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SYNAPS, connectons-nous au monde de demain - Témoignages d'engagements sur les enjeux de transition

Julien Vey, un design plus écologique, tourné vers le vivant, la coopération et les transitions

Julien Vey, un design plus écologique, tourné vers le vivant, la coopération et les transitions

22min |18/04/2024
Play
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22min |18/04/2024
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Description

À Saint-Malo, il existe une école de design unique en son genre. 

Unique de par son statut d’abord, car c’est la première école supérieure de France, organisée en SCIC, société coopérative d’intérêt collectif. Les élèves, comme les intervenants et les partenaires en sont sociétaires et participent, sur le principe d’une personne une voix, aux choix stratégiques. 🤝


Mais l'Institut supérieur de design de Saint-Malo est aussi unique de par les convictions et les engagements qu'il porte et qu’il transmet. Sobriété heureuse, coopération, adaptabilité, démocratie, diversité sont quelques-unes des valeurs sur lesquelles reposent les enseignements. 

A l’origine de cette école qui a ouvert à la rentrée 2018, ils sont 4. Parmi eux : Julien Vey, notre invité du jour. 


Dans cet épisode :

➡️ Nous allons explorer cette nouvelle manière d’aborder le design, qui propose de mettre la créativité au service du monde vivant. 

➡️ Julien Vey détaillera les concepts clés que sont pour lui le biomimétisme ou le design d'assobrissement.

➡️ Nous découvrirons comment toutes ces notions sont intégrées, naturellement, aux enseignements proposés à l'Institut supérieur de design de Saint-Malo.


🔗 Pour en savoir plus sur l'Institut supérieur de design de Saint-Malo :

https://institut.design/



🟠 Synaps est un podcast proposé par :

Hippocampe - Brest
Agence créatrice de métamorphose

www.hippocampe.com 

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Créée à Brest en 1995, l'agence Hippocampe, spécialiste en communication, a très tôt intégré à son fonctionnement les enjeux liés à l'environnement, au respect de la planète et plus largement au développement durable. Aujourd’hui, elle place la RSE (responsabilité sociétale des entreprises) au coeur de son projet et s’impose comme une référence en matière d’accompagnement vers les transitions et les transformations.


L'objectif de Synaps : mettre en lumière les femmes et les hommes qui s’engagent, en Bretagne, sur les enjeux de transitions ; donner à entendre des parcours inspirants, des convictions fortes, des visions réalistes et optimistes.

Pourquoi Synaps ? Parce qu’il s’agit de créer des connexions et de faire du lien entre ces acteurs, avec l’idée d’encourager d’autres personnes à agir à leur tour.


Réalisation (Interview / voix off / montage / mixage) : Marion Watras

Musique : Max van Thun



Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Julien Vey

    Le design a beaucoup participé à priver les gens de leur pouvoir d'agir sur le monde, en les mettant dans des situations de confort qui ne nécessitent pas d'action de leur part. Et donc à l'Institut de Design, plutôt que de faire ce design-là, qui rend bête, on a décidé de faire un design qui donne les outils, qui donne les moyens et les ressources aux individus de prendre la main.

  • Marion Watras

    À Saint-Malo, il existe une école de design unique. Unique de par son statut d'abord, car c'est la première école supérieure de France organisée en SCIC, Société coopérative d'intérêt collectif. Les élèves, comme les intervenants et les partenaires, en sont sociétaires et participent sur le principe d'une personne, une voix, au choix stratégique. Mais l'école de design de Saint-Malo est aussi unique de par les convictions et les engagements qu'elle porte et qu'elle transmet. Sobriété heureuse, coopération, adaptabilité, démocratie, diversité sont quelques-unes des valeurs sur lesquelles reposent les enseignements. A l'origine de cette école qui a ouvert à la rentrée 2018, ils sont quatre. Parmi eux, Julien Vey, notre invité du jour. Avec lui, nous allons explorer cette nouvelle manière d'aborder le design qui propose de mettre la créativité au service du monde vivant. Je suis Marion et je vous souhaite la bienvenue à l'écoute de Synaps, le podcast sur les transitions en Bretagne.

  • Julien Vey

    J'ai eu le démarrage de carrière le moins glorieux de l'histoire, j'ai travaillé dans la publicité. La publicité qui est un outil d'assujettissement qui est extraordinaire. On est en train de faire miroiter des mondes en dehors de la discussion sur les objets qu'on essaye de vendre. C'est-à-dire qu'on montre la voiture non pas en ce qu'elle est un objet de mobilité qui nous permet d'aller faire quelque chose, mais de la qualité de ses banquettes, de la beauté de ses couleurs, comme si c'était un reportage animalier. On est en train de montrer la beauté d'un objet. On n'a plus la discussion sur ce qu'elle est censée faire, mais sur toutes les qualités qu'elle a en dehors de ça. J'ai travaillé dans cet environnement un peu stérile pendant mon alternance, pendant mes études, puis un début de carrière qui m'a immédiatement dégoûté. Ce n'est pas forcément ma culture. Et le pire là-dedans, c'est qu'il y a beaucoup de créativité dans la publicité. C'est dommage de mettre toute cette créativité au service de choses aussi triviales et aussi, je vais le dire, imbéciles qu'essayer de vendre des choses à des gens en permanence, sans parler de ce que les choses font de bien. Je suis allé aux antipodes de ça par dégoût, je dirais. C'est indigeste. Donc j'ai voulu aller chercher des choses qui sont meilleures. Et à partir de là, j'ai rencontré des personnes. Et le design qu'on est en train d'essayer de... de produire et de transmettre à nos étudiants, il est aussi en cours de fabrication. Et c'est important de se le dire, parce que le design... C'est un peu méta ce que je vais dire, mais c'est un outil au service du pouvoir des gens. Il faut que les gens aient le pouvoir d'agir sur ce design. Ce design change perpétuellement aussi, c'est un peu la boucle. Ça nous empêche de faire ce que le design fait toujours, créer des templates de pensée, des manières de penser qui sont déjà prédéfinies. On fait étape 1, étape 2, étape 3. On est toujours en requestionnement de ça, parce que le monde change vite, en quelques années, depuis l'ouverture de l'école. On a eu mille révolutions intellectuelles déjà, donc on se réadapte dessus. Et si on est dans des process industriels, on est sur une chaîne de production. Si on est sur des philosophies et des manières d'aborder le monde de manière un peu plus sensible, on est réactif au monde et donc on adapte ce qu'on fait.

  • Marion Watras

    Alors justement, comment est-ce que tu pourrais définir ce que vous essayez d'enseigner à ces étudiants ? Comment est-ce qu'on redonne du pouvoir d'agir à travers le design ? Là, c'est presque de la philosophie, mais c'est aussi très concret.

  • Julien Vey

    Tout à fait, la philosophie, on a tendance à penser que c'est une sorte de magie intellectuelle, mais c'est penser le monde tel qu'on le ressent et tel qu'on le perçoit, donc il n'y a rien de plus concret en fait. Alors il y a les mots-clés qui sont ceux du design et qui sont légitimes tout à fait. Donc notre formation en trois ans traite de l'innovation sociale, c'est-à-dire comment on imagine des nouvelles manières de vivre ensemble. C'est aussi simple que ça, je pense. général. Le mot innovation peut être contesté, parce qu'on n'est pas obligé de créer des nouveautés. Il y a des choses qui marchent bien, qui existent déjà. On n'est pas obligé de chercher sans cesse des manières un peu personnelles de faire du nouveau qui n'est pas vraiment nouveau. Enfin bref. Donc l'innovation sociale, améliorer la société. Et ça touche un peu tous les secteurs. Ce n'est pas le travail social. C'est comment on va consommer de la nourriture. C'est-à-dire tout le process, la produire, l'acheter ou ne pas l'acheter, la partager. la jeter ou ne pas la jeter, etc. Tout ça, ça pose des questions de société. On a tendance, en fait, c'est par opposition à la technique, c'est-à-dire qu'on a tendance à vouloir tout résoudre par la technique, parce que les homo sapiens ont des pouces opposables, mais en réalité, on peut aussi résoudre des problèmes différemment. juste en s'asseyant à un autre endroit. Ce n'est pas financé par l'État, ce genre d'innovation. Je ne vais pas lever des fonds dans une start-up pour proposer de s'asseoir de l'autre côté de la table. Mais peut-être que ça a de l'effet et que ça vaut le coup de le tenter. Et donc, pour produire ce design d'innovation sociale, nos étudiants sont formés pendant trois ans à des techniques de design qui sont le graphisme. Parce que quand on doit dire des choses, il faut être capable de les dire correctement. visuellement et dans le langage, parce que c'est un langage visuel le graphisme, design d'espace, parce que... La société habite des espaces, c'est aussi simple que ça. Si on ne peut pas agir sur les espaces, on se prive en tout cas d'un grand pouvoir d'agir sur la société. Et alors, heureusement ou malheureusement, selon la philosophie, le numérique, qui est en train de prendre une partie importante des responsabilités et des éthiques de notre société, et donc nos étudiants font ces trois designs-là, et sont ensuite exposés à des problématiques de société. Et donc ils vont répondre, en réalité on ne sait pas avec lequel, ou la combinaison desquels, c'est généralement les trois, et d'autres encore parfois qui apparaissent, notamment l'économie qui fait souvent son entrée dans les réflexions, et vont proposer des solutions globales, en groupe, collectivement, parce qu'on est une coopérative, on a l'esprit de coopération, et c'est quelque chose d'important à transmettre, dans une optique toujours destinée non pas à l'usager ou au client, mais à l'humain.

  • Marion Watras

    Alors il y a un des mots clés également qui te colle un peu à la peau, c'est le biomimétisme. Alors c'est un terme qui peut être vu finalement sous différents angles et pas forcément pour le meilleur. Est-ce que tu pourrais nous expliquer ce que tu mets derrière cette notion et comment tu peux justement l'appliquer à cet enseignement, notamment pour ces étudiants ?

  • Julien Vey

    Je vais faire une introduction à ça très courte, mais c'est important de le dire, parce que moi je suis le visage de l'école, dans le sens où j'en suis le président actuel, et on m'invite à venir restituer un peu ce qui se passe chez nous. Il ne faut pas glisser sur ces Juliens qui font les choses. Le biomimétisme est une pratique qui a été amenée un peu après notre ouverture dans l'école par Virginie Blanville, designer, et a apporté au sein de l'école une formation, qui est la formation d'après. Là je vous ai parlé du bac plus 3, mais il y a le bac plus 5 derrière, le master design et monde vivant. Elle en a créé toute l'ingénierie, elle est allée chercher les experts les plus pertinents en ce qui concerne nos philosophies, Et je vous rappelle que notre philosophie, c'est la mise en pouvoir des gens. et la sortie un peu de logique industrielle. Pas forcément totale, mais en tout cas, revenir à du pouvoir d'agir individuel. Et donc le biomimétisme, c'est l'idée qu'on va trouver des solutions dans la nature. Et ces solutions, en fait, c'est les stratégies que les vivants ont développées, c'est-à-dire la stratégie de survie de la mouche, de la salamandre, de la baleine, en fait, du séquoia. Ils ont des stratégies pour rester en vie, parce que ça fait 3,8 milliards d'années qu'ils sont là, qu'ils ont des problèmes et qu'ils arrivent à les surmonter, puisqu'ils sont a priori toujours là. En se transformant ou en développant plus avant des compétences qu'ils avaient déjà, en tout cas ils survivent. Et donc le biomimétisme va considérer la nature comme une bibliothèque de savoir. En regardant la nature, ce n'est pas juste de la matière qu'on peut prélever, mais c'est aussi des connaissances dont on peut s'inspirer. C'est là où le biomimétisme arrive. Mais ça, c'est la philosophie un peu générale. Il y a une manière extrêmement destructrice pour la planète de faire du biomimétisme. On voit dans Dune, c'est d'actualité là aujourd'hui, des avions inspirés par les libellules pour aller sur Dune, traverser le désert, parce qu'en effet, la libellule, c'est extrêmement performant pour voler, puisque c'est un insecte volant. Est-ce que c'est ça le biomimétisme ? Est-ce que c'est fabriquer des machines comme on l'a toujours fait, de la même manière, dans les mêmes processus, avec la même philosophie et la même logique, sauf qu'au lieu de sortir de nulle part, ça sort de la nature ? Qu'est-ce que ça va changer ça ? On va peut-être économiser un peu de carburant parce que la nature est plutôt efficiente, c'est-à-dire qu'elle utilise moins de ressources et a des meilleurs résultats. On va peut-être trouver des biomatériaux qui seront un peu moins... Qu'est-ce que ça change au final ? Avec cette communauté d'intellectuels autour du master, souvent très critique, a émergé l'idée d'un biomimétisme qui soit plutôt dans la veine de réintégrer une camaraderie avec le vivant, une cohabitation qui dépasse simplement l'usage de la nature. On ne va pas juste prendre dans la nature des idées, on va aussi rendre à la nature des choses. Pas juste en la dégradant moins, pas juste en au lieu de brûler 10 000 hectares par an, j'en brûle que 5 parce que si je fais l'équivalent sur vous, ah bah oui, je vous ai cassé 4 doigts, l'année prochaine j'en casserai que 2 et ce sera quand même mieux Non, c'est vraiment sortir de cette violence qu'on a et de la considération qu'on a envers la nature pour vraiment réintégrer totalement une manière de vivre où on n'aura même pas à compter ce qu'on fait. La charge mentale de compter le carbone, de compter les plastiques, de compter toutes les... Je suis désolé, toutes les saloperies qu'on... qu'on fait. Ça suffit. J'ai envie de... Enfin, j'imagine que c'est pareil pour vous, j'ai envie de vivre sans y penser. Mais pour ça, ça demande à vivre différemment. Alors ça te passe par d'abord une grande phase d'observation.

  • Marion Watras

    Il faut finalement que l'homme apprenne à se mettre en retrait. Oui,

  • Julien Vey

    on occupe le monde. On occupe littéralement le monde. On est un tout petit pourcentage, l'humain, d'un tout petit pourcentage, les animaux. Et on occupe une place équivalente en volume à l'entièreté du vivant. Avec nos objets, avec nos artefacts, je reviens sur le design, mais on produit des objets qui habitent le monde, sous la forme de produits qui traînent dans vos tiroirs, dans vos garages, dans les décharges ou à ciel ouvert dans la nature, qui ne se décomposent pas, ou lentement, ou de manière délétère. Enfin, on est partout et on est partout tout le temps. Et donc comment vous pouvez vous imaginer cohabiter avec un colocataire qui est partout dans l'appartement, le jour et la nuit, et qui laisse traîner ses affaires ? C'est ça la situation. Il n'est pas dans une colocation apaisée. C'est quelque chose qu'on n'accepterait jamais, nous. Et d'ailleurs on ne l'accepte pas, on a pris le monde de force, et on n'accepte pas qu'une araignée soit dans le coin, tout en haut, vous savez, à deux mètres de haut, dans le plafond, dans le coin blanc. Tout n'est pas en blanc, on voit le point noir de l'araignée. On se dit, mais pour qui elle se prend ? Il faut qu'on apprenne à vivre avec. La révolution, la grande transition écologique, elle coûte zéro euro, c'est accepter de vivre avec les autres. Ça implique de changer par contre. Changer, ce n'est pas forcément payant et ce n'est pas forcément mauvais. C'est même généralement plutôt bon et positif, mais par contre, en effet, c'est difficile de changer. Et puis quand on observe bien la nature,

  • Marion Watras

    on se rend compte qu'elle n'est même jamais à son maximum en termes d'efficacité. Il y a cette forme de... d'autoprotection, donc c'est complètement contraire à tout ce qu'on nous inculque depuis tout petit, donne-toi à fond, sois toujours à 100%. Oui,

  • Julien Vey

    c'est un sujet qui est très développé par Olivier Hamand de la fondation Michel Serres, qui est biologiste et qui parle de la performance contre la robustesse. Et c'est plutôt le contraire, c'est la robustesse pour lutter contre la culture de la performance. Parce qu'en effet, toute forme de vie, naturelle en tout cas, vit sur la réserve. On vit tranquillement jusqu'à ce qu'il y ait un problème qui apparaisse et qui doit être adressé avec un excès de force. Et donc là, on a de la réserve pour le faire. Mais on ne peut pas vivre comme ça en permanence, c'est un épuisement. De la même manière que vous laissez un ordinateur toujours allumé en train de faire quelque chose, sa durée de vie va être réduite. Et de la même manière que si vous ne dormez pas, prenez pas soin de vous, vous serez plus fatigué. C'est aussi simple que ça. Et donc c'est l'exemple que je prends avec les entreprises que je rencontre. Si vous avez un jeune diplômé qui vient vous voir en vous disant qu'il est toujours à 100%, ne l'embauchez pas, il va exploser en plein vol ce garçon. ou cette jeune femme. Et on est face à des écoles, nous, par exemple, qui sont encore dans la promotion de la compétition et de l'excellence. C'est pas excellent, l'excellence. C'est en fait très peu efficace, très peu pertinent par rapport aux enjeux qui arrivent. On doit aujourd'hui former des personnes qui sont adaptables, qui sont solidaires, qui ont de l'empathie, mais de la vraie empathie, pas celle de l'UX Design où on se met à la place des gens pour essayer de leur refourguer des trucs. C'est de l'empathie sérieuse. C'est se mettre en situation de... C'est l'éthique du care un petit peu aussi qui a été développée, c'est-à-dire reconnaître les souffrances et les prendre en charge. C'est deux choses. On ne peut pas simplement, temporairement, se mettre dans la peau des gens pour leur fabriquer une chaise sans laver les mains après. Qu'est-ce qui est triste dans cette histoire ? Ce qui est triste, c'est que la vie sur Terre est en train de disparaître. C'est triste. Parce que c'est beau, la vie, ça a des formes extraordinaires, c'est une bibliothèque, comme je le disais, de stratégie et de créativité qui est incroyable, et c'est en train de mourir. Et la deuxième chose qui est triste, c'est que c'est en train de mourir à cause de nous, de ce qu'on fait. Et encore une autre chose qui est encore plus triste, on va plonger dans la tristesse, parce que c'est la question de la solastalgie que vous posez, mais c'est en train de mourir à cause de nous, sans qu'on le veuille. Alors ça, c'est encore quelque chose de triste. Le clou du cercueil dans cette histoire, c'est que c'est en train de mourir à cause de nous, sans qu'on le veuille, et sans qu'on puisse rien y faire. Pourquoi ? Parce que le système qu'on a produit est tellement complexe qu'il n'est pas dans la main d'un individu de le changer. Et donc on est dépendant. On est dépendant de la décision collective. Sauf que la décision collective, la manière dont elle est produite, n'est pas transparente. Et on ne s'est pas même mis d'accord tous ensemble. Pour ne serait-ce que dire qu'il fallait sauver la vie, pour l'instant. Ça change, moi je vois des dynamiques qui changent. Déjà, on m'invite sur des podcasts, et on invite mes collègues qui travaillent sur les mêmes questions, et je les entends de plus en plus. Je suis ravi de découvrir que, en fait, contrairement à ce qu'on pourrait penser, les entreprises, ils ne s'en foutent pas, parce que c'est une bande d'humains, finalement, des entreprises. Et comme je l'ai dit, c'est triste. C'est triste pour tout le monde. Et donc, ces entreprises se saisissent de la question, mais se retrouvent bloquées. Ils ne savent pas quoi faire. Et donc, en effet, quand on découvre l'état de la catastrophe, nous, nos étudiants, ils ont quelques aperçus en troisième année. On l'évoque toujours à demi-mot. Les premières années, on blague un peu dessus. Ah tiens, c'est la fin du monde. Et en fait, avec le temps... On aborde les sujets en quatrième année, notamment la question de l'anthropocène ou du capitalocène, peu importe comment on va l'appeler, mais en tout cas l'action des humains sur l'environnement, on l'attaque de front. On met un casque et on fonce dans le tas. Et alors la première année, on n'a pas été assez prudent, mais là depuis on a mis aussi de l'éco-psychologie pour gérer justement le mal-être que ça peut provoquer. Parce que c'est vrai que si on adresse le problème sérieusement, ça crée du mal-être, ça crée de la souffrance. La bonne nouvelle, c'est que derrière ça, une fois qu'on a compris un peu les dynamiques générales, on peut agir. On peut se dire, bon, où est-ce que j'agis ? Et comment j'agis ? Donc on va agir en tant que communauté, ça c'est certain, parce que les petits gestes des petites personnes, ça fait des petits effets. Et si on attend après les institutions de prendre les décisions, ils ne seront jamais à l'aise de le faire tant que les individus ne seront pas vraiment tous orientés vers ça. Donc orienter les individus c'est la première chose, et on revient sur cette histoire de pouvoir d'agir. Ceux qui sont prêts à agir, il faut donner les... pas les armes, parce que c'est pas une belle manière de le montrer, mais les outils pour agir. Et donc là arrive le design d'assauvrissement, là arrive le design bio-inspiré, le design qui va permettre de donner... Des manières de faire aux gens, sans avoir besoin d'attendre après un système qui sera d'accord ou non, ou d'attendre après des autorisations ou quoi que ce soit. Remettre les gens en puissance. C'est aussi les libérer des objets qui les tiennent. Parce qu'on est tenu par nos objets, on est au service de nos services. Il faut soutenir l'industrie française. Le slip français, ce n'est pas lui qui est là pour nous, pour nos fesses. C'est nous qui devons acheter le slip français pour sauver la France. Donc on est dans une espèce d'inversion des fonctions dans l'économie. Donc voilà, on inverse tout ça, on donne les outils. Et donc nous, on crée ça, on crée ces protocoles pour donner les outils. Et on crée des actions, des actions qui doivent être contagieuses. Je pense à notre ami Nicolas Roche de Zoépolis à Lyon, qui a créé avec ses collègues de Zoépolis une méthodologie qui s'appelle Umwelt Cycletos, qui permet de se mettre à la place, on parlait d'empathie, mais voilà, des autres vivants. et de construire des choses pour les humains qui intègrent les non-humains dans les processus. Et ça, c'est précieux, parce que jusque-là, on construit des bâtiments hermétiques à la vie, et aujourd'hui, on va créer vraiment des colocations. Voilà, c'est ça. Et alors, c'est peu par rapport à tout ce qu'il y a à faire, mais c'est quelque chose. Et quand on est triste, quand on est mal, et qu'on prend les choses en main, on n'est plus mal. Le designer a ça d'intéressant, qu'il peut penser les choses et les faire. Il ne les fait pas dans une version terrible. C'est bien que pensé, le prototype est intéressant, mais on a besoin maintenant des ingénieurs, des techniciens, des biologistes, pour que l'objet habite le monde convenablement. Mais on peut faire quelque chose, on peut arriver avec un objet et dire Regardez, j'ai une idée, c'est ça là qu'on veut faire. Je parle d'un objet, mais en fait je devrais parler d'une chose, parce que ce ne sont pas forcément des objets physiques. J'ai une idée d'organisation pour l'entreprise, j'ai une idée de gouvernance, j'ai une idée dans la manière dont je peux faire une ligne logistique pour composte-nourriture, un cycle fourche-fourchette, j'ai une idée dans la manière dont je peux saboter ce qui est en train de se passer dans ma rue et proposer quelque chose de meilleur avec tous les gens qui habitent ma rue. Et ça devient... A la limite, à chaque fois que... Moi, ça me le fait, mais je sais que mes étudiants aussi. Chaque fois qu'ils voient un problème, ils ont envie de faire un truc dessus. Et en fait, cette volonté de faire des choses, ça fait remonter l'endorphine. Même la sérotonine, on a tout qui revient. Et on se retrouve à nouveau en capacité d'agir, parce qu'on n'est plus tétanisé face à l'état de la catastrophe. la passion pour la créativité et l'écologie peut surgir de n'importe où de sourdre même pour reprendre un nom un peu plus puissant, un mot concept lié à l'eau, sourdre de terre à n'importe quelle occasion moi j'ai eu une expérience forte en retournant dans l'environnement où j'ai grandi. J'avais en bas de chez moi une rivière qui passait où mon père m'emmenait voir les héros. Moi, je viens d'un milieu un peu agricole dans le Jura. Mais en tout cas, il y avait cette rivière. Et dans cette rivière, on y faisait beaucoup de choses. C'était un lieu où j'y croisais mes cousins parfois sans qu'on se prévienne. C'était un lieu un peu culturel presque, cette rivière. On allait s'y baigner. et j'avais de très bons souvenirs puis je suis parti de cet environnement à l'adolescence dans un premier temps pour aller à la ville d'à côté sans jamais penser que c'était précieux et ensuite partir à Paris faire des études d'art et de design puisqu'il n'y avait pas d'école voilà, j'ai quitté cet environnement et j'ai eu un enfant et j'ai voulu l'emmener moi dans cet environnement là pour partager un peu le monde tel qu'il était pour moi, et la rivière avait disparu l'agriculture l'avait eutrophisé avec l'azote, les espèces les avaient envahies, tuées, asséchées Il n'avait pas plu depuis longtemps, il n'y avait plus rien ici. et donc j'ai découvert ça et c'est ça qui m'a bouleversé en réalité et donc là il fallait faire quelque chose et donc on peut avoir l'impression peut-être que je me débat dans une flaque d'eau en essayant de nager mais j'ai l'impression que les choses peuvent avancer quand même et qu'on puisse partager avec nos enfants des natures communes C'était Synaps,

  • Marion Watras

    le podcast de l'agence Conseil en Transitions Hippocampe. Merci à Julien Vey, président de l'Institut supérieur de design de Saint-Malo. Moi, je vous donne rendez-vous dans un mois pour un nouveau parcours inspirant. En attendant, je compte sur vous pour parler de Synaps autour de vous. À très vite !

Description

À Saint-Malo, il existe une école de design unique en son genre. 

Unique de par son statut d’abord, car c’est la première école supérieure de France, organisée en SCIC, société coopérative d’intérêt collectif. Les élèves, comme les intervenants et les partenaires en sont sociétaires et participent, sur le principe d’une personne une voix, aux choix stratégiques. 🤝


Mais l'Institut supérieur de design de Saint-Malo est aussi unique de par les convictions et les engagements qu'il porte et qu’il transmet. Sobriété heureuse, coopération, adaptabilité, démocratie, diversité sont quelques-unes des valeurs sur lesquelles reposent les enseignements. 

A l’origine de cette école qui a ouvert à la rentrée 2018, ils sont 4. Parmi eux : Julien Vey, notre invité du jour. 


Dans cet épisode :

➡️ Nous allons explorer cette nouvelle manière d’aborder le design, qui propose de mettre la créativité au service du monde vivant. 

➡️ Julien Vey détaillera les concepts clés que sont pour lui le biomimétisme ou le design d'assobrissement.

➡️ Nous découvrirons comment toutes ces notions sont intégrées, naturellement, aux enseignements proposés à l'Institut supérieur de design de Saint-Malo.


🔗 Pour en savoir plus sur l'Institut supérieur de design de Saint-Malo :

https://institut.design/



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Créée à Brest en 1995, l'agence Hippocampe, spécialiste en communication, a très tôt intégré à son fonctionnement les enjeux liés à l'environnement, au respect de la planète et plus largement au développement durable. Aujourd’hui, elle place la RSE (responsabilité sociétale des entreprises) au coeur de son projet et s’impose comme une référence en matière d’accompagnement vers les transitions et les transformations.


L'objectif de Synaps : mettre en lumière les femmes et les hommes qui s’engagent, en Bretagne, sur les enjeux de transitions ; donner à entendre des parcours inspirants, des convictions fortes, des visions réalistes et optimistes.

Pourquoi Synaps ? Parce qu’il s’agit de créer des connexions et de faire du lien entre ces acteurs, avec l’idée d’encourager d’autres personnes à agir à leur tour.


Réalisation (Interview / voix off / montage / mixage) : Marion Watras

Musique : Max van Thun



Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

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  • Julien Vey

    Le design a beaucoup participé à priver les gens de leur pouvoir d'agir sur le monde, en les mettant dans des situations de confort qui ne nécessitent pas d'action de leur part. Et donc à l'Institut de Design, plutôt que de faire ce design-là, qui rend bête, on a décidé de faire un design qui donne les outils, qui donne les moyens et les ressources aux individus de prendre la main.

  • Marion Watras

    À Saint-Malo, il existe une école de design unique. Unique de par son statut d'abord, car c'est la première école supérieure de France organisée en SCIC, Société coopérative d'intérêt collectif. Les élèves, comme les intervenants et les partenaires, en sont sociétaires et participent sur le principe d'une personne, une voix, au choix stratégique. Mais l'école de design de Saint-Malo est aussi unique de par les convictions et les engagements qu'elle porte et qu'elle transmet. Sobriété heureuse, coopération, adaptabilité, démocratie, diversité sont quelques-unes des valeurs sur lesquelles reposent les enseignements. A l'origine de cette école qui a ouvert à la rentrée 2018, ils sont quatre. Parmi eux, Julien Vey, notre invité du jour. Avec lui, nous allons explorer cette nouvelle manière d'aborder le design qui propose de mettre la créativité au service du monde vivant. Je suis Marion et je vous souhaite la bienvenue à l'écoute de Synaps, le podcast sur les transitions en Bretagne.

  • Julien Vey

    J'ai eu le démarrage de carrière le moins glorieux de l'histoire, j'ai travaillé dans la publicité. La publicité qui est un outil d'assujettissement qui est extraordinaire. On est en train de faire miroiter des mondes en dehors de la discussion sur les objets qu'on essaye de vendre. C'est-à-dire qu'on montre la voiture non pas en ce qu'elle est un objet de mobilité qui nous permet d'aller faire quelque chose, mais de la qualité de ses banquettes, de la beauté de ses couleurs, comme si c'était un reportage animalier. On est en train de montrer la beauté d'un objet. On n'a plus la discussion sur ce qu'elle est censée faire, mais sur toutes les qualités qu'elle a en dehors de ça. J'ai travaillé dans cet environnement un peu stérile pendant mon alternance, pendant mes études, puis un début de carrière qui m'a immédiatement dégoûté. Ce n'est pas forcément ma culture. Et le pire là-dedans, c'est qu'il y a beaucoup de créativité dans la publicité. C'est dommage de mettre toute cette créativité au service de choses aussi triviales et aussi, je vais le dire, imbéciles qu'essayer de vendre des choses à des gens en permanence, sans parler de ce que les choses font de bien. Je suis allé aux antipodes de ça par dégoût, je dirais. C'est indigeste. Donc j'ai voulu aller chercher des choses qui sont meilleures. Et à partir de là, j'ai rencontré des personnes. Et le design qu'on est en train d'essayer de... de produire et de transmettre à nos étudiants, il est aussi en cours de fabrication. Et c'est important de se le dire, parce que le design... C'est un peu méta ce que je vais dire, mais c'est un outil au service du pouvoir des gens. Il faut que les gens aient le pouvoir d'agir sur ce design. Ce design change perpétuellement aussi, c'est un peu la boucle. Ça nous empêche de faire ce que le design fait toujours, créer des templates de pensée, des manières de penser qui sont déjà prédéfinies. On fait étape 1, étape 2, étape 3. On est toujours en requestionnement de ça, parce que le monde change vite, en quelques années, depuis l'ouverture de l'école. On a eu mille révolutions intellectuelles déjà, donc on se réadapte dessus. Et si on est dans des process industriels, on est sur une chaîne de production. Si on est sur des philosophies et des manières d'aborder le monde de manière un peu plus sensible, on est réactif au monde et donc on adapte ce qu'on fait.

  • Marion Watras

    Alors justement, comment est-ce que tu pourrais définir ce que vous essayez d'enseigner à ces étudiants ? Comment est-ce qu'on redonne du pouvoir d'agir à travers le design ? Là, c'est presque de la philosophie, mais c'est aussi très concret.

  • Julien Vey

    Tout à fait, la philosophie, on a tendance à penser que c'est une sorte de magie intellectuelle, mais c'est penser le monde tel qu'on le ressent et tel qu'on le perçoit, donc il n'y a rien de plus concret en fait. Alors il y a les mots-clés qui sont ceux du design et qui sont légitimes tout à fait. Donc notre formation en trois ans traite de l'innovation sociale, c'est-à-dire comment on imagine des nouvelles manières de vivre ensemble. C'est aussi simple que ça, je pense. général. Le mot innovation peut être contesté, parce qu'on n'est pas obligé de créer des nouveautés. Il y a des choses qui marchent bien, qui existent déjà. On n'est pas obligé de chercher sans cesse des manières un peu personnelles de faire du nouveau qui n'est pas vraiment nouveau. Enfin bref. Donc l'innovation sociale, améliorer la société. Et ça touche un peu tous les secteurs. Ce n'est pas le travail social. C'est comment on va consommer de la nourriture. C'est-à-dire tout le process, la produire, l'acheter ou ne pas l'acheter, la partager. la jeter ou ne pas la jeter, etc. Tout ça, ça pose des questions de société. On a tendance, en fait, c'est par opposition à la technique, c'est-à-dire qu'on a tendance à vouloir tout résoudre par la technique, parce que les homo sapiens ont des pouces opposables, mais en réalité, on peut aussi résoudre des problèmes différemment. juste en s'asseyant à un autre endroit. Ce n'est pas financé par l'État, ce genre d'innovation. Je ne vais pas lever des fonds dans une start-up pour proposer de s'asseoir de l'autre côté de la table. Mais peut-être que ça a de l'effet et que ça vaut le coup de le tenter. Et donc, pour produire ce design d'innovation sociale, nos étudiants sont formés pendant trois ans à des techniques de design qui sont le graphisme. Parce que quand on doit dire des choses, il faut être capable de les dire correctement. visuellement et dans le langage, parce que c'est un langage visuel le graphisme, design d'espace, parce que... La société habite des espaces, c'est aussi simple que ça. Si on ne peut pas agir sur les espaces, on se prive en tout cas d'un grand pouvoir d'agir sur la société. Et alors, heureusement ou malheureusement, selon la philosophie, le numérique, qui est en train de prendre une partie importante des responsabilités et des éthiques de notre société, et donc nos étudiants font ces trois designs-là, et sont ensuite exposés à des problématiques de société. Et donc ils vont répondre, en réalité on ne sait pas avec lequel, ou la combinaison desquels, c'est généralement les trois, et d'autres encore parfois qui apparaissent, notamment l'économie qui fait souvent son entrée dans les réflexions, et vont proposer des solutions globales, en groupe, collectivement, parce qu'on est une coopérative, on a l'esprit de coopération, et c'est quelque chose d'important à transmettre, dans une optique toujours destinée non pas à l'usager ou au client, mais à l'humain.

  • Marion Watras

    Alors il y a un des mots clés également qui te colle un peu à la peau, c'est le biomimétisme. Alors c'est un terme qui peut être vu finalement sous différents angles et pas forcément pour le meilleur. Est-ce que tu pourrais nous expliquer ce que tu mets derrière cette notion et comment tu peux justement l'appliquer à cet enseignement, notamment pour ces étudiants ?

  • Julien Vey

    Je vais faire une introduction à ça très courte, mais c'est important de le dire, parce que moi je suis le visage de l'école, dans le sens où j'en suis le président actuel, et on m'invite à venir restituer un peu ce qui se passe chez nous. Il ne faut pas glisser sur ces Juliens qui font les choses. Le biomimétisme est une pratique qui a été amenée un peu après notre ouverture dans l'école par Virginie Blanville, designer, et a apporté au sein de l'école une formation, qui est la formation d'après. Là je vous ai parlé du bac plus 3, mais il y a le bac plus 5 derrière, le master design et monde vivant. Elle en a créé toute l'ingénierie, elle est allée chercher les experts les plus pertinents en ce qui concerne nos philosophies, Et je vous rappelle que notre philosophie, c'est la mise en pouvoir des gens. et la sortie un peu de logique industrielle. Pas forcément totale, mais en tout cas, revenir à du pouvoir d'agir individuel. Et donc le biomimétisme, c'est l'idée qu'on va trouver des solutions dans la nature. Et ces solutions, en fait, c'est les stratégies que les vivants ont développées, c'est-à-dire la stratégie de survie de la mouche, de la salamandre, de la baleine, en fait, du séquoia. Ils ont des stratégies pour rester en vie, parce que ça fait 3,8 milliards d'années qu'ils sont là, qu'ils ont des problèmes et qu'ils arrivent à les surmonter, puisqu'ils sont a priori toujours là. En se transformant ou en développant plus avant des compétences qu'ils avaient déjà, en tout cas ils survivent. Et donc le biomimétisme va considérer la nature comme une bibliothèque de savoir. En regardant la nature, ce n'est pas juste de la matière qu'on peut prélever, mais c'est aussi des connaissances dont on peut s'inspirer. C'est là où le biomimétisme arrive. Mais ça, c'est la philosophie un peu générale. Il y a une manière extrêmement destructrice pour la planète de faire du biomimétisme. On voit dans Dune, c'est d'actualité là aujourd'hui, des avions inspirés par les libellules pour aller sur Dune, traverser le désert, parce qu'en effet, la libellule, c'est extrêmement performant pour voler, puisque c'est un insecte volant. Est-ce que c'est ça le biomimétisme ? Est-ce que c'est fabriquer des machines comme on l'a toujours fait, de la même manière, dans les mêmes processus, avec la même philosophie et la même logique, sauf qu'au lieu de sortir de nulle part, ça sort de la nature ? Qu'est-ce que ça va changer ça ? On va peut-être économiser un peu de carburant parce que la nature est plutôt efficiente, c'est-à-dire qu'elle utilise moins de ressources et a des meilleurs résultats. On va peut-être trouver des biomatériaux qui seront un peu moins... Qu'est-ce que ça change au final ? Avec cette communauté d'intellectuels autour du master, souvent très critique, a émergé l'idée d'un biomimétisme qui soit plutôt dans la veine de réintégrer une camaraderie avec le vivant, une cohabitation qui dépasse simplement l'usage de la nature. On ne va pas juste prendre dans la nature des idées, on va aussi rendre à la nature des choses. Pas juste en la dégradant moins, pas juste en au lieu de brûler 10 000 hectares par an, j'en brûle que 5 parce que si je fais l'équivalent sur vous, ah bah oui, je vous ai cassé 4 doigts, l'année prochaine j'en casserai que 2 et ce sera quand même mieux Non, c'est vraiment sortir de cette violence qu'on a et de la considération qu'on a envers la nature pour vraiment réintégrer totalement une manière de vivre où on n'aura même pas à compter ce qu'on fait. La charge mentale de compter le carbone, de compter les plastiques, de compter toutes les... Je suis désolé, toutes les saloperies qu'on... qu'on fait. Ça suffit. J'ai envie de... Enfin, j'imagine que c'est pareil pour vous, j'ai envie de vivre sans y penser. Mais pour ça, ça demande à vivre différemment. Alors ça te passe par d'abord une grande phase d'observation.

  • Marion Watras

    Il faut finalement que l'homme apprenne à se mettre en retrait. Oui,

  • Julien Vey

    on occupe le monde. On occupe littéralement le monde. On est un tout petit pourcentage, l'humain, d'un tout petit pourcentage, les animaux. Et on occupe une place équivalente en volume à l'entièreté du vivant. Avec nos objets, avec nos artefacts, je reviens sur le design, mais on produit des objets qui habitent le monde, sous la forme de produits qui traînent dans vos tiroirs, dans vos garages, dans les décharges ou à ciel ouvert dans la nature, qui ne se décomposent pas, ou lentement, ou de manière délétère. Enfin, on est partout et on est partout tout le temps. Et donc comment vous pouvez vous imaginer cohabiter avec un colocataire qui est partout dans l'appartement, le jour et la nuit, et qui laisse traîner ses affaires ? C'est ça la situation. Il n'est pas dans une colocation apaisée. C'est quelque chose qu'on n'accepterait jamais, nous. Et d'ailleurs on ne l'accepte pas, on a pris le monde de force, et on n'accepte pas qu'une araignée soit dans le coin, tout en haut, vous savez, à deux mètres de haut, dans le plafond, dans le coin blanc. Tout n'est pas en blanc, on voit le point noir de l'araignée. On se dit, mais pour qui elle se prend ? Il faut qu'on apprenne à vivre avec. La révolution, la grande transition écologique, elle coûte zéro euro, c'est accepter de vivre avec les autres. Ça implique de changer par contre. Changer, ce n'est pas forcément payant et ce n'est pas forcément mauvais. C'est même généralement plutôt bon et positif, mais par contre, en effet, c'est difficile de changer. Et puis quand on observe bien la nature,

  • Marion Watras

    on se rend compte qu'elle n'est même jamais à son maximum en termes d'efficacité. Il y a cette forme de... d'autoprotection, donc c'est complètement contraire à tout ce qu'on nous inculque depuis tout petit, donne-toi à fond, sois toujours à 100%. Oui,

  • Julien Vey

    c'est un sujet qui est très développé par Olivier Hamand de la fondation Michel Serres, qui est biologiste et qui parle de la performance contre la robustesse. Et c'est plutôt le contraire, c'est la robustesse pour lutter contre la culture de la performance. Parce qu'en effet, toute forme de vie, naturelle en tout cas, vit sur la réserve. On vit tranquillement jusqu'à ce qu'il y ait un problème qui apparaisse et qui doit être adressé avec un excès de force. Et donc là, on a de la réserve pour le faire. Mais on ne peut pas vivre comme ça en permanence, c'est un épuisement. De la même manière que vous laissez un ordinateur toujours allumé en train de faire quelque chose, sa durée de vie va être réduite. Et de la même manière que si vous ne dormez pas, prenez pas soin de vous, vous serez plus fatigué. C'est aussi simple que ça. Et donc c'est l'exemple que je prends avec les entreprises que je rencontre. Si vous avez un jeune diplômé qui vient vous voir en vous disant qu'il est toujours à 100%, ne l'embauchez pas, il va exploser en plein vol ce garçon. ou cette jeune femme. Et on est face à des écoles, nous, par exemple, qui sont encore dans la promotion de la compétition et de l'excellence. C'est pas excellent, l'excellence. C'est en fait très peu efficace, très peu pertinent par rapport aux enjeux qui arrivent. On doit aujourd'hui former des personnes qui sont adaptables, qui sont solidaires, qui ont de l'empathie, mais de la vraie empathie, pas celle de l'UX Design où on se met à la place des gens pour essayer de leur refourguer des trucs. C'est de l'empathie sérieuse. C'est se mettre en situation de... C'est l'éthique du care un petit peu aussi qui a été développée, c'est-à-dire reconnaître les souffrances et les prendre en charge. C'est deux choses. On ne peut pas simplement, temporairement, se mettre dans la peau des gens pour leur fabriquer une chaise sans laver les mains après. Qu'est-ce qui est triste dans cette histoire ? Ce qui est triste, c'est que la vie sur Terre est en train de disparaître. C'est triste. Parce que c'est beau, la vie, ça a des formes extraordinaires, c'est une bibliothèque, comme je le disais, de stratégie et de créativité qui est incroyable, et c'est en train de mourir. Et la deuxième chose qui est triste, c'est que c'est en train de mourir à cause de nous, de ce qu'on fait. Et encore une autre chose qui est encore plus triste, on va plonger dans la tristesse, parce que c'est la question de la solastalgie que vous posez, mais c'est en train de mourir à cause de nous, sans qu'on le veuille. Alors ça, c'est encore quelque chose de triste. Le clou du cercueil dans cette histoire, c'est que c'est en train de mourir à cause de nous, sans qu'on le veuille, et sans qu'on puisse rien y faire. Pourquoi ? Parce que le système qu'on a produit est tellement complexe qu'il n'est pas dans la main d'un individu de le changer. Et donc on est dépendant. On est dépendant de la décision collective. Sauf que la décision collective, la manière dont elle est produite, n'est pas transparente. Et on ne s'est pas même mis d'accord tous ensemble. Pour ne serait-ce que dire qu'il fallait sauver la vie, pour l'instant. Ça change, moi je vois des dynamiques qui changent. Déjà, on m'invite sur des podcasts, et on invite mes collègues qui travaillent sur les mêmes questions, et je les entends de plus en plus. Je suis ravi de découvrir que, en fait, contrairement à ce qu'on pourrait penser, les entreprises, ils ne s'en foutent pas, parce que c'est une bande d'humains, finalement, des entreprises. Et comme je l'ai dit, c'est triste. C'est triste pour tout le monde. Et donc, ces entreprises se saisissent de la question, mais se retrouvent bloquées. Ils ne savent pas quoi faire. Et donc, en effet, quand on découvre l'état de la catastrophe, nous, nos étudiants, ils ont quelques aperçus en troisième année. On l'évoque toujours à demi-mot. Les premières années, on blague un peu dessus. Ah tiens, c'est la fin du monde. Et en fait, avec le temps... On aborde les sujets en quatrième année, notamment la question de l'anthropocène ou du capitalocène, peu importe comment on va l'appeler, mais en tout cas l'action des humains sur l'environnement, on l'attaque de front. On met un casque et on fonce dans le tas. Et alors la première année, on n'a pas été assez prudent, mais là depuis on a mis aussi de l'éco-psychologie pour gérer justement le mal-être que ça peut provoquer. Parce que c'est vrai que si on adresse le problème sérieusement, ça crée du mal-être, ça crée de la souffrance. La bonne nouvelle, c'est que derrière ça, une fois qu'on a compris un peu les dynamiques générales, on peut agir. On peut se dire, bon, où est-ce que j'agis ? Et comment j'agis ? Donc on va agir en tant que communauté, ça c'est certain, parce que les petits gestes des petites personnes, ça fait des petits effets. Et si on attend après les institutions de prendre les décisions, ils ne seront jamais à l'aise de le faire tant que les individus ne seront pas vraiment tous orientés vers ça. Donc orienter les individus c'est la première chose, et on revient sur cette histoire de pouvoir d'agir. Ceux qui sont prêts à agir, il faut donner les... pas les armes, parce que c'est pas une belle manière de le montrer, mais les outils pour agir. Et donc là arrive le design d'assauvrissement, là arrive le design bio-inspiré, le design qui va permettre de donner... Des manières de faire aux gens, sans avoir besoin d'attendre après un système qui sera d'accord ou non, ou d'attendre après des autorisations ou quoi que ce soit. Remettre les gens en puissance. C'est aussi les libérer des objets qui les tiennent. Parce qu'on est tenu par nos objets, on est au service de nos services. Il faut soutenir l'industrie française. Le slip français, ce n'est pas lui qui est là pour nous, pour nos fesses. C'est nous qui devons acheter le slip français pour sauver la France. Donc on est dans une espèce d'inversion des fonctions dans l'économie. Donc voilà, on inverse tout ça, on donne les outils. Et donc nous, on crée ça, on crée ces protocoles pour donner les outils. Et on crée des actions, des actions qui doivent être contagieuses. Je pense à notre ami Nicolas Roche de Zoépolis à Lyon, qui a créé avec ses collègues de Zoépolis une méthodologie qui s'appelle Umwelt Cycletos, qui permet de se mettre à la place, on parlait d'empathie, mais voilà, des autres vivants. et de construire des choses pour les humains qui intègrent les non-humains dans les processus. Et ça, c'est précieux, parce que jusque-là, on construit des bâtiments hermétiques à la vie, et aujourd'hui, on va créer vraiment des colocations. Voilà, c'est ça. Et alors, c'est peu par rapport à tout ce qu'il y a à faire, mais c'est quelque chose. Et quand on est triste, quand on est mal, et qu'on prend les choses en main, on n'est plus mal. Le designer a ça d'intéressant, qu'il peut penser les choses et les faire. Il ne les fait pas dans une version terrible. C'est bien que pensé, le prototype est intéressant, mais on a besoin maintenant des ingénieurs, des techniciens, des biologistes, pour que l'objet habite le monde convenablement. Mais on peut faire quelque chose, on peut arriver avec un objet et dire Regardez, j'ai une idée, c'est ça là qu'on veut faire. Je parle d'un objet, mais en fait je devrais parler d'une chose, parce que ce ne sont pas forcément des objets physiques. J'ai une idée d'organisation pour l'entreprise, j'ai une idée de gouvernance, j'ai une idée dans la manière dont je peux faire une ligne logistique pour composte-nourriture, un cycle fourche-fourchette, j'ai une idée dans la manière dont je peux saboter ce qui est en train de se passer dans ma rue et proposer quelque chose de meilleur avec tous les gens qui habitent ma rue. Et ça devient... A la limite, à chaque fois que... Moi, ça me le fait, mais je sais que mes étudiants aussi. Chaque fois qu'ils voient un problème, ils ont envie de faire un truc dessus. Et en fait, cette volonté de faire des choses, ça fait remonter l'endorphine. Même la sérotonine, on a tout qui revient. Et on se retrouve à nouveau en capacité d'agir, parce qu'on n'est plus tétanisé face à l'état de la catastrophe. la passion pour la créativité et l'écologie peut surgir de n'importe où de sourdre même pour reprendre un nom un peu plus puissant, un mot concept lié à l'eau, sourdre de terre à n'importe quelle occasion moi j'ai eu une expérience forte en retournant dans l'environnement où j'ai grandi. J'avais en bas de chez moi une rivière qui passait où mon père m'emmenait voir les héros. Moi, je viens d'un milieu un peu agricole dans le Jura. Mais en tout cas, il y avait cette rivière. Et dans cette rivière, on y faisait beaucoup de choses. C'était un lieu où j'y croisais mes cousins parfois sans qu'on se prévienne. C'était un lieu un peu culturel presque, cette rivière. On allait s'y baigner. et j'avais de très bons souvenirs puis je suis parti de cet environnement à l'adolescence dans un premier temps pour aller à la ville d'à côté sans jamais penser que c'était précieux et ensuite partir à Paris faire des études d'art et de design puisqu'il n'y avait pas d'école voilà, j'ai quitté cet environnement et j'ai eu un enfant et j'ai voulu l'emmener moi dans cet environnement là pour partager un peu le monde tel qu'il était pour moi, et la rivière avait disparu l'agriculture l'avait eutrophisé avec l'azote, les espèces les avaient envahies, tuées, asséchées Il n'avait pas plu depuis longtemps, il n'y avait plus rien ici. et donc j'ai découvert ça et c'est ça qui m'a bouleversé en réalité et donc là il fallait faire quelque chose et donc on peut avoir l'impression peut-être que je me débat dans une flaque d'eau en essayant de nager mais j'ai l'impression que les choses peuvent avancer quand même et qu'on puisse partager avec nos enfants des natures communes C'était Synaps,

  • Marion Watras

    le podcast de l'agence Conseil en Transitions Hippocampe. Merci à Julien Vey, président de l'Institut supérieur de design de Saint-Malo. Moi, je vous donne rendez-vous dans un mois pour un nouveau parcours inspirant. En attendant, je compte sur vous pour parler de Synaps autour de vous. À très vite !

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Description

À Saint-Malo, il existe une école de design unique en son genre. 

Unique de par son statut d’abord, car c’est la première école supérieure de France, organisée en SCIC, société coopérative d’intérêt collectif. Les élèves, comme les intervenants et les partenaires en sont sociétaires et participent, sur le principe d’une personne une voix, aux choix stratégiques. 🤝


Mais l'Institut supérieur de design de Saint-Malo est aussi unique de par les convictions et les engagements qu'il porte et qu’il transmet. Sobriété heureuse, coopération, adaptabilité, démocratie, diversité sont quelques-unes des valeurs sur lesquelles reposent les enseignements. 

A l’origine de cette école qui a ouvert à la rentrée 2018, ils sont 4. Parmi eux : Julien Vey, notre invité du jour. 


Dans cet épisode :

➡️ Nous allons explorer cette nouvelle manière d’aborder le design, qui propose de mettre la créativité au service du monde vivant. 

➡️ Julien Vey détaillera les concepts clés que sont pour lui le biomimétisme ou le design d'assobrissement.

➡️ Nous découvrirons comment toutes ces notions sont intégrées, naturellement, aux enseignements proposés à l'Institut supérieur de design de Saint-Malo.


🔗 Pour en savoir plus sur l'Institut supérieur de design de Saint-Malo :

https://institut.design/



🟠 Synaps est un podcast proposé par :

Hippocampe - Brest
Agence créatrice de métamorphose

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Créée à Brest en 1995, l'agence Hippocampe, spécialiste en communication, a très tôt intégré à son fonctionnement les enjeux liés à l'environnement, au respect de la planète et plus largement au développement durable. Aujourd’hui, elle place la RSE (responsabilité sociétale des entreprises) au coeur de son projet et s’impose comme une référence en matière d’accompagnement vers les transitions et les transformations.


L'objectif de Synaps : mettre en lumière les femmes et les hommes qui s’engagent, en Bretagne, sur les enjeux de transitions ; donner à entendre des parcours inspirants, des convictions fortes, des visions réalistes et optimistes.

Pourquoi Synaps ? Parce qu’il s’agit de créer des connexions et de faire du lien entre ces acteurs, avec l’idée d’encourager d’autres personnes à agir à leur tour.


Réalisation (Interview / voix off / montage / mixage) : Marion Watras

Musique : Max van Thun



Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Julien Vey

    Le design a beaucoup participé à priver les gens de leur pouvoir d'agir sur le monde, en les mettant dans des situations de confort qui ne nécessitent pas d'action de leur part. Et donc à l'Institut de Design, plutôt que de faire ce design-là, qui rend bête, on a décidé de faire un design qui donne les outils, qui donne les moyens et les ressources aux individus de prendre la main.

  • Marion Watras

    À Saint-Malo, il existe une école de design unique. Unique de par son statut d'abord, car c'est la première école supérieure de France organisée en SCIC, Société coopérative d'intérêt collectif. Les élèves, comme les intervenants et les partenaires, en sont sociétaires et participent sur le principe d'une personne, une voix, au choix stratégique. Mais l'école de design de Saint-Malo est aussi unique de par les convictions et les engagements qu'elle porte et qu'elle transmet. Sobriété heureuse, coopération, adaptabilité, démocratie, diversité sont quelques-unes des valeurs sur lesquelles reposent les enseignements. A l'origine de cette école qui a ouvert à la rentrée 2018, ils sont quatre. Parmi eux, Julien Vey, notre invité du jour. Avec lui, nous allons explorer cette nouvelle manière d'aborder le design qui propose de mettre la créativité au service du monde vivant. Je suis Marion et je vous souhaite la bienvenue à l'écoute de Synaps, le podcast sur les transitions en Bretagne.

  • Julien Vey

    J'ai eu le démarrage de carrière le moins glorieux de l'histoire, j'ai travaillé dans la publicité. La publicité qui est un outil d'assujettissement qui est extraordinaire. On est en train de faire miroiter des mondes en dehors de la discussion sur les objets qu'on essaye de vendre. C'est-à-dire qu'on montre la voiture non pas en ce qu'elle est un objet de mobilité qui nous permet d'aller faire quelque chose, mais de la qualité de ses banquettes, de la beauté de ses couleurs, comme si c'était un reportage animalier. On est en train de montrer la beauté d'un objet. On n'a plus la discussion sur ce qu'elle est censée faire, mais sur toutes les qualités qu'elle a en dehors de ça. J'ai travaillé dans cet environnement un peu stérile pendant mon alternance, pendant mes études, puis un début de carrière qui m'a immédiatement dégoûté. Ce n'est pas forcément ma culture. Et le pire là-dedans, c'est qu'il y a beaucoup de créativité dans la publicité. C'est dommage de mettre toute cette créativité au service de choses aussi triviales et aussi, je vais le dire, imbéciles qu'essayer de vendre des choses à des gens en permanence, sans parler de ce que les choses font de bien. Je suis allé aux antipodes de ça par dégoût, je dirais. C'est indigeste. Donc j'ai voulu aller chercher des choses qui sont meilleures. Et à partir de là, j'ai rencontré des personnes. Et le design qu'on est en train d'essayer de... de produire et de transmettre à nos étudiants, il est aussi en cours de fabrication. Et c'est important de se le dire, parce que le design... C'est un peu méta ce que je vais dire, mais c'est un outil au service du pouvoir des gens. Il faut que les gens aient le pouvoir d'agir sur ce design. Ce design change perpétuellement aussi, c'est un peu la boucle. Ça nous empêche de faire ce que le design fait toujours, créer des templates de pensée, des manières de penser qui sont déjà prédéfinies. On fait étape 1, étape 2, étape 3. On est toujours en requestionnement de ça, parce que le monde change vite, en quelques années, depuis l'ouverture de l'école. On a eu mille révolutions intellectuelles déjà, donc on se réadapte dessus. Et si on est dans des process industriels, on est sur une chaîne de production. Si on est sur des philosophies et des manières d'aborder le monde de manière un peu plus sensible, on est réactif au monde et donc on adapte ce qu'on fait.

  • Marion Watras

    Alors justement, comment est-ce que tu pourrais définir ce que vous essayez d'enseigner à ces étudiants ? Comment est-ce qu'on redonne du pouvoir d'agir à travers le design ? Là, c'est presque de la philosophie, mais c'est aussi très concret.

  • Julien Vey

    Tout à fait, la philosophie, on a tendance à penser que c'est une sorte de magie intellectuelle, mais c'est penser le monde tel qu'on le ressent et tel qu'on le perçoit, donc il n'y a rien de plus concret en fait. Alors il y a les mots-clés qui sont ceux du design et qui sont légitimes tout à fait. Donc notre formation en trois ans traite de l'innovation sociale, c'est-à-dire comment on imagine des nouvelles manières de vivre ensemble. C'est aussi simple que ça, je pense. général. Le mot innovation peut être contesté, parce qu'on n'est pas obligé de créer des nouveautés. Il y a des choses qui marchent bien, qui existent déjà. On n'est pas obligé de chercher sans cesse des manières un peu personnelles de faire du nouveau qui n'est pas vraiment nouveau. Enfin bref. Donc l'innovation sociale, améliorer la société. Et ça touche un peu tous les secteurs. Ce n'est pas le travail social. C'est comment on va consommer de la nourriture. C'est-à-dire tout le process, la produire, l'acheter ou ne pas l'acheter, la partager. la jeter ou ne pas la jeter, etc. Tout ça, ça pose des questions de société. On a tendance, en fait, c'est par opposition à la technique, c'est-à-dire qu'on a tendance à vouloir tout résoudre par la technique, parce que les homo sapiens ont des pouces opposables, mais en réalité, on peut aussi résoudre des problèmes différemment. juste en s'asseyant à un autre endroit. Ce n'est pas financé par l'État, ce genre d'innovation. Je ne vais pas lever des fonds dans une start-up pour proposer de s'asseoir de l'autre côté de la table. Mais peut-être que ça a de l'effet et que ça vaut le coup de le tenter. Et donc, pour produire ce design d'innovation sociale, nos étudiants sont formés pendant trois ans à des techniques de design qui sont le graphisme. Parce que quand on doit dire des choses, il faut être capable de les dire correctement. visuellement et dans le langage, parce que c'est un langage visuel le graphisme, design d'espace, parce que... La société habite des espaces, c'est aussi simple que ça. Si on ne peut pas agir sur les espaces, on se prive en tout cas d'un grand pouvoir d'agir sur la société. Et alors, heureusement ou malheureusement, selon la philosophie, le numérique, qui est en train de prendre une partie importante des responsabilités et des éthiques de notre société, et donc nos étudiants font ces trois designs-là, et sont ensuite exposés à des problématiques de société. Et donc ils vont répondre, en réalité on ne sait pas avec lequel, ou la combinaison desquels, c'est généralement les trois, et d'autres encore parfois qui apparaissent, notamment l'économie qui fait souvent son entrée dans les réflexions, et vont proposer des solutions globales, en groupe, collectivement, parce qu'on est une coopérative, on a l'esprit de coopération, et c'est quelque chose d'important à transmettre, dans une optique toujours destinée non pas à l'usager ou au client, mais à l'humain.

  • Marion Watras

    Alors il y a un des mots clés également qui te colle un peu à la peau, c'est le biomimétisme. Alors c'est un terme qui peut être vu finalement sous différents angles et pas forcément pour le meilleur. Est-ce que tu pourrais nous expliquer ce que tu mets derrière cette notion et comment tu peux justement l'appliquer à cet enseignement, notamment pour ces étudiants ?

  • Julien Vey

    Je vais faire une introduction à ça très courte, mais c'est important de le dire, parce que moi je suis le visage de l'école, dans le sens où j'en suis le président actuel, et on m'invite à venir restituer un peu ce qui se passe chez nous. Il ne faut pas glisser sur ces Juliens qui font les choses. Le biomimétisme est une pratique qui a été amenée un peu après notre ouverture dans l'école par Virginie Blanville, designer, et a apporté au sein de l'école une formation, qui est la formation d'après. Là je vous ai parlé du bac plus 3, mais il y a le bac plus 5 derrière, le master design et monde vivant. Elle en a créé toute l'ingénierie, elle est allée chercher les experts les plus pertinents en ce qui concerne nos philosophies, Et je vous rappelle que notre philosophie, c'est la mise en pouvoir des gens. et la sortie un peu de logique industrielle. Pas forcément totale, mais en tout cas, revenir à du pouvoir d'agir individuel. Et donc le biomimétisme, c'est l'idée qu'on va trouver des solutions dans la nature. Et ces solutions, en fait, c'est les stratégies que les vivants ont développées, c'est-à-dire la stratégie de survie de la mouche, de la salamandre, de la baleine, en fait, du séquoia. Ils ont des stratégies pour rester en vie, parce que ça fait 3,8 milliards d'années qu'ils sont là, qu'ils ont des problèmes et qu'ils arrivent à les surmonter, puisqu'ils sont a priori toujours là. En se transformant ou en développant plus avant des compétences qu'ils avaient déjà, en tout cas ils survivent. Et donc le biomimétisme va considérer la nature comme une bibliothèque de savoir. En regardant la nature, ce n'est pas juste de la matière qu'on peut prélever, mais c'est aussi des connaissances dont on peut s'inspirer. C'est là où le biomimétisme arrive. Mais ça, c'est la philosophie un peu générale. Il y a une manière extrêmement destructrice pour la planète de faire du biomimétisme. On voit dans Dune, c'est d'actualité là aujourd'hui, des avions inspirés par les libellules pour aller sur Dune, traverser le désert, parce qu'en effet, la libellule, c'est extrêmement performant pour voler, puisque c'est un insecte volant. Est-ce que c'est ça le biomimétisme ? Est-ce que c'est fabriquer des machines comme on l'a toujours fait, de la même manière, dans les mêmes processus, avec la même philosophie et la même logique, sauf qu'au lieu de sortir de nulle part, ça sort de la nature ? Qu'est-ce que ça va changer ça ? On va peut-être économiser un peu de carburant parce que la nature est plutôt efficiente, c'est-à-dire qu'elle utilise moins de ressources et a des meilleurs résultats. On va peut-être trouver des biomatériaux qui seront un peu moins... Qu'est-ce que ça change au final ? Avec cette communauté d'intellectuels autour du master, souvent très critique, a émergé l'idée d'un biomimétisme qui soit plutôt dans la veine de réintégrer une camaraderie avec le vivant, une cohabitation qui dépasse simplement l'usage de la nature. On ne va pas juste prendre dans la nature des idées, on va aussi rendre à la nature des choses. Pas juste en la dégradant moins, pas juste en au lieu de brûler 10 000 hectares par an, j'en brûle que 5 parce que si je fais l'équivalent sur vous, ah bah oui, je vous ai cassé 4 doigts, l'année prochaine j'en casserai que 2 et ce sera quand même mieux Non, c'est vraiment sortir de cette violence qu'on a et de la considération qu'on a envers la nature pour vraiment réintégrer totalement une manière de vivre où on n'aura même pas à compter ce qu'on fait. La charge mentale de compter le carbone, de compter les plastiques, de compter toutes les... Je suis désolé, toutes les saloperies qu'on... qu'on fait. Ça suffit. J'ai envie de... Enfin, j'imagine que c'est pareil pour vous, j'ai envie de vivre sans y penser. Mais pour ça, ça demande à vivre différemment. Alors ça te passe par d'abord une grande phase d'observation.

  • Marion Watras

    Il faut finalement que l'homme apprenne à se mettre en retrait. Oui,

  • Julien Vey

    on occupe le monde. On occupe littéralement le monde. On est un tout petit pourcentage, l'humain, d'un tout petit pourcentage, les animaux. Et on occupe une place équivalente en volume à l'entièreté du vivant. Avec nos objets, avec nos artefacts, je reviens sur le design, mais on produit des objets qui habitent le monde, sous la forme de produits qui traînent dans vos tiroirs, dans vos garages, dans les décharges ou à ciel ouvert dans la nature, qui ne se décomposent pas, ou lentement, ou de manière délétère. Enfin, on est partout et on est partout tout le temps. Et donc comment vous pouvez vous imaginer cohabiter avec un colocataire qui est partout dans l'appartement, le jour et la nuit, et qui laisse traîner ses affaires ? C'est ça la situation. Il n'est pas dans une colocation apaisée. C'est quelque chose qu'on n'accepterait jamais, nous. Et d'ailleurs on ne l'accepte pas, on a pris le monde de force, et on n'accepte pas qu'une araignée soit dans le coin, tout en haut, vous savez, à deux mètres de haut, dans le plafond, dans le coin blanc. Tout n'est pas en blanc, on voit le point noir de l'araignée. On se dit, mais pour qui elle se prend ? Il faut qu'on apprenne à vivre avec. La révolution, la grande transition écologique, elle coûte zéro euro, c'est accepter de vivre avec les autres. Ça implique de changer par contre. Changer, ce n'est pas forcément payant et ce n'est pas forcément mauvais. C'est même généralement plutôt bon et positif, mais par contre, en effet, c'est difficile de changer. Et puis quand on observe bien la nature,

  • Marion Watras

    on se rend compte qu'elle n'est même jamais à son maximum en termes d'efficacité. Il y a cette forme de... d'autoprotection, donc c'est complètement contraire à tout ce qu'on nous inculque depuis tout petit, donne-toi à fond, sois toujours à 100%. Oui,

  • Julien Vey

    c'est un sujet qui est très développé par Olivier Hamand de la fondation Michel Serres, qui est biologiste et qui parle de la performance contre la robustesse. Et c'est plutôt le contraire, c'est la robustesse pour lutter contre la culture de la performance. Parce qu'en effet, toute forme de vie, naturelle en tout cas, vit sur la réserve. On vit tranquillement jusqu'à ce qu'il y ait un problème qui apparaisse et qui doit être adressé avec un excès de force. Et donc là, on a de la réserve pour le faire. Mais on ne peut pas vivre comme ça en permanence, c'est un épuisement. De la même manière que vous laissez un ordinateur toujours allumé en train de faire quelque chose, sa durée de vie va être réduite. Et de la même manière que si vous ne dormez pas, prenez pas soin de vous, vous serez plus fatigué. C'est aussi simple que ça. Et donc c'est l'exemple que je prends avec les entreprises que je rencontre. Si vous avez un jeune diplômé qui vient vous voir en vous disant qu'il est toujours à 100%, ne l'embauchez pas, il va exploser en plein vol ce garçon. ou cette jeune femme. Et on est face à des écoles, nous, par exemple, qui sont encore dans la promotion de la compétition et de l'excellence. C'est pas excellent, l'excellence. C'est en fait très peu efficace, très peu pertinent par rapport aux enjeux qui arrivent. On doit aujourd'hui former des personnes qui sont adaptables, qui sont solidaires, qui ont de l'empathie, mais de la vraie empathie, pas celle de l'UX Design où on se met à la place des gens pour essayer de leur refourguer des trucs. C'est de l'empathie sérieuse. C'est se mettre en situation de... C'est l'éthique du care un petit peu aussi qui a été développée, c'est-à-dire reconnaître les souffrances et les prendre en charge. C'est deux choses. On ne peut pas simplement, temporairement, se mettre dans la peau des gens pour leur fabriquer une chaise sans laver les mains après. Qu'est-ce qui est triste dans cette histoire ? Ce qui est triste, c'est que la vie sur Terre est en train de disparaître. C'est triste. Parce que c'est beau, la vie, ça a des formes extraordinaires, c'est une bibliothèque, comme je le disais, de stratégie et de créativité qui est incroyable, et c'est en train de mourir. Et la deuxième chose qui est triste, c'est que c'est en train de mourir à cause de nous, de ce qu'on fait. Et encore une autre chose qui est encore plus triste, on va plonger dans la tristesse, parce que c'est la question de la solastalgie que vous posez, mais c'est en train de mourir à cause de nous, sans qu'on le veuille. Alors ça, c'est encore quelque chose de triste. Le clou du cercueil dans cette histoire, c'est que c'est en train de mourir à cause de nous, sans qu'on le veuille, et sans qu'on puisse rien y faire. Pourquoi ? Parce que le système qu'on a produit est tellement complexe qu'il n'est pas dans la main d'un individu de le changer. Et donc on est dépendant. On est dépendant de la décision collective. Sauf que la décision collective, la manière dont elle est produite, n'est pas transparente. Et on ne s'est pas même mis d'accord tous ensemble. Pour ne serait-ce que dire qu'il fallait sauver la vie, pour l'instant. Ça change, moi je vois des dynamiques qui changent. Déjà, on m'invite sur des podcasts, et on invite mes collègues qui travaillent sur les mêmes questions, et je les entends de plus en plus. Je suis ravi de découvrir que, en fait, contrairement à ce qu'on pourrait penser, les entreprises, ils ne s'en foutent pas, parce que c'est une bande d'humains, finalement, des entreprises. Et comme je l'ai dit, c'est triste. C'est triste pour tout le monde. Et donc, ces entreprises se saisissent de la question, mais se retrouvent bloquées. Ils ne savent pas quoi faire. Et donc, en effet, quand on découvre l'état de la catastrophe, nous, nos étudiants, ils ont quelques aperçus en troisième année. On l'évoque toujours à demi-mot. Les premières années, on blague un peu dessus. Ah tiens, c'est la fin du monde. Et en fait, avec le temps... On aborde les sujets en quatrième année, notamment la question de l'anthropocène ou du capitalocène, peu importe comment on va l'appeler, mais en tout cas l'action des humains sur l'environnement, on l'attaque de front. On met un casque et on fonce dans le tas. Et alors la première année, on n'a pas été assez prudent, mais là depuis on a mis aussi de l'éco-psychologie pour gérer justement le mal-être que ça peut provoquer. Parce que c'est vrai que si on adresse le problème sérieusement, ça crée du mal-être, ça crée de la souffrance. La bonne nouvelle, c'est que derrière ça, une fois qu'on a compris un peu les dynamiques générales, on peut agir. On peut se dire, bon, où est-ce que j'agis ? Et comment j'agis ? Donc on va agir en tant que communauté, ça c'est certain, parce que les petits gestes des petites personnes, ça fait des petits effets. Et si on attend après les institutions de prendre les décisions, ils ne seront jamais à l'aise de le faire tant que les individus ne seront pas vraiment tous orientés vers ça. Donc orienter les individus c'est la première chose, et on revient sur cette histoire de pouvoir d'agir. Ceux qui sont prêts à agir, il faut donner les... pas les armes, parce que c'est pas une belle manière de le montrer, mais les outils pour agir. Et donc là arrive le design d'assauvrissement, là arrive le design bio-inspiré, le design qui va permettre de donner... Des manières de faire aux gens, sans avoir besoin d'attendre après un système qui sera d'accord ou non, ou d'attendre après des autorisations ou quoi que ce soit. Remettre les gens en puissance. C'est aussi les libérer des objets qui les tiennent. Parce qu'on est tenu par nos objets, on est au service de nos services. Il faut soutenir l'industrie française. Le slip français, ce n'est pas lui qui est là pour nous, pour nos fesses. C'est nous qui devons acheter le slip français pour sauver la France. Donc on est dans une espèce d'inversion des fonctions dans l'économie. Donc voilà, on inverse tout ça, on donne les outils. Et donc nous, on crée ça, on crée ces protocoles pour donner les outils. Et on crée des actions, des actions qui doivent être contagieuses. Je pense à notre ami Nicolas Roche de Zoépolis à Lyon, qui a créé avec ses collègues de Zoépolis une méthodologie qui s'appelle Umwelt Cycletos, qui permet de se mettre à la place, on parlait d'empathie, mais voilà, des autres vivants. et de construire des choses pour les humains qui intègrent les non-humains dans les processus. Et ça, c'est précieux, parce que jusque-là, on construit des bâtiments hermétiques à la vie, et aujourd'hui, on va créer vraiment des colocations. Voilà, c'est ça. Et alors, c'est peu par rapport à tout ce qu'il y a à faire, mais c'est quelque chose. Et quand on est triste, quand on est mal, et qu'on prend les choses en main, on n'est plus mal. Le designer a ça d'intéressant, qu'il peut penser les choses et les faire. Il ne les fait pas dans une version terrible. C'est bien que pensé, le prototype est intéressant, mais on a besoin maintenant des ingénieurs, des techniciens, des biologistes, pour que l'objet habite le monde convenablement. Mais on peut faire quelque chose, on peut arriver avec un objet et dire Regardez, j'ai une idée, c'est ça là qu'on veut faire. Je parle d'un objet, mais en fait je devrais parler d'une chose, parce que ce ne sont pas forcément des objets physiques. J'ai une idée d'organisation pour l'entreprise, j'ai une idée de gouvernance, j'ai une idée dans la manière dont je peux faire une ligne logistique pour composte-nourriture, un cycle fourche-fourchette, j'ai une idée dans la manière dont je peux saboter ce qui est en train de se passer dans ma rue et proposer quelque chose de meilleur avec tous les gens qui habitent ma rue. Et ça devient... A la limite, à chaque fois que... Moi, ça me le fait, mais je sais que mes étudiants aussi. Chaque fois qu'ils voient un problème, ils ont envie de faire un truc dessus. Et en fait, cette volonté de faire des choses, ça fait remonter l'endorphine. Même la sérotonine, on a tout qui revient. Et on se retrouve à nouveau en capacité d'agir, parce qu'on n'est plus tétanisé face à l'état de la catastrophe. la passion pour la créativité et l'écologie peut surgir de n'importe où de sourdre même pour reprendre un nom un peu plus puissant, un mot concept lié à l'eau, sourdre de terre à n'importe quelle occasion moi j'ai eu une expérience forte en retournant dans l'environnement où j'ai grandi. J'avais en bas de chez moi une rivière qui passait où mon père m'emmenait voir les héros. Moi, je viens d'un milieu un peu agricole dans le Jura. Mais en tout cas, il y avait cette rivière. Et dans cette rivière, on y faisait beaucoup de choses. C'était un lieu où j'y croisais mes cousins parfois sans qu'on se prévienne. C'était un lieu un peu culturel presque, cette rivière. On allait s'y baigner. et j'avais de très bons souvenirs puis je suis parti de cet environnement à l'adolescence dans un premier temps pour aller à la ville d'à côté sans jamais penser que c'était précieux et ensuite partir à Paris faire des études d'art et de design puisqu'il n'y avait pas d'école voilà, j'ai quitté cet environnement et j'ai eu un enfant et j'ai voulu l'emmener moi dans cet environnement là pour partager un peu le monde tel qu'il était pour moi, et la rivière avait disparu l'agriculture l'avait eutrophisé avec l'azote, les espèces les avaient envahies, tuées, asséchées Il n'avait pas plu depuis longtemps, il n'y avait plus rien ici. et donc j'ai découvert ça et c'est ça qui m'a bouleversé en réalité et donc là il fallait faire quelque chose et donc on peut avoir l'impression peut-être que je me débat dans une flaque d'eau en essayant de nager mais j'ai l'impression que les choses peuvent avancer quand même et qu'on puisse partager avec nos enfants des natures communes C'était Synaps,

  • Marion Watras

    le podcast de l'agence Conseil en Transitions Hippocampe. Merci à Julien Vey, président de l'Institut supérieur de design de Saint-Malo. Moi, je vous donne rendez-vous dans un mois pour un nouveau parcours inspirant. En attendant, je compte sur vous pour parler de Synaps autour de vous. À très vite !

Description

À Saint-Malo, il existe une école de design unique en son genre. 

Unique de par son statut d’abord, car c’est la première école supérieure de France, organisée en SCIC, société coopérative d’intérêt collectif. Les élèves, comme les intervenants et les partenaires en sont sociétaires et participent, sur le principe d’une personne une voix, aux choix stratégiques. 🤝


Mais l'Institut supérieur de design de Saint-Malo est aussi unique de par les convictions et les engagements qu'il porte et qu’il transmet. Sobriété heureuse, coopération, adaptabilité, démocratie, diversité sont quelques-unes des valeurs sur lesquelles reposent les enseignements. 

A l’origine de cette école qui a ouvert à la rentrée 2018, ils sont 4. Parmi eux : Julien Vey, notre invité du jour. 


Dans cet épisode :

➡️ Nous allons explorer cette nouvelle manière d’aborder le design, qui propose de mettre la créativité au service du monde vivant. 

➡️ Julien Vey détaillera les concepts clés que sont pour lui le biomimétisme ou le design d'assobrissement.

➡️ Nous découvrirons comment toutes ces notions sont intégrées, naturellement, aux enseignements proposés à l'Institut supérieur de design de Saint-Malo.


🔗 Pour en savoir plus sur l'Institut supérieur de design de Saint-Malo :

https://institut.design/



🟠 Synaps est un podcast proposé par :

Hippocampe - Brest
Agence créatrice de métamorphose

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Créée à Brest en 1995, l'agence Hippocampe, spécialiste en communication, a très tôt intégré à son fonctionnement les enjeux liés à l'environnement, au respect de la planète et plus largement au développement durable. Aujourd’hui, elle place la RSE (responsabilité sociétale des entreprises) au coeur de son projet et s’impose comme une référence en matière d’accompagnement vers les transitions et les transformations.


L'objectif de Synaps : mettre en lumière les femmes et les hommes qui s’engagent, en Bretagne, sur les enjeux de transitions ; donner à entendre des parcours inspirants, des convictions fortes, des visions réalistes et optimistes.

Pourquoi Synaps ? Parce qu’il s’agit de créer des connexions et de faire du lien entre ces acteurs, avec l’idée d’encourager d’autres personnes à agir à leur tour.


Réalisation (Interview / voix off / montage / mixage) : Marion Watras

Musique : Max van Thun



Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Julien Vey

    Le design a beaucoup participé à priver les gens de leur pouvoir d'agir sur le monde, en les mettant dans des situations de confort qui ne nécessitent pas d'action de leur part. Et donc à l'Institut de Design, plutôt que de faire ce design-là, qui rend bête, on a décidé de faire un design qui donne les outils, qui donne les moyens et les ressources aux individus de prendre la main.

  • Marion Watras

    À Saint-Malo, il existe une école de design unique. Unique de par son statut d'abord, car c'est la première école supérieure de France organisée en SCIC, Société coopérative d'intérêt collectif. Les élèves, comme les intervenants et les partenaires, en sont sociétaires et participent sur le principe d'une personne, une voix, au choix stratégique. Mais l'école de design de Saint-Malo est aussi unique de par les convictions et les engagements qu'elle porte et qu'elle transmet. Sobriété heureuse, coopération, adaptabilité, démocratie, diversité sont quelques-unes des valeurs sur lesquelles reposent les enseignements. A l'origine de cette école qui a ouvert à la rentrée 2018, ils sont quatre. Parmi eux, Julien Vey, notre invité du jour. Avec lui, nous allons explorer cette nouvelle manière d'aborder le design qui propose de mettre la créativité au service du monde vivant. Je suis Marion et je vous souhaite la bienvenue à l'écoute de Synaps, le podcast sur les transitions en Bretagne.

  • Julien Vey

    J'ai eu le démarrage de carrière le moins glorieux de l'histoire, j'ai travaillé dans la publicité. La publicité qui est un outil d'assujettissement qui est extraordinaire. On est en train de faire miroiter des mondes en dehors de la discussion sur les objets qu'on essaye de vendre. C'est-à-dire qu'on montre la voiture non pas en ce qu'elle est un objet de mobilité qui nous permet d'aller faire quelque chose, mais de la qualité de ses banquettes, de la beauté de ses couleurs, comme si c'était un reportage animalier. On est en train de montrer la beauté d'un objet. On n'a plus la discussion sur ce qu'elle est censée faire, mais sur toutes les qualités qu'elle a en dehors de ça. J'ai travaillé dans cet environnement un peu stérile pendant mon alternance, pendant mes études, puis un début de carrière qui m'a immédiatement dégoûté. Ce n'est pas forcément ma culture. Et le pire là-dedans, c'est qu'il y a beaucoup de créativité dans la publicité. C'est dommage de mettre toute cette créativité au service de choses aussi triviales et aussi, je vais le dire, imbéciles qu'essayer de vendre des choses à des gens en permanence, sans parler de ce que les choses font de bien. Je suis allé aux antipodes de ça par dégoût, je dirais. C'est indigeste. Donc j'ai voulu aller chercher des choses qui sont meilleures. Et à partir de là, j'ai rencontré des personnes. Et le design qu'on est en train d'essayer de... de produire et de transmettre à nos étudiants, il est aussi en cours de fabrication. Et c'est important de se le dire, parce que le design... C'est un peu méta ce que je vais dire, mais c'est un outil au service du pouvoir des gens. Il faut que les gens aient le pouvoir d'agir sur ce design. Ce design change perpétuellement aussi, c'est un peu la boucle. Ça nous empêche de faire ce que le design fait toujours, créer des templates de pensée, des manières de penser qui sont déjà prédéfinies. On fait étape 1, étape 2, étape 3. On est toujours en requestionnement de ça, parce que le monde change vite, en quelques années, depuis l'ouverture de l'école. On a eu mille révolutions intellectuelles déjà, donc on se réadapte dessus. Et si on est dans des process industriels, on est sur une chaîne de production. Si on est sur des philosophies et des manières d'aborder le monde de manière un peu plus sensible, on est réactif au monde et donc on adapte ce qu'on fait.

  • Marion Watras

    Alors justement, comment est-ce que tu pourrais définir ce que vous essayez d'enseigner à ces étudiants ? Comment est-ce qu'on redonne du pouvoir d'agir à travers le design ? Là, c'est presque de la philosophie, mais c'est aussi très concret.

  • Julien Vey

    Tout à fait, la philosophie, on a tendance à penser que c'est une sorte de magie intellectuelle, mais c'est penser le monde tel qu'on le ressent et tel qu'on le perçoit, donc il n'y a rien de plus concret en fait. Alors il y a les mots-clés qui sont ceux du design et qui sont légitimes tout à fait. Donc notre formation en trois ans traite de l'innovation sociale, c'est-à-dire comment on imagine des nouvelles manières de vivre ensemble. C'est aussi simple que ça, je pense. général. Le mot innovation peut être contesté, parce qu'on n'est pas obligé de créer des nouveautés. Il y a des choses qui marchent bien, qui existent déjà. On n'est pas obligé de chercher sans cesse des manières un peu personnelles de faire du nouveau qui n'est pas vraiment nouveau. Enfin bref. Donc l'innovation sociale, améliorer la société. Et ça touche un peu tous les secteurs. Ce n'est pas le travail social. C'est comment on va consommer de la nourriture. C'est-à-dire tout le process, la produire, l'acheter ou ne pas l'acheter, la partager. la jeter ou ne pas la jeter, etc. Tout ça, ça pose des questions de société. On a tendance, en fait, c'est par opposition à la technique, c'est-à-dire qu'on a tendance à vouloir tout résoudre par la technique, parce que les homo sapiens ont des pouces opposables, mais en réalité, on peut aussi résoudre des problèmes différemment. juste en s'asseyant à un autre endroit. Ce n'est pas financé par l'État, ce genre d'innovation. Je ne vais pas lever des fonds dans une start-up pour proposer de s'asseoir de l'autre côté de la table. Mais peut-être que ça a de l'effet et que ça vaut le coup de le tenter. Et donc, pour produire ce design d'innovation sociale, nos étudiants sont formés pendant trois ans à des techniques de design qui sont le graphisme. Parce que quand on doit dire des choses, il faut être capable de les dire correctement. visuellement et dans le langage, parce que c'est un langage visuel le graphisme, design d'espace, parce que... La société habite des espaces, c'est aussi simple que ça. Si on ne peut pas agir sur les espaces, on se prive en tout cas d'un grand pouvoir d'agir sur la société. Et alors, heureusement ou malheureusement, selon la philosophie, le numérique, qui est en train de prendre une partie importante des responsabilités et des éthiques de notre société, et donc nos étudiants font ces trois designs-là, et sont ensuite exposés à des problématiques de société. Et donc ils vont répondre, en réalité on ne sait pas avec lequel, ou la combinaison desquels, c'est généralement les trois, et d'autres encore parfois qui apparaissent, notamment l'économie qui fait souvent son entrée dans les réflexions, et vont proposer des solutions globales, en groupe, collectivement, parce qu'on est une coopérative, on a l'esprit de coopération, et c'est quelque chose d'important à transmettre, dans une optique toujours destinée non pas à l'usager ou au client, mais à l'humain.

  • Marion Watras

    Alors il y a un des mots clés également qui te colle un peu à la peau, c'est le biomimétisme. Alors c'est un terme qui peut être vu finalement sous différents angles et pas forcément pour le meilleur. Est-ce que tu pourrais nous expliquer ce que tu mets derrière cette notion et comment tu peux justement l'appliquer à cet enseignement, notamment pour ces étudiants ?

  • Julien Vey

    Je vais faire une introduction à ça très courte, mais c'est important de le dire, parce que moi je suis le visage de l'école, dans le sens où j'en suis le président actuel, et on m'invite à venir restituer un peu ce qui se passe chez nous. Il ne faut pas glisser sur ces Juliens qui font les choses. Le biomimétisme est une pratique qui a été amenée un peu après notre ouverture dans l'école par Virginie Blanville, designer, et a apporté au sein de l'école une formation, qui est la formation d'après. Là je vous ai parlé du bac plus 3, mais il y a le bac plus 5 derrière, le master design et monde vivant. Elle en a créé toute l'ingénierie, elle est allée chercher les experts les plus pertinents en ce qui concerne nos philosophies, Et je vous rappelle que notre philosophie, c'est la mise en pouvoir des gens. et la sortie un peu de logique industrielle. Pas forcément totale, mais en tout cas, revenir à du pouvoir d'agir individuel. Et donc le biomimétisme, c'est l'idée qu'on va trouver des solutions dans la nature. Et ces solutions, en fait, c'est les stratégies que les vivants ont développées, c'est-à-dire la stratégie de survie de la mouche, de la salamandre, de la baleine, en fait, du séquoia. Ils ont des stratégies pour rester en vie, parce que ça fait 3,8 milliards d'années qu'ils sont là, qu'ils ont des problèmes et qu'ils arrivent à les surmonter, puisqu'ils sont a priori toujours là. En se transformant ou en développant plus avant des compétences qu'ils avaient déjà, en tout cas ils survivent. Et donc le biomimétisme va considérer la nature comme une bibliothèque de savoir. En regardant la nature, ce n'est pas juste de la matière qu'on peut prélever, mais c'est aussi des connaissances dont on peut s'inspirer. C'est là où le biomimétisme arrive. Mais ça, c'est la philosophie un peu générale. Il y a une manière extrêmement destructrice pour la planète de faire du biomimétisme. On voit dans Dune, c'est d'actualité là aujourd'hui, des avions inspirés par les libellules pour aller sur Dune, traverser le désert, parce qu'en effet, la libellule, c'est extrêmement performant pour voler, puisque c'est un insecte volant. Est-ce que c'est ça le biomimétisme ? Est-ce que c'est fabriquer des machines comme on l'a toujours fait, de la même manière, dans les mêmes processus, avec la même philosophie et la même logique, sauf qu'au lieu de sortir de nulle part, ça sort de la nature ? Qu'est-ce que ça va changer ça ? On va peut-être économiser un peu de carburant parce que la nature est plutôt efficiente, c'est-à-dire qu'elle utilise moins de ressources et a des meilleurs résultats. On va peut-être trouver des biomatériaux qui seront un peu moins... Qu'est-ce que ça change au final ? Avec cette communauté d'intellectuels autour du master, souvent très critique, a émergé l'idée d'un biomimétisme qui soit plutôt dans la veine de réintégrer une camaraderie avec le vivant, une cohabitation qui dépasse simplement l'usage de la nature. On ne va pas juste prendre dans la nature des idées, on va aussi rendre à la nature des choses. Pas juste en la dégradant moins, pas juste en au lieu de brûler 10 000 hectares par an, j'en brûle que 5 parce que si je fais l'équivalent sur vous, ah bah oui, je vous ai cassé 4 doigts, l'année prochaine j'en casserai que 2 et ce sera quand même mieux Non, c'est vraiment sortir de cette violence qu'on a et de la considération qu'on a envers la nature pour vraiment réintégrer totalement une manière de vivre où on n'aura même pas à compter ce qu'on fait. La charge mentale de compter le carbone, de compter les plastiques, de compter toutes les... Je suis désolé, toutes les saloperies qu'on... qu'on fait. Ça suffit. J'ai envie de... Enfin, j'imagine que c'est pareil pour vous, j'ai envie de vivre sans y penser. Mais pour ça, ça demande à vivre différemment. Alors ça te passe par d'abord une grande phase d'observation.

  • Marion Watras

    Il faut finalement que l'homme apprenne à se mettre en retrait. Oui,

  • Julien Vey

    on occupe le monde. On occupe littéralement le monde. On est un tout petit pourcentage, l'humain, d'un tout petit pourcentage, les animaux. Et on occupe une place équivalente en volume à l'entièreté du vivant. Avec nos objets, avec nos artefacts, je reviens sur le design, mais on produit des objets qui habitent le monde, sous la forme de produits qui traînent dans vos tiroirs, dans vos garages, dans les décharges ou à ciel ouvert dans la nature, qui ne se décomposent pas, ou lentement, ou de manière délétère. Enfin, on est partout et on est partout tout le temps. Et donc comment vous pouvez vous imaginer cohabiter avec un colocataire qui est partout dans l'appartement, le jour et la nuit, et qui laisse traîner ses affaires ? C'est ça la situation. Il n'est pas dans une colocation apaisée. C'est quelque chose qu'on n'accepterait jamais, nous. Et d'ailleurs on ne l'accepte pas, on a pris le monde de force, et on n'accepte pas qu'une araignée soit dans le coin, tout en haut, vous savez, à deux mètres de haut, dans le plafond, dans le coin blanc. Tout n'est pas en blanc, on voit le point noir de l'araignée. On se dit, mais pour qui elle se prend ? Il faut qu'on apprenne à vivre avec. La révolution, la grande transition écologique, elle coûte zéro euro, c'est accepter de vivre avec les autres. Ça implique de changer par contre. Changer, ce n'est pas forcément payant et ce n'est pas forcément mauvais. C'est même généralement plutôt bon et positif, mais par contre, en effet, c'est difficile de changer. Et puis quand on observe bien la nature,

  • Marion Watras

    on se rend compte qu'elle n'est même jamais à son maximum en termes d'efficacité. Il y a cette forme de... d'autoprotection, donc c'est complètement contraire à tout ce qu'on nous inculque depuis tout petit, donne-toi à fond, sois toujours à 100%. Oui,

  • Julien Vey

    c'est un sujet qui est très développé par Olivier Hamand de la fondation Michel Serres, qui est biologiste et qui parle de la performance contre la robustesse. Et c'est plutôt le contraire, c'est la robustesse pour lutter contre la culture de la performance. Parce qu'en effet, toute forme de vie, naturelle en tout cas, vit sur la réserve. On vit tranquillement jusqu'à ce qu'il y ait un problème qui apparaisse et qui doit être adressé avec un excès de force. Et donc là, on a de la réserve pour le faire. Mais on ne peut pas vivre comme ça en permanence, c'est un épuisement. De la même manière que vous laissez un ordinateur toujours allumé en train de faire quelque chose, sa durée de vie va être réduite. Et de la même manière que si vous ne dormez pas, prenez pas soin de vous, vous serez plus fatigué. C'est aussi simple que ça. Et donc c'est l'exemple que je prends avec les entreprises que je rencontre. Si vous avez un jeune diplômé qui vient vous voir en vous disant qu'il est toujours à 100%, ne l'embauchez pas, il va exploser en plein vol ce garçon. ou cette jeune femme. Et on est face à des écoles, nous, par exemple, qui sont encore dans la promotion de la compétition et de l'excellence. C'est pas excellent, l'excellence. C'est en fait très peu efficace, très peu pertinent par rapport aux enjeux qui arrivent. On doit aujourd'hui former des personnes qui sont adaptables, qui sont solidaires, qui ont de l'empathie, mais de la vraie empathie, pas celle de l'UX Design où on se met à la place des gens pour essayer de leur refourguer des trucs. C'est de l'empathie sérieuse. C'est se mettre en situation de... C'est l'éthique du care un petit peu aussi qui a été développée, c'est-à-dire reconnaître les souffrances et les prendre en charge. C'est deux choses. On ne peut pas simplement, temporairement, se mettre dans la peau des gens pour leur fabriquer une chaise sans laver les mains après. Qu'est-ce qui est triste dans cette histoire ? Ce qui est triste, c'est que la vie sur Terre est en train de disparaître. C'est triste. Parce que c'est beau, la vie, ça a des formes extraordinaires, c'est une bibliothèque, comme je le disais, de stratégie et de créativité qui est incroyable, et c'est en train de mourir. Et la deuxième chose qui est triste, c'est que c'est en train de mourir à cause de nous, de ce qu'on fait. Et encore une autre chose qui est encore plus triste, on va plonger dans la tristesse, parce que c'est la question de la solastalgie que vous posez, mais c'est en train de mourir à cause de nous, sans qu'on le veuille. Alors ça, c'est encore quelque chose de triste. Le clou du cercueil dans cette histoire, c'est que c'est en train de mourir à cause de nous, sans qu'on le veuille, et sans qu'on puisse rien y faire. Pourquoi ? Parce que le système qu'on a produit est tellement complexe qu'il n'est pas dans la main d'un individu de le changer. Et donc on est dépendant. On est dépendant de la décision collective. Sauf que la décision collective, la manière dont elle est produite, n'est pas transparente. Et on ne s'est pas même mis d'accord tous ensemble. Pour ne serait-ce que dire qu'il fallait sauver la vie, pour l'instant. Ça change, moi je vois des dynamiques qui changent. Déjà, on m'invite sur des podcasts, et on invite mes collègues qui travaillent sur les mêmes questions, et je les entends de plus en plus. Je suis ravi de découvrir que, en fait, contrairement à ce qu'on pourrait penser, les entreprises, ils ne s'en foutent pas, parce que c'est une bande d'humains, finalement, des entreprises. Et comme je l'ai dit, c'est triste. C'est triste pour tout le monde. Et donc, ces entreprises se saisissent de la question, mais se retrouvent bloquées. Ils ne savent pas quoi faire. Et donc, en effet, quand on découvre l'état de la catastrophe, nous, nos étudiants, ils ont quelques aperçus en troisième année. On l'évoque toujours à demi-mot. Les premières années, on blague un peu dessus. Ah tiens, c'est la fin du monde. Et en fait, avec le temps... On aborde les sujets en quatrième année, notamment la question de l'anthropocène ou du capitalocène, peu importe comment on va l'appeler, mais en tout cas l'action des humains sur l'environnement, on l'attaque de front. On met un casque et on fonce dans le tas. Et alors la première année, on n'a pas été assez prudent, mais là depuis on a mis aussi de l'éco-psychologie pour gérer justement le mal-être que ça peut provoquer. Parce que c'est vrai que si on adresse le problème sérieusement, ça crée du mal-être, ça crée de la souffrance. La bonne nouvelle, c'est que derrière ça, une fois qu'on a compris un peu les dynamiques générales, on peut agir. On peut se dire, bon, où est-ce que j'agis ? Et comment j'agis ? Donc on va agir en tant que communauté, ça c'est certain, parce que les petits gestes des petites personnes, ça fait des petits effets. Et si on attend après les institutions de prendre les décisions, ils ne seront jamais à l'aise de le faire tant que les individus ne seront pas vraiment tous orientés vers ça. Donc orienter les individus c'est la première chose, et on revient sur cette histoire de pouvoir d'agir. Ceux qui sont prêts à agir, il faut donner les... pas les armes, parce que c'est pas une belle manière de le montrer, mais les outils pour agir. Et donc là arrive le design d'assauvrissement, là arrive le design bio-inspiré, le design qui va permettre de donner... Des manières de faire aux gens, sans avoir besoin d'attendre après un système qui sera d'accord ou non, ou d'attendre après des autorisations ou quoi que ce soit. Remettre les gens en puissance. C'est aussi les libérer des objets qui les tiennent. Parce qu'on est tenu par nos objets, on est au service de nos services. Il faut soutenir l'industrie française. Le slip français, ce n'est pas lui qui est là pour nous, pour nos fesses. C'est nous qui devons acheter le slip français pour sauver la France. Donc on est dans une espèce d'inversion des fonctions dans l'économie. Donc voilà, on inverse tout ça, on donne les outils. Et donc nous, on crée ça, on crée ces protocoles pour donner les outils. Et on crée des actions, des actions qui doivent être contagieuses. Je pense à notre ami Nicolas Roche de Zoépolis à Lyon, qui a créé avec ses collègues de Zoépolis une méthodologie qui s'appelle Umwelt Cycletos, qui permet de se mettre à la place, on parlait d'empathie, mais voilà, des autres vivants. et de construire des choses pour les humains qui intègrent les non-humains dans les processus. Et ça, c'est précieux, parce que jusque-là, on construit des bâtiments hermétiques à la vie, et aujourd'hui, on va créer vraiment des colocations. Voilà, c'est ça. Et alors, c'est peu par rapport à tout ce qu'il y a à faire, mais c'est quelque chose. Et quand on est triste, quand on est mal, et qu'on prend les choses en main, on n'est plus mal. Le designer a ça d'intéressant, qu'il peut penser les choses et les faire. Il ne les fait pas dans une version terrible. C'est bien que pensé, le prototype est intéressant, mais on a besoin maintenant des ingénieurs, des techniciens, des biologistes, pour que l'objet habite le monde convenablement. Mais on peut faire quelque chose, on peut arriver avec un objet et dire Regardez, j'ai une idée, c'est ça là qu'on veut faire. Je parle d'un objet, mais en fait je devrais parler d'une chose, parce que ce ne sont pas forcément des objets physiques. J'ai une idée d'organisation pour l'entreprise, j'ai une idée de gouvernance, j'ai une idée dans la manière dont je peux faire une ligne logistique pour composte-nourriture, un cycle fourche-fourchette, j'ai une idée dans la manière dont je peux saboter ce qui est en train de se passer dans ma rue et proposer quelque chose de meilleur avec tous les gens qui habitent ma rue. Et ça devient... A la limite, à chaque fois que... Moi, ça me le fait, mais je sais que mes étudiants aussi. Chaque fois qu'ils voient un problème, ils ont envie de faire un truc dessus. Et en fait, cette volonté de faire des choses, ça fait remonter l'endorphine. Même la sérotonine, on a tout qui revient. Et on se retrouve à nouveau en capacité d'agir, parce qu'on n'est plus tétanisé face à l'état de la catastrophe. la passion pour la créativité et l'écologie peut surgir de n'importe où de sourdre même pour reprendre un nom un peu plus puissant, un mot concept lié à l'eau, sourdre de terre à n'importe quelle occasion moi j'ai eu une expérience forte en retournant dans l'environnement où j'ai grandi. J'avais en bas de chez moi une rivière qui passait où mon père m'emmenait voir les héros. Moi, je viens d'un milieu un peu agricole dans le Jura. Mais en tout cas, il y avait cette rivière. Et dans cette rivière, on y faisait beaucoup de choses. C'était un lieu où j'y croisais mes cousins parfois sans qu'on se prévienne. C'était un lieu un peu culturel presque, cette rivière. On allait s'y baigner. et j'avais de très bons souvenirs puis je suis parti de cet environnement à l'adolescence dans un premier temps pour aller à la ville d'à côté sans jamais penser que c'était précieux et ensuite partir à Paris faire des études d'art et de design puisqu'il n'y avait pas d'école voilà, j'ai quitté cet environnement et j'ai eu un enfant et j'ai voulu l'emmener moi dans cet environnement là pour partager un peu le monde tel qu'il était pour moi, et la rivière avait disparu l'agriculture l'avait eutrophisé avec l'azote, les espèces les avaient envahies, tuées, asséchées Il n'avait pas plu depuis longtemps, il n'y avait plus rien ici. et donc j'ai découvert ça et c'est ça qui m'a bouleversé en réalité et donc là il fallait faire quelque chose et donc on peut avoir l'impression peut-être que je me débat dans une flaque d'eau en essayant de nager mais j'ai l'impression que les choses peuvent avancer quand même et qu'on puisse partager avec nos enfants des natures communes C'était Synaps,

  • Marion Watras

    le podcast de l'agence Conseil en Transitions Hippocampe. Merci à Julien Vey, président de l'Institut supérieur de design de Saint-Malo. Moi, je vous donne rendez-vous dans un mois pour un nouveau parcours inspirant. En attendant, je compte sur vous pour parler de Synaps autour de vous. À très vite !

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