inscrit totalement dans cette... dans cette lignée-là, en disant bon, ben maintenant, la nature, voilà, la nature, on va la maîtriser, on va la gérer, et on va la gérer de manière de manière sérieuse, on va en faire une affaire d'homme Et il voulait, en ce sens, s'opposer à l'approche plus pragmatique, plus sensible, plus empirique qu'avaient avant les femmes avec la nature, via notamment la sorcellerie. jusqu'au 15e, 16e siècle, les femmes avaient un lien très étroit avec la nature et avaient une connaissance bien plus fine de la nature que les hommes. Mais cette connaissance était, je dirais, somme toute empirique et pas basée forcément sur des fondements scientifiques. Et donc, quand les hommes se sont emparés de la question scientifique, ils ont décidé effectivement que ce serait leur précaré, d'une certaine manière. Et aujourd'hui encore, même s'il y a eu effectivement des évolutions, on sent toujours cette emprise masculine sur les sciences et sur les techniques. D'ailleurs, dans les grandes instances scientifiques, dans les médias, quand on entend des experts, des techniciens, souvent on a affaire à des hommes. Heureusement, de plus en plus, on voit des femmes qui s'expriment sur ces sujets, mais ça reste encore relativement récent. Et dans les grandes instances académiques qui s'intéressent aux sciences et aux techniques, les hommes sont encore très largement dominants.

  • Speaker #0

    Oui, et puis ce qui ressort de cette citation, en tout cas moi, c'est l'effet que ça m'a fait à sa lecture, c'est qu'au-delà de la domination masculine sur la nature, il ressort aussi cette domination masculine sur la femme, sur le genre féminin. Donc c'est vrai que c'est assez… C'est là qu'on voit tout à fait comment est-ce que la nature est assimilée à la femme et comment finalement ces deux éléments sont plus ou moins, en tout cas par l'histoire, ont été traités un peu de la même manière.

  • Speaker #1

    Tout à fait.

  • Speaker #0

    Pour continuer sur cette thématique-là, j'aimerais bien qu'on parle un petit peu des mouvements écoféministes. Ça ressort un petit peu dans votre livre, les mouvements écoféministes, pour ceux qui ne connaissent pas forcément le terme, ce sont les mouvements qui explorent les liens entre patriarcat et destruction du vivant. Et vous dites dans votre livre que ces actions, les actions des mouvements écoféministes, restent aujourd'hui encore en marge des mondes professionnels et institutionnels. Vous le précisez dans votre livre. Comment est-ce que vous pensez qu'on pourrait intégrer ces mouvements davantage, justement dans les structures professionnelles, pour renforcer cet impact des femmes dans ces secteurs ?

  • Speaker #1

    Alors, effectivement, c'est un constat que j'évoque, mais que développe surtout ma préfacière Myriam Bafou, philosophe du féminisme, qui a écrit vraiment une remarquable préface dans l'ouvrage, je trouve. Alors, la question du renforcement de la pensée écoféministe dans les mouvements professionnels, ça, je me garderais bien d'y répondre. Je pense que Myriam pourrait y répondre plus largement que moi, parce que... Je ne suis pas philosophe, je ne suis pas sociologue, et du coup, c'est assez difficile pour moi de répondre à cette question précise. Par contre, comment veiller à ce que les femmes soient davantage intégrées dans les processus décisionnels de ces sphères professionnelles pour faire évoluer les choses en faveur de la nature ? Là-dessus, effectivement, je peux... je peux me prononcer si je puis dire. Aujourd'hui, dans ces instances professionnelles, que ce soit celui de la forêt, celui de l'agriculture, ou celui de la recherche botanique, de la recherche en général, les hommes sont toujours largement majoritaires. Par exemple, dans l'assemblée permanente des chambres d'agriculture, vous n'avez que 10 ou 15% d'élus qui sont des femmes. Dans celui de la forêt, vous avez... un cinquième ou un quart des représentants qui sont féminins. Donc du coup, ça oriente, je dirais, les politiques un peu structurelles et nationales en matière de gestion forestière, de gestion agricole. Donc effectivement, il faut que dans ces instances, on laisse davantage de place aux femmes, c'est certain.

  • Speaker #0

    Alors, lorsque vous avez fait le portrait de ces sept femmes, Qu'avez-vous appris d'elles, justement, quand vous avez terminé d'écrire votre livre ? Qu'est-ce que vous retenez de ces sept femmes dont vous avez dressé le portrait ?

  • Speaker #1

    Alors, elles ont tout un lien initial, je réfléchis en vous parlant, mais avec la nature, effectivement. Je pense aujourd'hui qu'on peut être issu d'un milieu strictement urbain et s'investir professionnellement dans le milieu de l'agriculture ou de la forêt. Je pense que c'est quand même un petit peu plus difficile. Effectivement, ce n'était pas un souhait de ma part, mais quand j'ai échangé avec ces femmes et que j'ai brossé leur portrait, je me suis rendu compte qu'elles avaient tous un lien direct avec la nature du fait de leur enfance, de leur adolescence. Donc, il y a effectivement un terreau favorable à la... Comment dire ? Oui, je dirais qu'il y avait un terreau favorable à ce qu'il puisse effectivement développer un parcours professionnel de cette nature. Par ailleurs, qu'est-ce qui les relie ? Je réfléchis en vous parlant. Oui, une force de caractère, ça c'est certain. Ce sont vraiment des femmes, je dirais, entreprenantes, qui veulent faire bouger les lignes, qui veulent sortir, je dirais, du cadre établi, qui veulent revisiter aussi le métier dans lequel ils ont décidé de s'investir. Je pense par exemple à Marion, qui est donc une technicienne forestière tout à fait compétente, mais qui revendique de porter un regard un peu différent sur la forêt. de voir les arbres, de voir la forêt vraiment comme un ensemble vivant et sensible. Et elle nous explique effectivement que cette sensibilité l'aide aussi à exercer son métier. Cette sensibilité vis-à-vis de la nature qui les entoure, c'est vraiment un point commun qui relie toutes ces femmes.

  • Speaker #0

    Et c'est même, il me semble, de mémoire de ma lecture, c'est même un ensemble vivant qui les inspire. Je pense à une des femmes dont vous dressez le portrait, je ne me souviens plus laquelle c'est. mais qui explique qu'elle se sent inspirée à écrire quand elle est entourée de la nature et qu'elle écrit beaucoup contre un arbre dans la forêt.

  • Speaker #1

    Totalement. Totalement. Il s'agit de Marion, que j'évoquais, qui est forestière et qui, je dirais...

  • Speaker #0

    sert la nature au sens où elle gère les arbres, elle veille à ce qu'ils grandissent dans de bonnes conditions, qu'ils puissent s'épanouir, si je peux dire, mais qui se sert aussi de la nature pour écrire, pour écrire des poésies, pour écrire des textes, qui sont d'ailleurs très intéressants. Donc il y a une sorte de relation un petit peu mutualiste entre la nature et elle. Elle agit pour préserver la nature, et en retour la nature... l'inspire et l'aide à créer.

  • Speaker #1

    Alors, vous en parliez tout à l'heure un petit peu aussi de la visibilité de ces femmes. D'ailleurs, dans le livre aussi, vous l'évoquez, vous évoquez qu'il est important aujourd'hui que les médias puissent faire paraître justement ces femmes qui travaillent au cœur du vivant ou en tout cas qui sont très engagées et aussi, si possible, à des niveaux décisionnels. C'est important. Je voulais vous poser d'ailleurs cette question, c'est ce que vous souhaitiez faire en écrivant ce livre, David ? Vous souhaitiez rendre enfin visible à votre manière ces gardiennes de la nature ?

  • Speaker #0

    Oui, oui, oui, parce que ça fait effectivement 30-35 ans que je travaille dans le domaine de la forêt et de la nature. J'ai eu l'occasion de rencontrer beaucoup, beaucoup d'hommes, des femmes aussi, mais moins nombreuses. Et curieusement, je me suis fait cette réflexion assez récemment en discutant avec mes deux filles. Je me suis rendu compte que les personnes qui m'avaient le plus inspiré tout au long de mon parcours ont souvent été féminins, alors même qu'elles étaient minoritaires, je dirais, d'un point de vue quantitatif, parmi mes interlocuteurs. qui pouvaient être à la fois des chasseurs, des forestiers, des agriculteurs, des élus, etc. Et je me suis dit quand même, si après 35 ans de vie professionnelle, les principales personnes qui me restent en tête et qui vraiment m'ont marqué tout au long de mon parcours sont des femmes, la moindre des choses, c'est de leur rendre hommage et de montrer à quel point le fait d'avoir des femmes dans ces métiers qui sont encore trop souvent et à tort considérés comme masculin est une nécessité. Oui, c'est clair.

  • Speaker #1

    D'ailleurs, votre livre, vous le dédiez à vos filles, Anouk et Rebecca, ce n'est pas anodin.

  • Speaker #0

    Non, ce n'est pas anodin. En fait, la petite histoire liée à ce livre, c'est que quand j'ai pris mon livre précédent, Chercheurs d'arbres, j'ai essayé d'avoir une certaine parité entre les hommes et les femmes. En fait, j'ai eu beaucoup de mal à trouver des femmes. chercheurs d'arbres. Alors non pas qu'elles n'existaient pas, elles sont nombreuses, mais elles sont certainement plus discrètes, et du coup quand vous consultez les réseaux sociaux, quand vous consultez la presse, vous tombez surtout sur des hommes. Et en en discutant avec mes filles, elles me disent Mais oui, effectivement, il serait peut-être bon que tu orientes un de tes écrits sur les femmes, justement pour montrer qu'elles sont... qu'elles sont largement présentes dans nos métiers, mais qu'elles sont aussi peut-être un peu plus discrètes. Ça me fait penser à un des témoignages du livre, le témoignage d'Isabelle, qui est une botaniste spécialiste des mousses, et que j'interroge sur ses travaux en lien avec l'étude des mousses. Et elle me dit que peut-être que les femmes font de la recherche botanique dans le domaine des mousses, par exemple, plus pour elles-mêmes que pour... que pour le faire savoir. Et c'est effectivement un petit peu le constat que j'ai fait dans le cadre de mes recherches. Alors, bien sûr, il y a des exceptions. Et d'une façon générale, j'ai l'impression que beaucoup de femmes font plein de choses, mais qu'elles ont peut-être moins la prétention, entre guillemets, de vouloir les présenter, les exposer à travers les réseaux sociaux, dans des articles, elles se font plus discrètes. Donc, je trouve qu'il était nécessaire de leur montrer en quoi leur travail méritait aussi d'être... d'être reconnue et reconnue.

  • Speaker #1

    Oui, une forme d'humilité peut-être de la part de ces femmes qui agissent pour elles-mêmes, mais en agissant pour elles-mêmes, qui agissent aussi pour le monde.

  • Speaker #0

    Oui, tout à fait. Et je voulais dire effectivement aussi que pendant très longtemps, dans les médias, lorsqu'on interrogait des experts, c'était effectivement des experts et non des expertes. Très souvent, vous interrogiez des botanistes, des écologues, des forestiers, des agriculteurs. Très souvent on avait affaire à des hommes et depuis quelques années il y a quand même un changement qui s'opère dans la société, peut-être un peu plus rapidement dans le domaine de la climatologie puisque le changement climatique est avec le climat. l'érosion de la biodiversité, les deux problèmes majeurs auxquels notre planète va devoir faire face. C'est vrai que dans le domaine de la climatologie, de plus en plus souvent, on entend des expertes dans les médias, et notamment l'une d'entre elles, Valérie Masson-Delmotte, qui est vice-présidente du GIEC, et qui, à mon avis, est vraiment un exemple très inspirant, qui peut montrer effectivement que... que les femmes se doivent d'être, de s'exprimer plus largement en tant qu'experte. Très très récemment, vous avez eu Sandra Lavorel, qui est une écologue, une spécialiste de la biodiversité, notamment en milieu alpin, qui a reçu la médaille d'or du CNRS. Je trouve que c'est vraiment une très très bonne chose que cette grande institution scientifique ait remis sa plus belle récompense à une femme. Ça donne vraiment de la visibilité. au travail des chercheuses. C'est vraiment une nécessité.

  • Speaker #1

    Oui, absolument. Alors, nous arrivons à la fin de cet épisode de podcast et j'aimerais peut-être vous poser quelques dernières questions pour revenir un petit peu sur le sujet de la matière, je dirais. Alors, je vois que vous avez cité plusieurs philosophes dans votre livre et là, cette fois-ci, c'est une femme que vous avez citée, Jeanne Burgard-Goutal, avec cette phrase. Il importe de toucher à tout pour toucher le monde là où il se trouve. Pouvez-vous nous dire ce que vous voulez dire par là ? Pourquoi vous avez choisi cette citation précisément ?

  • Speaker #0

    Ce que Jeanne Burgard-Goutal veut dire à travers ça, c'est qu'il faut faire évoluer, il faut faire, comment dire, il faut améliorer la situation des femmes en agissant où l'on peut, se faire de feu de tout bois, si je puis dire. C'est-à-dire qu'aujourd'hui, effectivement, il faut... Il faut militer pour que la place des femmes soit de plus en plus reconnue en agissant là où c'est possible. Alors, tout à l'heure, vous disiez à juste titre que les mouvements écoféministes agissaient plutôt, je dirais, au marge des secteurs professionnels institutionnalisés. C'est une réalité. Aujourd'hui, effectivement, il faut qu'ils rentrent pleinement dans ces secteurs-là. Et il me semble aussi que... On peut tous, à notre niveau, quel que soit le métier, quelle que soit, je dirais, la fonction qu'on exerce, faire avancer les choses. Je veux dire qu'on soit ministre, qu'on soit haut fonctionnaire dans l'administration ou qu'on soit bûcheronne sur le terrain, on peut tous faire passer un message comme quoi la place des femmes dans les métiers liés à la nature est devenue plus qu'essentielle. Et c'est en ce sens que... que je citais effectivement Jeanne Burgard-Goutal.

  • Speaker #1

    Est-ce que vous pensez qu'il faut se reconnecter au faire, à la matière, aux gestes, pour agir aujourd'hui concrètement ?

  • Speaker #0

    Oui, ça c'est sûr, notamment vis-à-vis de la biodiversité, on est bien d'accord. L'expérience montre que lorsqu'on a été sensibilisés à la nature de manière très concrète, de manière très... très palpable dans son jeune âge, on est ensuite sensibilisé pour la vie, si je puis dire. Et c'est ce que je disais tout à l'heure à travers le portrait de ces sept femmes. Ces sept femmes ont eu, dans leur jeûne, au cours de leur enfance, de leur adolescence, une relation très directe, quasi charnelle, avec la biodiversité, avec la nature qui les entourait. Et ça, effectivement, fortement... et inciter ensuite à avoir un parcours assez exemplaire et assez moteur pour agir, pour préserver la nature. Donc je pense effectivement qu'il faut se reconnecter avec la nature. Alors l'expression est peut-être un peu galvaudée aujourd'hui, mais c'est une réalité. C'est-à-dire qu'il faut effectivement s'en imprégner, soit de manière contemplative, soit de manière, je dirais, plus… plus utilitaire, mais en tout cas, effectivement, il faut retrouver ce lien direct avec la nature si on veut la préserver.

  • Speaker #1

    Alors, quel message souhaitez-vous faire passer à nos auditrices et à nos auditeurs, David ?

  • Speaker #0

    Je veux tout simplement mettre en évidence le fait que ces métiers que l'on considère encore trop, trop souvent, je pense, genrés, sont vraiment accessibles à tous. Aujourd'hui, prendre soin de la planète, passe aussi par une gestion, je dirais, active de la nature, pas uniquement, mais je veux dire, prendre soin de la nature, ce n'est pas uniquement l'observer de manière contemplative, c'est aussi de la gérer, pour qu'elle soit résiliente, pour qu'elle soit en bonne santé, si je puis dire, c'est-à-dire qu'il faut accepter effectivement qu'on coupe des arbres pour que d'autres puissent croître, il faut accepter qu'on produise, qu'on ait des productions agricoles pour pouvoir... nourrir la planète et en même temps il faut que ces productions agricoles se fassent de manière harmonieuse avec la nature qui les entoure et ces métiers de production liées à la nature, je souhaitais mettre en évidence qu'aujourd'hui il n'existe plus aucun frein, technique en tout cas, pour qu'il soit exercé par les femmes. Cela étant dit, le constat est là, les femmes commencent à à s'investir dans ces métiers, mais peut-être de manière encore trop discrète. Et je pense que, voilà, j'espère que mon livre apportera une petite contribution et motivera de jeunes étudiantes à s'engager vers ces métiers.

  • Speaker #1

    Merci beaucoup David, j'ai été absolument ravie de vous recevoir pour une deuxième fois ici.

  • Speaker #0

    Merci. Merci.

  • Speaker #1

    Quant à nous, nous nous retrouvons le mois prochain pour un nouvel épisode aux côtés d'un ou d'une invitée. Si l'épisode vous a plu, n'hésitez pas à le noter 5 étoiles, à le partager autour de vous et à vous abonner au podcast pour suivre les prochaines émissions. Alors à très vite !

Description

Depuis le Moyen Âge, les femmes ont été nombreuses à être reconnues pour leurs connaissances pratiques et empiriques des plantes, en particulier dans le domaine de la phytothérapie. Celles qu’on qualifiait de sorcières possédaient pourtant des connaissances de guérisseuses que l’on consultait en l’absence d’un médecin.

Pourtant, durant des siècles et jusqu’à nos jours, la botanique académique est devenue majoritairement une affaire d’hommes.

Mais alors, qu'est-ce que cela dit de l’évolution de notre société et de notre relation à la nature ? Et plus largement, qu’est-ce que cela dit de la place des femmes dans les métiers de la forêt et de l’agriculture ?

Existe-t-il vraiment une dualité entre les hommes et les femmes dans la manière dont l’environnement est traité aujourd’hui et depuis des siècles ? Et comment les femmes contribuent-elles aujourd’hui à nous reconnecter au monde vivant ?

Mon invité du jour répond à ces questions.

Expert arboricole, il est l’auteur de plusieurs livres dont « Arbres en péril », « Au chevet des arbres », et « Chercheurs d’arbres », tous les trois parus aux éditions Le Mot & Le Reste entre 2021 et 2023.

J’ai la joie d’accueillir pour la deuxième fois dans Sacrément Beau, David Happe, à l’occasion de la sortie de son dernier livre « Gardiennes de la nature », paru aux éditions Le Pommier en avril dernier.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bienvenue dans Sacrément Beau, le podcast pour voir le monde sous un autre angle. Je suis Leïla Fégoul, la créatrice de ce podcast et communiquante au service du vivant. Sacrément Beau, c'est une invitation à la contemplation, une immersion profonde au cœur de notre intériorité pour faire l'expérience sensorielle et émotionnelle que nous offre la vie. Au fil des épisodes, je vous emmène avec moi faire la rencontre de personnalités. engagée et porteuse de projets à sens pour explorer le monde sous un éclairage nouveau. Que ce soit à travers l'art, la nature, la culture, l'histoire, la science ou la philosophie, élargissons nos horizons pour réveiller notre âme et cheminons vers une conscience de ce qui nous entoure pour changer nos points de vue. Depuis le Moyen-Âge, les femmes furent nombreuses à être reconnues pour leur connaissance pratique et empirique des plantes, en particulier dans le domaine de la phytothérapie. Celles qu'on qualifiait de sorcières portaient pourtant en elles les connaissances de guérisseuses que l'on consultait en l'absence d'un médecin. Pourtant, durant des siècles et jusqu'à nos jours, la botanique académique est devenue majoritairement une affaire d'hommes. Alors, qu'est-ce que cela dit de l'évolution de notre société et de sa relation à la nature ? Et plus largement, qu'est-ce que cela dit de la place des femmes dans les métiers de la forêt et de l'agriculture ? Existe-t-il vraiment une dualité entre les hommes et les femmes, dans la manière dont est traité l'environnement aujourd'hui et depuis des siècles ? Mon invité du jour répond à ces questions. Expert arboricole, il est l'auteur de plusieurs livres, dont Arbre en péril, Au chevet des arbres et Chercheur d'arbres, tous les trois parus aux éditions Le Mot et le Reste entre 2021 et 2023. Et j'ai la joie d'accueillir pour la deuxième fois dans Sacré-Mambo David Happ, à l'occasion de la sortie de son dernier livre, Gardienne de la nature aux éditions Le Pommier, paru en avril dernier. Bonjour David, comment allez-vous ?

  • Speaker #1

    Bonjour Leïla, ça va très bien, merci.

  • Speaker #0

    Je suis ravie de vous recevoir pour la deuxième fois. Écoutez, j'ai bien envie de démarrer cette interview en vous posant cette première question. Alors, comme je l'ai dit en introduction, votre dernier livre s'intitule Gardienne de la nature C'est un titre qui donne l'impression d'une mission un peu sacrée, qui sera attribuée aux femmes. Je trouve ça très solennel comme titre. Selon vous, cette mission de préserver et de protéger la nature, est-ce qu'elle incombe particulièrement aux femmes ?

  • Speaker #1

    Elle incombe à tout le monde. Mais force est de constater que, au cours de ces dernières décennies, et notamment dans les sphères professionnelles que j'évoque, l'agriculture, la silviculture, la recherche aussi dans le domaine botanique, la place des femmes était somme toute assez limitée ou en tout cas assez peu visible. Dans le domaine agricole, les femmes ont toujours été très très investies, mais il est clair qu'au cours des dernières décennies, les hommes étaient généralement beaucoup plus présents dans les médias ou dans les instances professionnelles pour évoquer... pour évoquer ce secteur professionnel. Quant à la forêt, quant à la sylviculture, les femmes sont, somme toute, présentes de manière très limitée, si ce n'est dans les postes à responsabilité, notamment les postes d'ingénieurs, mais sur les terrains, les femmes sont très peu présentes. Or, aujourd'hui, on l'évoquera certainement à la suite de cet entretien, ou alors lors de cet entretien, il n'y a aucune raison pour... pour que les femmes soient moins représentées, soient moins visibles dans ces sphères professionnelles.

  • Speaker #0

    D'ailleurs, vous l'avez écrit dans votre tribune pour Libération, je vais vous citer, vous écrivez Plusieurs indicateurs montrent qu'en agriculture, les femmes sont en moyenne plus engagées dans la transition écologique que leurs homologues masculins, en s'investissant davantage en faveur de l'agroécologie, des productions labellisées et des circuits courts. Est-ce que vous pensez que l'écologie, même si bien sûr elle concerne tout le monde, autant les hommes que les femmes, est-ce que vous pensez que l'écologie est aujourd'hui, d'après les statistiques, un domaine somme toute assez genré ? En quoi les femmes ? pourrait éventuellement aborder différemment ces questions environnementales aujourd'hui ?

  • Speaker #1

    Alors j'aimerais d'abord commencer en disant que je ne suis pas forcément un adepte de ce qu'on appelle la pensée essentialiste. C'est-à-dire que je ne considère pas que les femmes et les hommes ont, au-delà de leur biologie propre, des aptitudes, des caractéristiques particulières. C'est le genre de théorie qu'on voit encore traîner dans certains secteurs professionnels, notamment ceux que j'évoque. pas par tout le monde bien évidemment, mais par certains hommes. Mais par contre, je suis somme toute assez persuadé que les femmes, et les chiffres le montrent, sont particulièrement vulnérables vis-à-vis des changements globaux que la planète subit, que ce soit en matière de changement climatique ou de perte de biodiversité. Au niveau national, au niveau européen, ça ne se ressent pas. forcément de manière très immédiate, mais quand on va dans d'autres régions du monde, et notamment dans l'hémisphère sud, on se rend bien compte que les grandes catastrophes climatiques impactent de manière préférentielle les femmes et les jeunes, à la fois de manière directe, d'un point de vue sanitaire, mais aussi de manière indirecte, de par... de par l'impact de ce changement climatique, par exemple sur la production agricole, sachant que les femmes disposent de moins de moyens techniques, financiers, pour justement faire face à ce fléau climatique qui impacte par exemple leur production, leur production agricole comme je l'évoquais. Simplement, je pense qu'on a tous effectivement des parcours de vie différents. Et les femmes ont aussi, je dirais, d'une façon générale, une expérience différente avec la nature, une sensibilité qui est peut-être un peu différente, une vie quotidienne qui peut aussi être différente. Malheureusement, je déplore, mais les femmes assument encore très largement une bonne part des tâches familiales, les chiffres en attestent. Et ces expériences les obligent aussi à... à développer, je dirais, des capacités, un sens de l'organisation, un sens de pouvoir faire plusieurs choses aussi à la fois, c'est ce qui ressort à travers les témoignages que j'ai recueillis pour mon livre, qui laissent penser effectivement qu'elles peuvent être amenées à aborder certains métiers de la forêt, de l'agriculture, de manière peut-être différente, non pas parce qu'elles ont des aptitudes innées, je dirais, différentes, mais parce que par leur vie, parce qu'elles ont connu. elles peuvent effectivement être amenées à entrevoir leurs métiers d'une façon différente.

  • Speaker #0

    Pour rebondir sur la partie statistique, puisque vous évoquiez les chiffres, les statistiques semblent effectivement le montrer, on observe quand même une féminisation des métiers de l'agriculture et de la civiliculture. Pour faire le pont sur la réponse que vous venez de me donner, est-ce que cette tendance pourrait peut-être traduire une prise de conscience chez les femmes ? de l'importance du rôle qu'elles pourraient jouer, qu'elles peuvent jouer dans ces secteurs pour induire des changements significatifs dont on a besoin aujourd'hui ?

  • Speaker #1

    Clairement, on a besoin, à mon sens, plus de femmes dans ces métiers. De là à dire qu'aujourd'hui, les femmes sont plus représentées dans les métiers de l'agriculture et de la forêt, je mettrais un bémol, même si j'évoque cette hypothèse au début de mon livre, dans le domaine de l'agriculture. En pourcentage, effectivement, les femmes sont aujourd'hui plus représentées. On a environ 25% des exploitants agricoles qui sont des femmes. Mais en réalité, le nombre de femmes qui sont à la tête d'une exploitation agricole n'a pas augmenté en valeur absolue. Le nombre d'agriculteurs a largement diminué et le nombre de femmes est resté stable. Donc mécaniquement, effectivement, la proportion de femmes a augmenté. Quant au métier de la forêt… On constate une vraie différence entre les postes d'encadrement, notamment les postes d'ingénieurs, qui se sont très fortement féminisés. Aujourd'hui, dans les écoles d'ingénieurs qui préparent au métier de la forêt, mais aussi au métier du paysage, de l'agronomie, on a désormais quasiment une majorité de femmes, mais sur le terrain, au plus près du terrain, qu'on soit bûcheron, garde forestier, technicien. Les femmes ne constituent toujours qu'une part très congrue des effectifs. Or, aujourd'hui, aucun frein ne devrait subsister quant à la présence de... des femmes, je dirais, sur le terrain, au plus près du terrain, pour exercer ces métiers.

  • Speaker #0

    Oui, c'est vrai que quand on pense aux métiers forestiers, on a encore un petit peu l'image à l'ancienne du bûcheron. On s'imagine que finalement, ce métier se résume uniquement à un métier extrêmement physique. Est-ce que vous pensez que c'est à cause de ça, finalement, que peut-être il y a encore des espèces d'a priori, d'idées reçues sur ce métier, qui finalement, aujourd'hui, dans la conception plus moderne du métier, on peut imaginer... qui a d'autres éléments, d'autres fonctions. Vous en parlez dans le livre, vous dites que c'est un métier, finalement, aujourd'hui, multidimensionnel, qui, normalement, devrait, justement, encourager la présence de davantage de femmes sur ce métier, justement.

  • Speaker #1

    Oui, tout à fait. C'est vrai que, moi, personnellement, je suis issu d'une formation forestière, j'ai longtemps été forestier. Au tournant des années 80 et 90, on nous enseignait essentiellement la forêt comme étant un espace de production de bois. Aujourd'hui, dans les écoles forestières, même si la dimension économique de la forêt subsiste, et fort heureusement, on intègre bien évidemment de manière plus large les autres fonctions que peuvent exercer les forêts en termes d'accueil du public, en termes de respect de la biodiversité, en termes de protection de la ressource en eau, etc. Et à ce titre, il me semble effectivement que les femmes ont un rôle à jouer, ont une parole à porter. Très concrètement, il y a des techniciennes forestières sur le terrain, que ce soit dans le domaine public, à l'Office national des forêts, ou dans le secteur forestier, et on voit bien à travers leurs témoignages sur les réseaux sociaux, dans des revues et autres, que leur approche de la forêt est somme toute plus multifonctionnelle que les hommes en général. Alors je n'irai pas jusqu'à dire que les hommes ne sont pas du tout sensibles à la question de la biodiversité, etc. Mais c'est vrai que sur le terrain, lorsqu'il y a des initiatives qui sont portées pour préserver certaines espèces, pour accueillir le jeune public, pour faire découvrir la forêt, on sent que les femmes sont plus en première ligne, si je puis dire. Quant au métier, par exemple, du bûcheronnage, que vous évoquiez à l'instant, Il est clair qu'il y a 50 ans comme maintenant, il aurait été peut-être assez difficile de proposer à une femme d'être bûcheronne, tout simplement parce que le matériel était totalement inadapté. On avait des tronçonneuses qui pesaient des dizaines et des dizaines de kilos, ou alors on avait ce qu'on appelle des passe-partout, des très grandes scies qu'il fallait tenir à quatre bras. Aujourd'hui, avec les moyens techniques qu'on a, avec la mécanisation qui a évolué et qui a rendu l'ensemble des outils beaucoup plus accessibles à tous, Je pense que ces freins techniques, si je puis dire, n'existent plus. D'ailleurs, j'ai des témoignages du même genre dans le domaine agricole. J'ai eu l'occasion, à travers mon ouvrage, d'interroger certaines personnes, certaines femmes, qui étaient engagées dans les instances professionnelles agricoles, et qui me disaient qu'aujourd'hui, d'un point de vue mécanisation agricole, Il n'y a plus de réel frein pour permettre aux femmes d'exercer toutes les activités possibles dans le domaine agricole. Il y a encore des améliorations à trouver vis-à-vis des outils pour les rendre encore plus adaptés, et beaucoup plus universels, que ce soit vis-à-vis des hommes ou vis-à-vis des femmes. Mais aujourd'hui, conduire un tracteur, labourer un champ, semer, s'occuper de... d'animaux de la ferme ne posent plus de problème d'un point de vue technique et ce sont des métiers qui peuvent tout à fait être exercés par les hommes ou par les femmes.

  • Speaker #0

    Et d'ailleurs, ça aussi, vous le mettez en avant dans votre livre, au début de votre livre, vous expliquez que les chiffres le démontrent et qu'effectivement, si les femmes sont aujourd'hui souvent à l'avant-garde de mouvements de conservation, c'est parce qu'elles sont en train de se faire des mouvements de conservation et de la nature et de justice environnementale, il n'en reste pas moins qu'elles sont encore toujours sous-représentées dans les processus décisionnels de ces métiers. Qu'en pensez-vous ? Quelles actions concrètes, justement, pourraient être mises en place pour changer ça, pour assurer peut-être une meilleure inclusion des femmes déjà dans ces métiers que vous venez d'évoquer, et puis aussi dans le processus décisionnel en agriculture et en civiculture, par exemple ?

  • Speaker #1

    À mon avis, déjà, c'est au niveau des formations qu'il faut agir. Je reprends l'exemple de la forêt que je connais bien. Il y a 40 ans, dans les écoles forestières préparant au métier de technicien, d'agent forestier, vous aviez à peu près 10% de femmes. Il m'arrive assez régulièrement de dispenser des cours. de sylviculture dans des lycées forestiers de Bretagne où j'habite, et de l'avis même des professeurs que je rencontre, ils me disent que les pourcentages n'ont pas changé. Donc on a toujours aussi peu de femmes dans les métiers techniques liés à la forêt. Dans l'agriculture, les choses varient selon les filières. Il y a des filières qui se féminisent beaucoup, notamment les filières liées à l'élevage. Par contre, les filières qui font beaucoup appel aux technosciences, à la mécanisation, ont beaucoup plus de mal effectivement à se féminiser. Et ça c'est une réalité, les femmes qui s'investissent dans le domaine de l'agriculture sont beaucoup moins intéressées par les technologies, par ce que l'on appelle les technosciences dans le domaine agricole. C'est une réalité, elles sont intéressées par d'autres sujets, plus en lien avec la préservation de la biodiversité notamment, et ceci peut expliquer cela. Cela étant, si on veut faire évoluer les pratiques agricoles, notamment dans les grands systèmes intensifs, des grandes cultures, de la Brie, de la Beauce, et de je ne sais quelle autre région, on a effectivement besoin d'avoir un regard un petit peu différent sur les méthodes de production. Et je pense que les femmes peuvent contribuer à faire évoluer ce regard. La seule présence des femmes ne fera pas évoluer ce regard, mais je pense que c'est une des composantes qui peut contribuer à améliorer notre façon de produire.

  • Speaker #0

    Alors, vous, dans votre livre, vous dressez le portrait de sept femmes qui sont engagées au quotidien dans leur métier pour la cause du vivant, à travers l'exercice de leur métier. J'aurais été curieuse de savoir comment vous avez rencontré ces femmes et pourquoi vous avez choisi ces sept femmes en particulier pour exposer leurs témoignages.

  • Speaker #1

    Je voulais traiter de trois types de métiers ayant un rapport direct avec le vivant. Deux métiers de production, les deux métiers qu'on a assez largement évoqués jusqu'à présent, celui de l'agriculture et celui de la silviculture, de la gestion forestière. Je voulais aussi évoquer les métiers de la recherche. en lien avec le végétal. Alors ça, c'était mon premier critère. Après, je voulais aussi une bonne représentativité, je dirais, géographique des témoignages que j'allais recueillir. Et je voulais aussi faire écho à mon propre parcours, puisque dans mon livre, entre les différents portraits, j'aborde de manière assez subsainte certaines étapes de ma vie, en tant que forestier, en tant que botaniste. Et je voulais justement, à travers ces portraits, faire un petit va-et-vient entre mon expérience professionnelle et le parcours de ces femmes. Alors tout ça m'a conduit naturellement à aller vers certaines que je connaissais déjà. Je pense par exemple à Isabelle, qui étudie les mousses, qui se passionne pour l'étude des mousses et qui fait l'objet d'un portrait dans le livre. J'avais aussi repéré certaines personnes qui avaient, je dirais, des messages à porter, de réelles convictions à partager à travers les réseaux sociaux. sociaux. C'est le cas notamment de Marion, qui est forestière, d'Elodie, qui est cueilleuse. Et puis après, ça a été, je dirais, le pur hasard des recherches sur Internet, qui m'ont permis effectivement de repérer certains parcours assez intéressants et qui me semblaient assez exemplaires.

  • Speaker #0

    Et pour illustrer justement, juste avant le démarrage des portraits, il me semble, je crois que c'est dans l'introduction de votre livre, vous donnez quelques exemples historiques souvent de femmes qui ont eu cet élan du cœur de préservation de l'environnement à travers leurs actions. Est-ce que vous accepteriez, pour donner envie un peu à nos auditrices et à nos auditeurs, de nous parler d'un exemple en particulier de femmes historiquement qui ont eu cet élan du cœur de préservation de l'environnement ? qui illustre justement un petit peu ce que font ces femmes aujourd'hui, à l'image de celles que vous avez citées. Oui,

  • Speaker #1

    oui, oui. Alors, vous parlez effectivement des personnalités un peu historiques que je cite effectivement dans mon introduction. Et je penserais du coup à Julia Butterfly, qui est quand même quelqu'un d'assez impressionnant. C'est une femme qui est restée perchée pendant près de mille jours. dans un séquoia géant qui était voué à disparaître et à être défriché sur la côte ouest de Californie dans les années 80-90, à une époque où les grandes forêts de séquoia étaient particulièrement menacées par les grandes concessions forestières d'Amérique du Nord. Et donc, effectivement, il y a eu un certain nombre de... de mobilisations citoyennes qui ont été organisées à l'époque pour préserver ces séquoias, ces arbres et ces forêts monumentales. Et parmi ces éco-citoyens, il y avait effectivement une femme, une biologiste de formation, qui a grimpé au sommet de Luna, donc d'un séquoia millénaire, et y est resté mille jours de façon à éviter que les bichons l'exploitent. Donc ça c'est pour moi un parcours très inspirant et un parcours aussi qui fait écho à l'actualité, compte tenu des mobilisations citoyennes qui aujourd'hui se mettent en place, et à mon avis à raison, pour éviter que des projets destructeurs continuent à générer des abattages abusifs.

  • Speaker #0

    J'aimerais bien qu'on revienne un instant sur votre tribune pour Libération, où vous citez un philosophe, et d'ailleurs vous reprenez cette citation dans le corps de votre livre. Vous écrivez en le reprenant La nature est une femme publique, nous devons la mater, pénétrer ses secrets et l'enchaîner selon nos désirs C'est une citation qui est plutôt violente, moi-même j'ai trouvé ça plutôt révoltant à la lecture, c'est assez frappant, et je me demandais pourquoi vous aviez choisi cette citation, et comment, selon vous ? Elles reflètent les défis actuels dans la gestion des ressources naturelles aujourd'hui.

  • Speaker #1

    Alors cette citation effectivement de Francis Bacon correspond à une période un petit peu charnière dans notre histoire, dans notre histoire des sciences, dans notre histoire des techniques. En fait, c'est le début de l'époque moderne, l'époque où on a commencé à découvrir... un certain nombre de choses qui ont amélioré les techniques, la médecine, etc. Et dès le début de cette ère, de l'ère moderne, ces chercheurs, ces techniciens, ces scientifiques, ont considéré que l'acquisition de connaissances, le développement des techniques, des sciences, était une affaire d'hommes. Et Francis Bacon, le philosophe Francis Bacon, s'inscrit totalement dans cette... dans cette lignée-là, en disant bon, ben maintenant, la nature, voilà, la nature, on va la maîtriser, on va la gérer, et on va la gérer de manière de manière sérieuse, on va en faire une affaire d'homme Et il voulait, en ce sens, s'opposer à l'approche plus pragmatique, plus sensible, plus empirique qu'avaient avant les femmes avec la nature, via notamment la sorcellerie. jusqu'au 15e, 16e siècle, les femmes avaient un lien très étroit avec la nature et avaient une connaissance bien plus fine de la nature que les hommes. Mais cette connaissance était, je dirais, somme toute empirique et pas basée forcément sur des fondements scientifiques. Et donc, quand les hommes se sont emparés de la question scientifique, ils ont décidé effectivement que ce serait leur précaré, d'une certaine manière. Et aujourd'hui encore, même s'il y a eu effectivement des évolutions, on sent toujours cette emprise masculine sur les sciences et sur les techniques. D'ailleurs, dans les grandes instances scientifiques, dans les médias, quand on entend des experts, des techniciens, souvent on a affaire à des hommes. Heureusement, de plus en plus, on voit des femmes qui s'expriment sur ces sujets, mais ça reste encore relativement récent. Et dans les grandes instances académiques qui s'intéressent aux sciences et aux techniques, les hommes sont encore très largement dominants.

  • Speaker #0

    Oui, et puis ce qui ressort de cette citation, en tout cas moi, c'est l'effet que ça m'a fait à sa lecture, c'est qu'au-delà de la domination masculine sur la nature, il ressort aussi cette domination masculine sur la femme, sur le genre féminin. Donc c'est vrai que c'est assez… C'est là qu'on voit tout à fait comment est-ce que la nature est assimilée à la femme et comment finalement ces deux éléments sont plus ou moins, en tout cas par l'histoire, ont été traités un peu de la même manière.

  • Speaker #1

    Tout à fait.

  • Speaker #0

    Pour continuer sur cette thématique-là, j'aimerais bien qu'on parle un petit peu des mouvements écoféministes. Ça ressort un petit peu dans votre livre, les mouvements écoféministes, pour ceux qui ne connaissent pas forcément le terme, ce sont les mouvements qui explorent les liens entre patriarcat et destruction du vivant. Et vous dites dans votre livre que ces actions, les actions des mouvements écoféministes, restent aujourd'hui encore en marge des mondes professionnels et institutionnels. Vous le précisez dans votre livre. Comment est-ce que vous pensez qu'on pourrait intégrer ces mouvements davantage, justement dans les structures professionnelles, pour renforcer cet impact des femmes dans ces secteurs ?

  • Speaker #1

    Alors, effectivement, c'est un constat que j'évoque, mais que développe surtout ma préfacière Myriam Bafou, philosophe du féminisme, qui a écrit vraiment une remarquable préface dans l'ouvrage, je trouve. Alors, la question du renforcement de la pensée écoféministe dans les mouvements professionnels, ça, je me garderais bien d'y répondre. Je pense que Myriam pourrait y répondre plus largement que moi, parce que... Je ne suis pas philosophe, je ne suis pas sociologue, et du coup, c'est assez difficile pour moi de répondre à cette question précise. Par contre, comment veiller à ce que les femmes soient davantage intégrées dans les processus décisionnels de ces sphères professionnelles pour faire évoluer les choses en faveur de la nature ? Là-dessus, effectivement, je peux... je peux me prononcer si je puis dire. Aujourd'hui, dans ces instances professionnelles, que ce soit celui de la forêt, celui de l'agriculture, ou celui de la recherche botanique, de la recherche en général, les hommes sont toujours largement majoritaires. Par exemple, dans l'assemblée permanente des chambres d'agriculture, vous n'avez que 10 ou 15% d'élus qui sont des femmes. Dans celui de la forêt, vous avez... un cinquième ou un quart des représentants qui sont féminins. Donc du coup, ça oriente, je dirais, les politiques un peu structurelles et nationales en matière de gestion forestière, de gestion agricole. Donc effectivement, il faut que dans ces instances, on laisse davantage de place aux femmes, c'est certain.

  • Speaker #0

    Alors, lorsque vous avez fait le portrait de ces sept femmes, Qu'avez-vous appris d'elles, justement, quand vous avez terminé d'écrire votre livre ? Qu'est-ce que vous retenez de ces sept femmes dont vous avez dressé le portrait ?

  • Speaker #1

    Alors, elles ont tout un lien initial, je réfléchis en vous parlant, mais avec la nature, effectivement. Je pense aujourd'hui qu'on peut être issu d'un milieu strictement urbain et s'investir professionnellement dans le milieu de l'agriculture ou de la forêt. Je pense que c'est quand même un petit peu plus difficile. Effectivement, ce n'était pas un souhait de ma part, mais quand j'ai échangé avec ces femmes et que j'ai brossé leur portrait, je me suis rendu compte qu'elles avaient tous un lien direct avec la nature du fait de leur enfance, de leur adolescence. Donc, il y a effectivement un terreau favorable à la... Comment dire ? Oui, je dirais qu'il y avait un terreau favorable à ce qu'il puisse effectivement développer un parcours professionnel de cette nature. Par ailleurs, qu'est-ce qui les relie ? Je réfléchis en vous parlant. Oui, une force de caractère, ça c'est certain. Ce sont vraiment des femmes, je dirais, entreprenantes, qui veulent faire bouger les lignes, qui veulent sortir, je dirais, du cadre établi, qui veulent revisiter aussi le métier dans lequel ils ont décidé de s'investir. Je pense par exemple à Marion, qui est donc une technicienne forestière tout à fait compétente, mais qui revendique de porter un regard un peu différent sur la forêt. de voir les arbres, de voir la forêt vraiment comme un ensemble vivant et sensible. Et elle nous explique effectivement que cette sensibilité l'aide aussi à exercer son métier. Cette sensibilité vis-à-vis de la nature qui les entoure, c'est vraiment un point commun qui relie toutes ces femmes.

  • Speaker #0

    Et c'est même, il me semble, de mémoire de ma lecture, c'est même un ensemble vivant qui les inspire. Je pense à une des femmes dont vous dressez le portrait, je ne me souviens plus laquelle c'est. mais qui explique qu'elle se sent inspirée à écrire quand elle est entourée de la nature et qu'elle écrit beaucoup contre un arbre dans la forêt.

  • Speaker #1

    Totalement. Totalement. Il s'agit de Marion, que j'évoquais, qui est forestière et qui, je dirais...

  • Speaker #0

    sert la nature au sens où elle gère les arbres, elle veille à ce qu'ils grandissent dans de bonnes conditions, qu'ils puissent s'épanouir, si je peux dire, mais qui se sert aussi de la nature pour écrire, pour écrire des poésies, pour écrire des textes, qui sont d'ailleurs très intéressants. Donc il y a une sorte de relation un petit peu mutualiste entre la nature et elle. Elle agit pour préserver la nature, et en retour la nature... l'inspire et l'aide à créer.

  • Speaker #1

    Alors, vous en parliez tout à l'heure un petit peu aussi de la visibilité de ces femmes. D'ailleurs, dans le livre aussi, vous l'évoquez, vous évoquez qu'il est important aujourd'hui que les médias puissent faire paraître justement ces femmes qui travaillent au cœur du vivant ou en tout cas qui sont très engagées et aussi, si possible, à des niveaux décisionnels. C'est important. Je voulais vous poser d'ailleurs cette question, c'est ce que vous souhaitiez faire en écrivant ce livre, David ? Vous souhaitiez rendre enfin visible à votre manière ces gardiennes de la nature ?

  • Speaker #0

    Oui, oui, oui, parce que ça fait effectivement 30-35 ans que je travaille dans le domaine de la forêt et de la nature. J'ai eu l'occasion de rencontrer beaucoup, beaucoup d'hommes, des femmes aussi, mais moins nombreuses. Et curieusement, je me suis fait cette réflexion assez récemment en discutant avec mes deux filles. Je me suis rendu compte que les personnes qui m'avaient le plus inspiré tout au long de mon parcours ont souvent été féminins, alors même qu'elles étaient minoritaires, je dirais, d'un point de vue quantitatif, parmi mes interlocuteurs. qui pouvaient être à la fois des chasseurs, des forestiers, des agriculteurs, des élus, etc. Et je me suis dit quand même, si après 35 ans de vie professionnelle, les principales personnes qui me restent en tête et qui vraiment m'ont marqué tout au long de mon parcours sont des femmes, la moindre des choses, c'est de leur rendre hommage et de montrer à quel point le fait d'avoir des femmes dans ces métiers qui sont encore trop souvent et à tort considérés comme masculin est une nécessité. Oui, c'est clair.

  • Speaker #1

    D'ailleurs, votre livre, vous le dédiez à vos filles, Anouk et Rebecca, ce n'est pas anodin.

  • Speaker #0

    Non, ce n'est pas anodin. En fait, la petite histoire liée à ce livre, c'est que quand j'ai pris mon livre précédent, Chercheurs d'arbres, j'ai essayé d'avoir une certaine parité entre les hommes et les femmes. En fait, j'ai eu beaucoup de mal à trouver des femmes. chercheurs d'arbres. Alors non pas qu'elles n'existaient pas, elles sont nombreuses, mais elles sont certainement plus discrètes, et du coup quand vous consultez les réseaux sociaux, quand vous consultez la presse, vous tombez surtout sur des hommes. Et en en discutant avec mes filles, elles me disent Mais oui, effectivement, il serait peut-être bon que tu orientes un de tes écrits sur les femmes, justement pour montrer qu'elles sont... qu'elles sont largement présentes dans nos métiers, mais qu'elles sont aussi peut-être un peu plus discrètes. Ça me fait penser à un des témoignages du livre, le témoignage d'Isabelle, qui est une botaniste spécialiste des mousses, et que j'interroge sur ses travaux en lien avec l'étude des mousses. Et elle me dit que peut-être que les femmes font de la recherche botanique dans le domaine des mousses, par exemple, plus pour elles-mêmes que pour... que pour le faire savoir. Et c'est effectivement un petit peu le constat que j'ai fait dans le cadre de mes recherches. Alors, bien sûr, il y a des exceptions. Et d'une façon générale, j'ai l'impression que beaucoup de femmes font plein de choses, mais qu'elles ont peut-être moins la prétention, entre guillemets, de vouloir les présenter, les exposer à travers les réseaux sociaux, dans des articles, elles se font plus discrètes. Donc, je trouve qu'il était nécessaire de leur montrer en quoi leur travail méritait aussi d'être... d'être reconnue et reconnue.

  • Speaker #1

    Oui, une forme d'humilité peut-être de la part de ces femmes qui agissent pour elles-mêmes, mais en agissant pour elles-mêmes, qui agissent aussi pour le monde.

  • Speaker #0

    Oui, tout à fait. Et je voulais dire effectivement aussi que pendant très longtemps, dans les médias, lorsqu'on interrogait des experts, c'était effectivement des experts et non des expertes. Très souvent, vous interrogiez des botanistes, des écologues, des forestiers, des agriculteurs. Très souvent on avait affaire à des hommes et depuis quelques années il y a quand même un changement qui s'opère dans la société, peut-être un peu plus rapidement dans le domaine de la climatologie puisque le changement climatique est avec le climat. l'érosion de la biodiversité, les deux problèmes majeurs auxquels notre planète va devoir faire face. C'est vrai que dans le domaine de la climatologie, de plus en plus souvent, on entend des expertes dans les médias, et notamment l'une d'entre elles, Valérie Masson-Delmotte, qui est vice-présidente du GIEC, et qui, à mon avis, est vraiment un exemple très inspirant, qui peut montrer effectivement que... que les femmes se doivent d'être, de s'exprimer plus largement en tant qu'experte. Très très récemment, vous avez eu Sandra Lavorel, qui est une écologue, une spécialiste de la biodiversité, notamment en milieu alpin, qui a reçu la médaille d'or du CNRS. Je trouve que c'est vraiment une très très bonne chose que cette grande institution scientifique ait remis sa plus belle récompense à une femme. Ça donne vraiment de la visibilité. au travail des chercheuses. C'est vraiment une nécessité.

  • Speaker #1

    Oui, absolument. Alors, nous arrivons à la fin de cet épisode de podcast et j'aimerais peut-être vous poser quelques dernières questions pour revenir un petit peu sur le sujet de la matière, je dirais. Alors, je vois que vous avez cité plusieurs philosophes dans votre livre et là, cette fois-ci, c'est une femme que vous avez citée, Jeanne Burgard-Goutal, avec cette phrase. Il importe de toucher à tout pour toucher le monde là où il se trouve. Pouvez-vous nous dire ce que vous voulez dire par là ? Pourquoi vous avez choisi cette citation précisément ?

  • Speaker #0

    Ce que Jeanne Burgard-Goutal veut dire à travers ça, c'est qu'il faut faire évoluer, il faut faire, comment dire, il faut améliorer la situation des femmes en agissant où l'on peut, se faire de feu de tout bois, si je puis dire. C'est-à-dire qu'aujourd'hui, effectivement, il faut... Il faut militer pour que la place des femmes soit de plus en plus reconnue en agissant là où c'est possible. Alors, tout à l'heure, vous disiez à juste titre que les mouvements écoféministes agissaient plutôt, je dirais, au marge des secteurs professionnels institutionnalisés. C'est une réalité. Aujourd'hui, effectivement, il faut qu'ils rentrent pleinement dans ces secteurs-là. Et il me semble aussi que... On peut tous, à notre niveau, quel que soit le métier, quelle que soit, je dirais, la fonction qu'on exerce, faire avancer les choses. Je veux dire qu'on soit ministre, qu'on soit haut fonctionnaire dans l'administration ou qu'on soit bûcheronne sur le terrain, on peut tous faire passer un message comme quoi la place des femmes dans les métiers liés à la nature est devenue plus qu'essentielle. Et c'est en ce sens que... que je citais effectivement Jeanne Burgard-Goutal.

  • Speaker #1

    Est-ce que vous pensez qu'il faut se reconnecter au faire, à la matière, aux gestes, pour agir aujourd'hui concrètement ?

  • Speaker #0

    Oui, ça c'est sûr, notamment vis-à-vis de la biodiversité, on est bien d'accord. L'expérience montre que lorsqu'on a été sensibilisés à la nature de manière très concrète, de manière très... très palpable dans son jeune âge, on est ensuite sensibilisé pour la vie, si je puis dire. Et c'est ce que je disais tout à l'heure à travers le portrait de ces sept femmes. Ces sept femmes ont eu, dans leur jeûne, au cours de leur enfance, de leur adolescence, une relation très directe, quasi charnelle, avec la biodiversité, avec la nature qui les entourait. Et ça, effectivement, fortement... et inciter ensuite à avoir un parcours assez exemplaire et assez moteur pour agir, pour préserver la nature. Donc je pense effectivement qu'il faut se reconnecter avec la nature. Alors l'expression est peut-être un peu galvaudée aujourd'hui, mais c'est une réalité. C'est-à-dire qu'il faut effectivement s'en imprégner, soit de manière contemplative, soit de manière, je dirais, plus… plus utilitaire, mais en tout cas, effectivement, il faut retrouver ce lien direct avec la nature si on veut la préserver.

  • Speaker #1

    Alors, quel message souhaitez-vous faire passer à nos auditrices et à nos auditeurs, David ?

  • Speaker #0

    Je veux tout simplement mettre en évidence le fait que ces métiers que l'on considère encore trop, trop souvent, je pense, genrés, sont vraiment accessibles à tous. Aujourd'hui, prendre soin de la planète, passe aussi par une gestion, je dirais, active de la nature, pas uniquement, mais je veux dire, prendre soin de la nature, ce n'est pas uniquement l'observer de manière contemplative, c'est aussi de la gérer, pour qu'elle soit résiliente, pour qu'elle soit en bonne santé, si je puis dire, c'est-à-dire qu'il faut accepter effectivement qu'on coupe des arbres pour que d'autres puissent croître, il faut accepter qu'on produise, qu'on ait des productions agricoles pour pouvoir... nourrir la planète et en même temps il faut que ces productions agricoles se fassent de manière harmonieuse avec la nature qui les entoure et ces métiers de production liées à la nature, je souhaitais mettre en évidence qu'aujourd'hui il n'existe plus aucun frein, technique en tout cas, pour qu'il soit exercé par les femmes. Cela étant dit, le constat est là, les femmes commencent à à s'investir dans ces métiers, mais peut-être de manière encore trop discrète. Et je pense que, voilà, j'espère que mon livre apportera une petite contribution et motivera de jeunes étudiantes à s'engager vers ces métiers.

  • Speaker #1

    Merci beaucoup David, j'ai été absolument ravie de vous recevoir pour une deuxième fois ici.

  • Speaker #0

    Merci. Merci.

  • Speaker #1

    Quant à nous, nous nous retrouvons le mois prochain pour un nouvel épisode aux côtés d'un ou d'une invitée. Si l'épisode vous a plu, n'hésitez pas à le noter 5 étoiles, à le partager autour de vous et à vous abonner au podcast pour suivre les prochaines émissions. Alors à très vite !

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