- Speaker #0
Bonjour et bienvenue dans Sous les strass, le podcast qui vous emmène dans les coulisses du cabaret et du burlesque. Je m'appelle Gabi et aujourd'hui nous allons explorer ensemble comment créer un numéro solo. Petit disclaimer, ce podcast ne se veut ni exhaustif ni universel. Nous vous proposons ici un format court et dynamique que vous pourrez savourer en vous brossant les dents ou entre deux rendez-vous. Allez, c'est parti ! Un numéro solo est un espace de liberté et de création presque infinie et donc parfois vertigineux. Pendant quelques minutes, vous devenez à la fois metteuse en scène, costumière, chorégraphe, danseuse comédienne et j'en passe. C'est l'opportunité de donner vie à vos fantasmes, à votre alter ego, à vos rêves d'enfants, mais aussi à vos combats, vos révoltes, bref, à tout ce qui vous inspire et vous nourrit en tant qu'artiste. Tout commence avec un personnage, un message ou une émotion. Vous pouvez être une diva glamour à la dite avantise ou un personnage comique et excentrique comme Dirty Martini. Vous pouvez même être les deux comme Petula Goldfever. Votre imagination est en fait votre seule limite. Mais une chose est très importante, n'oubliez pas qu'un numéro dure en moyenne entre 3 et 5 minutes. Votre personnage et votre atmosphère doivent donc être simples et rapidement identifiables par votre public. Attention, beaucoup de choses ont déjà été explorées. Nourrissez-vous de votre histoire, de ce qui vous touche et vous parle profondément pour être sûr d'apporter votre vision unique sur le sujet. Énormément de vidéos circulent sur les réseaux et parfois on s'en inspire un peu trop. On peut facilement tomber dans la copie ou l'appropriation culturelle grossière, même sans le faire exprès. N'hésitez pas à vous renseigner et à demander autour de vous. Mamsel Viviane, artiste burlesque professionnel, nous parle de sa vision du burlesque.
- Speaker #1
Dans ma création burlesque, je puise dans ce qui me parle au plus proche, c'est-à-dire les inspirations me viennent de l'enfance. de ce qui me parlait en tant qu'enfant, ado, et ce qui m'a construite aussi en tant que femme et en tant qu'artiste. L'idée de me réapproprier un sujet, c'est de l'emmener ailleurs, à travers le burlesque, de le transformer, de le transcender, pour ensuite l'offrir en scène. Que ce soit à travers ma personnalité, à travers ce qui me touche intimement, pour que ça touche le monde.
- Speaker #0
Parlons musique. La musique est évidemment un élément central d'un numéro. Elle rythme nos vies et notre créativité. Écoutons notre artiste de hula hoop préféré, la grande Lila Choupaoups.
- Speaker #2
Alors parmi les musiques de mes numéros, il y a vraiment deux groupes. On va dire qu'il y a la musique coup de cœur, celle qui est venue à moi, que j'écoutais comme ça, et puis ça m'a tout de suite inspirée. J'ai même pu visualiser les figures que j'aurais pu faire sur tel ou tel passage. Donc la musique est l'élément déclencheur qui va me donner envie de créer quelque chose. L'autre cas, c'est que j'ai déjà une idée de numéro, et là je vais devoir passer des heures et des heures sur Internet, ça peut être vraiment très long. Si j'ai un thème, ça aide quand même un petit peu à sélectionner. Dans tous les cas, ce que je vais faire ensuite, c'est analyser là où les musiques pourraient convenir. Alors, est-ce que l'introduction, le début permettent d'instaurer une ambiance ? Est-ce que le final est grandiose ou est-ce que le final se finit en douceur ? Ça va vraiment être sur les émotions que je vais essayer de jouer parce que dans un numéro burlesque, très souvent, on a envie quand même de raconter une histoire. Donc, il faut que la musique puisse soutenir cette histoire, donner une sorte de narration. Est-ce que vous allez vouloir interpréter les paroles par exemple ? Ça c'est quelque chose que j'aime faire aussi des fois. Ensuite, la rythmique, c'est très important pour moi, puisque comme je fais du hula hoop, le tempo, je vais devoir me caler dessus pour mes figures. Alors, il ne faut pas que ça soit trop rapide, il ne faut pas que ça soit trop lent. Mais si c'est tout le temps la même chose et qu'il n'y a pas de variation, ça va être assez ennuyant. J'ai besoin d'intensité, j'ai besoin de douceur et de poésie. Donc, tous ces petits détails-là, je vais vraiment venir les décortiquer dans la musique jusqu'à en trouver une parfaite.
- Speaker #0
Attention, la musique ce n'est pas juste du son, c'est aussi souvent des paroles. Prenez le temps de vous renseigner, de traduire si besoin. Vous pouvez créer un numéro à contresens, mais ça doit être un choix assumé et non un manque de recherche. Une fois que vous avez choisi votre musique, improvisez, chorégraphiez et n'hésitez pas... à prendre des cours ou à vous faire accompagner par une professionnelle. Gardez bien en tête que le costume risque de contraindre certains mouvements et que c'est seulement quand vous le porterez que vous pourrez finaliser votre création. Comme pour la musique, le costume demande beaucoup de recherches. Perdez-vous sur Pinterest, dans les livres d'histoire de l'art, regardez les défilés de haute couture, baladez-vous en nature. Si votre numéro s'inspire d'une époque, d'un artiste, c'est même un devoir que d'aller plus loin pour y trouver des références, des clins d'œil. Ne vous arrêtez pas au cliché. Un numéro nourri d'une vraie réflexion fera toujours mouche. C'est d'ailleurs de cette façon que certains artistes sont devenus de vraies références. De par la qualité de leur travail de recherche, je pense notamment à Colette Colrette, Kiki Béguin ou encore Alexen von Fossilius, qui vont souvent chercher leur inspiration dans l'histoire de l'art. Définissez vos atouts physiques, ce qui vous met le plus en valeur, et jouez-en à l'infini. Stécie Fénix, professeure de burlesque, nous livre ses astuces.
- Speaker #3
Un solo, ça évolue dans le temps, donc il ne faut pas avoir peur de commencer avec un petit budget. Vous pouvez tout à fait, par exemple, strasser vous-même quelques pièces qui, à la base, semblent un petit peu fades. Vous commandez des strass et puis vous passez vos longues soirées d'hiver à strasser vos costumes. Et puis, si c'est un solo auquel vous êtes attaché, que vous voyez qui dure dans le temps, Pourquoi pas faire appel à un costumier, une costumière pour vous faire un magnifique costume, mais du coup avec un budget nettement plus conséquent.
- Speaker #0
Stécie nous rappelle l'importance du choix des chaussures. Pensez à la semelle et à la hauteur des talons. Ne soyez pas trop gourmand dans centimètres mesdames. Les loups-boutins sont magnifiques, mais c'est encore plus beau que vous soyez stable et à l'aise dans vos chaussures pour pouvoir donner le meilleur de vous-même. Ce qui me fait penser à une règle très importante, on ne monte jamais sur scène avec un accessoire qu'on n'aurait pas testé au préalable, tout comme on ne change pas son numéro quelques minutes avant le début du show. Enfin, je vous invite à vous poser les questions suivantes. Quel est mon message ? Que racontent mes mouvements ? Comment mon personnage respire ? Quelle est sa posture ? Et pourquoi pas quels sont ses traits de caractère prédominants ? N'oubliez pas que le burlesque n'est pas seulement l'art de l'effeuillage, mais aussi celui de la narration.
- Speaker #4
En tant que productrice de spectacles burlesques, les numéros que je cherche principalement à booker sont des numéros qui sont... très construit, écrit, élaboré, où chaque seconde a été savamment pensée et étudiée, rien n'est laissé au hasard. Et c'est cette construction et cette élaboration qui permet en fait une lecture pour le spectateur fluide et naturelle, alors que tout a été millimétré en amont. Et cette recherche de rythmique, cette recherche... de faire du sens et cette mise en abyme, on se met dans la peau du spectateur lorsque l'on écrit et lorsque l'on travaille son numéro, c'est ce qui permet vraiment de créer un numéro qui soit exceptionnel et hors du commun.
- Speaker #0
Vous venez d'entendre Emma Milan, artiste mais aussi célèbre productrice de spectacles burlesques en Suisse. Prenez le temps de bichonner votre œuvre. C'est normal d'y consacrer parfois plusieurs mois entre l'idée, la conception et votre première fois sur scène. Faites-vous accompagner. Même les plus grands artistes ont besoin d'un œil expert pour s'assurer que le message passe ou encore que le rythme est bien équilibré. Avant de vous laisser, je vous propose de vous plonger dans l'histoire du numéro Jackson de l'iconique Mademoiselle Viviane.
- Speaker #1
J'ai grandi avec la pop, le funk, Jackson, Prince. Et petite, je passais les clips en boucle dans mon salon. Je passais des après-midi entiers à refaire les chorégraphies. Je me croyais la reine du monde. C'était cette génération où Jackson lançait les premiers clips sous forme de films. Donc les clips avaient une dimension d'histoire. C'était fabuleux. Janet Jackson aussi a lancé ça. Alors Jackson, tu l'aimes ou tu ne l'aimes pas, il a l'histoire qu'il a. Mais sa musique embarque le monde. Elle donne cette furieuse envie de lever ses fesses, de bouger, de se lever, de danser et de vibrer. J'aime l'idée que ça devienne quelque chose d'universel. Donc un jour, je découvre un extrait sur YouTube de The Bandwagon. La scène présente Fred Astaire qui danse aux côtés de C. Charis. On est dans un speakeasy. Et sur cette vidéo, et poser la musique de Michael Jackson, Smooth Criminal. Et là, c'est une révélation pour moi incroyable. C'est la même danse. Je savais que Jackson était inspiré par Bob Fosse, James Brown, Jane Kelly, Fred Astaire, évidemment. Mais je me dis, voilà ce que je veux partager. Apporter mon interprétation de Jackson en évoquant les origines de sa danse. Comme quoi, tout se réinvente, tout se réapproprie. et qui plus est dansé par une femme, avec cette dimension burlesque. Le challenge est lancé, mais là je m'attaque à un monument quand même, le monument de la pop. Pour commencer, je m'adresse à mon monteur, Guillaume Steli, avec qui je travaille depuis le début. Guillaume est bassiste, monteur, il crée des musiques. Il s'agit de puiser dans les références sans tomber dans le cliché. Je veux un montage audio qui voyage à travers les époques du jazz jusqu'à la modernité que pouvait être vraiment les années 80-90 et je veux aussi redonner cette dimension cinématographique qu'on retrouvait dans The Bandwagon. Donc je voulais aussi avoir ce côté je raconte une histoire. Donc on tente un premier jet d'introduction. Une ambiance, une rue, Chicago, la nuit, les années 30, de la fumée. Voilà, le tease commence ici. Mais à partir de là, il m'aura fallu deux ans pour que ce début de 30 secondes d'ambiance donne naissance à ce projet. Il fallait que je trouve le chorégraphe, la chorégraphe, qui sache m'apprendre à redonner l'essence de toute la danse de Jackson, la technique, l'âme. Impossible de me mener toute seule. Il fallait que je m'élève en ayant quelqu'un qui m'apporte cette clé que je n'avais pas. Et je ne voulais pas que ce soit forcément un danseur qui soit un sosie et qui applique l'image de Michael Jackson. Je voulais que ce soit vraiment quelqu'un qui soit un coup de cœur. Il s'est passé deux ans. Et alors un dimanche, je vais prendre un cours de Michael Jackson, une après-midi pendant les vacances scolaires, peu de monde. Et là, je rencontre la perle. Le mec, il ne danse pas, il te raconte un voyage. Enfin si, bien sûr il danse. Mais c'est un danseur de jazz qui a une formation technique. C'était un des danseurs de la dernière tournée de Jackson. T-Vane Jackson. Mon chorégraphe rêvé. Mon idée de structure est en place. Du dandy, je passe au Jackson. Du Jackson des années, de l'univers rétro à celui très affirmé des années 80. Également un hommage au Jackson 5. Et ensuite, basculer d'homme à femme. En rendant hommage aux comédies musicales par le style de montage. En rendant hommage à Sea Charis, dont on retrouve d'ailleurs un clin d'œil dans le numéro à la robe verte de Singing in the Rain. C'est un show qui doit respirer, qui doit naviguer dans le temps, dans l'énergie. En parallèle, je fais appel à Jérôme Dilinger qui crée le costume de Jackson. Donc ça prend du temps entre le moment chorégraphique et le cheminement du costume aussi. Ou je le pense comme une sorte de quick change. La musique crée les transitions en même temps que le cheminement de l'histoire me donne déjà des clés dès le départ. Et le montage se peaufine au fil des répétitions chorégraphiques. Évidemment, je suis traversée de doutes, mais c'est là où il ne faut surtout pas lâcher. Je crois en le projet. Des fois, on ne croit pas en soi, mais on croit en un projet. Et d'apporter toute cette force du burlesque, cette connexion au public, ce qui n'empêche pas de vouloir être précise et exigeante dans la danse. Ce que m'apporte Thivaine avec toute la bienveillance pendant huit mois de travail. Le résultat final fait neuf minutes. C'est trop long. C'est difficile quand on est au cœur d'un projet de réduire le temps, mais c'est nécessaire. Le seul moyen c'est de prendre du recul et de laisser un petit peu le temps passer, de digérer ce qui a été créé pour le rendre plus court et plus percutant. Aujourd'hui j'ai une version qui est à 7 minutes. qui est la version pour moi idéale, même si quand je revois les vidéos d'origine, j'ai envie de reprendre des choses. C'est un numéro que je ne peux penser autrement qu'avec un travail technique, lumière, d'avoir des points de rendez-vous, comme si on était dans un film, comme si on était dans The Bandwagon. J'ai une école qui est celle du théâtre, j'ai travaillé avec Lilian Lloyd sur des pièces qui étaient très... très inspiré du cinéma, avec des champs contre champs, avec vraiment un travail de contre, d'effet de lumière. Je veux projeter ce numéro, possible sur des grandes scènes, pas juste sur des petites scènes de burlesque telles qu'on connaît. Donc évidemment c'est compliqué quand on connaît les scènes habituelles de burlesque, où des fois on a juste un projecteur. Donc ce n'est pas un numéro qui peut se produire partout. Mais ça me convient comme ça. Ainsi soit-il, le numéro trouve sa place dans des festivals, dans différents lieux de music hall. Je joins à chaque fois une fiche technique. J'explique mes besoins qui peuvent s'adapter. Et dernièrement, j'étais très très fière aussi de... de pouvoir le présenter à la communauté hip-hop et pour qui j'avais tout autant ma crédibilité. Et c'est ça dont je suis aujourd'hui fière, même si je ne m'estime pas la meilleure danseuse de Jackson, ou un de l'un, mais l'âme que j'essaie de partager fonctionne. et est encore perfectible, mais en tout cas rassemble le monde.
- Speaker #0
Et voilà, vous avez maintenant quelques clés pour commencer à créer votre propre numéro solo. N'oubliez pas l'essence du burlesque. Soyez authentique, soyez audacieuse et surtout amusez-vous. Spoiler alert, votre numéro ne sera jamais parfait et pourrait évoluer entre chaque scène. Donc lancez-vous ! Merci beaucoup de nous avoir écoutés jusqu'à la fin. N'hésitez pas à partager ce podcast si l'épisode vous a plu et à nous contacter sur Instagram s'il y a un sujet que vous souhaitez que l'on traite dans un prochain épisode. Au plaisir de vous retrouver très prochainement pour de nouvelles confidences sous les strass.