- Speaker #0
J'ai du mal à me considérer comme aidante. Et en fait, je réalise que j'ai encore du mal avec ce terme. Peut-être que c'est parce que je suis dans le déni de la situation, mais pour moi, c'est un terme froid et fonctionnel. Et pour l'instant, j'ai la chance encore d'avoir des relations avec mes parents. La maladie, elle n'a pas tout pris.
- Speaker #1
Mon père, effectivement, a un début de dégénération cérébrale qui est très proche d'Alzheimer. D'ailleurs, il sera diagnostiqué alzheimerien. Et là, tout s'enclenche. En fait, à cette époque, mes parents sont sur la région lyonnaise. Moi, j'habite Paris, je suis enfant unique. Je dirige une entreprise que je viens de créer et là, il y a un tunnel qui commence à se présenter devant moi. Je me dis, mais comment je vais faire ?
- Speaker #0
Moi, quand je descends chez mes parents, je fais le clown, je fais la cuisine, j'embête mon papa, je le taquine. Et en fait,
- Speaker #1
on rigole.
- Speaker #0
Il y a des moments où il peut rigoler, mais ce n'est pas parce qu'il a du mal à marcher qu'il ne peut plus rigoler. Et ma mère aussi, ce n'est pas parce qu'elle s'occupe de lui tout le temps et qu'elle s'est occupée de mon frère toute sa vie. qu'elle n'est pas en train de rire ou d'avoir envie de jouer.
- Speaker #2
Diversité et inclusion dans les entreprises de la tech. Bienvenue dans Tech It Different. Selon les derniers chiffres, entre 8 et 11 millions de personnes en France sont de proches aidants. Parmi elles, 61% qui exercent une activité professionnelle, soit environ 4,4 à 5 millions de salariés. Bonjour à tous et bienvenue dans Tech It Different, c'est le podcast de Numeum et de l'Opco Atlas, un programme dédié à la diversité et à l'inclusion dans les entreprises de la tech. Dans cet épisode, un sujet de société, celui des proches aidants,ces salariés ou dirigeants qui accompagnent un parent malade, un enfant en situation de handicap ou un conjoint affaibli tout en travaillant. Et si c'était votre collègue, votre manager ou bien vous-même, dans cet épisode, deux voix, deux réalités croisent leur expérience de travailleurs aidants. Bonjour,
- Speaker #0
je m'appelle Alice-Anne, je suis salariée chez MC2I, un cabinet de conseil en transformation numérique et je suis senior manager dans cette société depuis bientôt six ans.
- Speaker #1
Bonjour, je m'appelle Emmanuelle, je suis entrepreneur et je dirige la société Advaes que j'ai fondée en 2020.
- Speaker #2
Bonjour Emmanuelle, bonjour Alice-Anne.
- Speaker #0
Bonjour.
- Speaker #2
Bonjour, bienvenue à toutes les deux et merci d'avance évidemment pour votre témoignage. Emmanuelle, tu es la fondatrice d'un cabinet de conseil qui travaille sur quel sujet ?
- Speaker #1
Advaes, que j'ai fondée en 2020, comme je l'ai précisé en ouverture, est un cabinet d'études de marché et de conseils stratégiques opérationnels sur les sujets RSE-ESG dédiés au numérique.
- Speaker #2
Et concrètement, c'est quoi vos missions aujourd'hui ?
- Speaker #1
Nous avons plusieurs missions, mais la mission première est d'accompagner les entreprises et l'écosystème du numérique vers un numérique plus responsable et durable. donc ça va se traduire par un certain nombre de sujets. On délivre des données, des informations, des recommandations, des avis, des retours critiques sur ces sujets-là pour prendre des décisions plus éclairées, challenger aussi les décisions, valoriser des actions sur les sujets numériques responsables et plus largement de durabilité dans notre secteur.
- Speaker #2
Alors Alice-Anne, toi de ton côté, tu es senior manager dans le conseil. En quoi consiste ton rôle au quotidien ?
- Speaker #0
Alors je suis responsable d'une équipe qu'on appelle RAO, pour réponse à appel d'offres. partenaires et contrats, une équipe de trois personnes qui a sous sa responsabilité trois sujets stratégiques pour la société. On appuie des fonctions opérationnelles sur ces trois sujets, la réponse aux appels d'offres, la contractualisation avec nos partenaires et avec nos clients et la politique partenariale du cabinet.
- Speaker #2
Ok. Et quel type de projet, toi, tu pilotes exactement ? Alors,
- Speaker #0
je suis beaucoup dans le run de la détection et la réponse aux appels d'offres, l'appui aux fonctions opérationnelles sur la partie administrative, RSE, RGPD et système d'information au niveau des appels d'offres. Et les projets que je vais piloter, ça va être des projets d'amélioration continue de nos process business de la société.
- Speaker #2
C'est parfaitement clair. Merci. Emmanuelle, à quel moment le rôle d'aidante est-il devenu central pour toi finalement dans ta vie ? Et comment est-ce que finalement ça a impacté ton quotidien professionnel ?
- Speaker #1
Je vais revenir peut-être sur un historique, création d'Advaes en 2020, la sortie du Covid, du mois du confinement. Et puis un an après, on détecte chez mon papa des troubles mémoriels, mais qui ne sont pas encore suffisamment significatifs. On commence à se poser des questions, et sur les conseils d'une amie, une proche amie. Il me dit va faire une consultation mémoire pour ton papa, celle-ci est faite début 2022 et le verdict tombe. Mon père a un début de dégénération cérébrale qui est très proche d'Alzheimer. D'ailleurs, il sera diagnostiqué alzheimerien. Et là, tout s'enclenche. À cette époque, mes parents sont sur la région lyonnaise. Moi, j'habite Paris, je suis enfant unique. Je dirige une entreprise que je viens de créer. Et là, il y a un tunnel qui commence à se présenter devant moi. Je me dis, comment je vais faire ? Déjà, la première étape, ça a été de me rapprocher de mes parents. Il a fallu organiser le déménagement. Ça s'est fait assez simplement. Ils ont été assez ouverts, parce que ce n'est pas toujours un exercice facile de quitter une maison dans laquelle on a vécu pendant 20 ans. Enfin, du moins, c'était le cas de mes parents. Et pour pasculer, je dirais, dans un environnement qui sera complètement différent. Et en plus, de revenir sur la région parisienne. Je trouvais que mes parents avaient vécu dans la région parisienne, donc il n'y a pas eu trop de réticence. Ils ont accepté d'aller dans une résidence senior avec service. Donc, il a fallu organiser. Et ensuite, mon papa, il y a d'autres facteurs qui se sont enclenchés à partir de 2023, qui ont accéléré en fait sa maladie. et qui fait qu'au bout, à partir de mars, grosso modo, 2023, il n'était plus possible même qu'il reste en résidence senior et qu'il y avait d'autres solutions qu'il fallait effectivement mettre en place. Et là, il y a eu un tunnel pratiquement pendant un an jusqu'à son décès en mars 2023. Alors, qu'est-ce que l'impact pour l'entreprise ? Déjà, c'est dur humainement parce qu'on a la réalité de gérer de la perte d'un proche. En l'occurrence, mon papa, c'était quelqu'un de très proche de moi qui m'avait aidé d'ailleurs dans la création de ma société, il m'a soutenue. Et bien après, c'est vraiment une question d'organisation et on a moins de temps à accorder au quotidien pour son entreprise, pour aussi les collaborateurs. Moi, j'avais des stagiaires, j'avais un collaborateur que je venais d'embaucher. J'avais aussi des partenaires, j'ai des clients, bien sûr. Donc, c'est une gestion des priorités au quotidien et ce qui m'a beaucoup aidée, je dirais, on en parlera un petit peu plus loin. C'est cette fameuse matrice de Eisenhower, où de travailler sur les priorités urgentes. Le plus dur, c'est quand on est proche aidant, on est proche, donc on est à côté d'eux régulièrement, et les dégradations, notamment là ici, cérébrales, sont dures en fait, c'est une difficulté à faire face, qui amène donc de l'émotion, et la gestion des émotions est très dure, et parfois nous empêche même de travailler des heures après avoir... était à côté justement en soutien de mon papa mais aussi de ma maman. L'enjeu était que ma maman non plus ne sombre pas parce que là effectivement j'aurais eu les deux à tenir et ça aurait été très très difficile et auquel cas là je pense que j'aurais été obligée de suspendre l'activité très clairement.
- Speaker #2
Alors Alice-Anne, de ton côté, ça a été quoi pour toi les différentes étapes de ton parcours en tant qu'aidante et qu'elles ont été surtout les... derrière les conséquences sur ton activité, les répercussions ?
- Speaker #1
Alors déjà,
- Speaker #0
il faut que je commence par quelque chose, c'est que j'ai du mal à me considérer comme aidante. Et en fait, je réalise que j'ai encore du mal avec ce terme qui... Peut-être que c'est parce que je suis dans le déni de la situation, mais pour moi, c'est un terme froid et fonctionnel. Et pour l'instant, j'ai la chance encore d'avoir des relations avec mes parents. La maladie, elle n'a pas tout pris. Donc voilà, OK, je me considère aidante, OK, surtout la fille de mes parents, et c'est dans le cadre de ce rôle-là que je viens en aide de mon père et de ma mère. En fait, mon père a été diagnostiqué Alzheimer il y a près de 4 ans. Et en fait, ça a été un coup pour moi de l'apprendre, parce que ma mère, je l'ai toujours vue aider les autres, aider ses proches, aider ses parents, aider mon frère, qui souffre d'un handicap diagnostiqué à ses 16 ans. Mon frère souffre de schizophrénie. Ma première réaction, ça a été « mais elle n'a pas de répit » . Et en fait, c'est à ma mère en premier que j'ai pensé, parce qu'en fait, elle a le droit à une vie douce. Même à la retraite, même à 70 ans, elle a le droit de vivre sa vie de femme et de conjointe. Et donc, je me sens plus aidante de ma mère que de mon père à date. J'ai eu beaucoup de mal à trouver ma place dans cette situation, parce qu'au tout début, je venais un peu avec la mission de... « Ok maman, je suis là trois jours, qu'est-ce que tu veux que je fasse ? » Mais ma mère, en fait, elle n'était même pas mûre, elle n'était pas prête à ça, puisqu'elle, elle était encore en train d'accuser le coup, parce que l'annonce d'une maladie, de ce type de maladie, implique déjà la nécessité d'un premier deuil, le deuil de la personne qu'on a connue. Mes parents sont mariés de plus de 50 ans, donc je cherche toujours ma place. Depuis, elle a en effet changé, elle a évolué, ma mère a accepté aussi de l'aide. elle m'a fait comprendre aussi que OK, je pouvais faire des courses, je pouvais faire le ménage, je pouvais faire de la paperasse, mais ma seule présence, être là avec elle... était déjà une aide. Donc j'ai appris à être une aide pour elle, à composer avec elle, et aussi à prendre un peu plus de responsabilité vis-à-vis de mon frère, qui lui est très autonome mais très seul, parce que la maladie mentale est très stigmatisée, donc il s'isole beaucoup. J'ai pris un peu plus de responsabilité vis-à-vis de lui pour aussi que ma mère ait moins de pression, moins de charge. J'ai composé aussi... Avec le travail, la première année, j'ai fait des périodes de télétravail chez mes parents. Ils sont à 4h30 de train à l'aller, 4h30 au retour. Donc, ça fait beaucoup sur un week-end. Donc, je préférais télétravailler une semaine. Ça me permettait de démarrer la journée en pouvant les aider sur quelque chose, de faire des pauses avec eux. À la fin de la journée, je pouvais m'occuper d'eux aussi. Ça me permettait d'être là. Et puis après, j'ai... Petit à petit, aussi, changer mon rythme en composant avec mes besoins aussi à moi. Je me suis adaptée à ma situation en prenant en compte que j'avais en charge, en direct, un process de réponse à appel d'offres qui générait beaucoup de charges et qui ne pouvait pas reposer sur une personne qui a d'autres sujets. À l'époque, mon équipe était plus réduite. Je ne voulais pas mettre en danger aussi une personne à rajouter cette charge-là en m'absentant. j'avais besoin Donc, je voulais continuer à travailler et je pense aussi que j'en avais besoin, Emmanuelle, parler de l'émotion qu'on peut avoir et qui nous empêche de travailler. Mais moi aussi, j'ai ressenti énormément d'impuissance et d'injustice suite au diagnostic. Alors, je pense que la maladie génère ça, génère de l'impuissance et de l'injustice à la fois pour la personne diagnostiquée, mais pour l'entourage aussi. Et moi, cette impuissance et cette injustice, il se trouve que c'est des choses que j'ai du mal à gérer en temps normal. Et j'ai trouvé dans le travail aussi une forme de réalisation et d'expression, d'une énergie que je ne pouvais pas forcément mettre pour... Je ne peux pas sauver mon père, je ne peux pas sauver ma mère. Donc oui, j'avais de le sentiment d'impuissance et j'ai pu mettre de l'énergie aussi dans le travail pour calmer ce sentiment-là, me sentir utile aussi. L'inquiétude, l'anticipation de choses négatives, c'est quelque chose qui ronge de l'intérieur et qui ne produit pas un objet de satisfaction à la fin d'une journée. Tandis que dans mon travail, si je mets de l'énergie dans mon travail, à la fin de la journée, je peux avoir... Un sentiment de satisfaction qui contribue aussi à mon estime, parce que le travail d'aidant, il peut être aussi un peu, même si je le fais parce que je suis la fille de mes parents, il peut être aussi un peu dégradant parce qu'on ne voit pas les choses s'améliorer.
- Speaker #2
Oui, donc on a bien compris que le travail pouvait être une source d'échappatoire quelque part et permet aussi finalement de te rappeler combien toi tu es tuile dans ce que tu fais. Est-ce que vous avez parlé toutes les deux de votre statut d'aidante à votre entourage professionnel ?
- Speaker #0
Alors, moi, j'en ai parlé. Et en fait, j'en ai parlé quand le diagnostic est tombé. J'ai demandé à mon manager si je pouvais télétravailler une semaine par mois chez mes parents. Il s'est montré compréhensif. Il n'y avait pas de... Dans le cabinet, en l'occurrence, il y a un don congé désormais. À l'époque, il n'y avait pas d'action pour les aidants. Mais voilà, il s'est montré très compréhensif. Et je ne voulais surtout pas impacter l'équipe et l'activité. par une absence trop régulière.
- Speaker #2
Manuel, de ton côté, est-ce que tu en as parlé aussi dans ton entourage pro ? Au début,
- Speaker #1
mon entourage pro, plus directement, c'était mes clients ou mes partenaires. Mon collaborateur, était au courant, sans avoir de détails particuliers. Juste que, à part le moment, ma disponibilité pouvait être très changeante sans que je puisse la maîtriser. Sur la dernière année, au moins les sept derniers mois, il y avait pratiquement une urgence tous les deux jours. Après, pour les clients, non. parce que c'est délicat dans une relation. Je l'ai trouvé, ça c'est ma position. Je ne sais pas ce qu'il faudrait être. En revanche, j'en ai parlé à des proches professionnels. Plus pour des conseils, ils ont eu un soutien bienveillant. Notamment moi, dans ma boîte, j'ai un business angel qui me dit, mais c'est normal si tu n'y arrives pas. Ma femme avait vécu ça avec son père, donc il y avait un historique et une connaissance. Il y a pas mal de gens, même de mes amis, donc là, pas professionnels, je parle bien des amis, qui me disent, pourquoi tu ne délègues pas ? mais à un moment donné, ce n'est pas possible de déléguer. Mais donc, les amis, je me dis, je ne peux pas, en fait, parce que c'est typiquement la présence, elle ne peut pas se déléguer. La présence qui est de l'amour qu'on porte à ses parents, elle ne peut pas se déléguer, comme on fait. Ce n'est pas possible, il faut bien être là. Donc après, pour revenir en parler, oui, mais en fait, on n'en parle pas. On est tellement dans la course en avant, dans le travail au quotidien, moi aussi, parce qu'à un moment donné, c'est tellement dur. On ne veut pas trop penser, donc on s'enferme dans autre chose. qui nous mobilise l'esprit. Mais il faut être très vigilant parce qu'on est sur un point parfois d'équilibre et de rupture qui peut faire que si nous on bascule aussi, on ne sera plus là pour les autres et notamment ceux qui ont le plus besoin de nous. Donc quand on en a conscience de ça, par moments on s'arrête un peu et on revient et on dit attention, là, tu es en train de basculer toi aussi, c'était plus là, les autres comptent sur toi aussi, ou ils ont besoin de toi, il faut que tu sois... aussi en pleine forme, en capacité d'eux pour les aider, indépendamment du système et autour de nous qui aussi sont en soutien. Mais je dirais, de toute façon, la grande part vient de nous.
- Speaker #2
Alors maintenant, pour revenir à ta situation, tu disais aussi que ton entourage te disait « Mais pourquoi est-ce que tu ne délègues pas ? » Alors, j'ai bien compris que, et d'ailleurs, tu l'as dit toi-même, que c'est impossible de déléguer quand on a un parent, un papa qui est malade et qu'il faut être là simplement pour l'aider. Mais au niveau de ton job à toi, est-ce que là, il n'y avait pas une possibilité quelque part de déléguer ou pas certaines choses ? Alors, je sais que tu es chef d'entreprise, et ce qui avait... des possibilités d'un point de vue professionnel de déléguer ?
- Speaker #1
Le particularité, c'est que je suis dans une petite entreprise, une TPE, je n'ai pas d'associé, et je ne peux pas déléguer aujourd'hui des choses qui sont critiques et qui recèlent de ma responsabilité en tant que dirigeante d'entreprise à un stagiaire et encore moins à un collaborateur que je viens juste d'embaucher, ne serait-ce que parce que je peux le mettre aussi en situation délicate, et puis ça relève de ma responsabilité d'entreprise. Le cœur des activités, c'était compliqué de déléguer. suivant la typologie de l'entreprise, on peut s'appuyer sur des associés et très clairement, on peut déléguer des éléments qui sont administratifs, financiers, de relations clients, même dans le commercial. Mais moi, je pouvais difficilement demander à mon jeune d'aller faire le commerce à ma place. Entre guillemets, ce n'était pas possible.
- Speaker #2
Eh oui, évidemment. Alice-Anne, tu vas nous expliquer dans un instant si effectivement tu as pu en parler toi-même de ton statut d'élante, même si tu n'aimes pas le terme et j'en suis désolé de le rappeler sans arrêt. Mais est-ce que toi aussi, tu t'es sentie quelque part comprise par cet entourage professionnel, tes employeurs, tes clients, tes collègues, tes collaborateurs ? Comment ça s'est passé concrètement pour toi ?
- Speaker #0
Alors moi, j'en ai parlé à l'époque qu'à mon manager et mon équipe. Je me suis sentie comprise, oui, dans mon épreuve. Peut-être un peu moins comprise dans la manière dont je l'ai gérée. J'avais une expertise spécifique qu'à l'époque, je ne pouvais pas déléguer. Et je ne posais pas de congés aussi parce que je vivais dans le cas où et je vis toujours dans le cas où et je veux garder des congés au cas où. Et en plus, j'en ai plein de congés puisque du coup, je n'ose pas partir en vacances parce que j'ai peur qu'il se passe quelque chose. J'ai eu le malheur de partir en vacances l'année dernière. Mon père a fait un malaise. J'étais en Sardaigne. Je suis restée cinq heures au téléphone avec ma mère qui attendait des nouvelles du médecin. Parfois, je ne suis pas comprise, en effet, sur le fait de ne pas prendre de repos. Voilà, là, j'ai l'impression de ne pas être comprise là-dessus. et Pas beaucoup de monde est au courant de ma situation non plus. Bon, maintenant, le podcast va changer les choses aussi,
- Speaker #1
parce que j'estimais que ce n'était pas nécessaire.
- Speaker #2
Alors, à votre avis, toutes les deux, qu'est-ce qu'un manager devrait savoir ou faire, justement, pour bien accompagner un collaborateur aidant ? Vas-y, Alice-Anne, et puis après, on demandera évidemment son avis à Emmanuelle.
- Speaker #0
Je pense qu'il doit connaître la réglementation aussi, ce qui est en cours dans les droits. du salarié dans la société. Je pense qu'il faut une réglementation en tout cas et pas parce que tout le monde n'a pas un manager compréhensif. Donc, c'est important qu'il y ait un tronc commun, quelque chose d'écrit. Moi, j'ai eu un manager compréhensif, c'est différent. Et je pense qu'il faut un manager aussi qui aide à déprioriser parce qu'on est dans une logique quand même de performance où la dépriorisation n'est pas évidente. On a toujours l'impression de ne pas faire quelque chose qui est complètement nécessaire en fait. Donc, moi, j'aime bien que mon manager porte aussi cette responsabilité-là de me dire « Ok, ça c'est ok, tu ne le feras pas ou tu le feras plus tard. » En tout cas, ça pourrait m'aider à déculpabiliser aussi cette action-là, de déprioriser, parce que j'ai un petit problème avec la culpabilité.
- Speaker #2
Et toi, Emmanuelle, de ton côté, d'après toi, que doit faire un manager ou savoir, justement, pour accompagner au mieux un collaborateur qui a le statut d'aidant ?
- Speaker #1
Je rejoins ce que dit Alice-Anne, c'est très difficile d'en parler tant qu'on n'a pas, c'est malheureux, mais de... vécu la situation. La notion de culpabilité, moi je me suis fait aider. Donc à l'ISAN, je pense, je passerai un petit message, fais-toi aider. C'est parce qu'on n'est pas coupable, de ça on fait au mieux qu'on peut et il n'y a pas de règles magiques qui conviendraient à tous. Il faut le faire avec le cœur. Donc à Manager, peut-être si on revient sur la fibre émotionnelle, je suis très sensible à ça, c'est peut-être la fibre du cœur qu'il faut écouter. L'écoute est un élément important. Être écouté, même avec des silences, Parce que ça permet en fait aux collaborateurs, à la collaboratrice de sentir qu'à un moment donné, il y a une présence. Je reviens à la notion de présence. Elle se formalise de manière... parfois très diverses. Et déjà, l'écoute est une forme de présence. Après, dans le côté le plus opérationnel, effectivement, il y a des réglementations, mais je trouve qu'aujourd'hui, elles sont très faibles. Donc, je dirais, après, suivant les entreprises, c'est de dire, quels sont tes horaires à toi ? Est-ce que tu veux aménager tes horaires et être excessivement flexible sur ce côté-là ? Après, suivant la structure de l'entreprise, c'est cette notion d'avoir peut-être un binôme. qui, à un moment donné, va prendre le relais, va accepter ce rôle-là. C'est-à-dire qu'on ne peut pas être là, mais il a les capacités, ce binôme-là, pour prendre le relais, etc., par une marraine, je ne sais pas comment appeler, voilà, mais que... Et donc, moi, ça aurait été un associé ou une associée. Ça n'a pas été effectivement possible. Voilà, c'est comme ça. Mais je pense que cette notion de binôme, à un moment donné, donc il faut avoir une certaine proximité, effectivement, avec les personnes, c'est un peu une béquille, en fait. On sait qu'il va être là. Le collaborateur de la collaboratrice, si je mets toujours l'impôt du collaborateur de la collaboratrice, va un petit peu décapabiliser par rapport à son métier, à ses missions en quête de son travail.
- Speaker #2
Alors la question qui suit justement, c'est est-ce que le fait de travailler dans le numérique a été un atout ou une contrainte supplémentaire ? Donc vas-y Emmanuelle, puisque tu parlais, est-ce que tu peux toi répondre à cette question ?
- Speaker #1
Je pense qu'on a la chance avec Alice-Anne effectivement de travailler dans un secteur du numérique qui est relativement ouvert. sur des sujets comme le télétravail, le travail à distance. Et puis, on a les outils aussi. Donc, ça, c'est important. C'est-à-dire qu'on a la possibilité de... Ce n'est pas un frein technique, on va dire. Il peut y en avoir pour des raisons de sécurité quand même, suivant les métiers dans le numérique. Et ça, c'est un élément. Donc, on ne se pose pas la question de dire, « Mince, techniquement, je n'ai pas le pouvoir, par exemple, de travailler. » En fait, c'est presque un non-sujet. Enfin, pour moi, ça a été un non-sujet. Moi, mon ordinateur, il était même dans mon sac à dos. Et puis, si je pouvais, à un moment donné, j'avais une heure, deux heures, entre deux choses, même à l'hôpital ou après en Ehpad, je m'installais à un moment donné, je mettrais un casque même, qui permet de s'enfermer un peu, d'isoler au niveau du bruit. Et puis, je m'accordais une heure, deux heures. Et on a cette capacité-là aussi. Après, ça dépend des personnes. Moi, je l'ai, je l'ai acquise il y a très longtemps. Ce n'est pas donné non plus à tout le monde, je l'avoue. Mais le numérique. très clairement a été pour nous une aide pour faire baisser à un moment donné, possiblement, j'allais dire, un stress déjà qui est très fort sur d'autres sujets et de dire là, si on a une petite heure par-ci, une petite heure par-là, avec notre ordinateur, on peut l'allumer ou même une réunion. Moi, je me revois faire une réunion dans les escaliers avec un client, dans les escaliers, il y avait un peu de bruit avec mon téléphone, c'était même pas avec mon ordinateur, avec mon téléphone ou mon smartphone. Après, il faut avoir cette flexibilité qui n'est pas donné à tout le monde.
- Speaker #2
Alors Alice-Anne, est-ce que pour toi aussi, le fait de travailler dans le numérique, finalement, ça a été une forme d'atout ou une contrainte supplémentaire, déjà dans une situation que l'on va qualifier de délicate ?
- Speaker #0
Non, non, un atout. Mais vraiment, un atout, là, j'y repensais. Je me disais, en lisant la question, je pensais à tous les métiers de mon quotidien. Un boulanger, un maraîcher, un garagiste, un éboueur, un médecin, un chirurgien. Ils ne peuvent pas faire ça, en fait. Ils sont obligés de tout arrêter. Moi, mon travail, je peux le faire à distance. sans justement nuire à sa qualité. En fait, il peut rester à qualité égale à distance. Et la seule contrainte à une époque, c'était qu'il y avait beaucoup d'appels d'offres qui étaient encore façon papier. Donc là, oui, il faut aller imprimer, envoyer. Mais sinon, mon travail, je peux le faire à distance. Et en fait, ça enlève un poids et ça fait gagner du temps aussi d'être en télétravail. Alors, quand je ne suis pas chez mes parents, c'est sûr que le télétravail, comme pour beaucoup de gens, C'est une variable pour rattraper son sommeil et avoir enchaîné rapidement sur un loisir. On n'a pas le temps de transport qui fait qu'on commence notre sport à 20h ou autre chose. Quand je suis chez mes parents, c'est un bonheur parce qu'en fait, même en me levant plus tard que quand je travaille chez moi ou quand je vais au bureau, je peux les aider et en plus manger avec eux le midi. Après, je finis ma journée et je suis avec eux.
- Speaker #1
Et si je veux,
- Speaker #0
je peux travailler en horaire décalé. Il y a ça aussi que permet le secteur. C'est que si je sais qu'à 10h, il y a le kiné qui passe chez mes parents ou quelque chose comme ça, je vais pouvoir aller l'accueillir, faire quelque chose. Parce que je peux commencer à 6h et programmer mes mails ou 7h. Bien sûr, ça fait des horaires décalées, mais c'est pas grave, le travail, en fait, il est fait.
- Speaker #1
Je repense aussi,
- Speaker #0
enfin, j'ai changé de carrière, j'ai travaillé 6 ans dans le spectacle Vion. J'aurais jamais pu faire mon métier et non plus aider mes parents là-dessus.
- Speaker #2
Donc là, très clairement, quelque part, c'est une aide que de pouvoir travailler dans le numérique, dans ce genre de situation. Tout à l'heure, tu nous expliquais que tu avais beaucoup de mal, toi, avec le mot aidant. Et c'est peut-être aussi ce qui explique pourquoi tu n'as pas demandé officiellement le statut d'aidant. Est-ce que ça fait partie de ces raisons-là ?
- Speaker #0
Oui, il y a ça. Il y a le fait, mais c'est peut-être un peu bête, il faut que je mûrisse un peu. Mais je crois qu'il y a un côté étiquette, en fait. J'ai l'impression que ça y est, je suis rangée dans un bac à disques. Il faut rentrer dans une case. Je pense que ça me gêne un peu. Il y a un peu de déni aussi, sûrement. Il y a aussi le découragement face à l'ensemble du dossier administratif qu'il faut faire. J'en fais suffisamment pour mes parents, pour mon frère ou même au travail. Parfois, je n'ai pas envie de faire de l'administratif en plus. Et puis peut-être aussi que je ne manque de rien dans mon rôle actuellement. C'est-à-dire que je peux me payer mes billets de train. Je peux subvenir aussi aux besoins financiers de mes parents si besoin, ou mon frère, lui faire des cadeaux. Peut-être que je ne suis pas aussi nécessiteuse que d'autres personnes à demander le statut aussi. Je pense que je vais faire mon chemin et qu'à un moment donné, je vais le demander pour être rangée comme aidante. Mais voilà, pour l'instant, je ne l'ai pas fait.
- Speaker #2
C'est assez intéressant ce que tu dis là, parce que finalement, tu as un rôle d'aidante. quoi que tu en dises, et quelque part, on a l'impression en t'écoutant que tu n'as pas envie ou tu n'as pas encore ce souhait-là, toi, de te faire aider par ce qui pourrait exister pour quelque part te soulager.
- Speaker #0
Parce que je pense que rien de ce qui existe me soulagera, en fait. C'est un peu ce que disait Emmanuelle. Alors peut-être que oui, je vais avoir le remboursement de mes billets de train, OK, mais ce n'est pas ce qui pèse le plus, en fait. Ah si, si je pouvais avoir le train de 7h42 le vendredi, qui est toujours complet, même trois mois à l'avance, ça oui, j'aimerais bien, parce que je l'aimerais bien de prendre celui-là. Mais du coup, je prends celui d'avant. Mais sinon, j'ai quoi ? J'ai des amis qui gardent mon chat quand je m'absente. J'ai ce qu'il faut. J'ai mes amis, j'ai mon entourage. Quand je suis chez mes parents, j'ai le balai et l'aspirateur. Non, en fait, il y a des choses, j'ai du mal à imaginer comment on peut m'aider, en fait. Et par contre, j'ai appris à m'aider moi-même. Ce que disait Emmanuelle aussi, c'est qu'en fait, on se rend compte que nous, en fait, il ne faut pas qu'on tombe malade, il ne faut pas qu'il nous arrive un truc parce que sinon, nos parents... Et moi, j'ai pris cette conscience-là, mais un peu... On m'a demandé de faire un stage de parapente, j'en avais déjà fait, mais je n'étais pas allée au-delà. Mais je n'ose pas faire du parapente parce que je me dis, il m'arrive un truc. Enfin, voilà, ça va jusque-là, en fait. C'est que quand je tombe malade, ça a un autre impact aussi. Je ne me dis pas juste, ah mince, je vais... Je ne vais pas pouvoir profiter de mon week-end. Je me dis, mince, je ne vais pas pouvoir aller voir mes parents ou je vais être plus faible quand je vais appeler mon frère. Je ne vais pas être toute pimpante. On n'a plus la même conscience de l'enjeu de notre vie, de l'enjeu de notre santé.
- Speaker #2
La charge mentale, elle est immense, elle est permanente.
- Speaker #0
Son paroxysme,
- Speaker #1
en ce moment.
- Speaker #2
Quand on est dirigeante, du coup, pour toi, il n'y a pas de RH ou de système interne. Pas simple, évidemment, de savoir vers qui se tourner et surtout, comment réussir à gérer toute cette... pression professionnelle quand on est quelque part un petit peu seul. Là, je reparle de la fameuse solitude du dirigeant.
- Speaker #1
Et oui, effectivement, on se sent isolée. Moi, j'ai vécu ce que dit aussi Alice-Anne, de dire je ne fais pas ça parce que si jamais demain il m'arrive un pépin et que je ne suis plus là, à un moment donné, j'ai eu une situation où, je ne sais pas, ce jour-là, je me suis retournée et j'ai dit mais je suis toute seule. Et qu'est-ce que je fais s'il m'arrive ? Alors, pour mes parents, certes, parce qu'on peut avoir, comme je l'ai dit, effectivement, je suis enfant unique. Bien que moi j'ai des enfants, j'ai un mari, mes enfants sont maintenant à l'âge adulte, encore dans les études supérieures pour l'année, l'aîné a démarré le travail et qu'ils sont très proches de leurs grands-parents. Et je sais que je pouvais me reposer sur eux éventuellement, donc ça ne me faisait pas trop de soucis. Mais je ne voulais pas leur faire porter à eux ce que moi je vivais, très clairement, parce que c'est dur. Et donc après, côté professionnel, je me suis retrouvée, je me suis dit mais qu'est-ce qui se passe si moi j'ai ma boite ? Je ne suis plus là aussi. et mon jeune, mes clients, etc. J'ai appelé mon comptable. En fait, il n'y a rien. Il n'y a pas de relais. Je pense à mon ami. Il n'y a pas un tiers de confiance où on pourrait tout laisser. Puis il y a quelqu'un, comme ça, ça faciliterait éventuellement la transmission, etc. Et en fait, ça, d'un point de vue, il y a un vide juridique, je pense, sur qu'est-ce qui se passe s'il y a, à un moment donné, un décès brutal ou une incapacité, on va dire, brutale d'un dirigeant d'une entreprise, ici, en l'occurrence, qui est seul à la tête. Et ça, je n'ai pas trouvé, je n'ai pas de réponse à ça, je n'ai pas été chercher.
- Speaker #0
Alors moi, je n'ai pas de RH, il n'y a pas de l'administratif, donc il faut se débrouiller. Et à un moment donné, j'avais évoqué, mais pourquoi pas faire en commun le système de compagnons ? Est-ce que ça peut être le syndicat représentatif, justement, de notre profession ? On peut dire qu'il y a une enveloppe, comme au temps des compagnons, quand il y avait le temps des cathédrales, ou quand il y en avait un qui, à un moment donné, soit décédait, soit était blessé gravement et ne pouvait plus travailler, et qui était reversé, à un moment donné, à la famille, en fait. pour pouvoir continuer à maintenir. Normalement, c'est la société qui devrait faire ça. Mais a priori, sur ces sujets-là, on a tout à faire, tout à créer.
- Speaker #1
Il y a tout à créer, comme tu dis. Il y a quelques instants, vous disiez finalement aussi que le numérique vous aidait quelque part à poursuivre votre activité tout en continuant d'aider vos proches parents. Pour autant, est-ce que là aussi, on ne voit pas les limites d'un secteur, d'un milieu où finalement vous êtes tout le temps connecté ? Et justement, quand on est aidant, est-ce qu'on n'a pas besoin un moment de déconnexion.
- Speaker #2
Je mets des limites. Je n'ai pas d'horaire. Je suis souple sur mes horaires, mais parce que je m'adapte aussi à la charge et aux urgences. Le problème, c'est que je suis parfois en fin de chaîne et du coup, je récupère l'urgence de départ. Elle se répercute aussi chez moi. Donc oui, quand je vais travailler très tôt ou très tard, c'est qu'il y a une urgence. Ce n'est jamais par loisir. Enfin, sauf à une période où même parfois, c'est vrai, j'ai besoin d'avoir un os arrongé, d'avoir quelque chose à faire pour m'occuper et pour me sentir utile. Mais la plupart du temps, quand je travaille, c'est qu'il y a une urgence, en fait. Parce que justement, ce besoin de déconnexion, en effet, il est nécessaire pour se ressourcer, pour sentir aussi qu'on est... Voilà, j'ai besoin de me dire que je ne suis pas que la Alice-Anne au travail et la Alice-Anne qui s'occupe de ses parents. J'ai besoin aussi de sentir que oui, j'ai mes amis, j'ai mes passions. Et de remettre aussi de l'équilibre.
- Speaker #1
Et comment est-ce que tu arrives à gérer la surcharge mentale ? Et je poserai aussi la question à Emmanuelle. Parce qu'entre le boulot qui t'occupe beaucoup de ton temps et le fait d'être aidante, comment est-ce que tu arrives à gérer cette surcharge ? Est-ce que tu as connu des moments de rupture, d'épuisement ? Et comment est-ce que tu fais pour réussir à gérer tout ça ?
- Speaker #2
La gestion est aléatoire. J'ai appris à sentir la limite en termes de fatigue. et parfois je... Il faut dire que quand je craquais, c'est que j'étais très fatiguée. Donc j'évite d'être très fatiguée. Même quand parfois je dois travailler le soir, il y a des urgences. J'essaie de me préserver là-dessus parce que la fatigue a tendance même à déformer la réalité aussi, à voir les choses plus sombres qu'elles le sont. Donc j'essaie de ne pas être trop fatiguée pour être moins sensible à la pression. Après, il y a eu des moments de rupture, des moments d'épuisement et des moments où j'ai vu en effet... J'ai vu les choses tout en gris, mais je crois que ce qui m'aide, c'est d'apprendre à rien faire, à me reposer, à aller vers l'essentiel, passer des week-ends très simples, à lire. J'ai un chat aussi et le chat aide beaucoup parce qu'il est une inspiration. Il me rappelle que la vie, c'est aussi boire, manger, jouer, dormir.
- Speaker #1
C'est très bien. Effectivement, l'animal de compagnie joue un rôle, on le sait, il a toute sa place. Emmanuelle, pareil, est-ce que toi, tu as connu toi aussi des moments plus compliqués que d'autres, où tu étais à la limite de la rupture, en tout cas de l'épuisement ? Alors, je ne parle pas du mot burn-out, mais peut-être qu'on pourrait aussi l'utiliser, après tout ce mot-là, dans ce genre de situation. Et comment est-ce que toi, tu réussis finalement à gérer cette surcharge mentale ?
- Speaker #0
Comme Alice-Anne, on a un chat aussi à la maison. Je voulais en proposer à ma maman aussi, mais c'est pour justement... Et puis, ça rit. la journée, c'est un point important. Donc ça nous remet à un moment donné aussi sur une certaine forme de rythme. Et puis de penser à un moment donné à autre chose. Je retrouve dans ce que dit Alice-Anne, des moments qui me concernent aussi similaires. Pour ce qui revient, je dirais, de la gestion de la charge mentale. Alors le temps de burn-out, oui. Moi j'étais en burn-out, je sais. Je vois quelqu'un. J'ai été traumatisée par la situation de mon papa. Donc quand même, j'ai été accompagnée. J'ai accepté par mes amis d'ailleurs. donc c'est de l'entourage proche et des moments avec les amis sont importants donc c'est rupture, donc comment aussi on le gère et on sent qu'on va basculer, alors moi sentir que je basculais, j'ai eu la chance peut-être, je fais du sport de haut niveau et je sais ce que c'est à un moment donné de trouver un équilibre tout sportif, à un moment donné quand il est au meilleur de lui-même, en fait il est sur un fil, un peu comme un funambule il peut très rapidement tomber d'un côté comme de l'autre quand il peut tomber, il peut se blesser, etc et souvent on se blesse quand on est soir très fatigué mais aussi parfois quand on est vraiment en super forme Donc les moments, à un moment donné, de se dire, il faut que tu t'arrêtes là. Ok, tu t'arrêtes, tu ne peux pas. Moi, j'ai la chance en tant qu'entrepreneur et puis travaillé aussi parfois à mon domicile, de me dire, là, je ne peux plus me concentrer, je vais me coucher. Je n'ai pas d'heure. C'est-à-dire que je m'accordais des moments, peut-être dix minutes, alors ce n'est pas deux heures, mais de décaler mes horaires, même parfois le matin, plutôt le matin, à chacun des rythmes différents, mais parfois dans la journée, de me dire, mais là, ce n'est plus possible, tu fermes, tu vas te coucher, tu écoutes de la musique. Donc la musique a été un élément aussi pour moi pour revenir, recalmer, etc. Donc c'est une façon de gérer ce stress et puis après de se mettre aussi dans sa bulle. Alors, se mettre dans sa bulle, ce n'est pas s'exclure et s'isoler. Attention, ce n'est pas ce que je veux dire là. On va, mais à un moment donné, d'être là, ça a dû prendre du temps pour soi. En fait, on en a très peu pour soi. Donc, j'ai eu la chance d'avoir aussi des amis qui m'ont donné ces moments-là. Je parlais tout à l'heure d'insouciance. Et oui, c'est des moments d'insouciance qui font beaucoup de bien. Et parce qu'il faut qu'on en ait, à un moment donné, c'est difficile de prendre du recul. la culture. Donc moi, j'ai parlé de la musique, d'aller voir des expositions. Parce que c'était un vrai break à un moment donné. J'étais concentrée sur autre chose. Et quand j'ai dit la bulle, c'est ça en fait.
- Speaker #1
Alison, est-ce que ton entreprise propose des dispositifs pour les aidants, des aides financières, une cellule d'écoute ou alors des temps qui peuvent être spécialement dédiés ?
- Speaker #2
Cellule d'écoute, oui. Et dons de congé. Dents de congé depuis peu. Je ne l'ai pas expérimenté à date. J'en ai plein. Mais du coup,
- Speaker #0
les dons de congé sont possibles.
- Speaker #2
C'est vrai que c'est important pour les aidants, à mon sens, si on veut pouvoir... À la fois prendre des congés et aussi aider, parce que moi je dis toujours parfois, je vais chez mes parents, mais en fait ce n'est pas des vacances, mais les gens ne savent pas. Je vais chez mes parents dans le sud, mais du coup le don de congés existe et c'est l'huile d'écoute.
- Speaker #1
Merveille-toi de ton côté, est-ce que tu as pu trouver des ressources à l'extérieur, des mutuelles, je ne sais pas, des associations ? Tu parlais tout à l'heure de syndiqués à professionnels éventuellement.
- Speaker #0
Je n'ai pas trouvé, et après du coup, j'étais dans un tunnel, je n'ai peut-être pas été aussi cherchée. Mais je pense qu'il manque, en fait, très clairement. Moi, ce que j'aurais aimé comme aide, c'est la facilité des accès à certains marchés, la mise en relation pour avoir... Parce qu'une entreprise est de vie de ses clients. Donc, à un moment donné, ses partenaires, si on sous-traite, tout ça, etc. Et donc, très clairement, si on n'a plus de clients parce qu'on n'est pas en capacité, on n'a plus le temps, en fait, tout simplement, autant de temps à accorder. À un moment donné, la société va péréquilier, possiblement, va mettre la clé sous la porte parce que la trésorerie sera pas au rendez-vous. c'est souvent le bas qui baisse La trésorerie est un des enjeux clés pour des petites sociétés comme les nôtres, même des plus grandes. Mais les plus grandes vont avoir des mécanismes avec des prêts, etc. ou faciliter l'accès à certains prêts. Il n'y a pas des prêts particuliers qui pourraient dire aux autres. Je pense à ça maintenant, qui dit un prêt à taux zéro pour les entrepreneurs pour maintenir leur trésorerie ou avoir des charges défiscalisées sur leurs employés, leurs collaborateurs par exemple. Ou si moi dans mon cas je suis mandataire salarié, avoir des charges moindres sur mon salaire. Avoir quelque chose qui soit un peu de compensation. Il faut savoir que nous, on donne du temps aussi qui n'est pas couvert aujourd'hui par la collectivité. Ce temps d'Alissane et de moi, en aidant nos proches, c'est du temps que normalement, il devrait être prévu sur le collectif. Et je trouve que c'est fantastique. Mais donc, à un moment donné, en fait, il n'y a pas un reversement vertueux quelque part sous une forme ou une autre. Alors, pour les collaborateurs, c'est un peu différent, les collaboratrices. Pour les entrepreneurs, ça devrait être aussi peut-être d'une forme sous celle que je vous ai donnée là. Comme exemple, il y a peut-être d'autres effets de levier qui pourraient jouer pendant cette période. En plein Covid, ça a été fait. Il y a eu des aides qui ont été apportées. Peut-être repensons à un moment donné comment ça peut se répliquer dans les limites de ce que peut la société. Mais à un moment donné, on a des choix à faire. Je pense qu'aujourd'hui, on est à un vrai tournant parce que s'ils ne seront pas faits, ces personnes-là, que ce soit Alison, que ce soit moi en tant qu'entrepreneur, on va se fatiguer, on va peut-être partir plus tôt à un moment donné. Ou si on est malade. Ça devient un coût aussi pour la société sous un autre forme.
- Speaker #1
Alissane, aujourd'hui, tu poses une journée par mois pour ton rôle d'aidante. Est-ce que c'est une stratégie qui t'a permis justement de trouver quelque part une forme d'équilibre ?
- Speaker #2
En fait, ma stratégie, elle a évolué depuis le diagnostic de la maladie. J'ai fait autant poser des jours pour être une semaine avec eux, être en télétravail, faire un week-end. Là, c'est vrai que ce qui ressort de la dernière stratégie, c'est de faire... Un jour par mois parce que j'ai choisi de ne pas imposer mon travail à mes parents. De me dire pendant trois jours, je suis là que pour eux, il n'y a pas le travail. Et j'ai bien aimé en effet ça aussi parce que ça me permet de garder des week-ends aussi pour moi. Donc ça en fait pas mal. Mais en fait, c'est aussi un luxe parce que la maladie le permet. Mais il va arriver un moment où la maladie, le fait que je sois là un week-end par mois, ça sera plus possible. Il faudrait que je sois là plus souvent. Mon père, il est maintenu à domicile parce que ma mère se sent en capacité, parce que oui, en effet, ça peut être possible de le maintenir à domicile, mais aussi parce qu'on sait que dans un EHPAD, en fait, il déclinerait, parce qu'il n'aurait pas la même stimulation, il n'aura pas le même entourage. Il y a des maladies aussi, il y a des moments où la dégénérescence cérébrale, ça peut entraîner des crises, des violences, aussi beaucoup de choses. Là, moi, ce n'est pas du tout le cas pour mon père. Bien sûr, en perte d'autonomie, bien sûr, il a besoin de ma mère. Il ne se lave pas tout seul. Disons que pour l'instant, ça va être ça, un week-end par mois. Et prochainement, je vais faire une semaine de télétravail cet été, comme je vais faire le onboarding de quelqu'un qui va arriver. Je ne veux pas de rupture dans la formation de la personne. Je vais faire une semaine de télétravail chez mes parents cet été, déjà en juillet, pour faire ce qu'il faut. Mais je sais que ça ne va pas aller en s'arrangeant et que du coup, ma stratégie devra changer aussi.
- Speaker #1
Il faudrait que je sois agile. Emmanuel, très brièvement, tout à l'heure, tu nous disais que tu avais un passé sportif de haut niveau. Est-ce que ces disciplines, cette organisation que peuvent avoir justement les athlètes de haut niveau, est-ce que toi, tu parviens ? à mobiliser tout ça finalement quelque part dans ta posture d'aidante et à côté de celle de chef d'entreprise ?
- Speaker #0
Oui, je pense que ça m'a aidée. Il se trouve que j'ai fait un sport de combat et jusqu'à la dernière minute, tout est possible. Donc j'ai aussi gardé ça en tête. Il y a la gestion, bien entendu, de la préparation, d'une compétition, on va dire, pour arriver au meilleur de soi-même. La gestion aussi de la fatigue. Moi, j'ai une expérience où je sais qu'un jour j'ai été blessée, mais parce que c'était dû à la fatigue. C'est trop loin et je savais aussi que c'était dur à revenir. C'est-à-dire que c'est dur d'arriver à un résultat et quand on se blesse, c'est dur aussi après à revenir. Donc après, tout dépend de la blessure. Ça met du temps, donc il ne faut pas que je me trouve dans des situations comme ça. Donc, il y avait plein de choses vécues, en fait, passées, qui m'ont aidée. À un moment donné, voilà où je mets mes limites, en fait, où j'étais toujours un peu le funambule, me dire, attends, là, il faut qu'il y ait un petit peu, là, non, là, tu te remets là, non, tu te remets là, pour essayer de rester toujours, effectivement, sur le fil, parce que je ne pouvais pas. permettre de tomber, tout simplement, en fait. On l'a dit au début de l'échange. Et le fait que tout est possible jusqu'au dernier moment. Alors, pas là. Je savais que c'était inévitable pour mon papa, mais je veux dire que j'avais toujours cette vision un peu gardée, l'optimisme, entre guillemets, sur tous les à-côtés. Et ça, c'est vraiment très, très précieux.
- Speaker #1
Avant de vous remercier toutes les deux, peut-être une dernière question. J'ai envie de vous laisser le mot de la fin. Et aux personnes qui nous écoutent en ce moment, qui peuvent être également dans une situation d'aidant, Qu'est-ce que vous auriez envie de leur dire très précisément ? Emmanuelle, vas-y, et puis on conclura avec Alissane. Donc,
- Speaker #0
ne rien lâcher, trouver des moments d'optimisme, des moments pour soi, pas toujours faciles, mais se forcer, ou essayer à un moment donné de dire quand même, même si c'est une demi-heure, c'est pour soi, et que vous y arriverez en fait.
- Speaker #1
À ton tour Alissane, qu'est-ce que tu aurais envie de dire aux personnes qui nous écoutent en ce moment ? et qui peuvent peut-être être dans la même situation que toi.
- Speaker #2
Il y a de l'enjeu à préserver son équilibre et sa santé à soi, parce que c'est le meilleur moyen de préserver la relation aussi qui reste avec la personne qui est malade. Je le disais au début, moi j'ai la chance, la maladie n'a pas tout pris. J'ai une relation, je suis la fille de mon père encore, je ne suis pas aidante, je ne suis pas que l'aidante. Et je pense que c'est pour ça qu'il faut aider les aidants, c'est pour qui... qui... continuent à préserver le lien qui reste avec leurs proches. Et je voudrais finir aussi par quelque chose de très positif quand même, parce qu'être aidant, c'est pas que... Moi, quand je descends chez mes parents, je fais le clown, je fais la cuisine, j'embête mon papa, je le taquine, et en fait, on rigole. Et il y a des moments, il peut rigoler, mais c'est pas parce qu'il a du mal à marcher qu'il peut plus rigoler. Et ma mère aussi, c'est pas parce qu'elle s'occupe de lui tout le temps et qu'elle s'est occupée de mon frère toute sa vie qu'elle n'est pas en train de rire ou d'avoir envie de jouer. Il faut aussi apporter ce message-là, je pense.
- Speaker #1
Un grand, grand merci à toutes les deux pour vos témoignages. Merci Emmanuelle, merci Alice-Anne. Franchement, c'était top de pouvoir recueillir comme ça vos témoignages. Même s'il ne remplacera ni l'écoute, ni le soutien, ni les dispositifs humains, le numérique peut aider à réorganiser sa vie quand on devient aidant. Il existe des dispositifs pour accompagner les aidants, qu'ils soient salariés ou indépendants. Le congé proche aidant indemnisé par la CAF, des possibilités aussi d'aménagement du temps de travail, comme le télétravail ou le temps partiel, des aides ponctuelles via la Mutuelle Santé, le droit au répit aussi avec des solutions de relayage, des plateformes d'information comme je suis aidant.com ou des réseaux aussi associatifs. Alors il existe des choses, on le voit, évidemment, on peut encore faire beaucoup mieux. Pour en savoir plus en tout cas sur les métiers et les transformations du numérique, il y a également un site internet qui est très bien fait et que je vous invite à aller voir. C'est concepteurs au pluriel d'avenirs.fr. À très vite pour un nouvel épisode de Tech it different. Merci encore une fois d'avoir témoigné. Et merci à vous. Et à très vite. Ciao, ciao, salut.
- Speaker #0
C'était Tech it different. Diversité et inclusion dans les entreprises de la tech.
- Speaker #1
Merci.