- Intro
Une carrière d'athlète, c'est 80% d'échec pour 20% de kiff...
- SUEUR D'ESPOIR
La vie d'athlète n'est jamais une longue ligne droite. Bienvenue dans Sueur d'espoir, une aventure sonore sur le parcours de ceux qui rêvent grand. À vivre comme on tourne les pages d'un grand livre. Des hauts, des bas, des doutes et l'espoir. Quelques minutes au rythme de la vraie vie d'athlète. Bonne écoute. personne n'a misé sur elle. Son projet, personne n'y croit. Peut-être pas née sous la même étoile que des Katie Ledecky ou des Summer McIntosh, elle n'était pas faite pour le haut niveau. Des années dans les bassins pour n'en sortir que de la déception et de la frustration. Ce meeting, c'est la dernière chance. Un dernier essai encore infructueux, c'en est assez.
- Caroline JOUISSE
Je finis ma course, j'arrive vers lui et je dis, c'est bon, j'ai pris ma décision, j'arrête de nager.
- SUEUR D'ESPOIR
Serviette sur l'épaule, bonnet enlevé, lunettes rangées, c'est ainsi que tout va se terminer. À 27 ans, la carrière de Caroline va s'arrêter, lassée d'enchaîner les déceptions. Ça, c'est ce qui allait se passer. Mais l'histoire est en fait tout autre. Une phrase. C'est ce qu'il a fallu pour changer la trajectoire de la carrière de Caroline Joyce. Le pivot de cette histoire vient de se dérouler. D'une chute annoncée, le parcours que vous allez écouter ne fait en réalité que commencer.
- Caroline JOUISSE
Si je suis allée au jeu, c'est grâce à lui. Parce que sinon, si je m'écoutais moi, en 2021, je m'arrêtais de nager et puis il n'y avait plus personne.
- SUEUR D'ESPOIR
Bienvenue dans ce nouvel épisode de Sueur d'espoir. Un épisode d'exception avec la huitième des derniers Jeux Olympiques de Paris 2024 sur la natation marathon, Caroline Jouisse.
- Caroline JOUISSE
J'ai deux sœurs du coup et mes parents ont fait le choix quand on était assez jeunes de nous mettre à la natation juste pour éviter les problèmes de noyade. et qu'on ne se retrouve pas aussi dans la situation où malheureusement, tu vois quand même pas mal d'enfants aujourd'hui quand ils ont piscine avec l'école, ils sont en crise. Donc mes parents, vraiment, ils voulaient éviter ce genre de situation. Et du coup, ils ont mis mes deux sœurs, moi, à la natte quand on était jeunes. Et voilà, moi, j'y suis restée. Mes deux sœurs ont nagé, mais pas à haut niveau. Mon père, il nage, tu vois, mais le papillon, je ne suis pas sûre qu'il sache le nager. Et ma mère s'est mise à nager à peu près quand elle avait 40 ans. Force de nous amener, mes sœurs et moi, sur des compés, sur les entraînements, elle s'est mise à nager sur le tard. Mon histoire, elle est drôle quand même. C'est-à-dire que je ne suis pas censée... Ce n'est pas dans mes gènes d'être sportive de haut niveau. On va dire que j'ai encore atterri là. Comme ça, je ne suis sortie nulle part, on va dire. Et la natation en olive, c'est un peu pareil. J'étais en 2012, j'ai commencé l'eau libre, donc quand même assez tard, j'avais 18 ans. Et en fait, j'étais à Bourges à ce moment-là et il se trouve que le coach avec qui je m'entraînais a trouvé que j'avais un profil qui collait plutôt bien à cette discipline. Moi, je ne connaissais pas du tout l'eau libre à l'époque. Je faisais du bassin, je faisais des 400, 800, 1500, mais je n'ai jamais fait d'eau libre avant. Et 2012, du coup, il me propose, en fait, il me dit, vas-y, on essaye. Et en fait, ce qui s'est passé, c'est qu'on était, pour aller à un entraînement, on se vient parler d'eau libre de 25 kilomètres. Mais en fait, il y a une personne du club qui avait fait le 25 kilomètres. Et tu sais, sur les distances 10 kilomètres, 25 kilomètres, tu as des temps limites. Et il se trouve qu'en fait, la personne du club s'était fait arrêter avant la fin. Et je crois que le pauvre, il avait fait 22 kilomètres. Donc, tu vois, il était quasiment arrivé. Et moi, du coup, pour rire, en fait, je lui dis, vas-y, je le fais, mais moi, je le finirai le 25. On m'arrêtera pas avant.
- SUEUR D'ESPOIR
Elle fait ses débuts en 2012 à 18 ans sur 15 kilomètres. Puis une fois le bac en poche, elle effectue son premier 25 kilomètres l'année d'après en 2013. En 2016, elle se qualifie pour les championnats d'Europe de 25 kilomètres, sa première sélection en équipe de France. Spécialiste du 25 km, Caroline veut se réinventer. Car aux Jeux Olympiques, une seule distance existe, le 10 km. Allez,
- Caroline JOUISSE
dans un instant, le départ de cette course, de ce bateau. Natation Olympique, c'est parti pour 10 km pour ces 24 jeunes femmes. Je n'ai jamais commencé mon sport, mais parce que je n'avais pas cet esprit de compète que j'ai aujourd'hui. Mais je n'ai jamais commencé mon sport en me disant, je vais aller aux Jeux Olympiques. Je n'ai jamais fait mon sport dans cette optique-là, vraiment. Je faisais mon truc, je ne vais pas te dire dans mon coin, mais les résultats que j'avais m'allaient. Je ne cherchais pas à atteindre le très haut niveau. Et l'eau libre, ça a été différent, comme je te disais. Je pense que le déclic, ça a été les championnats d'Europe. Je me suis qualifiée aux championnats d'Europe en 2016 et là, je me suis dit, ok, on peut peut-être faire quelque chose. Je suis quelqu'un qui aime bien s'entraîner et j'ai pris goût à la compétition vraiment tard. Quand j'étais plus jeune, je sais que les entraînements, c'était mon truc, mais limite, je n'avais pas envie d'aller en compète. Après, c'est aussi parce que ce que je disais tout à l'heure, en eau libre, ça m'amuse, alors qu'en bassin, ça n'a jamais été le cas. Il y a des gens qui vont s'entraîner parce qu'il faut s'entraîner, mais la compète, ce sera leur moment. Moi, aujourd'hui, j'ai 31 ans, bientôt 31, et l'entraînement, ça ne me dérange toujours pas.
- SUEUR D'ESPOIR
Avant de faire un pas de plus en avant, Il faut en faire plusieurs en arrière afin d'avoir une bonne vue d'ensemble. La route vers ses rêves ne se construit pas en un jour, elle commence bien avant.
- Caroline JOUISSE
Donc 2012, j'ai mon bac et pendant cette année-là, je me fais démarcher par quelqu'un. Tu sais, à l'époque, ça se faisait beaucoup. Maintenant, je pense beaucoup moins. Mais tu avais pas mal d'organismes qui te démarchaient sur Facebook. En te disant, oui, avec ton niveau, tu peux avoir une bourse complète aux États-Unis. Avec ton niveau, tu peux avoir ça. Avec ton niveau, tu peux partir aux États-Unis. Et en fait, moi, j'ai été démarchée comme ça l'année de mon bac. Et ça m'a tentée de fou. Donc, j'en ai parlé à mes parents. Ils m'ont dit, vas-y, pourquoi pas ? Et en fait, il se trouve que ce mec qui m'avait écrit, c'était une arnaque. C'est-à-dire que je pense qu'il contactait beaucoup de personnes. Mais il y a des gens qui ne partaient pas. Et moi, ça fait partie de ça. C'est-à-dire qu'il me disait qu'il faisait des démarches, des trucs, des machins, mais il m'envoyait les facs qu'il me proposait, c'était au fin fond de nulle part, c'était des facs avec des niveaux pourris, c'était vraiment des trucs de merde, et au final, il ne se passait rien. Je n'ai jamais pu partir, il n'y a jamais eu rien de concret. Sauf qu'en fait, cette expérience, ça nous a coûté de l'argent forcément parce que le mec, il te démarche, il te dit, « Bon, ben voilà, donnez-moi une commission et tout. » Mais ça a coûté quand même pas mal d'énergie à mes parents parce qu'à chaque fois, tu envoies quand même ton enfant à 6 000 kilomètres. Donc, tu vois, moi, je sais que mon père, il recherchait beaucoup. Et le fait que ça ne se passe pas, moi, j'ai été hyper déçue en fait. Vraiment, je suis restée frustrée. Et du coup, après, j'ai fait mon BTS et mes parents, ils m'ont dit, Voilà. Tu fais tes études, tu peux continuer ton sport. Donc, j'ai étalé mon BTS en trois ans. Mais dans un coin de ma tête, tu vois, je n'avais pas tourné la page avec les États-Unis. Et j'ai re-été contactée par quelqu'un. Mes parents, ils m'ont dit, OK, on essaye. Par contre, c'est eux qui s'occupent de tout. Ils se sont occupés de tout et tout. Et j'ai pu partir. Moi, je ne me suis pas posé la question à ce moment-là, tu vois, après mon bac, de me dire, j'arrête ou pas. Et je pense que mes parents, ils ne m'ont pas dit, tu fais tes études et tu arrêtes le sport. parce qu'ils voyaient que ça faisait partie de mon équilibre. Donc même si ça ne faisait pas partie de la famille, on va dire, moi, ils voyaient que ça faisait partie de mon équilibre et que j'en avais besoin, en fait. Donc ils ne m'ont jamais vraiment stoppée. Et puis aux États-Unis, j'ai fait un bac plus 5. Jamais j'aurais fait un bac plus 5 si j'étais restée en France.
- SUEUR D'ESPOIR
Entre les États-Unis et la France, le changement culturel est significatif. Et en tant que sportif de haut niveau, c'est un vrai bol d'air qui fait du bien.
- Caroline JOUISSE
Moi, je le vois. Quand j'ai fait mes études et que je faisais mon BTS, je l'ai étalé sur trois ans parce que sinon, je ne pouvais pas nager. Quand tu sors, les autres, ils vont tous au bar, ils vont tous entre potes, ils vont boire une bière et tout. Mais moi combien de fois ils m'ont dit, mais viens avec nous, mais c'est bon, tu as déjà nagé ce matin. Mais tu es chiante, tu manges piscine, tu dors piscine, piscine tout le temps et tout. Donc, en fait, ils ne comprennent pas, tu vois. T'es dans un autre monde quelque part. Niveau sportif, la natation reste un sport individuel, mais là-bas, c'est vu comme un sport d'équipe. C'est-à-dire qu'en France, tu feras ta compétition, tu fais ton temps, bien joué, bravo, c'est cool, bravo pour toi. Aux US ? Le temps, il est important, mais c'est la place qui est importante. Parce que plus tu es bien placé sur ton meeting, plus tu feras des points pour la fac. Ce n'est pas du tout la même approche. Pas du tout, pas du tout. Et niveau des cours, je ne t'explique même pas. En France, il faut vraiment rentrer, tu vois. Tu es dans un moule. Tu ne peux pas être un peu différent. Et je pense que... L'ouverture d'esprit commence à se faire de plus en plus parce qu'on parle de plus en plus des TDAH, des machins, tu vois, de HPI, tout ça. On en parle de plus en plus là où avant, je pense, plus à mon époque, c'était un peu tabou. Là, on en parle de plus en plus. Mais malgré tout, si tu es quelqu'un en difficulté ou si tu es quelqu'un de super intelligent, tu ne corresponds pas en fait, tu ne rentres pas dans la norme. Tu ne rentres pas dans la norme et aux US, ce n'est pas du tout ça. Moi, je me souviens, j'étais choquée, en fait. Les premières fois où je suis arrivée en cours, déjà, le prof, il donne son numéro de portable, son mail, en disant, ben voilà, si vous avez quoi que ce soit, voilà mes contacts, voilà mes coordonnées, vous n'hésitez pas. Je pense qu'on a un peu moins cette culture, mais aux US, moi, je commençais les entraînements à 5h du matin. Tu te lèves à 4h30, t'es cramée, tu vois, il y a des faux, tu as des siestes, et moi, il y a des faux. Au début, tu vois, j'arrive. En France, la sieste, ce n'est pas un truc que tout le monde fait tous les jours. Mais au début, je me disais, je ne vais pas faire une sieste. Tu es habitué à t'entraîner, ensuite aller en cours et t'entraîner le soir, avoir ta journée qui est blindée. Tu n'as pas le temps pour une sieste, en fait. Et j'ai découvert les siestes et franchement, c'était bien. Mais du coup, tu vois, des fois, tu pars en sieste. Et en fait, entre la charge d'entraînement, au début, le jet lag, les trucs comme ça, des fois, tu te réveilles, mais en fait, tu as raté ta classe. Mais personne ne te demande. Donc vraiment, il faut être autonome.
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En 2019, à son retour des US, le projet commence alors avec un objectif en tête, celui d'un jour participer aux Jeux Olympiques.
- Caroline JOUISSE
Ça a été, je ne vais pas dire chaotique, ce n'est pas le mot, mais en gros j'ai fait une année, donc j'étais en 2019-2020 en Italie. Après ça, je suis rentrée en Italie pour retourner à Bourges, qui était mon club. J'ai fait un an là-bas. Ensuite, je suis allée un an en Ile-de-France. Et moi, ça ne me correspondait pas trop, les entraînements. Donc, je reste persuadée aujourd'hui que si j'étais restée là-bas, je ne serais pas allée aux Jeux. Après ça, du coup, on a fait un an et ensuite, on est parti à Saint-Raphaël. Donc, je suis arrivée à Saint-Raphaël en octobre 2022.
- SUEUR D'ESPOIR
Quand on a pour projet d'aller aux Jeux Olympiques, il faut bâtir un staff autour de soi. On ne peut pas réussir seul.
- Caroline JOUISSE
Le coach avec... qui on a été pour aller jusqu'au jeu. Il avait entraîné quelques nageuses d'eau libre, mais il n'avait pas une connaissance et une expérience trop développées. Donc, il a malgré tout appris des choses aussi grâce à Marcel, donc mon copain et moi. Et non, ça a été bien. Je me suis entourée d'une psy en février 2023. Et après, quand je suis arrivée, j'avais Yannick qui était mon coach, j'avais Thomas qui était mon prépa physique, Aurélia, ma préparatrice mentale, et ensuite Thomas, qui était mon kiné. Mais j'ai vraiment créé un lien avec mon prépa physique et ma préparatrice mentale. Il y a quand même... On reste professionnels, mais je sais que le jour où j'arrête ma carrière, ça sera des amis. Après, ça dépend aussi des caractères. Je sais qu'il y en a, ils vont travailler avec des gens, ça va rester pro, et puis c'est comme ça qu'ils le veulent. Moi, je ne fonctionne pas comme ça. Je pars du principe qu'on vit quand même des choses exceptionnelles. Ce n'est pas donné à tout le monde de faire des championnats du monde, de faire des Jeux Olympiques, des choses comme ça.
- SUEUR D'ESPOIR
Une fois le staff constitué, il faut encore pouvoir le payer et financer sa saison.
- Caroline JOUISSE
Il y a des sponsors, évidemment. Après, j'ai un travail aussi à côté. Un travail, des sponsors. Tu vois, quand j'ai recherché des sponsors avant les Jeux, je demandais aux gens s'ils voulaient faire partie de mon aventure. Parce que pour moi, c'est une aventure humaine. Donc, il y a un objectif au bout, mais c'est une aventure humaine. Et le but, c'est d'embarquer les gens avec toi et qu'on soit un peu tous dans le même délire. Les sponsors, ils ne sont pas juste là pour te donner les produits ou pour te donner de l'argent ou n'importe. Ils font vraiment partie prenante de ton projet.
- SUEUR D'ESPOIR
Pour comprendre le chemin qui mène aux Jeux Olympiques, il faut parler des étapes à cocher pour décrocher sa qualification. Et pour Paris 2024, la route commence début décembre 2023. Nous sommes à Funchal au Portugal. L'océan est capricieux et les modalités de sélection ne sont pas tendres non plus. Pas là pour danser un tango, il n'y aura que deux places chez les hommes et deux places chez les femmes. Un format coup près où la gestion de la pression va être essentielle. Sur cette coupe du monde, chaque nation a ramené ses meilleurs nageurs. La densité est au rendez-vous, la tension aussi. Les visages sont fermés, tout le monde est aligné sur le ponton de départ. La course va être lancée. Le bruit des vagues donne le ton. La course va être compliquée. Chez les femmes, c'est ouvert. Elles sont 6 à prétendre à la qualification. Mais seules les deux premières français ce jour-là pourront passer la première étape vers les Jeux de l'Indien. Silence total. Le coup de pistolet va être tiré. Des années de préparation, avec des milliers d'heures passées dans les bassins, deux fois par jour bien souvent. Des projets construits depuis des années et des rêves qui accompagnent chaque journée. Mais dans deux heures, il n'y en aura plus que deux qui pourront continuer de rêver. Pour les autres, il faudra encore attendre plus de quatre ans avant de pouvoir retenter sa chance.
- Caroline JOUISSE
Décembre 2023, celle qui a été la qualif' pour les championnats du monde. Deux jours avant la course, il pleut. Et à l'hôtel, on va dehors pour voir la température de la piscine qui était dans l'hôtel. Avec mon coach et Marcel, mon copain. Et en fait, je me rétame dans les escaliers. Mais je me fais super mal. J'ai un gros bleu au niveau des fesses. Et j'ai vraiment hyper mal au copse. Et j'en chie à m'asseoir. Le soir, on va nager, je n'arrive même pas à faire un virage. Et la qualif, elle était deux jours après. Funchal, en fait, c'était la compétition. Donc, soit tu vas aux Jeux, soit tu as des chances d'aller au jeu, soit c'est fini, ça s'arrête là, en fait. Franchement, je tombe, je ne sais même plus si je me suis mise à pleurer sur le coup. Je crois que oui. Je crois que oui, parce que je me suis dit, putain, j'ai tout niqué, en fait. Tu t'entraînes comme une tarée. Tout le monde s'entraîne comme des parés, tu vois, c'est pas la question, mais tu t'entraînes dur et là tu tombes dans les escaliers parce qu'il pleut et que les escaliers glissent, tu vois, c'est le truc. J'ai dit, putain, comment on va faire en fait ?
- SUEUR D'ESPOIR
Caroline termine dixième scratch, deuxième française. Un soulagement après avoir pensé que tout allait s'arrêter avant même de plonger. La dernière étape pour la route vers Paris sont les championnats du monde en février à Doha. Deux Françaises au départ, Océane Cassignol et Caroline Jouys, pour porter haut l'étendard français et pouvoir nager dans la Seine, il faudra terminer parmi les 13 premières.
- Caroline JOUISSE
J'étais quasi sûre que les deux françaises en passeraient en fait, parce que vu la course qu'on avait fait en décembre. Il fallait vraiment qu'il se passe quelque chose pour qu'on ne se qualifie pas. Et puis parce qu'en fait, ça faisait plusieurs compétitions de suite où je validais systématiquement le top 10. Donc quand le top 10, tu l'as validé plusieurs fois et qu'on te demande un top 13. En fait, j'ai abordé les championnats du monde. Je ne vais pas dire sereine et sûre de moi parce que ce n'est pas vrai, mais j'étais quand même assez sereine. Tu vois, j'étais plus sereine qu'à Funchal.
- SUEUR D'ESPOIR
Seulement deuxième championnat du monde pour elle. Caroline termine 7e. À 29 ans, elle va vivre ses premiers Jeux olympiques.
- Caroline JOUISSE
Ce n'était pas écrit. Il y a beaucoup de faits. Je ne vais pas te dire qu'on n'a jamais cru en moi. Comme je te disais au tout début de notre conversation, en 2021, si tu dis que Caroline Jusse, elle ira aux Jeux 2024, il y a tout le monde qui rigole et qui se dit « Mais qu'est-ce que tu veux toi en fait ? » Je pense que le fait que très peu de gens aient cru en mon projet, Ça a fait qu'une fois que le projet, que la qualification a été faite et que le projet, entre guillemets, a été validé, j'ai vraiment mis du temps à m'en rendre compte et à me dire, ça y est, je suis qualifiée aux Jeux. Et après, les Jeux, vu que c'était à la maison, c'était différent. J'ai aussi eu plus de mal à me mettre dedans. C'était particulier, vraiment, c'était particulier. Et puis, c'était mes premiers Jeux, donc je ne serais pas comparée avec d'autres. Et des championnats du monde, je n'en ai pas fait beaucoup non plus. Donc, je n'ai pas beaucoup d'éléments de comparaison en termes de compétition de très haut niveau. Mais oui, par contre, non, j'ai bien fait. J'ai kiffé, c'était super tu vois. Allez dans un instant donc le départ de cette course. Natation olympique, c'est parti pour 10 km pour ces 24 jeunes femmes, dont deux françaises.
- SUEUR D'ESPOIR
Dans une course compliquée avec de forts courants, Caroline prend la 8ème place. Finaliste pour ses premiers Jeux Olympiques. Malgré la déception de cette 8ème place, elle ne nourrit pas de regrets. Elle aurait bien aimé un podium, elle se sentait prête. mais elle a donné ce qu'elle a pu ce jour-là et c'était une huitième place.
- Caroline JOUISSE
Quand j'ai fait les Jeux, je n'ai pas abordé ça comme c'est les Jeux Olympiques. Vraiment pas. Donc, j'y suis allée et forcément, il y avait du stress parce que, voilà. Mais je ne me suis pas dit « Oh putain, si les Jeux étaient à la maison, machin. » Certains athlètes, je pense, étaient comme ça et ont eu de la pression médiatique extérieure. Nous, l'eau libre, on n'a pas eu de pression médiatique.
- SUEUR D'ESPOIR
On passe au sport et à moins d'un an des Jeux Olympiques de Paris, maintenant c'est un petit coup dur puisque l'épreuve test de natation prévue ce week-end dans la Seine, cette épreuve a dû être annulée.
- Caroline JOUISSE
Dans un peu moins d'un mois, elle est censée accueillir les épreuves de triathlon et de natation marathon des Jeux Olympiques. Mais de nouveaux prélèvements indiquent que la Seine est toujours beaucoup trop polluée. À cause d'une pollution de l'eau, la décision a été prise de ne pas laisser les nageurs et nageuses plonger du pont Alexandre III en plein cœur de la capitale. Ils n'ont parlé que de la Seine. Donc, en fait, la pression médiatique, après, peut-être que les autres, les trois autres qui se sont qualifiés, l'ont vécu autrement. Peut-être Marc-Antoine, tu vois, parce que c'était ses troisièmes Jeux et tout. Donc, c'est un peu plus la figure, si je peux dire ça, de l'eau libre. Mais moi, la pression médiatique, mais rien du tout, en fait. Mais c'était bien aussi, quelque part, parce que c'est une pression moins... Enfin, tu vois, quand t'en as, t'as des athlètes qui ont eu une pression de fou et qui, des fois, justement, échouent. Et parce qu'ils échouent derrière, ils se font lyncher sur les réseaux sociaux, dans les médias, etc. Nous, on ne s'est pas fait lyncher. Il n'y a rien eu, en fait. Les quatre, on fait dans le top 8. Les quatre, on est finaliste. Je pense qu'il n'y a aucune discipline qui a mis tous ces athlètes finalistes. Même s'il n'y a qu'une course, qu'une journée qui n'a pas de série finale, on est 100% finaliste. À aucun moment, on a dit la discipline de l'eau libre a mis tous ces athlètes. Enfin, on n'en a pas parlé. Donc on n'en a pas parlé ni avant ni après. Il y a eu d'autres sports qui ont beaucoup plus brillé. Donc en fait, même si ce qu'on fait, c'est bien parce que les quatre, on est finaliste, ça passe inaperçu parce qu'il n'y a pas eu de podium. Donc si tu ne fais pas de podium, tu le sais très bien qu'au jeu, si tu ne fais pas de podium en plus à la maison, tu existes un peu moins.
- SUEUR D'ESPOIR
Une Olympiade qui, si l'on la regarde par le prisme des résultats, semble s'être bien déroulée. Mais derrière les classements, les qualifications et les joies, il y a un long chemin que l'on ne voit pas et qui aurait pu briser les rêves de Caroline plus d'une fois.
- Caroline JOUISSE
La fédé n'a pas du tout aidé, la fédé n'a pas du tout aidé. La fédé n'a pas du tout aidé, même l'année dernière. Tu vois, avant les Jeux, j'ai eu des problèmes de club. Le club français que je représentais, parce que je m'entraîne à Saint-Raphaël, mais je ne représente pas le club de Saint-Raphaël. Et je représentais un club en Ile-de-France, il a fait faillite. Moi, quand je commence à vraiment ouvrir ma gueule, entre guillemets, à ce sujet-là, parce qu'il me devait de l'argent, il y avait des impayés, il y avait des choses comme ça, des subventions qu'il ne m'avait pas versées alors que je savais qu'il les avait touchées. Mais au début, tu vois, j'ai laissé couler, entre guillemets, je me suis dit, bon, tu as les qualifs pour les mondes, concentre-toi là-dessus. Ensuite, j'ai eu ma qualif pour les mondes, je me suis dit, au monde, il faut opter la qualité pour les jeux, donc concentre-toi là-dessus. Une fois que j'ai eu la qualif pour les Jeux, c'était en février, je me suis dit, j'en parle. Sauf qu'en février, mine de rien, on est à quoi ? On est à six mois des Jeux. Et le club a fait faillite. Moi, j'ai dû transférer de club au mois de mai. Le mois de mai, on est à trois mois des Jeux. Il a fallu que je prenne mon petit téléphone et que je recherche et que j'essaye de me renseigner toute seule sur quelles structures pourraient éventuellement m'accueillir. J'en ai appelé certains qui m'ont dit, non, on ne peut pas. C'était à trois mois des Jeux. Je suis désolée, mais la fédé aurait dû dire, écoute, tu t'occupes de ta préparation, les Jeux, c'est dans trois mois, on te trouve un club et basta. Non, à aucun moment ça n'a été fait, en fait.
- SUEUR D'ESPOIR
La preuve qu'être athlète olympique est un long chemin de croix où de l'extérieur tout semble glisser, quand la réalité est en fait tout autre.
- Caroline JOUISSE
C'est nickel. Bah non. Elle a dû changer de club trois mois avant les Jeux, elle a dû faire une cagnotte sur Internet pour boucher le trou que son club lui avait laissé. Non, non, il y a des choses à dire. Vraiment. Caroline a décidé de poursuivre l'aventure, 4 ans encore à fond, où elle visera ses 2e Jeux Olympiques à Los Angeles en 2028. Et même là, rien n'est évident. Son club de Saint-Raphaël annonce en novembre 2024 arrêter le haut niveau. Plus de structure, plus d'entraîneurs et une annonce qui la laisse, elle, son compagnon et un autre nageur sans club. On est trois à avoir été... à ne pas pouvoir rester à Saint-Raphaël. Et donc les trois, ils ont décidé d'arrêter le haut niveau. Très haut niveau. Ça fait depuis novembre qu'on galère, ça fait depuis novembre qu'on doit nager à droite à gauche et tout. Donc c'est pas... Moi j'ai décidé de repartir jusqu'à Los Angeles, donc il y a quand même 3-4 ans. Je n'ai pas envie de me lancer dans un truc qui est bancal, qui ne tient pas la route. Donc, je préfère mettre du temps à me décider. Sauf que le fait de mettre du temps, la fédération estime que mon projet n'est pas stable. Il y a plein de choses derrière qui font que ça me met vachement en difficulté, ce décision. À la base, c'était censé être calme. On s'était dit qu'on ferait des stages à droite à gauche. On avait prévu une année plutôt cool avec un petit peu moins d'entraînement, mais quand même... Au lieu de 10 ou 11 dans l'eau, on avait prévu d'en faire 8. Donc ça reste quand même pas mal. Mais on avait décidé de diminuer un peu la charge, de rester basé à sa rave, de profiter peut-être un peu plus et de faire des choses qu'on n'a pas forcément le temps quand on est en prépa olympique. Et au final, le plaidage, ça n'a pas été une année reposante comme ça devait l'être. Je te cache pas qu'il y a des hauts et des bas, c'est logique. Après, c'est comme ça. C'est jamais linéaire de toute manière. La vie d'athlète et même la vie normale n'est jamais linéaire. Disons que leur décision, on ne l'a pas vue venir. Donc ça nous a quand même vraiment touché, les trois. On échange beaucoup là-dessus. Et en fait, le fait que tu vois derrière la fédé disent que mon projet n'est pas stable, que c'est chiant aussi, en fait, c'est en difficulté vis-à-vis d'eux. Caroline,
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en plus d'une détermination hors normes, peut compter sur son compagnon Marcel Chouten, qui lui aussi a été nageur à très haut niveau en eau libre. Un soutien de taille sans qui Caroline n'aurait peut-être jamais connu les Jeux Olympiques.
- Caroline JOUISSE
Je vais même te dire, je crois que c'est 2021, on a des temps à faire en bassin. C'est-à-dire que notre discipline, c'est l'eau libre, mais on a des critères à faire en piscine. sur un 400, un 800 ou un 1500. Et comme moi, je te disais, je n'aime pas du tout les compètes en bassin. Donc, les critères de temps, ça m'a toujours mis en difficulté, en fait. Toujours, toujours, toujours. Et donc, ça m'a écartée de certaines sélections parce que je ne faisais pas les critères de temps. Notamment cette année, mais on en parlera après. Et donc, en fait, Marcel, en 2000, c'était la saison 2020, je crois, 2020-2021, il fallait faire un temps en bassin et je n'y arrivais pas. J'y arrivais pas, on a fait 150 meetings. Vraiment, on est allés à droite, à gauche, tous les week-ends, on était en compétition en bassin. Et je n'y arrivais pas. Et donc j'ai dit, c'est bon, il y a un jour, je finis ma course, j'arrive vers lui et je dis, c'est bon, j'ai pris ma décision, j'arrête de nager. On est en 2021. Et c'est lui qui me dit, bah non, tu ne vas pas t'arrêter de nager. Mais moi, j'étais en paix, tu vois, j'étais en paix avec ma décision. Je me suis dit, ça fait 50 meetings qu'on fait, C'est de la merde. Ça me saoule. et ces critères de faire un temps bassin, ça me gonfle. Donc vraiment, tu vois, je me suis dit, c'est bon. Et tu vois, j'avais pris ma décision, j'étais OK avec ça. Je n'avais pas l'impression, tu vois, que j'aurais des regrets derrière et tout. Et c'est lui qui m'a dit, non, tu continues, etc. Il se trouve que le temps de calif, je l'ai fait, mais évidemment, une fois que la période du temps de calif était terminée, donc ça n'était pour rien. Mais malgré tout, voilà, j'ai continué de nager. Et voilà, très honnêtement, si je suis allée au jeu, c'est grâce à lui. Parce que sinon, si je m'écoutais moi en 2021, je m'arrêtais de nager et puis il n'y avait plus personne.
- SUEUR D'ESPOIR
Caroline est déjà concentrée sur cette nouvelle Olympiade. Sa saison a d'ailleurs déjà commencé avec une première étape de Coupe du Monde à Ibiza, où elle a pris la sixième place. Une sixième place qui ne suffit pas pour se qualifier au championnat d'Europe.
- Caroline JOUISSE
Les critères, ils sont un peu compliqués cette année. Mais en gros, vu que j'ai fait les Jeux, il fallait que je fasse un top 8 en Égypte, et je fais 9e, ou un top 5 à Ibiza ce week-end, et je fais 6e. Et en fait, si je ne validais pas ces top 8 et top 5, il fallait que je fasse un temps en bassin. Et donc, moi, le bassin, vu que je n'aime pas ça du tout, je savais que les temps allaient revenir. Et l'année dernière, j'avais dit, les gars, le bassin, moi, je n'irai même pas, en fait. Donc, au final, j'ai fait l'effort, j'y suis allée quand même, mais je n'ai pas fait les temps. Et du coup, vu que je ne rentre pas dans le top 8 et dans le top 5, je ne suis pas qualifiée. Non, mais voilà, donc c'est un peu frustrant, tu vois, de se dire que nous qui avons fait les Jeux, on a eu cet avantage, entre guillemets, à avoir juste une performance en eau libre à faire et pas les temps. Sauf que moi, vu que la performance en eau libre, je la rate à chaque fois, sachant que quand je finis 9e, je suis assise 10e de la 8e place. Et là, ce week-end, quand je finis 6e, ça doit être pareil. Ça se joue à des dixièmes. Je ne suis pas 4 minutes derrière. Et en fait, vu que je ne fais pas ces places d'eau libre et que je n'ai pas fait le temps en bassin, mais il y a les championnats du monde encore. Les championnats du monde, ce n'est pas fait. Je parlais justement avec Marcel l'autre fois. Il me dit tu sais la vie, c'est souvent un peu une boucle. Tu reviens un peu au point de départ et tu repars.
- SUEUR D'ESPOIR
Une boucle qui redémarre comme en 2021 pour Caroline. Durant sa carrière, elle aurait pu tout arrêter. Plusieurs fois, elle a failli le faire. Mais chaque fois, elle a choisi de revenir, encore et encore. Sans faire de bruit, sans projecteur, à force de kilomètres, d'abnégation et de volonté. Pas favorite, pas celle qu'on attendait. Caroline n'a pas attendu qu'on lui donne une place. Elle l'a prise, à la nage, à la rage. Elle a prouvé qu'il n'y a pas de bonne étoile, seulement la détermination d'aller au bout de ses rêves. Et si le rêve de Paris s'est concrétisé, celui de Los Angeles a déjà commencé. C'était Sueur d'Espoir, j'espère que vous avez aimé ce temps passé ensemble. Un épisode qui montre les montagnes russes de la vie d'athlète de très haut niveau. Un épisode qui montre aussi qu'avec détermination et envie, on peut arriver là où personne ne nous attendait. Le plus dur reste encore de se lancer et de ne jamais abandonner. Allez suivre Caroline sur ses réseaux sociaux pour suivre sa longue route vers Los Angeles 2028. Et n'oubliez pas de vous abonner au podcast, l'évaluer sur vos plateformes d'écoute et rejoindre le compte Instagram Sueur d'Espoir. Merci pour votre écoute et à bientôt.