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TENTATIVES

E10. Devenir militant : infiltrer des abattoirs pour L214 – Thomas

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48min |14/10/2024
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Description

Aimer les animaux ET manger de la viande, c'est possible ? Thomas ne s'était pas vraiment posé laquestion avant de tomber sur une vidéo de l'association L214, qui montre le fonctionnement des abattoirs. Dindes, vaches, poulets, Thomas découvre, horrifié, d'où vient réellement le contenu de son assiette. Alors il prend une décision: ne plus consommer de produit d'origine animale. Mais ce n'est pas suffisant, il veut agir. Il quitte son job et rejoint l'association, d'action en action il découvre le mode de militantisme qui lui convient le mieux... les enquêtes en caméra cachée.


Comme pour remercier l'association de lui avoir ouvert les yeux, il se lance à son tour en immersion dans les abattoirs.


Découvrez le parcours militant de Thomas, et l'envers du décor de l'industrie de la viande en France dans ce nouvel épisode !

Pour visionner l'enquête de L214, rdv sur leur site: https://www.l214.com/enquetes/2021/abattoir-bigard-charal-socopa-cuiseaux/?utm_medium=email&utm_source=newsletter&utm_campaign=2021%2F10-abattoir-bigard


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Salut à tous et bienvenue sur Tentative, le podcast qui laisse la parole à celles et ceux qui ont tenté de nouvelles expériences et qui en sont ressortis grandis. Vous écoutez l'épisode inédit de Thomas qui a infiltré des abattoirs pour l'association des défenses des animaux L214. Bonne écoute ! Je m'appelle Thomas Saïdi, j'ai 31 ans, j'étais enquêteur chez L214. Je me suis infiltré dans plusieurs élevages et abattoirs en France pour y filmer les conditions d'exploitation et d'abattage des animaux. Je suis né à Valenciennes, dans le nord de la France. J'ai eu une enfance assez classique. Je suis issu d'un milieu plutôt classe moyenne, pauvre. Et mon rapport aux animaux a été, je pense, le même que la plupart des enfants en France. J'ai grandi avec des chats qui vivaient dans mon jardin, qui étaient semi-adoptés. J'ai toujours aimé les animaux, une sorte de fascination pour les animaux, mais je pense comme beaucoup d'enfants. Je regardais beaucoup de documentaires sur les tigres, sur la faune sauvage. J'aimais les animaux, je les trouvais beaux, et ça s'arrêtait là. À mon époque, les enfants jétériens, ça n'existait pas. En tout cas, dans mon entourage, moi, je n'en avais pas. Pour la petite anecdote, je vous rappelle qu'il y avait un élève qui mangeait bio quand j'avais 9 ans, et tout le monde se moquait de lui dans la classe, parce qu'il avait des repas spécifiques et on ne comprenait pas ce que c'était. Il était vraiment marginalisé et un peu harcelé pour ça, simplement parce qu'il mangeait bio. Donc maintenant, c'est quelque chose de très classique. Je pense qu'à l'époque, s'il y avait eu quelqu'un qui mangeait végétarien ou végétalien, il aurait été vu comme quelqu'un de marginal. J'ai fait une classe prépa, maths et physique. Pendant ces deux années, je n'ai pas eu l'occasion d'être dans le milieu militant parce qu'on est vraiment concentré dans les études. C'est seulement en arrivant en école d'ingénieur, où j'ai rencontré des profils un peu plus différents, variés, où j'avais un peu plus de temps pour réfléchir à d'autres choses, j'avais un amni qui était vegan. Alors lui c'est pareil, tout le monde se moque un peu de lui, avec plus de légèreté que quand j'étais petit. Mais cet ami-là essayait de me montrer des vidéos, me parler des animaux qui mourront en abattoir. Mais avec mes élèves, on se moquait un peu de lui. On me disait qu'il avait perdu du muscle, que le lion mangeait la gazelle. On sortait tous les arguments que maintenant j'essaie de réfuter quand je les entends. Ça a été, je pense, mon premier rapport à la cause animale et au militantisme. C'était de rencontrer quelqu'un qui était vegan pour contrer, on va dire, l'exploitation et la souffrance des animaux. Au début, je pense que ça ne me touchait pas, dans le sens où c'était quelque chose de nouveau. J'avais quoi, 21 ans, 22 ans ? C'est la première fois aussi que j'ai rencontré quelqu'un de végan. Moi, toute la vie, j'ai mangé de la viande. Je ne faisais pas forcément le lien entre l'exploitation des animaux, la souffrance des animaux et un régime alimentaire. Forcément, il y a quelque chose de nouveau et qui vient aussi toucher nos propres habitudes. C'est le cas de l'alimentation. Je me braquais, comme beaucoup. On se braque, on essaie de défendre notre mode de vie, notre mode de consommation. Et ça a résulté forcément dans des débats animés et très clivés. Après mes études, en 2015, j'ai passé 7 ou 8 mois sans emploi, le temps de trouver mon premier emploi. Et à ce moment-là, j'avais beaucoup plus de temps pour lire, pour réfléchir. Et je sais que je regardais aussi, par exemple, beaucoup On n'est pas couché. Il y avait Aymeric Caron qui était chroniqueur et il amenait souvent le sujet de la cause animale sur la table. Et en parallèle, et je sais qu'il y a beaucoup de personnes qui sont devenues sensibles à la cause animale autour de 2015-2016, parce que ça correspond au moment où Wallis 114 a sorti une image qui a fait le Tour de France, une enquête qui est sortie sur les grandes chaînes publiques. où l'on voyait des vaches se faire abattre en abattoir. Et en fait, à ce moment-là, moi j'ai été, je pense, dans ma chambre, j'étais avec mon chat, que je choyais, que je caressais, que je voulais défendre coûte que coûte. Et là, je suis tombé sur ces images de vaches en train de se faire abattre, en train de crier sans défense, vraiment dans un environnement industriel qui était assez horrifique. Et quand j'ai vu ces images, ça m'a vraiment fait un choc, où je me suis dit, mais attends, j'ai 23 ans, c'est la première fois que je vois une vache se faire abattre. C'est la première fois que je vois comment ils produisent mon steak. Et là, vraiment, je me suis dit, on m'a menti toute ma vie, en fait. J'ai l'impression qu'on m'a caché ça. Voilà, donc quand on découvre une nouvelle réalité avant 3 ans, on a envie d'en savoir plus, on a envie de creuser. Et pour moi, c'était un peu l'électrochoc. Par la suite, j'ai voulu en savoir plus. J'ai commencé à regarder d'autres enquêtes d'L214 sur les conditions d'élevage, sur les conditions d'abattage. J'ai aussi lu des livres. J'ai commencé par le livre d'Amerika Ron, qui s'appelle Antispécistes, qui parle de notre rapport aux animaux, de la manière dont on les traite en France. C'est assez intéressant comme livre, assez complet. Ensuite, j'ai regardé des documentaires. Et j'ai lu d'autres livres aussi, le livre de Mathieu Ricard, Plédoïe pour les animaux, qui est aussi très complet, et très intéressant, très instructif. Et en lisant tous ces ouvrages, en regardant les documentaires, je me suis dit que c'était un sujet qui me touchait beaucoup, et il fallait aussi que j'agisse. Je ne pouvais pas continuer à rester sans rien faire, il fallait que je change déjà à mon échelle. En 2016, la première chose que je fais déjà, c'est devenir végétalien. Pour me sentir plus en paix avec moi-même, j'enlève toute forme d'exploitation animale de mon assiette. Je ne vais plus aux zoos, je ne vais plus aux cirques. J'essaie vraiment déjà d'être en règle avec moi-même, on va dire, et de ne plus contribuer à cette exploitation animale. De mon côté, ça n'a pas été forcément difficile d'un point de vue purement nutrition, parce que déjà, je ne mangeais pas énormément de fromage. Je mangeais la viande assez régulièrement. J'ai essayé de remplacer la viande par des steaks industriels. Ce n'était pas très bon. Au début, je me forçais, je me disais, bon, moi, ce n'est pas grave, il vaut mieux que je fasse comme ça plutôt que que je mange de la viande. Et au fur et à mesure, j'ai commencé quand même à apprendre à cuisiner. Je cuisinais très mal quand je n'étais pas végétalien. Maintenant, du coup, je me suis intéressé à la cuisine. J'ai appris à cuisiner autre chose que des steaks industriels qui avaient un goût un peu bizarre. J'ai appris à cuisiner, j'ai aussi fait des bilans sanguins pour me rassurer et rassurer ma famille. Donc tous les ans, je fais des tests, je prends bien ma vitamine B12 régulièrement, ça c'est important. Et tout va bien, ça fait 10 ans que je suis végétalien et je n'ai pas de soucis de santé par rapport à ça. Quand on mange de la chair animale, il y a un impact qui est visible, qui est clair pour les animaux. Ce sont des animaux qu'on tue et on va manger leur chair. Donc là, tout le monde voit où est la souffrance, puisque ce sont des animaux qui sont nés... exploitées, enfermées dans des élevages sans lumière, qui sont situées en abattoir, simplement pour leur chair. Maintenant, quand on mange des œufs ou qu'on boit du lait, on a l'impression que c'est quelque chose qui est différent, et ce sont des industries qui sont totalement liées et complémentaires. Les vaches laitières, par exemple, pour qu'elles donnent du lait, il faut les inséminer. Beaucoup de personnes pensent que les vaches donnent du lait de manière continue, sans rien faire, mais non, c'est comme les humains, c'est tout à fait pareil, c'est des mammifères. Pour qu'elles donnent du lait, il faut qu'elles aient un veau. Pour ça, on va les inséminer artificiellement. Une fois que les veaux vont naître, soit les veaux vont devenir de nouvelles vaches laitières, soit si ce sont des mâles, ils partiront à l'abattoir. Donc ça va nourrir la filière viande. Et ensuite, les vaches laitières, au bout de six ans ou plusieurs années, lorsqu'elles sont trop fatiguées et qu'elles donnent moins de lait, on les envoie à l'abattoir. Et encore une fois, ce qu'on mange, ce qu'on appelle du bœuf, dans la moitié des cas, c'est une vache laitière en fin de vie. Donc il y a un lien direct entre consommation de produits laitiers et consommation de viande, dans le sens où ce sont des industries qui sont complémentaires. Après, si on parle clairement d'un point de vue souffrance, exploitation, ça dépend aussi des élevages. Les élevages ne se valent pas et ça dépend aussi des pratiques plus ou moins cruelles selon les animaux. Quand on parle des vaches laitières, par exemple, le fait de les traire à longueur de journée pendant une très longue période, clairement, ça crée des problèmes de santé pour les vaches laitières. Il y a aussi la séparation entre le veau et la mère qui se fait dès le premier jour, qui est assez douloureuse pour la vache et pour le veau. Si on parle des oeufs aussi, par exemple. Là, ça va dépendre aussi du type d'élevage des poules fondeuses. Il y a les élevages en batterie, en cage, où les volailles sont dans des cages entassées à 4 ou 5 dedans et elles fondent des œufs de manière continue, elles ne voient jamais la lumière du jour. Et là, on peut imaginer un peu les conditions assez horribles. Et ça diffère quand même des élevages de poules fondeuses en plein air. Ça dépend à la fois des espèces animales et aussi du type d'élevage. Ensuite, j'essaie de m'impliquer différemment. collectivement. Je vois sur les réseaux sociaux la plupart des gens parlent de nourriture, partagent des recettes, c'est pas quelque chose qui me parle forcément. J'essaie aussi de rejoindre des groupes de bénévoles, notamment chez L214, et j'ai participé à quelques actions sauf que je me sentais vraiment pas à l'aise dans ces actions. J'ai participé à une action par exemple où on était sur un marché à côté d'une boucherie, on tenait des pancartes et en même temps on entendait des cris de cochons. Et là je voyais qu'on était dans un terrain conflictuel. Je voyais les passants qui étaient plutôt contre nos idées, forcément, parce qu'ils venaient acheter leur viande. On leur mettait des images sous le nez, quelque part on leur faisait la morale. Et moi à l'époque, quand je n'étais pas végétalien, quand on faisait la morale, je le prenais mal aussi. De manière générale, je n'aime pas trop le conflit direct. Donc c'était vraiment un mode d'action qui ne me convenait pas, j'avais l'impression de ne pas être à ma place. Donc j'ai fait quelques actions comme ça, quelques marches, quelques manifestations, mais ce n'est pas là où je me sens le plus utile et surtout le plus à l'aise. En 2019-2020, à ce moment-là, je travaille en tant qu'expert en responsabilité civile pour des compagnies d'assurance et je suis spécialisé dans des problématiques environnementales. J'interviens sur des accidents industriels, des incendies, des pollutions des sols, etc. Mais je travaille pour des assurances. Le but, c'est de faire cumuler l'argent aux assurances. Et là, je remets un peu ma vie en question parce que je suis jeune, j'ai envie de faire des choses et je me retrouve à faire un métier qui n'a pas trop de sens pour moi. Et j'ai écouté quelques-uns des podcasts de tentatives. J'ai remarqué qu'il y a souvent ce schéma-là qui arrive, ce sont des gens qui... qui tentent de faire des choses, qui tentent de changer de voie au moment où ils ont quelque part une forme de mal-être ou dans leur travail ou dans leur vie, où ils disent je ne suis pas à ma place, je fais un métier qui n'est pas le mien, je ne suis pas épanoui Et moi, j'ai ressenti ça aussi. Je faisais un métier où vraiment, je me disais je ne suis pas à ma place, je perds mon temps, je passe mes journées épluchées des polices d'assurance, alors que j'ai de l'énergie, j'ai envie de faire des choses Donc, j'avais envie de changer. Et à ce moment-là, en fait, en discutant avec des gens d'A114, je me rends compte que l'A114 recherche des personnes pour faire des missions d'enquête. Donc, je n'ai pas plus d'informations que ça. Mais je les contacte. Finalement, en les rencontrant, je me rends compte qu'ils cherchent des personnes pour faire des infiltrations dans les élevages et dans les abattoirs. Et je me suis dit, là, il faut que je tente. Je me sentais capable d'agir, d'avoir un impact. C'était le moment de ma vie où il fallait que je reprenne un peu ma santé mentale en main et que surtout que je fasse des choses qui me plaisent. Donc j'ai décidé de se faire le pas. Je ne vais pas rentrer dans les détails du recrutement, mais j'ai eu un entretien pour évaluer mes motivations, mes capacités physiques et psychologiques, pour savoir si je suis capable de faire ces infiltrations. Je me rappelle qu'il y avait une question pendant l'entretien, c'était est-ce que j'ai des amis qui sont éleveurs, ou comment je me comporterais si je devais discuter avec un éleveur. Je pense que leur but, c'était de savoir si je n'allais pas sauter sur l'éleveur, commencer à le frapper. Il faut aussi avoir une forme de capacité psychologique et être plutôt sans esprit pour ne pas être dans le conflit avec les gens. Moi qui déteste le conflit, c'était pratique. Je me fous un peu dans le moule et je fais mon travail. En ce moment-là, je suis totalement novice dans le milieu, c'est-à-dire qu'au niveau de la photo et de la vidéo, j'ai un petit appareil photo chez moi, je faisais quelques photos de mon chat, mais ça s'arrêtait là. Je ne connais absolument pas le milieu de l'élevage, je n'ai pas les connaissances techniques des métiers de l'agriculture, en tout cas de l'élevage. Je ne connais pas les abattoirs à travers les vidéos que j'ai pu voir et je ne suis pas journaliste. Donc je n'ai pas cette capacité à m'infiltrer, à filmer en caméra cachée, c'est tout nouveau pour moi. Donc à ce moment-là, j'essaie quand même de me renseigner sur le métier de l'élevage, avoir quelques termes techniques. Je m'entraîne aussi à filmer en caméra cachée. Donc je m'équipe, je vais me promener dans les villes, je vais au restaurant avec pour essayer d'être habitué, d'être à l'aise en portant une caméra. C'est à peu près tout au niveau de la formation que j'ai eue. C'est une formation un peu express par rapport à la caméra, mais sinon je pense que personne ne peut vraiment être prêt à faire des infiltrations. Chaque personne est différente, on a tous des capacités psychologiques différentes. Tenir un mensonge, porter une caméra, être à l'aise dans un environnement assez hostile. Donc... Je ne sais pas si une préparation qui est adéquate pour faire ça, mais j'ai essayé de me préparer comme j'ai pu. Quand je sais que j'ai ce travail, que je vais commencer à m'infiltrer dans les élevages, dans les abattoirs, j'en parle à ma famille, j'en parle à mes amis. Alors on est un peu dans un entre-deux dans le sens où il faut essayer de préserver ce secret, parce que dès qu'on divulgue un secret à quelqu'un, on perd le contrôle de la situation, on prend le risque que ce secret soit de nouveau divulgué à d'autres personnes. Du coup j'en parle quand même à ma famille proche et à mes amis proches, parce que ça me fait du bien, j'ai besoin d'en parler aussi, avoir leur retour. Il y a forcément quelques inquiétudes. parce que c'est quelque chose d'inconnu de nouveau, mais il y a aussi, je pense, beaucoup de gens qui sont contents pour moi parce que c'est quelque chose qui me tient à cœur. Pour une fois, je vais faire un travail qui me plaît, qui est utile et que j'ai vraiment choisi. Quand on fait ces infiltrations, il y a clairement des risques. Il y a les risques, déjà, légaux. On n'a pas le droit de filmer les gens à leur insu. Dans les abattoirs, il y a une clause de confidentialité. Et même dans les élevages, je n'ai pas demandé la permission avant de les filmer. Il y a aussi clairement le risque physique. Moi, j'ai ressenti ça lors de ma deuxième infiltration. À ce moment-là, j'étais ramasseur de volailles dans des élevages de poulets. Et je travaillais avec des équipes la nuit, donc on partait dans des élevages au fin fond de la campagne pour ramasser des poulets. Et là, j'étais entouré de 6 ou 7 personnes un peu rustres. Et moi, j'étais avec mes caméras cachées. Je me dis, s'ils découvrent ça, ça peut mal finir pour moi, parce qu'on est loin des regards, loin des caméras, on est à la campagne. Si je suis démasqué, je pense que je peux passer un sale moment. Par contre, quand on est en abattoir, j'étais un peu plus serein d'un point de vue sécurité physique, dans le sens où on est dans un environnement qui est beaucoup plus industrialisé. C'est une entreprise, il y a des normes, il y a des règles. Et je pense que si j'avais été démasqué, ils m'auraient peut-être insulté, mais ils auraient appelé la police, ça se serait arrêté là. Moi, dans mon cas, je ne m'en fous pas des risques juridiques. C'est juste que ce sont des risques que chaque enquêteur intègre et accepte ou non. Les risques, on les connaît, on essaie de les mesurer. On a quand même la chance, j'ai envie de dire, de vivre dans un pays où on n'est pas encore très réprimandé, où la répression existe, mais elle est quand même plutôt faible. Il y a des pays où on pourrait finir fusillé, où ce serait beaucoup plus grave. En France, clairement, moi, j'ai mesuré le risque. Je ne pense pas faire de la prison pour avoir montré des images dans un abattoir. Au pire, je risque une amende. Donc, c'est un risque qu'on mesure et qu'on accepte. Quand on commence une infiltration comme ça, évidemment, moi, j'étais stressé, angoissé. Je dormais très mal. parce que c'était tout nouveau pour moi. La première fois que j'ai bossé, c'était dans un abattoir où je conditionnais des ailes de poulet. Je ne voyais même pas d'animaux vivants, mais rien que le seul fait de rentrer dans un abattoir, de porter une caméra cachée, d'avoir ce poids-là sur moi, c'était extrêmement stressant et angoissant parce qu'on doit à la fois découvrir un nouveau travail, un travail physique, un travail avec des odeurs horribles, du bruit, on voit des animaux découpés. Et en plus de ça, on porte une caméra cachée. Donc les premières fois sont très stressantes, très angoissantes. Et ensuite, une fois qu'on est un peu plus habitué aux entretiens d'embauche, au recrutement... au premier pas dans un abattoir et qu'on est habitué aussi au port de la caméra, ça devient tout de suite plus acceptable et plus facile à faire. Alors l'idée, quand j'ai rejoint les 214 pour faire ces images-là, c'était de trouver des postes dans les élevages, dans les abattoirs, au contact des animaux vivants. Et finalement, je me suis rendu compte que c'était très difficile d'avoir ces postes-là. Parce que quand on postule dans les élevages, même dans les abattoirs, On passe dans la quasiment totalité des cas par une agence d'intérim. Par exemple, je postule à des postes d'accrocheurs de volailles. Poste, on dirait que c'est là où on peut faire des vidéos, dans le sens où on accroche les volailles vivantes au début de la chaîne d'abattage. Donc là, on peut vraiment voir les animaux qui arrivent par camion. On peut voir dans quelles conditions ils arrivent. On peut voir l'impact que l'accrochage a sur ces animaux. Donc c'est un poste idéal. C'est un poste que je convoitais, bizarrement. Mais c'était difficile de l'avoir parce que quand je postulais à ces offres-là, les agences d'intérim m'appelaient et me proposaient d'autres postes. Des postes de nettoyeur, des postes dans le conditionnement, de colis, de paquets. Et à chaque fois, je refusais ces postes-là, parce que moi, je voulais être avec les animaux vivants. Et du coup, les agences d'intérim ne comprenaient pas pourquoi je voulais être avec les animaux. Donc une fois, j'ai dit que j'aimais les animaux, et donc je voulais vouloir être avec les animaux. La personne n'a pas trop compris, parce qu'évidemment, quand on aime les animaux, on n'a pas envie de les accrocher vivants en abattoir. Mais c'est compliqué, parce que généralement, les agences d'intérim nous proposent d'autres postes qui n'ont absolument aucun lien avec le poste pour lequel j'avais postulé. Soit il faut de la chance, soit il faut être bon lors de l'entretien avec les agences d'intérim pour essayer d'être aiguillé vers le poste idéal. Alors le premier post que j'ai eu, du coup, c'est un post de ramasseur de volailles. Je pense que les gens qui écoutent ce podcast se demandent c'est quoi ramasseur de volailles parce que personne ne connaît ce métier. Mais moi, quand j'ai postulé, je me suis dit tiens, il y a des gens qui ramassent les volailles, on va aller voir ce qui se passe. Avant de parler du post, je vais revenir juste sur l'entretien. J'ai eu un entretien téléphonique. La responsable de l'entreprise me disait il faut venir avec des bottes, il faut venir avec des chaussettes de foot trouées pour se protéger les bras. Si j'ai des gants, c'est mieux. Mais en fait, ils ne me fournissaient aucun équipement de sécurité. Donc, ils me disaient tu viens avec ce que tu as. D'ailleurs, quand je suis arrivé, il y avait une autre personne qui était là, un Africain qui travaillait la journée, qui ramassait des volailles la nuit. Il me disait, comment ça se passe, on ramasse des poulets vivants ou des poulets morts ? Il ne connaissait absolument pas le métier, mais il a été parachuté là. Il est arrivé en chaussures de sport, tout le monde me l'a dit, mais ça ne va pas être possible pour toi, tu vas être mort tes chaussures, parce qu'en fait, on marche dans des tas d'excréments. Je vais revenir sur le métier. Les métiers de ramasseur de volailles, c'est un métier, comme son nom l'indique, on vient dans des élevages de volailles. Généralement la nuit, pour une raison simple, c'est que les abattoirs commencent à travailler très tôt le matin. Généralement vers 5 heures du matin, les abattoirs commencent à ouvrir et à charger des animaux. Donc pour ça, il faut que les animaux soient chargés dans les camions entre 23h et 5h du matin. Ce sont des grands hangars dans lesquels sont entassés à peu près 20 000 poulets ou 10 000 dindes. Ils ont à peu près l'espace d'une feuille à quatre par poulet pour grandir. Et notre métier en tant que ramasseur de volailles, c'est de les ramasser à la main. Il existe aussi des sortes de moissonneuses, mais nous on venait les ramasser à la main. On les met dans des caisses, et ces caisses sont ensuite chargées dans des camions qui partent vers l'abattoir. C'est des caisses-tiroirs, on a à peu près une vingtaine par tiroir. Il y a des tiroirs qui rentrent dans les camions qu'on peut voir sur l'autoroute, c'est 1m50 sur 1m. On les entasse dans des tiroirs. Ce métier, c'est un métier de lien entre les élevages et les abattoirs. La première fois que je rentre dans un élevage, c'est passionnant. Déjà, le loader, c'est... C'est insoutenable. J'invite vraiment n'importe qui qui est là à s'approcher d'un lavage de poulet, même pas de rentrer. On peut venir au port d'un lavage de poulet pour sentir l'odeur. C'est vraiment horrible parce qu'ils vivent pendant, je crois, 30 ou 50 jours dans leur litière qui, au fur et à mesure, se remplit d'excréments. Et du coup, c'est très chargé en ammoniac. C'est vraiment très dur à respirer. Et aussi, la première des choses qu'on voit, c'est la vision de ces animaux entassés les uns sur les autres. Des amas de poulet. Donc, à première vue, on a du mal à voir s'ils sont en bonne santé ou non, tellement en fait, on a une vue globale sur tous les animaux. Et c'est seulement en les ramassant qu'on prend le temps un peu de... Bon, ça va très vite, mais on a quand même le temps d'observer les animaux. Donc, on les ramasse, on en met... Généralement, on en met 4 ou 5 dans chaque main. Donc, on les met entre chaque doigt. On fait des bouquets de poulets. On les prend par les pattes, à l'envers. Ensuite, on les jette dans les caisses. Et vu qu'il faut aller vite, on les claque un peu fort pour gagner du temps. Et même en les ramassant, vu qu'on les met entre nos doigts et qu'on les soulève, avec le poids des poulets, qu'on les soulève et qu'on les tord un peu, des fois, on entend les pattes se briser. On a les poulets qui se débattent aussi, qui donnent des poudelles, qui essaient de nous mordre, de relever la tête, ils nous pissent dessus. Donc c'est assez compliqué pour les animaux, pour nous aussi, mais surtout pour les animaux. L'autre aspect aussi, c'est qu'on attend de voir comment ils sont. Et là, du coup, j'ai pu voir que la plupart des animaux étaient difformes. Les poulets restent 30 jours en élevage. Ils sont ramassés au bout de 30 jours. Et clairement, quand on regarde la durée de vie d'une poule, 30 jours, ce sont des poussins. Sauf que quand on les regarde physiquement, ils sont énormes. Ils ont déjà le corps d'adultes parce que ces poulets ont été sélectionnés génétiquement et que ce sont des souches particulières, donc ils grandissent extrêmement vite en 30 jours. Donc souvent les corps sont énormes par rapport à la taille des pattes. Vu qu'ils sont dans des conditions horribles aussi, très humides, ils ont beaucoup moins de plumes, ils ont des maladies de peau, notamment sous les pieds. Donc on peut voir quand même que les conditions sont désastreuses et en plus de ça, on va leur infliger une souffrance au moment du ramassage. Moi, les élevages dans lesquels j'ai travaillé, c'était en Bourgogne. C'était des poulets de la marque Duc. C'est clairement de la consommation pour le grand public qu'on retrouve dans tous les supermarchés. Et c'est exactement les mêmes modes de pratique, de conditions d'exploitation, d'élevage et de ramassage pour les plus grandes marques, les plus connues, comme le Gaulois, par exemple, du groupe LDC. Donc, c'est tous les animaux qu'on trouve en grande surface, ou même dans les fast-foods, j'ai envie de dire. Je n'ai pas le pourcentage en tête, mais on doit être pas loin des 90%, je pense, des animaux, des volets qui sont enlevés dans des hangars de ce type. J'ai réussi à faire dix nuits de travail et se passer sur un mois. J'avais la chance de pouvoir choisir mon emploi du temps, du coup je m'accordais des temps de repos. Par exemple, je l'ai extrêmement mal vécu d'un point de vue personnel. Je n'arrivais pas à dormir la journée. J'avais un petit logement dans la ville d'Auxerre où je n'arrivais pas à dormir la journée. J'entendais des enfants pleurer dehors, ça me rappelait les cris des bébés. J'entendais les oiseaux chanter dehors, mais pour moi c'était des cris de poulet. Vraiment, j'étais très mal. Physiquement aussi c'était très dur, j'étais épuisé. Et c'était aussi ma première expérience au contact des animaux vivants. Et quelque part la première fois aussi que je faisais souffrir des animaux pour avoir des images. La première nuit de travail, moi je ramassais les poulets à deux mains, un à un, j'essayais de les déposer dans les caisses. Et on m'a dit Ah non, ça ne va pas le faire, on ne va pas reconduire ton contrat, demain tu ne reviens pas, tu es trop lent. On t'a dit qu'il fallait le ramasser par quatre ou cinq, tu ne le fais pas. Et du coup je leur ai dit Bah promis, je vais faire un effort demain. Et j'ai suivi le rythme et j'ai commencé à les ramasser aussi par bouquets plusieurs la fois. Mais c'était très difficile au début pour moi de retourner des animaux par les pattes et de leur faire du mal. Donc ça a été aussi très compliqué psychologiquement. Même mes collègues d'Alepso 14 au début croyaient que je n'allais pas pouvoir continuer en fait, parce que je n'arrivais pas à faire ça. La mission se termine parce que j'avais des images satisfaisantes du ramassage. Je ne pouvais pas faire plus. Les conditions de lumière n'étaient pas bonnes, on travaillait dans le noir. J'avais eu suffisamment d'images de maltraitance et surtout de ce qu'était le métier de ramasseur de volaille. Donc j'ai décidé de ne pas m'infliger plus de douleurs, de violences. Et une fois que j'avais les images, j'ai quitté l'entreprise. Je décide ensuite de postuler à d'autres offres d'emploi, parce que quand on est infiltré, on est lanceur d'alerte, rapidement on peut être démasqué. Et là, j'essaie de profiter du fait que je sois encore anonyme pour enchaîner le plus de métiers possibles, le plus de vidéos. Et surtout, je suis sur ma lancée, donc même si ça, ça a été très dur, très violent, j'ai encore envie de faire des choses. Mine de rien, j'ai réussi à avoir des images, donc j'étais quand même satisfait et motivé. Donc je continue de postuler et j'essaie de faire d'autres enquêtes derrière. La deuxième enquête, j'ai postulé pour un poste d'accrocheur de dindes. Là, c'est un peu le sangrade. Depuis le début, je postulais pour des postes d'accrocheur de volailles. Et là, enfin, j'avais postulé pour l'abattoir de Blancafort, un abattoir de dindes du groupe LDC, qui fournit la marque Le Gaulois, notamment. On m'appelle la veille pour le lendemain. Moi, j'habitais à 5h ou 6h en voiture du lieu. On me dit, est-ce que vous pouvez venir demain matin pour venir accrocher des dindes ? Je dis, bah ouais, OK. Je loue une voiture, je prends Airbnb en vitesse et je fonce vers l'abattoir. Le poste d'accrocheur de dindes, un métier horrible. Clairement, ce que je ne souhaite à personne de faire, c'est extrêmement dur. Ça consiste à accrocher des dindes vivantes sur la chaîne d'abattage. On est en tout début de la ligne d'abattage. Les animaux arrivent vivants par camion. Précédemment, ils ont été ramassés par une équipe de ramassage. Ils arrivent par camion dans un hangar. Et autour de ce camion, il y a deux quais d'accrochage. Donc on est sur des sortes de plateformes, de nacelles. Et on vient, par équipe, sortir les dindes de leur tiroir. et les accrocher à l'envers par les pattes sur des sortes de crochets en forme d'entonnoir. En fait, on vient glisser les pattes dans des crochets pour les accrocher à la chaîne d'abattage. C'est des rails qui sont suspendus à plusieurs mètres de hauteur. Donc déjà, quand on rentre dans le hangar, on voit des dindes qui sont à 5 mètres de hauteur tout le long du hangar. Certaines qui se débattent. C'est une vision majestueusement moche. C'est vraiment très impressionnant. Et on travaille en équipe. Il y a énormément de turnover dans ce métier-là. Les gens ne restent pas. Les gens restent un jour ou deux. Le chef d'équipe... Il m'avait dit avec fierté que même Dergubima n'avait pas réussi à tenir. C'était une sorte de fierté d'avoir un métier qui était difficile. En tout cas, personne ne reste, à la fois pour le côté physique, mais aussi pour le côté sale du métier. Parce que la première chose qui m'a marqué quand j'ai rencontré un de mes futurs collègues, c'était qu'il avait de la merde de dinde sur les lèvres. Il en avait partout autour de lui. Et il parlait normalement. Je me suis dit, ah oui, c'est quand même quelque chose. J'avais aussi des collègues qui étaient brûlés dans le dos. Moi, par exemple, j'étais brûlé aussi au niveau du bras parce qu'au bout de 30 secondes de travail, on est recouvert d'urine, de dinde. Et l'urine de dinde, elle est assez corrosive. Donc au bout d'un moment, ça vient attaquer notre peau. Pourquoi on a recouvert du rhum de dinde ? Parce que les dindes arrivent par camion, elles ont passé plusieurs heures dedans, elles ont uriné dans le camion. Et quand on les ramasse, elles se débattent, elles donnent des coups d'aile, et elles viennent projeter toute la pisse et tout le caca sur nous. Donc on les a rapidement recouverts d'excréments, et c'est des conditions vraiment désastreuses. On fait ce métier-là où, mine de rien, on fait aussi souffrir les animaux. On doit se battre avec les dindes. Les dindes ne veulent pas sortir du camion, ne veulent pas être accrochés, donc c'est un combat entre l'homme et l'animal qui est à la fin évidemment gagné par l'homme mais on est obligé des fois de joyer des collègues et qui claquait les dindes contre le camion pour les calmer parce qu'elles se débattaient sachant qu'une dinde, une femelle ça pèse à peu près 8 kg et les mâles pouvaient peser jusqu'à 20 kg donc c'est quand on a 20 kg qui se débattent entre les mains c'est assez compliqué Dans ce métier-là, moi j'avais des protections, des équipements de protection. J'avais une blouse mais qui malheureusement n'était pas imperméable. C'était une blouse en coton donc au bout de quelques minutes, l'urine de dinde s'imprègne dans le coton et vient au contact de notre peau. On avait aussi un masque qui nous a fait éviter d'avoir de l'urine sur la bouche. Par contre, on n'avait pas de lunettes. Donc on avait souvent de l'urine extrêmement dans les yeux, tout le temps. Et on ne peut pas travailler avec des lunettes parce que sinon on ne voit plus rien. Enfin, c'est bête mais c'est soit on a de la merde dans les yeux, soit on l'a sur les lunettes. Et si on l'a sur les lunettes, on ne va plus pouvoir faire notre travail. Donc on a des équipements de protection mais qui ne sont pas adaptés au travail. J'ai travaillé 7 jours dans cet abattoir et là je suis clairement parti pour des raisons physiques, personnelles, c'est juste que je n'arrivais plus à tenir. J'ai commencé à travailler le mardi. Le vendredi, j'ai même pleuré sur la ligne d'abattage. À un moment, j'étais à bout physiquement, même par rapport à ce que je voyais. On me mettait la pression pour travailler plus vite, les dindes se débattaient. Et à un moment, je me suis pris un coup d'aile. Un coup d'aile de dinde, il faut quand même imaginer une dinde, c'est coran, l'aile peut-être une envergure de plus de 50 cm. Et quand on se prend un coup d'aile dans la tête, c'est une grosse claque. Et là, à ce moment-là, j'ai perdu le contrôle. J'ai tout lâché nerveusement. Et j'ai commencé à pleurer parce que je réalisais au GT. Je voyais les animaux, on me criait dessus pour que j'aille plus vite. Donc j'ai mis une demi-heure à me remettre de cette scène-là. Donc là, je me suis dit, j'arrête, je ne peux plus. J'avais pas mal d'images. J'avais des images d'accrochage, j'avais des images intéressantes. Mais je n'avais pas toutes les images que je voulais. J'ai arrêté ce vendredi. Mais je me suis reposé le week-end et le lundi j'ai contacté l'agence, ils m'ont dit oui, vas-y si tu veux réessayer tu peux revenir. Donc je suis revenu le mardi. Cette journée-là, je ne sais pas pourquoi j'ai eu de la chance, mais on m'a mis sur un autre poste. Il y avait trop de personnes à l'accrochage, donc on m'a mis au poste de nettoyage des carcasses, tout ça, donc c'était vraiment au niveau de la partie abattage. Donc j'ai pu filmer d'autres scènes. Finalement, ça va, j'ai pu avoir les scènes que je voulais en revenant après le week-end. La partie abattage, on a un employé ou deux qui se relaient, qui égorge manuellement les animaux toutes les deux secondes. Toutes les secondes, ils coupent la gorge d'une vinde. Au préalable, en principe, normalement, les animaux sont électrocutés, on l'appelle électro-narcoses, ils sont censés être étourdis par l'électricité. Les animaux qui suivent le rail sont plongés dans un bain électrifié et c'est censé les étourdir. Il y a beaucoup de ratés, notamment si les animaux sont trop proches les uns des autres, la charge n'est pas assez puissante pour que les animaux soient tous étourdis. Donc il y a des ratés, mais sinon dans cet abattoir, les animaux étaient égorgés manuellement. C'est difficile de savoir ce que les autres employés pensent de ces conditions d'abattage, dans le sens où on ne parle pas. Quand on est dans un salle de pause, les gens boivent, mangent un coup. Il y en a certains qui parlent de foot vite fait entre eux, mais sinon on ne parle pas, on n'a pas le temps, on est fatigué, on n'a pas le temps pour ça. Souvent c'est des gens qui ont besoin d'un travail. Il y avait beaucoup d'immigrés aussi sur ce poste-là, c'était beaucoup de travailleurs africains. Il y avait d'autres personnes qui venaient d'autres services qui ont essayé ce poste-là. Ils m'ont dit je ne sais pas comment tu fais, force à toi, courage, moi je vais retourner dans mon poste là-bas, c'est mieux, là je suis venu pour dépanner mais je ne peux pas rester La plupart des gens ne restaient pas et souvent on ne restait que ceux qui avaient vraiment besoin d'argent et d'un travail. L'enquête sur l'accrochage de dinde est sortie et à ce moment-là j'avais déjà été démasqué, c'est-à-dire qu'entre-temps mon nom a été diffusé suite à la sortie de la première enquête sur le ramassage de volaille. Ils ont compris que c'était moi en faisant le... un lien assez simple et rapide. Et du coup, j'étais blacklisté de tous les abattoirs de volailles, tous les élevages de volailles. Toute la filière volaille, on va dire, connaissait mon nom au niveau du recrutement. Je ne pouvais plus intégrer les abattoirs ou les élevages. J'ai quand même réussi à traiter dans un abattoir de caille, sauf qu'il y avait une atmosphère très bizarre autour de moi. J'avais un métier de nettoyeur de caisses, donc j'étais tout seul dans une salle blanche en train de pousser des caisses sales et les récupérer propres et les empiler. Je passais ma journée seul à faire des tas de caisses. Mon chef me surveillait beaucoup. Je devais travailler 5 jours et au bout du troisième jour, j'ai voulu ramener un balai au niveau de la zone où on abattait les animaux pour aller voir comment tuer les cailles. Et à ce moment-là, mon chef a quitté sa zone de travail, il m'a suivi et 30 minutes après, il m'a viré. Il m'a dit non, finalement on n'a plus besoin de toi, c'est bon. Alors qu'une heure avant, il m'avait dit on a besoin de toi samedi aussi parce qu'on est vraiment sur charge de travail, c'est les périodes de fête. Donc il y avait, je pense, une suspicion autour de moi qui venait aussi confirmer le fait que j'avais été démasqué, donc je n'ai pas pu finir ce poste. Pourquoi les gens ne veulent pas me recruter ? Je ne pense pas que ce soit pour cacher des choses qui pourraient faire mal. C'est juste que montrer ce qu'est un abattoir, montrer ce qu'on fait subir aux animaux dans un abattoir, c'est un sujet tabou, c'est un sujet qui fait du bruit et qui vient un peu dénigrer, salir leur image. C'est-à-dire que c'est très compliqué, même pour un journaliste, pour un média, d'accéder à un abattoir et d'obtenir des images dans leur contexte. C'est-à-dire que souvent, les journalistes sont invités dans les abattoirs, mais à ce moment-là, le vêtage ne va pas tourner. ou alors ils vont faire très attention à respecter la réglementation, ils vont baisser la cadence. Donc, ce n'est pas forcément qu'ils ont des choses à cacher. C'est juste que, de base, montrer des images d'un élevage ou d'un abattoir, ça choque les gens, ça les surprend et ils veulent éviter que ça se propage. Décembre 2021, je sors de l'abattoir de Caille et je décide de postuler à des offres d'agent vétérinaire pour des abattoirs de viande bovine. Et l'avantage de ces postes-là, c'est que ce sont des postes qui sont gérés par le ministère de l'Agriculture et donc qui dépendent de l'État et non des abattoirs, des gros groupes. Donc je pense que mon nom n'a pas circulé au niveau de l'État. Je ne connais absolument rien aux abattoirs bovins. Sur mon CV, je ne mets pas de compétences particulières. Je mets que j'ai travaillé dans le bâtiment pour montrer que je suis capable de faire des métiers physiques. J'ai dit que j'avais été ramasseur de volaille ou accrocheur de dinde, histoire de dire quand même que j'ai déjà mis un pied dans un abattoir, ce qui est vrai pour le coup. J'essaie quand même de me renseigner sur une vache, donc je tape vache, viande et je tombe sur des images de vaches découpées en puzzle avec le nom des morceaux de viande. Je me suis dit bon, je vais peut-être apprendre ça, peut-être que ça va m'aider pour l'entretien Et bah absolument pas. Donc j'arrive en entretien en janvier 2021. Je passe l'entretien avec le chef des services vétérinaires, donc c'est le vétérinaire du site. Et en fait, il ne me pose quasiment aucune question. Il me dit juste bon monsieur, votre CV est un peu léger, vous n'avez pas mis grand-chose dedans Moi, je vais mettre ça sur le compte de la jeunesse, c'est pas grave. Moi, ça m'arrange, ça me va. Moins j'en dis, mieux je me porte. Et ensuite, il me fait visiter l'abattoir. Il me montre les postes sur lesquels je vais probablement travailler s'il me recrute. Le poste de contrôle des carcasses, contrôle des abats. Il me laisse dix minutes à côté d'une agent qui travaille. Il m'observe et à la fin, il me demande comment je me sens. Si j'ai eu peur du couteau, du sang. Je lui dis que ça va, que j'ai pas eu trop peur. C'est la seule question qu'il m'a demandé. Et en fait, j'ai été recruté juste là-dessus. donc je n'avais pas de connaissances en milieu vétérinaire, pas de connaissances en viande bovine, ni en abattoir bovin, mais tant que j'étais motivé et disponible, ils m'accrutaient. Et je me doutais aussi un peu que ça allait être facile puisque l'offre était disponible depuis huit mois sur Pôle Emploi, elle était renouvelée régulièrement et je l'ai vu par la suite, ils ont des gros problèmes de recrutement, ils ont du mal à recruter des employés, des agents vétérinaires, et donc si à partir du moment où il y a quelqu'un qui est motivé, qui n'a pas peur, ils le prennent. Le poste d'agent vétérinaire consiste, dans un abattoir de viande bovine en tout cas, à contrôler la salubrité de la viande. Il y a un agent qui observe l'état des animaux lors du déchargement, qui regarde leur passeport, voir s'il n'y a pas des maladies. Mais c'est surtout, une fois que les animaux sont découpés, ça passe par contrôler toutes les carcasses de l'abattoir et essayer de déceler des potentielles maladies, infections, tout ça, qui ensuite partiront dans la consommation. Donc il y a quand même une vraie responsabilité. On contrôle aussi de la même manière les organes, les abats, donc les poumons, le coeur, la tête, la langue. et c'est pareil, c'est nous qui décidons si ces produits, je n'aime pas les appeler comme ça, mais ces produits de consommation peuvent être vendus sur le marché. Tout ce qui n'est pas bon, ça dépend. Il y a certaines maladies ou infections qu'on peut découper pour laisser la partie de la carcasse saine. Il y a des maladies qui font qu'on va jeter toute la carcasse ou tous les abats. Et il y a aussi des abats qui sont impropres à la consommation humaine, mais qu'on va envoyer à la nourriture pour les animaux. Notre partie de mon métier, c'est de contrôler l'abattage sans étourdissement des animaux. On a dans un abattoir bovin, généralement deux types d'abattage. L'abattage dit classique, conventionnel, avec étourdissement. Celui-là, les vaches arrivent au bout d'un couloir. Et au bout de ce couloir, il y a une personne qui a un matador. Et en fait, il a un pistolet qui vient tirer une tige perforante qui va permettre d'étourdir l'animal. Et ensuite, l'animal va être suspendu et ensuite égorgé. Donc ça permet de limiter les souffrances de l'animal au moment de l'abattage. Il y a quand même de la souffrance, mais il y a des études là-dessus. Cette souffrance est limitée avec ce mode d'abattage. Ensuite, il y a l'abattage sans étourdissement. C'est un abattage dit rituel, qui est majoritairement pratiqué en France pour le halal et pour le kachar. Moi, ce que j'ai vu, c'était le halal dans cet abattoir, donc je vais parler du halal. Cet abattage, les animaux sont égorgés vivants, donc il n'y a pas d'étourdissement préalable. Comment ça se passe ? Les animaux, au bout du couloir, cette fois-ci, ne sont pas attendus par un matador, mais ils entrent dans un piège cylindrique. On peut imaginer une sorte de grand tonneau. Et au bout du tonneau, il y a un tout petit espace pour leur tête, avec une mentonnière. Les vaches viennent caler leur tête dans la mentonnière. Il y a des vérins à l'intérieur du tonneau qui viennent se resserrer sur la vache pour la compresser et éviter qu'elle bouge. Ensuite, ce tonneau va tourner à 180 degrés, un demi-tour. Et là, on a un sacrificateur, donc c'est le métier, qui vient égorger la vache vivante. Donc on va lui trancher la gorge pendant qu'elle est encore vivante. Et ça, c'est ce qu'on appelle abattage sans étourdissement ou l'abattage rituel. Normalement, le principe de l'abattage rituel, et notamment du halal, c'est de limiter la souffrance animale et c'est de tuer les animaux dans le bien-être. Là, de ce que j'ai pu voir, c'était absolument pas le cas. On peut le voir notamment lors de l'égorgement, il y a un effet de cisaillement qui fait que les vaches souffrent du cisaillement parce que l'égorgement se fait pas une seule fois. Les vaches, lorsqu'elles sortaient la tête de la mentonnière, paniquaient énormément. Elles se débattaient, elles criaient, parce qu'il y avait encore du sang sur la mentonnière, du sang des vaches précédentes, et surtout parce qu'elles voyaient leurs congénères égorgés, suspendus sur les rails. Normalement, ils sont censés mettre un rideau pour empêcher que les vaches qui vont être égorgées voient les vaches qui ont déjà été égorgées. Sauf que là, le rideau était totalement mal placé. Ici, ça ne revient à rien. Donc en fait, elles tournaient la tête et elles voyaient les vaches égorgées. Et j'ai des images assez fortes, elles sont disponibles. On voit les vaches débattre, crier, et quand elles crient, ça retourne tout l'abattoir en l'eau. se débattent dans tous les sens, elles cherchent du regard et là sans faire d'étude on peut clairement voir le stress et la souffrance à ce moment là. Il faut savoir que j'avais un rôle de contrôle à ce moment là et donc je prenais des notes sur ce que je voyais et je remontais les informations vétérinales. Quand il y avait des non conformités, du stress, je le remontais pour bien faire mon travail et pour pas qu'on me dise bah voilà tu as fait des vidéos mais derrière tu disais rien. Non non j'ai remonté toutes les non conformités et pour supporter ces images, en fait c'est que j'étais concentré sur ce que je voyais. concentrer sur le cadrage de ma vidéo aussi. Mais de rien filmer, c'est pas évident. C'est de rester statique, concentré et de rien laisser transparaître. Donc j'observais beaucoup autour de moi, j'observais les animaux, j'observais ce que je voyais et finalement il y avait une sorte de peut-être de barrière entre les animaux et moi parce que les animaux me regardaient, criaient mais vu que j'étais à la fois concentré sur ce que je faisais, sur mon travail, sur les images, bah c'était un peu moins dur. Quand les vaches criaient, me regardaient évidemment, bah ça me bouleversait, ça me transperçait. Mais je crois que le plus dur c'était quand je regardais les images le soir. Je regardais ce que j'avais filmé. Et quand j'avais enlevé un peu ma barrière, mes protections psychologiques, que j'étais seul face aux images que j'avais tournées, que je prenais le temps de voir le regard des animaux, que je les entendais crier, c'est là où j'avais le plus de mal. Ça m'arrivait de pleurer. Je pense que j'en ai besoin pour évacuer. Et puis pour... Là, j'avais le droit. J'étais chez moi, j'étais seul. Mais sur le terrain, en tout cas, quand je filmais, j'avais vraiment une barrière qui m'empêchait de m'effondrer. J'avais l'impression que le bien-être animal était au libre choix. Par exemple, de temps en temps, je trouvais des fœtus sur un convoyeur parce qu'on abat des vaches gestantes et donc à ce moment-là, forcément, les petits qui ne sont pas encore nés arrivent sur le convoyeur. Sauf que quand on trouve un fœtus prêt à naître, c'est un fœtus qui est âgé de plus de 8 mois, qui est déjà formé, qui a des poils, qui a des dents, qui aura pu des lagues embadées. Quand on trouve un fœtus comme ça, on est censé remonter l'information à un agent vétérinaire ou au chef pour que lui envoie un avertissement à l'éleveur parce que l'éleveur n'est pas censé envoyer des animaux gestants de plus de 8 mois à l'abattoir. Les 12 agents, on n'était que 3 à remonter l'information, dont moi. Je disais, c'est pas normal, on n'est que 3 à remonter l'information, et il ne se passe rien. En fait, le bien-être animal n'a pas vraiment de conséquences. Qu'on dise ou non qu'il y avait un foetus prêt à naître, fondamentalement ça ne va rien changer. La viande sera la même, il n'y aura pas d'impact sanitaire, ça ne change strictement rien. Donc finalement, ces sujets étaient très peu traités. Il y a aussi le fait qu'on était en manque d'effectifs. J'avais vu que dans l'orglementation, on était censé contrôler l'abattage de tous les animaux, sauf que là, on contrôlait 15 vaches sur 500 qui étaient abattues chaque jour. Quand je parlais au chef vétérinaire, il me disait Non mais imagine, poster quelqu'un sous la journée à ce poste-là, c'est pas possible, on va devenir fou. Et puis en plus, on est en sous-effectif. Donc le fait qu'ils soient en sous-effectif, plus qu'il n'y ait pas de conséquences derrière par rapport au bien-être animal, fait qu'il y a beaucoup de disparités, que le bien-être animal est clairement laissé sur le carreau. J'ai essayé aussi d'accéder à d'autres postes dans l'abattoir, notamment à la bouverie. C'est l'endroit où sont déchargés les animaux après le transport. C'est une sorte de grand hangar avec des couloirs métalliques. Donc les animaux sont parqués en attendant d'être abattus. Et là, c'est intéressant parce qu'on peut voir s'il y a des animaux qui arrivent morts lors du transport. On peut voir des animaux blessés. On peut voir les conditions aussi d'attente. Sauf que le problème, c'est que c'est un poste qui est très convoité par les anciens agents vétérinaires. Parce que c'est un poste qui est très facile à faire d'un point de vue personnel, d'un point de vue physique. Ce n'est pas un travail à la chaîne. On est posté sur un bureau. On attend que les transporteurs arrivent. Donc c'est un peu du repos. C'est un peu le poste doré. Donc moi, forcément, on ne m'y mettait pas. Donc j'ai prétexté que je voulais passer mon concours de la fonction publique et que pour ça, j'avais besoin de voir un peu tout ce qui se passait dans un abattoir, d'avoir une connaissance du milieu de la bouverie. Et donc sur mon temps de pause, je prenais des initiatives, je demandais d'aller en bouverie sur mon temps de pause. Et ils étaient plutôt fiers de moi. J'avais un sentiment de culpabilité, mais c'est vrai qu'ils étaient contents de voir que je prenais des initiatives, que je voulais m'instruire et m'informer en vue du concours. Et donc sur mon temps de pause, j'allais en bouverie pour voir ce qui se passait. Et ça, j'ai réussi à accéder seulement au bout de trois mois à la bouverie. Et j'ai dû y aller, je pense, trois fois. Et tous les trois fois, j'ai pu voir, on peut le voir dans les images aussi, des animaux qui arrivent morts, qui arrivent blessés, qui boitent. J'ai pu aussi, en discutant, voir que les animaux pouvaient rester 48 heures sans manger, alors que la réglementation impose un délai qui est beaucoup plus court. En trois jours, j'ai pu voir déjà pas mal de choses en bouverie. Donc je me dis que ça aurait été intéressant aussi de rester plus longtemps, mais malheureusement, j'ai dû partir plus tôt. Quand on est dans un abattoir de bovins, on s'imagine que cet abattoir sert à produire de la viande, mais les abattoirs essaient de prélever le plus de produits possibles sur un animal. Donc il y a la viande, c'est le sujet principal. Mais sinon, on prélève aussi la peau pour en faire du cuir. J'ai même appris au travers de discussions qu'on prélevait des calculs biliaires. Moi, des fois, j'avais des poches de bile, je voulais les percer. On me disait non, non, il ne faut pas que tu les perces, sinon ça va partir aux égouts. Tu la donnes à telle personne. En fait, quand on perce la poche, des fois, on récupère des calculs biliaires et c'est vendu très, très cher au kilo. Donc il y a un business là dessus. On récupère aussi le cuir du visage des vaches pour faire des livres religieux. Il y a tout un tas de produits, ce qu'on appelle des sous-produits, qui sont issus des abattoirs. Ce n'est pas juste la viande. J'ai aussi fait une découverte assez folle, très peu connue en France. De temps en temps, je voyais des fœtus arriver parce qu'on abattait des vaches gestantes. Sauf que ça ne se terminait pas là. Je voyais qu'il y avait des manipulations qui étaient effectuées sur ces fœtus. Quand j'avais une minute de pause entre deux carcasses, j'allais discuter avec l'agent qui récupère les fœtus. Et j'ai pu filmer ces images-là, et en fait, lui, il prélevait du sang sur les fœtus. Et en fait, c'est aussi un sous-produit. On prélève du sang sur les fœtus pour faire du sérum de veau fœtal. Il y avait une personne en charge de faire des poches de sang. Elle faisait, je crois, 4 à 5 litres de sang par jour, pour à la fin en extraire à peu près 2 litres de sérum de veau fœtal. On appelle ça SVF, et c'était commercialisé, je crois que ça sert à l'industrie pharmaceutique, au laboratoire. Ce qui est assez intéressant par rapport à ça aussi, c'est que... en principe, on n'est pas censé abattre des vaches gestantes de plus de 80%, mais quand on a un fœtus qui est âgé depuis demi-mois, forcément on va récupérer plus de sang. Finalement, Bigard se faisait de l'argent sur une pratique qui est normalement illégale. Cette infiltration s'est terminée au bout de 4 mois. D'un point de vue image, j'avais à peu près tout ce que je voulais avoir. J'avais beaucoup d'éléments forts, dont j'avais l'abattage sans étourdissement, j'avais les fœtus. J'avais des preuves de l'absence de formation. Et aussi, j'ai décidé de quitter mon emploi parce que je sentais qu'il y avait des doutes autour de moi. Je voyais le chef d'équipe qui m'observait, qui me regardait du coin de l'œil, qui ne me disait plus bonjour, qui était un peu froid avec moi. Je voyais aussi la vétérinaire qui trouvait que j'avais un comportement exacerbé au sujet de la cause animale. J'étais trop à l'aise, que je prenais un peu trop de liberté. Donc, il y avait beaucoup de choses. Je sentais un climat très bizarre autour de moi. J'ai pu avoir une confirmation de ces doutes. À ce moment-là, je ne me sentais plus en sécurité pour filmer. À partir du moment où je me sentais observé, je me suis dit que ce n'était plus possible de faire des images, que je n'allais plus pouvoir travailler sur l'allemand. Et donc, j'ai décidé de partir, tout simplement. Quand la mission se termine, je me sens à la fois, évidemment, satisfait, parce que je sais que j'ai des images très fortes qui vont aboutir à une belle enquête. Donc, je suis très content de mon travail. Par contre, je suis exténué, je suis fatigué. Ce qui est assez intéressant aussi quand on fait ce métier, c'est qu'on perd en lucidité. C'est-à-dire que moi, je travaillais dans un environnement qui était assez hostile, assez dur, froid, avec du sang, du bruit. Et on perd un peu en lucidité sur ce qu'on voit puisque ça devient un environnement quotidien, normal, avec des gens qui sont tous sourières, qui travaillent normalement, qui chantonnent, qui s'amusent entre eux. Donc c'est assez compliqué de ce point de vue-là. Et j'étais aussi dans un état de... j'ai eu une grosse perte de confiance en moi. C'est-à-dire que quand on fait un travail manuel à la chaîne, quand on est monotâche, quand on passe quatre mois à découper des cœurs, à découper des poumons, à découper des morceaux de viande... et bien à la fin on a l'impression d'être réduit à ça de n'être capable que de faire ça même si on a d'autres compétences même si par le passé on a fait d'autres choses j'avais l'impression d'être bon qu'à faire ça et je me disais mais qu'est-ce que je vais faire de ma vie après en fait là je savais que c'était ma dernière enquête que j'étais plus en mesure physiquement, psychologiquement d'en faire donc je me suis dit maintenant mais qu'est-ce que je vais faire je suis bon à rien, je sais rien faire j'étais pas au top de ma forme même si j'étais content de mes enquêtes c'était un petit moment de ma vie où je broyais pas mal de noir qui m'a aidé à sortir de cet état de tristesse, de mal-être C'est, déjà je veux dire, j'ai eu la chance que cette enquête se termine en juin. Parce que j'ai pu profiter de l'été pour me ressourcer, j'avais la lumière, j'étais bien entouré. J'étais aussi impatient à l'idée que l'enquête sorte. J'avais hâte aussi de voir les répercussions, de pouvoir en parler. À ce moment-là, on a aussi décidé que j'allais témoigner à Visage Découvert, chose qui est assez rare. On s'était dit que c'était quand même plus intéressant d'avoir quelqu'un qui raconte de l'intérieur, pour appuyer un peu les images, et de mettre aussi un visage sur les gens, des fois qui font des infiltrations. Donc ça, ça m'aidait aussi à relever la tête, mais clairement, ce n'était pas les moins les plus faciles. Lorsque l'enquête sort le 28 octobre 2021, je me rappelle parce que c'était mon anniversaire, belle surprise, ça fait un buzz médiatique. On est tous très contents des répercussions médiatiques, ça prend au niveau national, tous les médias sont part du sujet, c'est vraiment un super point. J'ai même pu faire un plateau télé, beaucoup d'interviews. Donc de ce point de vue là, on a eu de la chance parce que ça peut arriver qu'on sorte une enquête et que ça arrive dans une actualité médiatique qui est trop chargée ou autre. Donc là c'était assez positif. Mais au moment de la sortie d'enquête, l'A214 porte plainte et lance une pétition pour réclamer un changement de la législation et notamment demander l'interdiction de l'abattage sans étourdissement. Donc ce n'est pas la fin de l'abattage halal, c'est vraiment sans étourdissement. Juste pour préciser, on peut faire de l'abattage halal avec étourdissement. Il y a des pays comme l'Indonésie, la majorité musulmane, qui font l'abattage halal avec étourdissement. Donc l'A214 demande la fin de l'abattage sans étourdissement des animaux et la fin de l'abattage des vaches gestantes. C'était les deux seules demandes réglementaires de l'A214. Et ensuite, à 1914, on a porté plainte à la fois contre l'État pour des manquements de contrôle du bien-être animal, et à la fois porté plainte contre l'abattoir Bigard pour maltraitance sur l'animal. D'un point de vue personnel, sur le moment, c'est un peu frustrant de voir qu'on demande deux petites choses qui me paraissent accessibles, alors que pour moi c'est tout un système qui est à revoir, l'abattage à la chaîne des animaux, l'exploitation des humains aussi qui font ce travail-là, et on perd vraiment tout le lien avec les animaux. Pour moi, il faudra revoir tout le système. La première plainte contre l'État a abouti, donc L214 est gain de cause. L'État a été reconnu coupable de manquement par rapport au contrôle du bien-être animal et de la formation. Donc ça, c'est quand même un point positif. Et la plainte contre Bigard, je crois, est encore en cours. Moi, dans mon monde idéal, il n'y aura plus d'achatation animale, donc il n'y aura plus d'abattoir. Ça, c'est difficile à entendre pour beaucoup de monde, et je ne pense pas que ce soit atteignable en France, en tout cas, dans n'importe quel pays. Ça, ce serait dans mon monde idéal. Sinon, dans un monde idéal, on va dire, mais avec encore de l'exploitation, je pense par exemple qu'un abattage à la ferme serait déjà mieux, pour plusieurs raisons. Déjà, on évite le transport, on évite peut-être des cadences énormes avec des abattoirs-usines énormes où on tue 500, parfois 1000 vaches par jour. Peut-être qu'un rapport un peu plus proche à l'animal sera souhaitable, c'est-à-dire un animal à la ferme que l'éleveur a connu. Une consommation plus légère aussi, moins de gaspillage. J'invite aussi les gens à s'interroger sur leur consommation, sur la quantité d'animaux qu'ils consomment. quotidien. Dans mon entourage, je pense que c'est un peu représentatif de la France. C'est-à-dire qu'il y a des gens qui ont pris en compte ce que j'ai fait, qui ont pris le temps de regarder, qui ont essayé de faire des efforts pour diminuer leur consommation de viande, en tout cas pour vouloir en discuter calmement, et d'autres qui n'ont pas voulu regarder les images, qui se sont braquées et même à qui j'ai perdu du lien. Donc je pense que ça dépend aussi de la sensibilité des gens. Il y a des personnes qui veulent savoir, qui veulent changer, d'autres qui ne veulent absolument pas. Je pense que c'est aussi très idéologique. Soit on décide de... de s'en foutre, de manger des animaux, de les exploiter, et on met le salut comme ça. C'est une idéologie. Moi, ce que je propose, c'est une autre idéologie, clairement. C'est le fait de plus prendre en compte les animaux, de plus les respecter. Et ça passe par soit une diminution de consommation, soit on ne les consomme plus, soit on est plus attentif à ce qu'on voit lorsqu'on va au zoo, au cirque, on peut peut-être voir des choses qui ne vont pas. Donc, dans ma famille, dans mon entourage, comme en France, c'est des idéologies différentes, des sensibilités différentes, que certaines personnes qui évoluent, qui changent, et d'autres... Avec le recul et quelques années après, je garde franchement que du bon de cette expérience. Ça a duré un an. À ce jour, je n'ai pas de séquelles psychologiques, physiques, je n'ai pas de traumatismes. J'ai quand même la sensation d'avoir fait quelque chose de fort et de grand pour la cause animale. Et je ne pense pas pouvoir faire plus au cours de ma vie. J'ai quand même un sentiment de fierté par rapport à ça. J'ai aussi l'impression d'avoir rendu à la leçon 14 qu'il m'avait donnée. C'est-à-dire que c'est eux qui m'ont permis de prendre conscience sur ce que vivaient les animaux en France à travers des images d'enquête. Et moi, à mon tour, j'ai réalisé des images d'enquête, donc je suis assez content de ça. Cette infiltration a changé beaucoup de choses pour moi. Je pense que déjà, j'ai plus cette frustration de ne rien faire pour les animaux. Ça ne veut pas dire que là, je ne vais plus rien faire dans mon activisme, mais j'ai la sensation d'avoir fait quelque chose d'impactant. Ensuite, dans mon militantisme, ça a aussi changé quelque chose, c'est que je suis beaucoup moins dans l'émotionnel qu'avant. Le fait d'avoir été au contact de violences, de souffrances, d'avoir dû mourir à répétition, ça fait que maintenant j'agis beaucoup moins par émotion. Ça fait aussi que les débats sont beaucoup moins envenimés. Mais quand je parle à quelqu'un, c'est beaucoup plus factuel. Je parle beaucoup plus à travers la logique, à travers les faits. Il y a aussi cet aspect-là de moi qui a changé. Je pense qu'il faut un équilibre entre notre bien-être et notre militantisme. J'ai vu beaucoup d'activistes parler de causes animales jour et nuit et finir en dépression et on ne les voit plus au bout d'un an. Moi, j'essaie de trouver un équilibre du bien-être dans tout ça. Donc, à très long travail, je continue à faire des choses. Mais en dehors de mon temps de travail, j'essaie de m'accorder des moments de loisirs, de développement, autres, de choses un peu plus belles, plus positives. Je pense qu'il est important de trouver un mode d'activisme dans lequel on est à l'aise, dans lequel on a des compétences, mais vraiment, surtout, dans lequel on se sent bien. Comme j'ai dit, aller parler aux gens et être dans le conflit, ce n'est pas pour moi, je ne suis pas à l'aise. Par contre, c'est utile. Je pense que le débat est important. Et il y a... énormément de formes d'activisme. Il y aura des porte-paroles, il y aura des enquêteurs. Il y a aussi, par exemple, on pense à Rodolphe Landman, par exemple, c'est un type qui a ouvert une chaîne de boulangerie végétale. C'est une manière aussi de sensibiliser et aussi de proposer autre chose, parce que maintenant, quand on dit aux gens qu'il faut changer de mode alimentaire, si on ne leur propose rien derrière, rien de bon, d'impétissant, le mur est beaucoup plus haut. Il y a vraiment beaucoup de formes d'activisme en fonction de nos compétences, et surtout en fonction de là où on est à l'aise. J'ai écouté Tentative et ce que je peux voir, c'est qu'il y avait un schéma qui était assez régulier. C'est qu'on avait des gens qui ne se sentaient pas dans leur botte par rapport à leur vie. Et du coup, ils se sont dit, je vais tenter quelque chose, quelque chose qui me plaît. Et ça a été un peu mon cas aussi. Je me suis dit, là, j'en peux plus, ça ne va pas être ça ma vie. Il faut que je tente quelque chose. Il faut que je fasse des choses qui me tiennent à cœur, qui ont du sens et qui me plaisent. Évidemment, j'invite tout le monde à s'écouter et à prendre des risques, à le faire intelligemment aussi. Moi, ça ne s'est pas fait du jour au lendemain non plus. Ça ne s'est pas fait sans un coup de tête et ça s'est aussi fait grâce à une opportunité. Je ne me suis pas non plus jeté dans le vide sans emploi. Donc, on a tous. des parcours de vie différents. On n'a peut-être pas tous les moyens de tout jeter pour compter quelque chose, de prendre des risques. Par contre, évidemment, j'invite tout le monde à prendre des risques, à faire des choses qui ont un impact, à faire des choses qui vous plaisent. Des fois, avec des amis, des collègues, on a tendance à dire que la vie, c'est un peu un jeu vidéo. Ça permet aussi de prendre les choses avec moins d'importance. Même ce que j'ai fait, ça peut être un peu comme un jeu. Je suis rentré avec ma petite caméra, j'ai fait des trucs. Alors, on se couvre un peu, mais je veux savoir, on s'en sort quand même. J'invite vraiment tout le monde à prendre des risques et à faire des choses qui les allongent.

  • Speaker #1

    Vous écoutiez Tentative, le podcast qui laisse la parole à celles et ceux qui tentent de nouvelles expériences. J'espère que l'épisode vous a plu. Si vous voulez en savoir plus sur l'enquête de Thomas ou sur le rôle de l'association L214, je vous mets tous les liens dans la description. Si vous aussi vous voulez partager une expérience qui vous a fait grandir, vous pouvez me contacter sur Instagram. Merci d'avoir écouté et à dans deux semaines pour un nouveau parcours de vie sur Tentative.

Chapters

  • Générique de début

    00:00

  • Comment j'ai grandi

    00:20

  • Rencontre avec un vegan

    01:26

  • L'électrochoc

    02:40

  • J'ai voulu en savoir plus

    03:49

  • 1. Devenir végétalien

    04:30

  • L'impact de notre alimentation

    05:27

  • 2. Premières actions militantes

    07:13

  • 3. Sauter le pas, intégrer L214

    08:11

  • Le recrutement et la préparation

    09:29

  • Annonce à ma famille

    11:07

  • Le risque des infiltrations

    11:41

  • Le stress du début

    13:08

  • Trouver un job en abattoir

    13:51

  • 1er poste: ramasseur de volaille

    15:04

  • Effets secondaires

    19:00

  • Fin de mission

    20:08

  • 2ème poste: accrocheur de dindes

    20:29

  • 7 jours seulement

    24:11

  • La partie abattage

    25:21

  • Entre employés on ne parle pas

    25:57

  • DÉMASQUÉ

    26:34

  • Postuler en abattoir de viande bovine

    28:29

  • Le poste d'agent vétérinaire

    30:17

  • Comment supporter les images ?

    33:18

  • La prise en considération du bien-être animal

    34:36

  • Entrer à la bouverie

    35:52

  • Un business de sous-produits

    37:17

  • Fin de mission, heureux et épuisé à la fois

    38:59

  • La sortie de l'enquête et les retombée médiatiques

    41:33

  • Conclusions judiciaires

    42:57

  • Mon monde idéal

    43:14

  • Un peu de recul

    44:55

  • Trouver un équilibre

    46:09

  • Trouver son mode d'activisme

    46:33

  • Le mot de la fin

    47:14

Description

Aimer les animaux ET manger de la viande, c'est possible ? Thomas ne s'était pas vraiment posé laquestion avant de tomber sur une vidéo de l'association L214, qui montre le fonctionnement des abattoirs. Dindes, vaches, poulets, Thomas découvre, horrifié, d'où vient réellement le contenu de son assiette. Alors il prend une décision: ne plus consommer de produit d'origine animale. Mais ce n'est pas suffisant, il veut agir. Il quitte son job et rejoint l'association, d'action en action il découvre le mode de militantisme qui lui convient le mieux... les enquêtes en caméra cachée.


Comme pour remercier l'association de lui avoir ouvert les yeux, il se lance à son tour en immersion dans les abattoirs.


Découvrez le parcours militant de Thomas, et l'envers du décor de l'industrie de la viande en France dans ce nouvel épisode !

Pour visionner l'enquête de L214, rdv sur leur site: https://www.l214.com/enquetes/2021/abattoir-bigard-charal-socopa-cuiseaux/?utm_medium=email&utm_source=newsletter&utm_campaign=2021%2F10-abattoir-bigard


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Salut à tous et bienvenue sur Tentative, le podcast qui laisse la parole à celles et ceux qui ont tenté de nouvelles expériences et qui en sont ressortis grandis. Vous écoutez l'épisode inédit de Thomas qui a infiltré des abattoirs pour l'association des défenses des animaux L214. Bonne écoute ! Je m'appelle Thomas Saïdi, j'ai 31 ans, j'étais enquêteur chez L214. Je me suis infiltré dans plusieurs élevages et abattoirs en France pour y filmer les conditions d'exploitation et d'abattage des animaux. Je suis né à Valenciennes, dans le nord de la France. J'ai eu une enfance assez classique. Je suis issu d'un milieu plutôt classe moyenne, pauvre. Et mon rapport aux animaux a été, je pense, le même que la plupart des enfants en France. J'ai grandi avec des chats qui vivaient dans mon jardin, qui étaient semi-adoptés. J'ai toujours aimé les animaux, une sorte de fascination pour les animaux, mais je pense comme beaucoup d'enfants. Je regardais beaucoup de documentaires sur les tigres, sur la faune sauvage. J'aimais les animaux, je les trouvais beaux, et ça s'arrêtait là. À mon époque, les enfants jétériens, ça n'existait pas. En tout cas, dans mon entourage, moi, je n'en avais pas. Pour la petite anecdote, je vous rappelle qu'il y avait un élève qui mangeait bio quand j'avais 9 ans, et tout le monde se moquait de lui dans la classe, parce qu'il avait des repas spécifiques et on ne comprenait pas ce que c'était. Il était vraiment marginalisé et un peu harcelé pour ça, simplement parce qu'il mangeait bio. Donc maintenant, c'est quelque chose de très classique. Je pense qu'à l'époque, s'il y avait eu quelqu'un qui mangeait végétarien ou végétalien, il aurait été vu comme quelqu'un de marginal. J'ai fait une classe prépa, maths et physique. Pendant ces deux années, je n'ai pas eu l'occasion d'être dans le milieu militant parce qu'on est vraiment concentré dans les études. C'est seulement en arrivant en école d'ingénieur, où j'ai rencontré des profils un peu plus différents, variés, où j'avais un peu plus de temps pour réfléchir à d'autres choses, j'avais un amni qui était vegan. Alors lui c'est pareil, tout le monde se moque un peu de lui, avec plus de légèreté que quand j'étais petit. Mais cet ami-là essayait de me montrer des vidéos, me parler des animaux qui mourront en abattoir. Mais avec mes élèves, on se moquait un peu de lui. On me disait qu'il avait perdu du muscle, que le lion mangeait la gazelle. On sortait tous les arguments que maintenant j'essaie de réfuter quand je les entends. Ça a été, je pense, mon premier rapport à la cause animale et au militantisme. C'était de rencontrer quelqu'un qui était vegan pour contrer, on va dire, l'exploitation et la souffrance des animaux. Au début, je pense que ça ne me touchait pas, dans le sens où c'était quelque chose de nouveau. J'avais quoi, 21 ans, 22 ans ? C'est la première fois aussi que j'ai rencontré quelqu'un de végan. Moi, toute la vie, j'ai mangé de la viande. Je ne faisais pas forcément le lien entre l'exploitation des animaux, la souffrance des animaux et un régime alimentaire. Forcément, il y a quelque chose de nouveau et qui vient aussi toucher nos propres habitudes. C'est le cas de l'alimentation. Je me braquais, comme beaucoup. On se braque, on essaie de défendre notre mode de vie, notre mode de consommation. Et ça a résulté forcément dans des débats animés et très clivés. Après mes études, en 2015, j'ai passé 7 ou 8 mois sans emploi, le temps de trouver mon premier emploi. Et à ce moment-là, j'avais beaucoup plus de temps pour lire, pour réfléchir. Et je sais que je regardais aussi, par exemple, beaucoup On n'est pas couché. Il y avait Aymeric Caron qui était chroniqueur et il amenait souvent le sujet de la cause animale sur la table. Et en parallèle, et je sais qu'il y a beaucoup de personnes qui sont devenues sensibles à la cause animale autour de 2015-2016, parce que ça correspond au moment où Wallis 114 a sorti une image qui a fait le Tour de France, une enquête qui est sortie sur les grandes chaînes publiques. où l'on voyait des vaches se faire abattre en abattoir. Et en fait, à ce moment-là, moi j'ai été, je pense, dans ma chambre, j'étais avec mon chat, que je choyais, que je caressais, que je voulais défendre coûte que coûte. Et là, je suis tombé sur ces images de vaches en train de se faire abattre, en train de crier sans défense, vraiment dans un environnement industriel qui était assez horrifique. Et quand j'ai vu ces images, ça m'a vraiment fait un choc, où je me suis dit, mais attends, j'ai 23 ans, c'est la première fois que je vois une vache se faire abattre. C'est la première fois que je vois comment ils produisent mon steak. Et là, vraiment, je me suis dit, on m'a menti toute ma vie, en fait. J'ai l'impression qu'on m'a caché ça. Voilà, donc quand on découvre une nouvelle réalité avant 3 ans, on a envie d'en savoir plus, on a envie de creuser. Et pour moi, c'était un peu l'électrochoc. Par la suite, j'ai voulu en savoir plus. J'ai commencé à regarder d'autres enquêtes d'L214 sur les conditions d'élevage, sur les conditions d'abattage. J'ai aussi lu des livres. J'ai commencé par le livre d'Amerika Ron, qui s'appelle Antispécistes, qui parle de notre rapport aux animaux, de la manière dont on les traite en France. C'est assez intéressant comme livre, assez complet. Ensuite, j'ai regardé des documentaires. Et j'ai lu d'autres livres aussi, le livre de Mathieu Ricard, Plédoïe pour les animaux, qui est aussi très complet, et très intéressant, très instructif. Et en lisant tous ces ouvrages, en regardant les documentaires, je me suis dit que c'était un sujet qui me touchait beaucoup, et il fallait aussi que j'agisse. Je ne pouvais pas continuer à rester sans rien faire, il fallait que je change déjà à mon échelle. En 2016, la première chose que je fais déjà, c'est devenir végétalien. Pour me sentir plus en paix avec moi-même, j'enlève toute forme d'exploitation animale de mon assiette. Je ne vais plus aux zoos, je ne vais plus aux cirques. J'essaie vraiment déjà d'être en règle avec moi-même, on va dire, et de ne plus contribuer à cette exploitation animale. De mon côté, ça n'a pas été forcément difficile d'un point de vue purement nutrition, parce que déjà, je ne mangeais pas énormément de fromage. Je mangeais la viande assez régulièrement. J'ai essayé de remplacer la viande par des steaks industriels. Ce n'était pas très bon. Au début, je me forçais, je me disais, bon, moi, ce n'est pas grave, il vaut mieux que je fasse comme ça plutôt que que je mange de la viande. Et au fur et à mesure, j'ai commencé quand même à apprendre à cuisiner. Je cuisinais très mal quand je n'étais pas végétalien. Maintenant, du coup, je me suis intéressé à la cuisine. J'ai appris à cuisiner autre chose que des steaks industriels qui avaient un goût un peu bizarre. J'ai appris à cuisiner, j'ai aussi fait des bilans sanguins pour me rassurer et rassurer ma famille. Donc tous les ans, je fais des tests, je prends bien ma vitamine B12 régulièrement, ça c'est important. Et tout va bien, ça fait 10 ans que je suis végétalien et je n'ai pas de soucis de santé par rapport à ça. Quand on mange de la chair animale, il y a un impact qui est visible, qui est clair pour les animaux. Ce sont des animaux qu'on tue et on va manger leur chair. Donc là, tout le monde voit où est la souffrance, puisque ce sont des animaux qui sont nés... exploitées, enfermées dans des élevages sans lumière, qui sont situées en abattoir, simplement pour leur chair. Maintenant, quand on mange des œufs ou qu'on boit du lait, on a l'impression que c'est quelque chose qui est différent, et ce sont des industries qui sont totalement liées et complémentaires. Les vaches laitières, par exemple, pour qu'elles donnent du lait, il faut les inséminer. Beaucoup de personnes pensent que les vaches donnent du lait de manière continue, sans rien faire, mais non, c'est comme les humains, c'est tout à fait pareil, c'est des mammifères. Pour qu'elles donnent du lait, il faut qu'elles aient un veau. Pour ça, on va les inséminer artificiellement. Une fois que les veaux vont naître, soit les veaux vont devenir de nouvelles vaches laitières, soit si ce sont des mâles, ils partiront à l'abattoir. Donc ça va nourrir la filière viande. Et ensuite, les vaches laitières, au bout de six ans ou plusieurs années, lorsqu'elles sont trop fatiguées et qu'elles donnent moins de lait, on les envoie à l'abattoir. Et encore une fois, ce qu'on mange, ce qu'on appelle du bœuf, dans la moitié des cas, c'est une vache laitière en fin de vie. Donc il y a un lien direct entre consommation de produits laitiers et consommation de viande, dans le sens où ce sont des industries qui sont complémentaires. Après, si on parle clairement d'un point de vue souffrance, exploitation, ça dépend aussi des élevages. Les élevages ne se valent pas et ça dépend aussi des pratiques plus ou moins cruelles selon les animaux. Quand on parle des vaches laitières, par exemple, le fait de les traire à longueur de journée pendant une très longue période, clairement, ça crée des problèmes de santé pour les vaches laitières. Il y a aussi la séparation entre le veau et la mère qui se fait dès le premier jour, qui est assez douloureuse pour la vache et pour le veau. Si on parle des oeufs aussi, par exemple. Là, ça va dépendre aussi du type d'élevage des poules fondeuses. Il y a les élevages en batterie, en cage, où les volailles sont dans des cages entassées à 4 ou 5 dedans et elles fondent des œufs de manière continue, elles ne voient jamais la lumière du jour. Et là, on peut imaginer un peu les conditions assez horribles. Et ça diffère quand même des élevages de poules fondeuses en plein air. Ça dépend à la fois des espèces animales et aussi du type d'élevage. Ensuite, j'essaie de m'impliquer différemment. collectivement. Je vois sur les réseaux sociaux la plupart des gens parlent de nourriture, partagent des recettes, c'est pas quelque chose qui me parle forcément. J'essaie aussi de rejoindre des groupes de bénévoles, notamment chez L214, et j'ai participé à quelques actions sauf que je me sentais vraiment pas à l'aise dans ces actions. J'ai participé à une action par exemple où on était sur un marché à côté d'une boucherie, on tenait des pancartes et en même temps on entendait des cris de cochons. Et là je voyais qu'on était dans un terrain conflictuel. Je voyais les passants qui étaient plutôt contre nos idées, forcément, parce qu'ils venaient acheter leur viande. On leur mettait des images sous le nez, quelque part on leur faisait la morale. Et moi à l'époque, quand je n'étais pas végétalien, quand on faisait la morale, je le prenais mal aussi. De manière générale, je n'aime pas trop le conflit direct. Donc c'était vraiment un mode d'action qui ne me convenait pas, j'avais l'impression de ne pas être à ma place. Donc j'ai fait quelques actions comme ça, quelques marches, quelques manifestations, mais ce n'est pas là où je me sens le plus utile et surtout le plus à l'aise. En 2019-2020, à ce moment-là, je travaille en tant qu'expert en responsabilité civile pour des compagnies d'assurance et je suis spécialisé dans des problématiques environnementales. J'interviens sur des accidents industriels, des incendies, des pollutions des sols, etc. Mais je travaille pour des assurances. Le but, c'est de faire cumuler l'argent aux assurances. Et là, je remets un peu ma vie en question parce que je suis jeune, j'ai envie de faire des choses et je me retrouve à faire un métier qui n'a pas trop de sens pour moi. Et j'ai écouté quelques-uns des podcasts de tentatives. J'ai remarqué qu'il y a souvent ce schéma-là qui arrive, ce sont des gens qui... qui tentent de faire des choses, qui tentent de changer de voie au moment où ils ont quelque part une forme de mal-être ou dans leur travail ou dans leur vie, où ils disent je ne suis pas à ma place, je fais un métier qui n'est pas le mien, je ne suis pas épanoui Et moi, j'ai ressenti ça aussi. Je faisais un métier où vraiment, je me disais je ne suis pas à ma place, je perds mon temps, je passe mes journées épluchées des polices d'assurance, alors que j'ai de l'énergie, j'ai envie de faire des choses Donc, j'avais envie de changer. Et à ce moment-là, en fait, en discutant avec des gens d'A114, je me rends compte que l'A114 recherche des personnes pour faire des missions d'enquête. Donc, je n'ai pas plus d'informations que ça. Mais je les contacte. Finalement, en les rencontrant, je me rends compte qu'ils cherchent des personnes pour faire des infiltrations dans les élevages et dans les abattoirs. Et je me suis dit, là, il faut que je tente. Je me sentais capable d'agir, d'avoir un impact. C'était le moment de ma vie où il fallait que je reprenne un peu ma santé mentale en main et que surtout que je fasse des choses qui me plaisent. Donc j'ai décidé de se faire le pas. Je ne vais pas rentrer dans les détails du recrutement, mais j'ai eu un entretien pour évaluer mes motivations, mes capacités physiques et psychologiques, pour savoir si je suis capable de faire ces infiltrations. Je me rappelle qu'il y avait une question pendant l'entretien, c'était est-ce que j'ai des amis qui sont éleveurs, ou comment je me comporterais si je devais discuter avec un éleveur. Je pense que leur but, c'était de savoir si je n'allais pas sauter sur l'éleveur, commencer à le frapper. Il faut aussi avoir une forme de capacité psychologique et être plutôt sans esprit pour ne pas être dans le conflit avec les gens. Moi qui déteste le conflit, c'était pratique. Je me fous un peu dans le moule et je fais mon travail. En ce moment-là, je suis totalement novice dans le milieu, c'est-à-dire qu'au niveau de la photo et de la vidéo, j'ai un petit appareil photo chez moi, je faisais quelques photos de mon chat, mais ça s'arrêtait là. Je ne connais absolument pas le milieu de l'élevage, je n'ai pas les connaissances techniques des métiers de l'agriculture, en tout cas de l'élevage. Je ne connais pas les abattoirs à travers les vidéos que j'ai pu voir et je ne suis pas journaliste. Donc je n'ai pas cette capacité à m'infiltrer, à filmer en caméra cachée, c'est tout nouveau pour moi. Donc à ce moment-là, j'essaie quand même de me renseigner sur le métier de l'élevage, avoir quelques termes techniques. Je m'entraîne aussi à filmer en caméra cachée. Donc je m'équipe, je vais me promener dans les villes, je vais au restaurant avec pour essayer d'être habitué, d'être à l'aise en portant une caméra. C'est à peu près tout au niveau de la formation que j'ai eue. C'est une formation un peu express par rapport à la caméra, mais sinon je pense que personne ne peut vraiment être prêt à faire des infiltrations. Chaque personne est différente, on a tous des capacités psychologiques différentes. Tenir un mensonge, porter une caméra, être à l'aise dans un environnement assez hostile. Donc... Je ne sais pas si une préparation qui est adéquate pour faire ça, mais j'ai essayé de me préparer comme j'ai pu. Quand je sais que j'ai ce travail, que je vais commencer à m'infiltrer dans les élevages, dans les abattoirs, j'en parle à ma famille, j'en parle à mes amis. Alors on est un peu dans un entre-deux dans le sens où il faut essayer de préserver ce secret, parce que dès qu'on divulgue un secret à quelqu'un, on perd le contrôle de la situation, on prend le risque que ce secret soit de nouveau divulgué à d'autres personnes. Du coup j'en parle quand même à ma famille proche et à mes amis proches, parce que ça me fait du bien, j'ai besoin d'en parler aussi, avoir leur retour. Il y a forcément quelques inquiétudes. parce que c'est quelque chose d'inconnu de nouveau, mais il y a aussi, je pense, beaucoup de gens qui sont contents pour moi parce que c'est quelque chose qui me tient à cœur. Pour une fois, je vais faire un travail qui me plaît, qui est utile et que j'ai vraiment choisi. Quand on fait ces infiltrations, il y a clairement des risques. Il y a les risques, déjà, légaux. On n'a pas le droit de filmer les gens à leur insu. Dans les abattoirs, il y a une clause de confidentialité. Et même dans les élevages, je n'ai pas demandé la permission avant de les filmer. Il y a aussi clairement le risque physique. Moi, j'ai ressenti ça lors de ma deuxième infiltration. À ce moment-là, j'étais ramasseur de volailles dans des élevages de poulets. Et je travaillais avec des équipes la nuit, donc on partait dans des élevages au fin fond de la campagne pour ramasser des poulets. Et là, j'étais entouré de 6 ou 7 personnes un peu rustres. Et moi, j'étais avec mes caméras cachées. Je me dis, s'ils découvrent ça, ça peut mal finir pour moi, parce qu'on est loin des regards, loin des caméras, on est à la campagne. Si je suis démasqué, je pense que je peux passer un sale moment. Par contre, quand on est en abattoir, j'étais un peu plus serein d'un point de vue sécurité physique, dans le sens où on est dans un environnement qui est beaucoup plus industrialisé. C'est une entreprise, il y a des normes, il y a des règles. Et je pense que si j'avais été démasqué, ils m'auraient peut-être insulté, mais ils auraient appelé la police, ça se serait arrêté là. Moi, dans mon cas, je ne m'en fous pas des risques juridiques. C'est juste que ce sont des risques que chaque enquêteur intègre et accepte ou non. Les risques, on les connaît, on essaie de les mesurer. On a quand même la chance, j'ai envie de dire, de vivre dans un pays où on n'est pas encore très réprimandé, où la répression existe, mais elle est quand même plutôt faible. Il y a des pays où on pourrait finir fusillé, où ce serait beaucoup plus grave. En France, clairement, moi, j'ai mesuré le risque. Je ne pense pas faire de la prison pour avoir montré des images dans un abattoir. Au pire, je risque une amende. Donc, c'est un risque qu'on mesure et qu'on accepte. Quand on commence une infiltration comme ça, évidemment, moi, j'étais stressé, angoissé. Je dormais très mal. parce que c'était tout nouveau pour moi. La première fois que j'ai bossé, c'était dans un abattoir où je conditionnais des ailes de poulet. Je ne voyais même pas d'animaux vivants, mais rien que le seul fait de rentrer dans un abattoir, de porter une caméra cachée, d'avoir ce poids-là sur moi, c'était extrêmement stressant et angoissant parce qu'on doit à la fois découvrir un nouveau travail, un travail physique, un travail avec des odeurs horribles, du bruit, on voit des animaux découpés. Et en plus de ça, on porte une caméra cachée. Donc les premières fois sont très stressantes, très angoissantes. Et ensuite, une fois qu'on est un peu plus habitué aux entretiens d'embauche, au recrutement... au premier pas dans un abattoir et qu'on est habitué aussi au port de la caméra, ça devient tout de suite plus acceptable et plus facile à faire. Alors l'idée, quand j'ai rejoint les 214 pour faire ces images-là, c'était de trouver des postes dans les élevages, dans les abattoirs, au contact des animaux vivants. Et finalement, je me suis rendu compte que c'était très difficile d'avoir ces postes-là. Parce que quand on postule dans les élevages, même dans les abattoirs, On passe dans la quasiment totalité des cas par une agence d'intérim. Par exemple, je postule à des postes d'accrocheurs de volailles. Poste, on dirait que c'est là où on peut faire des vidéos, dans le sens où on accroche les volailles vivantes au début de la chaîne d'abattage. Donc là, on peut vraiment voir les animaux qui arrivent par camion. On peut voir dans quelles conditions ils arrivent. On peut voir l'impact que l'accrochage a sur ces animaux. Donc c'est un poste idéal. C'est un poste que je convoitais, bizarrement. Mais c'était difficile de l'avoir parce que quand je postulais à ces offres-là, les agences d'intérim m'appelaient et me proposaient d'autres postes. Des postes de nettoyeur, des postes dans le conditionnement, de colis, de paquets. Et à chaque fois, je refusais ces postes-là, parce que moi, je voulais être avec les animaux vivants. Et du coup, les agences d'intérim ne comprenaient pas pourquoi je voulais être avec les animaux. Donc une fois, j'ai dit que j'aimais les animaux, et donc je voulais vouloir être avec les animaux. La personne n'a pas trop compris, parce qu'évidemment, quand on aime les animaux, on n'a pas envie de les accrocher vivants en abattoir. Mais c'est compliqué, parce que généralement, les agences d'intérim nous proposent d'autres postes qui n'ont absolument aucun lien avec le poste pour lequel j'avais postulé. Soit il faut de la chance, soit il faut être bon lors de l'entretien avec les agences d'intérim pour essayer d'être aiguillé vers le poste idéal. Alors le premier post que j'ai eu, du coup, c'est un post de ramasseur de volailles. Je pense que les gens qui écoutent ce podcast se demandent c'est quoi ramasseur de volailles parce que personne ne connaît ce métier. Mais moi, quand j'ai postulé, je me suis dit tiens, il y a des gens qui ramassent les volailles, on va aller voir ce qui se passe. Avant de parler du post, je vais revenir juste sur l'entretien. J'ai eu un entretien téléphonique. La responsable de l'entreprise me disait il faut venir avec des bottes, il faut venir avec des chaussettes de foot trouées pour se protéger les bras. Si j'ai des gants, c'est mieux. Mais en fait, ils ne me fournissaient aucun équipement de sécurité. Donc, ils me disaient tu viens avec ce que tu as. D'ailleurs, quand je suis arrivé, il y avait une autre personne qui était là, un Africain qui travaillait la journée, qui ramassait des volailles la nuit. Il me disait, comment ça se passe, on ramasse des poulets vivants ou des poulets morts ? Il ne connaissait absolument pas le métier, mais il a été parachuté là. Il est arrivé en chaussures de sport, tout le monde me l'a dit, mais ça ne va pas être possible pour toi, tu vas être mort tes chaussures, parce qu'en fait, on marche dans des tas d'excréments. Je vais revenir sur le métier. Les métiers de ramasseur de volailles, c'est un métier, comme son nom l'indique, on vient dans des élevages de volailles. Généralement la nuit, pour une raison simple, c'est que les abattoirs commencent à travailler très tôt le matin. Généralement vers 5 heures du matin, les abattoirs commencent à ouvrir et à charger des animaux. Donc pour ça, il faut que les animaux soient chargés dans les camions entre 23h et 5h du matin. Ce sont des grands hangars dans lesquels sont entassés à peu près 20 000 poulets ou 10 000 dindes. Ils ont à peu près l'espace d'une feuille à quatre par poulet pour grandir. Et notre métier en tant que ramasseur de volailles, c'est de les ramasser à la main. Il existe aussi des sortes de moissonneuses, mais nous on venait les ramasser à la main. On les met dans des caisses, et ces caisses sont ensuite chargées dans des camions qui partent vers l'abattoir. C'est des caisses-tiroirs, on a à peu près une vingtaine par tiroir. Il y a des tiroirs qui rentrent dans les camions qu'on peut voir sur l'autoroute, c'est 1m50 sur 1m. On les entasse dans des tiroirs. Ce métier, c'est un métier de lien entre les élevages et les abattoirs. La première fois que je rentre dans un élevage, c'est passionnant. Déjà, le loader, c'est... C'est insoutenable. J'invite vraiment n'importe qui qui est là à s'approcher d'un lavage de poulet, même pas de rentrer. On peut venir au port d'un lavage de poulet pour sentir l'odeur. C'est vraiment horrible parce qu'ils vivent pendant, je crois, 30 ou 50 jours dans leur litière qui, au fur et à mesure, se remplit d'excréments. Et du coup, c'est très chargé en ammoniac. C'est vraiment très dur à respirer. Et aussi, la première des choses qu'on voit, c'est la vision de ces animaux entassés les uns sur les autres. Des amas de poulet. Donc, à première vue, on a du mal à voir s'ils sont en bonne santé ou non, tellement en fait, on a une vue globale sur tous les animaux. Et c'est seulement en les ramassant qu'on prend le temps un peu de... Bon, ça va très vite, mais on a quand même le temps d'observer les animaux. Donc, on les ramasse, on en met... Généralement, on en met 4 ou 5 dans chaque main. Donc, on les met entre chaque doigt. On fait des bouquets de poulets. On les prend par les pattes, à l'envers. Ensuite, on les jette dans les caisses. Et vu qu'il faut aller vite, on les claque un peu fort pour gagner du temps. Et même en les ramassant, vu qu'on les met entre nos doigts et qu'on les soulève, avec le poids des poulets, qu'on les soulève et qu'on les tord un peu, des fois, on entend les pattes se briser. On a les poulets qui se débattent aussi, qui donnent des poudelles, qui essaient de nous mordre, de relever la tête, ils nous pissent dessus. Donc c'est assez compliqué pour les animaux, pour nous aussi, mais surtout pour les animaux. L'autre aspect aussi, c'est qu'on attend de voir comment ils sont. Et là, du coup, j'ai pu voir que la plupart des animaux étaient difformes. Les poulets restent 30 jours en élevage. Ils sont ramassés au bout de 30 jours. Et clairement, quand on regarde la durée de vie d'une poule, 30 jours, ce sont des poussins. Sauf que quand on les regarde physiquement, ils sont énormes. Ils ont déjà le corps d'adultes parce que ces poulets ont été sélectionnés génétiquement et que ce sont des souches particulières, donc ils grandissent extrêmement vite en 30 jours. Donc souvent les corps sont énormes par rapport à la taille des pattes. Vu qu'ils sont dans des conditions horribles aussi, très humides, ils ont beaucoup moins de plumes, ils ont des maladies de peau, notamment sous les pieds. Donc on peut voir quand même que les conditions sont désastreuses et en plus de ça, on va leur infliger une souffrance au moment du ramassage. Moi, les élevages dans lesquels j'ai travaillé, c'était en Bourgogne. C'était des poulets de la marque Duc. C'est clairement de la consommation pour le grand public qu'on retrouve dans tous les supermarchés. Et c'est exactement les mêmes modes de pratique, de conditions d'exploitation, d'élevage et de ramassage pour les plus grandes marques, les plus connues, comme le Gaulois, par exemple, du groupe LDC. Donc, c'est tous les animaux qu'on trouve en grande surface, ou même dans les fast-foods, j'ai envie de dire. Je n'ai pas le pourcentage en tête, mais on doit être pas loin des 90%, je pense, des animaux, des volets qui sont enlevés dans des hangars de ce type. J'ai réussi à faire dix nuits de travail et se passer sur un mois. J'avais la chance de pouvoir choisir mon emploi du temps, du coup je m'accordais des temps de repos. Par exemple, je l'ai extrêmement mal vécu d'un point de vue personnel. Je n'arrivais pas à dormir la journée. J'avais un petit logement dans la ville d'Auxerre où je n'arrivais pas à dormir la journée. J'entendais des enfants pleurer dehors, ça me rappelait les cris des bébés. J'entendais les oiseaux chanter dehors, mais pour moi c'était des cris de poulet. Vraiment, j'étais très mal. Physiquement aussi c'était très dur, j'étais épuisé. Et c'était aussi ma première expérience au contact des animaux vivants. Et quelque part la première fois aussi que je faisais souffrir des animaux pour avoir des images. La première nuit de travail, moi je ramassais les poulets à deux mains, un à un, j'essayais de les déposer dans les caisses. Et on m'a dit Ah non, ça ne va pas le faire, on ne va pas reconduire ton contrat, demain tu ne reviens pas, tu es trop lent. On t'a dit qu'il fallait le ramasser par quatre ou cinq, tu ne le fais pas. Et du coup je leur ai dit Bah promis, je vais faire un effort demain. Et j'ai suivi le rythme et j'ai commencé à les ramasser aussi par bouquets plusieurs la fois. Mais c'était très difficile au début pour moi de retourner des animaux par les pattes et de leur faire du mal. Donc ça a été aussi très compliqué psychologiquement. Même mes collègues d'Alepso 14 au début croyaient que je n'allais pas pouvoir continuer en fait, parce que je n'arrivais pas à faire ça. La mission se termine parce que j'avais des images satisfaisantes du ramassage. Je ne pouvais pas faire plus. Les conditions de lumière n'étaient pas bonnes, on travaillait dans le noir. J'avais eu suffisamment d'images de maltraitance et surtout de ce qu'était le métier de ramasseur de volaille. Donc j'ai décidé de ne pas m'infliger plus de douleurs, de violences. Et une fois que j'avais les images, j'ai quitté l'entreprise. Je décide ensuite de postuler à d'autres offres d'emploi, parce que quand on est infiltré, on est lanceur d'alerte, rapidement on peut être démasqué. Et là, j'essaie de profiter du fait que je sois encore anonyme pour enchaîner le plus de métiers possibles, le plus de vidéos. Et surtout, je suis sur ma lancée, donc même si ça, ça a été très dur, très violent, j'ai encore envie de faire des choses. Mine de rien, j'ai réussi à avoir des images, donc j'étais quand même satisfait et motivé. Donc je continue de postuler et j'essaie de faire d'autres enquêtes derrière. La deuxième enquête, j'ai postulé pour un poste d'accrocheur de dindes. Là, c'est un peu le sangrade. Depuis le début, je postulais pour des postes d'accrocheur de volailles. Et là, enfin, j'avais postulé pour l'abattoir de Blancafort, un abattoir de dindes du groupe LDC, qui fournit la marque Le Gaulois, notamment. On m'appelle la veille pour le lendemain. Moi, j'habitais à 5h ou 6h en voiture du lieu. On me dit, est-ce que vous pouvez venir demain matin pour venir accrocher des dindes ? Je dis, bah ouais, OK. Je loue une voiture, je prends Airbnb en vitesse et je fonce vers l'abattoir. Le poste d'accrocheur de dindes, un métier horrible. Clairement, ce que je ne souhaite à personne de faire, c'est extrêmement dur. Ça consiste à accrocher des dindes vivantes sur la chaîne d'abattage. On est en tout début de la ligne d'abattage. Les animaux arrivent vivants par camion. Précédemment, ils ont été ramassés par une équipe de ramassage. Ils arrivent par camion dans un hangar. Et autour de ce camion, il y a deux quais d'accrochage. Donc on est sur des sortes de plateformes, de nacelles. Et on vient, par équipe, sortir les dindes de leur tiroir. et les accrocher à l'envers par les pattes sur des sortes de crochets en forme d'entonnoir. En fait, on vient glisser les pattes dans des crochets pour les accrocher à la chaîne d'abattage. C'est des rails qui sont suspendus à plusieurs mètres de hauteur. Donc déjà, quand on rentre dans le hangar, on voit des dindes qui sont à 5 mètres de hauteur tout le long du hangar. Certaines qui se débattent. C'est une vision majestueusement moche. C'est vraiment très impressionnant. Et on travaille en équipe. Il y a énormément de turnover dans ce métier-là. Les gens ne restent pas. Les gens restent un jour ou deux. Le chef d'équipe... Il m'avait dit avec fierté que même Dergubima n'avait pas réussi à tenir. C'était une sorte de fierté d'avoir un métier qui était difficile. En tout cas, personne ne reste, à la fois pour le côté physique, mais aussi pour le côté sale du métier. Parce que la première chose qui m'a marqué quand j'ai rencontré un de mes futurs collègues, c'était qu'il avait de la merde de dinde sur les lèvres. Il en avait partout autour de lui. Et il parlait normalement. Je me suis dit, ah oui, c'est quand même quelque chose. J'avais aussi des collègues qui étaient brûlés dans le dos. Moi, par exemple, j'étais brûlé aussi au niveau du bras parce qu'au bout de 30 secondes de travail, on est recouvert d'urine, de dinde. Et l'urine de dinde, elle est assez corrosive. Donc au bout d'un moment, ça vient attaquer notre peau. Pourquoi on a recouvert du rhum de dinde ? Parce que les dindes arrivent par camion, elles ont passé plusieurs heures dedans, elles ont uriné dans le camion. Et quand on les ramasse, elles se débattent, elles donnent des coups d'aile, et elles viennent projeter toute la pisse et tout le caca sur nous. Donc on les a rapidement recouverts d'excréments, et c'est des conditions vraiment désastreuses. On fait ce métier-là où, mine de rien, on fait aussi souffrir les animaux. On doit se battre avec les dindes. Les dindes ne veulent pas sortir du camion, ne veulent pas être accrochés, donc c'est un combat entre l'homme et l'animal qui est à la fin évidemment gagné par l'homme mais on est obligé des fois de joyer des collègues et qui claquait les dindes contre le camion pour les calmer parce qu'elles se débattaient sachant qu'une dinde, une femelle ça pèse à peu près 8 kg et les mâles pouvaient peser jusqu'à 20 kg donc c'est quand on a 20 kg qui se débattent entre les mains c'est assez compliqué Dans ce métier-là, moi j'avais des protections, des équipements de protection. J'avais une blouse mais qui malheureusement n'était pas imperméable. C'était une blouse en coton donc au bout de quelques minutes, l'urine de dinde s'imprègne dans le coton et vient au contact de notre peau. On avait aussi un masque qui nous a fait éviter d'avoir de l'urine sur la bouche. Par contre, on n'avait pas de lunettes. Donc on avait souvent de l'urine extrêmement dans les yeux, tout le temps. Et on ne peut pas travailler avec des lunettes parce que sinon on ne voit plus rien. Enfin, c'est bête mais c'est soit on a de la merde dans les yeux, soit on l'a sur les lunettes. Et si on l'a sur les lunettes, on ne va plus pouvoir faire notre travail. Donc on a des équipements de protection mais qui ne sont pas adaptés au travail. J'ai travaillé 7 jours dans cet abattoir et là je suis clairement parti pour des raisons physiques, personnelles, c'est juste que je n'arrivais plus à tenir. J'ai commencé à travailler le mardi. Le vendredi, j'ai même pleuré sur la ligne d'abattage. À un moment, j'étais à bout physiquement, même par rapport à ce que je voyais. On me mettait la pression pour travailler plus vite, les dindes se débattaient. Et à un moment, je me suis pris un coup d'aile. Un coup d'aile de dinde, il faut quand même imaginer une dinde, c'est coran, l'aile peut-être une envergure de plus de 50 cm. Et quand on se prend un coup d'aile dans la tête, c'est une grosse claque. Et là, à ce moment-là, j'ai perdu le contrôle. J'ai tout lâché nerveusement. Et j'ai commencé à pleurer parce que je réalisais au GT. Je voyais les animaux, on me criait dessus pour que j'aille plus vite. Donc j'ai mis une demi-heure à me remettre de cette scène-là. Donc là, je me suis dit, j'arrête, je ne peux plus. J'avais pas mal d'images. J'avais des images d'accrochage, j'avais des images intéressantes. Mais je n'avais pas toutes les images que je voulais. J'ai arrêté ce vendredi. Mais je me suis reposé le week-end et le lundi j'ai contacté l'agence, ils m'ont dit oui, vas-y si tu veux réessayer tu peux revenir. Donc je suis revenu le mardi. Cette journée-là, je ne sais pas pourquoi j'ai eu de la chance, mais on m'a mis sur un autre poste. Il y avait trop de personnes à l'accrochage, donc on m'a mis au poste de nettoyage des carcasses, tout ça, donc c'était vraiment au niveau de la partie abattage. Donc j'ai pu filmer d'autres scènes. Finalement, ça va, j'ai pu avoir les scènes que je voulais en revenant après le week-end. La partie abattage, on a un employé ou deux qui se relaient, qui égorge manuellement les animaux toutes les deux secondes. Toutes les secondes, ils coupent la gorge d'une vinde. Au préalable, en principe, normalement, les animaux sont électrocutés, on l'appelle électro-narcoses, ils sont censés être étourdis par l'électricité. Les animaux qui suivent le rail sont plongés dans un bain électrifié et c'est censé les étourdir. Il y a beaucoup de ratés, notamment si les animaux sont trop proches les uns des autres, la charge n'est pas assez puissante pour que les animaux soient tous étourdis. Donc il y a des ratés, mais sinon dans cet abattoir, les animaux étaient égorgés manuellement. C'est difficile de savoir ce que les autres employés pensent de ces conditions d'abattage, dans le sens où on ne parle pas. Quand on est dans un salle de pause, les gens boivent, mangent un coup. Il y en a certains qui parlent de foot vite fait entre eux, mais sinon on ne parle pas, on n'a pas le temps, on est fatigué, on n'a pas le temps pour ça. Souvent c'est des gens qui ont besoin d'un travail. Il y avait beaucoup d'immigrés aussi sur ce poste-là, c'était beaucoup de travailleurs africains. Il y avait d'autres personnes qui venaient d'autres services qui ont essayé ce poste-là. Ils m'ont dit je ne sais pas comment tu fais, force à toi, courage, moi je vais retourner dans mon poste là-bas, c'est mieux, là je suis venu pour dépanner mais je ne peux pas rester La plupart des gens ne restaient pas et souvent on ne restait que ceux qui avaient vraiment besoin d'argent et d'un travail. L'enquête sur l'accrochage de dinde est sortie et à ce moment-là j'avais déjà été démasqué, c'est-à-dire qu'entre-temps mon nom a été diffusé suite à la sortie de la première enquête sur le ramassage de volaille. Ils ont compris que c'était moi en faisant le... un lien assez simple et rapide. Et du coup, j'étais blacklisté de tous les abattoirs de volailles, tous les élevages de volailles. Toute la filière volaille, on va dire, connaissait mon nom au niveau du recrutement. Je ne pouvais plus intégrer les abattoirs ou les élevages. J'ai quand même réussi à traiter dans un abattoir de caille, sauf qu'il y avait une atmosphère très bizarre autour de moi. J'avais un métier de nettoyeur de caisses, donc j'étais tout seul dans une salle blanche en train de pousser des caisses sales et les récupérer propres et les empiler. Je passais ma journée seul à faire des tas de caisses. Mon chef me surveillait beaucoup. Je devais travailler 5 jours et au bout du troisième jour, j'ai voulu ramener un balai au niveau de la zone où on abattait les animaux pour aller voir comment tuer les cailles. Et à ce moment-là, mon chef a quitté sa zone de travail, il m'a suivi et 30 minutes après, il m'a viré. Il m'a dit non, finalement on n'a plus besoin de toi, c'est bon. Alors qu'une heure avant, il m'avait dit on a besoin de toi samedi aussi parce qu'on est vraiment sur charge de travail, c'est les périodes de fête. Donc il y avait, je pense, une suspicion autour de moi qui venait aussi confirmer le fait que j'avais été démasqué, donc je n'ai pas pu finir ce poste. Pourquoi les gens ne veulent pas me recruter ? Je ne pense pas que ce soit pour cacher des choses qui pourraient faire mal. C'est juste que montrer ce qu'est un abattoir, montrer ce qu'on fait subir aux animaux dans un abattoir, c'est un sujet tabou, c'est un sujet qui fait du bruit et qui vient un peu dénigrer, salir leur image. C'est-à-dire que c'est très compliqué, même pour un journaliste, pour un média, d'accéder à un abattoir et d'obtenir des images dans leur contexte. C'est-à-dire que souvent, les journalistes sont invités dans les abattoirs, mais à ce moment-là, le vêtage ne va pas tourner. ou alors ils vont faire très attention à respecter la réglementation, ils vont baisser la cadence. Donc, ce n'est pas forcément qu'ils ont des choses à cacher. C'est juste que, de base, montrer des images d'un élevage ou d'un abattoir, ça choque les gens, ça les surprend et ils veulent éviter que ça se propage. Décembre 2021, je sors de l'abattoir de Caille et je décide de postuler à des offres d'agent vétérinaire pour des abattoirs de viande bovine. Et l'avantage de ces postes-là, c'est que ce sont des postes qui sont gérés par le ministère de l'Agriculture et donc qui dépendent de l'État et non des abattoirs, des gros groupes. Donc je pense que mon nom n'a pas circulé au niveau de l'État. Je ne connais absolument rien aux abattoirs bovins. Sur mon CV, je ne mets pas de compétences particulières. Je mets que j'ai travaillé dans le bâtiment pour montrer que je suis capable de faire des métiers physiques. J'ai dit que j'avais été ramasseur de volaille ou accrocheur de dinde, histoire de dire quand même que j'ai déjà mis un pied dans un abattoir, ce qui est vrai pour le coup. J'essaie quand même de me renseigner sur une vache, donc je tape vache, viande et je tombe sur des images de vaches découpées en puzzle avec le nom des morceaux de viande. Je me suis dit bon, je vais peut-être apprendre ça, peut-être que ça va m'aider pour l'entretien Et bah absolument pas. Donc j'arrive en entretien en janvier 2021. Je passe l'entretien avec le chef des services vétérinaires, donc c'est le vétérinaire du site. Et en fait, il ne me pose quasiment aucune question. Il me dit juste bon monsieur, votre CV est un peu léger, vous n'avez pas mis grand-chose dedans Moi, je vais mettre ça sur le compte de la jeunesse, c'est pas grave. Moi, ça m'arrange, ça me va. Moins j'en dis, mieux je me porte. Et ensuite, il me fait visiter l'abattoir. Il me montre les postes sur lesquels je vais probablement travailler s'il me recrute. Le poste de contrôle des carcasses, contrôle des abats. Il me laisse dix minutes à côté d'une agent qui travaille. Il m'observe et à la fin, il me demande comment je me sens. Si j'ai eu peur du couteau, du sang. Je lui dis que ça va, que j'ai pas eu trop peur. C'est la seule question qu'il m'a demandé. Et en fait, j'ai été recruté juste là-dessus. donc je n'avais pas de connaissances en milieu vétérinaire, pas de connaissances en viande bovine, ni en abattoir bovin, mais tant que j'étais motivé et disponible, ils m'accrutaient. Et je me doutais aussi un peu que ça allait être facile puisque l'offre était disponible depuis huit mois sur Pôle Emploi, elle était renouvelée régulièrement et je l'ai vu par la suite, ils ont des gros problèmes de recrutement, ils ont du mal à recruter des employés, des agents vétérinaires, et donc si à partir du moment où il y a quelqu'un qui est motivé, qui n'a pas peur, ils le prennent. Le poste d'agent vétérinaire consiste, dans un abattoir de viande bovine en tout cas, à contrôler la salubrité de la viande. Il y a un agent qui observe l'état des animaux lors du déchargement, qui regarde leur passeport, voir s'il n'y a pas des maladies. Mais c'est surtout, une fois que les animaux sont découpés, ça passe par contrôler toutes les carcasses de l'abattoir et essayer de déceler des potentielles maladies, infections, tout ça, qui ensuite partiront dans la consommation. Donc il y a quand même une vraie responsabilité. On contrôle aussi de la même manière les organes, les abats, donc les poumons, le coeur, la tête, la langue. et c'est pareil, c'est nous qui décidons si ces produits, je n'aime pas les appeler comme ça, mais ces produits de consommation peuvent être vendus sur le marché. Tout ce qui n'est pas bon, ça dépend. Il y a certaines maladies ou infections qu'on peut découper pour laisser la partie de la carcasse saine. Il y a des maladies qui font qu'on va jeter toute la carcasse ou tous les abats. Et il y a aussi des abats qui sont impropres à la consommation humaine, mais qu'on va envoyer à la nourriture pour les animaux. Notre partie de mon métier, c'est de contrôler l'abattage sans étourdissement des animaux. On a dans un abattoir bovin, généralement deux types d'abattage. L'abattage dit classique, conventionnel, avec étourdissement. Celui-là, les vaches arrivent au bout d'un couloir. Et au bout de ce couloir, il y a une personne qui a un matador. Et en fait, il a un pistolet qui vient tirer une tige perforante qui va permettre d'étourdir l'animal. Et ensuite, l'animal va être suspendu et ensuite égorgé. Donc ça permet de limiter les souffrances de l'animal au moment de l'abattage. Il y a quand même de la souffrance, mais il y a des études là-dessus. Cette souffrance est limitée avec ce mode d'abattage. Ensuite, il y a l'abattage sans étourdissement. C'est un abattage dit rituel, qui est majoritairement pratiqué en France pour le halal et pour le kachar. Moi, ce que j'ai vu, c'était le halal dans cet abattoir, donc je vais parler du halal. Cet abattage, les animaux sont égorgés vivants, donc il n'y a pas d'étourdissement préalable. Comment ça se passe ? Les animaux, au bout du couloir, cette fois-ci, ne sont pas attendus par un matador, mais ils entrent dans un piège cylindrique. On peut imaginer une sorte de grand tonneau. Et au bout du tonneau, il y a un tout petit espace pour leur tête, avec une mentonnière. Les vaches viennent caler leur tête dans la mentonnière. Il y a des vérins à l'intérieur du tonneau qui viennent se resserrer sur la vache pour la compresser et éviter qu'elle bouge. Ensuite, ce tonneau va tourner à 180 degrés, un demi-tour. Et là, on a un sacrificateur, donc c'est le métier, qui vient égorger la vache vivante. Donc on va lui trancher la gorge pendant qu'elle est encore vivante. Et ça, c'est ce qu'on appelle abattage sans étourdissement ou l'abattage rituel. Normalement, le principe de l'abattage rituel, et notamment du halal, c'est de limiter la souffrance animale et c'est de tuer les animaux dans le bien-être. Là, de ce que j'ai pu voir, c'était absolument pas le cas. On peut le voir notamment lors de l'égorgement, il y a un effet de cisaillement qui fait que les vaches souffrent du cisaillement parce que l'égorgement se fait pas une seule fois. Les vaches, lorsqu'elles sortaient la tête de la mentonnière, paniquaient énormément. Elles se débattaient, elles criaient, parce qu'il y avait encore du sang sur la mentonnière, du sang des vaches précédentes, et surtout parce qu'elles voyaient leurs congénères égorgés, suspendus sur les rails. Normalement, ils sont censés mettre un rideau pour empêcher que les vaches qui vont être égorgées voient les vaches qui ont déjà été égorgées. Sauf que là, le rideau était totalement mal placé. Ici, ça ne revient à rien. Donc en fait, elles tournaient la tête et elles voyaient les vaches égorgées. Et j'ai des images assez fortes, elles sont disponibles. On voit les vaches débattre, crier, et quand elles crient, ça retourne tout l'abattoir en l'eau. se débattent dans tous les sens, elles cherchent du regard et là sans faire d'étude on peut clairement voir le stress et la souffrance à ce moment là. Il faut savoir que j'avais un rôle de contrôle à ce moment là et donc je prenais des notes sur ce que je voyais et je remontais les informations vétérinales. Quand il y avait des non conformités, du stress, je le remontais pour bien faire mon travail et pour pas qu'on me dise bah voilà tu as fait des vidéos mais derrière tu disais rien. Non non j'ai remonté toutes les non conformités et pour supporter ces images, en fait c'est que j'étais concentré sur ce que je voyais. concentrer sur le cadrage de ma vidéo aussi. Mais de rien filmer, c'est pas évident. C'est de rester statique, concentré et de rien laisser transparaître. Donc j'observais beaucoup autour de moi, j'observais les animaux, j'observais ce que je voyais et finalement il y avait une sorte de peut-être de barrière entre les animaux et moi parce que les animaux me regardaient, criaient mais vu que j'étais à la fois concentré sur ce que je faisais, sur mon travail, sur les images, bah c'était un peu moins dur. Quand les vaches criaient, me regardaient évidemment, bah ça me bouleversait, ça me transperçait. Mais je crois que le plus dur c'était quand je regardais les images le soir. Je regardais ce que j'avais filmé. Et quand j'avais enlevé un peu ma barrière, mes protections psychologiques, que j'étais seul face aux images que j'avais tournées, que je prenais le temps de voir le regard des animaux, que je les entendais crier, c'est là où j'avais le plus de mal. Ça m'arrivait de pleurer. Je pense que j'en ai besoin pour évacuer. Et puis pour... Là, j'avais le droit. J'étais chez moi, j'étais seul. Mais sur le terrain, en tout cas, quand je filmais, j'avais vraiment une barrière qui m'empêchait de m'effondrer. J'avais l'impression que le bien-être animal était au libre choix. Par exemple, de temps en temps, je trouvais des fœtus sur un convoyeur parce qu'on abat des vaches gestantes et donc à ce moment-là, forcément, les petits qui ne sont pas encore nés arrivent sur le convoyeur. Sauf que quand on trouve un fœtus prêt à naître, c'est un fœtus qui est âgé de plus de 8 mois, qui est déjà formé, qui a des poils, qui a des dents, qui aura pu des lagues embadées. Quand on trouve un fœtus comme ça, on est censé remonter l'information à un agent vétérinaire ou au chef pour que lui envoie un avertissement à l'éleveur parce que l'éleveur n'est pas censé envoyer des animaux gestants de plus de 8 mois à l'abattoir. Les 12 agents, on n'était que 3 à remonter l'information, dont moi. Je disais, c'est pas normal, on n'est que 3 à remonter l'information, et il ne se passe rien. En fait, le bien-être animal n'a pas vraiment de conséquences. Qu'on dise ou non qu'il y avait un foetus prêt à naître, fondamentalement ça ne va rien changer. La viande sera la même, il n'y aura pas d'impact sanitaire, ça ne change strictement rien. Donc finalement, ces sujets étaient très peu traités. Il y a aussi le fait qu'on était en manque d'effectifs. J'avais vu que dans l'orglementation, on était censé contrôler l'abattage de tous les animaux, sauf que là, on contrôlait 15 vaches sur 500 qui étaient abattues chaque jour. Quand je parlais au chef vétérinaire, il me disait Non mais imagine, poster quelqu'un sous la journée à ce poste-là, c'est pas possible, on va devenir fou. Et puis en plus, on est en sous-effectif. Donc le fait qu'ils soient en sous-effectif, plus qu'il n'y ait pas de conséquences derrière par rapport au bien-être animal, fait qu'il y a beaucoup de disparités, que le bien-être animal est clairement laissé sur le carreau. J'ai essayé aussi d'accéder à d'autres postes dans l'abattoir, notamment à la bouverie. C'est l'endroit où sont déchargés les animaux après le transport. C'est une sorte de grand hangar avec des couloirs métalliques. Donc les animaux sont parqués en attendant d'être abattus. Et là, c'est intéressant parce qu'on peut voir s'il y a des animaux qui arrivent morts lors du transport. On peut voir des animaux blessés. On peut voir les conditions aussi d'attente. Sauf que le problème, c'est que c'est un poste qui est très convoité par les anciens agents vétérinaires. Parce que c'est un poste qui est très facile à faire d'un point de vue personnel, d'un point de vue physique. Ce n'est pas un travail à la chaîne. On est posté sur un bureau. On attend que les transporteurs arrivent. Donc c'est un peu du repos. C'est un peu le poste doré. Donc moi, forcément, on ne m'y mettait pas. Donc j'ai prétexté que je voulais passer mon concours de la fonction publique et que pour ça, j'avais besoin de voir un peu tout ce qui se passait dans un abattoir, d'avoir une connaissance du milieu de la bouverie. Et donc sur mon temps de pause, je prenais des initiatives, je demandais d'aller en bouverie sur mon temps de pause. Et ils étaient plutôt fiers de moi. J'avais un sentiment de culpabilité, mais c'est vrai qu'ils étaient contents de voir que je prenais des initiatives, que je voulais m'instruire et m'informer en vue du concours. Et donc sur mon temps de pause, j'allais en bouverie pour voir ce qui se passait. Et ça, j'ai réussi à accéder seulement au bout de trois mois à la bouverie. Et j'ai dû y aller, je pense, trois fois. Et tous les trois fois, j'ai pu voir, on peut le voir dans les images aussi, des animaux qui arrivent morts, qui arrivent blessés, qui boitent. J'ai pu aussi, en discutant, voir que les animaux pouvaient rester 48 heures sans manger, alors que la réglementation impose un délai qui est beaucoup plus court. En trois jours, j'ai pu voir déjà pas mal de choses en bouverie. Donc je me dis que ça aurait été intéressant aussi de rester plus longtemps, mais malheureusement, j'ai dû partir plus tôt. Quand on est dans un abattoir de bovins, on s'imagine que cet abattoir sert à produire de la viande, mais les abattoirs essaient de prélever le plus de produits possibles sur un animal. Donc il y a la viande, c'est le sujet principal. Mais sinon, on prélève aussi la peau pour en faire du cuir. J'ai même appris au travers de discussions qu'on prélevait des calculs biliaires. Moi, des fois, j'avais des poches de bile, je voulais les percer. On me disait non, non, il ne faut pas que tu les perces, sinon ça va partir aux égouts. Tu la donnes à telle personne. En fait, quand on perce la poche, des fois, on récupère des calculs biliaires et c'est vendu très, très cher au kilo. Donc il y a un business là dessus. On récupère aussi le cuir du visage des vaches pour faire des livres religieux. Il y a tout un tas de produits, ce qu'on appelle des sous-produits, qui sont issus des abattoirs. Ce n'est pas juste la viande. J'ai aussi fait une découverte assez folle, très peu connue en France. De temps en temps, je voyais des fœtus arriver parce qu'on abattait des vaches gestantes. Sauf que ça ne se terminait pas là. Je voyais qu'il y avait des manipulations qui étaient effectuées sur ces fœtus. Quand j'avais une minute de pause entre deux carcasses, j'allais discuter avec l'agent qui récupère les fœtus. Et j'ai pu filmer ces images-là, et en fait, lui, il prélevait du sang sur les fœtus. Et en fait, c'est aussi un sous-produit. On prélève du sang sur les fœtus pour faire du sérum de veau fœtal. Il y avait une personne en charge de faire des poches de sang. Elle faisait, je crois, 4 à 5 litres de sang par jour, pour à la fin en extraire à peu près 2 litres de sérum de veau fœtal. On appelle ça SVF, et c'était commercialisé, je crois que ça sert à l'industrie pharmaceutique, au laboratoire. Ce qui est assez intéressant par rapport à ça aussi, c'est que... en principe, on n'est pas censé abattre des vaches gestantes de plus de 80%, mais quand on a un fœtus qui est âgé depuis demi-mois, forcément on va récupérer plus de sang. Finalement, Bigard se faisait de l'argent sur une pratique qui est normalement illégale. Cette infiltration s'est terminée au bout de 4 mois. D'un point de vue image, j'avais à peu près tout ce que je voulais avoir. J'avais beaucoup d'éléments forts, dont j'avais l'abattage sans étourdissement, j'avais les fœtus. J'avais des preuves de l'absence de formation. Et aussi, j'ai décidé de quitter mon emploi parce que je sentais qu'il y avait des doutes autour de moi. Je voyais le chef d'équipe qui m'observait, qui me regardait du coin de l'œil, qui ne me disait plus bonjour, qui était un peu froid avec moi. Je voyais aussi la vétérinaire qui trouvait que j'avais un comportement exacerbé au sujet de la cause animale. J'étais trop à l'aise, que je prenais un peu trop de liberté. Donc, il y avait beaucoup de choses. Je sentais un climat très bizarre autour de moi. J'ai pu avoir une confirmation de ces doutes. À ce moment-là, je ne me sentais plus en sécurité pour filmer. À partir du moment où je me sentais observé, je me suis dit que ce n'était plus possible de faire des images, que je n'allais plus pouvoir travailler sur l'allemand. Et donc, j'ai décidé de partir, tout simplement. Quand la mission se termine, je me sens à la fois, évidemment, satisfait, parce que je sais que j'ai des images très fortes qui vont aboutir à une belle enquête. Donc, je suis très content de mon travail. Par contre, je suis exténué, je suis fatigué. Ce qui est assez intéressant aussi quand on fait ce métier, c'est qu'on perd en lucidité. C'est-à-dire que moi, je travaillais dans un environnement qui était assez hostile, assez dur, froid, avec du sang, du bruit. Et on perd un peu en lucidité sur ce qu'on voit puisque ça devient un environnement quotidien, normal, avec des gens qui sont tous sourières, qui travaillent normalement, qui chantonnent, qui s'amusent entre eux. Donc c'est assez compliqué de ce point de vue-là. Et j'étais aussi dans un état de... j'ai eu une grosse perte de confiance en moi. C'est-à-dire que quand on fait un travail manuel à la chaîne, quand on est monotâche, quand on passe quatre mois à découper des cœurs, à découper des poumons, à découper des morceaux de viande... et bien à la fin on a l'impression d'être réduit à ça de n'être capable que de faire ça même si on a d'autres compétences même si par le passé on a fait d'autres choses j'avais l'impression d'être bon qu'à faire ça et je me disais mais qu'est-ce que je vais faire de ma vie après en fait là je savais que c'était ma dernière enquête que j'étais plus en mesure physiquement, psychologiquement d'en faire donc je me suis dit maintenant mais qu'est-ce que je vais faire je suis bon à rien, je sais rien faire j'étais pas au top de ma forme même si j'étais content de mes enquêtes c'était un petit moment de ma vie où je broyais pas mal de noir qui m'a aidé à sortir de cet état de tristesse, de mal-être C'est, déjà je veux dire, j'ai eu la chance que cette enquête se termine en juin. Parce que j'ai pu profiter de l'été pour me ressourcer, j'avais la lumière, j'étais bien entouré. J'étais aussi impatient à l'idée que l'enquête sorte. J'avais hâte aussi de voir les répercussions, de pouvoir en parler. À ce moment-là, on a aussi décidé que j'allais témoigner à Visage Découvert, chose qui est assez rare. On s'était dit que c'était quand même plus intéressant d'avoir quelqu'un qui raconte de l'intérieur, pour appuyer un peu les images, et de mettre aussi un visage sur les gens, des fois qui font des infiltrations. Donc ça, ça m'aidait aussi à relever la tête, mais clairement, ce n'était pas les moins les plus faciles. Lorsque l'enquête sort le 28 octobre 2021, je me rappelle parce que c'était mon anniversaire, belle surprise, ça fait un buzz médiatique. On est tous très contents des répercussions médiatiques, ça prend au niveau national, tous les médias sont part du sujet, c'est vraiment un super point. J'ai même pu faire un plateau télé, beaucoup d'interviews. Donc de ce point de vue là, on a eu de la chance parce que ça peut arriver qu'on sorte une enquête et que ça arrive dans une actualité médiatique qui est trop chargée ou autre. Donc là c'était assez positif. Mais au moment de la sortie d'enquête, l'A214 porte plainte et lance une pétition pour réclamer un changement de la législation et notamment demander l'interdiction de l'abattage sans étourdissement. Donc ce n'est pas la fin de l'abattage halal, c'est vraiment sans étourdissement. Juste pour préciser, on peut faire de l'abattage halal avec étourdissement. Il y a des pays comme l'Indonésie, la majorité musulmane, qui font l'abattage halal avec étourdissement. Donc l'A214 demande la fin de l'abattage sans étourdissement des animaux et la fin de l'abattage des vaches gestantes. C'était les deux seules demandes réglementaires de l'A214. Et ensuite, à 1914, on a porté plainte à la fois contre l'État pour des manquements de contrôle du bien-être animal, et à la fois porté plainte contre l'abattoir Bigard pour maltraitance sur l'animal. D'un point de vue personnel, sur le moment, c'est un peu frustrant de voir qu'on demande deux petites choses qui me paraissent accessibles, alors que pour moi c'est tout un système qui est à revoir, l'abattage à la chaîne des animaux, l'exploitation des humains aussi qui font ce travail-là, et on perd vraiment tout le lien avec les animaux. Pour moi, il faudra revoir tout le système. La première plainte contre l'État a abouti, donc L214 est gain de cause. L'État a été reconnu coupable de manquement par rapport au contrôle du bien-être animal et de la formation. Donc ça, c'est quand même un point positif. Et la plainte contre Bigard, je crois, est encore en cours. Moi, dans mon monde idéal, il n'y aura plus d'achatation animale, donc il n'y aura plus d'abattoir. Ça, c'est difficile à entendre pour beaucoup de monde, et je ne pense pas que ce soit atteignable en France, en tout cas, dans n'importe quel pays. Ça, ce serait dans mon monde idéal. Sinon, dans un monde idéal, on va dire, mais avec encore de l'exploitation, je pense par exemple qu'un abattage à la ferme serait déjà mieux, pour plusieurs raisons. Déjà, on évite le transport, on évite peut-être des cadences énormes avec des abattoirs-usines énormes où on tue 500, parfois 1000 vaches par jour. Peut-être qu'un rapport un peu plus proche à l'animal sera souhaitable, c'est-à-dire un animal à la ferme que l'éleveur a connu. Une consommation plus légère aussi, moins de gaspillage. J'invite aussi les gens à s'interroger sur leur consommation, sur la quantité d'animaux qu'ils consomment. quotidien. Dans mon entourage, je pense que c'est un peu représentatif de la France. C'est-à-dire qu'il y a des gens qui ont pris en compte ce que j'ai fait, qui ont pris le temps de regarder, qui ont essayé de faire des efforts pour diminuer leur consommation de viande, en tout cas pour vouloir en discuter calmement, et d'autres qui n'ont pas voulu regarder les images, qui se sont braquées et même à qui j'ai perdu du lien. Donc je pense que ça dépend aussi de la sensibilité des gens. Il y a des personnes qui veulent savoir, qui veulent changer, d'autres qui ne veulent absolument pas. Je pense que c'est aussi très idéologique. Soit on décide de... de s'en foutre, de manger des animaux, de les exploiter, et on met le salut comme ça. C'est une idéologie. Moi, ce que je propose, c'est une autre idéologie, clairement. C'est le fait de plus prendre en compte les animaux, de plus les respecter. Et ça passe par soit une diminution de consommation, soit on ne les consomme plus, soit on est plus attentif à ce qu'on voit lorsqu'on va au zoo, au cirque, on peut peut-être voir des choses qui ne vont pas. Donc, dans ma famille, dans mon entourage, comme en France, c'est des idéologies différentes, des sensibilités différentes, que certaines personnes qui évoluent, qui changent, et d'autres... Avec le recul et quelques années après, je garde franchement que du bon de cette expérience. Ça a duré un an. À ce jour, je n'ai pas de séquelles psychologiques, physiques, je n'ai pas de traumatismes. J'ai quand même la sensation d'avoir fait quelque chose de fort et de grand pour la cause animale. Et je ne pense pas pouvoir faire plus au cours de ma vie. J'ai quand même un sentiment de fierté par rapport à ça. J'ai aussi l'impression d'avoir rendu à la leçon 14 qu'il m'avait donnée. C'est-à-dire que c'est eux qui m'ont permis de prendre conscience sur ce que vivaient les animaux en France à travers des images d'enquête. Et moi, à mon tour, j'ai réalisé des images d'enquête, donc je suis assez content de ça. Cette infiltration a changé beaucoup de choses pour moi. Je pense que déjà, j'ai plus cette frustration de ne rien faire pour les animaux. Ça ne veut pas dire que là, je ne vais plus rien faire dans mon activisme, mais j'ai la sensation d'avoir fait quelque chose d'impactant. Ensuite, dans mon militantisme, ça a aussi changé quelque chose, c'est que je suis beaucoup moins dans l'émotionnel qu'avant. Le fait d'avoir été au contact de violences, de souffrances, d'avoir dû mourir à répétition, ça fait que maintenant j'agis beaucoup moins par émotion. Ça fait aussi que les débats sont beaucoup moins envenimés. Mais quand je parle à quelqu'un, c'est beaucoup plus factuel. Je parle beaucoup plus à travers la logique, à travers les faits. Il y a aussi cet aspect-là de moi qui a changé. Je pense qu'il faut un équilibre entre notre bien-être et notre militantisme. J'ai vu beaucoup d'activistes parler de causes animales jour et nuit et finir en dépression et on ne les voit plus au bout d'un an. Moi, j'essaie de trouver un équilibre du bien-être dans tout ça. Donc, à très long travail, je continue à faire des choses. Mais en dehors de mon temps de travail, j'essaie de m'accorder des moments de loisirs, de développement, autres, de choses un peu plus belles, plus positives. Je pense qu'il est important de trouver un mode d'activisme dans lequel on est à l'aise, dans lequel on a des compétences, mais vraiment, surtout, dans lequel on se sent bien. Comme j'ai dit, aller parler aux gens et être dans le conflit, ce n'est pas pour moi, je ne suis pas à l'aise. Par contre, c'est utile. Je pense que le débat est important. Et il y a... énormément de formes d'activisme. Il y aura des porte-paroles, il y aura des enquêteurs. Il y a aussi, par exemple, on pense à Rodolphe Landman, par exemple, c'est un type qui a ouvert une chaîne de boulangerie végétale. C'est une manière aussi de sensibiliser et aussi de proposer autre chose, parce que maintenant, quand on dit aux gens qu'il faut changer de mode alimentaire, si on ne leur propose rien derrière, rien de bon, d'impétissant, le mur est beaucoup plus haut. Il y a vraiment beaucoup de formes d'activisme en fonction de nos compétences, et surtout en fonction de là où on est à l'aise. J'ai écouté Tentative et ce que je peux voir, c'est qu'il y avait un schéma qui était assez régulier. C'est qu'on avait des gens qui ne se sentaient pas dans leur botte par rapport à leur vie. Et du coup, ils se sont dit, je vais tenter quelque chose, quelque chose qui me plaît. Et ça a été un peu mon cas aussi. Je me suis dit, là, j'en peux plus, ça ne va pas être ça ma vie. Il faut que je tente quelque chose. Il faut que je fasse des choses qui me tiennent à cœur, qui ont du sens et qui me plaisent. Évidemment, j'invite tout le monde à s'écouter et à prendre des risques, à le faire intelligemment aussi. Moi, ça ne s'est pas fait du jour au lendemain non plus. Ça ne s'est pas fait sans un coup de tête et ça s'est aussi fait grâce à une opportunité. Je ne me suis pas non plus jeté dans le vide sans emploi. Donc, on a tous. des parcours de vie différents. On n'a peut-être pas tous les moyens de tout jeter pour compter quelque chose, de prendre des risques. Par contre, évidemment, j'invite tout le monde à prendre des risques, à faire des choses qui ont un impact, à faire des choses qui vous plaisent. Des fois, avec des amis, des collègues, on a tendance à dire que la vie, c'est un peu un jeu vidéo. Ça permet aussi de prendre les choses avec moins d'importance. Même ce que j'ai fait, ça peut être un peu comme un jeu. Je suis rentré avec ma petite caméra, j'ai fait des trucs. Alors, on se couvre un peu, mais je veux savoir, on s'en sort quand même. J'invite vraiment tout le monde à prendre des risques et à faire des choses qui les allongent.

  • Speaker #1

    Vous écoutiez Tentative, le podcast qui laisse la parole à celles et ceux qui tentent de nouvelles expériences. J'espère que l'épisode vous a plu. Si vous voulez en savoir plus sur l'enquête de Thomas ou sur le rôle de l'association L214, je vous mets tous les liens dans la description. Si vous aussi vous voulez partager une expérience qui vous a fait grandir, vous pouvez me contacter sur Instagram. Merci d'avoir écouté et à dans deux semaines pour un nouveau parcours de vie sur Tentative.

Chapters

  • Générique de début

    00:00

  • Comment j'ai grandi

    00:20

  • Rencontre avec un vegan

    01:26

  • L'électrochoc

    02:40

  • J'ai voulu en savoir plus

    03:49

  • 1. Devenir végétalien

    04:30

  • L'impact de notre alimentation

    05:27

  • 2. Premières actions militantes

    07:13

  • 3. Sauter le pas, intégrer L214

    08:11

  • Le recrutement et la préparation

    09:29

  • Annonce à ma famille

    11:07

  • Le risque des infiltrations

    11:41

  • Le stress du début

    13:08

  • Trouver un job en abattoir

    13:51

  • 1er poste: ramasseur de volaille

    15:04

  • Effets secondaires

    19:00

  • Fin de mission

    20:08

  • 2ème poste: accrocheur de dindes

    20:29

  • 7 jours seulement

    24:11

  • La partie abattage

    25:21

  • Entre employés on ne parle pas

    25:57

  • DÉMASQUÉ

    26:34

  • Postuler en abattoir de viande bovine

    28:29

  • Le poste d'agent vétérinaire

    30:17

  • Comment supporter les images ?

    33:18

  • La prise en considération du bien-être animal

    34:36

  • Entrer à la bouverie

    35:52

  • Un business de sous-produits

    37:17

  • Fin de mission, heureux et épuisé à la fois

    38:59

  • La sortie de l'enquête et les retombée médiatiques

    41:33

  • Conclusions judiciaires

    42:57

  • Mon monde idéal

    43:14

  • Un peu de recul

    44:55

  • Trouver un équilibre

    46:09

  • Trouver son mode d'activisme

    46:33

  • Le mot de la fin

    47:14

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Description

Aimer les animaux ET manger de la viande, c'est possible ? Thomas ne s'était pas vraiment posé laquestion avant de tomber sur une vidéo de l'association L214, qui montre le fonctionnement des abattoirs. Dindes, vaches, poulets, Thomas découvre, horrifié, d'où vient réellement le contenu de son assiette. Alors il prend une décision: ne plus consommer de produit d'origine animale. Mais ce n'est pas suffisant, il veut agir. Il quitte son job et rejoint l'association, d'action en action il découvre le mode de militantisme qui lui convient le mieux... les enquêtes en caméra cachée.


Comme pour remercier l'association de lui avoir ouvert les yeux, il se lance à son tour en immersion dans les abattoirs.


Découvrez le parcours militant de Thomas, et l'envers du décor de l'industrie de la viande en France dans ce nouvel épisode !

Pour visionner l'enquête de L214, rdv sur leur site: https://www.l214.com/enquetes/2021/abattoir-bigard-charal-socopa-cuiseaux/?utm_medium=email&utm_source=newsletter&utm_campaign=2021%2F10-abattoir-bigard


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Salut à tous et bienvenue sur Tentative, le podcast qui laisse la parole à celles et ceux qui ont tenté de nouvelles expériences et qui en sont ressortis grandis. Vous écoutez l'épisode inédit de Thomas qui a infiltré des abattoirs pour l'association des défenses des animaux L214. Bonne écoute ! Je m'appelle Thomas Saïdi, j'ai 31 ans, j'étais enquêteur chez L214. Je me suis infiltré dans plusieurs élevages et abattoirs en France pour y filmer les conditions d'exploitation et d'abattage des animaux. Je suis né à Valenciennes, dans le nord de la France. J'ai eu une enfance assez classique. Je suis issu d'un milieu plutôt classe moyenne, pauvre. Et mon rapport aux animaux a été, je pense, le même que la plupart des enfants en France. J'ai grandi avec des chats qui vivaient dans mon jardin, qui étaient semi-adoptés. J'ai toujours aimé les animaux, une sorte de fascination pour les animaux, mais je pense comme beaucoup d'enfants. Je regardais beaucoup de documentaires sur les tigres, sur la faune sauvage. J'aimais les animaux, je les trouvais beaux, et ça s'arrêtait là. À mon époque, les enfants jétériens, ça n'existait pas. En tout cas, dans mon entourage, moi, je n'en avais pas. Pour la petite anecdote, je vous rappelle qu'il y avait un élève qui mangeait bio quand j'avais 9 ans, et tout le monde se moquait de lui dans la classe, parce qu'il avait des repas spécifiques et on ne comprenait pas ce que c'était. Il était vraiment marginalisé et un peu harcelé pour ça, simplement parce qu'il mangeait bio. Donc maintenant, c'est quelque chose de très classique. Je pense qu'à l'époque, s'il y avait eu quelqu'un qui mangeait végétarien ou végétalien, il aurait été vu comme quelqu'un de marginal. J'ai fait une classe prépa, maths et physique. Pendant ces deux années, je n'ai pas eu l'occasion d'être dans le milieu militant parce qu'on est vraiment concentré dans les études. C'est seulement en arrivant en école d'ingénieur, où j'ai rencontré des profils un peu plus différents, variés, où j'avais un peu plus de temps pour réfléchir à d'autres choses, j'avais un amni qui était vegan. Alors lui c'est pareil, tout le monde se moque un peu de lui, avec plus de légèreté que quand j'étais petit. Mais cet ami-là essayait de me montrer des vidéos, me parler des animaux qui mourront en abattoir. Mais avec mes élèves, on se moquait un peu de lui. On me disait qu'il avait perdu du muscle, que le lion mangeait la gazelle. On sortait tous les arguments que maintenant j'essaie de réfuter quand je les entends. Ça a été, je pense, mon premier rapport à la cause animale et au militantisme. C'était de rencontrer quelqu'un qui était vegan pour contrer, on va dire, l'exploitation et la souffrance des animaux. Au début, je pense que ça ne me touchait pas, dans le sens où c'était quelque chose de nouveau. J'avais quoi, 21 ans, 22 ans ? C'est la première fois aussi que j'ai rencontré quelqu'un de végan. Moi, toute la vie, j'ai mangé de la viande. Je ne faisais pas forcément le lien entre l'exploitation des animaux, la souffrance des animaux et un régime alimentaire. Forcément, il y a quelque chose de nouveau et qui vient aussi toucher nos propres habitudes. C'est le cas de l'alimentation. Je me braquais, comme beaucoup. On se braque, on essaie de défendre notre mode de vie, notre mode de consommation. Et ça a résulté forcément dans des débats animés et très clivés. Après mes études, en 2015, j'ai passé 7 ou 8 mois sans emploi, le temps de trouver mon premier emploi. Et à ce moment-là, j'avais beaucoup plus de temps pour lire, pour réfléchir. Et je sais que je regardais aussi, par exemple, beaucoup On n'est pas couché. Il y avait Aymeric Caron qui était chroniqueur et il amenait souvent le sujet de la cause animale sur la table. Et en parallèle, et je sais qu'il y a beaucoup de personnes qui sont devenues sensibles à la cause animale autour de 2015-2016, parce que ça correspond au moment où Wallis 114 a sorti une image qui a fait le Tour de France, une enquête qui est sortie sur les grandes chaînes publiques. où l'on voyait des vaches se faire abattre en abattoir. Et en fait, à ce moment-là, moi j'ai été, je pense, dans ma chambre, j'étais avec mon chat, que je choyais, que je caressais, que je voulais défendre coûte que coûte. Et là, je suis tombé sur ces images de vaches en train de se faire abattre, en train de crier sans défense, vraiment dans un environnement industriel qui était assez horrifique. Et quand j'ai vu ces images, ça m'a vraiment fait un choc, où je me suis dit, mais attends, j'ai 23 ans, c'est la première fois que je vois une vache se faire abattre. C'est la première fois que je vois comment ils produisent mon steak. Et là, vraiment, je me suis dit, on m'a menti toute ma vie, en fait. J'ai l'impression qu'on m'a caché ça. Voilà, donc quand on découvre une nouvelle réalité avant 3 ans, on a envie d'en savoir plus, on a envie de creuser. Et pour moi, c'était un peu l'électrochoc. Par la suite, j'ai voulu en savoir plus. J'ai commencé à regarder d'autres enquêtes d'L214 sur les conditions d'élevage, sur les conditions d'abattage. J'ai aussi lu des livres. J'ai commencé par le livre d'Amerika Ron, qui s'appelle Antispécistes, qui parle de notre rapport aux animaux, de la manière dont on les traite en France. C'est assez intéressant comme livre, assez complet. Ensuite, j'ai regardé des documentaires. Et j'ai lu d'autres livres aussi, le livre de Mathieu Ricard, Plédoïe pour les animaux, qui est aussi très complet, et très intéressant, très instructif. Et en lisant tous ces ouvrages, en regardant les documentaires, je me suis dit que c'était un sujet qui me touchait beaucoup, et il fallait aussi que j'agisse. Je ne pouvais pas continuer à rester sans rien faire, il fallait que je change déjà à mon échelle. En 2016, la première chose que je fais déjà, c'est devenir végétalien. Pour me sentir plus en paix avec moi-même, j'enlève toute forme d'exploitation animale de mon assiette. Je ne vais plus aux zoos, je ne vais plus aux cirques. J'essaie vraiment déjà d'être en règle avec moi-même, on va dire, et de ne plus contribuer à cette exploitation animale. De mon côté, ça n'a pas été forcément difficile d'un point de vue purement nutrition, parce que déjà, je ne mangeais pas énormément de fromage. Je mangeais la viande assez régulièrement. J'ai essayé de remplacer la viande par des steaks industriels. Ce n'était pas très bon. Au début, je me forçais, je me disais, bon, moi, ce n'est pas grave, il vaut mieux que je fasse comme ça plutôt que que je mange de la viande. Et au fur et à mesure, j'ai commencé quand même à apprendre à cuisiner. Je cuisinais très mal quand je n'étais pas végétalien. Maintenant, du coup, je me suis intéressé à la cuisine. J'ai appris à cuisiner autre chose que des steaks industriels qui avaient un goût un peu bizarre. J'ai appris à cuisiner, j'ai aussi fait des bilans sanguins pour me rassurer et rassurer ma famille. Donc tous les ans, je fais des tests, je prends bien ma vitamine B12 régulièrement, ça c'est important. Et tout va bien, ça fait 10 ans que je suis végétalien et je n'ai pas de soucis de santé par rapport à ça. Quand on mange de la chair animale, il y a un impact qui est visible, qui est clair pour les animaux. Ce sont des animaux qu'on tue et on va manger leur chair. Donc là, tout le monde voit où est la souffrance, puisque ce sont des animaux qui sont nés... exploitées, enfermées dans des élevages sans lumière, qui sont situées en abattoir, simplement pour leur chair. Maintenant, quand on mange des œufs ou qu'on boit du lait, on a l'impression que c'est quelque chose qui est différent, et ce sont des industries qui sont totalement liées et complémentaires. Les vaches laitières, par exemple, pour qu'elles donnent du lait, il faut les inséminer. Beaucoup de personnes pensent que les vaches donnent du lait de manière continue, sans rien faire, mais non, c'est comme les humains, c'est tout à fait pareil, c'est des mammifères. Pour qu'elles donnent du lait, il faut qu'elles aient un veau. Pour ça, on va les inséminer artificiellement. Une fois que les veaux vont naître, soit les veaux vont devenir de nouvelles vaches laitières, soit si ce sont des mâles, ils partiront à l'abattoir. Donc ça va nourrir la filière viande. Et ensuite, les vaches laitières, au bout de six ans ou plusieurs années, lorsqu'elles sont trop fatiguées et qu'elles donnent moins de lait, on les envoie à l'abattoir. Et encore une fois, ce qu'on mange, ce qu'on appelle du bœuf, dans la moitié des cas, c'est une vache laitière en fin de vie. Donc il y a un lien direct entre consommation de produits laitiers et consommation de viande, dans le sens où ce sont des industries qui sont complémentaires. Après, si on parle clairement d'un point de vue souffrance, exploitation, ça dépend aussi des élevages. Les élevages ne se valent pas et ça dépend aussi des pratiques plus ou moins cruelles selon les animaux. Quand on parle des vaches laitières, par exemple, le fait de les traire à longueur de journée pendant une très longue période, clairement, ça crée des problèmes de santé pour les vaches laitières. Il y a aussi la séparation entre le veau et la mère qui se fait dès le premier jour, qui est assez douloureuse pour la vache et pour le veau. Si on parle des oeufs aussi, par exemple. Là, ça va dépendre aussi du type d'élevage des poules fondeuses. Il y a les élevages en batterie, en cage, où les volailles sont dans des cages entassées à 4 ou 5 dedans et elles fondent des œufs de manière continue, elles ne voient jamais la lumière du jour. Et là, on peut imaginer un peu les conditions assez horribles. Et ça diffère quand même des élevages de poules fondeuses en plein air. Ça dépend à la fois des espèces animales et aussi du type d'élevage. Ensuite, j'essaie de m'impliquer différemment. collectivement. Je vois sur les réseaux sociaux la plupart des gens parlent de nourriture, partagent des recettes, c'est pas quelque chose qui me parle forcément. J'essaie aussi de rejoindre des groupes de bénévoles, notamment chez L214, et j'ai participé à quelques actions sauf que je me sentais vraiment pas à l'aise dans ces actions. J'ai participé à une action par exemple où on était sur un marché à côté d'une boucherie, on tenait des pancartes et en même temps on entendait des cris de cochons. Et là je voyais qu'on était dans un terrain conflictuel. Je voyais les passants qui étaient plutôt contre nos idées, forcément, parce qu'ils venaient acheter leur viande. On leur mettait des images sous le nez, quelque part on leur faisait la morale. Et moi à l'époque, quand je n'étais pas végétalien, quand on faisait la morale, je le prenais mal aussi. De manière générale, je n'aime pas trop le conflit direct. Donc c'était vraiment un mode d'action qui ne me convenait pas, j'avais l'impression de ne pas être à ma place. Donc j'ai fait quelques actions comme ça, quelques marches, quelques manifestations, mais ce n'est pas là où je me sens le plus utile et surtout le plus à l'aise. En 2019-2020, à ce moment-là, je travaille en tant qu'expert en responsabilité civile pour des compagnies d'assurance et je suis spécialisé dans des problématiques environnementales. J'interviens sur des accidents industriels, des incendies, des pollutions des sols, etc. Mais je travaille pour des assurances. Le but, c'est de faire cumuler l'argent aux assurances. Et là, je remets un peu ma vie en question parce que je suis jeune, j'ai envie de faire des choses et je me retrouve à faire un métier qui n'a pas trop de sens pour moi. Et j'ai écouté quelques-uns des podcasts de tentatives. J'ai remarqué qu'il y a souvent ce schéma-là qui arrive, ce sont des gens qui... qui tentent de faire des choses, qui tentent de changer de voie au moment où ils ont quelque part une forme de mal-être ou dans leur travail ou dans leur vie, où ils disent je ne suis pas à ma place, je fais un métier qui n'est pas le mien, je ne suis pas épanoui Et moi, j'ai ressenti ça aussi. Je faisais un métier où vraiment, je me disais je ne suis pas à ma place, je perds mon temps, je passe mes journées épluchées des polices d'assurance, alors que j'ai de l'énergie, j'ai envie de faire des choses Donc, j'avais envie de changer. Et à ce moment-là, en fait, en discutant avec des gens d'A114, je me rends compte que l'A114 recherche des personnes pour faire des missions d'enquête. Donc, je n'ai pas plus d'informations que ça. Mais je les contacte. Finalement, en les rencontrant, je me rends compte qu'ils cherchent des personnes pour faire des infiltrations dans les élevages et dans les abattoirs. Et je me suis dit, là, il faut que je tente. Je me sentais capable d'agir, d'avoir un impact. C'était le moment de ma vie où il fallait que je reprenne un peu ma santé mentale en main et que surtout que je fasse des choses qui me plaisent. Donc j'ai décidé de se faire le pas. Je ne vais pas rentrer dans les détails du recrutement, mais j'ai eu un entretien pour évaluer mes motivations, mes capacités physiques et psychologiques, pour savoir si je suis capable de faire ces infiltrations. Je me rappelle qu'il y avait une question pendant l'entretien, c'était est-ce que j'ai des amis qui sont éleveurs, ou comment je me comporterais si je devais discuter avec un éleveur. Je pense que leur but, c'était de savoir si je n'allais pas sauter sur l'éleveur, commencer à le frapper. Il faut aussi avoir une forme de capacité psychologique et être plutôt sans esprit pour ne pas être dans le conflit avec les gens. Moi qui déteste le conflit, c'était pratique. Je me fous un peu dans le moule et je fais mon travail. En ce moment-là, je suis totalement novice dans le milieu, c'est-à-dire qu'au niveau de la photo et de la vidéo, j'ai un petit appareil photo chez moi, je faisais quelques photos de mon chat, mais ça s'arrêtait là. Je ne connais absolument pas le milieu de l'élevage, je n'ai pas les connaissances techniques des métiers de l'agriculture, en tout cas de l'élevage. Je ne connais pas les abattoirs à travers les vidéos que j'ai pu voir et je ne suis pas journaliste. Donc je n'ai pas cette capacité à m'infiltrer, à filmer en caméra cachée, c'est tout nouveau pour moi. Donc à ce moment-là, j'essaie quand même de me renseigner sur le métier de l'élevage, avoir quelques termes techniques. Je m'entraîne aussi à filmer en caméra cachée. Donc je m'équipe, je vais me promener dans les villes, je vais au restaurant avec pour essayer d'être habitué, d'être à l'aise en portant une caméra. C'est à peu près tout au niveau de la formation que j'ai eue. C'est une formation un peu express par rapport à la caméra, mais sinon je pense que personne ne peut vraiment être prêt à faire des infiltrations. Chaque personne est différente, on a tous des capacités psychologiques différentes. Tenir un mensonge, porter une caméra, être à l'aise dans un environnement assez hostile. Donc... Je ne sais pas si une préparation qui est adéquate pour faire ça, mais j'ai essayé de me préparer comme j'ai pu. Quand je sais que j'ai ce travail, que je vais commencer à m'infiltrer dans les élevages, dans les abattoirs, j'en parle à ma famille, j'en parle à mes amis. Alors on est un peu dans un entre-deux dans le sens où il faut essayer de préserver ce secret, parce que dès qu'on divulgue un secret à quelqu'un, on perd le contrôle de la situation, on prend le risque que ce secret soit de nouveau divulgué à d'autres personnes. Du coup j'en parle quand même à ma famille proche et à mes amis proches, parce que ça me fait du bien, j'ai besoin d'en parler aussi, avoir leur retour. Il y a forcément quelques inquiétudes. parce que c'est quelque chose d'inconnu de nouveau, mais il y a aussi, je pense, beaucoup de gens qui sont contents pour moi parce que c'est quelque chose qui me tient à cœur. Pour une fois, je vais faire un travail qui me plaît, qui est utile et que j'ai vraiment choisi. Quand on fait ces infiltrations, il y a clairement des risques. Il y a les risques, déjà, légaux. On n'a pas le droit de filmer les gens à leur insu. Dans les abattoirs, il y a une clause de confidentialité. Et même dans les élevages, je n'ai pas demandé la permission avant de les filmer. Il y a aussi clairement le risque physique. Moi, j'ai ressenti ça lors de ma deuxième infiltration. À ce moment-là, j'étais ramasseur de volailles dans des élevages de poulets. Et je travaillais avec des équipes la nuit, donc on partait dans des élevages au fin fond de la campagne pour ramasser des poulets. Et là, j'étais entouré de 6 ou 7 personnes un peu rustres. Et moi, j'étais avec mes caméras cachées. Je me dis, s'ils découvrent ça, ça peut mal finir pour moi, parce qu'on est loin des regards, loin des caméras, on est à la campagne. Si je suis démasqué, je pense que je peux passer un sale moment. Par contre, quand on est en abattoir, j'étais un peu plus serein d'un point de vue sécurité physique, dans le sens où on est dans un environnement qui est beaucoup plus industrialisé. C'est une entreprise, il y a des normes, il y a des règles. Et je pense que si j'avais été démasqué, ils m'auraient peut-être insulté, mais ils auraient appelé la police, ça se serait arrêté là. Moi, dans mon cas, je ne m'en fous pas des risques juridiques. C'est juste que ce sont des risques que chaque enquêteur intègre et accepte ou non. Les risques, on les connaît, on essaie de les mesurer. On a quand même la chance, j'ai envie de dire, de vivre dans un pays où on n'est pas encore très réprimandé, où la répression existe, mais elle est quand même plutôt faible. Il y a des pays où on pourrait finir fusillé, où ce serait beaucoup plus grave. En France, clairement, moi, j'ai mesuré le risque. Je ne pense pas faire de la prison pour avoir montré des images dans un abattoir. Au pire, je risque une amende. Donc, c'est un risque qu'on mesure et qu'on accepte. Quand on commence une infiltration comme ça, évidemment, moi, j'étais stressé, angoissé. Je dormais très mal. parce que c'était tout nouveau pour moi. La première fois que j'ai bossé, c'était dans un abattoir où je conditionnais des ailes de poulet. Je ne voyais même pas d'animaux vivants, mais rien que le seul fait de rentrer dans un abattoir, de porter une caméra cachée, d'avoir ce poids-là sur moi, c'était extrêmement stressant et angoissant parce qu'on doit à la fois découvrir un nouveau travail, un travail physique, un travail avec des odeurs horribles, du bruit, on voit des animaux découpés. Et en plus de ça, on porte une caméra cachée. Donc les premières fois sont très stressantes, très angoissantes. Et ensuite, une fois qu'on est un peu plus habitué aux entretiens d'embauche, au recrutement... au premier pas dans un abattoir et qu'on est habitué aussi au port de la caméra, ça devient tout de suite plus acceptable et plus facile à faire. Alors l'idée, quand j'ai rejoint les 214 pour faire ces images-là, c'était de trouver des postes dans les élevages, dans les abattoirs, au contact des animaux vivants. Et finalement, je me suis rendu compte que c'était très difficile d'avoir ces postes-là. Parce que quand on postule dans les élevages, même dans les abattoirs, On passe dans la quasiment totalité des cas par une agence d'intérim. Par exemple, je postule à des postes d'accrocheurs de volailles. Poste, on dirait que c'est là où on peut faire des vidéos, dans le sens où on accroche les volailles vivantes au début de la chaîne d'abattage. Donc là, on peut vraiment voir les animaux qui arrivent par camion. On peut voir dans quelles conditions ils arrivent. On peut voir l'impact que l'accrochage a sur ces animaux. Donc c'est un poste idéal. C'est un poste que je convoitais, bizarrement. Mais c'était difficile de l'avoir parce que quand je postulais à ces offres-là, les agences d'intérim m'appelaient et me proposaient d'autres postes. Des postes de nettoyeur, des postes dans le conditionnement, de colis, de paquets. Et à chaque fois, je refusais ces postes-là, parce que moi, je voulais être avec les animaux vivants. Et du coup, les agences d'intérim ne comprenaient pas pourquoi je voulais être avec les animaux. Donc une fois, j'ai dit que j'aimais les animaux, et donc je voulais vouloir être avec les animaux. La personne n'a pas trop compris, parce qu'évidemment, quand on aime les animaux, on n'a pas envie de les accrocher vivants en abattoir. Mais c'est compliqué, parce que généralement, les agences d'intérim nous proposent d'autres postes qui n'ont absolument aucun lien avec le poste pour lequel j'avais postulé. Soit il faut de la chance, soit il faut être bon lors de l'entretien avec les agences d'intérim pour essayer d'être aiguillé vers le poste idéal. Alors le premier post que j'ai eu, du coup, c'est un post de ramasseur de volailles. Je pense que les gens qui écoutent ce podcast se demandent c'est quoi ramasseur de volailles parce que personne ne connaît ce métier. Mais moi, quand j'ai postulé, je me suis dit tiens, il y a des gens qui ramassent les volailles, on va aller voir ce qui se passe. Avant de parler du post, je vais revenir juste sur l'entretien. J'ai eu un entretien téléphonique. La responsable de l'entreprise me disait il faut venir avec des bottes, il faut venir avec des chaussettes de foot trouées pour se protéger les bras. Si j'ai des gants, c'est mieux. Mais en fait, ils ne me fournissaient aucun équipement de sécurité. Donc, ils me disaient tu viens avec ce que tu as. D'ailleurs, quand je suis arrivé, il y avait une autre personne qui était là, un Africain qui travaillait la journée, qui ramassait des volailles la nuit. Il me disait, comment ça se passe, on ramasse des poulets vivants ou des poulets morts ? Il ne connaissait absolument pas le métier, mais il a été parachuté là. Il est arrivé en chaussures de sport, tout le monde me l'a dit, mais ça ne va pas être possible pour toi, tu vas être mort tes chaussures, parce qu'en fait, on marche dans des tas d'excréments. Je vais revenir sur le métier. Les métiers de ramasseur de volailles, c'est un métier, comme son nom l'indique, on vient dans des élevages de volailles. Généralement la nuit, pour une raison simple, c'est que les abattoirs commencent à travailler très tôt le matin. Généralement vers 5 heures du matin, les abattoirs commencent à ouvrir et à charger des animaux. Donc pour ça, il faut que les animaux soient chargés dans les camions entre 23h et 5h du matin. Ce sont des grands hangars dans lesquels sont entassés à peu près 20 000 poulets ou 10 000 dindes. Ils ont à peu près l'espace d'une feuille à quatre par poulet pour grandir. Et notre métier en tant que ramasseur de volailles, c'est de les ramasser à la main. Il existe aussi des sortes de moissonneuses, mais nous on venait les ramasser à la main. On les met dans des caisses, et ces caisses sont ensuite chargées dans des camions qui partent vers l'abattoir. C'est des caisses-tiroirs, on a à peu près une vingtaine par tiroir. Il y a des tiroirs qui rentrent dans les camions qu'on peut voir sur l'autoroute, c'est 1m50 sur 1m. On les entasse dans des tiroirs. Ce métier, c'est un métier de lien entre les élevages et les abattoirs. La première fois que je rentre dans un élevage, c'est passionnant. Déjà, le loader, c'est... C'est insoutenable. J'invite vraiment n'importe qui qui est là à s'approcher d'un lavage de poulet, même pas de rentrer. On peut venir au port d'un lavage de poulet pour sentir l'odeur. C'est vraiment horrible parce qu'ils vivent pendant, je crois, 30 ou 50 jours dans leur litière qui, au fur et à mesure, se remplit d'excréments. Et du coup, c'est très chargé en ammoniac. C'est vraiment très dur à respirer. Et aussi, la première des choses qu'on voit, c'est la vision de ces animaux entassés les uns sur les autres. Des amas de poulet. Donc, à première vue, on a du mal à voir s'ils sont en bonne santé ou non, tellement en fait, on a une vue globale sur tous les animaux. Et c'est seulement en les ramassant qu'on prend le temps un peu de... Bon, ça va très vite, mais on a quand même le temps d'observer les animaux. Donc, on les ramasse, on en met... Généralement, on en met 4 ou 5 dans chaque main. Donc, on les met entre chaque doigt. On fait des bouquets de poulets. On les prend par les pattes, à l'envers. Ensuite, on les jette dans les caisses. Et vu qu'il faut aller vite, on les claque un peu fort pour gagner du temps. Et même en les ramassant, vu qu'on les met entre nos doigts et qu'on les soulève, avec le poids des poulets, qu'on les soulève et qu'on les tord un peu, des fois, on entend les pattes se briser. On a les poulets qui se débattent aussi, qui donnent des poudelles, qui essaient de nous mordre, de relever la tête, ils nous pissent dessus. Donc c'est assez compliqué pour les animaux, pour nous aussi, mais surtout pour les animaux. L'autre aspect aussi, c'est qu'on attend de voir comment ils sont. Et là, du coup, j'ai pu voir que la plupart des animaux étaient difformes. Les poulets restent 30 jours en élevage. Ils sont ramassés au bout de 30 jours. Et clairement, quand on regarde la durée de vie d'une poule, 30 jours, ce sont des poussins. Sauf que quand on les regarde physiquement, ils sont énormes. Ils ont déjà le corps d'adultes parce que ces poulets ont été sélectionnés génétiquement et que ce sont des souches particulières, donc ils grandissent extrêmement vite en 30 jours. Donc souvent les corps sont énormes par rapport à la taille des pattes. Vu qu'ils sont dans des conditions horribles aussi, très humides, ils ont beaucoup moins de plumes, ils ont des maladies de peau, notamment sous les pieds. Donc on peut voir quand même que les conditions sont désastreuses et en plus de ça, on va leur infliger une souffrance au moment du ramassage. Moi, les élevages dans lesquels j'ai travaillé, c'était en Bourgogne. C'était des poulets de la marque Duc. C'est clairement de la consommation pour le grand public qu'on retrouve dans tous les supermarchés. Et c'est exactement les mêmes modes de pratique, de conditions d'exploitation, d'élevage et de ramassage pour les plus grandes marques, les plus connues, comme le Gaulois, par exemple, du groupe LDC. Donc, c'est tous les animaux qu'on trouve en grande surface, ou même dans les fast-foods, j'ai envie de dire. Je n'ai pas le pourcentage en tête, mais on doit être pas loin des 90%, je pense, des animaux, des volets qui sont enlevés dans des hangars de ce type. J'ai réussi à faire dix nuits de travail et se passer sur un mois. J'avais la chance de pouvoir choisir mon emploi du temps, du coup je m'accordais des temps de repos. Par exemple, je l'ai extrêmement mal vécu d'un point de vue personnel. Je n'arrivais pas à dormir la journée. J'avais un petit logement dans la ville d'Auxerre où je n'arrivais pas à dormir la journée. J'entendais des enfants pleurer dehors, ça me rappelait les cris des bébés. J'entendais les oiseaux chanter dehors, mais pour moi c'était des cris de poulet. Vraiment, j'étais très mal. Physiquement aussi c'était très dur, j'étais épuisé. Et c'était aussi ma première expérience au contact des animaux vivants. Et quelque part la première fois aussi que je faisais souffrir des animaux pour avoir des images. La première nuit de travail, moi je ramassais les poulets à deux mains, un à un, j'essayais de les déposer dans les caisses. Et on m'a dit Ah non, ça ne va pas le faire, on ne va pas reconduire ton contrat, demain tu ne reviens pas, tu es trop lent. On t'a dit qu'il fallait le ramasser par quatre ou cinq, tu ne le fais pas. Et du coup je leur ai dit Bah promis, je vais faire un effort demain. Et j'ai suivi le rythme et j'ai commencé à les ramasser aussi par bouquets plusieurs la fois. Mais c'était très difficile au début pour moi de retourner des animaux par les pattes et de leur faire du mal. Donc ça a été aussi très compliqué psychologiquement. Même mes collègues d'Alepso 14 au début croyaient que je n'allais pas pouvoir continuer en fait, parce que je n'arrivais pas à faire ça. La mission se termine parce que j'avais des images satisfaisantes du ramassage. Je ne pouvais pas faire plus. Les conditions de lumière n'étaient pas bonnes, on travaillait dans le noir. J'avais eu suffisamment d'images de maltraitance et surtout de ce qu'était le métier de ramasseur de volaille. Donc j'ai décidé de ne pas m'infliger plus de douleurs, de violences. Et une fois que j'avais les images, j'ai quitté l'entreprise. Je décide ensuite de postuler à d'autres offres d'emploi, parce que quand on est infiltré, on est lanceur d'alerte, rapidement on peut être démasqué. Et là, j'essaie de profiter du fait que je sois encore anonyme pour enchaîner le plus de métiers possibles, le plus de vidéos. Et surtout, je suis sur ma lancée, donc même si ça, ça a été très dur, très violent, j'ai encore envie de faire des choses. Mine de rien, j'ai réussi à avoir des images, donc j'étais quand même satisfait et motivé. Donc je continue de postuler et j'essaie de faire d'autres enquêtes derrière. La deuxième enquête, j'ai postulé pour un poste d'accrocheur de dindes. Là, c'est un peu le sangrade. Depuis le début, je postulais pour des postes d'accrocheur de volailles. Et là, enfin, j'avais postulé pour l'abattoir de Blancafort, un abattoir de dindes du groupe LDC, qui fournit la marque Le Gaulois, notamment. On m'appelle la veille pour le lendemain. Moi, j'habitais à 5h ou 6h en voiture du lieu. On me dit, est-ce que vous pouvez venir demain matin pour venir accrocher des dindes ? Je dis, bah ouais, OK. Je loue une voiture, je prends Airbnb en vitesse et je fonce vers l'abattoir. Le poste d'accrocheur de dindes, un métier horrible. Clairement, ce que je ne souhaite à personne de faire, c'est extrêmement dur. Ça consiste à accrocher des dindes vivantes sur la chaîne d'abattage. On est en tout début de la ligne d'abattage. Les animaux arrivent vivants par camion. Précédemment, ils ont été ramassés par une équipe de ramassage. Ils arrivent par camion dans un hangar. Et autour de ce camion, il y a deux quais d'accrochage. Donc on est sur des sortes de plateformes, de nacelles. Et on vient, par équipe, sortir les dindes de leur tiroir. et les accrocher à l'envers par les pattes sur des sortes de crochets en forme d'entonnoir. En fait, on vient glisser les pattes dans des crochets pour les accrocher à la chaîne d'abattage. C'est des rails qui sont suspendus à plusieurs mètres de hauteur. Donc déjà, quand on rentre dans le hangar, on voit des dindes qui sont à 5 mètres de hauteur tout le long du hangar. Certaines qui se débattent. C'est une vision majestueusement moche. C'est vraiment très impressionnant. Et on travaille en équipe. Il y a énormément de turnover dans ce métier-là. Les gens ne restent pas. Les gens restent un jour ou deux. Le chef d'équipe... Il m'avait dit avec fierté que même Dergubima n'avait pas réussi à tenir. C'était une sorte de fierté d'avoir un métier qui était difficile. En tout cas, personne ne reste, à la fois pour le côté physique, mais aussi pour le côté sale du métier. Parce que la première chose qui m'a marqué quand j'ai rencontré un de mes futurs collègues, c'était qu'il avait de la merde de dinde sur les lèvres. Il en avait partout autour de lui. Et il parlait normalement. Je me suis dit, ah oui, c'est quand même quelque chose. J'avais aussi des collègues qui étaient brûlés dans le dos. Moi, par exemple, j'étais brûlé aussi au niveau du bras parce qu'au bout de 30 secondes de travail, on est recouvert d'urine, de dinde. Et l'urine de dinde, elle est assez corrosive. Donc au bout d'un moment, ça vient attaquer notre peau. Pourquoi on a recouvert du rhum de dinde ? Parce que les dindes arrivent par camion, elles ont passé plusieurs heures dedans, elles ont uriné dans le camion. Et quand on les ramasse, elles se débattent, elles donnent des coups d'aile, et elles viennent projeter toute la pisse et tout le caca sur nous. Donc on les a rapidement recouverts d'excréments, et c'est des conditions vraiment désastreuses. On fait ce métier-là où, mine de rien, on fait aussi souffrir les animaux. On doit se battre avec les dindes. Les dindes ne veulent pas sortir du camion, ne veulent pas être accrochés, donc c'est un combat entre l'homme et l'animal qui est à la fin évidemment gagné par l'homme mais on est obligé des fois de joyer des collègues et qui claquait les dindes contre le camion pour les calmer parce qu'elles se débattaient sachant qu'une dinde, une femelle ça pèse à peu près 8 kg et les mâles pouvaient peser jusqu'à 20 kg donc c'est quand on a 20 kg qui se débattent entre les mains c'est assez compliqué Dans ce métier-là, moi j'avais des protections, des équipements de protection. J'avais une blouse mais qui malheureusement n'était pas imperméable. C'était une blouse en coton donc au bout de quelques minutes, l'urine de dinde s'imprègne dans le coton et vient au contact de notre peau. On avait aussi un masque qui nous a fait éviter d'avoir de l'urine sur la bouche. Par contre, on n'avait pas de lunettes. Donc on avait souvent de l'urine extrêmement dans les yeux, tout le temps. Et on ne peut pas travailler avec des lunettes parce que sinon on ne voit plus rien. Enfin, c'est bête mais c'est soit on a de la merde dans les yeux, soit on l'a sur les lunettes. Et si on l'a sur les lunettes, on ne va plus pouvoir faire notre travail. Donc on a des équipements de protection mais qui ne sont pas adaptés au travail. J'ai travaillé 7 jours dans cet abattoir et là je suis clairement parti pour des raisons physiques, personnelles, c'est juste que je n'arrivais plus à tenir. J'ai commencé à travailler le mardi. Le vendredi, j'ai même pleuré sur la ligne d'abattage. À un moment, j'étais à bout physiquement, même par rapport à ce que je voyais. On me mettait la pression pour travailler plus vite, les dindes se débattaient. Et à un moment, je me suis pris un coup d'aile. Un coup d'aile de dinde, il faut quand même imaginer une dinde, c'est coran, l'aile peut-être une envergure de plus de 50 cm. Et quand on se prend un coup d'aile dans la tête, c'est une grosse claque. Et là, à ce moment-là, j'ai perdu le contrôle. J'ai tout lâché nerveusement. Et j'ai commencé à pleurer parce que je réalisais au GT. Je voyais les animaux, on me criait dessus pour que j'aille plus vite. Donc j'ai mis une demi-heure à me remettre de cette scène-là. Donc là, je me suis dit, j'arrête, je ne peux plus. J'avais pas mal d'images. J'avais des images d'accrochage, j'avais des images intéressantes. Mais je n'avais pas toutes les images que je voulais. J'ai arrêté ce vendredi. Mais je me suis reposé le week-end et le lundi j'ai contacté l'agence, ils m'ont dit oui, vas-y si tu veux réessayer tu peux revenir. Donc je suis revenu le mardi. Cette journée-là, je ne sais pas pourquoi j'ai eu de la chance, mais on m'a mis sur un autre poste. Il y avait trop de personnes à l'accrochage, donc on m'a mis au poste de nettoyage des carcasses, tout ça, donc c'était vraiment au niveau de la partie abattage. Donc j'ai pu filmer d'autres scènes. Finalement, ça va, j'ai pu avoir les scènes que je voulais en revenant après le week-end. La partie abattage, on a un employé ou deux qui se relaient, qui égorge manuellement les animaux toutes les deux secondes. Toutes les secondes, ils coupent la gorge d'une vinde. Au préalable, en principe, normalement, les animaux sont électrocutés, on l'appelle électro-narcoses, ils sont censés être étourdis par l'électricité. Les animaux qui suivent le rail sont plongés dans un bain électrifié et c'est censé les étourdir. Il y a beaucoup de ratés, notamment si les animaux sont trop proches les uns des autres, la charge n'est pas assez puissante pour que les animaux soient tous étourdis. Donc il y a des ratés, mais sinon dans cet abattoir, les animaux étaient égorgés manuellement. C'est difficile de savoir ce que les autres employés pensent de ces conditions d'abattage, dans le sens où on ne parle pas. Quand on est dans un salle de pause, les gens boivent, mangent un coup. Il y en a certains qui parlent de foot vite fait entre eux, mais sinon on ne parle pas, on n'a pas le temps, on est fatigué, on n'a pas le temps pour ça. Souvent c'est des gens qui ont besoin d'un travail. Il y avait beaucoup d'immigrés aussi sur ce poste-là, c'était beaucoup de travailleurs africains. Il y avait d'autres personnes qui venaient d'autres services qui ont essayé ce poste-là. Ils m'ont dit je ne sais pas comment tu fais, force à toi, courage, moi je vais retourner dans mon poste là-bas, c'est mieux, là je suis venu pour dépanner mais je ne peux pas rester La plupart des gens ne restaient pas et souvent on ne restait que ceux qui avaient vraiment besoin d'argent et d'un travail. L'enquête sur l'accrochage de dinde est sortie et à ce moment-là j'avais déjà été démasqué, c'est-à-dire qu'entre-temps mon nom a été diffusé suite à la sortie de la première enquête sur le ramassage de volaille. Ils ont compris que c'était moi en faisant le... un lien assez simple et rapide. Et du coup, j'étais blacklisté de tous les abattoirs de volailles, tous les élevages de volailles. Toute la filière volaille, on va dire, connaissait mon nom au niveau du recrutement. Je ne pouvais plus intégrer les abattoirs ou les élevages. J'ai quand même réussi à traiter dans un abattoir de caille, sauf qu'il y avait une atmosphère très bizarre autour de moi. J'avais un métier de nettoyeur de caisses, donc j'étais tout seul dans une salle blanche en train de pousser des caisses sales et les récupérer propres et les empiler. Je passais ma journée seul à faire des tas de caisses. Mon chef me surveillait beaucoup. Je devais travailler 5 jours et au bout du troisième jour, j'ai voulu ramener un balai au niveau de la zone où on abattait les animaux pour aller voir comment tuer les cailles. Et à ce moment-là, mon chef a quitté sa zone de travail, il m'a suivi et 30 minutes après, il m'a viré. Il m'a dit non, finalement on n'a plus besoin de toi, c'est bon. Alors qu'une heure avant, il m'avait dit on a besoin de toi samedi aussi parce qu'on est vraiment sur charge de travail, c'est les périodes de fête. Donc il y avait, je pense, une suspicion autour de moi qui venait aussi confirmer le fait que j'avais été démasqué, donc je n'ai pas pu finir ce poste. Pourquoi les gens ne veulent pas me recruter ? Je ne pense pas que ce soit pour cacher des choses qui pourraient faire mal. C'est juste que montrer ce qu'est un abattoir, montrer ce qu'on fait subir aux animaux dans un abattoir, c'est un sujet tabou, c'est un sujet qui fait du bruit et qui vient un peu dénigrer, salir leur image. C'est-à-dire que c'est très compliqué, même pour un journaliste, pour un média, d'accéder à un abattoir et d'obtenir des images dans leur contexte. C'est-à-dire que souvent, les journalistes sont invités dans les abattoirs, mais à ce moment-là, le vêtage ne va pas tourner. ou alors ils vont faire très attention à respecter la réglementation, ils vont baisser la cadence. Donc, ce n'est pas forcément qu'ils ont des choses à cacher. C'est juste que, de base, montrer des images d'un élevage ou d'un abattoir, ça choque les gens, ça les surprend et ils veulent éviter que ça se propage. Décembre 2021, je sors de l'abattoir de Caille et je décide de postuler à des offres d'agent vétérinaire pour des abattoirs de viande bovine. Et l'avantage de ces postes-là, c'est que ce sont des postes qui sont gérés par le ministère de l'Agriculture et donc qui dépendent de l'État et non des abattoirs, des gros groupes. Donc je pense que mon nom n'a pas circulé au niveau de l'État. Je ne connais absolument rien aux abattoirs bovins. Sur mon CV, je ne mets pas de compétences particulières. Je mets que j'ai travaillé dans le bâtiment pour montrer que je suis capable de faire des métiers physiques. J'ai dit que j'avais été ramasseur de volaille ou accrocheur de dinde, histoire de dire quand même que j'ai déjà mis un pied dans un abattoir, ce qui est vrai pour le coup. J'essaie quand même de me renseigner sur une vache, donc je tape vache, viande et je tombe sur des images de vaches découpées en puzzle avec le nom des morceaux de viande. Je me suis dit bon, je vais peut-être apprendre ça, peut-être que ça va m'aider pour l'entretien Et bah absolument pas. Donc j'arrive en entretien en janvier 2021. Je passe l'entretien avec le chef des services vétérinaires, donc c'est le vétérinaire du site. Et en fait, il ne me pose quasiment aucune question. Il me dit juste bon monsieur, votre CV est un peu léger, vous n'avez pas mis grand-chose dedans Moi, je vais mettre ça sur le compte de la jeunesse, c'est pas grave. Moi, ça m'arrange, ça me va. Moins j'en dis, mieux je me porte. Et ensuite, il me fait visiter l'abattoir. Il me montre les postes sur lesquels je vais probablement travailler s'il me recrute. Le poste de contrôle des carcasses, contrôle des abats. Il me laisse dix minutes à côté d'une agent qui travaille. Il m'observe et à la fin, il me demande comment je me sens. Si j'ai eu peur du couteau, du sang. Je lui dis que ça va, que j'ai pas eu trop peur. C'est la seule question qu'il m'a demandé. Et en fait, j'ai été recruté juste là-dessus. donc je n'avais pas de connaissances en milieu vétérinaire, pas de connaissances en viande bovine, ni en abattoir bovin, mais tant que j'étais motivé et disponible, ils m'accrutaient. Et je me doutais aussi un peu que ça allait être facile puisque l'offre était disponible depuis huit mois sur Pôle Emploi, elle était renouvelée régulièrement et je l'ai vu par la suite, ils ont des gros problèmes de recrutement, ils ont du mal à recruter des employés, des agents vétérinaires, et donc si à partir du moment où il y a quelqu'un qui est motivé, qui n'a pas peur, ils le prennent. Le poste d'agent vétérinaire consiste, dans un abattoir de viande bovine en tout cas, à contrôler la salubrité de la viande. Il y a un agent qui observe l'état des animaux lors du déchargement, qui regarde leur passeport, voir s'il n'y a pas des maladies. Mais c'est surtout, une fois que les animaux sont découpés, ça passe par contrôler toutes les carcasses de l'abattoir et essayer de déceler des potentielles maladies, infections, tout ça, qui ensuite partiront dans la consommation. Donc il y a quand même une vraie responsabilité. On contrôle aussi de la même manière les organes, les abats, donc les poumons, le coeur, la tête, la langue. et c'est pareil, c'est nous qui décidons si ces produits, je n'aime pas les appeler comme ça, mais ces produits de consommation peuvent être vendus sur le marché. Tout ce qui n'est pas bon, ça dépend. Il y a certaines maladies ou infections qu'on peut découper pour laisser la partie de la carcasse saine. Il y a des maladies qui font qu'on va jeter toute la carcasse ou tous les abats. Et il y a aussi des abats qui sont impropres à la consommation humaine, mais qu'on va envoyer à la nourriture pour les animaux. Notre partie de mon métier, c'est de contrôler l'abattage sans étourdissement des animaux. On a dans un abattoir bovin, généralement deux types d'abattage. L'abattage dit classique, conventionnel, avec étourdissement. Celui-là, les vaches arrivent au bout d'un couloir. Et au bout de ce couloir, il y a une personne qui a un matador. Et en fait, il a un pistolet qui vient tirer une tige perforante qui va permettre d'étourdir l'animal. Et ensuite, l'animal va être suspendu et ensuite égorgé. Donc ça permet de limiter les souffrances de l'animal au moment de l'abattage. Il y a quand même de la souffrance, mais il y a des études là-dessus. Cette souffrance est limitée avec ce mode d'abattage. Ensuite, il y a l'abattage sans étourdissement. C'est un abattage dit rituel, qui est majoritairement pratiqué en France pour le halal et pour le kachar. Moi, ce que j'ai vu, c'était le halal dans cet abattoir, donc je vais parler du halal. Cet abattage, les animaux sont égorgés vivants, donc il n'y a pas d'étourdissement préalable. Comment ça se passe ? Les animaux, au bout du couloir, cette fois-ci, ne sont pas attendus par un matador, mais ils entrent dans un piège cylindrique. On peut imaginer une sorte de grand tonneau. Et au bout du tonneau, il y a un tout petit espace pour leur tête, avec une mentonnière. Les vaches viennent caler leur tête dans la mentonnière. Il y a des vérins à l'intérieur du tonneau qui viennent se resserrer sur la vache pour la compresser et éviter qu'elle bouge. Ensuite, ce tonneau va tourner à 180 degrés, un demi-tour. Et là, on a un sacrificateur, donc c'est le métier, qui vient égorger la vache vivante. Donc on va lui trancher la gorge pendant qu'elle est encore vivante. Et ça, c'est ce qu'on appelle abattage sans étourdissement ou l'abattage rituel. Normalement, le principe de l'abattage rituel, et notamment du halal, c'est de limiter la souffrance animale et c'est de tuer les animaux dans le bien-être. Là, de ce que j'ai pu voir, c'était absolument pas le cas. On peut le voir notamment lors de l'égorgement, il y a un effet de cisaillement qui fait que les vaches souffrent du cisaillement parce que l'égorgement se fait pas une seule fois. Les vaches, lorsqu'elles sortaient la tête de la mentonnière, paniquaient énormément. Elles se débattaient, elles criaient, parce qu'il y avait encore du sang sur la mentonnière, du sang des vaches précédentes, et surtout parce qu'elles voyaient leurs congénères égorgés, suspendus sur les rails. Normalement, ils sont censés mettre un rideau pour empêcher que les vaches qui vont être égorgées voient les vaches qui ont déjà été égorgées. Sauf que là, le rideau était totalement mal placé. Ici, ça ne revient à rien. Donc en fait, elles tournaient la tête et elles voyaient les vaches égorgées. Et j'ai des images assez fortes, elles sont disponibles. On voit les vaches débattre, crier, et quand elles crient, ça retourne tout l'abattoir en l'eau. se débattent dans tous les sens, elles cherchent du regard et là sans faire d'étude on peut clairement voir le stress et la souffrance à ce moment là. Il faut savoir que j'avais un rôle de contrôle à ce moment là et donc je prenais des notes sur ce que je voyais et je remontais les informations vétérinales. Quand il y avait des non conformités, du stress, je le remontais pour bien faire mon travail et pour pas qu'on me dise bah voilà tu as fait des vidéos mais derrière tu disais rien. Non non j'ai remonté toutes les non conformités et pour supporter ces images, en fait c'est que j'étais concentré sur ce que je voyais. concentrer sur le cadrage de ma vidéo aussi. Mais de rien filmer, c'est pas évident. C'est de rester statique, concentré et de rien laisser transparaître. Donc j'observais beaucoup autour de moi, j'observais les animaux, j'observais ce que je voyais et finalement il y avait une sorte de peut-être de barrière entre les animaux et moi parce que les animaux me regardaient, criaient mais vu que j'étais à la fois concentré sur ce que je faisais, sur mon travail, sur les images, bah c'était un peu moins dur. Quand les vaches criaient, me regardaient évidemment, bah ça me bouleversait, ça me transperçait. Mais je crois que le plus dur c'était quand je regardais les images le soir. Je regardais ce que j'avais filmé. Et quand j'avais enlevé un peu ma barrière, mes protections psychologiques, que j'étais seul face aux images que j'avais tournées, que je prenais le temps de voir le regard des animaux, que je les entendais crier, c'est là où j'avais le plus de mal. Ça m'arrivait de pleurer. Je pense que j'en ai besoin pour évacuer. Et puis pour... Là, j'avais le droit. J'étais chez moi, j'étais seul. Mais sur le terrain, en tout cas, quand je filmais, j'avais vraiment une barrière qui m'empêchait de m'effondrer. J'avais l'impression que le bien-être animal était au libre choix. Par exemple, de temps en temps, je trouvais des fœtus sur un convoyeur parce qu'on abat des vaches gestantes et donc à ce moment-là, forcément, les petits qui ne sont pas encore nés arrivent sur le convoyeur. Sauf que quand on trouve un fœtus prêt à naître, c'est un fœtus qui est âgé de plus de 8 mois, qui est déjà formé, qui a des poils, qui a des dents, qui aura pu des lagues embadées. Quand on trouve un fœtus comme ça, on est censé remonter l'information à un agent vétérinaire ou au chef pour que lui envoie un avertissement à l'éleveur parce que l'éleveur n'est pas censé envoyer des animaux gestants de plus de 8 mois à l'abattoir. Les 12 agents, on n'était que 3 à remonter l'information, dont moi. Je disais, c'est pas normal, on n'est que 3 à remonter l'information, et il ne se passe rien. En fait, le bien-être animal n'a pas vraiment de conséquences. Qu'on dise ou non qu'il y avait un foetus prêt à naître, fondamentalement ça ne va rien changer. La viande sera la même, il n'y aura pas d'impact sanitaire, ça ne change strictement rien. Donc finalement, ces sujets étaient très peu traités. Il y a aussi le fait qu'on était en manque d'effectifs. J'avais vu que dans l'orglementation, on était censé contrôler l'abattage de tous les animaux, sauf que là, on contrôlait 15 vaches sur 500 qui étaient abattues chaque jour. Quand je parlais au chef vétérinaire, il me disait Non mais imagine, poster quelqu'un sous la journée à ce poste-là, c'est pas possible, on va devenir fou. Et puis en plus, on est en sous-effectif. Donc le fait qu'ils soient en sous-effectif, plus qu'il n'y ait pas de conséquences derrière par rapport au bien-être animal, fait qu'il y a beaucoup de disparités, que le bien-être animal est clairement laissé sur le carreau. J'ai essayé aussi d'accéder à d'autres postes dans l'abattoir, notamment à la bouverie. C'est l'endroit où sont déchargés les animaux après le transport. C'est une sorte de grand hangar avec des couloirs métalliques. Donc les animaux sont parqués en attendant d'être abattus. Et là, c'est intéressant parce qu'on peut voir s'il y a des animaux qui arrivent morts lors du transport. On peut voir des animaux blessés. On peut voir les conditions aussi d'attente. Sauf que le problème, c'est que c'est un poste qui est très convoité par les anciens agents vétérinaires. Parce que c'est un poste qui est très facile à faire d'un point de vue personnel, d'un point de vue physique. Ce n'est pas un travail à la chaîne. On est posté sur un bureau. On attend que les transporteurs arrivent. Donc c'est un peu du repos. C'est un peu le poste doré. Donc moi, forcément, on ne m'y mettait pas. Donc j'ai prétexté que je voulais passer mon concours de la fonction publique et que pour ça, j'avais besoin de voir un peu tout ce qui se passait dans un abattoir, d'avoir une connaissance du milieu de la bouverie. Et donc sur mon temps de pause, je prenais des initiatives, je demandais d'aller en bouverie sur mon temps de pause. Et ils étaient plutôt fiers de moi. J'avais un sentiment de culpabilité, mais c'est vrai qu'ils étaient contents de voir que je prenais des initiatives, que je voulais m'instruire et m'informer en vue du concours. Et donc sur mon temps de pause, j'allais en bouverie pour voir ce qui se passait. Et ça, j'ai réussi à accéder seulement au bout de trois mois à la bouverie. Et j'ai dû y aller, je pense, trois fois. Et tous les trois fois, j'ai pu voir, on peut le voir dans les images aussi, des animaux qui arrivent morts, qui arrivent blessés, qui boitent. J'ai pu aussi, en discutant, voir que les animaux pouvaient rester 48 heures sans manger, alors que la réglementation impose un délai qui est beaucoup plus court. En trois jours, j'ai pu voir déjà pas mal de choses en bouverie. Donc je me dis que ça aurait été intéressant aussi de rester plus longtemps, mais malheureusement, j'ai dû partir plus tôt. Quand on est dans un abattoir de bovins, on s'imagine que cet abattoir sert à produire de la viande, mais les abattoirs essaient de prélever le plus de produits possibles sur un animal. Donc il y a la viande, c'est le sujet principal. Mais sinon, on prélève aussi la peau pour en faire du cuir. J'ai même appris au travers de discussions qu'on prélevait des calculs biliaires. Moi, des fois, j'avais des poches de bile, je voulais les percer. On me disait non, non, il ne faut pas que tu les perces, sinon ça va partir aux égouts. Tu la donnes à telle personne. En fait, quand on perce la poche, des fois, on récupère des calculs biliaires et c'est vendu très, très cher au kilo. Donc il y a un business là dessus. On récupère aussi le cuir du visage des vaches pour faire des livres religieux. Il y a tout un tas de produits, ce qu'on appelle des sous-produits, qui sont issus des abattoirs. Ce n'est pas juste la viande. J'ai aussi fait une découverte assez folle, très peu connue en France. De temps en temps, je voyais des fœtus arriver parce qu'on abattait des vaches gestantes. Sauf que ça ne se terminait pas là. Je voyais qu'il y avait des manipulations qui étaient effectuées sur ces fœtus. Quand j'avais une minute de pause entre deux carcasses, j'allais discuter avec l'agent qui récupère les fœtus. Et j'ai pu filmer ces images-là, et en fait, lui, il prélevait du sang sur les fœtus. Et en fait, c'est aussi un sous-produit. On prélève du sang sur les fœtus pour faire du sérum de veau fœtal. Il y avait une personne en charge de faire des poches de sang. Elle faisait, je crois, 4 à 5 litres de sang par jour, pour à la fin en extraire à peu près 2 litres de sérum de veau fœtal. On appelle ça SVF, et c'était commercialisé, je crois que ça sert à l'industrie pharmaceutique, au laboratoire. Ce qui est assez intéressant par rapport à ça aussi, c'est que... en principe, on n'est pas censé abattre des vaches gestantes de plus de 80%, mais quand on a un fœtus qui est âgé depuis demi-mois, forcément on va récupérer plus de sang. Finalement, Bigard se faisait de l'argent sur une pratique qui est normalement illégale. Cette infiltration s'est terminée au bout de 4 mois. D'un point de vue image, j'avais à peu près tout ce que je voulais avoir. J'avais beaucoup d'éléments forts, dont j'avais l'abattage sans étourdissement, j'avais les fœtus. J'avais des preuves de l'absence de formation. Et aussi, j'ai décidé de quitter mon emploi parce que je sentais qu'il y avait des doutes autour de moi. Je voyais le chef d'équipe qui m'observait, qui me regardait du coin de l'œil, qui ne me disait plus bonjour, qui était un peu froid avec moi. Je voyais aussi la vétérinaire qui trouvait que j'avais un comportement exacerbé au sujet de la cause animale. J'étais trop à l'aise, que je prenais un peu trop de liberté. Donc, il y avait beaucoup de choses. Je sentais un climat très bizarre autour de moi. J'ai pu avoir une confirmation de ces doutes. À ce moment-là, je ne me sentais plus en sécurité pour filmer. À partir du moment où je me sentais observé, je me suis dit que ce n'était plus possible de faire des images, que je n'allais plus pouvoir travailler sur l'allemand. Et donc, j'ai décidé de partir, tout simplement. Quand la mission se termine, je me sens à la fois, évidemment, satisfait, parce que je sais que j'ai des images très fortes qui vont aboutir à une belle enquête. Donc, je suis très content de mon travail. Par contre, je suis exténué, je suis fatigué. Ce qui est assez intéressant aussi quand on fait ce métier, c'est qu'on perd en lucidité. C'est-à-dire que moi, je travaillais dans un environnement qui était assez hostile, assez dur, froid, avec du sang, du bruit. Et on perd un peu en lucidité sur ce qu'on voit puisque ça devient un environnement quotidien, normal, avec des gens qui sont tous sourières, qui travaillent normalement, qui chantonnent, qui s'amusent entre eux. Donc c'est assez compliqué de ce point de vue-là. Et j'étais aussi dans un état de... j'ai eu une grosse perte de confiance en moi. C'est-à-dire que quand on fait un travail manuel à la chaîne, quand on est monotâche, quand on passe quatre mois à découper des cœurs, à découper des poumons, à découper des morceaux de viande... et bien à la fin on a l'impression d'être réduit à ça de n'être capable que de faire ça même si on a d'autres compétences même si par le passé on a fait d'autres choses j'avais l'impression d'être bon qu'à faire ça et je me disais mais qu'est-ce que je vais faire de ma vie après en fait là je savais que c'était ma dernière enquête que j'étais plus en mesure physiquement, psychologiquement d'en faire donc je me suis dit maintenant mais qu'est-ce que je vais faire je suis bon à rien, je sais rien faire j'étais pas au top de ma forme même si j'étais content de mes enquêtes c'était un petit moment de ma vie où je broyais pas mal de noir qui m'a aidé à sortir de cet état de tristesse, de mal-être C'est, déjà je veux dire, j'ai eu la chance que cette enquête se termine en juin. Parce que j'ai pu profiter de l'été pour me ressourcer, j'avais la lumière, j'étais bien entouré. J'étais aussi impatient à l'idée que l'enquête sorte. J'avais hâte aussi de voir les répercussions, de pouvoir en parler. À ce moment-là, on a aussi décidé que j'allais témoigner à Visage Découvert, chose qui est assez rare. On s'était dit que c'était quand même plus intéressant d'avoir quelqu'un qui raconte de l'intérieur, pour appuyer un peu les images, et de mettre aussi un visage sur les gens, des fois qui font des infiltrations. Donc ça, ça m'aidait aussi à relever la tête, mais clairement, ce n'était pas les moins les plus faciles. Lorsque l'enquête sort le 28 octobre 2021, je me rappelle parce que c'était mon anniversaire, belle surprise, ça fait un buzz médiatique. On est tous très contents des répercussions médiatiques, ça prend au niveau national, tous les médias sont part du sujet, c'est vraiment un super point. J'ai même pu faire un plateau télé, beaucoup d'interviews. Donc de ce point de vue là, on a eu de la chance parce que ça peut arriver qu'on sorte une enquête et que ça arrive dans une actualité médiatique qui est trop chargée ou autre. Donc là c'était assez positif. Mais au moment de la sortie d'enquête, l'A214 porte plainte et lance une pétition pour réclamer un changement de la législation et notamment demander l'interdiction de l'abattage sans étourdissement. Donc ce n'est pas la fin de l'abattage halal, c'est vraiment sans étourdissement. Juste pour préciser, on peut faire de l'abattage halal avec étourdissement. Il y a des pays comme l'Indonésie, la majorité musulmane, qui font l'abattage halal avec étourdissement. Donc l'A214 demande la fin de l'abattage sans étourdissement des animaux et la fin de l'abattage des vaches gestantes. C'était les deux seules demandes réglementaires de l'A214. Et ensuite, à 1914, on a porté plainte à la fois contre l'État pour des manquements de contrôle du bien-être animal, et à la fois porté plainte contre l'abattoir Bigard pour maltraitance sur l'animal. D'un point de vue personnel, sur le moment, c'est un peu frustrant de voir qu'on demande deux petites choses qui me paraissent accessibles, alors que pour moi c'est tout un système qui est à revoir, l'abattage à la chaîne des animaux, l'exploitation des humains aussi qui font ce travail-là, et on perd vraiment tout le lien avec les animaux. Pour moi, il faudra revoir tout le système. La première plainte contre l'État a abouti, donc L214 est gain de cause. L'État a été reconnu coupable de manquement par rapport au contrôle du bien-être animal et de la formation. Donc ça, c'est quand même un point positif. Et la plainte contre Bigard, je crois, est encore en cours. Moi, dans mon monde idéal, il n'y aura plus d'achatation animale, donc il n'y aura plus d'abattoir. Ça, c'est difficile à entendre pour beaucoup de monde, et je ne pense pas que ce soit atteignable en France, en tout cas, dans n'importe quel pays. Ça, ce serait dans mon monde idéal. Sinon, dans un monde idéal, on va dire, mais avec encore de l'exploitation, je pense par exemple qu'un abattage à la ferme serait déjà mieux, pour plusieurs raisons. Déjà, on évite le transport, on évite peut-être des cadences énormes avec des abattoirs-usines énormes où on tue 500, parfois 1000 vaches par jour. Peut-être qu'un rapport un peu plus proche à l'animal sera souhaitable, c'est-à-dire un animal à la ferme que l'éleveur a connu. Une consommation plus légère aussi, moins de gaspillage. J'invite aussi les gens à s'interroger sur leur consommation, sur la quantité d'animaux qu'ils consomment. quotidien. Dans mon entourage, je pense que c'est un peu représentatif de la France. C'est-à-dire qu'il y a des gens qui ont pris en compte ce que j'ai fait, qui ont pris le temps de regarder, qui ont essayé de faire des efforts pour diminuer leur consommation de viande, en tout cas pour vouloir en discuter calmement, et d'autres qui n'ont pas voulu regarder les images, qui se sont braquées et même à qui j'ai perdu du lien. Donc je pense que ça dépend aussi de la sensibilité des gens. Il y a des personnes qui veulent savoir, qui veulent changer, d'autres qui ne veulent absolument pas. Je pense que c'est aussi très idéologique. Soit on décide de... de s'en foutre, de manger des animaux, de les exploiter, et on met le salut comme ça. C'est une idéologie. Moi, ce que je propose, c'est une autre idéologie, clairement. C'est le fait de plus prendre en compte les animaux, de plus les respecter. Et ça passe par soit une diminution de consommation, soit on ne les consomme plus, soit on est plus attentif à ce qu'on voit lorsqu'on va au zoo, au cirque, on peut peut-être voir des choses qui ne vont pas. Donc, dans ma famille, dans mon entourage, comme en France, c'est des idéologies différentes, des sensibilités différentes, que certaines personnes qui évoluent, qui changent, et d'autres... Avec le recul et quelques années après, je garde franchement que du bon de cette expérience. Ça a duré un an. À ce jour, je n'ai pas de séquelles psychologiques, physiques, je n'ai pas de traumatismes. J'ai quand même la sensation d'avoir fait quelque chose de fort et de grand pour la cause animale. Et je ne pense pas pouvoir faire plus au cours de ma vie. J'ai quand même un sentiment de fierté par rapport à ça. J'ai aussi l'impression d'avoir rendu à la leçon 14 qu'il m'avait donnée. C'est-à-dire que c'est eux qui m'ont permis de prendre conscience sur ce que vivaient les animaux en France à travers des images d'enquête. Et moi, à mon tour, j'ai réalisé des images d'enquête, donc je suis assez content de ça. Cette infiltration a changé beaucoup de choses pour moi. Je pense que déjà, j'ai plus cette frustration de ne rien faire pour les animaux. Ça ne veut pas dire que là, je ne vais plus rien faire dans mon activisme, mais j'ai la sensation d'avoir fait quelque chose d'impactant. Ensuite, dans mon militantisme, ça a aussi changé quelque chose, c'est que je suis beaucoup moins dans l'émotionnel qu'avant. Le fait d'avoir été au contact de violences, de souffrances, d'avoir dû mourir à répétition, ça fait que maintenant j'agis beaucoup moins par émotion. Ça fait aussi que les débats sont beaucoup moins envenimés. Mais quand je parle à quelqu'un, c'est beaucoup plus factuel. Je parle beaucoup plus à travers la logique, à travers les faits. Il y a aussi cet aspect-là de moi qui a changé. Je pense qu'il faut un équilibre entre notre bien-être et notre militantisme. J'ai vu beaucoup d'activistes parler de causes animales jour et nuit et finir en dépression et on ne les voit plus au bout d'un an. Moi, j'essaie de trouver un équilibre du bien-être dans tout ça. Donc, à très long travail, je continue à faire des choses. Mais en dehors de mon temps de travail, j'essaie de m'accorder des moments de loisirs, de développement, autres, de choses un peu plus belles, plus positives. Je pense qu'il est important de trouver un mode d'activisme dans lequel on est à l'aise, dans lequel on a des compétences, mais vraiment, surtout, dans lequel on se sent bien. Comme j'ai dit, aller parler aux gens et être dans le conflit, ce n'est pas pour moi, je ne suis pas à l'aise. Par contre, c'est utile. Je pense que le débat est important. Et il y a... énormément de formes d'activisme. Il y aura des porte-paroles, il y aura des enquêteurs. Il y a aussi, par exemple, on pense à Rodolphe Landman, par exemple, c'est un type qui a ouvert une chaîne de boulangerie végétale. C'est une manière aussi de sensibiliser et aussi de proposer autre chose, parce que maintenant, quand on dit aux gens qu'il faut changer de mode alimentaire, si on ne leur propose rien derrière, rien de bon, d'impétissant, le mur est beaucoup plus haut. Il y a vraiment beaucoup de formes d'activisme en fonction de nos compétences, et surtout en fonction de là où on est à l'aise. J'ai écouté Tentative et ce que je peux voir, c'est qu'il y avait un schéma qui était assez régulier. C'est qu'on avait des gens qui ne se sentaient pas dans leur botte par rapport à leur vie. Et du coup, ils se sont dit, je vais tenter quelque chose, quelque chose qui me plaît. Et ça a été un peu mon cas aussi. Je me suis dit, là, j'en peux plus, ça ne va pas être ça ma vie. Il faut que je tente quelque chose. Il faut que je fasse des choses qui me tiennent à cœur, qui ont du sens et qui me plaisent. Évidemment, j'invite tout le monde à s'écouter et à prendre des risques, à le faire intelligemment aussi. Moi, ça ne s'est pas fait du jour au lendemain non plus. Ça ne s'est pas fait sans un coup de tête et ça s'est aussi fait grâce à une opportunité. Je ne me suis pas non plus jeté dans le vide sans emploi. Donc, on a tous. des parcours de vie différents. On n'a peut-être pas tous les moyens de tout jeter pour compter quelque chose, de prendre des risques. Par contre, évidemment, j'invite tout le monde à prendre des risques, à faire des choses qui ont un impact, à faire des choses qui vous plaisent. Des fois, avec des amis, des collègues, on a tendance à dire que la vie, c'est un peu un jeu vidéo. Ça permet aussi de prendre les choses avec moins d'importance. Même ce que j'ai fait, ça peut être un peu comme un jeu. Je suis rentré avec ma petite caméra, j'ai fait des trucs. Alors, on se couvre un peu, mais je veux savoir, on s'en sort quand même. J'invite vraiment tout le monde à prendre des risques et à faire des choses qui les allongent.

  • Speaker #1

    Vous écoutiez Tentative, le podcast qui laisse la parole à celles et ceux qui tentent de nouvelles expériences. J'espère que l'épisode vous a plu. Si vous voulez en savoir plus sur l'enquête de Thomas ou sur le rôle de l'association L214, je vous mets tous les liens dans la description. Si vous aussi vous voulez partager une expérience qui vous a fait grandir, vous pouvez me contacter sur Instagram. Merci d'avoir écouté et à dans deux semaines pour un nouveau parcours de vie sur Tentative.

Chapters

  • Générique de début

    00:00

  • Comment j'ai grandi

    00:20

  • Rencontre avec un vegan

    01:26

  • L'électrochoc

    02:40

  • J'ai voulu en savoir plus

    03:49

  • 1. Devenir végétalien

    04:30

  • L'impact de notre alimentation

    05:27

  • 2. Premières actions militantes

    07:13

  • 3. Sauter le pas, intégrer L214

    08:11

  • Le recrutement et la préparation

    09:29

  • Annonce à ma famille

    11:07

  • Le risque des infiltrations

    11:41

  • Le stress du début

    13:08

  • Trouver un job en abattoir

    13:51

  • 1er poste: ramasseur de volaille

    15:04

  • Effets secondaires

    19:00

  • Fin de mission

    20:08

  • 2ème poste: accrocheur de dindes

    20:29

  • 7 jours seulement

    24:11

  • La partie abattage

    25:21

  • Entre employés on ne parle pas

    25:57

  • DÉMASQUÉ

    26:34

  • Postuler en abattoir de viande bovine

    28:29

  • Le poste d'agent vétérinaire

    30:17

  • Comment supporter les images ?

    33:18

  • La prise en considération du bien-être animal

    34:36

  • Entrer à la bouverie

    35:52

  • Un business de sous-produits

    37:17

  • Fin de mission, heureux et épuisé à la fois

    38:59

  • La sortie de l'enquête et les retombée médiatiques

    41:33

  • Conclusions judiciaires

    42:57

  • Mon monde idéal

    43:14

  • Un peu de recul

    44:55

  • Trouver un équilibre

    46:09

  • Trouver son mode d'activisme

    46:33

  • Le mot de la fin

    47:14

Description

Aimer les animaux ET manger de la viande, c'est possible ? Thomas ne s'était pas vraiment posé laquestion avant de tomber sur une vidéo de l'association L214, qui montre le fonctionnement des abattoirs. Dindes, vaches, poulets, Thomas découvre, horrifié, d'où vient réellement le contenu de son assiette. Alors il prend une décision: ne plus consommer de produit d'origine animale. Mais ce n'est pas suffisant, il veut agir. Il quitte son job et rejoint l'association, d'action en action il découvre le mode de militantisme qui lui convient le mieux... les enquêtes en caméra cachée.


Comme pour remercier l'association de lui avoir ouvert les yeux, il se lance à son tour en immersion dans les abattoirs.


Découvrez le parcours militant de Thomas, et l'envers du décor de l'industrie de la viande en France dans ce nouvel épisode !

Pour visionner l'enquête de L214, rdv sur leur site: https://www.l214.com/enquetes/2021/abattoir-bigard-charal-socopa-cuiseaux/?utm_medium=email&utm_source=newsletter&utm_campaign=2021%2F10-abattoir-bigard


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Salut à tous et bienvenue sur Tentative, le podcast qui laisse la parole à celles et ceux qui ont tenté de nouvelles expériences et qui en sont ressortis grandis. Vous écoutez l'épisode inédit de Thomas qui a infiltré des abattoirs pour l'association des défenses des animaux L214. Bonne écoute ! Je m'appelle Thomas Saïdi, j'ai 31 ans, j'étais enquêteur chez L214. Je me suis infiltré dans plusieurs élevages et abattoirs en France pour y filmer les conditions d'exploitation et d'abattage des animaux. Je suis né à Valenciennes, dans le nord de la France. J'ai eu une enfance assez classique. Je suis issu d'un milieu plutôt classe moyenne, pauvre. Et mon rapport aux animaux a été, je pense, le même que la plupart des enfants en France. J'ai grandi avec des chats qui vivaient dans mon jardin, qui étaient semi-adoptés. J'ai toujours aimé les animaux, une sorte de fascination pour les animaux, mais je pense comme beaucoup d'enfants. Je regardais beaucoup de documentaires sur les tigres, sur la faune sauvage. J'aimais les animaux, je les trouvais beaux, et ça s'arrêtait là. À mon époque, les enfants jétériens, ça n'existait pas. En tout cas, dans mon entourage, moi, je n'en avais pas. Pour la petite anecdote, je vous rappelle qu'il y avait un élève qui mangeait bio quand j'avais 9 ans, et tout le monde se moquait de lui dans la classe, parce qu'il avait des repas spécifiques et on ne comprenait pas ce que c'était. Il était vraiment marginalisé et un peu harcelé pour ça, simplement parce qu'il mangeait bio. Donc maintenant, c'est quelque chose de très classique. Je pense qu'à l'époque, s'il y avait eu quelqu'un qui mangeait végétarien ou végétalien, il aurait été vu comme quelqu'un de marginal. J'ai fait une classe prépa, maths et physique. Pendant ces deux années, je n'ai pas eu l'occasion d'être dans le milieu militant parce qu'on est vraiment concentré dans les études. C'est seulement en arrivant en école d'ingénieur, où j'ai rencontré des profils un peu plus différents, variés, où j'avais un peu plus de temps pour réfléchir à d'autres choses, j'avais un amni qui était vegan. Alors lui c'est pareil, tout le monde se moque un peu de lui, avec plus de légèreté que quand j'étais petit. Mais cet ami-là essayait de me montrer des vidéos, me parler des animaux qui mourront en abattoir. Mais avec mes élèves, on se moquait un peu de lui. On me disait qu'il avait perdu du muscle, que le lion mangeait la gazelle. On sortait tous les arguments que maintenant j'essaie de réfuter quand je les entends. Ça a été, je pense, mon premier rapport à la cause animale et au militantisme. C'était de rencontrer quelqu'un qui était vegan pour contrer, on va dire, l'exploitation et la souffrance des animaux. Au début, je pense que ça ne me touchait pas, dans le sens où c'était quelque chose de nouveau. J'avais quoi, 21 ans, 22 ans ? C'est la première fois aussi que j'ai rencontré quelqu'un de végan. Moi, toute la vie, j'ai mangé de la viande. Je ne faisais pas forcément le lien entre l'exploitation des animaux, la souffrance des animaux et un régime alimentaire. Forcément, il y a quelque chose de nouveau et qui vient aussi toucher nos propres habitudes. C'est le cas de l'alimentation. Je me braquais, comme beaucoup. On se braque, on essaie de défendre notre mode de vie, notre mode de consommation. Et ça a résulté forcément dans des débats animés et très clivés. Après mes études, en 2015, j'ai passé 7 ou 8 mois sans emploi, le temps de trouver mon premier emploi. Et à ce moment-là, j'avais beaucoup plus de temps pour lire, pour réfléchir. Et je sais que je regardais aussi, par exemple, beaucoup On n'est pas couché. Il y avait Aymeric Caron qui était chroniqueur et il amenait souvent le sujet de la cause animale sur la table. Et en parallèle, et je sais qu'il y a beaucoup de personnes qui sont devenues sensibles à la cause animale autour de 2015-2016, parce que ça correspond au moment où Wallis 114 a sorti une image qui a fait le Tour de France, une enquête qui est sortie sur les grandes chaînes publiques. où l'on voyait des vaches se faire abattre en abattoir. Et en fait, à ce moment-là, moi j'ai été, je pense, dans ma chambre, j'étais avec mon chat, que je choyais, que je caressais, que je voulais défendre coûte que coûte. Et là, je suis tombé sur ces images de vaches en train de se faire abattre, en train de crier sans défense, vraiment dans un environnement industriel qui était assez horrifique. Et quand j'ai vu ces images, ça m'a vraiment fait un choc, où je me suis dit, mais attends, j'ai 23 ans, c'est la première fois que je vois une vache se faire abattre. C'est la première fois que je vois comment ils produisent mon steak. Et là, vraiment, je me suis dit, on m'a menti toute ma vie, en fait. J'ai l'impression qu'on m'a caché ça. Voilà, donc quand on découvre une nouvelle réalité avant 3 ans, on a envie d'en savoir plus, on a envie de creuser. Et pour moi, c'était un peu l'électrochoc. Par la suite, j'ai voulu en savoir plus. J'ai commencé à regarder d'autres enquêtes d'L214 sur les conditions d'élevage, sur les conditions d'abattage. J'ai aussi lu des livres. J'ai commencé par le livre d'Amerika Ron, qui s'appelle Antispécistes, qui parle de notre rapport aux animaux, de la manière dont on les traite en France. C'est assez intéressant comme livre, assez complet. Ensuite, j'ai regardé des documentaires. Et j'ai lu d'autres livres aussi, le livre de Mathieu Ricard, Plédoïe pour les animaux, qui est aussi très complet, et très intéressant, très instructif. Et en lisant tous ces ouvrages, en regardant les documentaires, je me suis dit que c'était un sujet qui me touchait beaucoup, et il fallait aussi que j'agisse. Je ne pouvais pas continuer à rester sans rien faire, il fallait que je change déjà à mon échelle. En 2016, la première chose que je fais déjà, c'est devenir végétalien. Pour me sentir plus en paix avec moi-même, j'enlève toute forme d'exploitation animale de mon assiette. Je ne vais plus aux zoos, je ne vais plus aux cirques. J'essaie vraiment déjà d'être en règle avec moi-même, on va dire, et de ne plus contribuer à cette exploitation animale. De mon côté, ça n'a pas été forcément difficile d'un point de vue purement nutrition, parce que déjà, je ne mangeais pas énormément de fromage. Je mangeais la viande assez régulièrement. J'ai essayé de remplacer la viande par des steaks industriels. Ce n'était pas très bon. Au début, je me forçais, je me disais, bon, moi, ce n'est pas grave, il vaut mieux que je fasse comme ça plutôt que que je mange de la viande. Et au fur et à mesure, j'ai commencé quand même à apprendre à cuisiner. Je cuisinais très mal quand je n'étais pas végétalien. Maintenant, du coup, je me suis intéressé à la cuisine. J'ai appris à cuisiner autre chose que des steaks industriels qui avaient un goût un peu bizarre. J'ai appris à cuisiner, j'ai aussi fait des bilans sanguins pour me rassurer et rassurer ma famille. Donc tous les ans, je fais des tests, je prends bien ma vitamine B12 régulièrement, ça c'est important. Et tout va bien, ça fait 10 ans que je suis végétalien et je n'ai pas de soucis de santé par rapport à ça. Quand on mange de la chair animale, il y a un impact qui est visible, qui est clair pour les animaux. Ce sont des animaux qu'on tue et on va manger leur chair. Donc là, tout le monde voit où est la souffrance, puisque ce sont des animaux qui sont nés... exploitées, enfermées dans des élevages sans lumière, qui sont situées en abattoir, simplement pour leur chair. Maintenant, quand on mange des œufs ou qu'on boit du lait, on a l'impression que c'est quelque chose qui est différent, et ce sont des industries qui sont totalement liées et complémentaires. Les vaches laitières, par exemple, pour qu'elles donnent du lait, il faut les inséminer. Beaucoup de personnes pensent que les vaches donnent du lait de manière continue, sans rien faire, mais non, c'est comme les humains, c'est tout à fait pareil, c'est des mammifères. Pour qu'elles donnent du lait, il faut qu'elles aient un veau. Pour ça, on va les inséminer artificiellement. Une fois que les veaux vont naître, soit les veaux vont devenir de nouvelles vaches laitières, soit si ce sont des mâles, ils partiront à l'abattoir. Donc ça va nourrir la filière viande. Et ensuite, les vaches laitières, au bout de six ans ou plusieurs années, lorsqu'elles sont trop fatiguées et qu'elles donnent moins de lait, on les envoie à l'abattoir. Et encore une fois, ce qu'on mange, ce qu'on appelle du bœuf, dans la moitié des cas, c'est une vache laitière en fin de vie. Donc il y a un lien direct entre consommation de produits laitiers et consommation de viande, dans le sens où ce sont des industries qui sont complémentaires. Après, si on parle clairement d'un point de vue souffrance, exploitation, ça dépend aussi des élevages. Les élevages ne se valent pas et ça dépend aussi des pratiques plus ou moins cruelles selon les animaux. Quand on parle des vaches laitières, par exemple, le fait de les traire à longueur de journée pendant une très longue période, clairement, ça crée des problèmes de santé pour les vaches laitières. Il y a aussi la séparation entre le veau et la mère qui se fait dès le premier jour, qui est assez douloureuse pour la vache et pour le veau. Si on parle des oeufs aussi, par exemple. Là, ça va dépendre aussi du type d'élevage des poules fondeuses. Il y a les élevages en batterie, en cage, où les volailles sont dans des cages entassées à 4 ou 5 dedans et elles fondent des œufs de manière continue, elles ne voient jamais la lumière du jour. Et là, on peut imaginer un peu les conditions assez horribles. Et ça diffère quand même des élevages de poules fondeuses en plein air. Ça dépend à la fois des espèces animales et aussi du type d'élevage. Ensuite, j'essaie de m'impliquer différemment. collectivement. Je vois sur les réseaux sociaux la plupart des gens parlent de nourriture, partagent des recettes, c'est pas quelque chose qui me parle forcément. J'essaie aussi de rejoindre des groupes de bénévoles, notamment chez L214, et j'ai participé à quelques actions sauf que je me sentais vraiment pas à l'aise dans ces actions. J'ai participé à une action par exemple où on était sur un marché à côté d'une boucherie, on tenait des pancartes et en même temps on entendait des cris de cochons. Et là je voyais qu'on était dans un terrain conflictuel. Je voyais les passants qui étaient plutôt contre nos idées, forcément, parce qu'ils venaient acheter leur viande. On leur mettait des images sous le nez, quelque part on leur faisait la morale. Et moi à l'époque, quand je n'étais pas végétalien, quand on faisait la morale, je le prenais mal aussi. De manière générale, je n'aime pas trop le conflit direct. Donc c'était vraiment un mode d'action qui ne me convenait pas, j'avais l'impression de ne pas être à ma place. Donc j'ai fait quelques actions comme ça, quelques marches, quelques manifestations, mais ce n'est pas là où je me sens le plus utile et surtout le plus à l'aise. En 2019-2020, à ce moment-là, je travaille en tant qu'expert en responsabilité civile pour des compagnies d'assurance et je suis spécialisé dans des problématiques environnementales. J'interviens sur des accidents industriels, des incendies, des pollutions des sols, etc. Mais je travaille pour des assurances. Le but, c'est de faire cumuler l'argent aux assurances. Et là, je remets un peu ma vie en question parce que je suis jeune, j'ai envie de faire des choses et je me retrouve à faire un métier qui n'a pas trop de sens pour moi. Et j'ai écouté quelques-uns des podcasts de tentatives. J'ai remarqué qu'il y a souvent ce schéma-là qui arrive, ce sont des gens qui... qui tentent de faire des choses, qui tentent de changer de voie au moment où ils ont quelque part une forme de mal-être ou dans leur travail ou dans leur vie, où ils disent je ne suis pas à ma place, je fais un métier qui n'est pas le mien, je ne suis pas épanoui Et moi, j'ai ressenti ça aussi. Je faisais un métier où vraiment, je me disais je ne suis pas à ma place, je perds mon temps, je passe mes journées épluchées des polices d'assurance, alors que j'ai de l'énergie, j'ai envie de faire des choses Donc, j'avais envie de changer. Et à ce moment-là, en fait, en discutant avec des gens d'A114, je me rends compte que l'A114 recherche des personnes pour faire des missions d'enquête. Donc, je n'ai pas plus d'informations que ça. Mais je les contacte. Finalement, en les rencontrant, je me rends compte qu'ils cherchent des personnes pour faire des infiltrations dans les élevages et dans les abattoirs. Et je me suis dit, là, il faut que je tente. Je me sentais capable d'agir, d'avoir un impact. C'était le moment de ma vie où il fallait que je reprenne un peu ma santé mentale en main et que surtout que je fasse des choses qui me plaisent. Donc j'ai décidé de se faire le pas. Je ne vais pas rentrer dans les détails du recrutement, mais j'ai eu un entretien pour évaluer mes motivations, mes capacités physiques et psychologiques, pour savoir si je suis capable de faire ces infiltrations. Je me rappelle qu'il y avait une question pendant l'entretien, c'était est-ce que j'ai des amis qui sont éleveurs, ou comment je me comporterais si je devais discuter avec un éleveur. Je pense que leur but, c'était de savoir si je n'allais pas sauter sur l'éleveur, commencer à le frapper. Il faut aussi avoir une forme de capacité psychologique et être plutôt sans esprit pour ne pas être dans le conflit avec les gens. Moi qui déteste le conflit, c'était pratique. Je me fous un peu dans le moule et je fais mon travail. En ce moment-là, je suis totalement novice dans le milieu, c'est-à-dire qu'au niveau de la photo et de la vidéo, j'ai un petit appareil photo chez moi, je faisais quelques photos de mon chat, mais ça s'arrêtait là. Je ne connais absolument pas le milieu de l'élevage, je n'ai pas les connaissances techniques des métiers de l'agriculture, en tout cas de l'élevage. Je ne connais pas les abattoirs à travers les vidéos que j'ai pu voir et je ne suis pas journaliste. Donc je n'ai pas cette capacité à m'infiltrer, à filmer en caméra cachée, c'est tout nouveau pour moi. Donc à ce moment-là, j'essaie quand même de me renseigner sur le métier de l'élevage, avoir quelques termes techniques. Je m'entraîne aussi à filmer en caméra cachée. Donc je m'équipe, je vais me promener dans les villes, je vais au restaurant avec pour essayer d'être habitué, d'être à l'aise en portant une caméra. C'est à peu près tout au niveau de la formation que j'ai eue. C'est une formation un peu express par rapport à la caméra, mais sinon je pense que personne ne peut vraiment être prêt à faire des infiltrations. Chaque personne est différente, on a tous des capacités psychologiques différentes. Tenir un mensonge, porter une caméra, être à l'aise dans un environnement assez hostile. Donc... Je ne sais pas si une préparation qui est adéquate pour faire ça, mais j'ai essayé de me préparer comme j'ai pu. Quand je sais que j'ai ce travail, que je vais commencer à m'infiltrer dans les élevages, dans les abattoirs, j'en parle à ma famille, j'en parle à mes amis. Alors on est un peu dans un entre-deux dans le sens où il faut essayer de préserver ce secret, parce que dès qu'on divulgue un secret à quelqu'un, on perd le contrôle de la situation, on prend le risque que ce secret soit de nouveau divulgué à d'autres personnes. Du coup j'en parle quand même à ma famille proche et à mes amis proches, parce que ça me fait du bien, j'ai besoin d'en parler aussi, avoir leur retour. Il y a forcément quelques inquiétudes. parce que c'est quelque chose d'inconnu de nouveau, mais il y a aussi, je pense, beaucoup de gens qui sont contents pour moi parce que c'est quelque chose qui me tient à cœur. Pour une fois, je vais faire un travail qui me plaît, qui est utile et que j'ai vraiment choisi. Quand on fait ces infiltrations, il y a clairement des risques. Il y a les risques, déjà, légaux. On n'a pas le droit de filmer les gens à leur insu. Dans les abattoirs, il y a une clause de confidentialité. Et même dans les élevages, je n'ai pas demandé la permission avant de les filmer. Il y a aussi clairement le risque physique. Moi, j'ai ressenti ça lors de ma deuxième infiltration. À ce moment-là, j'étais ramasseur de volailles dans des élevages de poulets. Et je travaillais avec des équipes la nuit, donc on partait dans des élevages au fin fond de la campagne pour ramasser des poulets. Et là, j'étais entouré de 6 ou 7 personnes un peu rustres. Et moi, j'étais avec mes caméras cachées. Je me dis, s'ils découvrent ça, ça peut mal finir pour moi, parce qu'on est loin des regards, loin des caméras, on est à la campagne. Si je suis démasqué, je pense que je peux passer un sale moment. Par contre, quand on est en abattoir, j'étais un peu plus serein d'un point de vue sécurité physique, dans le sens où on est dans un environnement qui est beaucoup plus industrialisé. C'est une entreprise, il y a des normes, il y a des règles. Et je pense que si j'avais été démasqué, ils m'auraient peut-être insulté, mais ils auraient appelé la police, ça se serait arrêté là. Moi, dans mon cas, je ne m'en fous pas des risques juridiques. C'est juste que ce sont des risques que chaque enquêteur intègre et accepte ou non. Les risques, on les connaît, on essaie de les mesurer. On a quand même la chance, j'ai envie de dire, de vivre dans un pays où on n'est pas encore très réprimandé, où la répression existe, mais elle est quand même plutôt faible. Il y a des pays où on pourrait finir fusillé, où ce serait beaucoup plus grave. En France, clairement, moi, j'ai mesuré le risque. Je ne pense pas faire de la prison pour avoir montré des images dans un abattoir. Au pire, je risque une amende. Donc, c'est un risque qu'on mesure et qu'on accepte. Quand on commence une infiltration comme ça, évidemment, moi, j'étais stressé, angoissé. Je dormais très mal. parce que c'était tout nouveau pour moi. La première fois que j'ai bossé, c'était dans un abattoir où je conditionnais des ailes de poulet. Je ne voyais même pas d'animaux vivants, mais rien que le seul fait de rentrer dans un abattoir, de porter une caméra cachée, d'avoir ce poids-là sur moi, c'était extrêmement stressant et angoissant parce qu'on doit à la fois découvrir un nouveau travail, un travail physique, un travail avec des odeurs horribles, du bruit, on voit des animaux découpés. Et en plus de ça, on porte une caméra cachée. Donc les premières fois sont très stressantes, très angoissantes. Et ensuite, une fois qu'on est un peu plus habitué aux entretiens d'embauche, au recrutement... au premier pas dans un abattoir et qu'on est habitué aussi au port de la caméra, ça devient tout de suite plus acceptable et plus facile à faire. Alors l'idée, quand j'ai rejoint les 214 pour faire ces images-là, c'était de trouver des postes dans les élevages, dans les abattoirs, au contact des animaux vivants. Et finalement, je me suis rendu compte que c'était très difficile d'avoir ces postes-là. Parce que quand on postule dans les élevages, même dans les abattoirs, On passe dans la quasiment totalité des cas par une agence d'intérim. Par exemple, je postule à des postes d'accrocheurs de volailles. Poste, on dirait que c'est là où on peut faire des vidéos, dans le sens où on accroche les volailles vivantes au début de la chaîne d'abattage. Donc là, on peut vraiment voir les animaux qui arrivent par camion. On peut voir dans quelles conditions ils arrivent. On peut voir l'impact que l'accrochage a sur ces animaux. Donc c'est un poste idéal. C'est un poste que je convoitais, bizarrement. Mais c'était difficile de l'avoir parce que quand je postulais à ces offres-là, les agences d'intérim m'appelaient et me proposaient d'autres postes. Des postes de nettoyeur, des postes dans le conditionnement, de colis, de paquets. Et à chaque fois, je refusais ces postes-là, parce que moi, je voulais être avec les animaux vivants. Et du coup, les agences d'intérim ne comprenaient pas pourquoi je voulais être avec les animaux. Donc une fois, j'ai dit que j'aimais les animaux, et donc je voulais vouloir être avec les animaux. La personne n'a pas trop compris, parce qu'évidemment, quand on aime les animaux, on n'a pas envie de les accrocher vivants en abattoir. Mais c'est compliqué, parce que généralement, les agences d'intérim nous proposent d'autres postes qui n'ont absolument aucun lien avec le poste pour lequel j'avais postulé. Soit il faut de la chance, soit il faut être bon lors de l'entretien avec les agences d'intérim pour essayer d'être aiguillé vers le poste idéal. Alors le premier post que j'ai eu, du coup, c'est un post de ramasseur de volailles. Je pense que les gens qui écoutent ce podcast se demandent c'est quoi ramasseur de volailles parce que personne ne connaît ce métier. Mais moi, quand j'ai postulé, je me suis dit tiens, il y a des gens qui ramassent les volailles, on va aller voir ce qui se passe. Avant de parler du post, je vais revenir juste sur l'entretien. J'ai eu un entretien téléphonique. La responsable de l'entreprise me disait il faut venir avec des bottes, il faut venir avec des chaussettes de foot trouées pour se protéger les bras. Si j'ai des gants, c'est mieux. Mais en fait, ils ne me fournissaient aucun équipement de sécurité. Donc, ils me disaient tu viens avec ce que tu as. D'ailleurs, quand je suis arrivé, il y avait une autre personne qui était là, un Africain qui travaillait la journée, qui ramassait des volailles la nuit. Il me disait, comment ça se passe, on ramasse des poulets vivants ou des poulets morts ? Il ne connaissait absolument pas le métier, mais il a été parachuté là. Il est arrivé en chaussures de sport, tout le monde me l'a dit, mais ça ne va pas être possible pour toi, tu vas être mort tes chaussures, parce qu'en fait, on marche dans des tas d'excréments. Je vais revenir sur le métier. Les métiers de ramasseur de volailles, c'est un métier, comme son nom l'indique, on vient dans des élevages de volailles. Généralement la nuit, pour une raison simple, c'est que les abattoirs commencent à travailler très tôt le matin. Généralement vers 5 heures du matin, les abattoirs commencent à ouvrir et à charger des animaux. Donc pour ça, il faut que les animaux soient chargés dans les camions entre 23h et 5h du matin. Ce sont des grands hangars dans lesquels sont entassés à peu près 20 000 poulets ou 10 000 dindes. Ils ont à peu près l'espace d'une feuille à quatre par poulet pour grandir. Et notre métier en tant que ramasseur de volailles, c'est de les ramasser à la main. Il existe aussi des sortes de moissonneuses, mais nous on venait les ramasser à la main. On les met dans des caisses, et ces caisses sont ensuite chargées dans des camions qui partent vers l'abattoir. C'est des caisses-tiroirs, on a à peu près une vingtaine par tiroir. Il y a des tiroirs qui rentrent dans les camions qu'on peut voir sur l'autoroute, c'est 1m50 sur 1m. On les entasse dans des tiroirs. Ce métier, c'est un métier de lien entre les élevages et les abattoirs. La première fois que je rentre dans un élevage, c'est passionnant. Déjà, le loader, c'est... C'est insoutenable. J'invite vraiment n'importe qui qui est là à s'approcher d'un lavage de poulet, même pas de rentrer. On peut venir au port d'un lavage de poulet pour sentir l'odeur. C'est vraiment horrible parce qu'ils vivent pendant, je crois, 30 ou 50 jours dans leur litière qui, au fur et à mesure, se remplit d'excréments. Et du coup, c'est très chargé en ammoniac. C'est vraiment très dur à respirer. Et aussi, la première des choses qu'on voit, c'est la vision de ces animaux entassés les uns sur les autres. Des amas de poulet. Donc, à première vue, on a du mal à voir s'ils sont en bonne santé ou non, tellement en fait, on a une vue globale sur tous les animaux. Et c'est seulement en les ramassant qu'on prend le temps un peu de... Bon, ça va très vite, mais on a quand même le temps d'observer les animaux. Donc, on les ramasse, on en met... Généralement, on en met 4 ou 5 dans chaque main. Donc, on les met entre chaque doigt. On fait des bouquets de poulets. On les prend par les pattes, à l'envers. Ensuite, on les jette dans les caisses. Et vu qu'il faut aller vite, on les claque un peu fort pour gagner du temps. Et même en les ramassant, vu qu'on les met entre nos doigts et qu'on les soulève, avec le poids des poulets, qu'on les soulève et qu'on les tord un peu, des fois, on entend les pattes se briser. On a les poulets qui se débattent aussi, qui donnent des poudelles, qui essaient de nous mordre, de relever la tête, ils nous pissent dessus. Donc c'est assez compliqué pour les animaux, pour nous aussi, mais surtout pour les animaux. L'autre aspect aussi, c'est qu'on attend de voir comment ils sont. Et là, du coup, j'ai pu voir que la plupart des animaux étaient difformes. Les poulets restent 30 jours en élevage. Ils sont ramassés au bout de 30 jours. Et clairement, quand on regarde la durée de vie d'une poule, 30 jours, ce sont des poussins. Sauf que quand on les regarde physiquement, ils sont énormes. Ils ont déjà le corps d'adultes parce que ces poulets ont été sélectionnés génétiquement et que ce sont des souches particulières, donc ils grandissent extrêmement vite en 30 jours. Donc souvent les corps sont énormes par rapport à la taille des pattes. Vu qu'ils sont dans des conditions horribles aussi, très humides, ils ont beaucoup moins de plumes, ils ont des maladies de peau, notamment sous les pieds. Donc on peut voir quand même que les conditions sont désastreuses et en plus de ça, on va leur infliger une souffrance au moment du ramassage. Moi, les élevages dans lesquels j'ai travaillé, c'était en Bourgogne. C'était des poulets de la marque Duc. C'est clairement de la consommation pour le grand public qu'on retrouve dans tous les supermarchés. Et c'est exactement les mêmes modes de pratique, de conditions d'exploitation, d'élevage et de ramassage pour les plus grandes marques, les plus connues, comme le Gaulois, par exemple, du groupe LDC. Donc, c'est tous les animaux qu'on trouve en grande surface, ou même dans les fast-foods, j'ai envie de dire. Je n'ai pas le pourcentage en tête, mais on doit être pas loin des 90%, je pense, des animaux, des volets qui sont enlevés dans des hangars de ce type. J'ai réussi à faire dix nuits de travail et se passer sur un mois. J'avais la chance de pouvoir choisir mon emploi du temps, du coup je m'accordais des temps de repos. Par exemple, je l'ai extrêmement mal vécu d'un point de vue personnel. Je n'arrivais pas à dormir la journée. J'avais un petit logement dans la ville d'Auxerre où je n'arrivais pas à dormir la journée. J'entendais des enfants pleurer dehors, ça me rappelait les cris des bébés. J'entendais les oiseaux chanter dehors, mais pour moi c'était des cris de poulet. Vraiment, j'étais très mal. Physiquement aussi c'était très dur, j'étais épuisé. Et c'était aussi ma première expérience au contact des animaux vivants. Et quelque part la première fois aussi que je faisais souffrir des animaux pour avoir des images. La première nuit de travail, moi je ramassais les poulets à deux mains, un à un, j'essayais de les déposer dans les caisses. Et on m'a dit Ah non, ça ne va pas le faire, on ne va pas reconduire ton contrat, demain tu ne reviens pas, tu es trop lent. On t'a dit qu'il fallait le ramasser par quatre ou cinq, tu ne le fais pas. Et du coup je leur ai dit Bah promis, je vais faire un effort demain. Et j'ai suivi le rythme et j'ai commencé à les ramasser aussi par bouquets plusieurs la fois. Mais c'était très difficile au début pour moi de retourner des animaux par les pattes et de leur faire du mal. Donc ça a été aussi très compliqué psychologiquement. Même mes collègues d'Alepso 14 au début croyaient que je n'allais pas pouvoir continuer en fait, parce que je n'arrivais pas à faire ça. La mission se termine parce que j'avais des images satisfaisantes du ramassage. Je ne pouvais pas faire plus. Les conditions de lumière n'étaient pas bonnes, on travaillait dans le noir. J'avais eu suffisamment d'images de maltraitance et surtout de ce qu'était le métier de ramasseur de volaille. Donc j'ai décidé de ne pas m'infliger plus de douleurs, de violences. Et une fois que j'avais les images, j'ai quitté l'entreprise. Je décide ensuite de postuler à d'autres offres d'emploi, parce que quand on est infiltré, on est lanceur d'alerte, rapidement on peut être démasqué. Et là, j'essaie de profiter du fait que je sois encore anonyme pour enchaîner le plus de métiers possibles, le plus de vidéos. Et surtout, je suis sur ma lancée, donc même si ça, ça a été très dur, très violent, j'ai encore envie de faire des choses. Mine de rien, j'ai réussi à avoir des images, donc j'étais quand même satisfait et motivé. Donc je continue de postuler et j'essaie de faire d'autres enquêtes derrière. La deuxième enquête, j'ai postulé pour un poste d'accrocheur de dindes. Là, c'est un peu le sangrade. Depuis le début, je postulais pour des postes d'accrocheur de volailles. Et là, enfin, j'avais postulé pour l'abattoir de Blancafort, un abattoir de dindes du groupe LDC, qui fournit la marque Le Gaulois, notamment. On m'appelle la veille pour le lendemain. Moi, j'habitais à 5h ou 6h en voiture du lieu. On me dit, est-ce que vous pouvez venir demain matin pour venir accrocher des dindes ? Je dis, bah ouais, OK. Je loue une voiture, je prends Airbnb en vitesse et je fonce vers l'abattoir. Le poste d'accrocheur de dindes, un métier horrible. Clairement, ce que je ne souhaite à personne de faire, c'est extrêmement dur. Ça consiste à accrocher des dindes vivantes sur la chaîne d'abattage. On est en tout début de la ligne d'abattage. Les animaux arrivent vivants par camion. Précédemment, ils ont été ramassés par une équipe de ramassage. Ils arrivent par camion dans un hangar. Et autour de ce camion, il y a deux quais d'accrochage. Donc on est sur des sortes de plateformes, de nacelles. Et on vient, par équipe, sortir les dindes de leur tiroir. et les accrocher à l'envers par les pattes sur des sortes de crochets en forme d'entonnoir. En fait, on vient glisser les pattes dans des crochets pour les accrocher à la chaîne d'abattage. C'est des rails qui sont suspendus à plusieurs mètres de hauteur. Donc déjà, quand on rentre dans le hangar, on voit des dindes qui sont à 5 mètres de hauteur tout le long du hangar. Certaines qui se débattent. C'est une vision majestueusement moche. C'est vraiment très impressionnant. Et on travaille en équipe. Il y a énormément de turnover dans ce métier-là. Les gens ne restent pas. Les gens restent un jour ou deux. Le chef d'équipe... Il m'avait dit avec fierté que même Dergubima n'avait pas réussi à tenir. C'était une sorte de fierté d'avoir un métier qui était difficile. En tout cas, personne ne reste, à la fois pour le côté physique, mais aussi pour le côté sale du métier. Parce que la première chose qui m'a marqué quand j'ai rencontré un de mes futurs collègues, c'était qu'il avait de la merde de dinde sur les lèvres. Il en avait partout autour de lui. Et il parlait normalement. Je me suis dit, ah oui, c'est quand même quelque chose. J'avais aussi des collègues qui étaient brûlés dans le dos. Moi, par exemple, j'étais brûlé aussi au niveau du bras parce qu'au bout de 30 secondes de travail, on est recouvert d'urine, de dinde. Et l'urine de dinde, elle est assez corrosive. Donc au bout d'un moment, ça vient attaquer notre peau. Pourquoi on a recouvert du rhum de dinde ? Parce que les dindes arrivent par camion, elles ont passé plusieurs heures dedans, elles ont uriné dans le camion. Et quand on les ramasse, elles se débattent, elles donnent des coups d'aile, et elles viennent projeter toute la pisse et tout le caca sur nous. Donc on les a rapidement recouverts d'excréments, et c'est des conditions vraiment désastreuses. On fait ce métier-là où, mine de rien, on fait aussi souffrir les animaux. On doit se battre avec les dindes. Les dindes ne veulent pas sortir du camion, ne veulent pas être accrochés, donc c'est un combat entre l'homme et l'animal qui est à la fin évidemment gagné par l'homme mais on est obligé des fois de joyer des collègues et qui claquait les dindes contre le camion pour les calmer parce qu'elles se débattaient sachant qu'une dinde, une femelle ça pèse à peu près 8 kg et les mâles pouvaient peser jusqu'à 20 kg donc c'est quand on a 20 kg qui se débattent entre les mains c'est assez compliqué Dans ce métier-là, moi j'avais des protections, des équipements de protection. J'avais une blouse mais qui malheureusement n'était pas imperméable. C'était une blouse en coton donc au bout de quelques minutes, l'urine de dinde s'imprègne dans le coton et vient au contact de notre peau. On avait aussi un masque qui nous a fait éviter d'avoir de l'urine sur la bouche. Par contre, on n'avait pas de lunettes. Donc on avait souvent de l'urine extrêmement dans les yeux, tout le temps. Et on ne peut pas travailler avec des lunettes parce que sinon on ne voit plus rien. Enfin, c'est bête mais c'est soit on a de la merde dans les yeux, soit on l'a sur les lunettes. Et si on l'a sur les lunettes, on ne va plus pouvoir faire notre travail. Donc on a des équipements de protection mais qui ne sont pas adaptés au travail. J'ai travaillé 7 jours dans cet abattoir et là je suis clairement parti pour des raisons physiques, personnelles, c'est juste que je n'arrivais plus à tenir. J'ai commencé à travailler le mardi. Le vendredi, j'ai même pleuré sur la ligne d'abattage. À un moment, j'étais à bout physiquement, même par rapport à ce que je voyais. On me mettait la pression pour travailler plus vite, les dindes se débattaient. Et à un moment, je me suis pris un coup d'aile. Un coup d'aile de dinde, il faut quand même imaginer une dinde, c'est coran, l'aile peut-être une envergure de plus de 50 cm. Et quand on se prend un coup d'aile dans la tête, c'est une grosse claque. Et là, à ce moment-là, j'ai perdu le contrôle. J'ai tout lâché nerveusement. Et j'ai commencé à pleurer parce que je réalisais au GT. Je voyais les animaux, on me criait dessus pour que j'aille plus vite. Donc j'ai mis une demi-heure à me remettre de cette scène-là. Donc là, je me suis dit, j'arrête, je ne peux plus. J'avais pas mal d'images. J'avais des images d'accrochage, j'avais des images intéressantes. Mais je n'avais pas toutes les images que je voulais. J'ai arrêté ce vendredi. Mais je me suis reposé le week-end et le lundi j'ai contacté l'agence, ils m'ont dit oui, vas-y si tu veux réessayer tu peux revenir. Donc je suis revenu le mardi. Cette journée-là, je ne sais pas pourquoi j'ai eu de la chance, mais on m'a mis sur un autre poste. Il y avait trop de personnes à l'accrochage, donc on m'a mis au poste de nettoyage des carcasses, tout ça, donc c'était vraiment au niveau de la partie abattage. Donc j'ai pu filmer d'autres scènes. Finalement, ça va, j'ai pu avoir les scènes que je voulais en revenant après le week-end. La partie abattage, on a un employé ou deux qui se relaient, qui égorge manuellement les animaux toutes les deux secondes. Toutes les secondes, ils coupent la gorge d'une vinde. Au préalable, en principe, normalement, les animaux sont électrocutés, on l'appelle électro-narcoses, ils sont censés être étourdis par l'électricité. Les animaux qui suivent le rail sont plongés dans un bain électrifié et c'est censé les étourdir. Il y a beaucoup de ratés, notamment si les animaux sont trop proches les uns des autres, la charge n'est pas assez puissante pour que les animaux soient tous étourdis. Donc il y a des ratés, mais sinon dans cet abattoir, les animaux étaient égorgés manuellement. C'est difficile de savoir ce que les autres employés pensent de ces conditions d'abattage, dans le sens où on ne parle pas. Quand on est dans un salle de pause, les gens boivent, mangent un coup. Il y en a certains qui parlent de foot vite fait entre eux, mais sinon on ne parle pas, on n'a pas le temps, on est fatigué, on n'a pas le temps pour ça. Souvent c'est des gens qui ont besoin d'un travail. Il y avait beaucoup d'immigrés aussi sur ce poste-là, c'était beaucoup de travailleurs africains. Il y avait d'autres personnes qui venaient d'autres services qui ont essayé ce poste-là. Ils m'ont dit je ne sais pas comment tu fais, force à toi, courage, moi je vais retourner dans mon poste là-bas, c'est mieux, là je suis venu pour dépanner mais je ne peux pas rester La plupart des gens ne restaient pas et souvent on ne restait que ceux qui avaient vraiment besoin d'argent et d'un travail. L'enquête sur l'accrochage de dinde est sortie et à ce moment-là j'avais déjà été démasqué, c'est-à-dire qu'entre-temps mon nom a été diffusé suite à la sortie de la première enquête sur le ramassage de volaille. Ils ont compris que c'était moi en faisant le... un lien assez simple et rapide. Et du coup, j'étais blacklisté de tous les abattoirs de volailles, tous les élevages de volailles. Toute la filière volaille, on va dire, connaissait mon nom au niveau du recrutement. Je ne pouvais plus intégrer les abattoirs ou les élevages. J'ai quand même réussi à traiter dans un abattoir de caille, sauf qu'il y avait une atmosphère très bizarre autour de moi. J'avais un métier de nettoyeur de caisses, donc j'étais tout seul dans une salle blanche en train de pousser des caisses sales et les récupérer propres et les empiler. Je passais ma journée seul à faire des tas de caisses. Mon chef me surveillait beaucoup. Je devais travailler 5 jours et au bout du troisième jour, j'ai voulu ramener un balai au niveau de la zone où on abattait les animaux pour aller voir comment tuer les cailles. Et à ce moment-là, mon chef a quitté sa zone de travail, il m'a suivi et 30 minutes après, il m'a viré. Il m'a dit non, finalement on n'a plus besoin de toi, c'est bon. Alors qu'une heure avant, il m'avait dit on a besoin de toi samedi aussi parce qu'on est vraiment sur charge de travail, c'est les périodes de fête. Donc il y avait, je pense, une suspicion autour de moi qui venait aussi confirmer le fait que j'avais été démasqué, donc je n'ai pas pu finir ce poste. Pourquoi les gens ne veulent pas me recruter ? Je ne pense pas que ce soit pour cacher des choses qui pourraient faire mal. C'est juste que montrer ce qu'est un abattoir, montrer ce qu'on fait subir aux animaux dans un abattoir, c'est un sujet tabou, c'est un sujet qui fait du bruit et qui vient un peu dénigrer, salir leur image. C'est-à-dire que c'est très compliqué, même pour un journaliste, pour un média, d'accéder à un abattoir et d'obtenir des images dans leur contexte. C'est-à-dire que souvent, les journalistes sont invités dans les abattoirs, mais à ce moment-là, le vêtage ne va pas tourner. ou alors ils vont faire très attention à respecter la réglementation, ils vont baisser la cadence. Donc, ce n'est pas forcément qu'ils ont des choses à cacher. C'est juste que, de base, montrer des images d'un élevage ou d'un abattoir, ça choque les gens, ça les surprend et ils veulent éviter que ça se propage. Décembre 2021, je sors de l'abattoir de Caille et je décide de postuler à des offres d'agent vétérinaire pour des abattoirs de viande bovine. Et l'avantage de ces postes-là, c'est que ce sont des postes qui sont gérés par le ministère de l'Agriculture et donc qui dépendent de l'État et non des abattoirs, des gros groupes. Donc je pense que mon nom n'a pas circulé au niveau de l'État. Je ne connais absolument rien aux abattoirs bovins. Sur mon CV, je ne mets pas de compétences particulières. Je mets que j'ai travaillé dans le bâtiment pour montrer que je suis capable de faire des métiers physiques. J'ai dit que j'avais été ramasseur de volaille ou accrocheur de dinde, histoire de dire quand même que j'ai déjà mis un pied dans un abattoir, ce qui est vrai pour le coup. J'essaie quand même de me renseigner sur une vache, donc je tape vache, viande et je tombe sur des images de vaches découpées en puzzle avec le nom des morceaux de viande. Je me suis dit bon, je vais peut-être apprendre ça, peut-être que ça va m'aider pour l'entretien Et bah absolument pas. Donc j'arrive en entretien en janvier 2021. Je passe l'entretien avec le chef des services vétérinaires, donc c'est le vétérinaire du site. Et en fait, il ne me pose quasiment aucune question. Il me dit juste bon monsieur, votre CV est un peu léger, vous n'avez pas mis grand-chose dedans Moi, je vais mettre ça sur le compte de la jeunesse, c'est pas grave. Moi, ça m'arrange, ça me va. Moins j'en dis, mieux je me porte. Et ensuite, il me fait visiter l'abattoir. Il me montre les postes sur lesquels je vais probablement travailler s'il me recrute. Le poste de contrôle des carcasses, contrôle des abats. Il me laisse dix minutes à côté d'une agent qui travaille. Il m'observe et à la fin, il me demande comment je me sens. Si j'ai eu peur du couteau, du sang. Je lui dis que ça va, que j'ai pas eu trop peur. C'est la seule question qu'il m'a demandé. Et en fait, j'ai été recruté juste là-dessus. donc je n'avais pas de connaissances en milieu vétérinaire, pas de connaissances en viande bovine, ni en abattoir bovin, mais tant que j'étais motivé et disponible, ils m'accrutaient. Et je me doutais aussi un peu que ça allait être facile puisque l'offre était disponible depuis huit mois sur Pôle Emploi, elle était renouvelée régulièrement et je l'ai vu par la suite, ils ont des gros problèmes de recrutement, ils ont du mal à recruter des employés, des agents vétérinaires, et donc si à partir du moment où il y a quelqu'un qui est motivé, qui n'a pas peur, ils le prennent. Le poste d'agent vétérinaire consiste, dans un abattoir de viande bovine en tout cas, à contrôler la salubrité de la viande. Il y a un agent qui observe l'état des animaux lors du déchargement, qui regarde leur passeport, voir s'il n'y a pas des maladies. Mais c'est surtout, une fois que les animaux sont découpés, ça passe par contrôler toutes les carcasses de l'abattoir et essayer de déceler des potentielles maladies, infections, tout ça, qui ensuite partiront dans la consommation. Donc il y a quand même une vraie responsabilité. On contrôle aussi de la même manière les organes, les abats, donc les poumons, le coeur, la tête, la langue. et c'est pareil, c'est nous qui décidons si ces produits, je n'aime pas les appeler comme ça, mais ces produits de consommation peuvent être vendus sur le marché. Tout ce qui n'est pas bon, ça dépend. Il y a certaines maladies ou infections qu'on peut découper pour laisser la partie de la carcasse saine. Il y a des maladies qui font qu'on va jeter toute la carcasse ou tous les abats. Et il y a aussi des abats qui sont impropres à la consommation humaine, mais qu'on va envoyer à la nourriture pour les animaux. Notre partie de mon métier, c'est de contrôler l'abattage sans étourdissement des animaux. On a dans un abattoir bovin, généralement deux types d'abattage. L'abattage dit classique, conventionnel, avec étourdissement. Celui-là, les vaches arrivent au bout d'un couloir. Et au bout de ce couloir, il y a une personne qui a un matador. Et en fait, il a un pistolet qui vient tirer une tige perforante qui va permettre d'étourdir l'animal. Et ensuite, l'animal va être suspendu et ensuite égorgé. Donc ça permet de limiter les souffrances de l'animal au moment de l'abattage. Il y a quand même de la souffrance, mais il y a des études là-dessus. Cette souffrance est limitée avec ce mode d'abattage. Ensuite, il y a l'abattage sans étourdissement. C'est un abattage dit rituel, qui est majoritairement pratiqué en France pour le halal et pour le kachar. Moi, ce que j'ai vu, c'était le halal dans cet abattoir, donc je vais parler du halal. Cet abattage, les animaux sont égorgés vivants, donc il n'y a pas d'étourdissement préalable. Comment ça se passe ? Les animaux, au bout du couloir, cette fois-ci, ne sont pas attendus par un matador, mais ils entrent dans un piège cylindrique. On peut imaginer une sorte de grand tonneau. Et au bout du tonneau, il y a un tout petit espace pour leur tête, avec une mentonnière. Les vaches viennent caler leur tête dans la mentonnière. Il y a des vérins à l'intérieur du tonneau qui viennent se resserrer sur la vache pour la compresser et éviter qu'elle bouge. Ensuite, ce tonneau va tourner à 180 degrés, un demi-tour. Et là, on a un sacrificateur, donc c'est le métier, qui vient égorger la vache vivante. Donc on va lui trancher la gorge pendant qu'elle est encore vivante. Et ça, c'est ce qu'on appelle abattage sans étourdissement ou l'abattage rituel. Normalement, le principe de l'abattage rituel, et notamment du halal, c'est de limiter la souffrance animale et c'est de tuer les animaux dans le bien-être. Là, de ce que j'ai pu voir, c'était absolument pas le cas. On peut le voir notamment lors de l'égorgement, il y a un effet de cisaillement qui fait que les vaches souffrent du cisaillement parce que l'égorgement se fait pas une seule fois. Les vaches, lorsqu'elles sortaient la tête de la mentonnière, paniquaient énormément. Elles se débattaient, elles criaient, parce qu'il y avait encore du sang sur la mentonnière, du sang des vaches précédentes, et surtout parce qu'elles voyaient leurs congénères égorgés, suspendus sur les rails. Normalement, ils sont censés mettre un rideau pour empêcher que les vaches qui vont être égorgées voient les vaches qui ont déjà été égorgées. Sauf que là, le rideau était totalement mal placé. Ici, ça ne revient à rien. Donc en fait, elles tournaient la tête et elles voyaient les vaches égorgées. Et j'ai des images assez fortes, elles sont disponibles. On voit les vaches débattre, crier, et quand elles crient, ça retourne tout l'abattoir en l'eau. se débattent dans tous les sens, elles cherchent du regard et là sans faire d'étude on peut clairement voir le stress et la souffrance à ce moment là. Il faut savoir que j'avais un rôle de contrôle à ce moment là et donc je prenais des notes sur ce que je voyais et je remontais les informations vétérinales. Quand il y avait des non conformités, du stress, je le remontais pour bien faire mon travail et pour pas qu'on me dise bah voilà tu as fait des vidéos mais derrière tu disais rien. Non non j'ai remonté toutes les non conformités et pour supporter ces images, en fait c'est que j'étais concentré sur ce que je voyais. concentrer sur le cadrage de ma vidéo aussi. Mais de rien filmer, c'est pas évident. C'est de rester statique, concentré et de rien laisser transparaître. Donc j'observais beaucoup autour de moi, j'observais les animaux, j'observais ce que je voyais et finalement il y avait une sorte de peut-être de barrière entre les animaux et moi parce que les animaux me regardaient, criaient mais vu que j'étais à la fois concentré sur ce que je faisais, sur mon travail, sur les images, bah c'était un peu moins dur. Quand les vaches criaient, me regardaient évidemment, bah ça me bouleversait, ça me transperçait. Mais je crois que le plus dur c'était quand je regardais les images le soir. Je regardais ce que j'avais filmé. Et quand j'avais enlevé un peu ma barrière, mes protections psychologiques, que j'étais seul face aux images que j'avais tournées, que je prenais le temps de voir le regard des animaux, que je les entendais crier, c'est là où j'avais le plus de mal. Ça m'arrivait de pleurer. Je pense que j'en ai besoin pour évacuer. Et puis pour... Là, j'avais le droit. J'étais chez moi, j'étais seul. Mais sur le terrain, en tout cas, quand je filmais, j'avais vraiment une barrière qui m'empêchait de m'effondrer. J'avais l'impression que le bien-être animal était au libre choix. Par exemple, de temps en temps, je trouvais des fœtus sur un convoyeur parce qu'on abat des vaches gestantes et donc à ce moment-là, forcément, les petits qui ne sont pas encore nés arrivent sur le convoyeur. Sauf que quand on trouve un fœtus prêt à naître, c'est un fœtus qui est âgé de plus de 8 mois, qui est déjà formé, qui a des poils, qui a des dents, qui aura pu des lagues embadées. Quand on trouve un fœtus comme ça, on est censé remonter l'information à un agent vétérinaire ou au chef pour que lui envoie un avertissement à l'éleveur parce que l'éleveur n'est pas censé envoyer des animaux gestants de plus de 8 mois à l'abattoir. Les 12 agents, on n'était que 3 à remonter l'information, dont moi. Je disais, c'est pas normal, on n'est que 3 à remonter l'information, et il ne se passe rien. En fait, le bien-être animal n'a pas vraiment de conséquences. Qu'on dise ou non qu'il y avait un foetus prêt à naître, fondamentalement ça ne va rien changer. La viande sera la même, il n'y aura pas d'impact sanitaire, ça ne change strictement rien. Donc finalement, ces sujets étaient très peu traités. Il y a aussi le fait qu'on était en manque d'effectifs. J'avais vu que dans l'orglementation, on était censé contrôler l'abattage de tous les animaux, sauf que là, on contrôlait 15 vaches sur 500 qui étaient abattues chaque jour. Quand je parlais au chef vétérinaire, il me disait Non mais imagine, poster quelqu'un sous la journée à ce poste-là, c'est pas possible, on va devenir fou. Et puis en plus, on est en sous-effectif. Donc le fait qu'ils soient en sous-effectif, plus qu'il n'y ait pas de conséquences derrière par rapport au bien-être animal, fait qu'il y a beaucoup de disparités, que le bien-être animal est clairement laissé sur le carreau. J'ai essayé aussi d'accéder à d'autres postes dans l'abattoir, notamment à la bouverie. C'est l'endroit où sont déchargés les animaux après le transport. C'est une sorte de grand hangar avec des couloirs métalliques. Donc les animaux sont parqués en attendant d'être abattus. Et là, c'est intéressant parce qu'on peut voir s'il y a des animaux qui arrivent morts lors du transport. On peut voir des animaux blessés. On peut voir les conditions aussi d'attente. Sauf que le problème, c'est que c'est un poste qui est très convoité par les anciens agents vétérinaires. Parce que c'est un poste qui est très facile à faire d'un point de vue personnel, d'un point de vue physique. Ce n'est pas un travail à la chaîne. On est posté sur un bureau. On attend que les transporteurs arrivent. Donc c'est un peu du repos. C'est un peu le poste doré. Donc moi, forcément, on ne m'y mettait pas. Donc j'ai prétexté que je voulais passer mon concours de la fonction publique et que pour ça, j'avais besoin de voir un peu tout ce qui se passait dans un abattoir, d'avoir une connaissance du milieu de la bouverie. Et donc sur mon temps de pause, je prenais des initiatives, je demandais d'aller en bouverie sur mon temps de pause. Et ils étaient plutôt fiers de moi. J'avais un sentiment de culpabilité, mais c'est vrai qu'ils étaient contents de voir que je prenais des initiatives, que je voulais m'instruire et m'informer en vue du concours. Et donc sur mon temps de pause, j'allais en bouverie pour voir ce qui se passait. Et ça, j'ai réussi à accéder seulement au bout de trois mois à la bouverie. Et j'ai dû y aller, je pense, trois fois. Et tous les trois fois, j'ai pu voir, on peut le voir dans les images aussi, des animaux qui arrivent morts, qui arrivent blessés, qui boitent. J'ai pu aussi, en discutant, voir que les animaux pouvaient rester 48 heures sans manger, alors que la réglementation impose un délai qui est beaucoup plus court. En trois jours, j'ai pu voir déjà pas mal de choses en bouverie. Donc je me dis que ça aurait été intéressant aussi de rester plus longtemps, mais malheureusement, j'ai dû partir plus tôt. Quand on est dans un abattoir de bovins, on s'imagine que cet abattoir sert à produire de la viande, mais les abattoirs essaient de prélever le plus de produits possibles sur un animal. Donc il y a la viande, c'est le sujet principal. Mais sinon, on prélève aussi la peau pour en faire du cuir. J'ai même appris au travers de discussions qu'on prélevait des calculs biliaires. Moi, des fois, j'avais des poches de bile, je voulais les percer. On me disait non, non, il ne faut pas que tu les perces, sinon ça va partir aux égouts. Tu la donnes à telle personne. En fait, quand on perce la poche, des fois, on récupère des calculs biliaires et c'est vendu très, très cher au kilo. Donc il y a un business là dessus. On récupère aussi le cuir du visage des vaches pour faire des livres religieux. Il y a tout un tas de produits, ce qu'on appelle des sous-produits, qui sont issus des abattoirs. Ce n'est pas juste la viande. J'ai aussi fait une découverte assez folle, très peu connue en France. De temps en temps, je voyais des fœtus arriver parce qu'on abattait des vaches gestantes. Sauf que ça ne se terminait pas là. Je voyais qu'il y avait des manipulations qui étaient effectuées sur ces fœtus. Quand j'avais une minute de pause entre deux carcasses, j'allais discuter avec l'agent qui récupère les fœtus. Et j'ai pu filmer ces images-là, et en fait, lui, il prélevait du sang sur les fœtus. Et en fait, c'est aussi un sous-produit. On prélève du sang sur les fœtus pour faire du sérum de veau fœtal. Il y avait une personne en charge de faire des poches de sang. Elle faisait, je crois, 4 à 5 litres de sang par jour, pour à la fin en extraire à peu près 2 litres de sérum de veau fœtal. On appelle ça SVF, et c'était commercialisé, je crois que ça sert à l'industrie pharmaceutique, au laboratoire. Ce qui est assez intéressant par rapport à ça aussi, c'est que... en principe, on n'est pas censé abattre des vaches gestantes de plus de 80%, mais quand on a un fœtus qui est âgé depuis demi-mois, forcément on va récupérer plus de sang. Finalement, Bigard se faisait de l'argent sur une pratique qui est normalement illégale. Cette infiltration s'est terminée au bout de 4 mois. D'un point de vue image, j'avais à peu près tout ce que je voulais avoir. J'avais beaucoup d'éléments forts, dont j'avais l'abattage sans étourdissement, j'avais les fœtus. J'avais des preuves de l'absence de formation. Et aussi, j'ai décidé de quitter mon emploi parce que je sentais qu'il y avait des doutes autour de moi. Je voyais le chef d'équipe qui m'observait, qui me regardait du coin de l'œil, qui ne me disait plus bonjour, qui était un peu froid avec moi. Je voyais aussi la vétérinaire qui trouvait que j'avais un comportement exacerbé au sujet de la cause animale. J'étais trop à l'aise, que je prenais un peu trop de liberté. Donc, il y avait beaucoup de choses. Je sentais un climat très bizarre autour de moi. J'ai pu avoir une confirmation de ces doutes. À ce moment-là, je ne me sentais plus en sécurité pour filmer. À partir du moment où je me sentais observé, je me suis dit que ce n'était plus possible de faire des images, que je n'allais plus pouvoir travailler sur l'allemand. Et donc, j'ai décidé de partir, tout simplement. Quand la mission se termine, je me sens à la fois, évidemment, satisfait, parce que je sais que j'ai des images très fortes qui vont aboutir à une belle enquête. Donc, je suis très content de mon travail. Par contre, je suis exténué, je suis fatigué. Ce qui est assez intéressant aussi quand on fait ce métier, c'est qu'on perd en lucidité. C'est-à-dire que moi, je travaillais dans un environnement qui était assez hostile, assez dur, froid, avec du sang, du bruit. Et on perd un peu en lucidité sur ce qu'on voit puisque ça devient un environnement quotidien, normal, avec des gens qui sont tous sourières, qui travaillent normalement, qui chantonnent, qui s'amusent entre eux. Donc c'est assez compliqué de ce point de vue-là. Et j'étais aussi dans un état de... j'ai eu une grosse perte de confiance en moi. C'est-à-dire que quand on fait un travail manuel à la chaîne, quand on est monotâche, quand on passe quatre mois à découper des cœurs, à découper des poumons, à découper des morceaux de viande... et bien à la fin on a l'impression d'être réduit à ça de n'être capable que de faire ça même si on a d'autres compétences même si par le passé on a fait d'autres choses j'avais l'impression d'être bon qu'à faire ça et je me disais mais qu'est-ce que je vais faire de ma vie après en fait là je savais que c'était ma dernière enquête que j'étais plus en mesure physiquement, psychologiquement d'en faire donc je me suis dit maintenant mais qu'est-ce que je vais faire je suis bon à rien, je sais rien faire j'étais pas au top de ma forme même si j'étais content de mes enquêtes c'était un petit moment de ma vie où je broyais pas mal de noir qui m'a aidé à sortir de cet état de tristesse, de mal-être C'est, déjà je veux dire, j'ai eu la chance que cette enquête se termine en juin. Parce que j'ai pu profiter de l'été pour me ressourcer, j'avais la lumière, j'étais bien entouré. J'étais aussi impatient à l'idée que l'enquête sorte. J'avais hâte aussi de voir les répercussions, de pouvoir en parler. À ce moment-là, on a aussi décidé que j'allais témoigner à Visage Découvert, chose qui est assez rare. On s'était dit que c'était quand même plus intéressant d'avoir quelqu'un qui raconte de l'intérieur, pour appuyer un peu les images, et de mettre aussi un visage sur les gens, des fois qui font des infiltrations. Donc ça, ça m'aidait aussi à relever la tête, mais clairement, ce n'était pas les moins les plus faciles. Lorsque l'enquête sort le 28 octobre 2021, je me rappelle parce que c'était mon anniversaire, belle surprise, ça fait un buzz médiatique. On est tous très contents des répercussions médiatiques, ça prend au niveau national, tous les médias sont part du sujet, c'est vraiment un super point. J'ai même pu faire un plateau télé, beaucoup d'interviews. Donc de ce point de vue là, on a eu de la chance parce que ça peut arriver qu'on sorte une enquête et que ça arrive dans une actualité médiatique qui est trop chargée ou autre. Donc là c'était assez positif. Mais au moment de la sortie d'enquête, l'A214 porte plainte et lance une pétition pour réclamer un changement de la législation et notamment demander l'interdiction de l'abattage sans étourdissement. Donc ce n'est pas la fin de l'abattage halal, c'est vraiment sans étourdissement. Juste pour préciser, on peut faire de l'abattage halal avec étourdissement. Il y a des pays comme l'Indonésie, la majorité musulmane, qui font l'abattage halal avec étourdissement. Donc l'A214 demande la fin de l'abattage sans étourdissement des animaux et la fin de l'abattage des vaches gestantes. C'était les deux seules demandes réglementaires de l'A214. Et ensuite, à 1914, on a porté plainte à la fois contre l'État pour des manquements de contrôle du bien-être animal, et à la fois porté plainte contre l'abattoir Bigard pour maltraitance sur l'animal. D'un point de vue personnel, sur le moment, c'est un peu frustrant de voir qu'on demande deux petites choses qui me paraissent accessibles, alors que pour moi c'est tout un système qui est à revoir, l'abattage à la chaîne des animaux, l'exploitation des humains aussi qui font ce travail-là, et on perd vraiment tout le lien avec les animaux. Pour moi, il faudra revoir tout le système. La première plainte contre l'État a abouti, donc L214 est gain de cause. L'État a été reconnu coupable de manquement par rapport au contrôle du bien-être animal et de la formation. Donc ça, c'est quand même un point positif. Et la plainte contre Bigard, je crois, est encore en cours. Moi, dans mon monde idéal, il n'y aura plus d'achatation animale, donc il n'y aura plus d'abattoir. Ça, c'est difficile à entendre pour beaucoup de monde, et je ne pense pas que ce soit atteignable en France, en tout cas, dans n'importe quel pays. Ça, ce serait dans mon monde idéal. Sinon, dans un monde idéal, on va dire, mais avec encore de l'exploitation, je pense par exemple qu'un abattage à la ferme serait déjà mieux, pour plusieurs raisons. Déjà, on évite le transport, on évite peut-être des cadences énormes avec des abattoirs-usines énormes où on tue 500, parfois 1000 vaches par jour. Peut-être qu'un rapport un peu plus proche à l'animal sera souhaitable, c'est-à-dire un animal à la ferme que l'éleveur a connu. Une consommation plus légère aussi, moins de gaspillage. J'invite aussi les gens à s'interroger sur leur consommation, sur la quantité d'animaux qu'ils consomment. quotidien. Dans mon entourage, je pense que c'est un peu représentatif de la France. C'est-à-dire qu'il y a des gens qui ont pris en compte ce que j'ai fait, qui ont pris le temps de regarder, qui ont essayé de faire des efforts pour diminuer leur consommation de viande, en tout cas pour vouloir en discuter calmement, et d'autres qui n'ont pas voulu regarder les images, qui se sont braquées et même à qui j'ai perdu du lien. Donc je pense que ça dépend aussi de la sensibilité des gens. Il y a des personnes qui veulent savoir, qui veulent changer, d'autres qui ne veulent absolument pas. Je pense que c'est aussi très idéologique. Soit on décide de... de s'en foutre, de manger des animaux, de les exploiter, et on met le salut comme ça. C'est une idéologie. Moi, ce que je propose, c'est une autre idéologie, clairement. C'est le fait de plus prendre en compte les animaux, de plus les respecter. Et ça passe par soit une diminution de consommation, soit on ne les consomme plus, soit on est plus attentif à ce qu'on voit lorsqu'on va au zoo, au cirque, on peut peut-être voir des choses qui ne vont pas. Donc, dans ma famille, dans mon entourage, comme en France, c'est des idéologies différentes, des sensibilités différentes, que certaines personnes qui évoluent, qui changent, et d'autres... Avec le recul et quelques années après, je garde franchement que du bon de cette expérience. Ça a duré un an. À ce jour, je n'ai pas de séquelles psychologiques, physiques, je n'ai pas de traumatismes. J'ai quand même la sensation d'avoir fait quelque chose de fort et de grand pour la cause animale. Et je ne pense pas pouvoir faire plus au cours de ma vie. J'ai quand même un sentiment de fierté par rapport à ça. J'ai aussi l'impression d'avoir rendu à la leçon 14 qu'il m'avait donnée. C'est-à-dire que c'est eux qui m'ont permis de prendre conscience sur ce que vivaient les animaux en France à travers des images d'enquête. Et moi, à mon tour, j'ai réalisé des images d'enquête, donc je suis assez content de ça. Cette infiltration a changé beaucoup de choses pour moi. Je pense que déjà, j'ai plus cette frustration de ne rien faire pour les animaux. Ça ne veut pas dire que là, je ne vais plus rien faire dans mon activisme, mais j'ai la sensation d'avoir fait quelque chose d'impactant. Ensuite, dans mon militantisme, ça a aussi changé quelque chose, c'est que je suis beaucoup moins dans l'émotionnel qu'avant. Le fait d'avoir été au contact de violences, de souffrances, d'avoir dû mourir à répétition, ça fait que maintenant j'agis beaucoup moins par émotion. Ça fait aussi que les débats sont beaucoup moins envenimés. Mais quand je parle à quelqu'un, c'est beaucoup plus factuel. Je parle beaucoup plus à travers la logique, à travers les faits. Il y a aussi cet aspect-là de moi qui a changé. Je pense qu'il faut un équilibre entre notre bien-être et notre militantisme. J'ai vu beaucoup d'activistes parler de causes animales jour et nuit et finir en dépression et on ne les voit plus au bout d'un an. Moi, j'essaie de trouver un équilibre du bien-être dans tout ça. Donc, à très long travail, je continue à faire des choses. Mais en dehors de mon temps de travail, j'essaie de m'accorder des moments de loisirs, de développement, autres, de choses un peu plus belles, plus positives. Je pense qu'il est important de trouver un mode d'activisme dans lequel on est à l'aise, dans lequel on a des compétences, mais vraiment, surtout, dans lequel on se sent bien. Comme j'ai dit, aller parler aux gens et être dans le conflit, ce n'est pas pour moi, je ne suis pas à l'aise. Par contre, c'est utile. Je pense que le débat est important. Et il y a... énormément de formes d'activisme. Il y aura des porte-paroles, il y aura des enquêteurs. Il y a aussi, par exemple, on pense à Rodolphe Landman, par exemple, c'est un type qui a ouvert une chaîne de boulangerie végétale. C'est une manière aussi de sensibiliser et aussi de proposer autre chose, parce que maintenant, quand on dit aux gens qu'il faut changer de mode alimentaire, si on ne leur propose rien derrière, rien de bon, d'impétissant, le mur est beaucoup plus haut. Il y a vraiment beaucoup de formes d'activisme en fonction de nos compétences, et surtout en fonction de là où on est à l'aise. J'ai écouté Tentative et ce que je peux voir, c'est qu'il y avait un schéma qui était assez régulier. C'est qu'on avait des gens qui ne se sentaient pas dans leur botte par rapport à leur vie. Et du coup, ils se sont dit, je vais tenter quelque chose, quelque chose qui me plaît. Et ça a été un peu mon cas aussi. Je me suis dit, là, j'en peux plus, ça ne va pas être ça ma vie. Il faut que je tente quelque chose. Il faut que je fasse des choses qui me tiennent à cœur, qui ont du sens et qui me plaisent. Évidemment, j'invite tout le monde à s'écouter et à prendre des risques, à le faire intelligemment aussi. Moi, ça ne s'est pas fait du jour au lendemain non plus. Ça ne s'est pas fait sans un coup de tête et ça s'est aussi fait grâce à une opportunité. Je ne me suis pas non plus jeté dans le vide sans emploi. Donc, on a tous. des parcours de vie différents. On n'a peut-être pas tous les moyens de tout jeter pour compter quelque chose, de prendre des risques. Par contre, évidemment, j'invite tout le monde à prendre des risques, à faire des choses qui ont un impact, à faire des choses qui vous plaisent. Des fois, avec des amis, des collègues, on a tendance à dire que la vie, c'est un peu un jeu vidéo. Ça permet aussi de prendre les choses avec moins d'importance. Même ce que j'ai fait, ça peut être un peu comme un jeu. Je suis rentré avec ma petite caméra, j'ai fait des trucs. Alors, on se couvre un peu, mais je veux savoir, on s'en sort quand même. J'invite vraiment tout le monde à prendre des risques et à faire des choses qui les allongent.

  • Speaker #1

    Vous écoutiez Tentative, le podcast qui laisse la parole à celles et ceux qui tentent de nouvelles expériences. J'espère que l'épisode vous a plu. Si vous voulez en savoir plus sur l'enquête de Thomas ou sur le rôle de l'association L214, je vous mets tous les liens dans la description. Si vous aussi vous voulez partager une expérience qui vous a fait grandir, vous pouvez me contacter sur Instagram. Merci d'avoir écouté et à dans deux semaines pour un nouveau parcours de vie sur Tentative.

Chapters

  • Générique de début

    00:00

  • Comment j'ai grandi

    00:20

  • Rencontre avec un vegan

    01:26

  • L'électrochoc

    02:40

  • J'ai voulu en savoir plus

    03:49

  • 1. Devenir végétalien

    04:30

  • L'impact de notre alimentation

    05:27

  • 2. Premières actions militantes

    07:13

  • 3. Sauter le pas, intégrer L214

    08:11

  • Le recrutement et la préparation

    09:29

  • Annonce à ma famille

    11:07

  • Le risque des infiltrations

    11:41

  • Le stress du début

    13:08

  • Trouver un job en abattoir

    13:51

  • 1er poste: ramasseur de volaille

    15:04

  • Effets secondaires

    19:00

  • Fin de mission

    20:08

  • 2ème poste: accrocheur de dindes

    20:29

  • 7 jours seulement

    24:11

  • La partie abattage

    25:21

  • Entre employés on ne parle pas

    25:57

  • DÉMASQUÉ

    26:34

  • Postuler en abattoir de viande bovine

    28:29

  • Le poste d'agent vétérinaire

    30:17

  • Comment supporter les images ?

    33:18

  • La prise en considération du bien-être animal

    34:36

  • Entrer à la bouverie

    35:52

  • Un business de sous-produits

    37:17

  • Fin de mission, heureux et épuisé à la fois

    38:59

  • La sortie de l'enquête et les retombée médiatiques

    41:33

  • Conclusions judiciaires

    42:57

  • Mon monde idéal

    43:14

  • Un peu de recul

    44:55

  • Trouver un équilibre

    46:09

  • Trouver son mode d'activisme

    46:33

  • Le mot de la fin

    47:14

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