- Speaker #0
Bienvenue dans le podcast Still Point. Je suis Alexane Bancal, ostéopathe, passionnée par l'humain dans toutes ses dimensions, la philosophie du soin, la spiritualité, les animaux, la nature et l'exploration de mon monde intérieur. Dans cet espace, je porte ma voix en solo où je vais à la rencontre de personnes qui m'inspirent pour vous partager des réflexions autour de la présence. son influence dans les différentes sphères de notre vie et comment cultiver cette qualité d'être au quotidien. Cette thématique est centrale dans ma quête de sens depuis mes premiers pas en ostéopathie. Aujourd'hui, je suis convaincue qu'en déployant notre état de présence à soi, on apprend à être davantage présent au vivant en nous et autour de nous. Et si cet état d'être était la clé non seulement de notre équilibre intérieur, mais d'un monde plus harmonieux ? Ce podcast s'adresse à toutes et à tous. Je me réjouis de te retrouver à mercredi sur deux, pour un moment ensemble, dans l'ici et maintenant. Bonjour Vincent. Bonjour. Merci d'avoir accepté mon invitation sur le podcast Steelpoint. Vous êtes masseur, kinésithérapeute, accompagnant en apto-kinésie, qui est une application de l'autonomie pour les professionnels du médical et paramédical dans le cadre du soin. et formateur dans le seul centre habilité par Franz Wellman, fondateur de l'apnonomie. Est-ce que vous pouvez vous présenter avec vos mots et nous parler de votre parcours de vie et de thérapeute qui sont si souvent liés ?
- Speaker #1
Alors, je suis Vincent Xambeu, j'ai 54 ans. J'ai suivi des études de kinésithérapie dans les années 90. Et puis, rapidement, je me suis retrouvé face à des questionnements. j'avais envie d'essayer de comprendre comprendre qu'est-ce que c'était le soin. Donc je me suis orienté vers des formations assez techniques au départ. Et puis j'ai découvert l'autonomie de manière générale en 1996. Et là, j'ai été assez fasciné par cette approche, qui n'est pas une technique, mais qui est plus une approche vraiment, et qui permet d'utiliser les techniques différemment, qui permet de réaliser des soins différemment. Et donc... Comme vous l'avez dit, le cœur de mon activité, c'est l'aptocinésie, parce qu'il y a différents champs d'application dans l'aptonomie. Et l'aptocinésie, c'est l'aptonomie appliquée aux soins. Donc ça concerne tous les soignants. Alors les kinés comme moi, mais ça concerne aussi les médecins, les sages-femmes, les infirmières, les ostéopathes, les psychologues, etc. Chacun l'applique dans son domaine de compétence. Ça ne change pas son métier, simplement. ça va changer peut-être des éléments dans la façon de faire son métier. Et donc depuis 1996, je n'ai jamais lâché. J'ai toujours été en formation. Et maintenant, depuis 2009, je suis passé aussi de l'autre côté. C'est-à-dire que je suis formateur en autonomie, au centre d'autonomie, le CIRDH, Brandeswellman. Donc CIRDH, ça veut dire Centre International de Recherche et de Développement en Autonomie. Et donc, c'est vraiment un plaisir d'à la fois être dans mon cabinet pour prendre soin de mes patients, mais être aussi dans la formation. Et les deux se nourrissent énormément. Et j'aime beaucoup ça. Et donc, j'anime des formations dans le centre d'haptonomie, mais aussi dans les institutions. Je vais dans des hôpitaux ou EHPAD pour former des équipes. Et on en reparlera, je pense, au cours de la discussion. Parce que c'est une branche particulière de l'haptonomie.
- Speaker #0
Donc l'autonomie, on connaît surtout l'accompagnement en pré- et post-natal. Et là, vous nous dites qu'en fait, on peut l'appliquer à toutes les étapes tout au long de notre vie. Est-ce que vous pouvez nous expliquer ce que c'est exactement l'autonomie ?
- Speaker #1
Oui, alors c'est vrai que l'autonomie, pour le grand public et même dans le milieu des soignants, quand elle est connue, elle n'est pas souvent connue, mais quand elle est connue, elle est souvent connue par le biais de l'accompagnement pré- et post-natal. C'est un accompagnement des couples. avant la grossesse, le plus tôt possible d'ailleurs. Et ce n'est pas une préparation à l'accouchement, c'est ce qui différencie. C'est vraiment un accompagnement à la parentalité, et donc qui se démarre très tôt, et qui va aussi dans la première année de vie en post-natale de l'enfant. C'est un accompagnement qui est très large. Et souvent, quand on connaît l'autonomie, c'est par ce biais-là. Et on pense que l'autonomie, c'est uniquement l'accompagnement pré-post-natale. Or, non. c'est aussi d'autres applications. Et donc, moi, celle que j'ai beaucoup développée, même si je fais un petit peu d'accompagnement pré- et post-natal, c'est l'aptocinésie. dans les soins, ce dont j'ai parlé précédemment. Il y a aussi tout un versant qui est l'aptopsychothérapie, qui concerne essentiellement les psychologues, les psychiatres, les médecins qui font des thérapies. C'est des psychothérapies à travers une approche aptonomique. Donc, il peut y avoir potentiellement, et il y a un rythme qui est lié au patient, il y a contact tactile, ce qui n'est pas le propre d'une psychothérapie en temps normal. Voilà. Je ne vais pas... trop développé ce versant-là parce que ce n'est pas ma pratique, mais je vais peut-être plus parler de ma pratique qui concerne l'aptocinésie. Alors, l'aptonomie, là actuellement, à mon sens en tout cas, elle a encore plus sa place parce que, alors je ne sais pas au Sénégal, mais je pense qu'on est dans les mêmes problématiques, en tout cas en France, le système de santé, que ce soit pour les patients ou pour les soignants, il est en souffrance et à mon sens. L'autonomie est une vraie réponse à cette souffrance. Et je vais expliquer un petit peu pourquoi. L'autonomie, elle va vraiment s'intéresser à tous les niveaux du soin. C'est-à-dire, dans le soin, il y a déjà, qu'est-ce que c'est qu'un accueil ? On accueille des gens qui sont vulnérables. On accueille des gens qui sont en souffrance et qui ne sont pas dans leur état normal. Et on doit en tenir compte. dans l'accueil, que ce soit au téléphone quand c'est le cas, mais dans l'accueil aussi physique quand on les reçoit, la façon dont on va les accueillir, aller les chercher dans la salle d'attente, les accueillir dans notre bureau, la façon dont ils vont s'installer, la façon dont on va prendre contact au départ, a déjà une incidence. On ne peut pas dire que ça n'a pas d'incidence. Ça a déjà un lien. Et l'autonomie, ce n'est pas juste de la gentillesse, ce n'est pas juste de la bienveillance. Il y a le développement d'une certaine qualité de présence qui va faire que cette personne-là, assez rapidement, ou immédiatement, elle va se sentir « chez elle » , c'est-à-dire qu'elle va développer une certaine sérénité, une certaine tranquillité. Et ce n'est pas le fruit du hasard, c'est le fruit d'un développement de cette qualité de présence que l'on développe au fur et à mesure des années quand on pratique cette approche. Ce n'est pas ésotérique du tout, c'est quelque chose de très… Il y a des facultés rationnelles qui se développent et qui après peuvent être des facultés un peu plus affectives. Mais au départ, il y a des facultés rationnelles que l'on peut développer et qui nous permettent… d'être dans une autre relation à l'autre, y compris sans contact. Donc il y a cet accueil, mais après, quelque chose qui parfois, malheureusement, actuellement, est un peu négligé, c'est tout l'examen clinique. Moi, ça m'interroge, je ne vais pas dire plus, mais ça m'interroge énormément quand je vois qu'il y a tout un courant de la kinésithérapie où les praticiens ne touchent plus les patients. Alors là, moi, ça m'interroge, ça me sidère. Comment on peut faire un examen clinique sans toucher ? Il y a tout un pan de l'examen clinique qu'on n'a plus. Je ne dis pas que ce sont des mauvais professionnels, mais pour moi, c'est un autre métier. Comment on peut se passer de toute cette richesse de l'examen clinique qu'il y a dans le tonus musculaire, qu'il y a dans la palpation, etc. Donc, ça m'interroge énormément de voir qu'il y en a qui ne veulent plus, qui ne peuvent plus, ou je ne sais pas pour quelle raison, ne souhaitent plus contacter physiquement leur patient. Et pour autant, moi, je milite vraiment pour que l'examen clinique redevienne beaucoup plus systématique, que ce soit chez les kinés, chez les médecins généralistes, chez les ostéopathes. Alors, je ne pense pas qu'il y ait des gens qui ne touchent pas leurs patients, mais peut-être, je ne sais pas, vous allez me l'apprendre.
- Speaker #0
Non, pas que je sache.
- Speaker #1
En tout cas, l'examen clinique, je pense, doit retrouver une place un peu plus centrale. Parce que, en tout cas, chez les médecins généralistes, parfois... Il y a aussi un courant où on passe très rapidement à l'examen complémentaire, sans examiner cliniquement comme pouvaient le faire des médecins plus anciens, on va dire, dans leur façon de faire. Si on veut utiliser les termes anglais, vous savez, c'est un peu à la mode, mais on parle de cure ou de care. Moi, je trouve que les deux sont nécessaires. C'est-à-dire qu'il n'y en a pas un qui devrait dominer l'autre. Les deux sont nécessaires. Et les deux sont le fruit d'un apprentissage. Le care, ce n'est pas juste de la bienveillance, juste de la gentillesse. Non, non. Ça, c'est une vision très romantique. Mais savoir rassurer quelqu'un, savoir le sécuriser, savoir l'écouter, etc., c'est un apprentissage. J'avais bien aimé à ce sujet une interview d'une chirurgienne maxillofaciale qui avait été interviewée par une journaliste de France Inter, Léa Salamé, qu'on a citée, qui avait fait une émission. C'était Femmes Puissantes. Et cette chirurgienne, elle était interviewée parce que c'est elle qui avait opéré, je ne sais plus le nom de cette personne. qui a été dans les attentats de Charlie Hebdo, de ce journaliste, et qui a eu X opérations après ce qu'ils en étaient sortis, mais non sans dommage. Et donc, elle a été interviewée à ce titre-là. Et là où je veux en venir, c'est que... À un moment donné, la journaliste, donc Léa Salamé, lui demande, mais la gentillesse, ça s'apprend dans les universités, etc. Et la chirurgienne, elle lui avait dit, non mais ce n'est pas comme ça que ça s'apprend, la façon de faire une annonce au patient, de faire une annonce. C'est quelque chose qui se transmet entre pairs, avec l'interne, etc., qui va venir, qui va sentir la façon dont on va s'asseoir, mais ce n'est pas un protocole qu'on applique, ce n'est pas je mets la main sur l'épaule et je fais ci et je fais ça. C'est quelque chose qui s'apprend, qui se sent avec l'expérience. Je ne sais pas si je suis clair dans ce que je veux dire.
- Speaker #0
Si, finalement, dans la société où on est, où on objective énormément, où tout est normé, où finalement, au niveau du médical et du paramédical, l'appréhension du patient évolue. Donc, cette leptocinésie, c'est une façon de réapprendre aux thérapeutes et aux accompagnants à se connecter à l'autre, à soi et plus largement au monde, quelque part.
- Speaker #1
Oui, il y a vraiment un apprentissage. Dans le soin en aptonomie, d'ailleurs au départ dans tout soin en aptonomie, que ce soit en aptocinésie ou en aptopsychothérapie, il y a ce qu'on appelle trois séances de découverte. C'est une façon de rentrer en contact avec la personne, de lui expliquer un petit peu de manière expérientielle ce que ça va être, de lui faire découvrir ses facultés, de lui faire découvrir qu'est-ce que c'est qu'être ensemble dans un contact, ce qu'on peut rapprocher parfois quand deux danseurs sont vraiment ensemble, on ne sait plus vraiment qui guide. Il y a une forme de communion où chacun a toute sa place, mais il y a aussi quelque chose du nous, de l'ensemble. Et dans ces séances de découverte, c'est faire comprendre qu'est-ce que c'est qu'être ensemble dans un contact et qu'est-ce que ça induit en termes de sécurité. Très rapidement, on fait percevoir à la personne qu'elle est moins vulnérable, simplement parce qu'elle a mis en œuvre une faculté pour être avec le soignant. Et ce n'est pas magique, c'est quelque chose qui est reproductible, donc scientifique.
- Speaker #0
Donc, quelque part, c'est accompagner le patient pour qu'il soit acteur dans son soin et quelque part dans sa guérison.
- Speaker #1
Exactement. L'autonomie fait vraiment un appel à ce que le patient soit très présent et réponde vraiment de manière, comment on pourrait dire, avec toute son intentionnalité vitale. On va chercher cette intentionnalité vitale chez le patient. On va chercher que ce soit dans des gestes de soins, de palpation, etc. On va tout le temps chercher la réponse du patient. On va chercher la manière dont il se manifeste. Et en fonction de la manière dont il se manifeste, on va s'ajuster. C'est-à-dire que c'est vraiment un examen et un soin sur mesure. On pourrait dire que beaucoup de soignants ont cette volonté, au départ, de faire un soin sur mesure. Ce n'est pas propre à l'autonomie, on est d'accord. Mais l'autonomie amène ce savoir-faire pour être vraiment, subtilement, dans cette alliance, on pourrait dire, thérapeutique, dans cette alliance avec le patient. Et on l'aide à comprendre consciemment comment il peut faire. Et pour après, éventuellement, transposer ça dans sa vie en général, hors de la situation thérapeutique, pour que de manière générale, il soit moins dépendant du soignant ou des soignants. Donc il y a vraiment cette autonomisation du patient.
- Speaker #0
Ok, donc autonomisation du patient, mais aussi globalité, vu que ça se passe depuis la salle d'attente. On n'est pas juste sur du physique en équiné ou ostéopathe, il y a vraiment eu... patient dans toute sa dimension qui est pris en compte.
- Speaker #1
Oui, tout à fait. Globalité, d'ailleurs, au sens où Franz Wellmann, pour lui, à travers cette approche autonomique qu'il a développée, ce n'était pas possible de séparer corps, esprit et affectif. Et l'affectif, c'est vraiment le lien qu'il y a entre le corps et l'esprit, l'organisateur qu'il y a entre le corps et l'esprit. C'est une illusion de croire qu'il y a des perceptions qui sont objectives. elles sont forcément subjectives et teintées de tout ce que l'on est. À partir de là, c'est de dire, oui, on a des perceptions qui sont de toute façon subjectives, comment on va faire pour que la personne se sente le plus en sécurité possible, pour que je puisse du coup me rapprocher au plus près du réel de sa pathologie et pas le laisser dans une réalité psychique qui rajoute du handicap à la pathologie initiale.
- Speaker #0
On parlait de sécurité, et vous parlez beaucoup depuis le début de notre entretien, de sécurité intérieure, sécurité affective. En quoi, du coup, cette sécurité est-elle essentielle ? Comment elle se met en place ? Et à quoi est-ce que ça mène exactement ?
- Speaker #1
C'est essentiel, je dirais, dans la vie d'un individu. C'est essentiel dans sa vie en général. Quand on n'est pas en sécurité, on ne fait pas les bons choix. Quand on n'est pas en sécurité, on est en souffrance. L'autonomie, dès la vie prénatale... En venant contacter cet être humain en construction in utero, on lui permet de faire l'expérience d'être reconnu comme bon par essence. C'est-à-dire qu'à travers un contact... non pas objectivant, non pas palpant, qui vient chercher à comprendre de manière objective, mais par un contact doux, tendre, comme un câlin, d'une main que l'on essaye vraiment la plus globale possible, la plus englobante possible. On vient permettre à cet enfant de faire l'expérience de « je suis aimé pour ce que je suis, par essence, pas pour ce que je fais » . Et ça n'a rien à voir. Ça ne veut pas dire que... La reconnaissance de ce que l'on fait n'est pas importante plus tard, etc. Mais déjà, quand on fait cette expérience-là très tôt, ça donne vraiment une sécurité. Et ça, on le constate, les enfants qui, bien souvent, ont fait de l'autonomie se manifestent dans une certaine tranquillité pour pouvoir s'affirmer comme ils sont, pouvoir dire, exprimer leurs désirs vitaux. C'est ça qui est essentiel. Quand on est insécure, on n'ose pas exprimer. ce que l'on aime. On n'ose pas exprimer ce que l'on est. Et donc, du coup, les autres le font pour nous. Donc, c'est un sacré trésor.
- Speaker #0
Ça permet de prendre sa place. Oui,
- Speaker #1
c'est ça. Mais on ne décrète pas d'être en sécurité. On ne décrète pas de prendre sa place. Ça n'a rien à voir avec la volonté. On le sent au fond de nous ou on ne le sent pas. Et c'est tout un chemin de vie parce que ce n'est pas quelque chose qui se décrète à tout jamais. C'est en fonction des accidents de la vie, en fonction, etc. On peut être malmené, etc. Mais plutôt, on reçoit et on fait ce type d'expérience. Plutôt, on va pouvoir se relever facilement en cas d'épreuve. Plutôt, on va pouvoir construire progressivement cette sécurité tout au long de sa vie, malgré et avec les épreuves, parce que tout le monde vit des épreuves et des défis.
- Speaker #0
Du coup, avec les trois séances d'accompagnement à l'abtonomie ou à l'abtocinésie, pour commencer, on peut, dès ce moment, retravailler à mettre de la sécurité à l'intérieur du patient, enfin, sur eux. Cette dynamique patient-thérapeute et cette danse à deux ramenait de la sécurité, s'il y en a besoin, bien sûr, chez le patient ?
- Speaker #1
Alors, les trois séances de découverte, c'est vraiment le démarrage. C'est vraiment un côté pédagogique. Donc, elles peuvent amener et elles amènent un changement dans le tonus de représentation de la personne, c'est-à-dire dans son tonus à la fois musculaire, mais dans tout son tonus, dans son psychotonus aussi. Donc, forcément, elles ramènent des éléments de sécurité. L'objectif n'est pas déjà de construire quelque chose sur la durée. Au départ, les séances de découverte, elles sont vraiment de faire comprendre aux patients vers quelle direction on pourra aller, qu'on ait son adhésion, parce qu'après, il y en a qui, peut-être parfois, enfin, c'est pas peut-être, il y en a qui n'adhèrent pas forcément, donc c'est leur libre choix. Donc ça leur permet de comprendre vers quelle direction on va aller et de pouvoir progressivement, mais au départ, c'est pas instable. C'est pas stable, pardon, c'est instable. Donc, ce n'est pas des facultés qui s'acquièrent comme ça d'un coup de baguette magique. Mais, bien évidemment, on va dans ce sens-là, dès le début. On va dans le sens-là. Il y a l'apprentissage pour tous les soignants qui pratiquent l'autonomie. Il y a l'apprentissage d'un contact spécifique, qui n'est pas magique, qui s'apprend. Un contact spécifique. Tout à l'heure, vous parliez de globalité, qui intègre la personne dans sa globalité. On va dire... plastique, physique, on va dire, mais qui intègre la personne dans sa globalité, aussi dans sa manière de se présenter. C'est-à-dire de pouvoir intégrer et ajuster sa façon de la contacter en fonction de son état de vulnérabilité, de son état de tranquillité, etc. Et de pouvoir, quand c'est possible, être le plus juste possible pour cette personne-là. Et chaque contact sera un peu différent en fonction de chaque personne et en fonction de chaque jour avec cette même personne. mais aussi en fonction de nous, parce qu'on est aussi des humains, avec nos états de forme plus ou moins importants, etc. Donc c'est une rencontre qui va dans les deux sens, c'est-à-dire une des choses, je trouve, qui est la plus dure, mais qui est la plus libératrice pour le praticien en autonomie, c'est de développer au fur et à mesure de son développement dans l'autonomie, de développer une capacité à pouvoir se présenter dans une forme d'authenticité. Et ça, c'est très difficile, parce qu'on nous a tout le temps appris à mettre une blouse, à mettre un costume, à se représenter comme le kiné, comme l'ostéopathe, comme le médecin, etc. Et de pouvoir dire, non, déjà, je me présente comme Vincent. Alors, bien sûr, les compétences, parce que vous venez chez moi pour ces compétences-là aussi. Mais de pouvoir se présenter et de pouvoir faire au mieux de ce que l'on est ce jour-là, quelque part, ça enlève un poids pour le soignant. Il ne s'agit à aucun moment, il ne s'agit plus de vouloir être le meilleur.
- Speaker #0
Ça fait complètement sens ce que vous êtes en train de dire, parce que je suis passée par là, et du coup par une perte de sens. Et quand je lisais vos écrits, souvent les thérapeutes qui arrivent à l'autonomie, ils peuvent passer par une perte de sens, parce que justement, le fait d'être bloquée derrière cette blouse, et en perdant, et en n'arrivant plus à revenir à qui on est, et à être dans notre authenticité, ça fait vraiment écho à ce que vous êtes en train de dire. C'est quelque part cette déconstruction pour revenir à qui on est, et se présenter non plus comme Alexane, bancale.
- Speaker #1
ostéopathe mais avant tout alexane bancal dans mon entièreté merci je dirais que ça pour moi c'est quelque chose qui est assez révolutionnaire parce que ça permet vraiment d'alléger le poids de son travail quand on arrive à se présenter comme ça et ben on fait du mieux qu'on peut on fait du mieux qu'on peut en se formant régulièrement fait du mieux qu'on peut en étant suffisamment disponible pour la personne quand on y vient on fait du mieux pour qu'on peut dans tous les domaines, mais après, on est avec nos limites. Et ça veut dire parfois peut-être aussi dire ça, je ne sais pas faire. Et puis, moi, je trouve ça très rassurant pour un patient que la personne en face qui prend soin d'elle soit dans cette authenticité et dans cette tranquillité-là, et de pouvoir traverser avec elle tout ce qu'il peut faire, jusqu'à l'endroit où il peut l'accompagner, mais pas plus. Et ça, ça évolue aussi, parce qu'en fonction... de notre, on va dire, expérience, bien sûr qu'il y a des choses que je fais aujourd'hui que je ne faisais pas il y a 30 ans. Donc forcément, mais aussi, quelqu'un qui sort des études, il a aussi un punch, il a aussi une vitalité, il a aussi des choses que peut-être j'ai plus. Chacun est comme il est dans ses compétences du moment. Et je trouve que l'autonomie, c'est vraiment, vous parliez de sens tout à l'heure, ça permet, et là actuellement, dans l'ambiance actuelle des soins en France, où je pense qu'il y a une grosse perte de sens pour beaucoup de soignants. Quand vous voyez que, alors les chiffres exacts, je ne les ai pas, mais c'est autour de 15 à 20% des lits à l'hôpital qui sont fermés, non pas parce que, je ne sais pas pour quelle raison, en tout cas, si la raison, c'est qu'il manque de soignants. Des arrêts maladie, des gens qui ne finissent même pas leurs études, des infirmières, des aides-soignantes, des médecins, parce qu'ils étaient venus chercher quelque chose et ils n'ont pas forcément ça. Quand nous, on va faire de la formation dans les institutions, dans les hôpitaux, souvent, on a ce retour après les formations, de retrouver quelque chose qu'ils étaient venus chercher au départ, et en particulier les aides-soignantes. Elles étaient venues chercher vraiment de prendre soin des gens et pris dans le rouleau compresseur, soit je n'ai pas beaucoup de temps, soit je dois appliquer des protocoles rapidement, etc. Elles ne prennent plus soin des patients. Et donc, c'est une vraie souffrance pour elles. Et l'autonomie remet de l'humain, sans que ça prenne plus de temps. Donc ça remet du sens.
- Speaker #0
Mais c'est vrai, en tout cas, pour parler de l'ostéopathie, on nous apprend énormément de savoir-faire technique, théorique, mais on ne nous apprend pas forcément, en tout cas sur les cycles d'études de base, à développer ces qualités d'être, et qui sont toutes aussi importantes. Et c'est pour ça que, quel que soit son savoir-faire technique, même si on est très proche des protocoles scientifiques ou autres, c'est vraiment important de se dire qu'on peut avoir l'un. Et l'autre, ce n'est pas l'un ou l'autre, c'est vraiment l'un et l'autre. Il y a comme toutes les qualités d'être, s'il n'y a pas de dimension ésotérique, mystique ou autre, c'est par le travail qu'on apprend à les développer. Donc, on a parlé tout à l'heure de la présence, de l'écoute. Est-ce que vous pouvez revenir sur ces qualités d'être ? Quelles sont-elles selon vous ?
- Speaker #1
Oui, c'est important votre question, parce que pour moi, pas seulement pour moi, pour tous les gens qui sont en autonomie, il y a un apprentissage de cette qualité d'être. Il y a vraiment un apprentissage. ça tombe pas du ciel. Et ce que vous dénoncez là, sur le fait que dans les études d'ostéo ou de kiné, on accentue énormément sur la technique, sur la technique, et du coup, quoi l'appliquer, etc. Et on met très peu l'accent sur le développement de comment je peux être rassurant, comment je peux être facilitant dans mon soin, etc. Parce que ça sous-entend ça, il suffit d'un peu de bienveillance et de gentillesse et on va y arriver. Bah non, non. C'est faux, ça. C'est faux. Nous, en autonomie, par exemple, on va insister sur la qualité de présence. J'en ai parlé. On va insister aussi beaucoup sur la notion d'invitation dans le geste de soin. Et cette notion d'invitation, c'est quelque chose qui s'apprend. C'est-à-dire, c'est pas je saisis, c'est pas je laisse faire l'autre. C'est, comme dans la danse, j'invite la personne et tant qu'elle se met pas en mouvement avec moi, que ce soit un bébé, un nourrisson, ou un vieillard, ou une personne en fin de vie, etc., je ne peux pas continuer. Et quand elle se met en mouvement avec moi pour partager le geste, à ce moment-là, je dois m'ajuster aussi à sa façon propre et singulière de répondre. Autrement, on n'est plus ensemble. Et à partir du moment où on arrive à créer cette synergie dans le geste, et ça c'est quelque chose qui s'apprend, à partir de ce moment-là, c'est tout notre tonus qui n'est plus le même. Donc du coup, ça veut dire que ça change le diagnostic, ça veut dire que ça change le soin, ça veut dire qu'on n'est plus dans la même état d'insécurité chez le patient, etc. Donc c'est quand même essentiel. Et pour le soignant, si on se place du point de vue du soignant, qui arrivait pour faire une toilette pour une aide-soignante, qui arrivait pour un ostéopathe pour débloquer une sacro-lignac, qui arrivait pour un médecin pour aller palper un abdomen tendu, et puis, même s'il ne le voulait pas, parce qu'il n'avait pas cet apprentissage de qu'est-ce que c'est que faire un geste ensemble, il provoque encore plus de douleur. Là, on n'est pas content. Parce qu'on n'est pas venu là pour faire mal, même si parfois la douleur est inévitable dans un soin. Mais quand on provoque par non-connaissance de ce que c'est que faire un geste partagé, on provoque une douleur dans une toilette, une personne qui est en fin de vie, et que la personne, quand vous sortez de la chambre pour un soignant, vous avez la boule au ventre, parce que vous n'êtes pas content, vous n'avez pas fait un soin que vous auriez aimé faire. Et quand ça se répète, c'est dur. Pour un ostéopathe, pour un médecin, pour un kiné, c'est pareil. quand la science s'est mal passée, on n'est pas content, on n'est pas satisfait. Quand au contraire, on arrive avec ce savoir être et ce savoir invitant, ce savoir d'écoute de la réponse de l'autre, quand on arrive à pouvoir changer cette façon de faire le soin ensemble avec la personne, ça amène vraiment du sens et ça amène vraiment du plaisir. Et là, on arrive à cette notion de plaisir. C'est essentiel de prendre du plaisir. Comment on veut tenir 40 ans ou 50 ans dans sa carrière professionnelle s'il n'y a pas de notion de plaisir ? oui, il faut oser le dire c'est important, autrement on va à l'usine ça donne cette impression là moi quand j'ai été kiné au tout début j'ai fait un remplacement, j'ai eu le sentiment je me suis dit, oulala, va falloir que je cherche des choses parce que j'ai l'impression d'aller à l'usine et moi c'était pas possible, j'allais changer de métier si j'avais pas trouvé des choses qui me nourrissaient autrement voilà, il faut que chaque patient ça soit une nouvelle rencontre je dis pas que des fois je suis pas fatigué en fin de journée, mais beaucoup moins que si je connaissais pas l'autonomie beaucoup beaucoup moins
- Speaker #0
Il y a quelque chose que, en préparant cette conversation que j'ai lue, vous aviez écrit, vous disiez qu'on est de plus en plus hors sol. J'ai beaucoup aimé ce terme et ça m'a marquée. Effectivement, dans le contexte de nos sociétés, on est à la fois hyper connectés, paradoxalement déconnectés, on court après le temps, notre attention est fragmentée, j'en parle dans des épisodes précédents. Selon vous, comment on peut garder cette verticalité, cet enracinement qui nous permet finalement... d'arriver à un état de présence en tant que thérapeute dans nos consultations.
- Speaker #1
Alors vous parlez pour le patient ou pour le soignant ?
- Speaker #0
Pour le soignant, puis pour le patient aussi. Oui,
- Speaker #1
de toute façon, c'est la même chose. Je vais commencer par évoquer pour le soignant. C'est-à-dire qu'en fait, il n'y a surtout pas de choses à faire sur nous. C'est-à-dire que par rapport à d'autres approches ou d'autres techniques, l'autonomie, c'est immédiatement dans la rencontre avec l'autre. Ce n'est pas je me centre sur moi, je m'observe et je fais quelque chose sur moi pour pouvoir être disponible pour l'autre. Non, ce n'est pas comme ça que ça marche. C'est que je vais à la rencontre de l'autre, je l'invite à venir à ma rencontre et c'est dans cette rencontre-là que progressivement, je vais apprendre à nourrir un certain tonus, une certaine présence qui va, ce qu'on appelle, ouvrir sa base. La base en autonomie, c'est toute la région entre le... diaphragme pelvien et le diaphragme thoracique, c'est ouvrir la base de telle sorte que je ne sois pas dans quelque chose de rétréci dans ma perception. Je sois dans quelque chose d'ouvert sur l'extérieur, en contact avec l'autre. Et donc dans cette disponibilité à l'autre, dans cette disponibilité à la fois de gestes partagés, mais dans cette disponibilité tout court. Et c'est vraiment un appel pour que le patient puisse venir assez rapidement aussi dans ce même état. Vous parliez de verticalité, c'est vrai que c'est quelque chose qui est essentiel. Vous avez peut-être d'ailleurs vu des photos avec des enfants où on va chercher cette verticalité assez tôt. Ce que l'on montre dans l'autonomie pré- et post-natale, dans l'accompagnement pré- et post-natal en particulier, mais c'est valable tout au long de la petite enfance, c'est que très rapidement, si l'enfant est soutenu convenablement dans sa base, c'est-à-dire accueilli dans le fond de son être, assez rapidement il va pouvoir se poser et si on a une main suffisamment accueillante disponible, sécurisante, et qu'en même temps on fait un appel à ce qu'il se redresse, il va pouvoir, s'il en est là, uniquement s'il en est là, parce que c'est l'enfant qui au final le décide.
- Speaker #0
L'adulte qui le soutient, il met tout en œuvre pour potentialiser ça, pour permettre ça. Mais c'est l'enfant, s'il est disponible et s'il a envie, qui va le faire. Il n'a pas de raison de ne pas avoir envie, si c'est adapté à son âge. On ne va pas lui demander de se mettre debout à deux jours de vie, bien évidemment. Mais si c'est adapté à son âge psychomoteur, c'est souvent qu'il va avoir envie, parce que ça va dans le sens de ses désirs vitaux, adaptés à son âge. Mais il y a quand même des singularités qui sont... propres à chaque enfant. Il y a des enfants qui, beaucoup plus tôt, sont intéressés par tout ce qui est autour de la motricité, d'autres beaucoup plus autour de ce qui est auditif, etc. Ils ne vont pas être mis en mouvement par les mêmes choses. On se meut, on se met en mouvement toujours par rapport à ce qui nous émeut. Je reviens par rapport à ça, il n'y a pas de perception neutre. On ne se met pas en mouvement par hasard, on se met en mouvement vers quelque chose. Donc si, dans sa typologie, on est très auditif, si... une musique qui nous plaît, ça va nous mettre tout de suite en mouvement. Alors ça peut être très subtilement, ou en bougeant plus, mais on va se mettre en mouvement. Si dans sa typologie on est beaucoup plus visuel, ça sera peut-être un livre ou quelque chose d'autre. On se met en mouvement vers. Alors l'autonomie, elle vient soutenir cette potentialité, et en particulier d'amener tout de suite dans la verticalité quand l'enfant le peut et le veut. Et pourquoi c'est essentiel ? Parce que... c'est soutenir l'autonomie de l'enfant. On a parlé beaucoup d'attachement, c'est-à-dire sécuriser, etc. Mais l'attachement n'a de sens que s'il est associé à un autre mot qui est le détachement. Autrement, s'il n'y a que des notions d'attachement, on en vient rapidement à de la vénation, ça devient enfermant. Et l'autonomie a ce souci par des actes. pas simplement par un discours, par des actes, rapidement, et le fait de soutenir un enfant dès les premiers jours de vie, sous sa base, de l'accueillir inconditionnellement, et de lui permettre de sentir dans un défi propre qu'il est capable de faire, qu'il peut commencer à se tenir un petit peu, donc c'est lui permettre de vivre une autonomie relative à ce qu'il peut faire, c'est déjà l'amener sur le terrain du détachement, c'est que tu peux vivre quelque chose dans ta singularité, toi. et pas simplement tout le temps dépendant à
- Speaker #1
100% de moi, adulte qui me porte.
- Speaker #0
Et ça, c'est peut-être la difficulté pour nous autres êtres humains par rapport aux autres mammifères. Le jour de notre naissance, on est beaucoup plus immature qu'un petit poulain ou un petit veau. On ne peut pas se redresser tout de suite sur nos pattes et aller au sein de notre maman ou aller prendre le biberon quand c'est le biberon. On ne peut pas, on est très dépendant. Mais pour autant, on a une certaine autonomie. Et souvent, cette autonomie-là, elle n'est pas du tout appelée. On considère qu'on ne peut rien, donc on nous pose, on nous prend comme un objet. Et l'autonomie, elle a vraiment cette préoccupation de tout de suite aller chercher l'enfant dans ses potentialités pour lui permettre de vivre cette autonomie le plus tôt possible.
- Speaker #2
Oui, et quelque part, du coup, ça nous ramène vers cette mise en mouvement aussi, vers sa liberté intérieure.
- Speaker #0
Exactement, ça va dans le même sens. la liberté elles sont quand même souvent réunies. En tout cas, cette expérience de la verticalité de l'enfant très tôt, elle est souvent très émouvante, parce qu'on retrouve dans le regard de l'enfant quelque chose de l'étonnement,
- Speaker #1
au sens premier,
- Speaker #0
un vrai étonnement et d'un émerveillement. Et ça, ça met souvent les larmes aux yeux à la maman ou au papa qui sont en face, parce que c'est un regard qu'ils ont peu ou pas vu encore. On va chercher cette notion de défi. Chez l'être humain en général, parce que c'est valable pour le nourrisson à la naissance, mais c'est valable aussi pour la personne qui a mal au dos depuis des années,
- Speaker #1
et puis tout d'un coup,
- Speaker #0
on l'emmène sur un terrain où il ou elle découvre qu'il peut plus. Et ce n'est pas la volonté, c'est progressivement dans l'expérience vécue ensemble que je peux plus. Parce que le tragique de la douleur chronique, de la douleur, vous le savez aussi bien que moi, c'est qu'à bout d'un moment C'est le cercle vicieux. La peur entretient la douleur et la douleur entretient la peur. Et donc, quand on arrive à sortir un peu de ce cercle vicieux pour ramener dans du possible un peu plus, ça amène aussi des merveillements et de l'étonnement, parfois. Alors, pas comme l'enfant qui met, c'est aussi quelque chose qui peut être très émouvant.
- Speaker #2
Donc, ça passe par, en consultation, le vécu dans le corps et dans le mouvement qui ramène ou qui va faire recréer des connexions et de l'ouverture, quelque part.
- Speaker #0
Oui, alors c'est une question qui me fait penser à quelque chose d'important. L'autonomie se comprend de manière phénoménologique. Là, quelqu'un qui ne connaît pas du tout l'autonomie, il va nous entendre, la discuter, il va comprendre partiellement, il y a des éléments qui vont peut-être lui parler, etc. Mais pour vraiment comprendre l'autonomie, il faut le ressentir, au moins dans ces trois séances de découverte dont on parlait. Parce que c'est phénoménologique, c'est-à-dire que ça se comprend par le phénomène, en premier lieu. Et après, on peut conceptualiser, on peut élaborer autour de ces phénomènes-là. Mais c'est en premier lieu l'expérience physique qui donne compréhension. L'expérience pas physique, l'expérience tout court.
- Speaker #2
Est-ce que le souffle a une place dans ces séances, ou peut-être dans la création de l'Alliance Patient-Thérapeute ?
- Speaker #0
Alors, oui, mais attention. C'est-à-dire que, en fait, Franz Wellman, le fondateur de l'autonomie, qui était un médecin néerlandais, pour la petite histoire, je peux peut-être dire qu'il est né en 1921. et qu'il est mort en 2010. Il a fait l'expérience d'être dans les wagons qui allaient dans les camps de concentration. Et il a vu beaucoup de gens asphyxiés dans ces wagons. Asphyxiés parce qu'ils étaient serrés, mais asphyxiés aussi parce qu'il y avait une peur atroce, inhumaine. Et il était déjà dans ces interrogations parce qu'il avait commencé des études de médecine. Et il a beaucoup cherché ce qui se passait autour de la respiration et du... Il a essayé de faire des études pneumographiques, etc., au départ, et il s'est rendu compte que ce qui était compliqué dans l'étude du souffle, parce que pourquoi il a essayé de chercher ? Parce qu'il s'est rendu compte que les gens manifestaient leur mal-être à travers leur respiration. Et quand il a essayé de faire, avec des capteurs, etc., des analyses, il s'est assez rapidement heurté à la difficulté de la personne à partir du moment où elle s'observe, à partir du moment où elle met de l'attention. sur son propre souffle ou sur sa propre respiration, ça coupe quelque chose. Donc, quand vous dites que le souffle est important, oui, il est extrêmement important. Il fait partie d'un panel d'éléments dont on va tenir compte dans la façon de contacter une personne, dans la façon dont elle nous répond dans son souffle, ça va être extrêmement important. Pour autant, il ne faut pas qu'on mette l'attention centralement sur le souffle, ni sur le nôtre, ni sur celui du patient. Ça doit être marginal. Il ne faut surtout pas que la personne s'observe dans son souffle, dans sa respiration. Autrement, ça casse quelque chose.
- Speaker #2
Pour finir, j'ai deux questions à vous poser. Pouvez-vous me dire ce que vous pensez du silence, de l'émerveillement et de la joie ?
- Speaker #0
Le silence, comme vous pouvez l'entendre, c'est quelque chose qui ne me fait plus peur. Je ne le cherche pas à tout prix, mais je l'accueille quand il est là. Je parle de ma vie en général, mais en particulier dans le soin. En tout cas, ce que l'on essaye de développer en autonomie, pour aller dans le même sens de l'authenticité, c'est des paroles parlantes. C'est des paroles qui viennent du fond du cœur, ou en tout cas qui ont du sens. Ce n'est pas juste pour combler, ce n'est pas juste du bruit. C'est des paroles à l'inverse de ce qu'on appelle en autonomie les paroles parlées, qui sont beaucoup plus uniquement rationnelles. purement rationnels et qui peuvent être parfois de l'agitation, qui comblent un malaise, qui comblent une insécurité ou d'autres choses. Alors, on ne va pas rechercher à tout prix à ce que les personnes se taisent. On va essayer de faire comprendre à la personne que les mots ne sont pas obligés, que le silence peut être quelque chose. Et d'ailleurs, on voit qu'il y a plein de silences où il n'y a pas beaucoup de paroles. Il y a toutes des habitudes chez les soignants de prévenir à l'avance. Attention, je vais faire ça. Un, deux, trois, on y va, etc. Et en fait, ça, en autonomie, on montre que c'est une entrave à la synergie. C'est une entrave à pouvoir être ensemble. Parce que quand on dit ça, on ramène l'autre dans son mental. C'est comme si je disais, on va danser ensemble, Alexandre, et que je vous disais, attention, un, deux, trois, je bouge le pied gauche. Un, deux, trois, je bouge le pied droit. Comment vous pouvez danser avec moi si je vous préviens comme ça, rationnellement ? Il faut que je puisse suffisamment être sensible dans mon invitation et l'écoute de votre réponse pour pouvoir danser avec vous. Il n'y a pas besoin de vous prévenir à l'avant. Dire qu'on n'est pas sensible au consentement, parce que dans la manière d'inviter, de toute façon, on ne peut y aller que si l'autre vient. Donc c'est ça le véritable consentement. Ça ne veut pas dire qu'on ne peut pas prévenir un petit peu de manière générale. Si on sent que c'est nécessaire pour une personne qui est très vulnérable, etc. Il peut y avoir une adaptation à chacun aussi. Mais globalement, il faut être très prudent sur quand on annonce des choses, surtout si c'est trop précis. On va bouger le coude,
- Speaker #1
etc.
- Speaker #0
Ça va mettre vraiment des entraves. à un geste qui sera partagé. Alors,
- Speaker #1
vous me posez maintenant la question de l'émerveillement et de la joie.
- Speaker #0
Franz Wellmann,
- Speaker #1
le fondateur de l'autonomie, parlait de l'ouste, parlait de cette notion qui n'est pas traduisible dans la langue française, mais qui, dans l'anglo-saxonne, c'est vraiment la joie, mais au sens de l'allégresse, d'un plaisir. qui inclut peut-être l'émerveillement, l'étonnement, différentes choses. Et moi, dans le soin, la notion de boost, elle est essentielle. C'est-à-dire que si on se questionne de manière ontologique sur le développement de l'être humain, on ne peut pas en rester à un niveau d'un déploiement rationnel, utile, fonctionnel. On ne peut pas en rester là.
- Speaker #0
Autrement,
- Speaker #1
on est à un niveau de survie, on pourrait dire. La vie, elle se déploie dans... ce qui nous met en mouvement, c'est-à-dire dans tous nos élans,
- Speaker #0
dans tous nos désirs vitaux,
- Speaker #1
dans le plaisir de rencontre, dans le plaisir d'aller à la rencontre de l'autre, dans l'amour, dans l'amitié. On n'est pas des êtres solitaires. Ça, Franz Wellmann l'a montré tout au long de sa vie, dans le développement de l'autonomie, y compris dès la vie prénatale, on a besoin de l'autre pour se développer. On a besoin de l'autre. même récemment, et après il n'y a pas que Franz Zellman qui a montré ça, récemment je viens de lire un livre d'une psychanalyste qui s'appelle Régine Pratt, Tacte et pulsion qui va dans ce sens-là de la nécessité d'un contact primitif avec l'autre pour la construction de l'être humain alors si on se réfère même de manière beaucoup plus lointaine à travers l'expérience connue de Frédéric II roi de Prusse qui voulait connaître quels étaient les Merci. quelle était la langue première, lui qui parlait une dizaine de langues, il voulait savoir quelle était la langue première. Alors il a fait l'expérience de mettre six nourrissons dans une pouponnière, et il a donné pour consigne qu'ils soient nourris, qu'ils soient au chaud, etc. Mais qu'il n'y ait aucun contact affectif avec eux. Bon, ils sont tous morts, ben oui, c'est dramatique d'en arriver là pour comprendre et pour être persuadé que le contact affectif est indispensable à l'être humain. Le contact affectif est indispensable à la construction d'un être humain. Donc, le plaisir de vivre, le déploiement de notre vie va à travers le plaisir de vivre. Ce qui nous donne l'énergie et l'envie de se lever le matin, c'est le plaisir. Et c'est la répétition de ces expériences dans le plaisir, dans la confirmation de ce que l'on est, et nous-mêmes dans la confirmation de l'autre,
- Speaker #0
qui...
- Speaker #1
qui petit à petit nous aident à nous construire et donne sens à notre vie. Même je pourrais aller plus loin, c'est-à-dire que ces expériences-là permettent le déploiement d'une forme de sécurité. C'est ces expériences de confirmation du fait qu'on est bon par essence, ce n'est pas pour ce que l'on fait uniquement, qui donnent sécurité profondément, qui nous aident à nous déployer dans une forme de sécurité. Et sur le gâteau, on pourrait dire, qui nous permet de pouvoir... faire face aux épreuves de la vie de manière juste. C'est comme si ça nous ouvrait une perspective. Le fait de connaître, d'avoir connu et de connaître ces expériences de bons permet que quand on est dans quelque chose de douloureux, de triste, d'angoissant, etc., on va pouvoir avoir toujours une perspective autre en nous. Et finalement, c'est le plaisir de vivre qui donne le courage de vivre dans ces épreuves.
- Speaker #2
Merci, j'arrive à notre dernière question si vous aviez un message à passer au monde, lequel serait-il ?
- Speaker #0
De ne pas rester à un monde fonctionnel, un monde utile de remettre du beau dans tout, dans l'architecture dans la nature, dans la relation avec les autres après, la définition du beau c'est vaste, ce serait peut-être mieux je suis pas sûr pas le mieux placé certainement pour répondre à cette question, qui est très philosophique aussi, mais en tout cas, c'est ce qui m'anime, ça va dans le sens de mon métier de soignant,
- Speaker #1
d'humaniser le mieux que je peux le soin,
- Speaker #0
la relation de soin.
- Speaker #2
Ok, merci beaucoup.
- Speaker #0
Merci à vous.
- Speaker #2
Merci pour ta présence. J'espère que ce moment t'a inspiré à vivre davantage dans l'instant présent, que ce soit à travers l'expérience de ton corps, tes relations ou avec le monde qui t'entoure. Si ce n'est pas déjà fait, pense à t'abonner sur ta plateforme d'écoute préférée pour ne rien manquer des épisodes prochains. Et n'hésite pas à laisser un commentaire, une jolie note et partager ce podcast autour de toi. Cela m'aide énormément. à rendre Steelpoint plus visible. Et ça me fait tellement plaisir de lire vos retours. Un grand merci à tous. On se retrouve dans deux semaines pour un nouvel épisode. En attendant, tu peux me retrouver sur Instagram ou mon site internet. Les liens sont dans les notes de l'épisode. Je te dis à très vite.