Speaker #0Hey ! Ce 31 octobre dernier, Childish Gambino aurait dû être à Lyon au LDSC Arena. Seulement en raison de complications de santé, la tournée de New World Tour de Childish a été interrompue. On lui souhaite un bon rétablissement. Et pour les fans qui attendaient ce concert, c'est tout de même l'occasion de se remémorer les plus beaux souvenirs qu'on a vécu avec cet artiste, notamment ce clip phare This is America. Jingle. Memory Lane, nouvelle saison, saison 7 du podcast, tournée et enregistrée dans les studios de Sensi Beautiful, que vous pouvez réserver pour faire une émission ou pour faire du son. On va parler de Chadish Gambino. En 2018, j'ai publié cet article. 8. Faits marquants. dans le clip « This is America » pour comprendre l'histoire américaine. Cet article cumule près de 10 000 lectures pour les anglophones et j'aimerais pouvoir vous partager à vous, amis francophones. Une image, mille mots. Un visuel, mille chansons. Un simple message, plusieurs lectures. Un chef-d'œuvre, l'histoire d'un pays. « This is America » , huit points pour comprendre l'histoire américaine. Premier point, racisme systémique et droit au port d'armes. Si vous regardez bien, au tout début du clip, on évolue dans un décor industriel. En fait, c'est une concession automobile, on comprendra pourquoi plus tard. Et ce décor est tout peint de blanc. Dans ce décor tout peint de blanc, on voit un homme noir avancé dans un décor très minimaliste, très démuni. Le seul accessoire est sa guitare. Ceci pourrait tenir en vérité d'une peinture, d'une allégorie pour parler de l'industrie musicale, l'industrie du divertissement. Cette industrie qui serait donc la seule échappatoire, la seule source pour un homme noir de gagner argent et de gagner reconnaissance dans un monde blanc. Comme pourrait le chanter Michael Kiyonuka, Black Man in the White World. La guitare au milieu d'un fond blanc représente l'industrie du divertissement, comme le seul moyen pour un homme noir d'obtenir de l'argent et de la reconnaissance dans un monde blanc. Et si vous êtes attentif aux paroles en vérité... Il dit, on veut juste faire la fête, la fête juste pour vous, on veut juste faire de l'argent, de l'argent juste pour vous. Donc, on tacle déjà le sujet de l'exploitation, de l'appropriation culturelle très subtilement. Des sujets auxquels certains rappeurs conscients tentent de mettre en garde les jeunes artistes. Et on a un artiste comme J. Cole, par exemple, qui dans son titre 1985, Intro to the Fall Off, Intro to the Fall Off. Mais j'adore voir un homme noir être payé et en plus il t'amuse et je respecte ça. Mais as-tu déjà pensé à ton impact ? Ces enfants blancs adorent que tu t'en fiches parce que c'est exactement ce qu'on attend de toi quand ta peau est noire. Ils veulent te voir faire des dabs, ils veulent te voir prendre une pilule. Ils veulent être noirs, Black Fantasy. Ils pensent que par ta chanson, ils peuvent le devenir et se permettre de dire le mot de N-word en chantant tes paroles. Et ainsi de suite, et ainsi de suite. Ce fond... de couleur blanc est donc un premier indice pour parler du racisme dans ce clip de DC's America. Un deuxième indice est la couleur rouge. Après la couleur blanche, on a la couleur rouge qui est ici, synonyme de mort. On voit une chaise rouge, la chaise sur laquelle l'homme noir qui jouait de la guitare va se faire shooter cruellement. On voit une serviette rouge qui va récupérer gracieusement le gun qui est au-dessus d'une vie humaine. On va voir une voiture rouge sur laquelle Childish va danser avant de se faire poursuivre par une foule en furie. Et on va aussi avoir l'échoriste de Charlie Stone qui porte une écharpe rouge avant de se faire fusiller avec légèreté. Ce faisant, il fait subtilement référence au débat politique sur le droit au port d'armes et le contrôle des armes, qui fait référence aussi à l'ensemble des lois et des politiques qui régulent la fabrication, la vente, le transfert, la possession, la modification ou l'utilisation des armes à feu par les civils. Ce débat est très important pour les Américains car il remet en question un point fondamental du pays et la sécurité et la responsabilité des civils. Cependant, dans l'industrie du divertissement, malgré une telle situation, un tel climat économique et social, les artistes continuent d'alimenter la culture avec des contenus qui sont dégradants, soit banalisent et romantisent la violence armée. Deuxième, consumérisme. Je vais aller très rapidement dessus. Les deux chaînes sur le coup de Childish, certes ça peut faire le bling bling, mais ça fait aussi écho aux chaînes mentales et chaînes matérialistes. Une idée très bien développée. ou très bien du moins raconté dans le titre institutionnaliste de Kendrick Lamar que je vous invite à aller diguer. Ok. Trois, la danse avec un message. Il y a notamment la danse Guara Guara. C'est une danse qui nous vient du Sud, de l'Afrique du Sud. et qui fait référence à la ségrégation sud-africaine. Placer cette danse devant des voitures de police américaines est une allusion à la séprimatie blanche et au système juridique et politique conçu pour opprimer les Noirs. Ségrégation, racisme systémique, violences policières impunies, incarceration massive des Noirs et esclavage. En 2015 ou 2016, je crois que c'était 2015, on a recensé plus de 400 violences policières impunies, de violences mortelles sur des Noirs. Quand je parle d'incarcération massive et d'esclavage, je fais référence au 13e amendement de la Constitution américaine. Je ne suis pas le seul à faire référence. Vous avez Common, qui lors de son live tanindesque à la Maison Blanche à l'époque de Barack Obama, déclare avoir écrit une chanson qui fait référence à ce 13e amendement. 13e amendement qui est très important et qui fait poser beaucoup de questions, car il dit ceci. Ni l'esclavage, ni la servitude involontaire. sauf en cas de punition pour un crime dont la personne aura été dûment reconnue coupable, n'existeront aux États-Unis ou dans tout lieu soumis à leur juridiction. Autrement dit, l'esclavage et la servitude involontaire ne seront pas reconnus coupables, sauf s'il y a une sanction pénale qui est en jeu. Autrement dit, encore une fois, toutes les personnes noires qui seraient incarcérées seraient susceptibles de pouvoir connaître à nouveau l'esclavage ou la servitude. Autre message avec les danses tirés du clip de Block Boy JB. Donc ce mouvement de danse qui était extrêmement popularisé sur les réseaux sociaux, dans les vestiaires, dans les couloirs d'école, dans les battles de danse, a en fait une origine du coup gangsta rap, mais enseigne le port d'armes pas forcément contrôlé. Outre le fait que ce clip banalise le port d'armes, pas forcément contrôlée par l'État. La chorégraphie avait tellement de popularité que des sociétés comme Epic Games ont capitalisé sur ce mouvement de danse. Ils ont vendu un emote de cette chorégraphie sur la plateforme pour plus de 300 millions de dollars. Les auteurs de ces danses n'ont pas nécessairement eu de commission, eu de rémunération pour... pour la création de leur danse. Donc on parle encore ici de capitalisation, d'exploitation. On peut même parler d'appropriation culturelle lorsqu'il y a un enjeu économique. Quatre. Songwriting. Le son de la joie la plus noire, de Blackest Joy. Quand on entend Black Joy, Blackest Joy, la joie noire, forcément je pense à des morceaux comme Forgotten History et Black Joy, mais surtout... de Black is Joy, l'album de Akwa Naru, sorti en 2018, il y a six ans aussi. Ah, Black Genius. Là, je vous l'ai l'air de sourire même dans les temps les plus sombres. Vous pouvez peut-être me tuer, mais vous n'aurez pas ma joie, vous n'aurez pas mon âme. C'est une vraie révolution, cette joie est révolutionnaire, comme dirait justement Akwa Naru. Depuis les chants d'esclaves jusqu'à nos jours... Les noirs ont fait la musique la plus joyeuse, demandait au Congolais. De la saleté et de la douleur, ils continuent à chanter et avec le sourire aux lèvres. « This is America » est justement une bonne chanson dans cet angle-là. Un véritable mélange de rythme afro joué paisiblement à la guitare sur des choeurs joyeux. Le rythme trap obscurcit lentement l'éclat de cette joie noire, tandis que les chanteurs noirs continuent de chanter des paroles écrites avec ironie. La ligne de basse avec des nuances plus sombres. tout en découplé, reflète aussi une époque bien chaotique et un environnement assez létal, mortel. 5. Retour vers l'ère de la blaxploitation. Blaxploitation, l'exploitation des Noirs. Tout à l'heure, dans le deuxième point, je vous parlais du consumérisme et du fait que Childish porte deux chaînes autour du cou sur le torse. C'est une référence flagrante à Isaac Hayes, qui portait aussi des chaînes en or autour du cou, un peu plus massives, un peu plus grosses, et lui aussi était barbu et torse nu. Isaac Hayes, grande figure iconique de la soul music. des années 70. Pour ceux qui n'auraient pas en mémoire sa musique, c'est ça par exemple. Jalish Gambino fait référence à Isaac Hayes, aussi en colère et désireux de prouver sa valeur sur le sol américain. Isaac Hayes est donc l'une des icônes des films d'oppression qui ont émergé au début des années 70. et qui s'adressait à un public noir urbain, tout comme le rap aujourd'hui qui s'adresse par des clips cinématographiques à un public noir urbain. Malgré les stéréotypes de ces films, ce sont, comme je le disais, les seuls films où les noirs ont le rôle de héros au lieu d'être des punks comme des acolytes ou des victimes, les premiers morts du film, ou des rôles, on va dire, très peu valorisants. Isaac Hayes n'est pas la seule figure de la soul à qui il fait référence dans ce clip. Il fait aussi mention de Jess Brown. avec Get Down qu'on entend dans le clip qui est tiré du morceau The Boss. Et James Brown, le parrain de la soul, the godfather of soul, on sait aussi qu'il a été une grande figure politique à travers sa musique. Pour lui, la danse était révolutionnaire au même titre que sa musique, que sa soul music. Et il est... L'auteur de titres comme « Say it loud, I'm black and I'm proud » et l'auteur aussi du titre « America is my home » . Donc, prouver sa valeur, une fois de plus, sur le sol américain. 6. Les émeutes de Détroit, en 1967. Comme on peut le voir dans le clip, il y a des voitures en feu, il y a un cheval apocalyptique. Bref, c'est très, très chaotique. Et en vérité, cela fait référence à l'une des émeutes les plus meurtrières de l'histoire des États-Unis d'Amérique depuis les émeutes de la circonscription de 1863. La même année, plus de 150 émeutes eurent lieu à Atlanta, Boston, Chicago et New York. Pillages, incendies, fusillades, confrontations avec les forces de l'ordre, tout cela se passait exactement comme dans le clip. Ces émeutes étaient la conséquence de mauvaises conditions sociales, de la pauvreté croissante des Noirs à Détroit, alors que c'était la meilleure période pour pouvoir profiter. de l'essor économique et la discrimination battait son plein à cette époque-là. Les droits justement du port d'armes étaient déjà bien réglés, mais le droit civil des Noirs était encore en question. 7. Économie automobile. Pourquoi sommes-nous dans une concession automobile ? Parlons justement de l'économie automobile à laquelle fait référence Charles Gambino, Donald Glover, dans ce clip This is America. Détroit, alias Motor City, alias Motown. On a parlé de Isa Akhéz, on a parlé de cette soul des années 70, qui nous rappelle du coup la soul du mot terme, Temptations, et j'en passe. Et l'industrie automobile a toujours, à cette époque, été une source majeure de revenus pour les États-Unis. Cette industrie était florissante à Détroit, la ville des hits de musique, justement, de la soul music, mais aussi de l'automobile. Détroit, la ville de l'automobile, est devenue l'une des destinations les plus importantes pour les migrants noirs du sud des États-Unis. en raison de sa réputation de centre majeur de production automobile. Je cite, en 1940, pour vous montrer l'évolution de 1940 à 1970, en 1940, seulement 3% de la main d'oeuvre de l'industrie automobile était noire. En 1970, environ un travailleur sur cinq de l'automobile de Détroit était noire. Donc on passe de 3% à un cinquième. Au cours des 100 dernières années, l'industrie automobile a joué un rôle. cruciale dans l'histoire des Afro-Américains, car les Noirs étaient à la fois producteurs et consommateurs de voitures. La voiture apportait mobilité géographique et économique, donc à son social, d'où le fait que ce soit autant célébré aussi dans les clips Cadillac, California, etc. C'est culturel tout ça, mais ça joue avec le contexte social et économique. Tant la discrimination et les inégalités liées à l'automobile étaient frustrantes et persistantes. Si vous voulez avoir plus d'infos sur ce contexte, sur ce climat économique et social, je vous invite à aller voir la source « Driving while black, the car and race relations in modern America » de Thomas Surgru. « Conduire étant noir, les relations entre race et voiture dans une Amérique moderne » . Article très intéressant. Si on revient sur le clip. Black men, get your money. Black men, get your money. Il s'élève comme un leader qui fait un élan de protestation. Il s'élève sur ce symbole de richesse qui, autre qu'une simple guitare, cette fois-ci, c'est vraiment du concret. C'est une automobile. On a l'impression qu'il est sur le point de prendre le pouvoir et de devenir le patron. D'où Get Down, The Boss de James Brown. Huitième et dernier point. En conclusion, la valeur des vies noires toujours remises en question en Amérique. Tout au long du clip, on voit que la vie d'un noir ne vaut pas plus que celle d'une arme à feu, ne vaut pas plus que celle d'une voiture ou d'un autre accessoire. Malgré toute la richesse, toute la culture, la musique et l'économie que représentent les noirs, la dure réalité est de se réveiller dans un monde qui continue de vous dire « You're just a black man, you're just a dog. Tu n'es qu'un homme noir, tu n'es qu'un chien. » De l'époque des légendes du jazz comme Charlie Parker ou Billie Holiday, connue tristement pour son titre Strange Fruit, qu'elle chantait devant un public blanc et qui racontait subtilement l'histoire des Noirs que l'on pendait sur les arbres du sud des États-Unis. Depuis ces jours-là, ces jours sombres, jusqu'à aujourd'hui, les Noirs évoluent toujours dans un monde blanc, le white privilege, le white supremacy, et sont toujours victimes de racisme, malgré leur rayonnement et leur contribution au pays et à la culture. Encore une fois, comme le rappe Jay-Z dans son titre The Story of O.J. Pour revenir un petit peu sur le contexte français, parce qu'on voyait aussi le racisme ici aussi en France, il y a un artiste, un comédien, qui m'a aidé à comprendre davantage tous ces symboles cachés derrière le clip de Jadis Gambino. Et je fais une référence ici à l'humoriste Thomas N'Jijol. En 2018, il a... sorti un sketch sur Canal+, qui s'appelle « Le Black Cool » . Et dans ce sketch très significatif, il souligne le manque de reconnaissance des artistes noirs dans le cinéma et la musique. Il prend ici justement le rôle d'un Américain propriétaire d'une concession automobile qui se vante de son succès dans l'automobile, mais qui se plaint du manque de reconnaissance qu'il a. Il souligne donc ce manque de reconnaissance des noirs dans le cinéma, dans la musique, des artistes étant désespérément soutenus. par des stéréotypes raciaux et victimes de discrimination et de boycott lors des récompenses. Dans ce sketch, il fait lui aussi mention, comme Tadjid Gombino, à l'appropriation culturelle. En parlant du black hole qui est là pour faire la fête, pour faire les musiques qui feront danser le public occidental, mais à leur dépend et sans pouvoir profiter des mêmes retombées et du même impact. Notre musique, la musique noire, la soul, est considérée que lorsqu'elle est représentée par un blanc ou une blanche, comme tu veux. J'ai quatre fils. Ils ont le même sentiment que moi à l'époque. Mes quatre fils sont ici et jouent les Black Cool. Pour un blanc, je ne connais même pas son nom. Ce chanteur est très connu en France. Et là, il fait référence à Matt Pokora, qui est entouré de quatre danseurs. noir. Et du coup, c'est intéressant de parler d'appropriation culturelle ici. C'est intéressant le fait que dans sa mise en scène, il souhaite invisibiliser du coup le chanteur blanc, Matt Pokora, et donner plus de visibilité à ses qualifices qui eux sont invisibilisés dans le clip. C'est très subtil comme écriture. Je vous invite à aller voir ce sketch pour voir tout le contexte et faire le lien avec This is America. C'était Memory Lane, Decrypted. On aime décrypter les clips, décrypter les albums. Le prochain épisode, ce sera sur Her, qui fête les cinq ans de son album I Used To Know Her. On en a d'autres à venir, des Kendrick, des Pourquoi Pas Teller The Creator. N'hésitez pas à proposer vos sujets. Si vous avez des clips ou albums que vous aimeriez décortiquer avec nous. C'était un nouvel épisode qui annonce la nouvelle saison 7 du podcast Memorilane, secret de chaîne et de studio. tourner et enregistrer dans les studios de Sensitive Beautiful que vous pouvez, je le répète, privatiser pour faire votre émission ou faire du son. Marcus Goum, merci.