Speaker #0Salut à tous et bienvenue sur Tentative, le podcast qui laisse la parole à celles et ceux qui ont tenté de nouvelles expériences et qui en sont ressortis grandis. Vous écoutez l'épisode de Quentin, qui en binôme s'est lancé dans une aventure de trois mois en kayak pour descendre le fleuve Yukon, de sa source au Canada jusqu'à la mer de Bering en Alaska. Bonjour, je m'appelle Quentin, j'ai 27 ans et j'habite à Paris. Aujourd'hui on va parler d'une aventure que j'ai faite en 2018 avec un ami, à savoir descendre le fleuve Yukon en canoë kayak sur un peu plus de 3 mois. Quand je suis parti sur cette aventure, j'avais 21 ans et j'avais absolument zéro expérience de kayak. Je suis parti sur cette aventure avec un ami qui s'appelle Louis, que j'avais rencontré vers la fin de lycée. Et c'est lui qui était un peu aux prémices du projet. Il avait en tête de faire une sorte de grande aventure, un peu comme moi. A cet âge-là, on avait tous les deux un peu partagé des grands rêves, de vivre un peu une grande aventure entre la fin des études, le début de vie pro. Je pense comme beaucoup de jeunes du même âge. Nous, ce qui nous a un peu mis d'accord, c'était d'activer le processus et de commencer à faire un truc, quoi que ce soit. Moi, j'avais des rêves pas clairement définis, mais je rêvais d'aller voir un peu des grands espaces. Lui aussi, ça l'attirait pas mal, les grands espaces d'Amérique du Nord. Moi, je pensais à faire un trip en moto, je pense en Amérique du Sud, un peu à la rencontre de personnes. Et un peu au fur et à mesure des discussions, on s'est un peu mis d'accord sur le fait de vouloir un truc très sauvage, donc en isolement. Il n'y a pas beaucoup d'endroits sur la planète où il y a peu de population, sans que ce soit hyper dangereux comme la jungle ou l'Antarctique. Donc on s'est un peu mis d'accord sur l'Alaska de manière générale. Qu'est-ce qui nous a poussé vers le kayak alors qu'on n'y connaissait absolument rien ? En fait, un peu en réfléchissant, on s'est dit que c'est un super moyen de transport qui permet de découvrir des endroits un peu insolites, un peu isolés. C'est surtout un moyen de transport qui laisse pas de traces, qui fait pas de bruit, qui permet de stocker pas mal de matériel, qui fait moins mal aux fesses que le vélo, qui dérange un peu moins la nature que des trucs type automoto et surtout permet de découvrir des endroits où même à pied on peut pas y accéder. C'était un peu dessiné sur le Yukon. C'est un fleuve gigantesque qui traverse l'Alaska, mais surtout un bon bout du Canada. Il fait environ 3185 km de long. En termes de référence, c'est un peu la distance de Paris jusqu'au Proche-Orient, jusqu'à Jérusalem à vol d'oiseau. Donc c'est assez conséquent sur une carte. C'est aussi la longueur de la frontière Etats-Unis-Mexique. C'est un fleuve qui était un peu déjà dans notre imaginaire, je pense l'imaginaire collectif de certaines personnes qui auraient peut-être lu des Jack London, qui connaissent un peu les histoires du Klondike. C'est un très long fleuve en fait qui a une histoire lourde sur la rue Verlore. Donc c'était beaucoup de mythologie autour de ce début de parcours où des aventuriers sont un peu partis chercher l'or. Genre un peu le premier tir de notre voyage. Donc c'était un fleuve que je connaissais un peu déjà de sa renommée légendaire. Et en fait, en regardant concrètement une carte, on se rend compte que c'est le plus grand fleuve qui prend un peu tous les affluents et qui permet de parcourir la plus longue distance en Amérique du Nord, enfin à part le Mississippi, mais dans cette région-là, et qui surtout traverse des paysages complètement différents, qui ont un certain challenge à chaque étape. Après avoir identifié un peu le projet, à savoir le mode de transport, le kayak... le fleuve, l'endroit de la planète. On s'est un peu pris un moment pour savoir si on allait vraiment concrétiser et franchir le pas. Après un délai de réflexion très court, parce que de toute façon, vers 18 ans, un gars, ça réfléchit pas beaucoup. On s'est dit, on y va à fond, mais du coup, on s'engage à établir une feuille de route très concrète pour y réussir. On n'avait pas analysé toutes les implications financières, les engagements, mais on avait vraiment juste posé une date très loin dans le temps. Enfin, très loin dans le temps. C'était... 3 ans après. Donc on avait vraiment posé la date. Et depuis là, on s'est déroulé toute une préparation en amont. Donc deux ans avant, on avait décidé de faire un voyage un peu d'expédition, d'entraînement entre guillemets, avec le début du matos qu'on a pu accumuler, donc le bateau, le kayak. Ça c'était une descente de l'Allier et de la Loire en France, durant environ deux semaines, en août. L'année d'après, on a voulu un peu passer à la vitesse supérieure, donc on était partis un gros mois en Norvège-Arctique, faire le tour de l'archipel des Lofoten par la mer, pour ensuite arriver sur le point d'orgue qui serait le voyage en Alaska trois ans après. On avait pris soin d'analyser quasiment chaque virage du fleuve en satellite, mais ce n'est pas pour autant que ça avait paru comme déjà fait. La préparation c'était d'abord un gros défi matériel parce que au bout d'un moment quand on avait réussi à identifier tout ce qu'il nous fallait, finalement ça fait un budget. Donc on s'était dit comment est-ce qu'on va réussir à récolter tout ça parce qu'on ne va pas partir avec des trucs un peu de mauvaise qualité qui risquent de se détériorer. On voulait un bon bateau, on voulait des bonnes vestes étanches, des bons sacs étanches. Et du coup pour la préparation de matériel, on avait vraiment fait tout simplement des études de marché de tout ce qui pouvait s'utiliser. et fait simplement au culot des demandes de sponsoring matériel à, je pense, l'ensemble des constructeurs, des fabricants de matériel en la matière. Donc on avait passé énormément de temps à envoyer des mails, à avoir des appels de suivi sans réponse, vraiment je pense 1% de réponse pour 0.1% de réponse positive. Mais finalement on a vraiment pu se constituer un bon paquet de matos par la dotation, et ça c'est une grande chance. On avait des sacs étanches guicottennes, une tente, des sacs de couchage très techniques, nécessaires parce qu'il pouvait faire froid et il y avait beaucoup de vent. On avait une grosse ristourne sur le kayak qu'on a identifié. Il fallait un kayak démontable pour pouvoir le prendre en soute, réparable. Il était fabriqué avec une espèce d'ossature en bois qu'on pouvait réparer sur place. S'il y a une latte qui se pète ou s'il y a un trou dans la chaussette qui le recouvre, ça on était un peu allé au culot. C'était une entreprise qui s'appelle Nutty Red. On est partis les voir directement dans un salon d'exposition nautique. On leur a dit bonjour, on a 18 ans, dans deux ans on veut partir faire un voyage de fou. Est-ce qu'il y a moyen que vous puissiez nous faire une ristourne ? Ils ont vraiment gentiment accepté, ce qui est assez surprenant parce qu'on est un peu leur clientèle type. Mais je pense qu'au culot, le fait qu'on soit un peu jeunes, le fait que rien ne nous arrête, les a peut-être un peu convaincus. Sur l'aspect de santé, en plus d'avoir fait des trucs de secouriste un peu classiques, j'avais pris le temps de faire une espèce de formation de technique médicale en situation d'isolement. C'est assez rare, mais ça montre qu'on avait vraiment appréhendé le projet dans son entièreté, dans les bonnes choses comme dans les petits pépins qui pouvaient arriver. Le fait de partir dans une grande aventure à deux, c'était vraiment rassurant par rapport au fait de partir en autonomie totale en solo. Je pense que ça change beaucoup le mood, surtout si tu t'entends bien. Seul, chaque micro-problème devient vite envenimé, on peut être catastrophé par la situation, alors qu'à deux, on peut en rigoler, essayer de chercher des situations ensemble. Donc c'était vraiment un bon bonus pour l'humeur. Après, il y a des difficultés à partir à deux vis-à-vis d'un départ. en équipe ou en plusieurs bateaux, quand on est à deux et qu'il y a un problème, forcément on ne peut pas aller se retourner voir d'autres gens, il faut en discuter ensemble. Donc on n'avait pas beaucoup d'appréhension à partir en binôme, si ce n'est de se mettre d'accord sur des règles de bon fonctionnement entre nous, le fait de jamais s'énerver, être patient quand quelqu'un fait quelque chose qui nous énerve, le fait de laisser un peu la... La place à l'autre, parce que c'est aussi un peu une aventure individuelle. Effectivement, on était sur l'eau, dans la tente, sur les berges, toujours à moins d'un mètre l'un de l'autre. Donc il fallait qu'on sache laisser un peu d'espace à l'autre. Mais non, ça s'est bien passé parce qu'on s'entendait bien. On était facile à vivre et je pense que le projet commun nous a vraiment soudés sur l'objectif. Donc on n'avait pas d'appréhension à partir de. Attention, s'il vous plaît, n'est pas censé tomber dans le bâtiment du terminal. Le fumage est seulement permis dans le... Le jour du grand départ, c'était assez spécial parce qu'on a toujours l'impression d'avoir plein de choses encore à régler. On ne connaissait pas tout sur la rivière. Il y avait encore un boulot monstre. On avait encore quelques petits achats de matériel à avoir. Tout de même, on était très excités parce que c'était le grand départ d'un vol long courrier de Francfort à Whitehorse. C'est dans le Yukon Territory au Canada. C'est une ville où il y a 25 000 personnes. Et une fois arrivé, c'est le grand départ. Pour l'anecdote, j'avais encore des parcelles à faire que j'avais fait le lendemain du départ à distance. Donc j'avais encore quelque chose qui me rattachait à mes obligations. Mais une fois que ça s'était fait, c'était l'excitation de partir. Peu d'appréhension, parce que c'est l'inconnu. Mais c'était vraiment une espèce de débordement de joie et d'énergie de prendre l'avion. On a atterri à Whitehorse, dans le Yukon Territory. Le premier jour déjà, le premier effet à l'atterrissage, c'est qu'on se rend compte qu'il fait quand même froid. On regarde un peu le fleuve, on se rend compte qu'il y a peut-être des endroits où il y a des glaçons qui se baladent. Donc on se dit, ça va être un peu plus rustique qu'on l'imaginait. Et en même temps, c'est de ça dont on rêvait. Donc le premier jour, on a atterri à Whitehorse. On a réussi à remonter en amont du fleuve. vers un des lacs de source au sud en Colombie-Britannique. Donc le fleuve et d'ailleurs tous les fleuves du coin prennent leur source depuis des glaciers, des montagnes, des rocheuses qui se déversent dans des lacs qui ensuite forment des rivières, des fleuves. Donc on a réussi à trouver un stop, un gars hyper sympa qui nous a roulé sur environ 70 km, juste pour venir nous déposer à un endroit où après on a pris un train, parce qu'il n'y avait plus de route, et on a pris un train qui traversait les montagnes pour ensuite nous déposer à un village fantôme, qui était un village historique de la rue Verlore, qui s'appelle Bennett. Ça c'était assez cocasse, parce que nous on sort avec tout notre matériel, mais le train il continue, parce qu'il est rempli de voyageurs qui traversent les montagnes, Ce sont des touristes qui veulent un peu voir le train historique, mais nous on arrive seul au bout d'un chemin de fer vraiment style western, qui n'a pas changé depuis le 19ème siècle dans un village abandonné, sans mettre des rails, le lac, le point de départ. Depuis ce lac, qui s'appelle le lac Bennett, on avait environ, je pense, une semaine, dix jours de kayak pour revenir, remonter à Whitehorse, la ville où on a atterri. Donc ça, c'est assez pratique, parce qu'on avait une espèce de phase d'ajustement pour tester un peu le matos, voir un peu comment on pouvait se nourrir, combien on pouvait charger, avoir un espèce d'échantillon d'une semaine pour préparer le reste. Donc ça, c'était assez incroyable. Et une fois... Revenu à Whitehorse qui est la seule grande ville du coin, on a pu faire des courses de nourriture pour trois mois. Dans ce coin là c'est un peu difficile parce que le plus gros danger du coin ça reste la faune sauvage qui est très intéressée par tout ce que nous on apporte dans le coin parce qu'on n'est pas chez nous. Et évidemment si on apporte un our ou des loups de la nourriture, de la viande fraîche, il va se frayer dessus. Donc c'est un peu difficile d'acheter des courses pour trois mois sachant que ça ne va pas être du frais. Donc on s'est vraiment nourri à base. de pâtes, de riz, de lentilles, des sauces variées, éventuellement un peu de viande séchée. Mais tout ça mis sous couvercle un peu isotherme pour éviter que ça fasse trop d'odeurs. Des trucs sucrés, des petites barres d'énergie. Franchement, c'était pas de la grande gastronomie, mais assez pour survivre. Et donc tout ça chargé dans un kayak qui faisait quand même 5,40 mètres de long. Donc il y a de la place. Le kayak avait une contenance de 350 kg environ. Nous deux, on devait faire 150, donc on pouvait vraiment charger... Beaucoup beaucoup beaucoup de nourriture, on les chargeait dans des bouteilles parce que comme ça on pouvait les glisser un peu n'importe où en long dans le kayak. Pour ce qui est de l'eau, on avait grâce à un sponsoring matériel un filtre qui est une espèce de pompe qui peut filtrer n'importe quelle eau sur la planète, éliminer toutes les bactéries, les virus, c'est un machin assez incroyable. Mais on n'avait pas trop besoin au début parce que l'eau est très claire donc le fleuve traverse un peu des montagnes. L'eau était cristalline, ça venait de glaçons, de glaciers. Et ensuite, au fur et à mesure, on devait un peu plus trimmer pour trouver de l'eau douce. On utilisait cette pompe, surtout vers la fin, quand l'eau était très boueuse. Il fallait qu'on prenne une espèce de casserole remplie d'eau, qu'on la fasse reposer environ une nuit pour que les sédiments aillent au fond. Et ensuite, pomper que le haut pour éviter d'avoir du sable dans les dents. C'est un peu compliqué, mais quand on n'a que ça à faire la journée, on s'est un peu bougé le cul pour le faire. Et ensuite, depuis Whitehorse, c'était le deuxième nouveau départ, un peu vers l'inconnu. Le trajet qu'on avait prévu était grosso modo dans les grandes lignes de suivre l'ensemble de ce fleuve Yukon, qui prend sa source dans plusieurs lacs de source, dont celui d'où on est parti, le lac Bennett, et qui se poursuit jusqu'à l'embouchure, jusqu'à la mer de Bering en Alaska. Donc le fleuve monte un peu au nord depuis la Colombie-Britannique, il traverse le Yukon Territory, qui est un autre état du Canada, un très gros état du nord, et ensuite il traverse la frontière en Alaska. Donc avant tout ça, c'est un fleuve qui ondule un peu à travers les montagnes. Il a un courant assez rapide, du coup des endroits un peu techniques, parce qu'il y a des pierres, quand le fleuve avance vite, c'est des endroits qui peuvent ressembler un peu plus à des rapides, avec un paysage absolument magnifique. Ensuite, en traversant la frontière pour l'Alaska, qui n'est pas terrestre, le fleuve s'étale et arrive dans un endroit qu'on appelle les Yukon Flats, une espèce de zone marécageuse. Je pense 300 km de long mais le fleuve s'étale sur des petits affluents de 30 km de large. Donc là la navigation est un peu plus difficile. Il faut pouvoir suivre le bras du fleuve qui est sûr d'arriver et qui ne va pas arriver dans un marécage quelconque et disparaître obligé en remontée. Ensuite le fleuve du Cogne il remonte un peu après cette zone marécageuse vers le cercle polaire arctique, donc toujours en progressant un peu vers le nord, et ensuite il redescend un peu vers le détroit de Béring, jusqu'à la ville finale qui s'appelait Émonac, qui était aussi le nom qu'on avait donné à notre kayak comme objectif final, parce que ça collait assez bien pour un kayak, qui est sur la mer de Béring. Sur ce fleuve, on croise du monde, bon c'est plus pas archi touristique, mais ça allait un peu au début. Sur les traces de la ruée vers l'or, donc sur les trois premières semaines, c'était vraiment assez facile de naviguer et c'est surtout des très beaux endroits. Il y a beaucoup de... enfin beaucoup, je crois que c'est quelques personnes par jour qui descendent cette consomme-là en canoë, entre le village de début qui s'appelle Whitehorse, jusqu'à la capitale du Klondike et la capitale de la rivière d'or qui s'appelle Dawson. Donc là, il y a du monde. Ensuite, on traverse plusieurs petits villages. On ne croise pas beaucoup de monde sur l'eau. Il n'y a pas beaucoup de personnes qui font le trajet en entier. On se connaît en fait sans forcément se croiser, parce que quand on croise des gens dans les villages, ils vont dire qu'ils ont vu... Machin, deux semaines avant, c'est un côté un peu rigolo, de savoir si on va les dépasser, si on va se faire dépasser. Mais toujours heureux de se rencontrer quand on y arrive. Et ensuite, dans les villages, on rencontre les habitants. Ils sont quand même assez endurcis, parce qu'il y a des villages qui ne sont pas connectés par la route, qui ne sont qu'accessibles en avion, et qui, eux, contrairement à nous, connaissent et l'été et l'hiver. Nous, on y passe l'été où il fait relativement chaud, mais eux, ils connaissent un peu le dur de l'endroit. Donc tout au long, il y a des villages, surtout au début, il y a des villages de natifs à Tabascan, qui sont des villages de personnes qui ont une ascendance indienne, qui ont le même héritage que les Indiens qu'il y a en Amérique du Nord, donc les Sioux, les Apaches, etc. Et plus on se rapproche de la mer, plus ce sont des villages qui ont une ascendance Yupik, donc Yupik, ce qu'on appelle généralement les Eskimos, qui sont des natifs un peu plus du côté de la mer et un peu plus au nord. Donc voilà, on a eu beaucoup de rencontres, beaucoup de rencontres avec des cultures un peu différentes. qu'on avait un peu étudié en avance, mais où on avait préféré garder l'inconnu pour la belle rencontre. On avait rencontré beaucoup de pêcheurs sur ce fleuve, tous vraiment avec un sourire extraordinaire, vraiment contents de nous accueillir chez eux, des pêcheurs de saumon. Et en fait, en discutant rapidement, je pense qu'on dégageait quelque chose d'assez naïf. On avait peut-être l'air jeune, on avait l'air en forme, sans non plus être des guignols. Donc on s'était vite attachés aux quelques rencontres qu'on voyait. Dans les Européens qui descendent le fleuve, il y en a certains qui disent que... Par exemple la zone marécageuse, elle est hyper dure à naviguer, seuls les vrais héros peuvent le faire, en plus avec les moustiques, les difficultés, le froid, le manque de visibilité, la météo, c'est vraiment un enfer sur terre. Pour nous le plus drôle c'était d'aller dans ces endroits et en fait rencontrer les gens qui y habitent, et tu disais bah non simplement la navigation elle est pas difficile, tu suis le bras où il y a le plus de courant, c'est très facile. Dans les rencontres marquantes, on a des pêcheurs de saumon qui nous ont lâché un gros saumon sur le kayak en guise de cadeau. On n'avait pas beaucoup échangé, on avait dit deux, trois mots. On a une énorme saumon de 3, 4 kilos. Mais en fait, c'était le jour de mon anniversaire, donc c'était un cadeau tombé du ciel. Du coup, avec ce saumon, on se l'est cuit. C'est aussi bon cru que cuit. Donc ça nous a fait, je pense, un repas le soir. Et ensuite, c'était tellement bon qu'on avait continué à le bouffer toute la nuit en pagaillant. Donc il n'a pas fait long feu le saumon. Mais vraiment, c'est des belles rencontres assez courtes, mais on s'en souvient. Sur les quelques villages qu'on traversait, il n'y a pas grand chose à voir, c'est pas très touristique, mais le meilleur c'est un peu la rencontre. On avait l'habitude de faire le tour, de rencontrer un peu les gens qui convergeaient sur la plage quand on arrivait, mais effectivement il y a toujours un risque de partir se balader trop loin, laisser tout son matériel sur la plage et qu'ils disparaissent. Il y a un peu des clichés qui circulent sur le village d'à côté à 100 km. Des gens qui ne se connaissent pas trop disent Attention, là-bas dans le prochain village, ils vont tous être tout le temps bourrés, tout le temps défoncés, Ils vont vouloir vous agresser et prendre votre kayak, votre argent. Et en fait, en arrivant, on les rencontre et c'est des amours. Enfin, il y a vraiment de tout. Mais on avait un peu l'habitude de toujours garder un oeil sur le matériel ou alors le laisser chez des gens de confiance. Il y a un village qui était très important pour nous parce que c'était l'endroit où on avait regardé la finale de la Coupe du monde de foot France-Croatie en 2018. Ça, c'était un sacré challenge parce que quand on s'est rendu compte que la France allait être en finale... On recevait les scores par SMS satellite par un copain depuis la France qui nous envoyait les scores. On s'est dit qu'il va falloir qu'on se démène pour essayer de trouver une télé. On a redoublé d'efforts pour pagailler deux fois plus vite pendant deux semaines pour essayer d'arriver dans un village où on pouvait trouver une télé. Et là, on est tombé dans une comité incroyable, complètement lunaire. On pose le kayak. Déjà, on nous dit bienvenue au village, il y a un enterrement, mais venez, c'est la fête. Donc, il y avait un enterrement. Un jeune à peu près de notre âge qui était mort il y a quelques jours avant. Et en fait c'est devenu un trois jours de deuil un peu communautaire, où il y a beaucoup de nourriture, ils passent beaucoup de temps ensemble. Donc on a été vraiment invités à l'enterrement. On commence à sympathiser avec les gens, on se retrouve dans un bar, donc vraiment le bar comme on peut l'imaginer dans le Wild West, enfin le Saloon, où il y avait, par le hasard des choses, il y avait beaucoup d'ouvriers qui travaillaient sur la reconstruction de l'aérodrome, donc c'est des ouvriers qui venaient un peu de partout en Alaska. Le hasard des choses a fait qu'ils étaient tous là, le bar a repris de la vie la soirée parce qu'il y avait des gens qui venaient de l'enterrement, donc on passe une excellente soirée avec eux et on arrive à... à les convaincre de nous laisser une télé satellite le lendemain matin à 6h pour la finale. Ce genre de rencontre complètement lunaire qui fait qu'ils restent en fait les meilleurs souvenirs. En termes de cartographie et tout simplement de communication, on avait embarqué avec nous, en termes de matériel, c'était assez important d'avoir un téléphone satellite, donc un téléphone qui se connecte sans avoir besoin de réseau cellulaire classique. Ça, c'était assez important pour nous de pouvoir, de un, envoyer un peu des balises temporales à notre famille, dire que tout allait bien, assez régulièrement. Les gens pouvaient recevoir un texto avec un point GPS de là où on était et des messages préédités disant tout va bien Le Forfait est un peu cher pour écrire des textos ajustés. Donc on envoyait une balise, on changeait un peu le message automatique, mais un peu de tout en autant. Et surtout, cet outil nous permettait de contacter les urgences, s'il y avait une vraie urgence. Voilà, en toute évidence, une blessure grave, une attaque d'animaux grave, une noyade, un cas qui se renverse. Toute raison qui nécessitait des secours. Et ce téléphone aussi, il avait l'avantage d'avoir beaucoup de cartes préenregistrées où on pouvait voir un peu notre avancement avec un GPS. Donc on n'avait pas que les cartes à l'ancienne papier. On en avait quelques-unes, mais compter sur le GPS satellite, c'était quand même un peu plus utile. Et puis en fait, dans le bateau, avec des cartes papier, des carnets écrits à la main, il y a beaucoup de choses qui sont fragiles. Elles prennent de l'eau tout le temps. Avec la météo, avec l'eau, l'eau qui coule des pagaies, il vaut mieux avoir du matériel fiable et solide. Pour dormir, on s'arrêtait. Dans l'idéal, on visait une berge sableuse, paradisiaque. On pouvait installer la tente et faire un petit feu et regarder le coucher de soleil. Mais bon, ça c'est vraiment en théorie. L'habitude en fait était de pagailler 8-9 heures par jour. Et vers la fin, quand on s'est un peu à étudier, là on pourrait éventuellement s'arrêter. Donc un peu en amont sur les cartes. Essayer d'analyser sur les courbures du fleuve s'il y avait éventuellement des bandes sables ou s'il y avait de quoi faire du feu. Mais en fait, c'est la découverte à chaque virage. Il fallait qu'on décide un bivouac dans la dernière heure de pagaillage. Parfois, on tombait sur rien de vraiment intéressant. Parfois, c'était des marécages boueux, dégueulasses, donc il fallait continuer. Parfois, on trouvait le spot parfait. Parfois, on trouvait le spot parfait, mais il y avait déjà un grizzly qui s'est dit c'est mon spot parfait aussi qui avait décidé de marquer son territoire, donc on avançait. Mais non, le bivouac, grosso modo, c'était une tente sur la plage, remonter le kayak depuis l'eau, faire un feu assez loin de l'endormir. Parce que là-bas, il faut cuisiner et manger loin d'où on dort pour éviter d'attirer des mauvaises odeurs de nourriture dans les tentes et du coup, éviter de subir des petites invasions de la faune pendant la nuit. Et essayer de, si possible, suspendre sa nourriture dans les arbres, le protéger. Enfin, c'est beaucoup de petites habitudes qu'on avait accumulées au fur et à mesure des journées. Le fait de ne pas savoir en dehors, c'est ce qui a rajouté un peu du peps à l'aventure. Chaque bivouac avait vraiment sa particularité, dépendant un peu de circonstances de météo. Parfois, c'est un très mauvais souvenir d'un endroit parce qu'il pleuvait tout le temps et c'était horrible. Parfois, des souvenirs sont ancrés parce qu'on a eu des bonnes rigolades à un bon moment. Le fait que chaque bivouac change, je pense que c'est ce qui a beaucoup fait un peu de la diversité du voyage. Et surtout, la sensation de vraiment partir à la découverte parce qu'on n'avait pas de rien été fixé. A chaque endroit, on arrivait tranquillement depuis le fleuve et on essayait de se trouver un endroit où on pouvait le déranger le moins possible. L'écosystème qui est là, donc on ne va pas arriver comme des bourrins, couper tous les arbres et se faire des hamacs ou je ne sais quoi. C'était vraiment poser une tente sur la berge, essayer de ne pas attirer trop l'attention des animaux, parce qu'il y en avait beaucoup, et d'essayer de repartir en laissant l'endroit qu'on a trouvé. Ça, c'était le plaisir de l'esprit nomade du voyage. On dormait assez bien, généralement parce qu'on était éclatés de la journée, c'est assez évident. Après, en dormant et de manière générale au sol, on avait toujours une espèce d'alerte permanente. Donc le sommeil léger, on était constamment dans un espèce d'état d'alerte qui n'est pas désagréable, mais qui permettait de bien anticiper les choses et les problèmes. Et donc on avait parfois un peu le sommeil léger. On entend des choses qui grouillent un peu à droite à gauche, mais grosso modo, à part le parfois où on avait un peu froid ou très mouillé, on entendait assez bien, rustiquement, mais bien. Le vrai risque dans ces endroits qui sont très sauvages, c'est la grosse faune. Tout simplement, pour le dire très simplement, c'est les ours, les grizzlies, les ours bruns en général. Les ours noirs ne sont pas très dangereux, mais vont venir être très curiés, prendre de la nourriture, détruire des tentes, détruire du matériel. Donc le risque de manière générale au bivouac, c'était des mauvaises rencontres avec des animaux. Ça, ça n'a pas été trop un problème pour nous, même si on a vu beaucoup. Ce qui comptait pour nous, c'était notre manière d'appréhender un peu la situation. Donc respecter des règles, ne pas camper sur le territoire d'un grizzly, parce que c'est un ours très territorial, qui laisse des traces d'ailleurs, des traces de pas ou des touffes de poils sur les arbres, ou des crottes tout simplement, ça pue. On s'en rend vite compte qu'on est sur un territoire de grizzly. Et ensuite, il y a des règles pour faire attention avec sa nourriture, ne pas faire trop de bruit, ne pas trop s'aventurer dans la brousse seul. Et en fait, dans le respect de ces règles, on arrive à... à gérer un peu les situations délicates en amont. Mais néanmoins, on ne sait jamais comment la nature pourrait réagir. Et du coup, on avait toujours à la ceinture des bombes à poivre qui lâchent un espèce de geyser de poivre, tout simplement, comme dans les manifs, sur 15 mètres, et qui repoussent un peu les animaux dangereux qui se montrent menaçants. Ça peut ne pas marcher, ça peut très bien marcher, ça peut se retourner contre soi avec un coup de vent. Donc c'était la précaution numéro un. Ensuite, dans l'espoir de jamais s'en servir, on avait un fusil, donc j'avais un fusil à pompe. avec 6 coups, avec 2 coups qui étaient en fait des espèces de fusées d'alerte, donc avec l'objectif de lancer une fusée d'alerte un peu loin, qui explose, et qui est censée faire fuir les animaux parce que ça fait un bruit assez assourdissant, et un bruit assez éloigné de là où on est. S'il y a un gros bruit, un ours va soit fuir, soit charger, donc il vaut mieux que le bruit soit lent. Si ça, ça ne marchait pas, on met des balles en caoutchouc, des trucs qui... qui ne perfore pas, mais envoyer une balle en caoutchouc sur la peau épaisse d'un ours, généralement ça le calme, il se rend compte qu'il ne faut pas trop chercher des noises, et avec en recours final, évidemment dramatique, des vraies balles. Mais bon, ça c'était pas trop le... On avait heureusement jamais besoin de se servir du fusil. On a utilisé les fusils d'alerte un peu pour voir ce que ça faisait. A la fin, on a essayé de voir ce que faisaient les balais en caoutchouc sur des bouts de branches qui sont sur la plage. On n'a jamais eu vraiment une situation tendue, on avait eu besoin. Je pense que c'était peut-être par présence d'esprit, quand on était dans un endroit et qu'on sentait un peu un risque. On avait vite remballé le camp et on s'est remis sur le kayak pour aller un peu plus loin. Mais généralement, les animaux ne sont pas trop dangereux au début de l'été. Les ours le sont à la fin de l'été, quand ils recommencent à prendre la nourriture pour aller en hibernation. Là, ils étaient gros et gras depuis le printemps. On vivait chacun de notre vie et on se prenait en photo, enfin nous on les prenait en photo. On croisait un peu au début des ours noirs, qui sont un peu des plus petits formats. Et en fait, plus ça devenait sauvage, plus on a vu des gros grizzlies, ou alors surtout des grosses traces de grizzlies. La trace d'une patte d'ours, je pouvais mettre ma main en entier, je pense deux ou trois fois dans une trace d'ours. Donc c'est un truc assez gigantesque, surtout un grizzly. On se rend compte de la longueur des griffes. Les ours, ils ont des griffes d'une dizaine de centimètres. On dit qu'un grizzly peut, avec ses griffes, décapiter un humain. Et d'ailleurs, heureusement que c'est pas arrivé, mais on se rend compte un peu de la puissance du truc. Il peut faire 450-500 kg, je crois, dans les plus gros formats. C'est assez impressionnant. Un jour, on s'est réveillé sur un banc de sable, à un moment, pendant très longtemps, on l'a pas vu. Mais on voyait beaucoup beaucoup de traces. On s'est dit, ils savent qu'on est là et on l'a pas reniflé, mais celui-là, il aurait pu être un problématique. Grosso modo, on avait ce sentiment d'être un peu entouré. C'est pas forcément dangereux. Enfin, ça peut être agressif et violent, surtout entre eux. Mais ils n'ont pas de raison de s'attaquer à l'homme, surtout dans ces régions hyper reculées. Les ours, ils n'ont pas trop affaire aux humains. Généralement, les attaques de grizzly qu'on entend sont des endroits où il y a beaucoup de pêcheurs, donc surtout au sud de l'Aska, où en fait les grizzly ont l'habitude de raqueter les pêcheurs une fois que les pêcheurs ont tiré un poisson, parce qu'ils savent que l'homme peut le faire. Mais non, là où... dans les endroits où on était, ce qui était quand même relativement au nord, ils connaissaient pas trop les humains. Et on dit aussi que un grizzly dangereux, c'est un grizzly en fait qui s'est déjà un peu attaqué à l'humain, qui en a pris le goût, mais c'est très très rare. On a eu la chance de voir un lynx. Si on voit un lynx, généralement, c'est que le lynx a voulu que tu le vois. Donc on s'est réveillé un matin et on a ouvert la tente et on voyait un lynx à 15 mètres de la tente qui nous regardait. On est sortis, on s'est un peu observés en se tournant autour. Lui, il allait boire de l'eau, un peu regarder, il était très curieux. On a vu énormément d'élans. C'est une espèce de gros cerf avec des bois assez impressionnants. Et surtout des pattes hyper longues parce que ça peut marcher à la neige. C'est des gros machins assez impressionnants. Pas féroces, mais on s'est dit si un truc comme ça marche sur la tente, on est fini. Ou sur le kayak ou sur le matériel en général. On a vu des renards, des coyotes, et après il y a aussi le sentiment d'être dans un endroit où il y a énormément d'animaux qu'on ne verra jamais, comme des loups, des animaux un peu plus hostiles mais moins sociables. On a vu beaucoup d'aigles, des pigards à tête blanche, des aigles qu'on appelle des golden eagles, enfin des aigles dorés je crois que ça se dit, des trucs énormes, et des mouettes, moins des paysans. Un des trucs dangereux aussi des berges, c'est la météo qui produit des feux de forêt. On a vu, je pense, aux nouvelles, il y a quelques années de ça au Canada, des feux de forêt tout le temps, et qui sont des trucs qui deviennent énormes. C'est assez courant dans la scarab, parce qu'il y a des moments très orageux, où la foudre va taper du bois qui est sec, et ça va se diffuser partout. Il faut faire attention, ça sent très fort. On voit de la fumée au loin, c'est assez impressionnant. Il y a aussi, et ça je l'ai appris récemment, qu'il y avait aussi un phénomène où la foudre allait taper des endroits de la montagne, qui sont en fait du charbon tout simplement, parce que c'est des endroits tellement isolés que les forêts, les arbres tombent et se fossilisent. En fait c'est quasiment des mines de charbon en forme de montagne, donc la foudre va taper et creuser un trou. Donc ça, ça crée des feux de forêt assez impressionnants et qui revivent à certains endroits. Mais bon, il y a... Les habitants ne sont pas très inquiets parce qu'il y a très peu de gens finalement. Et ça fait partie de l'écosystème, le fait que ça brûle de temps en temps. C'est ce qui permet que par petites brûlées, ça devient moins grave par la suite. Par comparaison, il y a des endroits, je sais pas, par exemple en Californie, où il y a des feux de forêt terribles, parce que le service de gestion des parcs nationaux a quasiment rangé la forêt, a enlevé toutes les petites brindilles, tous les trucs qui devaient brûler naturellement, pour préserver l'écosystème. En fait, par petites brûlées, on empêche le gros. En gestion de forêt, on crée des immenses feux. Le matin en se réveillant, on avait une petite routine maximale de refaire un petit feu, un bivouac, essayer de se faire un petit déjeuner chaud, essayer éventuellement de cuire le déjeuner pour le manger à bord du kayak plus tard, faire un petit peu de café, mais après s'ensuit le processus très routinier de rangement de tente, de chargement du kayak, qui était finalement en fait notre routine. On avait l'habitude le matin de garder un temps un peu calme, je sais pas si on se l'est dit entre nous, mais c'était une routine qui est devenue... assez courante de garder les quelques premières heures de pagaillage un peu silencieuses, ce qui est assez agréable, ce qui permet de déjà émerger un peu soi-même, voir un peu le paysage, remettre un peu ses pensées droites, enfin voilà. Assez agréable aussi d'avoir des moments de temps calme à deux, surtout quand on savait qu'on pouvait être très bavard, c'était bien d'avoir cette petite routine. Le plus agréable sur le kayak en pagaie, c'est un peu, je dirais, de découvrir un nouveau paysage un peu à chaque virage, d'avoir la sensation de progresser. C'est assez méditatif de pagaier, surtout quand on a l'habitude, on se synchronisait assez bien. Et en fait, c'est un geste répétitif, pas très fatigant. Enfin, c'est comme marcher ou pédaler, mais sans forcer. Donc, il y avait un côté un peu méditatif où on pouvait vraiment lever la tête, regarder un peu autour de soi. Je pense que... Le plus agréable dans ce genre d'environnement, c'est vraiment la découverte. On avait, par rapport au début, on s'est rendu compte que notre regard s'est un peu éloigné. On ne sait pas comment ça marche, mais on avait un peu une meilleure vision ou alors un meilleur sens de l'observation. Je trouve que le plus agréable, c'est vraiment cette sensation d'être pleinement dans la nature et de ne pas avoir de distractions. On ne voyait pas d'habitation, pas de maison. On observait un peu un environnement depuis l'eau. pleinement intégré dans la géographie. En même temps, il y a un espèce de petit coin à part qui avance tranquillement. C'est le voyage au fil de l'eau. qui est assez cool. Le courant, c'est une bonne aide au pagaillage, parfois, parce que parfois, ça va un peu dans tous les sens, ça va dans les méandres, il faut un peu lutter. Le courant, il suit un peu la géographie qui est autour de la rivière, donc quand on est un peu dans une zone montagneuse et que le lit de la rivière est plus pierreuse, le courant est rapide. Quand on a eu une journée où on a fait environ 150 km, on était hyper fiers, en disant, aujourd'hui, on a bien pagaillé. En fait, une fois arrivé au bivouac, on s'est rendu compte que le courant était à fond les ballons. Parfois, le courant s'arrête tout simplement, ralentit, fait des tourbillons, accélère à droite, dans les méandres, revient contre nous, fait des remous. Parfois une grande aide, mais c'est parfois un peu une plaie. Mais je pense qu'une des compétences qu'on a vraiment acquises, c'est de savoir appréhender ce que va faire la rivière, en regardant le fond, en regardant un peu à quoi ressemblait la géographie plus loin. Ça, c'était assez amusant. C'est un petit truc qui reste. Même aujourd'hui, parfois, en traversant, je ponde la Seine à pied ou en vélo, je regarde un peu le courant et je me dis, où est-ce que je me serais mis en kayak ? C'est un petit skill qui est resté. Le plus désirable quand on pagaillait ou alors quand on était en bivouac, c'est vraiment en fait, d'ailleurs, c'est des choses auxquelles on aurait pu s'attendre. Des invasions de moustiques, d'insectes ou alors une météo un peu difficile. C'est vraiment des choses qu'on avait dans notre imagination avant, mais on ne sait jamais comment on peut réagir parce que, quand il y a des semaines et des semaines de moustiques gigantesques, pas dangereuses, il n'y a pas de maladies de virus qui circulent, mais elles sont énormes, elles piquent très fort. Et elles sont constamment dans les oreilles, dans les narines, autour. Je pense que ça, c'est un sentiment assez désagréable. Mais on le savait. Ce qui est le plus dur, en fait, c'était vraiment la répétition, enfin l'acharnement, l'acharnement d'insectes sur nous. C'est un peu difficile. Après, il y a aussi des moments de météo, donc de la météo difficile, quand il pleut et que... De temps en temps, on regarde un peu les nuages un peu au loin, on avait une vision un peu large. On se rend compte qu'il va pleuvoir encore deux ou trois jours. Là, ça commence à taper un peu sur le moral. Dans tout ça, le challenge, c'est de forger un peu notre caractère. Parce qu'à un moment, typiquement, les moustiques ou la météo, surtout vers la fin, on avait une patience quasiment illimitée. Ça ne nous faisait pas le même effet que dans les premiers jours. Je pense que par là, on a peut-être appris quelque chose aussi. Pour se protéger des moustiques, on avait déjà des vestes étanches de kayak, qui serrent beaucoup les poignets et le cou, donc ça, ça aide. On avait une jupe qui nous protégeait tout le bas du corps, ce qui exposait, c'est vraiment le visage et les mains. D'ailleurs, la veste, c'est une bonne protection, mais quand il fait très chaud, c'est une autre sensation désagréable. Et on avait aussi des filets sur la tête, des espèces de filets anti-moustiques qu'on mettait avec un chapeau, une casquette. Au bout d'un moment, je pense que le corps s'y fait, on est piqué sur les mains, tout boursouflé, et on fait... On ne les sent même plus. Pareil pour le visage. Et d'ailleurs parfois on était peut-être un peu trop crade. On avait de la barbe, ça repoussait un peu les moustiques autour du menton. Le plus dur c'est vraiment quand un moustique arrive dans l'oreille ou dans la narine et n'arrive pas à sortir. C'était un peu la plaie. C'est très important pour nous de partir avec du matériel médical, enfin de pharmacie très élaborée. Donc on a une pharmacie quasiment de guerre, il y avait de quoi refaire des sutures, des agrafes, des médicaments en tout genre. Et heureusement qu'on n'a pas eu trop besoin de s'en servir en termes de petits bobos. La chance nous a souri parce qu'on n'a rien eu de grave. Effectivement, il y a des moments où on a un peu mal aux épaules, je sais pas, des débuts de tendinite, mais en fait, en se renforçant, ça fonctionne. Des douleurs musculaires, une nuit où on a passé un sale quart d'heure. Forcément, avec des petits coups de froid, des petits coups de chaud, je pense qu'on avait des fièvres. Enfin, je sais qu'on avait des fièvres. On avait eu des petits moments où on était un peu malade, un peu mal au ventre, mais rien de hyper grave. On a eu juste un petit pépin, c'est... Louis à un moment s'était ouvert le pied parce qu'il avait tout excité d'avoir pêché un truc ou vu quelque chose, je sais plus. Il a décidé de sauter depuis un bosquet sur la berge qui était de la boue. Dans la boue il y avait un bout de branche un peu coupant qui lui est rentré dans le pied. Donc ça c'était un peu inquiétant parce que c'était une plaie boueuse, on ne voyait pas forcément la profondeur. Mais on avait réussi à nettoyer, désinfecter et pas besoin de suturer mais on l'avait bien protégé, contrôlé un peu tous les jours. pris des antibios et ça allait, heureusement que c'était le pied et pas la main ou un truc un peu plus utile dans le kayak, parce que du coup il avait juste à sortir du bateau et poser ses fesses sur un tronc et je faisais le reste on a eu des petites avaries aussi de matériel rien de grave parce qu'on avait un peu tout prévu on avait cassé une pagaie, mais on avait une pagaie de rechange au bout d'un moment on avait des on commençait à avoir des trous dans les bottes on avait des bottes classiques pour la pluie mais on mettait des rustines de vélo on avait On avait prévu dans le matériel un peu de toutes les petites choses pour éventuellement réparer le matériel ou changer ou avoir de quoi s'adapter. On a vraiment des paysages très variés, enfin très variés, ça reste l'Amérique du Nord, mais il y a beaucoup de paysages marquants que je n'aurais pas imaginés. A chaque moment de son voyage, il avait un peu son petit charme, un peu différent. Au début, c'était des paysages très grandioses, des grandes montagnes avec de la neige au sommet, des animaux un peu plus alpins, des mouflons, des ruisseaux très clairs avec des pins. L'image un peu d'épinal de ce qu'on peut imaginer l'Alaska. Ensuite, il y a eu des moments où ça ressemble un peu moins à ce qu'on se fait. C'était des endroits un peu plus marécageux, un peu plus plats, donc de la boue à perte de vue. J'ai vraiment apprécié les paysages un peu différents, un peu marécageux, parce que ça correspondait à un moment du voyage où le soleil ne se couchait pas. C'est fin juin, donc on avait un soleil de minuit. Donc un soleil de minuit rasant quelques petits nuages et une espèce de surface plane d'eau marécageuse. Je trouve ça vraiment hyper marquant. Ce n'est pas l'image qu'on se fait de l'Alaska, mais je trouve ça grandiose. Le fait d'être vraiment dans un espace où il n'y a rien, déjà on regarde beaucoup plus le ciel, de jour comme de nuit. On regarde beaucoup plus le ciel de jour parce qu'on observe les nuages, on se fait la météo, on fait Miss Météo juste en regardant les nuages. Ça, en quelques semaines, on comprend assez vite à quoi ressemble un nuage qui va donner beaucoup de pluie, à quoi ressemble un truc qui va passer à côté. C'est assez marrant de voir la façon dont on s'adapte. Et aussi, on regarde beaucoup le ciel la nuit. Au début, c'était assez extraordinaire, beaucoup de ciel étoilé. très puissant parce qu'en fait il n'y a pas beaucoup de pollution lumineuse. Après au fur et à mesure du voyage en fait on a eu de moins en moins de nuit parce qu'on montait de plus en plus au nord et on arrivait de plus en plus au solstice d'été. Donc même quand il y avait une nuit de une heure ou deux, il n'y a pas beaucoup de temps pour que les étoiles apparaissent. Et puis surtout plus on avançait vers la mer de Bering, plus il y avait des nuages et du mois et temps, donc moins d'étoiles aussi. Un des petits plaisirs je pense du voyage c'était vraiment d'être en sensation, d'être en isolation complète. Quand on est dans la nature en France, je pense en Auvergne, en Savoie ou au bord de la mer, il y a toujours un peu au loin une petite maison, une petite route, un panneau, un truc. C'est très rare d'avoir la sensation d'être à des dizaines et des dizaines, voire des centaines de kilomètres de rien. Et ce plaisir-là, il est assez agréable. Surtout quand on est dans son petit confort, dans son petit cocon, avec son bateau qui rentre sur l'eau. C'est une sensation assez curieuse, surtout quand on regarde la carte et qu'on observe, on voit qu'effectivement il n'y a pas de village à perdre de vue. On change un peu de... je ne sais pas si on devient soi-même plus sauvage, mais en fait on regarde les choses un peu différemment. On est un peu toujours sur le qui-vive, il y a un peu un côté grisant d'être seul face à l'inconnu, tout en sachant qu'on est préparé à toutes les éventualités. C'est ça qui est assez agréable, c'est d'avoir une espèce de... Bon, c'est très égoïste, je pense, mais d'avoir une espèce de satisfaction d'être autonome. Ça, c'est assez plaisant. On est arrivé à destination après 71 jours de trajet sur l'eau. Et arriver à destination, c'est vraiment... On commençait à y croire vraiment dans les quelques semaines avant. On calcule à peu près la date où on va arriver, mais ça reste toujours un horizon un peu inatteignable. Et donc on est arrivé dans ce village qui s'appelle Emonak, qui était à 20 km de la mer de Bering. On n'est pas resté là. On est arrivé, on a pagaillé un peu plus loin, et on est arrivé pour faire un bivouac du bout du monde. On était vraiment seuls sur une espèce d'île dans l'embouchure qui regardait vers l'océan, vers la mer de Bering. Ça, c'est une sensation hyper agréable parce que déjà, point de vue géographique, c'est assez dingue d'être à ces endroits-là très inaccessibles qui sont magnifiques. Et puis, dans le récit un peu personnel, c'est un objectif atteint quasiment trois ans après les prémices du projet et onze semaines après l'avoir vraiment attaqué. Donc, il y a un peu une sensation d'éducation. De fête quoi, une fête à deux, on s'est dit on allait se baigner, on avait trimballé un petit truc de champagne, une petite mignonnette qu'un ami nous avait donné. On a pété juste à la fin. C'était vraiment festif, on s'est fait une bonne bouffe. Une fois qu'on avait vraiment atteint le but, on n'avait pas forcément envie de rentrer vite, d'aller se remettre dans une routine dans notre vie en France, très cadrée. En fait, on devenait un peu sauvage par le quotidien, le fait de ne pas bouger tous les jours, parce qu'il y a le côté sauvage du voyage, mais il y a aussi le côté itinérant, qui est énorme, qui change un peu de sa perspective. On s'est dit, déjà on n'avait plus le budget d'acheter un gîte ou un hôtel ou de quoi passer la nuit. Donc on a loué une voiture et on est reparti faire un tour un peu touristique du sud, des îles qui sont très belles au sud, avant de rentrer et se réadapter à la société en France. Quand je repense à tout ce projet aujourd'hui, surtout avec un peu de recul, je me dis que ça a peut-être un peu accompli le but, dans le sens où ça a un peu forgé la personne que je voulais être. Réussir à prendre les petits challenges et les affronter avec le sourire. Développer un espèce de goût de l'effort aussi. Savoir que tout n'arrive pas comme un claquement de doigts. Ça a pas mal forgé mon caractère en fait. Le fait de voir qu'il y avait plusieurs journées d'affilée mais chaque journée avait tant de coups de pagaie. Ça a pas mal forgé mon caractère en ce sens là. Je me dis que c'était un moment très opportun de le faire à ce moment-là, parce que c'est un peu l'âge où on a envie d'accomplir des grands rêves, et en plus c'est l'âge où ça nous forge. Si j'avais pas pris le taureau par les cornes et posé une date et fait, j'aurais eu un sentiment d'insatisfaction d'avoir des rêves et de pas les accomplir. Ça, ça m'a peut-être donné un petit coup de jus en plus, pour en fait savoir que personne va réaliser tes rêves à ta place. C'est très concret dans le sens où on a décidé de le réaliser, mais aussi... Par l'image de ce qu'on a vécu pendant le voyage, c'était quand on arrive sur un bivouac et que la météo est horrible, et qu'on subit et qu'il fait froid, et qu'on est dans l'eau et qu'on est mouillé, personne d'autre que toi va se botter le cul pour monter la tente, se sécher, et mettre en place les petites étapes qui permettent de vivre le gros truc. Je pense qu'une des plus grosses leçons que j'en tire du voyage, en plus de toute ma connaissance inutile sur les ours et les techniques de navigation, c'est vraiment le fait de se dire que quand tu as un grand rêve, poser un petit pas pour créer une première base, et si ça foire, si ça change, si il y a un truc qui arrive, un élément extérieur, tu t'ajustes. Et je pense que ça, c'était un truc qui s'est vraiment forgé. C'était un des aspects bénéfiques du projet.