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Super Docteur - médecine générale

1/2 INM: la révolution silencieuse de la médecine (Grégory Ninot)

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22min |16/09/2025
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Description

Les interventions non médicamenteuses : comment les intégrer en médecine générale ?


👉 Abonnez-vous à la newsletter Super Récap’ pour recevoir un mail à lire en 1mn récapitulant les grands points des épisodes de la semaine (c'est gratuit et sans spam!): https://superdocteur.substack.com/


Et si nous avions à portée de main des outils validés pour accompagner nos patients autrement qu’avec des prescriptions médicamenteuses ?
C’est tout l’enjeu des interventions non médicamenteuses (INM) : des pratiques rigoureusement définies, évaluées scientifiquement, et de plus en plus soutenues par les autorités de santé.

Pour en parler, j’ai eu l’immense plaisir de recevoir le Professeur Grégory Ninot, professeur à l’Université de Montpellier, directeur adjoint de l’Institut Desbrest d’Épidémiologie et de Santé Publique (INSERM) et président de la Non-Pharmacological Intervention Society (NPIS).
Il consacre depuis 20 ans ses recherches à structurer un véritable cadre de validation pour ces pratiques longtemps marginalisées, dans le but de les intégrer aux parcours de soins avec la même exigence que les médicaments.


Dans cet épisode, nous avons abordé :

  • La définition rigoureuse des INM (et ce qu’elles ne sont pas)

  • Les 5 critères fondamentaux à remplir pour qu’une pratique soit reconnue comme INM

  • Les différences méthodologiques majeures entre les études sur les médicaments et celles sur les INM

  • Pourquoi le modèle classique en double aveugle n’est pas adapté aux INM

  • Le fonctionnement du référentiel national des INM (référentielinm.org)

  • Des exemples concrets d’INM utiles en cabinet : TCC pour l’insomnie, programme Otago contre les chutes, ETP pour les traitements oraux du cancer…

  • Les perspectives de financement par l’Assurance Maladie et les mutuelles

  • Et les grands objectifs de la recherche dans les 10 prochaines années


Un épisode à la fois scientifique, critique et très pratique pour tous les médecins qui souhaitent élargir leur arsenal thérapeutique sans compromis sur la rigueur.


🔍 Ressources mentionnées :

https://www.npisociety.org/fr/

https://www.referentielinm.org/fr/


Mon livre est disponible ici: https://www.chroniquesociale.com/comprendre-les-personnes/1315-medecine-integrative.html


Instagram:

https://www.instagram.com/dr.matthieu.cantet


Youtube:

https://www.youtube.com/channel/UCbZG3thgg8pWjhv-1Ksh1AA


Linkedin:

https://www.linkedin.com/in/matthieu-cantet-4a5591294/


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bienvenue dans Superdocteur, le podcast des médecins généralistes qui redonne de la noblesse à notre métier pour soigner mieux différemment. Aujourd'hui, nous allons parler d'un enjeu central de la médecine de demain, les interventions non médicamenteuses ou INM. De plus en plus de patients ayant recours, activités physiques adaptées, hypnose, méditation. Mais comment faire la part entre les effets réels et les promesses floues ? Quelles pratiques sont fondées scientifiquement ? Et comment les médecins peuvent-ils les intégrer dans leurs prescriptions ? complément des traitements classiques. Pour répondre à ces questions passionnantes, j'ai l'immense plaisir d'accueillir Grégory Nino, professeur à l'université de Montpellier, directeur adjoint de l'Institut des Brest, d'épidémiologie et de santé publique, et président de la Non Pharmacological Intervention Society. Chercheur reconnu, il a consacré sa carrière à bâtir un cadre scientifique rigoureux pour ses approches longtemps négligées. Son travail, soutenu par l'Inserm, vise à structurer et évaluer les INM avec les mêmes exigences méthodologiques que celles qu'on impose au traitement médicamenteux. Un travail fondamental pour rendre ces pratiques crédibles, mesurables, intégrables dans les parcours de soins et peut-être demain remboursables. Dans cet épisode, on va explorer ensemble ce que sont réellement les INM, en quoi leur évaluation diffère d'un médicament et lesquels sont les plus utiles pour les médecins généralistes. Bonjour Grégory.

  • Speaker #1

    Bonjour Mathieu.

  • Speaker #0

    Merci beaucoup. d'être avec moi aujourd'hui. Pour commencer simplement, est-ce que vous pouvez me rappeler ce qu'on nomme exactement une intervention non médicamenteuse ou INM et en quoi ces fameuses INM se distinguent des approches dites naturelles, douces ou des médecines complémentaires et alternatives ?

  • Speaker #1

    Alors le mot INM, il est ancien. L'OMS parle d'intervention non médicamenteuse depuis 2003. La Haute Autorité de Santé parle d'intervention non médicamenteuse depuis 2011 et d'autres. organisations et autorités l'évoquent, y compris la Commission européenne. C'est un protocole de prévention santé ou de soins efficaces, personnalisés, non-invasifs, référencés, encadrés par un professionnel qualifié. Voilà la définition officielle de la société savante dont vous avez voulu parler, la NPIS. Mais tout l'enjeu pour un médecin généraliste, c'est comprendre 5 principes. 1. Elle est décrite. Ça veut dire qu'on connaît le protocole, le début, le milieu et la fin, le contenu. l'indication, l'objectif, etc. Elle est explicable par des études mécanistiques, ça veut dire qu'il y a des mécanismes qui sont d'ordre physiologique et d'ordre potentiellement psychosocial également, donc neuropsycho par exemple. Elle est efficace, ça veut dire qu'il y a eu des essais cliniques qui ont pu démontrer sa balance bénéfice-risque. Elle est sûre et elle est implémentable en France. Voilà schématiquement ce qu'est une définition conventionnelle aujourd'hui et consensuelle des INL. Donc c'est...

  • Speaker #0

    Ce n'est pas de la médecine alternative, ce n'est pas de la médecine douce, ce n'est pas tout ça à ce que je comprends.

  • Speaker #1

    Voilà, il y a eu, et notamment on l'a vu à travers la Covid, et les médecins généralistes ont été les premiers à subir aussi cette vague, de plein de mots de type médecine douce, médecine naturelle, médecine non conventionnelle, médecine traditionnelle, médecine... Bref, on en a trouvé à peu près une centaine de mots. Et effectivement, le problème, c'est que ces pratiques qui sont aujourd'hui... termes et pratiques non conventionnelles de soins, ne répondent pas aux cinq critères dont j'ai parlé. Elles ne sont pas très décrites, elles peuvent être des approches, mais elles peuvent être aussi parfois des systèmes de pensée. La médecine chinoise, c'est à la fois des diagnostics, avec des diagnostics alternatifs à la médecine occidentale ou fondée sur les preuves, mais après, il peut y avoir des traitements qui sont non efficaces. Deuxième élément, elles sont souvent peu explicables, on n'a pas d'explication aussi rationnelle qu'on veut bien le dire. D'autre part, il y a peu d'études. d'essais cliniques démontrant leur efficacité. Il n'y a pas non plus d'études sur la sécurité, ou rarement, et elles ne sont parfois pas implémentables dans le pays. Évidemment, en France, elles peuvent être utiles en Chine, elles peuvent être utiles en Inde, mais très clairement, parfois ces pratiques ne rencontrent pas leur public finalement parce qu'il y a des difficultés culturelles à leur usage.

  • Speaker #0

    Très bien. Et alors, pourquoi c'était si important de proposer ce cadre scientifique, cette dénomination précise ? Je sais que vous êtes très attaché au terme. particulièrement dans le domaine de la recherche, évidemment. Et pourquoi vous vous êtes intéressé à ça à titre personnel ?

  • Speaker #1

    Alors, il y a trois questions. La première question, pourquoi ? Parce qu'on a démarré avec un de mes maîtres qui s'appelle Christian Préfaut à faire des essais cliniques sur l'éducation thérapeutique. Tout le monde connaît le mot, et tout médecin généraliste connaît le mot éducation thérapeutique. Et on a travaillé sur une pathologie qui est très importante et très prévalente, qui est la BPCO. bronchopnéopathie chronique obstructive, sur lequel évidemment 80% est dû en particulier au tabagisme et entraîne une inflammation des bronches, amène une hypersécrétion et évidemment l'usage de médicaments complémentaires. Eh bien, on s'est rendu compte que si les recherches montraient que les médicaments étaient efficaces, notamment les bronchodilatateurs, la manière de l'utiliser n'était pas pertinente. Et donc, on s'est posé la question à comment faire pour démontrer l'efficacité d'un programme d'éducation thérapeutique. Pas simplement de recommander, attention, il faut que vous preniez bien votre médicament. C'est ce que fait un médecin généraliste tous les jours. Mais comment, pour les patients non observants, on peut clairement avoir un programme qui va être un peu plus spécifique, qui va lui permettre de sensibiliser à l'utilisation de médicaments, à l'activité physique, à la diététique. Et donc, on a fait un essai randomisé contre eux. contrôlée, ça date un peu, désolé, dans les années 2002, mais sur lequel on a effectivement pu démontrer que ce programme d'ETP avait donc en huit séances, avait une amélioration clinique du patient, une autonomie améliorée du patient, une qualité de vie améliorée et également une économie de 481 euros par an et par patient. De non-hospitalisation, de non-visite qui n'était pas programmée, bref, on a véritablement un bénéfice médico-économique. Et donc, de ce sujet-là, finalement, de protocoles qui sont immatériels, on s'est posé des questions sur d'autres types de pratiques. Vous avez évoqué, Mathieu, l'activité physique adaptée, des méthodes de kiné, les psychos. Finalement, c'est exactement la même perspective de dire qu'on peut arriver à faire des essais cliniques démontrant le bénéfice-risque de telle ou telle pratique. Et finalement, une fois qu'on l'a démontré, le problème des chercheurs, je suis un chercheur de ce travail collectif, ça cale une armoire, ça fait plaisir parce qu'on a fait une publication, mais ça ne sert pas. concrètement les praticiens, et c'est là où effectivement on est allé plus loin en disant que collectivement il fallait passer de travaux qui étaient finalement hétérogènes, qui étaient en fonction des pays pas forcément coordonnés, à un modèle standardisé d'évaluation, de validation et de dissémination de ces interventions non médicales honteuses.

  • Speaker #0

    C'est passionnant et je trouve ça extrêmement élégant d'étudier ça. J'ai l'impression que beaucoup de patients et maintenant de plus en plus de médecins ont envie de prescrire de moins en moins de médicaments. moi-même à titre de patient, je n'ai pas envie de consommer des médicaments. Je connais leur apport indispensable et quand c'est bien indiqué, évidemment, je les prends. Mais j'ai l'impression qu'on a de plus envie d'avoir des choses dans lesquelles on est impliqué, dans lesquelles il y a moins de chimie. Je trouve ça vraiment très, très élégant. Vous y avez consacré des années de votre vie. Et est-ce qu'il y a un financement pour ça ? Parce qu'on peut se dire qu'on peut aller étudier, il y a un champ qui est énorme, un champ d'études absolument énorme. Est-ce que vous avez des moyens d'aller monter des essais thérapeutiques pour montrer ce genre de choses ?

  • Speaker #1

    Alors, il y a trois points que j'aimerais aborder, parce que vous avez posé trois questions. La première question importante, c'est effectivement la question de la validation et du partage et de l'utilisation de ces interventions non médicamenteuses. Le mot symboliquement, intervention non médicamenteuse, pourrait vouloir dire anti-médicament. Et donc, comme vous l'avez évoqué, est-ce qu'il faut que ce soit une alternative aux médicaments ? La réponse est non. C'est au médecin généraliste de choisir si, parfois, pour un patient dans un contexte donné, il y a une combinaison entre un médicament et un INM. Parfois, effectivement, on peut démarrer par l'INM d'abord, et puis peut-être que finalement, on passera au médicament. Et parfois, effectivement, il n'y a que le médicament et l'INM pas équilibré. Vraiment, notre volonté dans la société savante qu'on a créée en 2021, après la création d'une plateforme universitaire en 2011, C'était l'enjeu de dire, il faut qu'on fasse une offre, un arsenal complémentaire. Vous avez un arsenal supplémentaire en tant que médecin généraliste et vous allez pouvoir l'utiliser. Et les seuls à savoir quelles sont les bonnes solutions pour les patients et pour quels patients, c'est vous. Donc, c'est vraiment ça un élément majeur. La deuxième partie, effectivement, de votre question sur la recherche et le financement de la recherche, c'est vrai qu'on a eu beaucoup de difficultés parce qu'on a été tous élevés au siècle dernier. avec l'idée que Pasteur nous a élevé dans cette logique un problème physiopathologique, une intervention ciblée sur ce modèle physiopathologique, dont le médicament, et une guérison. Oui, effectivement, au siècle dernier, on a trouvé les très bonnes solutions pour un problème, une solution médicamenteuse. Mais aujourd'hui, on voit bien que les produits de santé sont nécessaires, mais qu'il faut aussi des solutions ou des services immatériels. et que finalement, engager un patient à également agir sur sa santé est un élément important. Et donc, UnionM est un vecteur, finalement, le terme est empowerment, d'engagement du patient dans sa propre santé. Et effectivement, dans la recherche et dans le financement de la recherche, ça démarque depuis les années 2010. On avait, en gros, les autorités, une focalisation sur les produits et pas tellement sur les services. Et donc, tout l'enjeu, effectivement, de pouvoir qualifier et de pouvoir préciser quelles sont ces interventions et les tracer. Il se trouve que dans vos bases de données de médecins généralistes, vous avez à chaque fois un suivi extrêmement précis. du médicament, à quelle dose, quel produit, quelle molécule. En revanche, lorsque vous avez fait une prescription chez un kinésithérapeute, vous avez éventuellement la prescription chez le kiné. Vous avez éventuellement le nombre de séances. Mais qu'a-t-il fait ? Quel est le protocole qui a été suivi, par exemple, sur la lombalgie chronique commune, si vous avez prescrit ? Vous ne savez pas, parce que c'est le kiné qui fait des choses. Et parfois, hélas, le kiné réinvente la poudre et ça a été la troisième perspective de dire il est temps de... partager les bonnes pratiques à ces professionnels pour que les kinés, ils peuvent faire ce qu'ils veulent, ils peuvent inventer leurs pratiques, mais il y a des programmes qui ont fait leur preuve et qu'effectivement, si on fait une séance par semaine de kinésithérapie pour la lombalgie chronique, il est fort possible que ça n'ait pas d'impact. Ben non, exactement comme un médicament, il y a une dose et qu'il faut souvent qu'il y ait deux à trois séances par semaine pour avoir des impacts significatifs sur cette douleur lombaire.

  • Speaker #0

    C'est passionnant. Et est-ce qu'on a les moyens ? dans notre pays d'étudier ces protocoles ?

  • Speaker #1

    Oui, c'est une excellente question. On a effectivement les moyens depuis qu'on fait des études médico-économiques. Et c'est la raison pour laquelle, dans le modèle qu'on a établi, on a co-construit avec 1000 Français, dont deux professeurs des universités de médecine générale de Montpellier, je tiens à les citer, mais Béatrice Stonios et François Carbonell. Et donc, ce travail collectif avec 1000 personnes a été effectivement d'identifier un process de validation, à la fois par des études qui permettent de décrire une intervention, à la fois par des études qui vont permettre d'identifier les mécanismes, puis ensuite des études bénéfices-risques et en particulier qu'on appelle effectiveness, donc des études en vie réelle, et des études d'implémentation. On peut effectivement avoir des indicateurs d'effets économiques, des effets sanitaires, mais aussi des effets sociaux, par exemple le retour au travail plus précoce. Et donc, évidemment, des arrêts maladie qui vont être réduits. Et enfin, des impacts environnementaux. Exemple, celui qui a fait une NM liée à la lombalgie va peut-être prendre son vélo plus régulièrement et donc avoir un impact carbone parce que finalement, il est plus autonome plutôt que de prendre sa voiture. Et on voit que ces multimarqueurs sont très en faveur, notamment, de la réduction d'hospitalisation ou de durée d'hospitalisation ou de fréquence d'hospitalisation. Et donc, chez les maladies chroniques, je ne sais pas dans les... patients malades chroniques, à la fois diabète de type 2 et à la fois je travaille maintenant au centre anti-cancer de Montpellier, donc l'Institut du cancer de Montpellier, on voit que dans ces soins de support, effectivement, elles vont avoir des impacts, vous voyez, qui ne touchent pas uniquement des aspects strictement médicaux, mais aussi qui touchent des aspects sociaux, des aspects environnementaux et des aspects économiques de réduction en particulier des réhospitalisations. Et ce qui coûte cher, c'est les réhospitalisations en France.

  • Speaker #0

    Ok, c'est fascinant. C'est un domaine d'études qui est vraiment... très très intéressant. Du coup, Grégory, est-ce que vous pouvez m'expliquer quelles sont les différences méthodologiques majeures lorsqu'on étudie un médicament ou une INM ? Parce que dans ma tête, je me dis qu'un médicament, on peut l'étudier avec deux groupes contrôle, on fait deux cohorts, on donne un placebo, on peut donner une gélule et un placebo, le patient ne voit pas la différence, il y a un double aveugle, etc. On connaît, à la sortie de la fac, normalement, les grands standards des essais méthodologiques. Et j'ai l'impression que pour étudier une INM, il y a toujours un biais parce qu'on ne peut pas avoir vraiment de placebo. Si on étudie par exemple une séance de yoga, comment peut-on faire une cohorte comparative avec un placebo de yoga ? Ça, je ne le comprends pas. Et surtout, je me demande si méthodologiquement, on peut avoir la même robustesse pour prouver une efficacité d'une INM en regard d'une efficacité d'un médicament. Est-ce que vous pouvez me détailler, peut-être avec un petit peu de technique méthodologique, comment on peut designer ces essais ? pour prouver qu'une INM est efficace ?

  • Speaker #1

    Merci Mathieu de la question. C'est exactement ce que la Haute Autorité de Santé a écrit en 2011. Exactement ça. Dans un rapport d'une cinquantaine de pages, en disant aujourd'hui le standard c'est le médicament et effectivement les interventions non médicamenteuses, quelles qu'elles soient, ne font pas leur preuve d'efficacité vis-à-vis du DOCM qui est le process de validation. du médicament. Et je parle des phases, donc des phases mécanistiques, puis des phases cliniques avec un essai randomisé, contrôlé en double aveugle, puis ensuite donc une AMM, une autorisation de mise sur le marché, une autorisation et une distribution. Alors, on va prendre un exemple très concret. On a évoqué la méthode de kiné sur la lombagie chronique. Vous imaginez qu'on tire au sort et effectivement, le patient, dans cet essai clinique, pour démontrer l'efficacité, Je vais lui dire dans un bras, je vais vous sensibiliser par exemple à l'activité physique, vous devez plus bouger, manger moins gras, moins sucré, moins salé. Et pour le groupe qui a été tiré au sort, celui, le patient qui va être dans le groupe expérimental, intervention de la médicamenteuse, il va aller chez le kiné faire une méthode spécifique avec un nombre de séances. Comment voulez-vous lui cacher qu'il est chez le kiné ? C'est écrit sur la porte. Comment voulez-vous lui cacher qu'il y a un kiné face à lui ? Comment voulez-vous lui cacher que le protocole... Donc, il y avait là une absurdité sur laquelle notre... plateforme pendant dix ans réfléchissait à Montpellier sur ces questions-là, avec des patients, avec des praticiens, en disant qu'on ne pourra pas s'en sortir. Chaque fois, le produit aura de l'avance sur les services, sur les protocoles immatériels. Et c'est ce qui se retrouve notamment, pour ceux qui critiquent les interventions non médicamenteuses, dans les méta-analyses. On regarde les méta-analyses, oui, mais on compile une molécule qui est strictement la même à la même dose. Or, quand vous regardez par exemple les interventions qu'ils combinent, c'est des interventions psychosociales. Donc vous imaginez, on peut avoir la psychothérapie, l'éducation thérapeutique, on peut avoir plein de choses. Bref, on mélange à chaque fois dans les services des interventions qui n'ont rien à voir en termes de doses, en termes de quantité. Donc il a fallu faire ce brainstorming, deux ans, plus de 40 réunions, 1000 personnes, lire toute la littérature mondiale. et dire maintenant on va faire une étape participative de consensus avec un comité scientifique élargi, des méthodologistes, des biologistes, des sciences humaines, des praticiens, des représentants patients et pour dire effectivement comment on peut valider. Alors un des points particuliers, Mathieu vous l'avez dit, le yoga. Le yoga pour moi ça ne veut rien dire parce qu'il y a déjà 24 formes historiques de yoga. Et dans ces 24 formes historiques de yoga, il y a plein de protocoles de yoga. Donc, il a fallu convaincre la communauté de dire, avant que vous fassiez une étude d'efficacité de ce protocole de yoga, décrivez-moi quel est le protocole, combien de séances, dans quel contexte, pour quelle indication, quel est le professionnel qui le fait, dans, effectivement, quelque chose qui soit calibré. C'est ce qu'on a appelé les études prototypiques. On s'est inspiré... de modèles qui sont notamment développés aux États-Unis, là-dessus, en disant, vous devez arriver à publier un papier, une étude qui va décrire le protocole, comme un manuel, comme un mode d'emploi, si vous voulez, si j'essaie d'être schématique, un cahier des charges de l'intervention, si on prend l'exemple du protocole de yoga. Ensuite, il faut qu'il y ait des études mécanistiques. Y a-t-il des études mécanistiques qui montrent que ce protocole de yoga a effectivement des intérêts sur le plan physiologique et ou sur le plan psychosocial, qu'effectivement, sur le plan de la douleur, il y a eu des... Et là, on a insisté pour dire, attention, le problème, contrairement aux médicaments, et c'est là aussi une faiblesse, mais pas une faiblesse, c'est juste une différence. Ce n'est pas les mêmes solutions. Vous avez l'idée qu'une intervention non médicamenteuse mobilise plusieurs mécanismes en même temps. Un protocole de kiné, il joue aussi sur le cerveau, qu'on le veuille ou non, et il joue aussi sur la stimulation cognitive et autres. Donc, on ne peut pas dire qu'il n'a... uniquement qu'un effet musculaire ou qu'un effet articulaire ou qu'un effet cardiovasculaire. Donc il y a des mécanismes systémiques. Ensuite on a dit, et ce n'est pas nous, on s'est appuyé sur le plus grand chercheur dans les années 90 qui s'appelle Daniel Schwartz, qui est un grand chercheur, qui a dit il faut faire des études en vie réelle. Et ça va peut-être intéresser beaucoup votre communauté de médecins généralistes. On a souvent pensé des essais cliniques à l'hôpital avec des parfums... patientes criées sur le volet qui sont quasiment pures, mais que après les essais cliniques, dans la vraie vie, ils n'existent pas. Ils ont des comorbidités, ils ont des problèmes sociaux, ils ont différents problèmes et finalement, les résultats qu'on a sur la publication de l'essai clinique validant le médicament, ça ne marche pas. Et donc, Daniel Schwarz disait, il faut faire des études effectiveness. Et donc, c'est ce qu'on a fait dans nos recommandations et c'était vraiment un sujet majeur. Et le dernier point, c'est des études d'implémentation. Donc, des études d'implémentation, là, c'est inspiré du Canada. C'est inspiré de l'idée que ce n'est pas parce que ça marche au Canada, comme je l'ai évoqué en Chine, que ça marche nécessairement en France. Donc on recommande de faire une étude d'implémentation en France. Donc concrètement, aujourd'hui, effectivement, toutes ces caractéristiques sont remplies et on peut partager un cahier des charges, on va peut-être en parler, mais effectivement sur lequel on partage la connaissance, non plus sur le yoga, mais sur bien un protocole de yoga. spécifique avec 7 bibliaux indispensables pour que ce soit validé. Et donc c'est la raison pour laquelle, in fine, c'est ce qu'on dit et c'est pour ça qu'on travaille avec Lionel Collet et l'équipe de la Haute Autorité de Santé désormais, c'est de dire, bien sûr qu'il faut gradient très important et très rigoureux pour le médicament. Mais une intervention de médicamenteuse a le plus haut niveau de preuves. Mais pour un médecin, la chirurgie, on ne fait pas un essai randomisé contrôlé en double aveugle, en ouvrant un patient et en disant « non, attendez, on va voir » . Il y a un autre type de process de validation. Et vous avez vu arriver récemment, il y a un processus de validation pour les produits pharmaceutiques, il y a un processus de validation pour les dispositifs médicaux. pour les chirurgies et désormais, notre travail collectif permet depuis 2024 de dire aux chercheurs, vous avez une feuille de route finalement pour valider des interventions non médicamenteuses.

  • Speaker #0

    Très bien, c'est clair. Donc en fait, vous avez travaillé des années du rang pour modéliser une manière de prouver l'efficacité d'INM.

  • Speaker #1

    Il y a le même haut niveau de preuves et le maximum de preuves qu'on peut donner à l'efficacité. mais pas qu'à l'efficacité, également au fait qu'il soit explicable, au fait qu'elle soit décrite et au fait qu'elle soit implémentable. Donc en gros, on a le meilleur niveau de preuve que cette intervention est efficace. Reste après au praticien, au prescripteur, de dire oui, je prends cette solution et on ne veut pas en faire une obligation d'utilisation. Évidemment, à chaque fois, ça va être le prescripteur qui va se retrouver, si vous voulez, avec un Vidal des INM, et puis finalement, il va composer en fonction des patients, en fonction de la volonté des patients, en fonction de la disponibilité des praticiens, mais il y aura au moins un cadre de sécurité, et on va sûrement en parler, de la question de la traçabilité avec un code unique de ces interventions.

  • Speaker #0

    Bravo, vous êtes bien arrivé à la fin de cette partie. La suite vous attend dans le prochain épisode. Pour ne rien manquer de Superdocteur, pensez à vous abonner dès maintenant à ce podcast. Si vous aimez mon travail, le meilleur moyen de me soutenir, c'est d'en parler autour de vous. à vos consoeurs ou vos confrères. Enfin, un petit geste qui fait une grande différence. Laissez-moi une belle note de 5 étoiles sur votre application de podcast préférée. Ça m'encourage énormément et ça aide d'autres médecins à découvrir Superdocteur et partager ensemble des idées pour améliorer nos soins et enrichir nos pratiques. À très vite sur le podcast !

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Il consacre depuis 20 ans ses recherches à structurer un véritable cadre de validation pour ces pratiques longtemps marginalisées, dans le but de les intégrer aux parcours de soins avec la même exigence que les médicaments.


Dans cet épisode, nous avons abordé :

  • La définition rigoureuse des INM (et ce qu’elles ne sont pas)

  • Les 5 critères fondamentaux à remplir pour qu’une pratique soit reconnue comme INM

  • Les différences méthodologiques majeures entre les études sur les médicaments et celles sur les INM

  • Pourquoi le modèle classique en double aveugle n’est pas adapté aux INM

  • Le fonctionnement du référentiel national des INM (référentielinm.org)

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    Bienvenue dans Superdocteur, le podcast des médecins généralistes qui redonne de la noblesse à notre métier pour soigner mieux différemment. Aujourd'hui, nous allons parler d'un enjeu central de la médecine de demain, les interventions non médicamenteuses ou INM. De plus en plus de patients ayant recours, activités physiques adaptées, hypnose, méditation. Mais comment faire la part entre les effets réels et les promesses floues ? Quelles pratiques sont fondées scientifiquement ? Et comment les médecins peuvent-ils les intégrer dans leurs prescriptions ? complément des traitements classiques. Pour répondre à ces questions passionnantes, j'ai l'immense plaisir d'accueillir Grégory Nino, professeur à l'université de Montpellier, directeur adjoint de l'Institut des Brest, d'épidémiologie et de santé publique, et président de la Non Pharmacological Intervention Society. Chercheur reconnu, il a consacré sa carrière à bâtir un cadre scientifique rigoureux pour ses approches longtemps négligées. Son travail, soutenu par l'Inserm, vise à structurer et évaluer les INM avec les mêmes exigences méthodologiques que celles qu'on impose au traitement médicamenteux. Un travail fondamental pour rendre ces pratiques crédibles, mesurables, intégrables dans les parcours de soins et peut-être demain remboursables. Dans cet épisode, on va explorer ensemble ce que sont réellement les INM, en quoi leur évaluation diffère d'un médicament et lesquels sont les plus utiles pour les médecins généralistes. Bonjour Grégory.

  • Speaker #1

    Bonjour Mathieu.

  • Speaker #0

    Merci beaucoup. d'être avec moi aujourd'hui. Pour commencer simplement, est-ce que vous pouvez me rappeler ce qu'on nomme exactement une intervention non médicamenteuse ou INM et en quoi ces fameuses INM se distinguent des approches dites naturelles, douces ou des médecines complémentaires et alternatives ?

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    Alors le mot INM, il est ancien. L'OMS parle d'intervention non médicamenteuse depuis 2003. La Haute Autorité de Santé parle d'intervention non médicamenteuse depuis 2011 et d'autres. organisations et autorités l'évoquent, y compris la Commission européenne. C'est un protocole de prévention santé ou de soins efficaces, personnalisés, non-invasifs, référencés, encadrés par un professionnel qualifié. Voilà la définition officielle de la société savante dont vous avez voulu parler, la NPIS. Mais tout l'enjeu pour un médecin généraliste, c'est comprendre 5 principes. 1. Elle est décrite. Ça veut dire qu'on connaît le protocole, le début, le milieu et la fin, le contenu. l'indication, l'objectif, etc. Elle est explicable par des études mécanistiques, ça veut dire qu'il y a des mécanismes qui sont d'ordre physiologique et d'ordre potentiellement psychosocial également, donc neuropsycho par exemple. Elle est efficace, ça veut dire qu'il y a eu des essais cliniques qui ont pu démontrer sa balance bénéfice-risque. Elle est sûre et elle est implémentable en France. Voilà schématiquement ce qu'est une définition conventionnelle aujourd'hui et consensuelle des INL. Donc c'est...

  • Speaker #0

    Ce n'est pas de la médecine alternative, ce n'est pas de la médecine douce, ce n'est pas tout ça à ce que je comprends.

  • Speaker #1

    Voilà, il y a eu, et notamment on l'a vu à travers la Covid, et les médecins généralistes ont été les premiers à subir aussi cette vague, de plein de mots de type médecine douce, médecine naturelle, médecine non conventionnelle, médecine traditionnelle, médecine... Bref, on en a trouvé à peu près une centaine de mots. Et effectivement, le problème, c'est que ces pratiques qui sont aujourd'hui... termes et pratiques non conventionnelles de soins, ne répondent pas aux cinq critères dont j'ai parlé. Elles ne sont pas très décrites, elles peuvent être des approches, mais elles peuvent être aussi parfois des systèmes de pensée. La médecine chinoise, c'est à la fois des diagnostics, avec des diagnostics alternatifs à la médecine occidentale ou fondée sur les preuves, mais après, il peut y avoir des traitements qui sont non efficaces. Deuxième élément, elles sont souvent peu explicables, on n'a pas d'explication aussi rationnelle qu'on veut bien le dire. D'autre part, il y a peu d'études. d'essais cliniques démontrant leur efficacité. Il n'y a pas non plus d'études sur la sécurité, ou rarement, et elles ne sont parfois pas implémentables dans le pays. Évidemment, en France, elles peuvent être utiles en Chine, elles peuvent être utiles en Inde, mais très clairement, parfois ces pratiques ne rencontrent pas leur public finalement parce qu'il y a des difficultés culturelles à leur usage.

  • Speaker #0

    Très bien. Et alors, pourquoi c'était si important de proposer ce cadre scientifique, cette dénomination précise ? Je sais que vous êtes très attaché au terme. particulièrement dans le domaine de la recherche, évidemment. Et pourquoi vous vous êtes intéressé à ça à titre personnel ?

  • Speaker #1

    Alors, il y a trois questions. La première question, pourquoi ? Parce qu'on a démarré avec un de mes maîtres qui s'appelle Christian Préfaut à faire des essais cliniques sur l'éducation thérapeutique. Tout le monde connaît le mot, et tout médecin généraliste connaît le mot éducation thérapeutique. Et on a travaillé sur une pathologie qui est très importante et très prévalente, qui est la BPCO. bronchopnéopathie chronique obstructive, sur lequel évidemment 80% est dû en particulier au tabagisme et entraîne une inflammation des bronches, amène une hypersécrétion et évidemment l'usage de médicaments complémentaires. Eh bien, on s'est rendu compte que si les recherches montraient que les médicaments étaient efficaces, notamment les bronchodilatateurs, la manière de l'utiliser n'était pas pertinente. Et donc, on s'est posé la question à comment faire pour démontrer l'efficacité d'un programme d'éducation thérapeutique. Pas simplement de recommander, attention, il faut que vous preniez bien votre médicament. C'est ce que fait un médecin généraliste tous les jours. Mais comment, pour les patients non observants, on peut clairement avoir un programme qui va être un peu plus spécifique, qui va lui permettre de sensibiliser à l'utilisation de médicaments, à l'activité physique, à la diététique. Et donc, on a fait un essai randomisé contre eux. contrôlée, ça date un peu, désolé, dans les années 2002, mais sur lequel on a effectivement pu démontrer que ce programme d'ETP avait donc en huit séances, avait une amélioration clinique du patient, une autonomie améliorée du patient, une qualité de vie améliorée et également une économie de 481 euros par an et par patient. De non-hospitalisation, de non-visite qui n'était pas programmée, bref, on a véritablement un bénéfice médico-économique. Et donc, de ce sujet-là, finalement, de protocoles qui sont immatériels, on s'est posé des questions sur d'autres types de pratiques. Vous avez évoqué, Mathieu, l'activité physique adaptée, des méthodes de kiné, les psychos. Finalement, c'est exactement la même perspective de dire qu'on peut arriver à faire des essais cliniques démontrant le bénéfice-risque de telle ou telle pratique. Et finalement, une fois qu'on l'a démontré, le problème des chercheurs, je suis un chercheur de ce travail collectif, ça cale une armoire, ça fait plaisir parce qu'on a fait une publication, mais ça ne sert pas. concrètement les praticiens, et c'est là où effectivement on est allé plus loin en disant que collectivement il fallait passer de travaux qui étaient finalement hétérogènes, qui étaient en fonction des pays pas forcément coordonnés, à un modèle standardisé d'évaluation, de validation et de dissémination de ces interventions non médicales honteuses.

  • Speaker #0

    C'est passionnant et je trouve ça extrêmement élégant d'étudier ça. J'ai l'impression que beaucoup de patients et maintenant de plus en plus de médecins ont envie de prescrire de moins en moins de médicaments. moi-même à titre de patient, je n'ai pas envie de consommer des médicaments. Je connais leur apport indispensable et quand c'est bien indiqué, évidemment, je les prends. Mais j'ai l'impression qu'on a de plus envie d'avoir des choses dans lesquelles on est impliqué, dans lesquelles il y a moins de chimie. Je trouve ça vraiment très, très élégant. Vous y avez consacré des années de votre vie. Et est-ce qu'il y a un financement pour ça ? Parce qu'on peut se dire qu'on peut aller étudier, il y a un champ qui est énorme, un champ d'études absolument énorme. Est-ce que vous avez des moyens d'aller monter des essais thérapeutiques pour montrer ce genre de choses ?

  • Speaker #1

    Alors, il y a trois points que j'aimerais aborder, parce que vous avez posé trois questions. La première question importante, c'est effectivement la question de la validation et du partage et de l'utilisation de ces interventions non médicamenteuses. Le mot symboliquement, intervention non médicamenteuse, pourrait vouloir dire anti-médicament. Et donc, comme vous l'avez évoqué, est-ce qu'il faut que ce soit une alternative aux médicaments ? La réponse est non. C'est au médecin généraliste de choisir si, parfois, pour un patient dans un contexte donné, il y a une combinaison entre un médicament et un INM. Parfois, effectivement, on peut démarrer par l'INM d'abord, et puis peut-être que finalement, on passera au médicament. Et parfois, effectivement, il n'y a que le médicament et l'INM pas équilibré. Vraiment, notre volonté dans la société savante qu'on a créée en 2021, après la création d'une plateforme universitaire en 2011, C'était l'enjeu de dire, il faut qu'on fasse une offre, un arsenal complémentaire. Vous avez un arsenal supplémentaire en tant que médecin généraliste et vous allez pouvoir l'utiliser. Et les seuls à savoir quelles sont les bonnes solutions pour les patients et pour quels patients, c'est vous. Donc, c'est vraiment ça un élément majeur. La deuxième partie, effectivement, de votre question sur la recherche et le financement de la recherche, c'est vrai qu'on a eu beaucoup de difficultés parce qu'on a été tous élevés au siècle dernier. avec l'idée que Pasteur nous a élevé dans cette logique un problème physiopathologique, une intervention ciblée sur ce modèle physiopathologique, dont le médicament, et une guérison. Oui, effectivement, au siècle dernier, on a trouvé les très bonnes solutions pour un problème, une solution médicamenteuse. Mais aujourd'hui, on voit bien que les produits de santé sont nécessaires, mais qu'il faut aussi des solutions ou des services immatériels. et que finalement, engager un patient à également agir sur sa santé est un élément important. Et donc, UnionM est un vecteur, finalement, le terme est empowerment, d'engagement du patient dans sa propre santé. Et effectivement, dans la recherche et dans le financement de la recherche, ça démarque depuis les années 2010. On avait, en gros, les autorités, une focalisation sur les produits et pas tellement sur les services. Et donc, tout l'enjeu, effectivement, de pouvoir qualifier et de pouvoir préciser quelles sont ces interventions et les tracer. Il se trouve que dans vos bases de données de médecins généralistes, vous avez à chaque fois un suivi extrêmement précis. du médicament, à quelle dose, quel produit, quelle molécule. En revanche, lorsque vous avez fait une prescription chez un kinésithérapeute, vous avez éventuellement la prescription chez le kiné. Vous avez éventuellement le nombre de séances. Mais qu'a-t-il fait ? Quel est le protocole qui a été suivi, par exemple, sur la lombalgie chronique commune, si vous avez prescrit ? Vous ne savez pas, parce que c'est le kiné qui fait des choses. Et parfois, hélas, le kiné réinvente la poudre et ça a été la troisième perspective de dire il est temps de... partager les bonnes pratiques à ces professionnels pour que les kinés, ils peuvent faire ce qu'ils veulent, ils peuvent inventer leurs pratiques, mais il y a des programmes qui ont fait leur preuve et qu'effectivement, si on fait une séance par semaine de kinésithérapie pour la lombalgie chronique, il est fort possible que ça n'ait pas d'impact. Ben non, exactement comme un médicament, il y a une dose et qu'il faut souvent qu'il y ait deux à trois séances par semaine pour avoir des impacts significatifs sur cette douleur lombaire.

  • Speaker #0

    C'est passionnant. Et est-ce qu'on a les moyens ? dans notre pays d'étudier ces protocoles ?

  • Speaker #1

    Oui, c'est une excellente question. On a effectivement les moyens depuis qu'on fait des études médico-économiques. Et c'est la raison pour laquelle, dans le modèle qu'on a établi, on a co-construit avec 1000 Français, dont deux professeurs des universités de médecine générale de Montpellier, je tiens à les citer, mais Béatrice Stonios et François Carbonell. Et donc, ce travail collectif avec 1000 personnes a été effectivement d'identifier un process de validation, à la fois par des études qui permettent de décrire une intervention, à la fois par des études qui vont permettre d'identifier les mécanismes, puis ensuite des études bénéfices-risques et en particulier qu'on appelle effectiveness, donc des études en vie réelle, et des études d'implémentation. On peut effectivement avoir des indicateurs d'effets économiques, des effets sanitaires, mais aussi des effets sociaux, par exemple le retour au travail plus précoce. Et donc, évidemment, des arrêts maladie qui vont être réduits. Et enfin, des impacts environnementaux. Exemple, celui qui a fait une NM liée à la lombalgie va peut-être prendre son vélo plus régulièrement et donc avoir un impact carbone parce que finalement, il est plus autonome plutôt que de prendre sa voiture. Et on voit que ces multimarqueurs sont très en faveur, notamment, de la réduction d'hospitalisation ou de durée d'hospitalisation ou de fréquence d'hospitalisation. Et donc, chez les maladies chroniques, je ne sais pas dans les... patients malades chroniques, à la fois diabète de type 2 et à la fois je travaille maintenant au centre anti-cancer de Montpellier, donc l'Institut du cancer de Montpellier, on voit que dans ces soins de support, effectivement, elles vont avoir des impacts, vous voyez, qui ne touchent pas uniquement des aspects strictement médicaux, mais aussi qui touchent des aspects sociaux, des aspects environnementaux et des aspects économiques de réduction en particulier des réhospitalisations. Et ce qui coûte cher, c'est les réhospitalisations en France.

  • Speaker #0

    Ok, c'est fascinant. C'est un domaine d'études qui est vraiment... très très intéressant. Du coup, Grégory, est-ce que vous pouvez m'expliquer quelles sont les différences méthodologiques majeures lorsqu'on étudie un médicament ou une INM ? Parce que dans ma tête, je me dis qu'un médicament, on peut l'étudier avec deux groupes contrôle, on fait deux cohorts, on donne un placebo, on peut donner une gélule et un placebo, le patient ne voit pas la différence, il y a un double aveugle, etc. On connaît, à la sortie de la fac, normalement, les grands standards des essais méthodologiques. Et j'ai l'impression que pour étudier une INM, il y a toujours un biais parce qu'on ne peut pas avoir vraiment de placebo. Si on étudie par exemple une séance de yoga, comment peut-on faire une cohorte comparative avec un placebo de yoga ? Ça, je ne le comprends pas. Et surtout, je me demande si méthodologiquement, on peut avoir la même robustesse pour prouver une efficacité d'une INM en regard d'une efficacité d'un médicament. Est-ce que vous pouvez me détailler, peut-être avec un petit peu de technique méthodologique, comment on peut designer ces essais ? pour prouver qu'une INM est efficace ?

  • Speaker #1

    Merci Mathieu de la question. C'est exactement ce que la Haute Autorité de Santé a écrit en 2011. Exactement ça. Dans un rapport d'une cinquantaine de pages, en disant aujourd'hui le standard c'est le médicament et effectivement les interventions non médicamenteuses, quelles qu'elles soient, ne font pas leur preuve d'efficacité vis-à-vis du DOCM qui est le process de validation. du médicament. Et je parle des phases, donc des phases mécanistiques, puis des phases cliniques avec un essai randomisé, contrôlé en double aveugle, puis ensuite donc une AMM, une autorisation de mise sur le marché, une autorisation et une distribution. Alors, on va prendre un exemple très concret. On a évoqué la méthode de kiné sur la lombagie chronique. Vous imaginez qu'on tire au sort et effectivement, le patient, dans cet essai clinique, pour démontrer l'efficacité, Je vais lui dire dans un bras, je vais vous sensibiliser par exemple à l'activité physique, vous devez plus bouger, manger moins gras, moins sucré, moins salé. Et pour le groupe qui a été tiré au sort, celui, le patient qui va être dans le groupe expérimental, intervention de la médicamenteuse, il va aller chez le kiné faire une méthode spécifique avec un nombre de séances. Comment voulez-vous lui cacher qu'il est chez le kiné ? C'est écrit sur la porte. Comment voulez-vous lui cacher qu'il y a un kiné face à lui ? Comment voulez-vous lui cacher que le protocole... Donc, il y avait là une absurdité sur laquelle notre... plateforme pendant dix ans réfléchissait à Montpellier sur ces questions-là, avec des patients, avec des praticiens, en disant qu'on ne pourra pas s'en sortir. Chaque fois, le produit aura de l'avance sur les services, sur les protocoles immatériels. Et c'est ce qui se retrouve notamment, pour ceux qui critiquent les interventions non médicamenteuses, dans les méta-analyses. On regarde les méta-analyses, oui, mais on compile une molécule qui est strictement la même à la même dose. Or, quand vous regardez par exemple les interventions qu'ils combinent, c'est des interventions psychosociales. Donc vous imaginez, on peut avoir la psychothérapie, l'éducation thérapeutique, on peut avoir plein de choses. Bref, on mélange à chaque fois dans les services des interventions qui n'ont rien à voir en termes de doses, en termes de quantité. Donc il a fallu faire ce brainstorming, deux ans, plus de 40 réunions, 1000 personnes, lire toute la littérature mondiale. et dire maintenant on va faire une étape participative de consensus avec un comité scientifique élargi, des méthodologistes, des biologistes, des sciences humaines, des praticiens, des représentants patients et pour dire effectivement comment on peut valider. Alors un des points particuliers, Mathieu vous l'avez dit, le yoga. Le yoga pour moi ça ne veut rien dire parce qu'il y a déjà 24 formes historiques de yoga. Et dans ces 24 formes historiques de yoga, il y a plein de protocoles de yoga. Donc, il a fallu convaincre la communauté de dire, avant que vous fassiez une étude d'efficacité de ce protocole de yoga, décrivez-moi quel est le protocole, combien de séances, dans quel contexte, pour quelle indication, quel est le professionnel qui le fait, dans, effectivement, quelque chose qui soit calibré. C'est ce qu'on a appelé les études prototypiques. On s'est inspiré... de modèles qui sont notamment développés aux États-Unis, là-dessus, en disant, vous devez arriver à publier un papier, une étude qui va décrire le protocole, comme un manuel, comme un mode d'emploi, si vous voulez, si j'essaie d'être schématique, un cahier des charges de l'intervention, si on prend l'exemple du protocole de yoga. Ensuite, il faut qu'il y ait des études mécanistiques. Y a-t-il des études mécanistiques qui montrent que ce protocole de yoga a effectivement des intérêts sur le plan physiologique et ou sur le plan psychosocial, qu'effectivement, sur le plan de la douleur, il y a eu des... Et là, on a insisté pour dire, attention, le problème, contrairement aux médicaments, et c'est là aussi une faiblesse, mais pas une faiblesse, c'est juste une différence. Ce n'est pas les mêmes solutions. Vous avez l'idée qu'une intervention non médicamenteuse mobilise plusieurs mécanismes en même temps. Un protocole de kiné, il joue aussi sur le cerveau, qu'on le veuille ou non, et il joue aussi sur la stimulation cognitive et autres. Donc, on ne peut pas dire qu'il n'a... uniquement qu'un effet musculaire ou qu'un effet articulaire ou qu'un effet cardiovasculaire. Donc il y a des mécanismes systémiques. Ensuite on a dit, et ce n'est pas nous, on s'est appuyé sur le plus grand chercheur dans les années 90 qui s'appelle Daniel Schwartz, qui est un grand chercheur, qui a dit il faut faire des études en vie réelle. Et ça va peut-être intéresser beaucoup votre communauté de médecins généralistes. On a souvent pensé des essais cliniques à l'hôpital avec des parfums... patientes criées sur le volet qui sont quasiment pures, mais que après les essais cliniques, dans la vraie vie, ils n'existent pas. Ils ont des comorbidités, ils ont des problèmes sociaux, ils ont différents problèmes et finalement, les résultats qu'on a sur la publication de l'essai clinique validant le médicament, ça ne marche pas. Et donc, Daniel Schwarz disait, il faut faire des études effectiveness. Et donc, c'est ce qu'on a fait dans nos recommandations et c'était vraiment un sujet majeur. Et le dernier point, c'est des études d'implémentation. Donc, des études d'implémentation, là, c'est inspiré du Canada. C'est inspiré de l'idée que ce n'est pas parce que ça marche au Canada, comme je l'ai évoqué en Chine, que ça marche nécessairement en France. Donc on recommande de faire une étude d'implémentation en France. Donc concrètement, aujourd'hui, effectivement, toutes ces caractéristiques sont remplies et on peut partager un cahier des charges, on va peut-être en parler, mais effectivement sur lequel on partage la connaissance, non plus sur le yoga, mais sur bien un protocole de yoga. spécifique avec 7 bibliaux indispensables pour que ce soit validé. Et donc c'est la raison pour laquelle, in fine, c'est ce qu'on dit et c'est pour ça qu'on travaille avec Lionel Collet et l'équipe de la Haute Autorité de Santé désormais, c'est de dire, bien sûr qu'il faut gradient très important et très rigoureux pour le médicament. Mais une intervention de médicamenteuse a le plus haut niveau de preuves. Mais pour un médecin, la chirurgie, on ne fait pas un essai randomisé contrôlé en double aveugle, en ouvrant un patient et en disant « non, attendez, on va voir » . Il y a un autre type de process de validation. Et vous avez vu arriver récemment, il y a un processus de validation pour les produits pharmaceutiques, il y a un processus de validation pour les dispositifs médicaux. pour les chirurgies et désormais, notre travail collectif permet depuis 2024 de dire aux chercheurs, vous avez une feuille de route finalement pour valider des interventions non médicamenteuses.

  • Speaker #0

    Très bien, c'est clair. Donc en fait, vous avez travaillé des années du rang pour modéliser une manière de prouver l'efficacité d'INM.

  • Speaker #1

    Il y a le même haut niveau de preuves et le maximum de preuves qu'on peut donner à l'efficacité. mais pas qu'à l'efficacité, également au fait qu'il soit explicable, au fait qu'elle soit décrite et au fait qu'elle soit implémentable. Donc en gros, on a le meilleur niveau de preuve que cette intervention est efficace. Reste après au praticien, au prescripteur, de dire oui, je prends cette solution et on ne veut pas en faire une obligation d'utilisation. Évidemment, à chaque fois, ça va être le prescripteur qui va se retrouver, si vous voulez, avec un Vidal des INM, et puis finalement, il va composer en fonction des patients, en fonction de la volonté des patients, en fonction de la disponibilité des praticiens, mais il y aura au moins un cadre de sécurité, et on va sûrement en parler, de la question de la traçabilité avec un code unique de ces interventions.

  • Speaker #0

    Bravo, vous êtes bien arrivé à la fin de cette partie. La suite vous attend dans le prochain épisode. Pour ne rien manquer de Superdocteur, pensez à vous abonner dès maintenant à ce podcast. Si vous aimez mon travail, le meilleur moyen de me soutenir, c'est d'en parler autour de vous. à vos consoeurs ou vos confrères. Enfin, un petit geste qui fait une grande différence. Laissez-moi une belle note de 5 étoiles sur votre application de podcast préférée. Ça m'encourage énormément et ça aide d'autres médecins à découvrir Superdocteur et partager ensemble des idées pour améliorer nos soins et enrichir nos pratiques. À très vite sur le podcast !

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Les interventions non médicamenteuses : comment les intégrer en médecine générale ?


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Et si nous avions à portée de main des outils validés pour accompagner nos patients autrement qu’avec des prescriptions médicamenteuses ?
C’est tout l’enjeu des interventions non médicamenteuses (INM) : des pratiques rigoureusement définies, évaluées scientifiquement, et de plus en plus soutenues par les autorités de santé.

Pour en parler, j’ai eu l’immense plaisir de recevoir le Professeur Grégory Ninot, professeur à l’Université de Montpellier, directeur adjoint de l’Institut Desbrest d’Épidémiologie et de Santé Publique (INSERM) et président de la Non-Pharmacological Intervention Society (NPIS).
Il consacre depuis 20 ans ses recherches à structurer un véritable cadre de validation pour ces pratiques longtemps marginalisées, dans le but de les intégrer aux parcours de soins avec la même exigence que les médicaments.


Dans cet épisode, nous avons abordé :

  • La définition rigoureuse des INM (et ce qu’elles ne sont pas)

  • Les 5 critères fondamentaux à remplir pour qu’une pratique soit reconnue comme INM

  • Les différences méthodologiques majeures entre les études sur les médicaments et celles sur les INM

  • Pourquoi le modèle classique en double aveugle n’est pas adapté aux INM

  • Le fonctionnement du référentiel national des INM (référentielinm.org)

  • Des exemples concrets d’INM utiles en cabinet : TCC pour l’insomnie, programme Otago contre les chutes, ETP pour les traitements oraux du cancer…

  • Les perspectives de financement par l’Assurance Maladie et les mutuelles

  • Et les grands objectifs de la recherche dans les 10 prochaines années


Un épisode à la fois scientifique, critique et très pratique pour tous les médecins qui souhaitent élargir leur arsenal thérapeutique sans compromis sur la rigueur.


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Transcription

  • Speaker #0

    Bienvenue dans Superdocteur, le podcast des médecins généralistes qui redonne de la noblesse à notre métier pour soigner mieux différemment. Aujourd'hui, nous allons parler d'un enjeu central de la médecine de demain, les interventions non médicamenteuses ou INM. De plus en plus de patients ayant recours, activités physiques adaptées, hypnose, méditation. Mais comment faire la part entre les effets réels et les promesses floues ? Quelles pratiques sont fondées scientifiquement ? Et comment les médecins peuvent-ils les intégrer dans leurs prescriptions ? complément des traitements classiques. Pour répondre à ces questions passionnantes, j'ai l'immense plaisir d'accueillir Grégory Nino, professeur à l'université de Montpellier, directeur adjoint de l'Institut des Brest, d'épidémiologie et de santé publique, et président de la Non Pharmacological Intervention Society. Chercheur reconnu, il a consacré sa carrière à bâtir un cadre scientifique rigoureux pour ses approches longtemps négligées. Son travail, soutenu par l'Inserm, vise à structurer et évaluer les INM avec les mêmes exigences méthodologiques que celles qu'on impose au traitement médicamenteux. Un travail fondamental pour rendre ces pratiques crédibles, mesurables, intégrables dans les parcours de soins et peut-être demain remboursables. Dans cet épisode, on va explorer ensemble ce que sont réellement les INM, en quoi leur évaluation diffère d'un médicament et lesquels sont les plus utiles pour les médecins généralistes. Bonjour Grégory.

  • Speaker #1

    Bonjour Mathieu.

  • Speaker #0

    Merci beaucoup. d'être avec moi aujourd'hui. Pour commencer simplement, est-ce que vous pouvez me rappeler ce qu'on nomme exactement une intervention non médicamenteuse ou INM et en quoi ces fameuses INM se distinguent des approches dites naturelles, douces ou des médecines complémentaires et alternatives ?

  • Speaker #1

    Alors le mot INM, il est ancien. L'OMS parle d'intervention non médicamenteuse depuis 2003. La Haute Autorité de Santé parle d'intervention non médicamenteuse depuis 2011 et d'autres. organisations et autorités l'évoquent, y compris la Commission européenne. C'est un protocole de prévention santé ou de soins efficaces, personnalisés, non-invasifs, référencés, encadrés par un professionnel qualifié. Voilà la définition officielle de la société savante dont vous avez voulu parler, la NPIS. Mais tout l'enjeu pour un médecin généraliste, c'est comprendre 5 principes. 1. Elle est décrite. Ça veut dire qu'on connaît le protocole, le début, le milieu et la fin, le contenu. l'indication, l'objectif, etc. Elle est explicable par des études mécanistiques, ça veut dire qu'il y a des mécanismes qui sont d'ordre physiologique et d'ordre potentiellement psychosocial également, donc neuropsycho par exemple. Elle est efficace, ça veut dire qu'il y a eu des essais cliniques qui ont pu démontrer sa balance bénéfice-risque. Elle est sûre et elle est implémentable en France. Voilà schématiquement ce qu'est une définition conventionnelle aujourd'hui et consensuelle des INL. Donc c'est...

  • Speaker #0

    Ce n'est pas de la médecine alternative, ce n'est pas de la médecine douce, ce n'est pas tout ça à ce que je comprends.

  • Speaker #1

    Voilà, il y a eu, et notamment on l'a vu à travers la Covid, et les médecins généralistes ont été les premiers à subir aussi cette vague, de plein de mots de type médecine douce, médecine naturelle, médecine non conventionnelle, médecine traditionnelle, médecine... Bref, on en a trouvé à peu près une centaine de mots. Et effectivement, le problème, c'est que ces pratiques qui sont aujourd'hui... termes et pratiques non conventionnelles de soins, ne répondent pas aux cinq critères dont j'ai parlé. Elles ne sont pas très décrites, elles peuvent être des approches, mais elles peuvent être aussi parfois des systèmes de pensée. La médecine chinoise, c'est à la fois des diagnostics, avec des diagnostics alternatifs à la médecine occidentale ou fondée sur les preuves, mais après, il peut y avoir des traitements qui sont non efficaces. Deuxième élément, elles sont souvent peu explicables, on n'a pas d'explication aussi rationnelle qu'on veut bien le dire. D'autre part, il y a peu d'études. d'essais cliniques démontrant leur efficacité. Il n'y a pas non plus d'études sur la sécurité, ou rarement, et elles ne sont parfois pas implémentables dans le pays. Évidemment, en France, elles peuvent être utiles en Chine, elles peuvent être utiles en Inde, mais très clairement, parfois ces pratiques ne rencontrent pas leur public finalement parce qu'il y a des difficultés culturelles à leur usage.

  • Speaker #0

    Très bien. Et alors, pourquoi c'était si important de proposer ce cadre scientifique, cette dénomination précise ? Je sais que vous êtes très attaché au terme. particulièrement dans le domaine de la recherche, évidemment. Et pourquoi vous vous êtes intéressé à ça à titre personnel ?

  • Speaker #1

    Alors, il y a trois questions. La première question, pourquoi ? Parce qu'on a démarré avec un de mes maîtres qui s'appelle Christian Préfaut à faire des essais cliniques sur l'éducation thérapeutique. Tout le monde connaît le mot, et tout médecin généraliste connaît le mot éducation thérapeutique. Et on a travaillé sur une pathologie qui est très importante et très prévalente, qui est la BPCO. bronchopnéopathie chronique obstructive, sur lequel évidemment 80% est dû en particulier au tabagisme et entraîne une inflammation des bronches, amène une hypersécrétion et évidemment l'usage de médicaments complémentaires. Eh bien, on s'est rendu compte que si les recherches montraient que les médicaments étaient efficaces, notamment les bronchodilatateurs, la manière de l'utiliser n'était pas pertinente. Et donc, on s'est posé la question à comment faire pour démontrer l'efficacité d'un programme d'éducation thérapeutique. Pas simplement de recommander, attention, il faut que vous preniez bien votre médicament. C'est ce que fait un médecin généraliste tous les jours. Mais comment, pour les patients non observants, on peut clairement avoir un programme qui va être un peu plus spécifique, qui va lui permettre de sensibiliser à l'utilisation de médicaments, à l'activité physique, à la diététique. Et donc, on a fait un essai randomisé contre eux. contrôlée, ça date un peu, désolé, dans les années 2002, mais sur lequel on a effectivement pu démontrer que ce programme d'ETP avait donc en huit séances, avait une amélioration clinique du patient, une autonomie améliorée du patient, une qualité de vie améliorée et également une économie de 481 euros par an et par patient. De non-hospitalisation, de non-visite qui n'était pas programmée, bref, on a véritablement un bénéfice médico-économique. Et donc, de ce sujet-là, finalement, de protocoles qui sont immatériels, on s'est posé des questions sur d'autres types de pratiques. Vous avez évoqué, Mathieu, l'activité physique adaptée, des méthodes de kiné, les psychos. Finalement, c'est exactement la même perspective de dire qu'on peut arriver à faire des essais cliniques démontrant le bénéfice-risque de telle ou telle pratique. Et finalement, une fois qu'on l'a démontré, le problème des chercheurs, je suis un chercheur de ce travail collectif, ça cale une armoire, ça fait plaisir parce qu'on a fait une publication, mais ça ne sert pas. concrètement les praticiens, et c'est là où effectivement on est allé plus loin en disant que collectivement il fallait passer de travaux qui étaient finalement hétérogènes, qui étaient en fonction des pays pas forcément coordonnés, à un modèle standardisé d'évaluation, de validation et de dissémination de ces interventions non médicales honteuses.

  • Speaker #0

    C'est passionnant et je trouve ça extrêmement élégant d'étudier ça. J'ai l'impression que beaucoup de patients et maintenant de plus en plus de médecins ont envie de prescrire de moins en moins de médicaments. moi-même à titre de patient, je n'ai pas envie de consommer des médicaments. Je connais leur apport indispensable et quand c'est bien indiqué, évidemment, je les prends. Mais j'ai l'impression qu'on a de plus envie d'avoir des choses dans lesquelles on est impliqué, dans lesquelles il y a moins de chimie. Je trouve ça vraiment très, très élégant. Vous y avez consacré des années de votre vie. Et est-ce qu'il y a un financement pour ça ? Parce qu'on peut se dire qu'on peut aller étudier, il y a un champ qui est énorme, un champ d'études absolument énorme. Est-ce que vous avez des moyens d'aller monter des essais thérapeutiques pour montrer ce genre de choses ?

  • Speaker #1

    Alors, il y a trois points que j'aimerais aborder, parce que vous avez posé trois questions. La première question importante, c'est effectivement la question de la validation et du partage et de l'utilisation de ces interventions non médicamenteuses. Le mot symboliquement, intervention non médicamenteuse, pourrait vouloir dire anti-médicament. Et donc, comme vous l'avez évoqué, est-ce qu'il faut que ce soit une alternative aux médicaments ? La réponse est non. C'est au médecin généraliste de choisir si, parfois, pour un patient dans un contexte donné, il y a une combinaison entre un médicament et un INM. Parfois, effectivement, on peut démarrer par l'INM d'abord, et puis peut-être que finalement, on passera au médicament. Et parfois, effectivement, il n'y a que le médicament et l'INM pas équilibré. Vraiment, notre volonté dans la société savante qu'on a créée en 2021, après la création d'une plateforme universitaire en 2011, C'était l'enjeu de dire, il faut qu'on fasse une offre, un arsenal complémentaire. Vous avez un arsenal supplémentaire en tant que médecin généraliste et vous allez pouvoir l'utiliser. Et les seuls à savoir quelles sont les bonnes solutions pour les patients et pour quels patients, c'est vous. Donc, c'est vraiment ça un élément majeur. La deuxième partie, effectivement, de votre question sur la recherche et le financement de la recherche, c'est vrai qu'on a eu beaucoup de difficultés parce qu'on a été tous élevés au siècle dernier. avec l'idée que Pasteur nous a élevé dans cette logique un problème physiopathologique, une intervention ciblée sur ce modèle physiopathologique, dont le médicament, et une guérison. Oui, effectivement, au siècle dernier, on a trouvé les très bonnes solutions pour un problème, une solution médicamenteuse. Mais aujourd'hui, on voit bien que les produits de santé sont nécessaires, mais qu'il faut aussi des solutions ou des services immatériels. et que finalement, engager un patient à également agir sur sa santé est un élément important. Et donc, UnionM est un vecteur, finalement, le terme est empowerment, d'engagement du patient dans sa propre santé. Et effectivement, dans la recherche et dans le financement de la recherche, ça démarque depuis les années 2010. On avait, en gros, les autorités, une focalisation sur les produits et pas tellement sur les services. Et donc, tout l'enjeu, effectivement, de pouvoir qualifier et de pouvoir préciser quelles sont ces interventions et les tracer. Il se trouve que dans vos bases de données de médecins généralistes, vous avez à chaque fois un suivi extrêmement précis. du médicament, à quelle dose, quel produit, quelle molécule. En revanche, lorsque vous avez fait une prescription chez un kinésithérapeute, vous avez éventuellement la prescription chez le kiné. Vous avez éventuellement le nombre de séances. Mais qu'a-t-il fait ? Quel est le protocole qui a été suivi, par exemple, sur la lombalgie chronique commune, si vous avez prescrit ? Vous ne savez pas, parce que c'est le kiné qui fait des choses. Et parfois, hélas, le kiné réinvente la poudre et ça a été la troisième perspective de dire il est temps de... partager les bonnes pratiques à ces professionnels pour que les kinés, ils peuvent faire ce qu'ils veulent, ils peuvent inventer leurs pratiques, mais il y a des programmes qui ont fait leur preuve et qu'effectivement, si on fait une séance par semaine de kinésithérapie pour la lombalgie chronique, il est fort possible que ça n'ait pas d'impact. Ben non, exactement comme un médicament, il y a une dose et qu'il faut souvent qu'il y ait deux à trois séances par semaine pour avoir des impacts significatifs sur cette douleur lombaire.

  • Speaker #0

    C'est passionnant. Et est-ce qu'on a les moyens ? dans notre pays d'étudier ces protocoles ?

  • Speaker #1

    Oui, c'est une excellente question. On a effectivement les moyens depuis qu'on fait des études médico-économiques. Et c'est la raison pour laquelle, dans le modèle qu'on a établi, on a co-construit avec 1000 Français, dont deux professeurs des universités de médecine générale de Montpellier, je tiens à les citer, mais Béatrice Stonios et François Carbonell. Et donc, ce travail collectif avec 1000 personnes a été effectivement d'identifier un process de validation, à la fois par des études qui permettent de décrire une intervention, à la fois par des études qui vont permettre d'identifier les mécanismes, puis ensuite des études bénéfices-risques et en particulier qu'on appelle effectiveness, donc des études en vie réelle, et des études d'implémentation. On peut effectivement avoir des indicateurs d'effets économiques, des effets sanitaires, mais aussi des effets sociaux, par exemple le retour au travail plus précoce. Et donc, évidemment, des arrêts maladie qui vont être réduits. Et enfin, des impacts environnementaux. Exemple, celui qui a fait une NM liée à la lombalgie va peut-être prendre son vélo plus régulièrement et donc avoir un impact carbone parce que finalement, il est plus autonome plutôt que de prendre sa voiture. Et on voit que ces multimarqueurs sont très en faveur, notamment, de la réduction d'hospitalisation ou de durée d'hospitalisation ou de fréquence d'hospitalisation. Et donc, chez les maladies chroniques, je ne sais pas dans les... patients malades chroniques, à la fois diabète de type 2 et à la fois je travaille maintenant au centre anti-cancer de Montpellier, donc l'Institut du cancer de Montpellier, on voit que dans ces soins de support, effectivement, elles vont avoir des impacts, vous voyez, qui ne touchent pas uniquement des aspects strictement médicaux, mais aussi qui touchent des aspects sociaux, des aspects environnementaux et des aspects économiques de réduction en particulier des réhospitalisations. Et ce qui coûte cher, c'est les réhospitalisations en France.

  • Speaker #0

    Ok, c'est fascinant. C'est un domaine d'études qui est vraiment... très très intéressant. Du coup, Grégory, est-ce que vous pouvez m'expliquer quelles sont les différences méthodologiques majeures lorsqu'on étudie un médicament ou une INM ? Parce que dans ma tête, je me dis qu'un médicament, on peut l'étudier avec deux groupes contrôle, on fait deux cohorts, on donne un placebo, on peut donner une gélule et un placebo, le patient ne voit pas la différence, il y a un double aveugle, etc. On connaît, à la sortie de la fac, normalement, les grands standards des essais méthodologiques. Et j'ai l'impression que pour étudier une INM, il y a toujours un biais parce qu'on ne peut pas avoir vraiment de placebo. Si on étudie par exemple une séance de yoga, comment peut-on faire une cohorte comparative avec un placebo de yoga ? Ça, je ne le comprends pas. Et surtout, je me demande si méthodologiquement, on peut avoir la même robustesse pour prouver une efficacité d'une INM en regard d'une efficacité d'un médicament. Est-ce que vous pouvez me détailler, peut-être avec un petit peu de technique méthodologique, comment on peut designer ces essais ? pour prouver qu'une INM est efficace ?

  • Speaker #1

    Merci Mathieu de la question. C'est exactement ce que la Haute Autorité de Santé a écrit en 2011. Exactement ça. Dans un rapport d'une cinquantaine de pages, en disant aujourd'hui le standard c'est le médicament et effectivement les interventions non médicamenteuses, quelles qu'elles soient, ne font pas leur preuve d'efficacité vis-à-vis du DOCM qui est le process de validation. du médicament. Et je parle des phases, donc des phases mécanistiques, puis des phases cliniques avec un essai randomisé, contrôlé en double aveugle, puis ensuite donc une AMM, une autorisation de mise sur le marché, une autorisation et une distribution. Alors, on va prendre un exemple très concret. On a évoqué la méthode de kiné sur la lombagie chronique. Vous imaginez qu'on tire au sort et effectivement, le patient, dans cet essai clinique, pour démontrer l'efficacité, Je vais lui dire dans un bras, je vais vous sensibiliser par exemple à l'activité physique, vous devez plus bouger, manger moins gras, moins sucré, moins salé. Et pour le groupe qui a été tiré au sort, celui, le patient qui va être dans le groupe expérimental, intervention de la médicamenteuse, il va aller chez le kiné faire une méthode spécifique avec un nombre de séances. Comment voulez-vous lui cacher qu'il est chez le kiné ? C'est écrit sur la porte. Comment voulez-vous lui cacher qu'il y a un kiné face à lui ? Comment voulez-vous lui cacher que le protocole... Donc, il y avait là une absurdité sur laquelle notre... plateforme pendant dix ans réfléchissait à Montpellier sur ces questions-là, avec des patients, avec des praticiens, en disant qu'on ne pourra pas s'en sortir. Chaque fois, le produit aura de l'avance sur les services, sur les protocoles immatériels. Et c'est ce qui se retrouve notamment, pour ceux qui critiquent les interventions non médicamenteuses, dans les méta-analyses. On regarde les méta-analyses, oui, mais on compile une molécule qui est strictement la même à la même dose. Or, quand vous regardez par exemple les interventions qu'ils combinent, c'est des interventions psychosociales. Donc vous imaginez, on peut avoir la psychothérapie, l'éducation thérapeutique, on peut avoir plein de choses. Bref, on mélange à chaque fois dans les services des interventions qui n'ont rien à voir en termes de doses, en termes de quantité. Donc il a fallu faire ce brainstorming, deux ans, plus de 40 réunions, 1000 personnes, lire toute la littérature mondiale. et dire maintenant on va faire une étape participative de consensus avec un comité scientifique élargi, des méthodologistes, des biologistes, des sciences humaines, des praticiens, des représentants patients et pour dire effectivement comment on peut valider. Alors un des points particuliers, Mathieu vous l'avez dit, le yoga. Le yoga pour moi ça ne veut rien dire parce qu'il y a déjà 24 formes historiques de yoga. Et dans ces 24 formes historiques de yoga, il y a plein de protocoles de yoga. Donc, il a fallu convaincre la communauté de dire, avant que vous fassiez une étude d'efficacité de ce protocole de yoga, décrivez-moi quel est le protocole, combien de séances, dans quel contexte, pour quelle indication, quel est le professionnel qui le fait, dans, effectivement, quelque chose qui soit calibré. C'est ce qu'on a appelé les études prototypiques. On s'est inspiré... de modèles qui sont notamment développés aux États-Unis, là-dessus, en disant, vous devez arriver à publier un papier, une étude qui va décrire le protocole, comme un manuel, comme un mode d'emploi, si vous voulez, si j'essaie d'être schématique, un cahier des charges de l'intervention, si on prend l'exemple du protocole de yoga. Ensuite, il faut qu'il y ait des études mécanistiques. Y a-t-il des études mécanistiques qui montrent que ce protocole de yoga a effectivement des intérêts sur le plan physiologique et ou sur le plan psychosocial, qu'effectivement, sur le plan de la douleur, il y a eu des... Et là, on a insisté pour dire, attention, le problème, contrairement aux médicaments, et c'est là aussi une faiblesse, mais pas une faiblesse, c'est juste une différence. Ce n'est pas les mêmes solutions. Vous avez l'idée qu'une intervention non médicamenteuse mobilise plusieurs mécanismes en même temps. Un protocole de kiné, il joue aussi sur le cerveau, qu'on le veuille ou non, et il joue aussi sur la stimulation cognitive et autres. Donc, on ne peut pas dire qu'il n'a... uniquement qu'un effet musculaire ou qu'un effet articulaire ou qu'un effet cardiovasculaire. Donc il y a des mécanismes systémiques. Ensuite on a dit, et ce n'est pas nous, on s'est appuyé sur le plus grand chercheur dans les années 90 qui s'appelle Daniel Schwartz, qui est un grand chercheur, qui a dit il faut faire des études en vie réelle. Et ça va peut-être intéresser beaucoup votre communauté de médecins généralistes. On a souvent pensé des essais cliniques à l'hôpital avec des parfums... patientes criées sur le volet qui sont quasiment pures, mais que après les essais cliniques, dans la vraie vie, ils n'existent pas. Ils ont des comorbidités, ils ont des problèmes sociaux, ils ont différents problèmes et finalement, les résultats qu'on a sur la publication de l'essai clinique validant le médicament, ça ne marche pas. Et donc, Daniel Schwarz disait, il faut faire des études effectiveness. Et donc, c'est ce qu'on a fait dans nos recommandations et c'était vraiment un sujet majeur. Et le dernier point, c'est des études d'implémentation. Donc, des études d'implémentation, là, c'est inspiré du Canada. C'est inspiré de l'idée que ce n'est pas parce que ça marche au Canada, comme je l'ai évoqué en Chine, que ça marche nécessairement en France. Donc on recommande de faire une étude d'implémentation en France. Donc concrètement, aujourd'hui, effectivement, toutes ces caractéristiques sont remplies et on peut partager un cahier des charges, on va peut-être en parler, mais effectivement sur lequel on partage la connaissance, non plus sur le yoga, mais sur bien un protocole de yoga. spécifique avec 7 bibliaux indispensables pour que ce soit validé. Et donc c'est la raison pour laquelle, in fine, c'est ce qu'on dit et c'est pour ça qu'on travaille avec Lionel Collet et l'équipe de la Haute Autorité de Santé désormais, c'est de dire, bien sûr qu'il faut gradient très important et très rigoureux pour le médicament. Mais une intervention de médicamenteuse a le plus haut niveau de preuves. Mais pour un médecin, la chirurgie, on ne fait pas un essai randomisé contrôlé en double aveugle, en ouvrant un patient et en disant « non, attendez, on va voir » . Il y a un autre type de process de validation. Et vous avez vu arriver récemment, il y a un processus de validation pour les produits pharmaceutiques, il y a un processus de validation pour les dispositifs médicaux. pour les chirurgies et désormais, notre travail collectif permet depuis 2024 de dire aux chercheurs, vous avez une feuille de route finalement pour valider des interventions non médicamenteuses.

  • Speaker #0

    Très bien, c'est clair. Donc en fait, vous avez travaillé des années du rang pour modéliser une manière de prouver l'efficacité d'INM.

  • Speaker #1

    Il y a le même haut niveau de preuves et le maximum de preuves qu'on peut donner à l'efficacité. mais pas qu'à l'efficacité, également au fait qu'il soit explicable, au fait qu'elle soit décrite et au fait qu'elle soit implémentable. Donc en gros, on a le meilleur niveau de preuve que cette intervention est efficace. Reste après au praticien, au prescripteur, de dire oui, je prends cette solution et on ne veut pas en faire une obligation d'utilisation. Évidemment, à chaque fois, ça va être le prescripteur qui va se retrouver, si vous voulez, avec un Vidal des INM, et puis finalement, il va composer en fonction des patients, en fonction de la volonté des patients, en fonction de la disponibilité des praticiens, mais il y aura au moins un cadre de sécurité, et on va sûrement en parler, de la question de la traçabilité avec un code unique de ces interventions.

  • Speaker #0

    Bravo, vous êtes bien arrivé à la fin de cette partie. La suite vous attend dans le prochain épisode. Pour ne rien manquer de Superdocteur, pensez à vous abonner dès maintenant à ce podcast. Si vous aimez mon travail, le meilleur moyen de me soutenir, c'est d'en parler autour de vous. à vos consoeurs ou vos confrères. Enfin, un petit geste qui fait une grande différence. Laissez-moi une belle note de 5 étoiles sur votre application de podcast préférée. Ça m'encourage énormément et ça aide d'autres médecins à découvrir Superdocteur et partager ensemble des idées pour améliorer nos soins et enrichir nos pratiques. À très vite sur le podcast !

Description

Les interventions non médicamenteuses : comment les intégrer en médecine générale ?


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Et si nous avions à portée de main des outils validés pour accompagner nos patients autrement qu’avec des prescriptions médicamenteuses ?
C’est tout l’enjeu des interventions non médicamenteuses (INM) : des pratiques rigoureusement définies, évaluées scientifiquement, et de plus en plus soutenues par les autorités de santé.

Pour en parler, j’ai eu l’immense plaisir de recevoir le Professeur Grégory Ninot, professeur à l’Université de Montpellier, directeur adjoint de l’Institut Desbrest d’Épidémiologie et de Santé Publique (INSERM) et président de la Non-Pharmacological Intervention Society (NPIS).
Il consacre depuis 20 ans ses recherches à structurer un véritable cadre de validation pour ces pratiques longtemps marginalisées, dans le but de les intégrer aux parcours de soins avec la même exigence que les médicaments.


Dans cet épisode, nous avons abordé :

  • La définition rigoureuse des INM (et ce qu’elles ne sont pas)

  • Les 5 critères fondamentaux à remplir pour qu’une pratique soit reconnue comme INM

  • Les différences méthodologiques majeures entre les études sur les médicaments et celles sur les INM

  • Pourquoi le modèle classique en double aveugle n’est pas adapté aux INM

  • Le fonctionnement du référentiel national des INM (référentielinm.org)

  • Des exemples concrets d’INM utiles en cabinet : TCC pour l’insomnie, programme Otago contre les chutes, ETP pour les traitements oraux du cancer…

  • Les perspectives de financement par l’Assurance Maladie et les mutuelles

  • Et les grands objectifs de la recherche dans les 10 prochaines années


Un épisode à la fois scientifique, critique et très pratique pour tous les médecins qui souhaitent élargir leur arsenal thérapeutique sans compromis sur la rigueur.


🔍 Ressources mentionnées :

https://www.npisociety.org/fr/

https://www.referentielinm.org/fr/


Mon livre est disponible ici: https://www.chroniquesociale.com/comprendre-les-personnes/1315-medecine-integrative.html


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Transcription

  • Speaker #0

    Bienvenue dans Superdocteur, le podcast des médecins généralistes qui redonne de la noblesse à notre métier pour soigner mieux différemment. Aujourd'hui, nous allons parler d'un enjeu central de la médecine de demain, les interventions non médicamenteuses ou INM. De plus en plus de patients ayant recours, activités physiques adaptées, hypnose, méditation. Mais comment faire la part entre les effets réels et les promesses floues ? Quelles pratiques sont fondées scientifiquement ? Et comment les médecins peuvent-ils les intégrer dans leurs prescriptions ? complément des traitements classiques. Pour répondre à ces questions passionnantes, j'ai l'immense plaisir d'accueillir Grégory Nino, professeur à l'université de Montpellier, directeur adjoint de l'Institut des Brest, d'épidémiologie et de santé publique, et président de la Non Pharmacological Intervention Society. Chercheur reconnu, il a consacré sa carrière à bâtir un cadre scientifique rigoureux pour ses approches longtemps négligées. Son travail, soutenu par l'Inserm, vise à structurer et évaluer les INM avec les mêmes exigences méthodologiques que celles qu'on impose au traitement médicamenteux. Un travail fondamental pour rendre ces pratiques crédibles, mesurables, intégrables dans les parcours de soins et peut-être demain remboursables. Dans cet épisode, on va explorer ensemble ce que sont réellement les INM, en quoi leur évaluation diffère d'un médicament et lesquels sont les plus utiles pour les médecins généralistes. Bonjour Grégory.

  • Speaker #1

    Bonjour Mathieu.

  • Speaker #0

    Merci beaucoup. d'être avec moi aujourd'hui. Pour commencer simplement, est-ce que vous pouvez me rappeler ce qu'on nomme exactement une intervention non médicamenteuse ou INM et en quoi ces fameuses INM se distinguent des approches dites naturelles, douces ou des médecines complémentaires et alternatives ?

  • Speaker #1

    Alors le mot INM, il est ancien. L'OMS parle d'intervention non médicamenteuse depuis 2003. La Haute Autorité de Santé parle d'intervention non médicamenteuse depuis 2011 et d'autres. organisations et autorités l'évoquent, y compris la Commission européenne. C'est un protocole de prévention santé ou de soins efficaces, personnalisés, non-invasifs, référencés, encadrés par un professionnel qualifié. Voilà la définition officielle de la société savante dont vous avez voulu parler, la NPIS. Mais tout l'enjeu pour un médecin généraliste, c'est comprendre 5 principes. 1. Elle est décrite. Ça veut dire qu'on connaît le protocole, le début, le milieu et la fin, le contenu. l'indication, l'objectif, etc. Elle est explicable par des études mécanistiques, ça veut dire qu'il y a des mécanismes qui sont d'ordre physiologique et d'ordre potentiellement psychosocial également, donc neuropsycho par exemple. Elle est efficace, ça veut dire qu'il y a eu des essais cliniques qui ont pu démontrer sa balance bénéfice-risque. Elle est sûre et elle est implémentable en France. Voilà schématiquement ce qu'est une définition conventionnelle aujourd'hui et consensuelle des INL. Donc c'est...

  • Speaker #0

    Ce n'est pas de la médecine alternative, ce n'est pas de la médecine douce, ce n'est pas tout ça à ce que je comprends.

  • Speaker #1

    Voilà, il y a eu, et notamment on l'a vu à travers la Covid, et les médecins généralistes ont été les premiers à subir aussi cette vague, de plein de mots de type médecine douce, médecine naturelle, médecine non conventionnelle, médecine traditionnelle, médecine... Bref, on en a trouvé à peu près une centaine de mots. Et effectivement, le problème, c'est que ces pratiques qui sont aujourd'hui... termes et pratiques non conventionnelles de soins, ne répondent pas aux cinq critères dont j'ai parlé. Elles ne sont pas très décrites, elles peuvent être des approches, mais elles peuvent être aussi parfois des systèmes de pensée. La médecine chinoise, c'est à la fois des diagnostics, avec des diagnostics alternatifs à la médecine occidentale ou fondée sur les preuves, mais après, il peut y avoir des traitements qui sont non efficaces. Deuxième élément, elles sont souvent peu explicables, on n'a pas d'explication aussi rationnelle qu'on veut bien le dire. D'autre part, il y a peu d'études. d'essais cliniques démontrant leur efficacité. Il n'y a pas non plus d'études sur la sécurité, ou rarement, et elles ne sont parfois pas implémentables dans le pays. Évidemment, en France, elles peuvent être utiles en Chine, elles peuvent être utiles en Inde, mais très clairement, parfois ces pratiques ne rencontrent pas leur public finalement parce qu'il y a des difficultés culturelles à leur usage.

  • Speaker #0

    Très bien. Et alors, pourquoi c'était si important de proposer ce cadre scientifique, cette dénomination précise ? Je sais que vous êtes très attaché au terme. particulièrement dans le domaine de la recherche, évidemment. Et pourquoi vous vous êtes intéressé à ça à titre personnel ?

  • Speaker #1

    Alors, il y a trois questions. La première question, pourquoi ? Parce qu'on a démarré avec un de mes maîtres qui s'appelle Christian Préfaut à faire des essais cliniques sur l'éducation thérapeutique. Tout le monde connaît le mot, et tout médecin généraliste connaît le mot éducation thérapeutique. Et on a travaillé sur une pathologie qui est très importante et très prévalente, qui est la BPCO. bronchopnéopathie chronique obstructive, sur lequel évidemment 80% est dû en particulier au tabagisme et entraîne une inflammation des bronches, amène une hypersécrétion et évidemment l'usage de médicaments complémentaires. Eh bien, on s'est rendu compte que si les recherches montraient que les médicaments étaient efficaces, notamment les bronchodilatateurs, la manière de l'utiliser n'était pas pertinente. Et donc, on s'est posé la question à comment faire pour démontrer l'efficacité d'un programme d'éducation thérapeutique. Pas simplement de recommander, attention, il faut que vous preniez bien votre médicament. C'est ce que fait un médecin généraliste tous les jours. Mais comment, pour les patients non observants, on peut clairement avoir un programme qui va être un peu plus spécifique, qui va lui permettre de sensibiliser à l'utilisation de médicaments, à l'activité physique, à la diététique. Et donc, on a fait un essai randomisé contre eux. contrôlée, ça date un peu, désolé, dans les années 2002, mais sur lequel on a effectivement pu démontrer que ce programme d'ETP avait donc en huit séances, avait une amélioration clinique du patient, une autonomie améliorée du patient, une qualité de vie améliorée et également une économie de 481 euros par an et par patient. De non-hospitalisation, de non-visite qui n'était pas programmée, bref, on a véritablement un bénéfice médico-économique. Et donc, de ce sujet-là, finalement, de protocoles qui sont immatériels, on s'est posé des questions sur d'autres types de pratiques. Vous avez évoqué, Mathieu, l'activité physique adaptée, des méthodes de kiné, les psychos. Finalement, c'est exactement la même perspective de dire qu'on peut arriver à faire des essais cliniques démontrant le bénéfice-risque de telle ou telle pratique. Et finalement, une fois qu'on l'a démontré, le problème des chercheurs, je suis un chercheur de ce travail collectif, ça cale une armoire, ça fait plaisir parce qu'on a fait une publication, mais ça ne sert pas. concrètement les praticiens, et c'est là où effectivement on est allé plus loin en disant que collectivement il fallait passer de travaux qui étaient finalement hétérogènes, qui étaient en fonction des pays pas forcément coordonnés, à un modèle standardisé d'évaluation, de validation et de dissémination de ces interventions non médicales honteuses.

  • Speaker #0

    C'est passionnant et je trouve ça extrêmement élégant d'étudier ça. J'ai l'impression que beaucoup de patients et maintenant de plus en plus de médecins ont envie de prescrire de moins en moins de médicaments. moi-même à titre de patient, je n'ai pas envie de consommer des médicaments. Je connais leur apport indispensable et quand c'est bien indiqué, évidemment, je les prends. Mais j'ai l'impression qu'on a de plus envie d'avoir des choses dans lesquelles on est impliqué, dans lesquelles il y a moins de chimie. Je trouve ça vraiment très, très élégant. Vous y avez consacré des années de votre vie. Et est-ce qu'il y a un financement pour ça ? Parce qu'on peut se dire qu'on peut aller étudier, il y a un champ qui est énorme, un champ d'études absolument énorme. Est-ce que vous avez des moyens d'aller monter des essais thérapeutiques pour montrer ce genre de choses ?

  • Speaker #1

    Alors, il y a trois points que j'aimerais aborder, parce que vous avez posé trois questions. La première question importante, c'est effectivement la question de la validation et du partage et de l'utilisation de ces interventions non médicamenteuses. Le mot symboliquement, intervention non médicamenteuse, pourrait vouloir dire anti-médicament. Et donc, comme vous l'avez évoqué, est-ce qu'il faut que ce soit une alternative aux médicaments ? La réponse est non. C'est au médecin généraliste de choisir si, parfois, pour un patient dans un contexte donné, il y a une combinaison entre un médicament et un INM. Parfois, effectivement, on peut démarrer par l'INM d'abord, et puis peut-être que finalement, on passera au médicament. Et parfois, effectivement, il n'y a que le médicament et l'INM pas équilibré. Vraiment, notre volonté dans la société savante qu'on a créée en 2021, après la création d'une plateforme universitaire en 2011, C'était l'enjeu de dire, il faut qu'on fasse une offre, un arsenal complémentaire. Vous avez un arsenal supplémentaire en tant que médecin généraliste et vous allez pouvoir l'utiliser. Et les seuls à savoir quelles sont les bonnes solutions pour les patients et pour quels patients, c'est vous. Donc, c'est vraiment ça un élément majeur. La deuxième partie, effectivement, de votre question sur la recherche et le financement de la recherche, c'est vrai qu'on a eu beaucoup de difficultés parce qu'on a été tous élevés au siècle dernier. avec l'idée que Pasteur nous a élevé dans cette logique un problème physiopathologique, une intervention ciblée sur ce modèle physiopathologique, dont le médicament, et une guérison. Oui, effectivement, au siècle dernier, on a trouvé les très bonnes solutions pour un problème, une solution médicamenteuse. Mais aujourd'hui, on voit bien que les produits de santé sont nécessaires, mais qu'il faut aussi des solutions ou des services immatériels. et que finalement, engager un patient à également agir sur sa santé est un élément important. Et donc, UnionM est un vecteur, finalement, le terme est empowerment, d'engagement du patient dans sa propre santé. Et effectivement, dans la recherche et dans le financement de la recherche, ça démarque depuis les années 2010. On avait, en gros, les autorités, une focalisation sur les produits et pas tellement sur les services. Et donc, tout l'enjeu, effectivement, de pouvoir qualifier et de pouvoir préciser quelles sont ces interventions et les tracer. Il se trouve que dans vos bases de données de médecins généralistes, vous avez à chaque fois un suivi extrêmement précis. du médicament, à quelle dose, quel produit, quelle molécule. En revanche, lorsque vous avez fait une prescription chez un kinésithérapeute, vous avez éventuellement la prescription chez le kiné. Vous avez éventuellement le nombre de séances. Mais qu'a-t-il fait ? Quel est le protocole qui a été suivi, par exemple, sur la lombalgie chronique commune, si vous avez prescrit ? Vous ne savez pas, parce que c'est le kiné qui fait des choses. Et parfois, hélas, le kiné réinvente la poudre et ça a été la troisième perspective de dire il est temps de... partager les bonnes pratiques à ces professionnels pour que les kinés, ils peuvent faire ce qu'ils veulent, ils peuvent inventer leurs pratiques, mais il y a des programmes qui ont fait leur preuve et qu'effectivement, si on fait une séance par semaine de kinésithérapie pour la lombalgie chronique, il est fort possible que ça n'ait pas d'impact. Ben non, exactement comme un médicament, il y a une dose et qu'il faut souvent qu'il y ait deux à trois séances par semaine pour avoir des impacts significatifs sur cette douleur lombaire.

  • Speaker #0

    C'est passionnant. Et est-ce qu'on a les moyens ? dans notre pays d'étudier ces protocoles ?

  • Speaker #1

    Oui, c'est une excellente question. On a effectivement les moyens depuis qu'on fait des études médico-économiques. Et c'est la raison pour laquelle, dans le modèle qu'on a établi, on a co-construit avec 1000 Français, dont deux professeurs des universités de médecine générale de Montpellier, je tiens à les citer, mais Béatrice Stonios et François Carbonell. Et donc, ce travail collectif avec 1000 personnes a été effectivement d'identifier un process de validation, à la fois par des études qui permettent de décrire une intervention, à la fois par des études qui vont permettre d'identifier les mécanismes, puis ensuite des études bénéfices-risques et en particulier qu'on appelle effectiveness, donc des études en vie réelle, et des études d'implémentation. On peut effectivement avoir des indicateurs d'effets économiques, des effets sanitaires, mais aussi des effets sociaux, par exemple le retour au travail plus précoce. Et donc, évidemment, des arrêts maladie qui vont être réduits. Et enfin, des impacts environnementaux. Exemple, celui qui a fait une NM liée à la lombalgie va peut-être prendre son vélo plus régulièrement et donc avoir un impact carbone parce que finalement, il est plus autonome plutôt que de prendre sa voiture. Et on voit que ces multimarqueurs sont très en faveur, notamment, de la réduction d'hospitalisation ou de durée d'hospitalisation ou de fréquence d'hospitalisation. Et donc, chez les maladies chroniques, je ne sais pas dans les... patients malades chroniques, à la fois diabète de type 2 et à la fois je travaille maintenant au centre anti-cancer de Montpellier, donc l'Institut du cancer de Montpellier, on voit que dans ces soins de support, effectivement, elles vont avoir des impacts, vous voyez, qui ne touchent pas uniquement des aspects strictement médicaux, mais aussi qui touchent des aspects sociaux, des aspects environnementaux et des aspects économiques de réduction en particulier des réhospitalisations. Et ce qui coûte cher, c'est les réhospitalisations en France.

  • Speaker #0

    Ok, c'est fascinant. C'est un domaine d'études qui est vraiment... très très intéressant. Du coup, Grégory, est-ce que vous pouvez m'expliquer quelles sont les différences méthodologiques majeures lorsqu'on étudie un médicament ou une INM ? Parce que dans ma tête, je me dis qu'un médicament, on peut l'étudier avec deux groupes contrôle, on fait deux cohorts, on donne un placebo, on peut donner une gélule et un placebo, le patient ne voit pas la différence, il y a un double aveugle, etc. On connaît, à la sortie de la fac, normalement, les grands standards des essais méthodologiques. Et j'ai l'impression que pour étudier une INM, il y a toujours un biais parce qu'on ne peut pas avoir vraiment de placebo. Si on étudie par exemple une séance de yoga, comment peut-on faire une cohorte comparative avec un placebo de yoga ? Ça, je ne le comprends pas. Et surtout, je me demande si méthodologiquement, on peut avoir la même robustesse pour prouver une efficacité d'une INM en regard d'une efficacité d'un médicament. Est-ce que vous pouvez me détailler, peut-être avec un petit peu de technique méthodologique, comment on peut designer ces essais ? pour prouver qu'une INM est efficace ?

  • Speaker #1

    Merci Mathieu de la question. C'est exactement ce que la Haute Autorité de Santé a écrit en 2011. Exactement ça. Dans un rapport d'une cinquantaine de pages, en disant aujourd'hui le standard c'est le médicament et effectivement les interventions non médicamenteuses, quelles qu'elles soient, ne font pas leur preuve d'efficacité vis-à-vis du DOCM qui est le process de validation. du médicament. Et je parle des phases, donc des phases mécanistiques, puis des phases cliniques avec un essai randomisé, contrôlé en double aveugle, puis ensuite donc une AMM, une autorisation de mise sur le marché, une autorisation et une distribution. Alors, on va prendre un exemple très concret. On a évoqué la méthode de kiné sur la lombagie chronique. Vous imaginez qu'on tire au sort et effectivement, le patient, dans cet essai clinique, pour démontrer l'efficacité, Je vais lui dire dans un bras, je vais vous sensibiliser par exemple à l'activité physique, vous devez plus bouger, manger moins gras, moins sucré, moins salé. Et pour le groupe qui a été tiré au sort, celui, le patient qui va être dans le groupe expérimental, intervention de la médicamenteuse, il va aller chez le kiné faire une méthode spécifique avec un nombre de séances. Comment voulez-vous lui cacher qu'il est chez le kiné ? C'est écrit sur la porte. Comment voulez-vous lui cacher qu'il y a un kiné face à lui ? Comment voulez-vous lui cacher que le protocole... Donc, il y avait là une absurdité sur laquelle notre... plateforme pendant dix ans réfléchissait à Montpellier sur ces questions-là, avec des patients, avec des praticiens, en disant qu'on ne pourra pas s'en sortir. Chaque fois, le produit aura de l'avance sur les services, sur les protocoles immatériels. Et c'est ce qui se retrouve notamment, pour ceux qui critiquent les interventions non médicamenteuses, dans les méta-analyses. On regarde les méta-analyses, oui, mais on compile une molécule qui est strictement la même à la même dose. Or, quand vous regardez par exemple les interventions qu'ils combinent, c'est des interventions psychosociales. Donc vous imaginez, on peut avoir la psychothérapie, l'éducation thérapeutique, on peut avoir plein de choses. Bref, on mélange à chaque fois dans les services des interventions qui n'ont rien à voir en termes de doses, en termes de quantité. Donc il a fallu faire ce brainstorming, deux ans, plus de 40 réunions, 1000 personnes, lire toute la littérature mondiale. et dire maintenant on va faire une étape participative de consensus avec un comité scientifique élargi, des méthodologistes, des biologistes, des sciences humaines, des praticiens, des représentants patients et pour dire effectivement comment on peut valider. Alors un des points particuliers, Mathieu vous l'avez dit, le yoga. Le yoga pour moi ça ne veut rien dire parce qu'il y a déjà 24 formes historiques de yoga. Et dans ces 24 formes historiques de yoga, il y a plein de protocoles de yoga. Donc, il a fallu convaincre la communauté de dire, avant que vous fassiez une étude d'efficacité de ce protocole de yoga, décrivez-moi quel est le protocole, combien de séances, dans quel contexte, pour quelle indication, quel est le professionnel qui le fait, dans, effectivement, quelque chose qui soit calibré. C'est ce qu'on a appelé les études prototypiques. On s'est inspiré... de modèles qui sont notamment développés aux États-Unis, là-dessus, en disant, vous devez arriver à publier un papier, une étude qui va décrire le protocole, comme un manuel, comme un mode d'emploi, si vous voulez, si j'essaie d'être schématique, un cahier des charges de l'intervention, si on prend l'exemple du protocole de yoga. Ensuite, il faut qu'il y ait des études mécanistiques. Y a-t-il des études mécanistiques qui montrent que ce protocole de yoga a effectivement des intérêts sur le plan physiologique et ou sur le plan psychosocial, qu'effectivement, sur le plan de la douleur, il y a eu des... Et là, on a insisté pour dire, attention, le problème, contrairement aux médicaments, et c'est là aussi une faiblesse, mais pas une faiblesse, c'est juste une différence. Ce n'est pas les mêmes solutions. Vous avez l'idée qu'une intervention non médicamenteuse mobilise plusieurs mécanismes en même temps. Un protocole de kiné, il joue aussi sur le cerveau, qu'on le veuille ou non, et il joue aussi sur la stimulation cognitive et autres. Donc, on ne peut pas dire qu'il n'a... uniquement qu'un effet musculaire ou qu'un effet articulaire ou qu'un effet cardiovasculaire. Donc il y a des mécanismes systémiques. Ensuite on a dit, et ce n'est pas nous, on s'est appuyé sur le plus grand chercheur dans les années 90 qui s'appelle Daniel Schwartz, qui est un grand chercheur, qui a dit il faut faire des études en vie réelle. Et ça va peut-être intéresser beaucoup votre communauté de médecins généralistes. On a souvent pensé des essais cliniques à l'hôpital avec des parfums... patientes criées sur le volet qui sont quasiment pures, mais que après les essais cliniques, dans la vraie vie, ils n'existent pas. Ils ont des comorbidités, ils ont des problèmes sociaux, ils ont différents problèmes et finalement, les résultats qu'on a sur la publication de l'essai clinique validant le médicament, ça ne marche pas. Et donc, Daniel Schwarz disait, il faut faire des études effectiveness. Et donc, c'est ce qu'on a fait dans nos recommandations et c'était vraiment un sujet majeur. Et le dernier point, c'est des études d'implémentation. Donc, des études d'implémentation, là, c'est inspiré du Canada. C'est inspiré de l'idée que ce n'est pas parce que ça marche au Canada, comme je l'ai évoqué en Chine, que ça marche nécessairement en France. Donc on recommande de faire une étude d'implémentation en France. Donc concrètement, aujourd'hui, effectivement, toutes ces caractéristiques sont remplies et on peut partager un cahier des charges, on va peut-être en parler, mais effectivement sur lequel on partage la connaissance, non plus sur le yoga, mais sur bien un protocole de yoga. spécifique avec 7 bibliaux indispensables pour que ce soit validé. Et donc c'est la raison pour laquelle, in fine, c'est ce qu'on dit et c'est pour ça qu'on travaille avec Lionel Collet et l'équipe de la Haute Autorité de Santé désormais, c'est de dire, bien sûr qu'il faut gradient très important et très rigoureux pour le médicament. Mais une intervention de médicamenteuse a le plus haut niveau de preuves. Mais pour un médecin, la chirurgie, on ne fait pas un essai randomisé contrôlé en double aveugle, en ouvrant un patient et en disant « non, attendez, on va voir » . Il y a un autre type de process de validation. Et vous avez vu arriver récemment, il y a un processus de validation pour les produits pharmaceutiques, il y a un processus de validation pour les dispositifs médicaux. pour les chirurgies et désormais, notre travail collectif permet depuis 2024 de dire aux chercheurs, vous avez une feuille de route finalement pour valider des interventions non médicamenteuses.

  • Speaker #0

    Très bien, c'est clair. Donc en fait, vous avez travaillé des années du rang pour modéliser une manière de prouver l'efficacité d'INM.

  • Speaker #1

    Il y a le même haut niveau de preuves et le maximum de preuves qu'on peut donner à l'efficacité. mais pas qu'à l'efficacité, également au fait qu'il soit explicable, au fait qu'elle soit décrite et au fait qu'elle soit implémentable. Donc en gros, on a le meilleur niveau de preuve que cette intervention est efficace. Reste après au praticien, au prescripteur, de dire oui, je prends cette solution et on ne veut pas en faire une obligation d'utilisation. Évidemment, à chaque fois, ça va être le prescripteur qui va se retrouver, si vous voulez, avec un Vidal des INM, et puis finalement, il va composer en fonction des patients, en fonction de la volonté des patients, en fonction de la disponibilité des praticiens, mais il y aura au moins un cadre de sécurité, et on va sûrement en parler, de la question de la traçabilité avec un code unique de ces interventions.

  • Speaker #0

    Bravo, vous êtes bien arrivé à la fin de cette partie. La suite vous attend dans le prochain épisode. Pour ne rien manquer de Superdocteur, pensez à vous abonner dès maintenant à ce podcast. Si vous aimez mon travail, le meilleur moyen de me soutenir, c'est d'en parler autour de vous. à vos consoeurs ou vos confrères. Enfin, un petit geste qui fait une grande différence. Laissez-moi une belle note de 5 étoiles sur votre application de podcast préférée. Ça m'encourage énormément et ça aide d'autres médecins à découvrir Superdocteur et partager ensemble des idées pour améliorer nos soins et enrichir nos pratiques. À très vite sur le podcast !

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