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Terra Mucho Podcast

EP22 - Madeleine Ngeunga : Quand le journalisme devient un acte écologique

EP22 - Madeleine Ngeunga : Quand le journalisme devient un acte écologique

52min |17/11/2025
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52min |17/11/2025
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Description

Dans cet épisode, Mireille  reçoit Madeleine Ngeunga, journaliste d’investigation engagée sur les questions environnementales et éditrice régionale pour l’Afrique au Pulitzer Center. À travers ses enquêtes, Madeleine révèle les mutations écologiques qui affectent le bassin du Congo, là où les forêts reculent et où les communautés s’adaptent aux changements climatiques.


Madeleine partage son parcours et explique comment elle est passée de la couverture des droits humains à un journalisme centré sur l’environnement. Son déclic est survenu lors d’un reportage dans les mangroves du Cameroun : « J’avais l’impression d’être dans un autre pays… voir des maisons sur pilotis englouties par les eaux, des enfants jouant au milieu des troncs d’arbres, des femmes fumant des poissons… ça m’a permis de prendre conscience de la complexité des enjeux climatiques et environnementaux. »


Aujourd’hui, Madeleine ne se contente plus de raconter ces histoires : elle forme et accompagne une nouvelle génération de journalistes africains, pour qu’ils puissent eux aussi enquêter sur l’impact du changement climatique depuis leurs territoires et rendre visibles ces réalités souvent ignorées.

Avec cet épisode, découvrez comment le journalisme peut devenir un acte écologique et un engagement concret pour la planète, à travers le récit authentique de celles et ceux qui observent, analysent et agissent.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    bonjour à toutes bonjour à tous et bienvenue sur le podcast des terres à mon chou alors aujourd'hui je reçois madeleine guingard madeleine et journaliste d'investigation et les éditrices pour afrique pour l'afrique au centre puis les a senti et à travers ses enquêtes madeleine révèle ce qu'est la matière maudit quand les forêts reculent quand les verts avance. Galevi s'adapte silencieusement aux changements climatiques et d'autres facteurs environnementaux. Mais son engagement ne s'arrête pas là. Après avoir raconté la mutation écologique dans le bassin du Congo, elle forme et accompagne une nouvelle génération de journalistes africains qui racontent à leur tour ces réalités depuis leur propre territoire. Avec Madeleine, nous allons parler du pouvoir du journalisme comme acte écologique, comme acte d'engagement pour l'environnement, de la force de la transmission et de ce que ça signifie aujourd'hui raconter la terre pour mieux la protéger. Bonjour Madeleine.

  • Speaker #1

    Bonjour Mireille, c'est un plaisir pour moi d'être là aujourd'hui et de pouvoir partager, échanger.

  • Speaker #0

    Super, comment tu vas ce matin ?

  • Speaker #1

    Alors je vais très bien. Par la force du temps, le climat est un peu clément ces jours-ci. Donc, il y a un peu moins de pluie. La saison pluvieuse est en train de s'achever. Donc, on va un peu vers des journées un peu plus ensoleillées. Et je pense que c'est le climat qui me convient le mieux le plus souvent.

  • Speaker #0

    Ah oui, pour moi, j'adore la pluie. J'adore quand il pleut. Même si ça coupe Internet des fois, mais j'adore quand même. Bon, du coup, Madeleine, est-ce que... Est-ce que tu aimerais compléter cette présentation que j'ai faite de toi pour raconter ce qu'on ne trouve pas sur Internet ? Parce que ça, c'est ce qu'on voit sur ton lit, ta page LinkedIn et tout. Mais qui es-tu vraiment et d'où tu viens ?

  • Speaker #1

    Alors, disons que je suis une femme camerounaise qui aime rencontrer les gens et qui aime aller à la rencontre des personnes, qui aime faire des voyages, découvrir les histoires des gens. découvrir les cultures, découvrir les perceptions des uns et des autres pour mieux s'enrichir. Donc j'aime la diversité. Je suis également maman. Je pense que aller à la rencontre des gens aussi, c'est ce côté d'embrasser des gens, ce côté de se sentir proche des gens. Je suis également maman d'une petite fille et épouse. Et je suis journaliste, donc je suis femme engagée sur les questions environnementales et j'utilise l'écriture pour raconter un peu tous ces changements qui s'opèrent sur notre planète et qui affectent les personnes que je rencontre au quotidien et qui m'affectent aussi. Donc, je dirais que c'est ça ma clé.

  • Speaker #0

    C'est intéressant. Quand tu étais en train de te présenter, je me disais, mais en fait, je me suis trompée. On dirait qu'elle est anthropologue. Elle aime aller à la rencontre des gens. Mais en fait, tu vois que c'est un lien commun avec le journalisme aussi. on le fait parce qu'on aimait trop contact avec les gens,

  • Speaker #1

    j'imagine. Effectivement. Je pense que l'une des choses qui nous enrichit beaucoup dans le journalisme, c'est qu'on va, on cause avec des gens. Par exemple, il y a une question de changement climatique ou bien une question d'inondation. On va dans les communautés, on voit comment elles sont affectées par ces inondations, on voit leur mode de vie, on voit ce qui change. Chaque fois, c'est des nouvelles personnes qu'on rencontre et ce côté découverte de qui est l'autre est vraiment étroitement lié. de mon point de vue au métier de journaliste, parce qu'on n'écrit pas pour nous d'abord, on écrit pour le public. On ne parle pas de nous, on parle du public. Donc, c'est toujours un moment de partage, c'est toujours de savoir comment les autres vivent, savoir comment ils font pour surmonter certains défis. Donc, pour moi, c'est la rencontre. Pour moi, c'est le meilleur côté du journalisme, c'est ça. C'est aller à la rencontre des gens, raconter leurs histoires au quotidien.

  • Speaker #0

    Alors, on va parler de tout ça, de ton travail, mais avant, on va faire un petit pas en arrière. Donc, d'où viens-tu du Cameroun et j'aimerais savoir si ton nom Nguenga veut dire quelque chose.

  • Speaker #1

    Ah, ça, c'est souvent la question qui m'embarrasse quelques fois parce que, voilà, je viens de la partie ouest du Cameroun, dans le département du Hongkam. Alors, j'ai souvent demandé, voilà, mon nom c'est Nguenga. littéralement ça peut vouloir dire celle qui dit non mais je ne suis pas sûre parce que j'ai souvent demandé ça veut dire quoi NGUNGA des parents m'ont parfois expliqué que non c'est une sorte je sais pas si c'est une sorte de racine ou quoi que ce soit mais jusqu'ici je n'ai pas trouvé une explication claire de ce que veut dire NGUNGA mais si je prends de façon littérale NG ça veut dire un peu parler parler et NGA c'est non donc moi je transforme ça voilà dire non c'est peut-être peut-être celle qui dit non. Mais ça, c'est mon explication. Il faut encore entrer dans les termes anthropologiques et rencontrer d'autres personnes pour savoir s'il y a une autre signification que je ne connais pas.

  • Speaker #0

    Je pose toujours cette question parce que je sais énormément qu'en Afrique, les noms, ils ont des sens. Ou alors, si ce n'est pas les noms qui ont des sens, mais... Il y a une raison pour laquelle on donne un nom et pas un autre à un enfant. Ce n'est pas juste on tire dans un catalogue. Est-ce que toi, tu sais pourquoi on t'a donné ce nom ? D'où il vient ? Est-ce que tu l'as hérité de tes grands-parents ? Est-ce que c'est toi la première à le porter ?

  • Speaker #1

    Ok, de ce point de vue-là, oui, je connais quand même l'histoire du nom. Donc, on m'a donné le nom de la petite sœur à mon papa. Mais ce n'est pas elle qui commence avec ce nom. C'est le nom d'une de nos grands-mères du côté de mon papa. dans une des grammaires paternelle qui était un peu comme à la base du fondement d'une génération de notre famille. Donc, c'est un nom qui remonte à au moins trois, quatre générations. Et c'était une femme de la famille. Et ma tante, quand je suis née, mon papa a dit, ok, je vais lui donner le même nom. Donc, moi actuellement, par exemple, Madeleine Gunga, il y a une tante qui est la soeur de mon papa, qui a le même nom intégralement. La seule différence, c'est l'écriture. Donc, on m'a donné le prénom et le nom. Donc, je me rappelle, quand on était tout petits, elle m'appelait moi-même. Donc, il faut dire, ok, nous sommes la même personne, je dirais. Mais c'est un nom qui...

  • Speaker #0

    À l'état civil, ça doit être problématique, en fait.

  • Speaker #1

    Oh oui, oui, ça doit être problématique. Mais bon, je n'ai jamais rencontré de problème lié à cela parce qu'elle n'est pas déjà dans la même ville que moi. Elle est d'une génération bien plus dense que ma maman, carrément. Donc, il n'y a jamais eu ce problème. Et le nom ne s'écrit pas exactement. de la même manière parce qu'il se dit que le nom a été mal écrit à l'état civil. Même commentaire qui revient parfois sur comment est-ce que le nom a été vraiment écrit. Donc, il y a ce souci-là qui s'est posé sur mon nom. Donc, ça fait qu'il y a peu de chances qu'il y ait des confusions sur la vie des personnes.

  • Speaker #0

    On va aller comprendre un petit peu plus ton parcours et comment tu en es arrivé là. Alors, je sais que ton déclic, il s'est joué au Cameroun, dans les mangroves là-bas, quand tu as vu les maisons qui étaient englouties. Tu étais allée faire ce reportage qui a tout changé pour toi. Qu'est-ce que tu as vu à ce moment-là et qu'est-ce que tu as ressenti ? Qu'est-ce que ça a changé pour toi d'avoir fait ce reportage au fait finalement ?

  • Speaker #1

    Alors, c'est un peu nostalgique là parce que ça fait pratiquement dix ans. Et c'était à cette période-ci, donc au mois de novembre par là, de l'année 2015. Donc, le fait qu'on se rende compte de faire cette émission en 2025, c'est quand même assez. Et que cette question revienne, je dirais que ça fait... Ça fait quand même assez nostalgique et ça me replonge dans ce moment-là. Alors, c'était à Cap Cameroun. Cap Cameroun, c'est là où est installée une des antennes, des plus vieilles antennes de localisation et de télécommunication du Cameroun. Et c'est presque dans la mer. Et j'y étais allée pour voir comment est-ce que le changement climatique affectait les communautés dans cette partie du Cameroun, dont le sujet me tombait dessus la veille de la COP, pour en faire des réglés, des réglés. Les appels à candidatures pour les sujets peuvent médiatiser les sujets sur le changement climatique. Donc, je tombe sur le sujet. Je veux partir plutôt à Manuka. C'est toujours une des îles au Cameroun, dans la partie littorale du Cameroun. C'est une des îles. Mais il se trouve que les autorités ont une descente plutôt à Cap-Cameroun, parce que c'est la période où il pleuvait encore énormément dans la ville. Donc, je suis allée en embarcation avec les autorités. Et quand nous y sommes arrivés, vraiment, j'avais l'impression d'être... dans un autre pays je ne sais pas en fait voir des maisons surpilotées englouties par les eaux pour moi je ne me retrouvais pas je savais pas je me disais mais c'est comme un no man's land parce que il y avait des tout petits enfants avec des lianes des branches de mangroves qu'ils ont tissé qu'ils ont mis sur la tête qui sont en train de jouer là en bordure on va dire en bordure de l'eau l'eau est envahie une bonne parcelle des maisons sur pilotis dans lesquelles vivait des enfants qui étaient là qui jouait pour eux c'était rien c'était leur quotidien c'était là où ils avaient l'habitude de jouer donc cette image de ces enfants qui étaient dans cet environnement qui n'avait plus de maison qui leur maison était en gloucée par exemple mais eux ils ne réalisaient pas que voilà c'est un problème parce qu'ils étaient dans leur âme d'enfant ils allaient vers les il y avait des troncs d'arbres des troncs d'arbres ils vont dire totalement séchés donc tu voyais que Cet endroit, c'était la terre ferme avant. Et l'eau est venue ravager tout. Et on voyait juste comment l'eau a été... On voyait encore des traces d'eau, mais on voyait l'arbre qui est presque dans l'eau. Et on voyait des débris de bois cassés, parce que l'eau avait détruit ses maisons sur Pélotie. Donc, on avait des débris partout. C'était comme un chantier, mais un chantier des maisons sur Pélotie. Et on voyait très bien que... C'est l'eau qui envahit la zone. Il y a des mamans, des femmes qui font dans le fumage de poissons qu'on appelle chez nous les mifagas. C'est l'exemple de crevettes. Elles font dans le fumage de ce type de poissons. Elles étaient là, elles racontaient le désastre, comment les pluies sont arrivées, ça a inondé tout. Elles ne savent pas comment elles vont sécher. On est allé visiter la petite école qui était à côté. L'école aussi qui était un peu à matériaux provisoires, mais il y avait toujours des... Comme c'est une île, ils avaient mis des piquets là pour surmonter un peu. Et l'eau était totalement dans la cour de l'école. Donc, ces jours-là, les enfants n'ont pas pu aller à l'école. On a vu des troncs d'arbres, de bois de mangrove, des rondelles là qu'ils avaient coupées. Et il y avait aussi des petites rondelles qui étaient plus minces, plus fines, donc des jeunes branches, des jeunes arbustes qui avaient aussi taillé. Et les populations nous ont raconté, moi c'est ce qui m'a le plus marquée, ils m'ont pointé du doigt l'antenne qui, d'après leur témoignage, se trouvait quelques années avant au centre du village, donc au milieu du village. Et l'antenne aujourd'hui, on devait juste la pointer du doigt, elle se trouvait déjà dans la mer. Donc plusieurs centimètres de terre avaient été engloutis par les eaux, dont la superficie de l'île se réduisait au fur et à mesure, et les populations ne savaient pas où elles devaient aller. Donc pour moi, c'est la première fois. de voir à quel point le changement climatique, les inondations, la coupe abusive d'arbres qui retiennent les zones côtières pouvaient affecter les communautés. Parce que je n'entendais pas aller, je me disais que ça ne se passe peut-être pas au Cameroun, mais là je vivais en direct et je voyais les dégâts, c'était encore tout frais en fait. C'était quand même assez traumatisant pour moi parce que je ne m'attendais pas à voir cela. Je m'attendais à voir des gens qui vont me dire le changement climatique, voilà comment ça nous affecte. Mais le vivre en direct et avoir des témoignages qui disent qu'aujourd'hui, les gens coupent des jeunes pousses de mangroves, des jeunes arbustes de mangroves, et ils devraient couper plutôt les rondelles qui sont déjà en maturité. Comme disent l'antenne, elle était au milieu du village. Aujourd'hui, elle est engloutie par les eaux. Je vois des enfants qui sont là, tout innocents, qui jouent en bordure de mer, à côté des troncs d'arbres, où il y a des tissus entachés. C'était assez émouvant et j'ai pu raconter une histoire sur cela.

  • Speaker #0

    Est-ce que ça, ça a été du coup le moment déclencheur qui t'a poussé dans les organismes d'investigation sur les questions de l'impact des changements climatiques ou des dégâts environnementaux ? Ou est-ce que déjà tu étais déjà dans le sujet en train de faire ce travail-là ?

  • Speaker #1

    Je dirais que j'étais déjà dans le sujet des droits humains. J'étais déjà passionnée par tout ce qui concerne... Voilà, on avait beaucoup découvert les déguerpissements, par exemple, dans la ville de Douala, où chaque fois on disait que les populations sont installées dans les zones à risque, l'État est venu pour les déguerpir dans l'arrondissement de Douala 4e, par exemple, à Mabanda, où on a des gens qu'on a eu à casser, dans des zones comme Abipanda, où on a fait des descentes sur le terrain. On a vu comment pendant les saisons de pluie, l'eau envahissait un peu les maisons. Mais je crois que c'était, pour moi, je me disais, c'est plus gouvernance, c'est plus l'État qui n'anticipe pas et qui n'enlève pas, ne délocalise pas ces populations rapidement. Donc, je ne faisais pas forcément très rapidement le lien avec le climat. Je savais, OK, ces gens sont venus s'installer, ce sont des zones ariques, ce sont des zones marécageuses. Et du jour au lendemain, on vient les casser, ils n'ont pas de titre foncier, ils n'ont pas ça. J'ai beaucoup couvert ce type de sujet. METTE À ce moment, je ne faisais pas vraiment le lien environnemental. Je savais qu'ils sont sur les drains, mais bon, c'est pas... Mais quand je suis allée sur les deux Manukas, je crois que j'ai pris plus conscience de la complexité de la thématique, du fait qu'il y a beaucoup de forces en présence, du fait qu'il y a les aspects climatiques, du fait qu'il y a la responsabilité même des populations qui déforestent, et le fait aussi que c'est aussi des décisions de gouvernance, d'anticipation. Donc, j'ai pu voir un peu que c'était un... problème. Ce n'était pas un sujet de voilà, c'est arrivé, on a couvert et puis ça va. Mais c'était un sujet qu'il fallait creuser à profondeur pour comprendre les causes profondes de la situation. Donc, je crois que ça a été quand même un gros déclic parce que grâce à ce premier reportage vraiment qui m'a permis de prendre conscience des enjeux de changement climatique, j'ai reçu beaucoup d'autres coachings qui m'ont permis de voir qu'il y a des chercheurs qui avaient déjà analysé, par exemple, la superficie de terre. qui a disparu, qui a été engloutie par les eaux sur l'île de Manuka, ce que je ne savais pas. Il y a des géographes qui avaient fait des travaux sur la question. Donc, j'ai vu que c'était toute une nouvelle discipline sur laquelle beaucoup de personnes travaillaient et travaillaient de façon pointue. Et pour moi, savoir qu'il y avait déjà cette ressource-là, cette possibilité-là, je me suis dit « Ah, mais on n'en parle pas de cette manière dans nos médias. On ne traite pas forcément ces sujets de cette manière. On les traite comme « Ok, il y a une autre inondation, on en parle. Et puis, la saison d'après, on en parle. » Mais un travail de fond qui permet de ressortir ... les enjeux, les causes profondes et les perspectives, on n'en faisait vraiment pas assez. Donc pour moi, c'était un appel à, OK, il faut peut-être travailler différemment, il faut peut-être trouver des données, il faut peut-être faire des choses beaucoup plus pointues. Au lieu de s'arrêter aux gens qui pleurent que l'on a envahi leur maison, est-ce qu'on ne peut pas voir, est-ce qu'il n'y a pas d'autres causes, est-ce qu'il n'y a pas d'autres éléments qu'on ne palpe pas ou qu'on ne voit pas à première vue, sur lesquels il faudrait s'apesantir. Donc c'était pour moi un appel à faire plus et faire différent.

  • Speaker #0

    Donc c'est ça qui te met du coup sur le chemin du journalisme d'investigation, mais comment tu fais pour ? Pour y arriver, tu ne te lèves pas, tu dis « Allez, je vais pousser plus » et tu y arrives, paf, des doigts magiques. Qu'est-ce que tu fais pour y arriver en fait ? Qu'est-ce que tu fais pour dire « Je vais apporter ma contribution pour fuyer un peu plus des sujets, pour aller plus dans les fonds et ne pas rester en surface et dans l'actualité, mais d'aller voir vraiment des causes qui sont systémiques, qui sont en train de causer ce genre de dégâts ? » Comment tu fais pour faire ce passage-là et de franchir des étapes ?

  • Speaker #1

    Alors, ça a été un long cheminement, enrichi de plusieurs expériences, de personnes ayant fait des travaux similaires dans mon entourage. Ça a été beaucoup de coaching, beaucoup de formation. Je pense que l'une des choses qui m'a beaucoup et qui continue de m'aider jusqu'à aujourd'hui, c'est de se former au quotidien. c'est une discipline nouvelle, les questions environnementales, le changement climatique, tout ça c'est nouveau. Je me rappelle quand on commençait, on disait, ok, le changement climatique c'est une question importée, ça ne se passe pas chez nous. Même la façon dont les communautés et les collègues au niveau national percevaient la question faisait qu'il fallait se former pour bien comprendre, ne pas juste dire, je veux faire différemment, tu fais comment, tu commences où, qu'est-ce qui te montre que ce que tu fais, ce que tu es en train d'apporter est vraiment différent. il fallait se former. Donc j'ai eu la chance de bénéficier de beaucoup de formations. L'une des premières formations, c'était avec Info Congo, Info Congo qui est la plateforme régionale du bassin du Congo qui traite les questions environnementales. Alors mon article que j'avais fait sur l'île de Cap Cameroun, avec peu d'outils, avec peu d'informations sur l'inondation. ça a été un des articles que j'ai utilisé comme élément pour pouvoir postuler à l'appel à candidature qui visait à former des journalistes du bassin du Congo sur l'utilisation, l'accès aux données, l'utilisation des données et des images satellitaires pour faire des travaux de fond. Quand j'ai vu l'appel à candidature, je me suis dit, ça arrive à point nommé, parce qu'avec mon article que j'avais eu à faire, j'avais reçu un coaching d'une journaliste internationale qui m'avaient un peu appris à fouiller, trouver des données. Parce que d'autres chercheurs me disaient qu'il fallait aller à la capitale politique à Yaoundé pour trouver des rapports, aller au ministère. J'avais quand même eu des bribes. C'est possible, derrière son ordinateur, de trouver des informations pour enrichir son texte. Donc, quand je vois l'appel à candidature, je me dis, ah, ça, c'est l'opportunité qu'il me fallait. Et je saute dessus, je postule et voilà, je suis retenue. Une semaine, on est formée par toute une équipe de journalistes qui venaient du Brésil, qui venaient des États-Unis, qui, eux, utilisaient déjà des outils de géojournalisme, des outils de géolocalisation. pour raconter les histoires sur le climat, pour raconter les histoires sur l'environnement. Donc, ils nous disent comment ça se passe. Ils nous montrent des plateformes où on peut trouver des données, où on peut analyser, par exemple, la superficie de forêts disparues, où on peut faire des calculs et comprendre de façon chiffrée qu'est-ce qui se passe pour ajouter à ce qu'on faisait déjà qui était des reportages de terrain où on humanise et comment est-ce qu'on humanise même ces données-là. Donc, ils nous ont formés sur la question. Et là, j'ai commencé à, on va dire, Merci. à ressentir plus d'engouement parce que je savais que les blocages que j'avais, au moins, s'il y avait des solutions quelque part. Donc là, je commence à être beaucoup plus confiante. Et je me dis, je dois continuer. À l'époque, je travaillais en radio. Je me dis, non, si je continue à faire de la radio, je vais être dans le quotidien, je vais couvrir la politique aujourd'hui, la santé demain, ce sera un peu la routine. Et je ne suis pas sûre que je pourrais me concentrer, me focaliser sur un thème et le travailler en profondeur ou bien même profiter, capitaliser de tous ces outils que j'apprends au quotidien. donc Donc, il y a eu cette formation. Il y a eu une autre formation sur les droits humains. Parce que oui, on parle de changement climatique, on parle d'environnement, on parle de journalisme, on raconte des histoires des gens. Alors, si on raconte des histoires sur l'environnement sans les connecter aux personnes, ou bien sans voir qui est redevable, qui est responsable, je pense que ça perd un peu de la pertinence. Donc, il y a eu des formations sur les droits humains, avec le Centre international des droits humains. Voilà, tout est lié. cette formation-là avec le Centre international des droits humains, Equitas, à Montréal, pendant laquelle il y avait des sessions où on rencontrait des experts qui parlaient de différentes thématiques. Et j'ai eu l'occasion de participer à une des sessions où il y avait des experts qui venaient du Brésil, et de l'Amérique latine en général, et qui nous racontaient comment l'agro-industrie a engendré des pertes énormes de forêts en Amazonie, des populations sans forêts, sans terres. à cause des grosses multinationales. Et ils nous ont dit, voilà, la prochaine frontière pour ce type de pratique, ce sera en Afrique. Et en Afrique, le deuxième poumon vers la planète, c'est le bassin du Congo. Donc, ce sera dans le bassin du Congo. Et là, ce n'est pas une formation pratique, ce n'est pas un outil, mais c'est une information qui permet d'ouvrir de nouvelles perspectives, qui permet de se rendre compte qu'il y a d'autres enjeux qu'on ne voyait pas, que rester au Cameroun, les traiter juste sur le plan national. C'était des enjeux qui avaient... une dimension au-delà du Cameroun. C'était des questions globales qui n'affectaient pas que les populations camerounaises. Donc, ça me donne une nouvelle lecture de la chose et s'enrichit aussi ce que j'ai comme capacité de travail sur la question. Après, il y a une autre formation sur l'accès aux données où j'ai pu comprendre que dans nos pays, en Afrique et en Afrique francophone en particulier, on a cette question de barrière d'accès aux données où les données ne sont pas forcément ouvertes, disponibles, ont un accès libre. Et comment est-ce qu'on compte tout ?

  • Speaker #0

    Ils ne sont pas en français.

  • Speaker #1

    Voilà, ils ne sont pas en français, ils sont publiés dans des plateformes internationales, peut-être sur le site de la Banque mondiale, sur le site des Nations Unies, un rapport que le gouvernement a transmis à telle ou telle institution internationale. Donc on nous forme sur ces questions-là et on se rend compte, mais waouh ! On se plaint trop de l'accès à l'information, des défis d'accès à l'information ici, mais il y a des possibilités, il y a des choses qu'on peut faire. Parce que nos pays ne sont pas isolés, nos pays travaillent avec d'autres pays. Et dans le cadre de ces échanges, de ces partenariats internationaux, il y a des informations qui circulent. Donc comment est-ce que nous, en tant que journalistes, on saisit cette brèche-là et on va où ces informations-là circulent et on les trouve. Et tout ça, ça s'appelle en ligne. Donc l'open data, les données ouvertes, On a vraiment été... formé sur la question et je me suis rendu compte aussi que les données ouvertes cadraient avec la même la première formation que j'ai fait avec info congo sur le géo journalisme c'était tout un courant c'était tout une nouvelle dynamique qui était en place sur le plan international où on favorise la transparence la redevabilité donc c'est vraiment tout ce volume de bagages de formation grâce aux formations grâce aux rencontres avec des personnes qui qui avait plus d'expérience que moi et qui était ouverte à me tenir la main que j'ai pu construire progressivement, commencer à écrire un article, on corrige, on me dit ajoute ça, regarde sur cette plateforme, est-ce que tu ne peux pas l'enrichir de telle manière, tel outil, je ne sais pas l'utiliser, voilà un tutoriel, voilà une formation spécialisée pour cet outil. Donc c'est vraiment tout ce capital humain, capital technique, qui m'a permis de transformer ma façon de travailler, ma façon de produire des articles journalistiques.

  • Speaker #0

    C'est super intéressant. La plupart des fois, quand je discute comme ça avec d'autres femmes, il y a la question des gens qui disent « oui, en fait, on n'aime pas trop s'entraider avec les femmes, on ne donne pas trop les informations » . Il y en a qui gardent les informations. Mais quand je t'écoute, j'entends que ton parcours a été enrichi évidemment par des formations parce que tu as été vraiment au contrôle, tu as saisi chaque opportunité, etc. Mais j'entends aussi… C'est enrichi d'expériences d'autres personnes qui t'ont tenu la main, qui t'ont coaché, qui t'ont vraiment accompagné. Moi, je voudrais dire, c'est quoi ? C'est lié au secteur du journalisme, vous êtes très généreux comme ça. C'est lié juste aux belles rencontres. C'était quoi ton secret pour que les gens t'ouvrent comme ça la porte ?

  • Speaker #1

    Alors, je ne sais pas si je vais dire, je sais exactement à quoi c'était lié. Mais je peux peut-être raconter comment les différentes rencontres et qui étaient ces personnes-là. Et peut-être que ça va nous permettre de savoir quelle était la recette magique là-dedans. Donc, l'une des premières, ce que je voulais dire aussi, c'est que tout au long de ce parcours-là, j'ai vraiment beaucoup de femmes qui m'ont tenu la main. C'est, on va dire, si on est sur un échantillon de peut-être 100, c'est peut-être 80% de femmes m'ont tenu la main et 20% d'hommes après aussi m'ont tenu la main. Donc, c'était vraiment des femmes. Ce n'était pas forcément des femmes de la même génération que moi, mais c'était des aînés. C'était des dames d'un certain nombre par deux. Une grosse expérience qui voyait comment je travaillais et me disait, ah, mais Madeleine, tu peux faire ça. Toi,

  • Speaker #0

    tu as tendu la main, en fait, déjà pour un point d'entrée. Est-ce que toi, tu étais désireuse d'avoir ça ou c'était comment ? C'était initié par toi ? Tu dis, tiens, j'ai besoin que tu m'aides ou c'était comment ?

  • Speaker #1

    Les deux, je dirais les deux. Il y a des moments, il y a des endroits où j'ai initié le pas. Il y a des moments où c'est d'autres qui m'ont fait des propositions et m'ont dit, mais pourquoi ? Ah tiens, je vois que tu fais ça. pourquoi tu ne ferais pas davantage ? Et je dis, mais je ne sais pas comment on fait davantage. La personne me dit, non, il y a telle formation, tu peux la faire. Donc, si je reviens, par exemple, à l'époque, à la radio où je travaillais, le groupe canadien international, la suite FM, c'est le premier média, on va dire, officiellement, où j'ai travaillé, après les stages académiques. Donc, là-bas, j'avais une émission, un sujet suite les 10, où on racontait les défis que rencontrent les femmes. C'était beaucoup axé sur les droits des femmes, les droits des enfants. Et je faisais beaucoup de femmes de profils différents, que ce soit dans le secteur de la médecine, du secteur des droits humains, du secteur de l'entrepreneuriat. Donc, je recevais des profils de femmes variées qui racontaient un peu leur parcours et en même temps des femmes qui subissaient des violences, qui racontaient leur violence. Donc, dans ce cadre, j'ai fait la rencontre d'une dame leader dans la région du littoral qui, elle, On faisait beaucoup d'activités ensemble. Donc, chaque fois que j'avais une émission qui était sur un thème qu'elle maîtrise, elle me disait, OK, je suis disponible, je peux venir être ton experte pendant l'émission. Donc, elle particulièrement, à force de travailler avec moi sur mes émissions, elle m'a dit, mais Madeleine, mais ce que tu fais là, c'est très bien, c'est connecté aux questions de droits humains, tu peux faire davantage. Il y a des formations sur la question. Je lui ai dit, mais grande soeur, je ne sais pas. J'aimerais bien faire des formations, mais je ne sais pas comment on fait pour les faire. J'ai même déjà demandé. Voilà, je ne sais pas. Je vois des gens faire des formations, je ne sais pas, j'avais peut-être deux années d'expérience, je venais à peine de commencer la vie professionnelle dans le sens plein du terme, j'avais à peine deux années et je ne savais pas comment on postule véritablement à une formation, qu'est-ce qu'on met comme actif. Il me dit non, il y a telle formation sur les droits humains, il me dit il y a d'autres formations aussi, je vois des aînés. Du métier, je vois des journalistes qui font des formations chaque jour. On se retrouve souvent à l'international. Mais vous, les jeunes qui faites des choses sérieuses, pourquoi vous n'êtes pas ? Je ne sais pas comment ça se passe. Il me dit, OK, je vais t'envoyer des liens. Et je lui dis, bon, il y a des aînés même. Parce qu'à l'époque, je faisais des domaines. J'ai causé avec quelques aînés. Et ce qui me marque, une chose que je n'ai pas oubliée, qui est gravée dans la mémoire, c'est qu'une fois, j'avais demandé à un aîné, j'aimerais faire des formations comme vous. Et il m'a dit, bon, vous les jeunes, vous venez à peine de commencer, vous voulez déjà des formations. Moi, j'ai 10 années d'expérience dans le métier et voilà, j'ai un peu été refroidie par cette parole. Donc, quand j'ai partagé cela avec cette dame, elle m'a dit, non, mais il y a des formations. Voilà comment on peut remplir quand tu as une formation. Tout ce que tu fais déjà comme émission, voilà comment tu peux les présenter. Et ce que tu fais, c'est déjà vraiment largement au-dessus de ce que beaucoup d'autres personnes qui se font souvent dans ces formations font. Donc, tu mérites d'être dans cet espace. pour recevoir davantage de formations. Donc, c'est comme ça qu'elle me coache. Elle me dit comment est-ce qu'on monte un dossier de candidature quand il y a une formation, comment est-ce qu'on met en valeur ce qu'on fait dans une candidature. Et voilà, ça me permet de faire des formations sur les droits humains que j'ai mentionnées. Il y a une autre aînée qui était mon enseignante au lycée, mon enseignante d'anglais, qui nous avait initiées dans les cours, dans les clubs. Le club francophonie, quand je fais la place de terminale la dernière année du secondaire, j'étais dans le club francophonie et bilinguisme, j'étais secrétaire générale. On a organisé une série d'activités, coachées par cet enseignant d'anglais-là.

  • Speaker #0

    Elle nous a tenu pour trois mois seulement et puis on l'a affecté dans un autre lycée, donc je ne l'ai plus jamais revu, je n'ai plus eu de nouvelles d'elle. Mais elle nous avait beaucoup stimulé dans la vie associative, la vie d'engagement volontaire dans la société. C'était pour moi toujours resté un marqueur. Maintenant, quand je commence le journalisme, je vais dans une couverture d'un événement sur les droits des enfants, la traite et le trafic des enfants. Je vais couvrir la... C'était une campagne nationale qu'une organisation de la cité civile avait lancée sur la traite du trafic. C'est un thème qui m'intéressait. Je suis allée pour le frire. J'ai causé avec des enfants. Ils espèrent qu'ils parlaient de la question. Et puis, tout naturellement, après avoir publié mon reportage, j'ai partagé avec des gens qui avaient organisé et d'autres personnes. Elle a reçu et m'a dit merci. Quelques mois après, elle m'envoie un mail pour me dire qu'on a une formation à Yaoundé sur tel thème, question des droits humains. Est-ce que tu es intéressée pour participer ? J'ai dit, bien sûr, je veux des formations. Donc, j'en parle à mon rédacteur en chef, qui se trouve être à l'époque une aînée aussi, mais avec qui on a fréquenté, on a fait des études académiques et en journalisme ensemble. Donc, elle aussi m'encourageait énormément. Chaque fois que je voulais faire quelque chose, je faisais un grand reportage. Elle me dit, Madeleine, vas-y, tu as tout mon soutien. Donc, elle m'a vraiment aussi beaucoup encadrée. Donc, quand je me retrouve à cette formation sur les droits humains, sur la proportion, c'est d'autres aînées qui étaient mon enseignante et que je ne savais pas, je ne savais pas que c'était mon enseignant. Quand je la revois à Yaoundé, j'entends des gens l'appeler par un nom dont je me rappelle qu'au lycée, voilà comment on l'appelait, Missis Motto. J'ai dit, mais ça peut être, c'est la même personne et je ne sais pas que c'est la même personne. Je vais donc vers elle et je lui dis, j'ai été dans tel lycée, est-ce que c'est vous telle ? Elle me dit, oui, c'est moi. J'ai dit, ah, enfin, je retrouve mon enseignante qui avait suscité une vocation de l'engagement bénévole en moi. Et là, il se trouve aussi qu'elle est très engagée sur les questions, en dehors d'être enseignante, elle est très engagée sur les questions de droits des femmes, droits des enfants, des droits humains. Donc, pendant tout le parcours où je décide aussi de dire, je veux faire des formations sur la question, elle me tient la main, elle m'encourage, elle n'hésite pas à me faire des lettres de recommandation pour que je puisse partir, faire des formations. Là, c'est vraiment trois femmes fortes qui m'ont tenu la main dans les premières heures de ma carrière. et qui m'ont donné la base de ce que je suis aujourd'hui, qui m'ont coachée, qui m'ont donné la confiance en moi, qui m'ont donné cette confiance en moi d'aller plus loin. À côté, il y a des hommes que j'ai rencontrés au niveau d'Info Congo. C'était vraiment un coaching. Là où je travaille encore actuellement, il y a mon superviseur, il y a deux superviseurs, un homme et une femme qui m'encouragent quand je prends des initiatives. Je leur dis, vas-y. Donc, pour moi, c'est vraiment cette force-là du d'avoir autour de soi des gens qui croient en nous, des gens qui voient notre potentiel, des potentiels que nous ne voyons même pas, qui peuvent être décelés, que ça, il y a un potentiel, et qui peuvent nous accompagner, nous coacher, nous dire, « Reveille ce potentiel et mets-le en valeur. »

  • Speaker #1

    Mais si je comprends bien, c'est aussi parfois le courage que tu as eu de demander de l'aide, de dire, « Je ne sais pas, en fait. Je ne sais pas comment faire. Est-ce que tu peux me montrer ? » C'est d'accepter que je ne sais pas, en fait, et que je peux demander de l'aide. Donc du coup, aujourd'hui, Madeleine, tu es éditrice Afrique pour l'User Center et tu as collaboré avec plein d'organisations, plein de médias, Info Congo, tu as dit, tu en as plein d'autres. Aujourd'hui, comment tu dis, au quotidien, c'est quoi ton travail aujourd'hui, aujourd'hui, aujourd'hui, dans ton rôle actuellement ? Qu'est-ce que tu fais concrètement ? Ok, on peut dire que c'est journalisme et d'investigation, mais je sais que c'est plus que ça. Donc, si tu peux nous dire en bref, parce que... J'ai plein de questions et je vois le temps qui court. Et j'ai envie quand même de partager tout ça parce que c'est d'une grande richesse. Donc, en quelques mots, du coup, c'est quoi vraiment ? Ça ressemble à quoi ton quotidien ?

  • Speaker #0

    Alors, mon quotidien, c'est trois principales choses. D'abord, je fais beaucoup d'évaluations des candidatures, des journalistes qui postulent. Parce qu'au niveau du Police de Saint-Anne, nous sommes une organisation qui donne des grandes, donne des subventions. de courte et de longue durée aux journalistes à travers le monde pour faire des enquêtes, des reportages sur des sujets peu médiatisés. Les journalistes diplômés,

  • Speaker #1

    journalistes certifiés ou même ceux qui font du travail équivalent, sans l'être.

  • Speaker #0

    Alors, nous, nous n'avons pas de... C'est vrai que le métier de journaliste est assez ouvert. Et ce qu'il montre de façon générale, ce n'est pas forcément toujours le diplôme. C'est la pratique. Donc, c'est la pratique journalistique. Donc, le fait que j'ai montré que j'ai publié dans tel média, j'ai publié mon article d'écriture, ce que tu as déjà publié comme article, pour nous, c'est ça qui est l'élément qui permet de vérifier ton profil de journaliste. Voilà, ce n'est pas une question de diplôme. Vous pouvez être diplômé, vous n'avez jamais écrit. Ça ne fait pas de vous un journaliste. Mais vous pouvez n'être pas diplômé, mais vous avez beaucoup écrit, vous êtes journaliste. Donc, c'est d'évaluer vraiment des journalistes qui viennent avec des sujets au quotidien. Et je suis dans l'équipe avec des collègues qui évaluent, qui regardent. Est-ce que c'est un sujet un peu médiatisé ? Est-ce que le journaliste a déjà des articles qu'il a fait dans ce sujet ou bien des articles de qualité qu'il a produit ? Est-ce qu'il a des médias qui sont prêts à le publier ? Donc, c'est vraiment ça. C'est le travail avec des journalistes pour voir comment ils le produisent. sujets avec lesquels ils viennent et si ces sujets sont dignes d'intérêt. L'autre aspect de mon travail, c'est aussi beaucoup de coaching. Au niveau du policeur, déjà, je fais beaucoup de coaching avec nos boursiers de l'équipe Rainforest Investigation Network. C'est une bourse par laquelle moi-même je suis passée. D'échanger avec des boursiers au quotidien pour voir comment est-ce qu'ils avancent dans leur projet d'enquête, quel est le sujet sur lequel ils veulent travailler, est-ce qu'ils ont des sources, comment est-ce qu'ils peuvent contourner les difficultés d'accès aux données, comment est-ce qu'ils peuvent raconter leur histoire. Est-ce qu'on peut les mettre en contact avec d'autres experts pour enrichir leur travail d'enquête ? C'est des bourses sur un an. Donc ça, c'est un travail au quotidien que je fais avec eux. Et maintenant, à travers plusieurs autres organisations aussi, on fait beaucoup de coaching, beaucoup de formation des journalistes. Je fais beaucoup de formation des journalistes sur les questions comment rédiger, comment enquêter, comment écrire une histoire environnementale, comment trouver des données, comment utiliser les données géospatiales pour enrichir le texte. Je fais beaucoup de formation, beaucoup de coaching. Et j'essaie de dénicher aussi des journalistes à travers le continent qui ont un potentiel et qui ont juste besoin de savoir comment ça marche pour pouvoir laisser éclore leur potentiel. C'est à ça que ça me va au quotidien.

  • Speaker #1

    Donc, le travail de terrain où tu étais en train de défiler, de filer les ménages qui sont en train de s'arrêtir, ça devient un travail un peu loin de toi à ce moment-là,

  • Speaker #0

    c'est ça ? C'est beaucoup plus loin de moi, mais je reste connectée à des équipes qui... Je fais plus de la coordination. Donc je vais rarement sur le terrain, mais je fais beaucoup de recherches en ligne. Je fais beaucoup d'analyses géospatiales. Dans les projets, je sais de penser comment est-ce qu'on peut orienter le sujet, comment est-ce qu'on peut le rédiger pour qu'il soit plus intéressant. Mais le terrain, dans le sens propre du terme, je le fais très peu. Mais je continue d'échanger avec des gens et de faire beaucoup de recherches pour dénicher des sujets. d'intérêt.

  • Speaker #1

    Et du coup, quand tu penses à ton travail chez Pulitna Center et ton travail d'investigation et même avant Info Congo, est-ce qu'il y a un dossier que tu as traité, un truc que tu as fait où tu t'es dit ça c'est le truc qui a eu le plus d'impact et comment ça a impacté en fait ? Parce que tu fais ce travail c'est pour changer quelque chose, c'est pour alerter et changer quelque chose. Est-ce que souvent tu t'es dit Merci. Ça a du sens ou est-ce que souvent tu te dis, en fait, il faut le faire, mais je ne vois pas de changement ? C'est quoi ton état d'esprit avec ça ? Est-ce qu'il y a des choses ?

  • Speaker #0

    Il y a beaucoup de choses impactantes, il y a beaucoup de changements que j'ai vus grâce à mon travail. Quand j'ai rejoint le Poblisat pour la première année de ma bourse, par exemple, je travaillais sur une enquête sur une agro-industrie qui venait de prendre, enfin qui était dans l'esprit d'acquérir une concession de près de 60 000 hectares de forêt. dans la partie sud du Cameroun, à côté du parc de Campoman. Alors, moi, ce travail m'a beaucoup marquée parce que c'est la façon dont ça a été fait, la façon dont le travail a été réalisé. C'était un sujet qui faisait de l'actualité. Les communautés se plaignaient, accusaient l'entreprise de ne pas avoir consulté. Les organisations de la société civile dénonçaient le fait que l'entreprise a obtenu la concession de façon irrégulière. Et il fallait prouver cela avec des éléments solides. Alors, moi, je suis allée sur le terrain. J'avais déjà fait toutes ces recherches avant. Mais j'ai pu aller sur le terrain et j'ai pu entrer dans la concession. Et à ce moment-là, l'entreprise venait de commencer à déforester pour faire cette plantation de palmiers à huile. J'ai pu entrer dans la concession avec les techniques d'enquête qu'on peut avoir. J'ai pu entrer et j'ai pu voir comment ils venaient de déforester une vaste parcelle de forêt. j'ai pu rencontrer des communautés qui me disaient comment les éléphants du parc détruisaient davantage leur culture et affectaient leur quotidien parce que la parcelle qui était un peu comme le corridor de circulation des éléphants avait été totalement déforestée, donc les éléphants étaient perdus et se retrouvaient maintenant dans les concessions des communautés. Donc pour moi, c'est un travail qui... C'était pour moi une grosse fierté parce que c'était l'une des premières fois que je... Je faisais un travail de cette envergure parce que j'ai utilisé des outils de géolocalisation. Et j'ai fait tellement de recherches qu'après, on a pu croiser les recherches que j'avais faites et le terrain que j'avais mené pour identifier effectivement que l'endroit qui venait d'être déforesté par l'entreprise était le corridor de circulation des éléphants. Donc, c'était au-delà des témoignages des communautés. C'était vraiment des faits probants. On a également pu identifier comment, à partir des images satellitaires, Comment d'une année à une autre, l'endroit avait totalement changé. Et cet article-là, ça a été une grosse ressource aussi pour beaucoup d'autres acteurs de la société civile qui l'ont cité dans les rapports, qui s'en sont appuyés pour dire « Ok, voilà exactement ce que l'entreprise est en train de faire sur le terrain. » Et après, je crois qu'on a réduit la parcelle accordée à l'entreprise. On l'a réduit presque de moitié. Et donc, au lieu des 60 000 hectares qu'elle devait recevoir, elle a reçu beaucoup moins. C'est vrai que jusqu'à aujourd'hui, le problème, c'est là où il y a quand même un pincement, c'est qu'elle a quand même obtenu la concession, elle travaille. Les communautés qui se plaignaient à l'époque et qui n'étaient pas vraiment soudées dans la plainte, aujourd'hui, elles se rendent compte que leur quotidien a totalement changé. Mais pour moi, c'était quand même une bonne contribution de montrer, avec des éléments solides, que quelque chose se passait dans cette localité-là, à ce moment-là. et d'avoir un élément complémentaire au travail que faisaient d'autres acteurs déjà dans ce moment. Donc ça, c'est un des travaux, un des articles qui m'a beaucoup inspirée, m'a montré que je pouvais faire différent quand même et plus.

  • Speaker #1

    Évidemment, si ça a pu réduire de la moitié la concession qu'on lui a accordée, c'était déjà ça. Et s'il n'avait pas eu tout ça, peut-être que ça serait même pire. Mais parfois, dans ce travail, on se sent... un peu découragée parce que les résultats ne viennent pas immédiatement, mais j'imagine que d'autres résultats, c'est peut-être la conscience qu'ils prennent dans les communautés, c'est-à-dire, si on avait parlé d'un seul homme, d'une seule voix, peut-être que ça aurait pu être différent. Et du coup, Madeleine, je vois que ça, ça a été un des éléments de fierté parce que tu as utilisé les techniques que tu as apprises et ça a eu un impact, c'est super. Est-ce que quels sont les défis que toi tu as rencontrés du coup dans ton parcours, dans ton travail, dans ces secteurs environnementaux et des journalistes, parce que c'est couplé, quels sont les défis que tu as rencontrés toi, surtout toi en tant que femme, est-ce qu'il y en a des défis que tu as rencontrés ?

  • Speaker #0

    Bien évidemment, il y a toujours des défis, si je dis qu'il n'y en a pas, je serais en train de cacher une partie de l'histoire. Non, il y a eu beaucoup de défis. Comme je disais au début, c'était les défis de formation où on n'a pas toujours l'information sur comment faire. On ne sait pas où aller. On n'a pas quelqu'un qui nous oriente. Ça, c'est un gros défi dès le départ. Maintenant, on a quelqu'un qui nous oriente et on sait comment on le fait. Parfois, il y a toujours ce rapport de force qu'on ressent. Ce n'est pas physique, c'est plus inconscient. C'est un peu comme une sorte de manipulation. Mais le fait, par exemple, d'aller sur le terrain, d'être en train de travailler sur des questions environnementales et qu'on vous dise, mais vous, vous êtes une femme et vous n'avez pas de famille, vous n'avez pas... C'est trop dangereux pour vous. Tu n'as pas des enfants et

  • Speaker #1

    Marie. Voilà.

  • Speaker #0

    C'est là. Voilà. Donc, il y a toujours... Il y a eu des moments comme ça où des gens sur le terrain... Ça peut être des sources même, des gens que vous interviewez. Vous le faites naturellement. Vous êtes venu pour intervier quelqu'un. Vous avez beaucoup de respect pour la personne. Mais en retour, vous vous rendez compte que la personne s'est... a un regard assez complexé, mitigé sur vous, parce que vous êtes une femme, vous êtes une jeune femme. Et c'est dit, mais pourquoi vous vous retrouvez ici ? C'est trop dangereux pour vous. Il y a aussi une récente enquête qu'on a faite sur l'exploitation forestière illégale au Cameroun. Et là, c'est un élément qui montre un peu le niveau de dangerosité des sujets qu'on aborde. Alors, on avait montré à travers l'enquête que le bois était transporté. Il y a également de la forêt vers le port du Cameroun, avec beaucoup de complicités en vue. Et quand l'article a été publié, ça a été repris par plusieurs autres médias. Les autorités ont pris des décisions pour renforcer le contrôle du bois à travers le territoire national. Ma collègue a organisé une émission, ma collègue du police a organisé une série d'émissions comme elle a l'habitude de le faire, des émissions interactives dans les radios à forte audience. C'était à Yaoundé, donc je suis allée dans une radio pour raconter un peu le behind the scenes, comment est-ce qu'on a fait le travail, est-ce qu'on a découvert sur le terrain. Et il y a un auditeur qui a appelé et qui a dit, quand je vous écoute, vraiment vous êtes braves, félicitations, vous dénoncez vraiment ce qui ne va pas, mais j'ai vraiment peur pour vous. J'espère qu'au sorti de l'émission, un camion cremier ne va pas vous écraser là sur la rue. Déjà, sur le coup, oui, en pleine émission radio, en l'heure de l'audience, entre 10h et 12h à Yaoundé. Donc, sur le coup, j'ai déjà rigolé. Mais après, en prenant du recul, je me suis dit, mais c'est une menace en fait. C'est une menace en direct. C'est une menace en public,

  • Speaker #1

    en direct.

  • Speaker #0

    En public. Voilà, c'est une menace. Donc, ça montre un peu à quel point, non seulement les gens estiment que voilà, pourquoi vous ? Mais en même temps, les gens sont... prêts à aller plus loin et dire si vous continuez à le faire, sachez que vous êtes en train de vous exposer de telle ou telle manière. C'est vrai qu'avant ça, il y avait déjà eu beaucoup de formations sur les questions de sécurité, mais je pense que c'est aussi l'un des gros défis de se dire qu'on travaille sur des questions sensibles. C'est le changement climatique, c'est un sujet noble, c'est une thématique noble, mais il y a beaucoup d'intérêts en jeu, il y a beaucoup de personnes qui sont responsables de ce qui se passe et quand on dénonce, ça ne fait pas forcément joli joli, ça n'arrange pas tout le monde. Donc, c'est un autre gros défi, le défi de la sécurité. Ça fait qu'en tant que journaliste qui travaille sur les questions environnementales, l'investigation environnementale, on vit un peu comme cloisonné, on vit un peu comme caché, on essaie de s'afficher un peu moins. Moi, je sais qu'il y a beaucoup de collègues parfois qui me disent, mais Madeleine, tu es toujours là. Je dis, mais je suis là. On ne te voit pas, mais ça fait aussi partie des défis. C'est que tu ne sais pas qui est là, qui veut faire quoi. Donc, on est obligé de vivre un peu avec. beaucoup plus de sécurité parce qu'on sait que ce... Oui, beaucoup plus de prudence, oui. Donc ça, c'est un autre gros défi qui est, je dirais, quand même général dans la région du bassin du Congo. La question, la thématique que nous abordons, c'est que nous dénonçons des enjeux, nous dénonçons des intérêts cachés. Il y a beaucoup d'argent qui circule et tout le monde n'est pas content de ce qui est dénoncé. Donc, pour moi, c'est le défi qui est le plus actuel actuellement.

  • Speaker #1

    Ok, mais oui, c'est un peu comme tout ce qui travaille sur les questions des droits humains, parce que les journalistes, ça va bien, tout ce qui travaille sur les questions d'observation et d'indépendance des forêts, pareil, et même menaces. Mais c'est hyper intéressant de voir ce que tu viens de dire, justement, sur le terrain, la perception quand on est femme. C'est exactement la même chose que beaucoup de femmes me disent sur ce micro, en disant, ben oui, c'est quand j'étais sur l'intérieur qu'on me regarde et me dit, alors, toi, tu es une femme. tu ne vas pas y arriver. On va très loin. C'est dangereux. Les choses comme ça, à ne pas croire que les femmes vont y arriver. Et du coup, en restant sur ça, très rapidement, est-ce qu'il y a des femmes qui t'ont inspirée ? Qu'est-ce qui t'a donné l'inspiration de te mettre sur ce chemin-là ? Est-ce que tu as pu trouver dans d'autres femmes des forces qui ont aidé un peu tes forces à toi ?

  • Speaker #0

    Alors, je dirais qu'il y a beaucoup de femmes. déjà celles qui m'ont tenu la main c'était des femmes assez courageuses qui n'avaient pas la langue dans la poche et qui étaient assez déterminées quand elles engagent quelque chose, je pense que la plupart des femmes qui m'ont coachée, qui m'ont tenu la main il y avait beaucoup de détermination et cette détermination a été contagieuse à la fin c'est que quand elle dit je vais faire ça elle s'y met, elle reste focus et tu vois comment il y a de la progression dans ce qu'elle fait, tu vois comment ... Il y a du respect qui s'installe sur son travail. Il y a également d'autres grandes femmes sur l'espace médiatique à Mournay qui sont juristes, avocates. Tu vois la poigne avec laquelle, quand elle récupère un sujet, elle s'y met à fond. Elle ne lâche pas prise. Il y a toutes ces femmes-là qui, pour moi, ont été et restent des sources d'inspiration qui font que quand je travaille, je me dis, OK, je veux rester déterminée, je veux rester courageuse. Mais je veux rester aussi prudente.

  • Speaker #1

    On commence à arriver vers la fin de notre échange. Et j'aimerais qu'on regarde un peu le futur. Quand tu regardes le journalisme et comment il évolue aujourd'hui, comment tu imagines l'avenir du journalisme environnemental en Afrique ?

  • Speaker #0

    Il y a deux ans, j'aurais été très pessimiste. J'aurais été, voilà, les gens ne s'intéressent pas et tout, tout, tout. Mais aujourd'hui, je suis beaucoup plus optimiste. Je vois beaucoup d'efforts. beaucoup d'engouement, beaucoup d'intérêt de la part des journalistes sur le continent et en Afrique francophone notamment. Il y a cette soif de faire différent que je note de plus en plus. Il y a cette prise de conscience du fait que dans d'autres parties du monde, des gens font des choses simples mais qui se révèlent être extraordinaires après. Donc comment capitaliser sur ce qu'on a l'habitude de faire ? C'est un besoin qui se fait ressentir. Il y a ce besoin de formation aussi. donc. Et je pense qu'en misant sur cette formation, mais surtout le coaching, je vois aussi beaucoup de personnes, beaucoup de confrères qui sont un peu perdus. Il y a le poids de ce reçu, de ce vécu, de cette expérience qui fait que se détacher, faire différent. Il y a beaucoup de pésanteurs en fait. Je vois beaucoup de pésanteurs. Je suis plusieurs confrères et consœurs. Et je comprends qu'avec beaucoup de formations, parce qu'il y a plein de formations sur le continent actuellement, auxquelles j'ai participé, des formations en journalisme environnemental. Il y a une récemment à laquelle j'ai participé. Après, on a fait toute une série de coachings. Et à la fin, les articles qui ont été produits, c'était d'un cran plus intéressant par rapport aux éditions antérieures. Donc, je vois une implication, je vois une envie de dépasser les limites. une envie de concurrencer ou d'aller en compétition avec des journalistes qui sont sur d'autres parties du monde. Et je me dis, ce serait important de continuer à former. Et c'est l'un des chantiers, par exemple, sur lesquels nous sommes en train de mettre toutes nos forces au niveau du Publizer Center et dans toutes les autres organisations avec lesquelles je peux interagir au quotidien. Il faut former les gens. Les gens ont besoin d'être formés. Ceux qui sont ailleurs et qui publient des articles super intéressants, ils ne sont pas nés avec une cuillère en oie, ils ne sont pas nés avec ce savoir-là. c'est parce qu'ils ont été... formés qui réussissent à faire ça. Chez nous, dans les universités, aujourd'hui, on n'enseigne pas le journalisme d'investigation. Au Cameroun, par exemple, c'est le journalisme qu'on enseigne, les nouveaux outils, le data journalisme, tu parles du data journalisme, un jeune étudiant en Cameroun, je suis sûre qu'il est perdu, il peut, il regarde sur les réseaux sociaux, il voit ce que les autres publics se disent, c'est très loin de lui, mais c'est loin de lui, pourquoi ? Parce qu'il n'est pas formé. Donc, il y a un gros besoin de formation actuellement sur le continent et je me dis, Si toutes les organisations, si toutes les personnes qui ont un peu d'expertise mutualisent leurs forces et forment davantage, forment les gens un peu comme nous quand on nous a formés à l'open data, aux données ouvertes. On était, les critères, c'est-à-dire, on va dire, il y avait quand même une tranche d'âge, déjà avant 35 ans. On avait encore l'esprit, on va dire, ouvert, on était réceptif, on pouvait découvrir. Donc, je pense qu'il y a une grosse proportion de jeunes qui sont dans les médias comme ça, sur lesquels on peut investir. Ils sont speed, ils sont smart. S'ils ont le savoir, je crois qu'ils feront des choses extraordinaires. Et pour moi, si on fait cette formation, si on continue, ça va donner des résultats super intéressants dans les années qui arrivent.

  • Speaker #1

    Et super, mais toi, dans 10 ans, Madeleine, où est-ce que tu te vois ? Tu sens le temps de faire quoi ? Tu auras accompli quoi ?

  • Speaker #0

    Oh, si j'avais 10 ans de plus. Alors, actuellement, je suis en train de voir comment me former davantage, de voir comment aller un peu plus dans la recherche. Oui, la méfiance journalistique, c'est bon. C'est déjà, on va dire, j'ai quand même acquis beaucoup de connaissances et compétences dans le domaine. J'aimerais me flirter un peu plus avec le monde académique. Essayer d'avoir ce côté théorique. Je fais des formations, mais je reconnais que, voilà, si j'ai un plus sur le côté académique, ça peut me permettre d'affiner ma méthodologie en matière de formation. Ça peut me permettre d'affiner la façon dont j'interagis aussi avec les gens que je forme au quotidien. Donc, il y a ce côté-là que j'aimerais vraiment développer. oui, si je peux enseigner dans des universités je pense qu'au bout des 10 ans j'aurai quand même de la matière encore plus grande pour pouvoir partager si il y avait une jeune femme qui t'écoute est-ce que tu aimerais qu'elle retienne de ton parcours ? je dirais la quête du savoir la quête du savoir qu'elle retienne, qu'elle aille vers qu'elle n'hésite pas à demander quand elle ne connait pas, qu'elle demande ce n'est qu'en demandant qu'on manifeste qu'on a un besoin Voilà. Et on peut avoir quelqu'un autour de nous qui peut satisfaire ce besoin et qu'on ne sait pas. Mais si on ne demande pas, celui qui est même là, qui peut nous trouver la solution, ne saura pas, il ne va pas venir lire dans notre cœur pour savoir ce dont nous avons besoin. Donc quand on est coincé, ce n'est pas une honte de dire je ne sais pas le faire, demander encore et encore. Celui qui demande en reçoit toujours. Et on n'en a pas assez de recevoir parce que c'est ce volume de bagages qu'on reçoit là qui permet qu'on soit demain chargé de bagages et qu'on puisse contribuer dans la communauté dans laquelle on se trouve. Donc pour moi, ce serait demander, demander, aller vers la quête du savoir. Il y a toujours des solutions.

  • Speaker #1

    Je ne suis pas une jeune fille, mais je retiens ça aussi et je suis complètement d'accord. Demandez et on vous donnera. C'est un principe qui marche très, très bien. Et merci, Madeleine, d'avoir répondu, d'avoir pris ton temps, en fait, pour discuter avec moi. Et je sais qu'il y a beaucoup de gens qui m'ont écoutée avec beaucoup de plaisir, comme moi j'ai eu. C'était une conversation très inspirante pour moi aussi, pour voir un peu la connexion avec tout ce qui est du monde du journalisme et tous les travails qu'on fait, parce qu'on se base sur ce que vous avez dit, ce que vous avez trouvé, pour aussi construire nos propres argumentaires et construire notre conviction pour continuer à aller de l'avant. Donc, à travers toi, on a pu voir comment les journalistes... Les journalistes transforment un tout petit peu notre environnement en Afrique et comment ils racontent l'Afrique d'une différente manière avec ses défis, ses hauts et ses bas. Merci en tout cas.

  • Speaker #0

    Merci beaucoup Mireille, ça a été un plaisir pour moi et c'est moi qui remercie pour cette opportunité. J'espère vraiment que ceux qui écouteront trouveront de la matière pour être inspirés à faire quelque chose de différent.

Description

Dans cet épisode, Mireille  reçoit Madeleine Ngeunga, journaliste d’investigation engagée sur les questions environnementales et éditrice régionale pour l’Afrique au Pulitzer Center. À travers ses enquêtes, Madeleine révèle les mutations écologiques qui affectent le bassin du Congo, là où les forêts reculent et où les communautés s’adaptent aux changements climatiques.


Madeleine partage son parcours et explique comment elle est passée de la couverture des droits humains à un journalisme centré sur l’environnement. Son déclic est survenu lors d’un reportage dans les mangroves du Cameroun : « J’avais l’impression d’être dans un autre pays… voir des maisons sur pilotis englouties par les eaux, des enfants jouant au milieu des troncs d’arbres, des femmes fumant des poissons… ça m’a permis de prendre conscience de la complexité des enjeux climatiques et environnementaux. »


Aujourd’hui, Madeleine ne se contente plus de raconter ces histoires : elle forme et accompagne une nouvelle génération de journalistes africains, pour qu’ils puissent eux aussi enquêter sur l’impact du changement climatique depuis leurs territoires et rendre visibles ces réalités souvent ignorées.

Avec cet épisode, découvrez comment le journalisme peut devenir un acte écologique et un engagement concret pour la planète, à travers le récit authentique de celles et ceux qui observent, analysent et agissent.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    bonjour à toutes bonjour à tous et bienvenue sur le podcast des terres à mon chou alors aujourd'hui je reçois madeleine guingard madeleine et journaliste d'investigation et les éditrices pour afrique pour l'afrique au centre puis les a senti et à travers ses enquêtes madeleine révèle ce qu'est la matière maudit quand les forêts reculent quand les verts avance. Galevi s'adapte silencieusement aux changements climatiques et d'autres facteurs environnementaux. Mais son engagement ne s'arrête pas là. Après avoir raconté la mutation écologique dans le bassin du Congo, elle forme et accompagne une nouvelle génération de journalistes africains qui racontent à leur tour ces réalités depuis leur propre territoire. Avec Madeleine, nous allons parler du pouvoir du journalisme comme acte écologique, comme acte d'engagement pour l'environnement, de la force de la transmission et de ce que ça signifie aujourd'hui raconter la terre pour mieux la protéger. Bonjour Madeleine.

  • Speaker #1

    Bonjour Mireille, c'est un plaisir pour moi d'être là aujourd'hui et de pouvoir partager, échanger.

  • Speaker #0

    Super, comment tu vas ce matin ?

  • Speaker #1

    Alors je vais très bien. Par la force du temps, le climat est un peu clément ces jours-ci. Donc, il y a un peu moins de pluie. La saison pluvieuse est en train de s'achever. Donc, on va un peu vers des journées un peu plus ensoleillées. Et je pense que c'est le climat qui me convient le mieux le plus souvent.

  • Speaker #0

    Ah oui, pour moi, j'adore la pluie. J'adore quand il pleut. Même si ça coupe Internet des fois, mais j'adore quand même. Bon, du coup, Madeleine, est-ce que... Est-ce que tu aimerais compléter cette présentation que j'ai faite de toi pour raconter ce qu'on ne trouve pas sur Internet ? Parce que ça, c'est ce qu'on voit sur ton lit, ta page LinkedIn et tout. Mais qui es-tu vraiment et d'où tu viens ?

  • Speaker #1

    Alors, disons que je suis une femme camerounaise qui aime rencontrer les gens et qui aime aller à la rencontre des personnes, qui aime faire des voyages, découvrir les histoires des gens. découvrir les cultures, découvrir les perceptions des uns et des autres pour mieux s'enrichir. Donc j'aime la diversité. Je suis également maman. Je pense que aller à la rencontre des gens aussi, c'est ce côté d'embrasser des gens, ce côté de se sentir proche des gens. Je suis également maman d'une petite fille et épouse. Et je suis journaliste, donc je suis femme engagée sur les questions environnementales et j'utilise l'écriture pour raconter un peu tous ces changements qui s'opèrent sur notre planète et qui affectent les personnes que je rencontre au quotidien et qui m'affectent aussi. Donc, je dirais que c'est ça ma clé.

  • Speaker #0

    C'est intéressant. Quand tu étais en train de te présenter, je me disais, mais en fait, je me suis trompée. On dirait qu'elle est anthropologue. Elle aime aller à la rencontre des gens. Mais en fait, tu vois que c'est un lien commun avec le journalisme aussi. on le fait parce qu'on aimait trop contact avec les gens,

  • Speaker #1

    j'imagine. Effectivement. Je pense que l'une des choses qui nous enrichit beaucoup dans le journalisme, c'est qu'on va, on cause avec des gens. Par exemple, il y a une question de changement climatique ou bien une question d'inondation. On va dans les communautés, on voit comment elles sont affectées par ces inondations, on voit leur mode de vie, on voit ce qui change. Chaque fois, c'est des nouvelles personnes qu'on rencontre et ce côté découverte de qui est l'autre est vraiment étroitement lié. de mon point de vue au métier de journaliste, parce qu'on n'écrit pas pour nous d'abord, on écrit pour le public. On ne parle pas de nous, on parle du public. Donc, c'est toujours un moment de partage, c'est toujours de savoir comment les autres vivent, savoir comment ils font pour surmonter certains défis. Donc, pour moi, c'est la rencontre. Pour moi, c'est le meilleur côté du journalisme, c'est ça. C'est aller à la rencontre des gens, raconter leurs histoires au quotidien.

  • Speaker #0

    Alors, on va parler de tout ça, de ton travail, mais avant, on va faire un petit pas en arrière. Donc, d'où viens-tu du Cameroun et j'aimerais savoir si ton nom Nguenga veut dire quelque chose.

  • Speaker #1

    Ah, ça, c'est souvent la question qui m'embarrasse quelques fois parce que, voilà, je viens de la partie ouest du Cameroun, dans le département du Hongkam. Alors, j'ai souvent demandé, voilà, mon nom c'est Nguenga. littéralement ça peut vouloir dire celle qui dit non mais je ne suis pas sûre parce que j'ai souvent demandé ça veut dire quoi NGUNGA des parents m'ont parfois expliqué que non c'est une sorte je sais pas si c'est une sorte de racine ou quoi que ce soit mais jusqu'ici je n'ai pas trouvé une explication claire de ce que veut dire NGUNGA mais si je prends de façon littérale NG ça veut dire un peu parler parler et NGA c'est non donc moi je transforme ça voilà dire non c'est peut-être peut-être celle qui dit non. Mais ça, c'est mon explication. Il faut encore entrer dans les termes anthropologiques et rencontrer d'autres personnes pour savoir s'il y a une autre signification que je ne connais pas.

  • Speaker #0

    Je pose toujours cette question parce que je sais énormément qu'en Afrique, les noms, ils ont des sens. Ou alors, si ce n'est pas les noms qui ont des sens, mais... Il y a une raison pour laquelle on donne un nom et pas un autre à un enfant. Ce n'est pas juste on tire dans un catalogue. Est-ce que toi, tu sais pourquoi on t'a donné ce nom ? D'où il vient ? Est-ce que tu l'as hérité de tes grands-parents ? Est-ce que c'est toi la première à le porter ?

  • Speaker #1

    Ok, de ce point de vue-là, oui, je connais quand même l'histoire du nom. Donc, on m'a donné le nom de la petite sœur à mon papa. Mais ce n'est pas elle qui commence avec ce nom. C'est le nom d'une de nos grands-mères du côté de mon papa. dans une des grammaires paternelle qui était un peu comme à la base du fondement d'une génération de notre famille. Donc, c'est un nom qui remonte à au moins trois, quatre générations. Et c'était une femme de la famille. Et ma tante, quand je suis née, mon papa a dit, ok, je vais lui donner le même nom. Donc, moi actuellement, par exemple, Madeleine Gunga, il y a une tante qui est la soeur de mon papa, qui a le même nom intégralement. La seule différence, c'est l'écriture. Donc, on m'a donné le prénom et le nom. Donc, je me rappelle, quand on était tout petits, elle m'appelait moi-même. Donc, il faut dire, ok, nous sommes la même personne, je dirais. Mais c'est un nom qui...

  • Speaker #0

    À l'état civil, ça doit être problématique, en fait.

  • Speaker #1

    Oh oui, oui, ça doit être problématique. Mais bon, je n'ai jamais rencontré de problème lié à cela parce qu'elle n'est pas déjà dans la même ville que moi. Elle est d'une génération bien plus dense que ma maman, carrément. Donc, il n'y a jamais eu ce problème. Et le nom ne s'écrit pas exactement. de la même manière parce qu'il se dit que le nom a été mal écrit à l'état civil. Même commentaire qui revient parfois sur comment est-ce que le nom a été vraiment écrit. Donc, il y a ce souci-là qui s'est posé sur mon nom. Donc, ça fait qu'il y a peu de chances qu'il y ait des confusions sur la vie des personnes.

  • Speaker #0

    On va aller comprendre un petit peu plus ton parcours et comment tu en es arrivé là. Alors, je sais que ton déclic, il s'est joué au Cameroun, dans les mangroves là-bas, quand tu as vu les maisons qui étaient englouties. Tu étais allée faire ce reportage qui a tout changé pour toi. Qu'est-ce que tu as vu à ce moment-là et qu'est-ce que tu as ressenti ? Qu'est-ce que ça a changé pour toi d'avoir fait ce reportage au fait finalement ?

  • Speaker #1

    Alors, c'est un peu nostalgique là parce que ça fait pratiquement dix ans. Et c'était à cette période-ci, donc au mois de novembre par là, de l'année 2015. Donc, le fait qu'on se rende compte de faire cette émission en 2025, c'est quand même assez. Et que cette question revienne, je dirais que ça fait... Ça fait quand même assez nostalgique et ça me replonge dans ce moment-là. Alors, c'était à Cap Cameroun. Cap Cameroun, c'est là où est installée une des antennes, des plus vieilles antennes de localisation et de télécommunication du Cameroun. Et c'est presque dans la mer. Et j'y étais allée pour voir comment est-ce que le changement climatique affectait les communautés dans cette partie du Cameroun, dont le sujet me tombait dessus la veille de la COP, pour en faire des réglés, des réglés. Les appels à candidatures pour les sujets peuvent médiatiser les sujets sur le changement climatique. Donc, je tombe sur le sujet. Je veux partir plutôt à Manuka. C'est toujours une des îles au Cameroun, dans la partie littorale du Cameroun. C'est une des îles. Mais il se trouve que les autorités ont une descente plutôt à Cap-Cameroun, parce que c'est la période où il pleuvait encore énormément dans la ville. Donc, je suis allée en embarcation avec les autorités. Et quand nous y sommes arrivés, vraiment, j'avais l'impression d'être... dans un autre pays je ne sais pas en fait voir des maisons surpilotées englouties par les eaux pour moi je ne me retrouvais pas je savais pas je me disais mais c'est comme un no man's land parce que il y avait des tout petits enfants avec des lianes des branches de mangroves qu'ils ont tissé qu'ils ont mis sur la tête qui sont en train de jouer là en bordure on va dire en bordure de l'eau l'eau est envahie une bonne parcelle des maisons sur pilotis dans lesquelles vivait des enfants qui étaient là qui jouait pour eux c'était rien c'était leur quotidien c'était là où ils avaient l'habitude de jouer donc cette image de ces enfants qui étaient dans cet environnement qui n'avait plus de maison qui leur maison était en gloucée par exemple mais eux ils ne réalisaient pas que voilà c'est un problème parce qu'ils étaient dans leur âme d'enfant ils allaient vers les il y avait des troncs d'arbres des troncs d'arbres ils vont dire totalement séchés donc tu voyais que Cet endroit, c'était la terre ferme avant. Et l'eau est venue ravager tout. Et on voyait juste comment l'eau a été... On voyait encore des traces d'eau, mais on voyait l'arbre qui est presque dans l'eau. Et on voyait des débris de bois cassés, parce que l'eau avait détruit ses maisons sur Pélotie. Donc, on avait des débris partout. C'était comme un chantier, mais un chantier des maisons sur Pélotie. Et on voyait très bien que... C'est l'eau qui envahit la zone. Il y a des mamans, des femmes qui font dans le fumage de poissons qu'on appelle chez nous les mifagas. C'est l'exemple de crevettes. Elles font dans le fumage de ce type de poissons. Elles étaient là, elles racontaient le désastre, comment les pluies sont arrivées, ça a inondé tout. Elles ne savent pas comment elles vont sécher. On est allé visiter la petite école qui était à côté. L'école aussi qui était un peu à matériaux provisoires, mais il y avait toujours des... Comme c'est une île, ils avaient mis des piquets là pour surmonter un peu. Et l'eau était totalement dans la cour de l'école. Donc, ces jours-là, les enfants n'ont pas pu aller à l'école. On a vu des troncs d'arbres, de bois de mangrove, des rondelles là qu'ils avaient coupées. Et il y avait aussi des petites rondelles qui étaient plus minces, plus fines, donc des jeunes branches, des jeunes arbustes qui avaient aussi taillé. Et les populations nous ont raconté, moi c'est ce qui m'a le plus marquée, ils m'ont pointé du doigt l'antenne qui, d'après leur témoignage, se trouvait quelques années avant au centre du village, donc au milieu du village. Et l'antenne aujourd'hui, on devait juste la pointer du doigt, elle se trouvait déjà dans la mer. Donc plusieurs centimètres de terre avaient été engloutis par les eaux, dont la superficie de l'île se réduisait au fur et à mesure, et les populations ne savaient pas où elles devaient aller. Donc pour moi, c'est la première fois. de voir à quel point le changement climatique, les inondations, la coupe abusive d'arbres qui retiennent les zones côtières pouvaient affecter les communautés. Parce que je n'entendais pas aller, je me disais que ça ne se passe peut-être pas au Cameroun, mais là je vivais en direct et je voyais les dégâts, c'était encore tout frais en fait. C'était quand même assez traumatisant pour moi parce que je ne m'attendais pas à voir cela. Je m'attendais à voir des gens qui vont me dire le changement climatique, voilà comment ça nous affecte. Mais le vivre en direct et avoir des témoignages qui disent qu'aujourd'hui, les gens coupent des jeunes pousses de mangroves, des jeunes arbustes de mangroves, et ils devraient couper plutôt les rondelles qui sont déjà en maturité. Comme disent l'antenne, elle était au milieu du village. Aujourd'hui, elle est engloutie par les eaux. Je vois des enfants qui sont là, tout innocents, qui jouent en bordure de mer, à côté des troncs d'arbres, où il y a des tissus entachés. C'était assez émouvant et j'ai pu raconter une histoire sur cela.

  • Speaker #0

    Est-ce que ça, ça a été du coup le moment déclencheur qui t'a poussé dans les organismes d'investigation sur les questions de l'impact des changements climatiques ou des dégâts environnementaux ? Ou est-ce que déjà tu étais déjà dans le sujet en train de faire ce travail-là ?

  • Speaker #1

    Je dirais que j'étais déjà dans le sujet des droits humains. J'étais déjà passionnée par tout ce qui concerne... Voilà, on avait beaucoup découvert les déguerpissements, par exemple, dans la ville de Douala, où chaque fois on disait que les populations sont installées dans les zones à risque, l'État est venu pour les déguerpir dans l'arrondissement de Douala 4e, par exemple, à Mabanda, où on a des gens qu'on a eu à casser, dans des zones comme Abipanda, où on a fait des descentes sur le terrain. On a vu comment pendant les saisons de pluie, l'eau envahissait un peu les maisons. Mais je crois que c'était, pour moi, je me disais, c'est plus gouvernance, c'est plus l'État qui n'anticipe pas et qui n'enlève pas, ne délocalise pas ces populations rapidement. Donc, je ne faisais pas forcément très rapidement le lien avec le climat. Je savais, OK, ces gens sont venus s'installer, ce sont des zones ariques, ce sont des zones marécageuses. Et du jour au lendemain, on vient les casser, ils n'ont pas de titre foncier, ils n'ont pas ça. J'ai beaucoup couvert ce type de sujet. METTE À ce moment, je ne faisais pas vraiment le lien environnemental. Je savais qu'ils sont sur les drains, mais bon, c'est pas... Mais quand je suis allée sur les deux Manukas, je crois que j'ai pris plus conscience de la complexité de la thématique, du fait qu'il y a beaucoup de forces en présence, du fait qu'il y a les aspects climatiques, du fait qu'il y a la responsabilité même des populations qui déforestent, et le fait aussi que c'est aussi des décisions de gouvernance, d'anticipation. Donc, j'ai pu voir un peu que c'était un... problème. Ce n'était pas un sujet de voilà, c'est arrivé, on a couvert et puis ça va. Mais c'était un sujet qu'il fallait creuser à profondeur pour comprendre les causes profondes de la situation. Donc, je crois que ça a été quand même un gros déclic parce que grâce à ce premier reportage vraiment qui m'a permis de prendre conscience des enjeux de changement climatique, j'ai reçu beaucoup d'autres coachings qui m'ont permis de voir qu'il y a des chercheurs qui avaient déjà analysé, par exemple, la superficie de terre. qui a disparu, qui a été engloutie par les eaux sur l'île de Manuka, ce que je ne savais pas. Il y a des géographes qui avaient fait des travaux sur la question. Donc, j'ai vu que c'était toute une nouvelle discipline sur laquelle beaucoup de personnes travaillaient et travaillaient de façon pointue. Et pour moi, savoir qu'il y avait déjà cette ressource-là, cette possibilité-là, je me suis dit « Ah, mais on n'en parle pas de cette manière dans nos médias. On ne traite pas forcément ces sujets de cette manière. On les traite comme « Ok, il y a une autre inondation, on en parle. Et puis, la saison d'après, on en parle. » Mais un travail de fond qui permet de ressortir ... les enjeux, les causes profondes et les perspectives, on n'en faisait vraiment pas assez. Donc pour moi, c'était un appel à, OK, il faut peut-être travailler différemment, il faut peut-être trouver des données, il faut peut-être faire des choses beaucoup plus pointues. Au lieu de s'arrêter aux gens qui pleurent que l'on a envahi leur maison, est-ce qu'on ne peut pas voir, est-ce qu'il n'y a pas d'autres causes, est-ce qu'il n'y a pas d'autres éléments qu'on ne palpe pas ou qu'on ne voit pas à première vue, sur lesquels il faudrait s'apesantir. Donc c'était pour moi un appel à faire plus et faire différent.

  • Speaker #0

    Donc c'est ça qui te met du coup sur le chemin du journalisme d'investigation, mais comment tu fais pour ? Pour y arriver, tu ne te lèves pas, tu dis « Allez, je vais pousser plus » et tu y arrives, paf, des doigts magiques. Qu'est-ce que tu fais pour y arriver en fait ? Qu'est-ce que tu fais pour dire « Je vais apporter ma contribution pour fuyer un peu plus des sujets, pour aller plus dans les fonds et ne pas rester en surface et dans l'actualité, mais d'aller voir vraiment des causes qui sont systémiques, qui sont en train de causer ce genre de dégâts ? » Comment tu fais pour faire ce passage-là et de franchir des étapes ?

  • Speaker #1

    Alors, ça a été un long cheminement, enrichi de plusieurs expériences, de personnes ayant fait des travaux similaires dans mon entourage. Ça a été beaucoup de coaching, beaucoup de formation. Je pense que l'une des choses qui m'a beaucoup et qui continue de m'aider jusqu'à aujourd'hui, c'est de se former au quotidien. c'est une discipline nouvelle, les questions environnementales, le changement climatique, tout ça c'est nouveau. Je me rappelle quand on commençait, on disait, ok, le changement climatique c'est une question importée, ça ne se passe pas chez nous. Même la façon dont les communautés et les collègues au niveau national percevaient la question faisait qu'il fallait se former pour bien comprendre, ne pas juste dire, je veux faire différemment, tu fais comment, tu commences où, qu'est-ce qui te montre que ce que tu fais, ce que tu es en train d'apporter est vraiment différent. il fallait se former. Donc j'ai eu la chance de bénéficier de beaucoup de formations. L'une des premières formations, c'était avec Info Congo, Info Congo qui est la plateforme régionale du bassin du Congo qui traite les questions environnementales. Alors mon article que j'avais fait sur l'île de Cap Cameroun, avec peu d'outils, avec peu d'informations sur l'inondation. ça a été un des articles que j'ai utilisé comme élément pour pouvoir postuler à l'appel à candidature qui visait à former des journalistes du bassin du Congo sur l'utilisation, l'accès aux données, l'utilisation des données et des images satellitaires pour faire des travaux de fond. Quand j'ai vu l'appel à candidature, je me suis dit, ça arrive à point nommé, parce qu'avec mon article que j'avais eu à faire, j'avais reçu un coaching d'une journaliste internationale qui m'avaient un peu appris à fouiller, trouver des données. Parce que d'autres chercheurs me disaient qu'il fallait aller à la capitale politique à Yaoundé pour trouver des rapports, aller au ministère. J'avais quand même eu des bribes. C'est possible, derrière son ordinateur, de trouver des informations pour enrichir son texte. Donc, quand je vois l'appel à candidature, je me dis, ah, ça, c'est l'opportunité qu'il me fallait. Et je saute dessus, je postule et voilà, je suis retenue. Une semaine, on est formée par toute une équipe de journalistes qui venaient du Brésil, qui venaient des États-Unis, qui, eux, utilisaient déjà des outils de géojournalisme, des outils de géolocalisation. pour raconter les histoires sur le climat, pour raconter les histoires sur l'environnement. Donc, ils nous disent comment ça se passe. Ils nous montrent des plateformes où on peut trouver des données, où on peut analyser, par exemple, la superficie de forêts disparues, où on peut faire des calculs et comprendre de façon chiffrée qu'est-ce qui se passe pour ajouter à ce qu'on faisait déjà qui était des reportages de terrain où on humanise et comment est-ce qu'on humanise même ces données-là. Donc, ils nous ont formés sur la question. Et là, j'ai commencé à, on va dire, Merci. à ressentir plus d'engouement parce que je savais que les blocages que j'avais, au moins, s'il y avait des solutions quelque part. Donc là, je commence à être beaucoup plus confiante. Et je me dis, je dois continuer. À l'époque, je travaillais en radio. Je me dis, non, si je continue à faire de la radio, je vais être dans le quotidien, je vais couvrir la politique aujourd'hui, la santé demain, ce sera un peu la routine. Et je ne suis pas sûre que je pourrais me concentrer, me focaliser sur un thème et le travailler en profondeur ou bien même profiter, capitaliser de tous ces outils que j'apprends au quotidien. donc Donc, il y a eu cette formation. Il y a eu une autre formation sur les droits humains. Parce que oui, on parle de changement climatique, on parle d'environnement, on parle de journalisme, on raconte des histoires des gens. Alors, si on raconte des histoires sur l'environnement sans les connecter aux personnes, ou bien sans voir qui est redevable, qui est responsable, je pense que ça perd un peu de la pertinence. Donc, il y a eu des formations sur les droits humains, avec le Centre international des droits humains. Voilà, tout est lié. cette formation-là avec le Centre international des droits humains, Equitas, à Montréal, pendant laquelle il y avait des sessions où on rencontrait des experts qui parlaient de différentes thématiques. Et j'ai eu l'occasion de participer à une des sessions où il y avait des experts qui venaient du Brésil, et de l'Amérique latine en général, et qui nous racontaient comment l'agro-industrie a engendré des pertes énormes de forêts en Amazonie, des populations sans forêts, sans terres. à cause des grosses multinationales. Et ils nous ont dit, voilà, la prochaine frontière pour ce type de pratique, ce sera en Afrique. Et en Afrique, le deuxième poumon vers la planète, c'est le bassin du Congo. Donc, ce sera dans le bassin du Congo. Et là, ce n'est pas une formation pratique, ce n'est pas un outil, mais c'est une information qui permet d'ouvrir de nouvelles perspectives, qui permet de se rendre compte qu'il y a d'autres enjeux qu'on ne voyait pas, que rester au Cameroun, les traiter juste sur le plan national. C'était des enjeux qui avaient... une dimension au-delà du Cameroun. C'était des questions globales qui n'affectaient pas que les populations camerounaises. Donc, ça me donne une nouvelle lecture de la chose et s'enrichit aussi ce que j'ai comme capacité de travail sur la question. Après, il y a une autre formation sur l'accès aux données où j'ai pu comprendre que dans nos pays, en Afrique et en Afrique francophone en particulier, on a cette question de barrière d'accès aux données où les données ne sont pas forcément ouvertes, disponibles, ont un accès libre. Et comment est-ce qu'on compte tout ?

  • Speaker #0

    Ils ne sont pas en français.

  • Speaker #1

    Voilà, ils ne sont pas en français, ils sont publiés dans des plateformes internationales, peut-être sur le site de la Banque mondiale, sur le site des Nations Unies, un rapport que le gouvernement a transmis à telle ou telle institution internationale. Donc on nous forme sur ces questions-là et on se rend compte, mais waouh ! On se plaint trop de l'accès à l'information, des défis d'accès à l'information ici, mais il y a des possibilités, il y a des choses qu'on peut faire. Parce que nos pays ne sont pas isolés, nos pays travaillent avec d'autres pays. Et dans le cadre de ces échanges, de ces partenariats internationaux, il y a des informations qui circulent. Donc comment est-ce que nous, en tant que journalistes, on saisit cette brèche-là et on va où ces informations-là circulent et on les trouve. Et tout ça, ça s'appelle en ligne. Donc l'open data, les données ouvertes, On a vraiment été... formé sur la question et je me suis rendu compte aussi que les données ouvertes cadraient avec la même la première formation que j'ai fait avec info congo sur le géo journalisme c'était tout un courant c'était tout une nouvelle dynamique qui était en place sur le plan international où on favorise la transparence la redevabilité donc c'est vraiment tout ce volume de bagages de formation grâce aux formations grâce aux rencontres avec des personnes qui qui avait plus d'expérience que moi et qui était ouverte à me tenir la main que j'ai pu construire progressivement, commencer à écrire un article, on corrige, on me dit ajoute ça, regarde sur cette plateforme, est-ce que tu ne peux pas l'enrichir de telle manière, tel outil, je ne sais pas l'utiliser, voilà un tutoriel, voilà une formation spécialisée pour cet outil. Donc c'est vraiment tout ce capital humain, capital technique, qui m'a permis de transformer ma façon de travailler, ma façon de produire des articles journalistiques.

  • Speaker #0

    C'est super intéressant. La plupart des fois, quand je discute comme ça avec d'autres femmes, il y a la question des gens qui disent « oui, en fait, on n'aime pas trop s'entraider avec les femmes, on ne donne pas trop les informations » . Il y en a qui gardent les informations. Mais quand je t'écoute, j'entends que ton parcours a été enrichi évidemment par des formations parce que tu as été vraiment au contrôle, tu as saisi chaque opportunité, etc. Mais j'entends aussi… C'est enrichi d'expériences d'autres personnes qui t'ont tenu la main, qui t'ont coaché, qui t'ont vraiment accompagné. Moi, je voudrais dire, c'est quoi ? C'est lié au secteur du journalisme, vous êtes très généreux comme ça. C'est lié juste aux belles rencontres. C'était quoi ton secret pour que les gens t'ouvrent comme ça la porte ?

  • Speaker #1

    Alors, je ne sais pas si je vais dire, je sais exactement à quoi c'était lié. Mais je peux peut-être raconter comment les différentes rencontres et qui étaient ces personnes-là. Et peut-être que ça va nous permettre de savoir quelle était la recette magique là-dedans. Donc, l'une des premières, ce que je voulais dire aussi, c'est que tout au long de ce parcours-là, j'ai vraiment beaucoup de femmes qui m'ont tenu la main. C'est, on va dire, si on est sur un échantillon de peut-être 100, c'est peut-être 80% de femmes m'ont tenu la main et 20% d'hommes après aussi m'ont tenu la main. Donc, c'était vraiment des femmes. Ce n'était pas forcément des femmes de la même génération que moi, mais c'était des aînés. C'était des dames d'un certain nombre par deux. Une grosse expérience qui voyait comment je travaillais et me disait, ah, mais Madeleine, tu peux faire ça. Toi,

  • Speaker #0

    tu as tendu la main, en fait, déjà pour un point d'entrée. Est-ce que toi, tu étais désireuse d'avoir ça ou c'était comment ? C'était initié par toi ? Tu dis, tiens, j'ai besoin que tu m'aides ou c'était comment ?

  • Speaker #1

    Les deux, je dirais les deux. Il y a des moments, il y a des endroits où j'ai initié le pas. Il y a des moments où c'est d'autres qui m'ont fait des propositions et m'ont dit, mais pourquoi ? Ah tiens, je vois que tu fais ça. pourquoi tu ne ferais pas davantage ? Et je dis, mais je ne sais pas comment on fait davantage. La personne me dit, non, il y a telle formation, tu peux la faire. Donc, si je reviens, par exemple, à l'époque, à la radio où je travaillais, le groupe canadien international, la suite FM, c'est le premier média, on va dire, officiellement, où j'ai travaillé, après les stages académiques. Donc, là-bas, j'avais une émission, un sujet suite les 10, où on racontait les défis que rencontrent les femmes. C'était beaucoup axé sur les droits des femmes, les droits des enfants. Et je faisais beaucoup de femmes de profils différents, que ce soit dans le secteur de la médecine, du secteur des droits humains, du secteur de l'entrepreneuriat. Donc, je recevais des profils de femmes variées qui racontaient un peu leur parcours et en même temps des femmes qui subissaient des violences, qui racontaient leur violence. Donc, dans ce cadre, j'ai fait la rencontre d'une dame leader dans la région du littoral qui, elle, On faisait beaucoup d'activités ensemble. Donc, chaque fois que j'avais une émission qui était sur un thème qu'elle maîtrise, elle me disait, OK, je suis disponible, je peux venir être ton experte pendant l'émission. Donc, elle particulièrement, à force de travailler avec moi sur mes émissions, elle m'a dit, mais Madeleine, mais ce que tu fais là, c'est très bien, c'est connecté aux questions de droits humains, tu peux faire davantage. Il y a des formations sur la question. Je lui ai dit, mais grande soeur, je ne sais pas. J'aimerais bien faire des formations, mais je ne sais pas comment on fait pour les faire. J'ai même déjà demandé. Voilà, je ne sais pas. Je vois des gens faire des formations, je ne sais pas, j'avais peut-être deux années d'expérience, je venais à peine de commencer la vie professionnelle dans le sens plein du terme, j'avais à peine deux années et je ne savais pas comment on postule véritablement à une formation, qu'est-ce qu'on met comme actif. Il me dit non, il y a telle formation sur les droits humains, il me dit il y a d'autres formations aussi, je vois des aînés. Du métier, je vois des journalistes qui font des formations chaque jour. On se retrouve souvent à l'international. Mais vous, les jeunes qui faites des choses sérieuses, pourquoi vous n'êtes pas ? Je ne sais pas comment ça se passe. Il me dit, OK, je vais t'envoyer des liens. Et je lui dis, bon, il y a des aînés même. Parce qu'à l'époque, je faisais des domaines. J'ai causé avec quelques aînés. Et ce qui me marque, une chose que je n'ai pas oubliée, qui est gravée dans la mémoire, c'est qu'une fois, j'avais demandé à un aîné, j'aimerais faire des formations comme vous. Et il m'a dit, bon, vous les jeunes, vous venez à peine de commencer, vous voulez déjà des formations. Moi, j'ai 10 années d'expérience dans le métier et voilà, j'ai un peu été refroidie par cette parole. Donc, quand j'ai partagé cela avec cette dame, elle m'a dit, non, mais il y a des formations. Voilà comment on peut remplir quand tu as une formation. Tout ce que tu fais déjà comme émission, voilà comment tu peux les présenter. Et ce que tu fais, c'est déjà vraiment largement au-dessus de ce que beaucoup d'autres personnes qui se font souvent dans ces formations font. Donc, tu mérites d'être dans cet espace. pour recevoir davantage de formations. Donc, c'est comme ça qu'elle me coache. Elle me dit comment est-ce qu'on monte un dossier de candidature quand il y a une formation, comment est-ce qu'on met en valeur ce qu'on fait dans une candidature. Et voilà, ça me permet de faire des formations sur les droits humains que j'ai mentionnées. Il y a une autre aînée qui était mon enseignante au lycée, mon enseignante d'anglais, qui nous avait initiées dans les cours, dans les clubs. Le club francophonie, quand je fais la place de terminale la dernière année du secondaire, j'étais dans le club francophonie et bilinguisme, j'étais secrétaire générale. On a organisé une série d'activités, coachées par cet enseignant d'anglais-là.

  • Speaker #0

    Elle nous a tenu pour trois mois seulement et puis on l'a affecté dans un autre lycée, donc je ne l'ai plus jamais revu, je n'ai plus eu de nouvelles d'elle. Mais elle nous avait beaucoup stimulé dans la vie associative, la vie d'engagement volontaire dans la société. C'était pour moi toujours resté un marqueur. Maintenant, quand je commence le journalisme, je vais dans une couverture d'un événement sur les droits des enfants, la traite et le trafic des enfants. Je vais couvrir la... C'était une campagne nationale qu'une organisation de la cité civile avait lancée sur la traite du trafic. C'est un thème qui m'intéressait. Je suis allée pour le frire. J'ai causé avec des enfants. Ils espèrent qu'ils parlaient de la question. Et puis, tout naturellement, après avoir publié mon reportage, j'ai partagé avec des gens qui avaient organisé et d'autres personnes. Elle a reçu et m'a dit merci. Quelques mois après, elle m'envoie un mail pour me dire qu'on a une formation à Yaoundé sur tel thème, question des droits humains. Est-ce que tu es intéressée pour participer ? J'ai dit, bien sûr, je veux des formations. Donc, j'en parle à mon rédacteur en chef, qui se trouve être à l'époque une aînée aussi, mais avec qui on a fréquenté, on a fait des études académiques et en journalisme ensemble. Donc, elle aussi m'encourageait énormément. Chaque fois que je voulais faire quelque chose, je faisais un grand reportage. Elle me dit, Madeleine, vas-y, tu as tout mon soutien. Donc, elle m'a vraiment aussi beaucoup encadrée. Donc, quand je me retrouve à cette formation sur les droits humains, sur la proportion, c'est d'autres aînées qui étaient mon enseignante et que je ne savais pas, je ne savais pas que c'était mon enseignant. Quand je la revois à Yaoundé, j'entends des gens l'appeler par un nom dont je me rappelle qu'au lycée, voilà comment on l'appelait, Missis Motto. J'ai dit, mais ça peut être, c'est la même personne et je ne sais pas que c'est la même personne. Je vais donc vers elle et je lui dis, j'ai été dans tel lycée, est-ce que c'est vous telle ? Elle me dit, oui, c'est moi. J'ai dit, ah, enfin, je retrouve mon enseignante qui avait suscité une vocation de l'engagement bénévole en moi. Et là, il se trouve aussi qu'elle est très engagée sur les questions, en dehors d'être enseignante, elle est très engagée sur les questions de droits des femmes, droits des enfants, des droits humains. Donc, pendant tout le parcours où je décide aussi de dire, je veux faire des formations sur la question, elle me tient la main, elle m'encourage, elle n'hésite pas à me faire des lettres de recommandation pour que je puisse partir, faire des formations. Là, c'est vraiment trois femmes fortes qui m'ont tenu la main dans les premières heures de ma carrière. et qui m'ont donné la base de ce que je suis aujourd'hui, qui m'ont coachée, qui m'ont donné la confiance en moi, qui m'ont donné cette confiance en moi d'aller plus loin. À côté, il y a des hommes que j'ai rencontrés au niveau d'Info Congo. C'était vraiment un coaching. Là où je travaille encore actuellement, il y a mon superviseur, il y a deux superviseurs, un homme et une femme qui m'encouragent quand je prends des initiatives. Je leur dis, vas-y. Donc, pour moi, c'est vraiment cette force-là du d'avoir autour de soi des gens qui croient en nous, des gens qui voient notre potentiel, des potentiels que nous ne voyons même pas, qui peuvent être décelés, que ça, il y a un potentiel, et qui peuvent nous accompagner, nous coacher, nous dire, « Reveille ce potentiel et mets-le en valeur. »

  • Speaker #1

    Mais si je comprends bien, c'est aussi parfois le courage que tu as eu de demander de l'aide, de dire, « Je ne sais pas, en fait. Je ne sais pas comment faire. Est-ce que tu peux me montrer ? » C'est d'accepter que je ne sais pas, en fait, et que je peux demander de l'aide. Donc du coup, aujourd'hui, Madeleine, tu es éditrice Afrique pour l'User Center et tu as collaboré avec plein d'organisations, plein de médias, Info Congo, tu as dit, tu en as plein d'autres. Aujourd'hui, comment tu dis, au quotidien, c'est quoi ton travail aujourd'hui, aujourd'hui, aujourd'hui, dans ton rôle actuellement ? Qu'est-ce que tu fais concrètement ? Ok, on peut dire que c'est journalisme et d'investigation, mais je sais que c'est plus que ça. Donc, si tu peux nous dire en bref, parce que... J'ai plein de questions et je vois le temps qui court. Et j'ai envie quand même de partager tout ça parce que c'est d'une grande richesse. Donc, en quelques mots, du coup, c'est quoi vraiment ? Ça ressemble à quoi ton quotidien ?

  • Speaker #0

    Alors, mon quotidien, c'est trois principales choses. D'abord, je fais beaucoup d'évaluations des candidatures, des journalistes qui postulent. Parce qu'au niveau du Police de Saint-Anne, nous sommes une organisation qui donne des grandes, donne des subventions. de courte et de longue durée aux journalistes à travers le monde pour faire des enquêtes, des reportages sur des sujets peu médiatisés. Les journalistes diplômés,

  • Speaker #1

    journalistes certifiés ou même ceux qui font du travail équivalent, sans l'être.

  • Speaker #0

    Alors, nous, nous n'avons pas de... C'est vrai que le métier de journaliste est assez ouvert. Et ce qu'il montre de façon générale, ce n'est pas forcément toujours le diplôme. C'est la pratique. Donc, c'est la pratique journalistique. Donc, le fait que j'ai montré que j'ai publié dans tel média, j'ai publié mon article d'écriture, ce que tu as déjà publié comme article, pour nous, c'est ça qui est l'élément qui permet de vérifier ton profil de journaliste. Voilà, ce n'est pas une question de diplôme. Vous pouvez être diplômé, vous n'avez jamais écrit. Ça ne fait pas de vous un journaliste. Mais vous pouvez n'être pas diplômé, mais vous avez beaucoup écrit, vous êtes journaliste. Donc, c'est d'évaluer vraiment des journalistes qui viennent avec des sujets au quotidien. Et je suis dans l'équipe avec des collègues qui évaluent, qui regardent. Est-ce que c'est un sujet un peu médiatisé ? Est-ce que le journaliste a déjà des articles qu'il a fait dans ce sujet ou bien des articles de qualité qu'il a produit ? Est-ce qu'il a des médias qui sont prêts à le publier ? Donc, c'est vraiment ça. C'est le travail avec des journalistes pour voir comment ils le produisent. sujets avec lesquels ils viennent et si ces sujets sont dignes d'intérêt. L'autre aspect de mon travail, c'est aussi beaucoup de coaching. Au niveau du policeur, déjà, je fais beaucoup de coaching avec nos boursiers de l'équipe Rainforest Investigation Network. C'est une bourse par laquelle moi-même je suis passée. D'échanger avec des boursiers au quotidien pour voir comment est-ce qu'ils avancent dans leur projet d'enquête, quel est le sujet sur lequel ils veulent travailler, est-ce qu'ils ont des sources, comment est-ce qu'ils peuvent contourner les difficultés d'accès aux données, comment est-ce qu'ils peuvent raconter leur histoire. Est-ce qu'on peut les mettre en contact avec d'autres experts pour enrichir leur travail d'enquête ? C'est des bourses sur un an. Donc ça, c'est un travail au quotidien que je fais avec eux. Et maintenant, à travers plusieurs autres organisations aussi, on fait beaucoup de coaching, beaucoup de formation des journalistes. Je fais beaucoup de formation des journalistes sur les questions comment rédiger, comment enquêter, comment écrire une histoire environnementale, comment trouver des données, comment utiliser les données géospatiales pour enrichir le texte. Je fais beaucoup de formation, beaucoup de coaching. Et j'essaie de dénicher aussi des journalistes à travers le continent qui ont un potentiel et qui ont juste besoin de savoir comment ça marche pour pouvoir laisser éclore leur potentiel. C'est à ça que ça me va au quotidien.

  • Speaker #1

    Donc, le travail de terrain où tu étais en train de défiler, de filer les ménages qui sont en train de s'arrêtir, ça devient un travail un peu loin de toi à ce moment-là,

  • Speaker #0

    c'est ça ? C'est beaucoup plus loin de moi, mais je reste connectée à des équipes qui... Je fais plus de la coordination. Donc je vais rarement sur le terrain, mais je fais beaucoup de recherches en ligne. Je fais beaucoup d'analyses géospatiales. Dans les projets, je sais de penser comment est-ce qu'on peut orienter le sujet, comment est-ce qu'on peut le rédiger pour qu'il soit plus intéressant. Mais le terrain, dans le sens propre du terme, je le fais très peu. Mais je continue d'échanger avec des gens et de faire beaucoup de recherches pour dénicher des sujets. d'intérêt.

  • Speaker #1

    Et du coup, quand tu penses à ton travail chez Pulitna Center et ton travail d'investigation et même avant Info Congo, est-ce qu'il y a un dossier que tu as traité, un truc que tu as fait où tu t'es dit ça c'est le truc qui a eu le plus d'impact et comment ça a impacté en fait ? Parce que tu fais ce travail c'est pour changer quelque chose, c'est pour alerter et changer quelque chose. Est-ce que souvent tu t'es dit Merci. Ça a du sens ou est-ce que souvent tu te dis, en fait, il faut le faire, mais je ne vois pas de changement ? C'est quoi ton état d'esprit avec ça ? Est-ce qu'il y a des choses ?

  • Speaker #0

    Il y a beaucoup de choses impactantes, il y a beaucoup de changements que j'ai vus grâce à mon travail. Quand j'ai rejoint le Poblisat pour la première année de ma bourse, par exemple, je travaillais sur une enquête sur une agro-industrie qui venait de prendre, enfin qui était dans l'esprit d'acquérir une concession de près de 60 000 hectares de forêt. dans la partie sud du Cameroun, à côté du parc de Campoman. Alors, moi, ce travail m'a beaucoup marquée parce que c'est la façon dont ça a été fait, la façon dont le travail a été réalisé. C'était un sujet qui faisait de l'actualité. Les communautés se plaignaient, accusaient l'entreprise de ne pas avoir consulté. Les organisations de la société civile dénonçaient le fait que l'entreprise a obtenu la concession de façon irrégulière. Et il fallait prouver cela avec des éléments solides. Alors, moi, je suis allée sur le terrain. J'avais déjà fait toutes ces recherches avant. Mais j'ai pu aller sur le terrain et j'ai pu entrer dans la concession. Et à ce moment-là, l'entreprise venait de commencer à déforester pour faire cette plantation de palmiers à huile. J'ai pu entrer dans la concession avec les techniques d'enquête qu'on peut avoir. J'ai pu entrer et j'ai pu voir comment ils venaient de déforester une vaste parcelle de forêt. j'ai pu rencontrer des communautés qui me disaient comment les éléphants du parc détruisaient davantage leur culture et affectaient leur quotidien parce que la parcelle qui était un peu comme le corridor de circulation des éléphants avait été totalement déforestée, donc les éléphants étaient perdus et se retrouvaient maintenant dans les concessions des communautés. Donc pour moi, c'est un travail qui... C'était pour moi une grosse fierté parce que c'était l'une des premières fois que je... Je faisais un travail de cette envergure parce que j'ai utilisé des outils de géolocalisation. Et j'ai fait tellement de recherches qu'après, on a pu croiser les recherches que j'avais faites et le terrain que j'avais mené pour identifier effectivement que l'endroit qui venait d'être déforesté par l'entreprise était le corridor de circulation des éléphants. Donc, c'était au-delà des témoignages des communautés. C'était vraiment des faits probants. On a également pu identifier comment, à partir des images satellitaires, Comment d'une année à une autre, l'endroit avait totalement changé. Et cet article-là, ça a été une grosse ressource aussi pour beaucoup d'autres acteurs de la société civile qui l'ont cité dans les rapports, qui s'en sont appuyés pour dire « Ok, voilà exactement ce que l'entreprise est en train de faire sur le terrain. » Et après, je crois qu'on a réduit la parcelle accordée à l'entreprise. On l'a réduit presque de moitié. Et donc, au lieu des 60 000 hectares qu'elle devait recevoir, elle a reçu beaucoup moins. C'est vrai que jusqu'à aujourd'hui, le problème, c'est là où il y a quand même un pincement, c'est qu'elle a quand même obtenu la concession, elle travaille. Les communautés qui se plaignaient à l'époque et qui n'étaient pas vraiment soudées dans la plainte, aujourd'hui, elles se rendent compte que leur quotidien a totalement changé. Mais pour moi, c'était quand même une bonne contribution de montrer, avec des éléments solides, que quelque chose se passait dans cette localité-là, à ce moment-là. et d'avoir un élément complémentaire au travail que faisaient d'autres acteurs déjà dans ce moment. Donc ça, c'est un des travaux, un des articles qui m'a beaucoup inspirée, m'a montré que je pouvais faire différent quand même et plus.

  • Speaker #1

    Évidemment, si ça a pu réduire de la moitié la concession qu'on lui a accordée, c'était déjà ça. Et s'il n'avait pas eu tout ça, peut-être que ça serait même pire. Mais parfois, dans ce travail, on se sent... un peu découragée parce que les résultats ne viennent pas immédiatement, mais j'imagine que d'autres résultats, c'est peut-être la conscience qu'ils prennent dans les communautés, c'est-à-dire, si on avait parlé d'un seul homme, d'une seule voix, peut-être que ça aurait pu être différent. Et du coup, Madeleine, je vois que ça, ça a été un des éléments de fierté parce que tu as utilisé les techniques que tu as apprises et ça a eu un impact, c'est super. Est-ce que quels sont les défis que toi tu as rencontrés du coup dans ton parcours, dans ton travail, dans ces secteurs environnementaux et des journalistes, parce que c'est couplé, quels sont les défis que tu as rencontrés toi, surtout toi en tant que femme, est-ce qu'il y en a des défis que tu as rencontrés ?

  • Speaker #0

    Bien évidemment, il y a toujours des défis, si je dis qu'il n'y en a pas, je serais en train de cacher une partie de l'histoire. Non, il y a eu beaucoup de défis. Comme je disais au début, c'était les défis de formation où on n'a pas toujours l'information sur comment faire. On ne sait pas où aller. On n'a pas quelqu'un qui nous oriente. Ça, c'est un gros défi dès le départ. Maintenant, on a quelqu'un qui nous oriente et on sait comment on le fait. Parfois, il y a toujours ce rapport de force qu'on ressent. Ce n'est pas physique, c'est plus inconscient. C'est un peu comme une sorte de manipulation. Mais le fait, par exemple, d'aller sur le terrain, d'être en train de travailler sur des questions environnementales et qu'on vous dise, mais vous, vous êtes une femme et vous n'avez pas de famille, vous n'avez pas... C'est trop dangereux pour vous. Tu n'as pas des enfants et

  • Speaker #1

    Marie. Voilà.

  • Speaker #0

    C'est là. Voilà. Donc, il y a toujours... Il y a eu des moments comme ça où des gens sur le terrain... Ça peut être des sources même, des gens que vous interviewez. Vous le faites naturellement. Vous êtes venu pour intervier quelqu'un. Vous avez beaucoup de respect pour la personne. Mais en retour, vous vous rendez compte que la personne s'est... a un regard assez complexé, mitigé sur vous, parce que vous êtes une femme, vous êtes une jeune femme. Et c'est dit, mais pourquoi vous vous retrouvez ici ? C'est trop dangereux pour vous. Il y a aussi une récente enquête qu'on a faite sur l'exploitation forestière illégale au Cameroun. Et là, c'est un élément qui montre un peu le niveau de dangerosité des sujets qu'on aborde. Alors, on avait montré à travers l'enquête que le bois était transporté. Il y a également de la forêt vers le port du Cameroun, avec beaucoup de complicités en vue. Et quand l'article a été publié, ça a été repris par plusieurs autres médias. Les autorités ont pris des décisions pour renforcer le contrôle du bois à travers le territoire national. Ma collègue a organisé une émission, ma collègue du police a organisé une série d'émissions comme elle a l'habitude de le faire, des émissions interactives dans les radios à forte audience. C'était à Yaoundé, donc je suis allée dans une radio pour raconter un peu le behind the scenes, comment est-ce qu'on a fait le travail, est-ce qu'on a découvert sur le terrain. Et il y a un auditeur qui a appelé et qui a dit, quand je vous écoute, vraiment vous êtes braves, félicitations, vous dénoncez vraiment ce qui ne va pas, mais j'ai vraiment peur pour vous. J'espère qu'au sorti de l'émission, un camion cremier ne va pas vous écraser là sur la rue. Déjà, sur le coup, oui, en pleine émission radio, en l'heure de l'audience, entre 10h et 12h à Yaoundé. Donc, sur le coup, j'ai déjà rigolé. Mais après, en prenant du recul, je me suis dit, mais c'est une menace en fait. C'est une menace en direct. C'est une menace en public,

  • Speaker #1

    en direct.

  • Speaker #0

    En public. Voilà, c'est une menace. Donc, ça montre un peu à quel point, non seulement les gens estiment que voilà, pourquoi vous ? Mais en même temps, les gens sont... prêts à aller plus loin et dire si vous continuez à le faire, sachez que vous êtes en train de vous exposer de telle ou telle manière. C'est vrai qu'avant ça, il y avait déjà eu beaucoup de formations sur les questions de sécurité, mais je pense que c'est aussi l'un des gros défis de se dire qu'on travaille sur des questions sensibles. C'est le changement climatique, c'est un sujet noble, c'est une thématique noble, mais il y a beaucoup d'intérêts en jeu, il y a beaucoup de personnes qui sont responsables de ce qui se passe et quand on dénonce, ça ne fait pas forcément joli joli, ça n'arrange pas tout le monde. Donc, c'est un autre gros défi, le défi de la sécurité. Ça fait qu'en tant que journaliste qui travaille sur les questions environnementales, l'investigation environnementale, on vit un peu comme cloisonné, on vit un peu comme caché, on essaie de s'afficher un peu moins. Moi, je sais qu'il y a beaucoup de collègues parfois qui me disent, mais Madeleine, tu es toujours là. Je dis, mais je suis là. On ne te voit pas, mais ça fait aussi partie des défis. C'est que tu ne sais pas qui est là, qui veut faire quoi. Donc, on est obligé de vivre un peu avec. beaucoup plus de sécurité parce qu'on sait que ce... Oui, beaucoup plus de prudence, oui. Donc ça, c'est un autre gros défi qui est, je dirais, quand même général dans la région du bassin du Congo. La question, la thématique que nous abordons, c'est que nous dénonçons des enjeux, nous dénonçons des intérêts cachés. Il y a beaucoup d'argent qui circule et tout le monde n'est pas content de ce qui est dénoncé. Donc, pour moi, c'est le défi qui est le plus actuel actuellement.

  • Speaker #1

    Ok, mais oui, c'est un peu comme tout ce qui travaille sur les questions des droits humains, parce que les journalistes, ça va bien, tout ce qui travaille sur les questions d'observation et d'indépendance des forêts, pareil, et même menaces. Mais c'est hyper intéressant de voir ce que tu viens de dire, justement, sur le terrain, la perception quand on est femme. C'est exactement la même chose que beaucoup de femmes me disent sur ce micro, en disant, ben oui, c'est quand j'étais sur l'intérieur qu'on me regarde et me dit, alors, toi, tu es une femme. tu ne vas pas y arriver. On va très loin. C'est dangereux. Les choses comme ça, à ne pas croire que les femmes vont y arriver. Et du coup, en restant sur ça, très rapidement, est-ce qu'il y a des femmes qui t'ont inspirée ? Qu'est-ce qui t'a donné l'inspiration de te mettre sur ce chemin-là ? Est-ce que tu as pu trouver dans d'autres femmes des forces qui ont aidé un peu tes forces à toi ?

  • Speaker #0

    Alors, je dirais qu'il y a beaucoup de femmes. déjà celles qui m'ont tenu la main c'était des femmes assez courageuses qui n'avaient pas la langue dans la poche et qui étaient assez déterminées quand elles engagent quelque chose, je pense que la plupart des femmes qui m'ont coachée, qui m'ont tenu la main il y avait beaucoup de détermination et cette détermination a été contagieuse à la fin c'est que quand elle dit je vais faire ça elle s'y met, elle reste focus et tu vois comment il y a de la progression dans ce qu'elle fait, tu vois comment ... Il y a du respect qui s'installe sur son travail. Il y a également d'autres grandes femmes sur l'espace médiatique à Mournay qui sont juristes, avocates. Tu vois la poigne avec laquelle, quand elle récupère un sujet, elle s'y met à fond. Elle ne lâche pas prise. Il y a toutes ces femmes-là qui, pour moi, ont été et restent des sources d'inspiration qui font que quand je travaille, je me dis, OK, je veux rester déterminée, je veux rester courageuse. Mais je veux rester aussi prudente.

  • Speaker #1

    On commence à arriver vers la fin de notre échange. Et j'aimerais qu'on regarde un peu le futur. Quand tu regardes le journalisme et comment il évolue aujourd'hui, comment tu imagines l'avenir du journalisme environnemental en Afrique ?

  • Speaker #0

    Il y a deux ans, j'aurais été très pessimiste. J'aurais été, voilà, les gens ne s'intéressent pas et tout, tout, tout. Mais aujourd'hui, je suis beaucoup plus optimiste. Je vois beaucoup d'efforts. beaucoup d'engouement, beaucoup d'intérêt de la part des journalistes sur le continent et en Afrique francophone notamment. Il y a cette soif de faire différent que je note de plus en plus. Il y a cette prise de conscience du fait que dans d'autres parties du monde, des gens font des choses simples mais qui se révèlent être extraordinaires après. Donc comment capitaliser sur ce qu'on a l'habitude de faire ? C'est un besoin qui se fait ressentir. Il y a ce besoin de formation aussi. donc. Et je pense qu'en misant sur cette formation, mais surtout le coaching, je vois aussi beaucoup de personnes, beaucoup de confrères qui sont un peu perdus. Il y a le poids de ce reçu, de ce vécu, de cette expérience qui fait que se détacher, faire différent. Il y a beaucoup de pésanteurs en fait. Je vois beaucoup de pésanteurs. Je suis plusieurs confrères et consœurs. Et je comprends qu'avec beaucoup de formations, parce qu'il y a plein de formations sur le continent actuellement, auxquelles j'ai participé, des formations en journalisme environnemental. Il y a une récemment à laquelle j'ai participé. Après, on a fait toute une série de coachings. Et à la fin, les articles qui ont été produits, c'était d'un cran plus intéressant par rapport aux éditions antérieures. Donc, je vois une implication, je vois une envie de dépasser les limites. une envie de concurrencer ou d'aller en compétition avec des journalistes qui sont sur d'autres parties du monde. Et je me dis, ce serait important de continuer à former. Et c'est l'un des chantiers, par exemple, sur lesquels nous sommes en train de mettre toutes nos forces au niveau du Publizer Center et dans toutes les autres organisations avec lesquelles je peux interagir au quotidien. Il faut former les gens. Les gens ont besoin d'être formés. Ceux qui sont ailleurs et qui publient des articles super intéressants, ils ne sont pas nés avec une cuillère en oie, ils ne sont pas nés avec ce savoir-là. c'est parce qu'ils ont été... formés qui réussissent à faire ça. Chez nous, dans les universités, aujourd'hui, on n'enseigne pas le journalisme d'investigation. Au Cameroun, par exemple, c'est le journalisme qu'on enseigne, les nouveaux outils, le data journalisme, tu parles du data journalisme, un jeune étudiant en Cameroun, je suis sûre qu'il est perdu, il peut, il regarde sur les réseaux sociaux, il voit ce que les autres publics se disent, c'est très loin de lui, mais c'est loin de lui, pourquoi ? Parce qu'il n'est pas formé. Donc, il y a un gros besoin de formation actuellement sur le continent et je me dis, Si toutes les organisations, si toutes les personnes qui ont un peu d'expertise mutualisent leurs forces et forment davantage, forment les gens un peu comme nous quand on nous a formés à l'open data, aux données ouvertes. On était, les critères, c'est-à-dire, on va dire, il y avait quand même une tranche d'âge, déjà avant 35 ans. On avait encore l'esprit, on va dire, ouvert, on était réceptif, on pouvait découvrir. Donc, je pense qu'il y a une grosse proportion de jeunes qui sont dans les médias comme ça, sur lesquels on peut investir. Ils sont speed, ils sont smart. S'ils ont le savoir, je crois qu'ils feront des choses extraordinaires. Et pour moi, si on fait cette formation, si on continue, ça va donner des résultats super intéressants dans les années qui arrivent.

  • Speaker #1

    Et super, mais toi, dans 10 ans, Madeleine, où est-ce que tu te vois ? Tu sens le temps de faire quoi ? Tu auras accompli quoi ?

  • Speaker #0

    Oh, si j'avais 10 ans de plus. Alors, actuellement, je suis en train de voir comment me former davantage, de voir comment aller un peu plus dans la recherche. Oui, la méfiance journalistique, c'est bon. C'est déjà, on va dire, j'ai quand même acquis beaucoup de connaissances et compétences dans le domaine. J'aimerais me flirter un peu plus avec le monde académique. Essayer d'avoir ce côté théorique. Je fais des formations, mais je reconnais que, voilà, si j'ai un plus sur le côté académique, ça peut me permettre d'affiner ma méthodologie en matière de formation. Ça peut me permettre d'affiner la façon dont j'interagis aussi avec les gens que je forme au quotidien. Donc, il y a ce côté-là que j'aimerais vraiment développer. oui, si je peux enseigner dans des universités je pense qu'au bout des 10 ans j'aurai quand même de la matière encore plus grande pour pouvoir partager si il y avait une jeune femme qui t'écoute est-ce que tu aimerais qu'elle retienne de ton parcours ? je dirais la quête du savoir la quête du savoir qu'elle retienne, qu'elle aille vers qu'elle n'hésite pas à demander quand elle ne connait pas, qu'elle demande ce n'est qu'en demandant qu'on manifeste qu'on a un besoin Voilà. Et on peut avoir quelqu'un autour de nous qui peut satisfaire ce besoin et qu'on ne sait pas. Mais si on ne demande pas, celui qui est même là, qui peut nous trouver la solution, ne saura pas, il ne va pas venir lire dans notre cœur pour savoir ce dont nous avons besoin. Donc quand on est coincé, ce n'est pas une honte de dire je ne sais pas le faire, demander encore et encore. Celui qui demande en reçoit toujours. Et on n'en a pas assez de recevoir parce que c'est ce volume de bagages qu'on reçoit là qui permet qu'on soit demain chargé de bagages et qu'on puisse contribuer dans la communauté dans laquelle on se trouve. Donc pour moi, ce serait demander, demander, aller vers la quête du savoir. Il y a toujours des solutions.

  • Speaker #1

    Je ne suis pas une jeune fille, mais je retiens ça aussi et je suis complètement d'accord. Demandez et on vous donnera. C'est un principe qui marche très, très bien. Et merci, Madeleine, d'avoir répondu, d'avoir pris ton temps, en fait, pour discuter avec moi. Et je sais qu'il y a beaucoup de gens qui m'ont écoutée avec beaucoup de plaisir, comme moi j'ai eu. C'était une conversation très inspirante pour moi aussi, pour voir un peu la connexion avec tout ce qui est du monde du journalisme et tous les travails qu'on fait, parce qu'on se base sur ce que vous avez dit, ce que vous avez trouvé, pour aussi construire nos propres argumentaires et construire notre conviction pour continuer à aller de l'avant. Donc, à travers toi, on a pu voir comment les journalistes... Les journalistes transforment un tout petit peu notre environnement en Afrique et comment ils racontent l'Afrique d'une différente manière avec ses défis, ses hauts et ses bas. Merci en tout cas.

  • Speaker #0

    Merci beaucoup Mireille, ça a été un plaisir pour moi et c'est moi qui remercie pour cette opportunité. J'espère vraiment que ceux qui écouteront trouveront de la matière pour être inspirés à faire quelque chose de différent.

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Description

Dans cet épisode, Mireille  reçoit Madeleine Ngeunga, journaliste d’investigation engagée sur les questions environnementales et éditrice régionale pour l’Afrique au Pulitzer Center. À travers ses enquêtes, Madeleine révèle les mutations écologiques qui affectent le bassin du Congo, là où les forêts reculent et où les communautés s’adaptent aux changements climatiques.


Madeleine partage son parcours et explique comment elle est passée de la couverture des droits humains à un journalisme centré sur l’environnement. Son déclic est survenu lors d’un reportage dans les mangroves du Cameroun : « J’avais l’impression d’être dans un autre pays… voir des maisons sur pilotis englouties par les eaux, des enfants jouant au milieu des troncs d’arbres, des femmes fumant des poissons… ça m’a permis de prendre conscience de la complexité des enjeux climatiques et environnementaux. »


Aujourd’hui, Madeleine ne se contente plus de raconter ces histoires : elle forme et accompagne une nouvelle génération de journalistes africains, pour qu’ils puissent eux aussi enquêter sur l’impact du changement climatique depuis leurs territoires et rendre visibles ces réalités souvent ignorées.

Avec cet épisode, découvrez comment le journalisme peut devenir un acte écologique et un engagement concret pour la planète, à travers le récit authentique de celles et ceux qui observent, analysent et agissent.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    bonjour à toutes bonjour à tous et bienvenue sur le podcast des terres à mon chou alors aujourd'hui je reçois madeleine guingard madeleine et journaliste d'investigation et les éditrices pour afrique pour l'afrique au centre puis les a senti et à travers ses enquêtes madeleine révèle ce qu'est la matière maudit quand les forêts reculent quand les verts avance. Galevi s'adapte silencieusement aux changements climatiques et d'autres facteurs environnementaux. Mais son engagement ne s'arrête pas là. Après avoir raconté la mutation écologique dans le bassin du Congo, elle forme et accompagne une nouvelle génération de journalistes africains qui racontent à leur tour ces réalités depuis leur propre territoire. Avec Madeleine, nous allons parler du pouvoir du journalisme comme acte écologique, comme acte d'engagement pour l'environnement, de la force de la transmission et de ce que ça signifie aujourd'hui raconter la terre pour mieux la protéger. Bonjour Madeleine.

  • Speaker #1

    Bonjour Mireille, c'est un plaisir pour moi d'être là aujourd'hui et de pouvoir partager, échanger.

  • Speaker #0

    Super, comment tu vas ce matin ?

  • Speaker #1

    Alors je vais très bien. Par la force du temps, le climat est un peu clément ces jours-ci. Donc, il y a un peu moins de pluie. La saison pluvieuse est en train de s'achever. Donc, on va un peu vers des journées un peu plus ensoleillées. Et je pense que c'est le climat qui me convient le mieux le plus souvent.

  • Speaker #0

    Ah oui, pour moi, j'adore la pluie. J'adore quand il pleut. Même si ça coupe Internet des fois, mais j'adore quand même. Bon, du coup, Madeleine, est-ce que... Est-ce que tu aimerais compléter cette présentation que j'ai faite de toi pour raconter ce qu'on ne trouve pas sur Internet ? Parce que ça, c'est ce qu'on voit sur ton lit, ta page LinkedIn et tout. Mais qui es-tu vraiment et d'où tu viens ?

  • Speaker #1

    Alors, disons que je suis une femme camerounaise qui aime rencontrer les gens et qui aime aller à la rencontre des personnes, qui aime faire des voyages, découvrir les histoires des gens. découvrir les cultures, découvrir les perceptions des uns et des autres pour mieux s'enrichir. Donc j'aime la diversité. Je suis également maman. Je pense que aller à la rencontre des gens aussi, c'est ce côté d'embrasser des gens, ce côté de se sentir proche des gens. Je suis également maman d'une petite fille et épouse. Et je suis journaliste, donc je suis femme engagée sur les questions environnementales et j'utilise l'écriture pour raconter un peu tous ces changements qui s'opèrent sur notre planète et qui affectent les personnes que je rencontre au quotidien et qui m'affectent aussi. Donc, je dirais que c'est ça ma clé.

  • Speaker #0

    C'est intéressant. Quand tu étais en train de te présenter, je me disais, mais en fait, je me suis trompée. On dirait qu'elle est anthropologue. Elle aime aller à la rencontre des gens. Mais en fait, tu vois que c'est un lien commun avec le journalisme aussi. on le fait parce qu'on aimait trop contact avec les gens,

  • Speaker #1

    j'imagine. Effectivement. Je pense que l'une des choses qui nous enrichit beaucoup dans le journalisme, c'est qu'on va, on cause avec des gens. Par exemple, il y a une question de changement climatique ou bien une question d'inondation. On va dans les communautés, on voit comment elles sont affectées par ces inondations, on voit leur mode de vie, on voit ce qui change. Chaque fois, c'est des nouvelles personnes qu'on rencontre et ce côté découverte de qui est l'autre est vraiment étroitement lié. de mon point de vue au métier de journaliste, parce qu'on n'écrit pas pour nous d'abord, on écrit pour le public. On ne parle pas de nous, on parle du public. Donc, c'est toujours un moment de partage, c'est toujours de savoir comment les autres vivent, savoir comment ils font pour surmonter certains défis. Donc, pour moi, c'est la rencontre. Pour moi, c'est le meilleur côté du journalisme, c'est ça. C'est aller à la rencontre des gens, raconter leurs histoires au quotidien.

  • Speaker #0

    Alors, on va parler de tout ça, de ton travail, mais avant, on va faire un petit pas en arrière. Donc, d'où viens-tu du Cameroun et j'aimerais savoir si ton nom Nguenga veut dire quelque chose.

  • Speaker #1

    Ah, ça, c'est souvent la question qui m'embarrasse quelques fois parce que, voilà, je viens de la partie ouest du Cameroun, dans le département du Hongkam. Alors, j'ai souvent demandé, voilà, mon nom c'est Nguenga. littéralement ça peut vouloir dire celle qui dit non mais je ne suis pas sûre parce que j'ai souvent demandé ça veut dire quoi NGUNGA des parents m'ont parfois expliqué que non c'est une sorte je sais pas si c'est une sorte de racine ou quoi que ce soit mais jusqu'ici je n'ai pas trouvé une explication claire de ce que veut dire NGUNGA mais si je prends de façon littérale NG ça veut dire un peu parler parler et NGA c'est non donc moi je transforme ça voilà dire non c'est peut-être peut-être celle qui dit non. Mais ça, c'est mon explication. Il faut encore entrer dans les termes anthropologiques et rencontrer d'autres personnes pour savoir s'il y a une autre signification que je ne connais pas.

  • Speaker #0

    Je pose toujours cette question parce que je sais énormément qu'en Afrique, les noms, ils ont des sens. Ou alors, si ce n'est pas les noms qui ont des sens, mais... Il y a une raison pour laquelle on donne un nom et pas un autre à un enfant. Ce n'est pas juste on tire dans un catalogue. Est-ce que toi, tu sais pourquoi on t'a donné ce nom ? D'où il vient ? Est-ce que tu l'as hérité de tes grands-parents ? Est-ce que c'est toi la première à le porter ?

  • Speaker #1

    Ok, de ce point de vue-là, oui, je connais quand même l'histoire du nom. Donc, on m'a donné le nom de la petite sœur à mon papa. Mais ce n'est pas elle qui commence avec ce nom. C'est le nom d'une de nos grands-mères du côté de mon papa. dans une des grammaires paternelle qui était un peu comme à la base du fondement d'une génération de notre famille. Donc, c'est un nom qui remonte à au moins trois, quatre générations. Et c'était une femme de la famille. Et ma tante, quand je suis née, mon papa a dit, ok, je vais lui donner le même nom. Donc, moi actuellement, par exemple, Madeleine Gunga, il y a une tante qui est la soeur de mon papa, qui a le même nom intégralement. La seule différence, c'est l'écriture. Donc, on m'a donné le prénom et le nom. Donc, je me rappelle, quand on était tout petits, elle m'appelait moi-même. Donc, il faut dire, ok, nous sommes la même personne, je dirais. Mais c'est un nom qui...

  • Speaker #0

    À l'état civil, ça doit être problématique, en fait.

  • Speaker #1

    Oh oui, oui, ça doit être problématique. Mais bon, je n'ai jamais rencontré de problème lié à cela parce qu'elle n'est pas déjà dans la même ville que moi. Elle est d'une génération bien plus dense que ma maman, carrément. Donc, il n'y a jamais eu ce problème. Et le nom ne s'écrit pas exactement. de la même manière parce qu'il se dit que le nom a été mal écrit à l'état civil. Même commentaire qui revient parfois sur comment est-ce que le nom a été vraiment écrit. Donc, il y a ce souci-là qui s'est posé sur mon nom. Donc, ça fait qu'il y a peu de chances qu'il y ait des confusions sur la vie des personnes.

  • Speaker #0

    On va aller comprendre un petit peu plus ton parcours et comment tu en es arrivé là. Alors, je sais que ton déclic, il s'est joué au Cameroun, dans les mangroves là-bas, quand tu as vu les maisons qui étaient englouties. Tu étais allée faire ce reportage qui a tout changé pour toi. Qu'est-ce que tu as vu à ce moment-là et qu'est-ce que tu as ressenti ? Qu'est-ce que ça a changé pour toi d'avoir fait ce reportage au fait finalement ?

  • Speaker #1

    Alors, c'est un peu nostalgique là parce que ça fait pratiquement dix ans. Et c'était à cette période-ci, donc au mois de novembre par là, de l'année 2015. Donc, le fait qu'on se rende compte de faire cette émission en 2025, c'est quand même assez. Et que cette question revienne, je dirais que ça fait... Ça fait quand même assez nostalgique et ça me replonge dans ce moment-là. Alors, c'était à Cap Cameroun. Cap Cameroun, c'est là où est installée une des antennes, des plus vieilles antennes de localisation et de télécommunication du Cameroun. Et c'est presque dans la mer. Et j'y étais allée pour voir comment est-ce que le changement climatique affectait les communautés dans cette partie du Cameroun, dont le sujet me tombait dessus la veille de la COP, pour en faire des réglés, des réglés. Les appels à candidatures pour les sujets peuvent médiatiser les sujets sur le changement climatique. Donc, je tombe sur le sujet. Je veux partir plutôt à Manuka. C'est toujours une des îles au Cameroun, dans la partie littorale du Cameroun. C'est une des îles. Mais il se trouve que les autorités ont une descente plutôt à Cap-Cameroun, parce que c'est la période où il pleuvait encore énormément dans la ville. Donc, je suis allée en embarcation avec les autorités. Et quand nous y sommes arrivés, vraiment, j'avais l'impression d'être... dans un autre pays je ne sais pas en fait voir des maisons surpilotées englouties par les eaux pour moi je ne me retrouvais pas je savais pas je me disais mais c'est comme un no man's land parce que il y avait des tout petits enfants avec des lianes des branches de mangroves qu'ils ont tissé qu'ils ont mis sur la tête qui sont en train de jouer là en bordure on va dire en bordure de l'eau l'eau est envahie une bonne parcelle des maisons sur pilotis dans lesquelles vivait des enfants qui étaient là qui jouait pour eux c'était rien c'était leur quotidien c'était là où ils avaient l'habitude de jouer donc cette image de ces enfants qui étaient dans cet environnement qui n'avait plus de maison qui leur maison était en gloucée par exemple mais eux ils ne réalisaient pas que voilà c'est un problème parce qu'ils étaient dans leur âme d'enfant ils allaient vers les il y avait des troncs d'arbres des troncs d'arbres ils vont dire totalement séchés donc tu voyais que Cet endroit, c'était la terre ferme avant. Et l'eau est venue ravager tout. Et on voyait juste comment l'eau a été... On voyait encore des traces d'eau, mais on voyait l'arbre qui est presque dans l'eau. Et on voyait des débris de bois cassés, parce que l'eau avait détruit ses maisons sur Pélotie. Donc, on avait des débris partout. C'était comme un chantier, mais un chantier des maisons sur Pélotie. Et on voyait très bien que... C'est l'eau qui envahit la zone. Il y a des mamans, des femmes qui font dans le fumage de poissons qu'on appelle chez nous les mifagas. C'est l'exemple de crevettes. Elles font dans le fumage de ce type de poissons. Elles étaient là, elles racontaient le désastre, comment les pluies sont arrivées, ça a inondé tout. Elles ne savent pas comment elles vont sécher. On est allé visiter la petite école qui était à côté. L'école aussi qui était un peu à matériaux provisoires, mais il y avait toujours des... Comme c'est une île, ils avaient mis des piquets là pour surmonter un peu. Et l'eau était totalement dans la cour de l'école. Donc, ces jours-là, les enfants n'ont pas pu aller à l'école. On a vu des troncs d'arbres, de bois de mangrove, des rondelles là qu'ils avaient coupées. Et il y avait aussi des petites rondelles qui étaient plus minces, plus fines, donc des jeunes branches, des jeunes arbustes qui avaient aussi taillé. Et les populations nous ont raconté, moi c'est ce qui m'a le plus marquée, ils m'ont pointé du doigt l'antenne qui, d'après leur témoignage, se trouvait quelques années avant au centre du village, donc au milieu du village. Et l'antenne aujourd'hui, on devait juste la pointer du doigt, elle se trouvait déjà dans la mer. Donc plusieurs centimètres de terre avaient été engloutis par les eaux, dont la superficie de l'île se réduisait au fur et à mesure, et les populations ne savaient pas où elles devaient aller. Donc pour moi, c'est la première fois. de voir à quel point le changement climatique, les inondations, la coupe abusive d'arbres qui retiennent les zones côtières pouvaient affecter les communautés. Parce que je n'entendais pas aller, je me disais que ça ne se passe peut-être pas au Cameroun, mais là je vivais en direct et je voyais les dégâts, c'était encore tout frais en fait. C'était quand même assez traumatisant pour moi parce que je ne m'attendais pas à voir cela. Je m'attendais à voir des gens qui vont me dire le changement climatique, voilà comment ça nous affecte. Mais le vivre en direct et avoir des témoignages qui disent qu'aujourd'hui, les gens coupent des jeunes pousses de mangroves, des jeunes arbustes de mangroves, et ils devraient couper plutôt les rondelles qui sont déjà en maturité. Comme disent l'antenne, elle était au milieu du village. Aujourd'hui, elle est engloutie par les eaux. Je vois des enfants qui sont là, tout innocents, qui jouent en bordure de mer, à côté des troncs d'arbres, où il y a des tissus entachés. C'était assez émouvant et j'ai pu raconter une histoire sur cela.

  • Speaker #0

    Est-ce que ça, ça a été du coup le moment déclencheur qui t'a poussé dans les organismes d'investigation sur les questions de l'impact des changements climatiques ou des dégâts environnementaux ? Ou est-ce que déjà tu étais déjà dans le sujet en train de faire ce travail-là ?

  • Speaker #1

    Je dirais que j'étais déjà dans le sujet des droits humains. J'étais déjà passionnée par tout ce qui concerne... Voilà, on avait beaucoup découvert les déguerpissements, par exemple, dans la ville de Douala, où chaque fois on disait que les populations sont installées dans les zones à risque, l'État est venu pour les déguerpir dans l'arrondissement de Douala 4e, par exemple, à Mabanda, où on a des gens qu'on a eu à casser, dans des zones comme Abipanda, où on a fait des descentes sur le terrain. On a vu comment pendant les saisons de pluie, l'eau envahissait un peu les maisons. Mais je crois que c'était, pour moi, je me disais, c'est plus gouvernance, c'est plus l'État qui n'anticipe pas et qui n'enlève pas, ne délocalise pas ces populations rapidement. Donc, je ne faisais pas forcément très rapidement le lien avec le climat. Je savais, OK, ces gens sont venus s'installer, ce sont des zones ariques, ce sont des zones marécageuses. Et du jour au lendemain, on vient les casser, ils n'ont pas de titre foncier, ils n'ont pas ça. J'ai beaucoup couvert ce type de sujet. METTE À ce moment, je ne faisais pas vraiment le lien environnemental. Je savais qu'ils sont sur les drains, mais bon, c'est pas... Mais quand je suis allée sur les deux Manukas, je crois que j'ai pris plus conscience de la complexité de la thématique, du fait qu'il y a beaucoup de forces en présence, du fait qu'il y a les aspects climatiques, du fait qu'il y a la responsabilité même des populations qui déforestent, et le fait aussi que c'est aussi des décisions de gouvernance, d'anticipation. Donc, j'ai pu voir un peu que c'était un... problème. Ce n'était pas un sujet de voilà, c'est arrivé, on a couvert et puis ça va. Mais c'était un sujet qu'il fallait creuser à profondeur pour comprendre les causes profondes de la situation. Donc, je crois que ça a été quand même un gros déclic parce que grâce à ce premier reportage vraiment qui m'a permis de prendre conscience des enjeux de changement climatique, j'ai reçu beaucoup d'autres coachings qui m'ont permis de voir qu'il y a des chercheurs qui avaient déjà analysé, par exemple, la superficie de terre. qui a disparu, qui a été engloutie par les eaux sur l'île de Manuka, ce que je ne savais pas. Il y a des géographes qui avaient fait des travaux sur la question. Donc, j'ai vu que c'était toute une nouvelle discipline sur laquelle beaucoup de personnes travaillaient et travaillaient de façon pointue. Et pour moi, savoir qu'il y avait déjà cette ressource-là, cette possibilité-là, je me suis dit « Ah, mais on n'en parle pas de cette manière dans nos médias. On ne traite pas forcément ces sujets de cette manière. On les traite comme « Ok, il y a une autre inondation, on en parle. Et puis, la saison d'après, on en parle. » Mais un travail de fond qui permet de ressortir ... les enjeux, les causes profondes et les perspectives, on n'en faisait vraiment pas assez. Donc pour moi, c'était un appel à, OK, il faut peut-être travailler différemment, il faut peut-être trouver des données, il faut peut-être faire des choses beaucoup plus pointues. Au lieu de s'arrêter aux gens qui pleurent que l'on a envahi leur maison, est-ce qu'on ne peut pas voir, est-ce qu'il n'y a pas d'autres causes, est-ce qu'il n'y a pas d'autres éléments qu'on ne palpe pas ou qu'on ne voit pas à première vue, sur lesquels il faudrait s'apesantir. Donc c'était pour moi un appel à faire plus et faire différent.

  • Speaker #0

    Donc c'est ça qui te met du coup sur le chemin du journalisme d'investigation, mais comment tu fais pour ? Pour y arriver, tu ne te lèves pas, tu dis « Allez, je vais pousser plus » et tu y arrives, paf, des doigts magiques. Qu'est-ce que tu fais pour y arriver en fait ? Qu'est-ce que tu fais pour dire « Je vais apporter ma contribution pour fuyer un peu plus des sujets, pour aller plus dans les fonds et ne pas rester en surface et dans l'actualité, mais d'aller voir vraiment des causes qui sont systémiques, qui sont en train de causer ce genre de dégâts ? » Comment tu fais pour faire ce passage-là et de franchir des étapes ?

  • Speaker #1

    Alors, ça a été un long cheminement, enrichi de plusieurs expériences, de personnes ayant fait des travaux similaires dans mon entourage. Ça a été beaucoup de coaching, beaucoup de formation. Je pense que l'une des choses qui m'a beaucoup et qui continue de m'aider jusqu'à aujourd'hui, c'est de se former au quotidien. c'est une discipline nouvelle, les questions environnementales, le changement climatique, tout ça c'est nouveau. Je me rappelle quand on commençait, on disait, ok, le changement climatique c'est une question importée, ça ne se passe pas chez nous. Même la façon dont les communautés et les collègues au niveau national percevaient la question faisait qu'il fallait se former pour bien comprendre, ne pas juste dire, je veux faire différemment, tu fais comment, tu commences où, qu'est-ce qui te montre que ce que tu fais, ce que tu es en train d'apporter est vraiment différent. il fallait se former. Donc j'ai eu la chance de bénéficier de beaucoup de formations. L'une des premières formations, c'était avec Info Congo, Info Congo qui est la plateforme régionale du bassin du Congo qui traite les questions environnementales. Alors mon article que j'avais fait sur l'île de Cap Cameroun, avec peu d'outils, avec peu d'informations sur l'inondation. ça a été un des articles que j'ai utilisé comme élément pour pouvoir postuler à l'appel à candidature qui visait à former des journalistes du bassin du Congo sur l'utilisation, l'accès aux données, l'utilisation des données et des images satellitaires pour faire des travaux de fond. Quand j'ai vu l'appel à candidature, je me suis dit, ça arrive à point nommé, parce qu'avec mon article que j'avais eu à faire, j'avais reçu un coaching d'une journaliste internationale qui m'avaient un peu appris à fouiller, trouver des données. Parce que d'autres chercheurs me disaient qu'il fallait aller à la capitale politique à Yaoundé pour trouver des rapports, aller au ministère. J'avais quand même eu des bribes. C'est possible, derrière son ordinateur, de trouver des informations pour enrichir son texte. Donc, quand je vois l'appel à candidature, je me dis, ah, ça, c'est l'opportunité qu'il me fallait. Et je saute dessus, je postule et voilà, je suis retenue. Une semaine, on est formée par toute une équipe de journalistes qui venaient du Brésil, qui venaient des États-Unis, qui, eux, utilisaient déjà des outils de géojournalisme, des outils de géolocalisation. pour raconter les histoires sur le climat, pour raconter les histoires sur l'environnement. Donc, ils nous disent comment ça se passe. Ils nous montrent des plateformes où on peut trouver des données, où on peut analyser, par exemple, la superficie de forêts disparues, où on peut faire des calculs et comprendre de façon chiffrée qu'est-ce qui se passe pour ajouter à ce qu'on faisait déjà qui était des reportages de terrain où on humanise et comment est-ce qu'on humanise même ces données-là. Donc, ils nous ont formés sur la question. Et là, j'ai commencé à, on va dire, Merci. à ressentir plus d'engouement parce que je savais que les blocages que j'avais, au moins, s'il y avait des solutions quelque part. Donc là, je commence à être beaucoup plus confiante. Et je me dis, je dois continuer. À l'époque, je travaillais en radio. Je me dis, non, si je continue à faire de la radio, je vais être dans le quotidien, je vais couvrir la politique aujourd'hui, la santé demain, ce sera un peu la routine. Et je ne suis pas sûre que je pourrais me concentrer, me focaliser sur un thème et le travailler en profondeur ou bien même profiter, capitaliser de tous ces outils que j'apprends au quotidien. donc Donc, il y a eu cette formation. Il y a eu une autre formation sur les droits humains. Parce que oui, on parle de changement climatique, on parle d'environnement, on parle de journalisme, on raconte des histoires des gens. Alors, si on raconte des histoires sur l'environnement sans les connecter aux personnes, ou bien sans voir qui est redevable, qui est responsable, je pense que ça perd un peu de la pertinence. Donc, il y a eu des formations sur les droits humains, avec le Centre international des droits humains. Voilà, tout est lié. cette formation-là avec le Centre international des droits humains, Equitas, à Montréal, pendant laquelle il y avait des sessions où on rencontrait des experts qui parlaient de différentes thématiques. Et j'ai eu l'occasion de participer à une des sessions où il y avait des experts qui venaient du Brésil, et de l'Amérique latine en général, et qui nous racontaient comment l'agro-industrie a engendré des pertes énormes de forêts en Amazonie, des populations sans forêts, sans terres. à cause des grosses multinationales. Et ils nous ont dit, voilà, la prochaine frontière pour ce type de pratique, ce sera en Afrique. Et en Afrique, le deuxième poumon vers la planète, c'est le bassin du Congo. Donc, ce sera dans le bassin du Congo. Et là, ce n'est pas une formation pratique, ce n'est pas un outil, mais c'est une information qui permet d'ouvrir de nouvelles perspectives, qui permet de se rendre compte qu'il y a d'autres enjeux qu'on ne voyait pas, que rester au Cameroun, les traiter juste sur le plan national. C'était des enjeux qui avaient... une dimension au-delà du Cameroun. C'était des questions globales qui n'affectaient pas que les populations camerounaises. Donc, ça me donne une nouvelle lecture de la chose et s'enrichit aussi ce que j'ai comme capacité de travail sur la question. Après, il y a une autre formation sur l'accès aux données où j'ai pu comprendre que dans nos pays, en Afrique et en Afrique francophone en particulier, on a cette question de barrière d'accès aux données où les données ne sont pas forcément ouvertes, disponibles, ont un accès libre. Et comment est-ce qu'on compte tout ?

  • Speaker #0

    Ils ne sont pas en français.

  • Speaker #1

    Voilà, ils ne sont pas en français, ils sont publiés dans des plateformes internationales, peut-être sur le site de la Banque mondiale, sur le site des Nations Unies, un rapport que le gouvernement a transmis à telle ou telle institution internationale. Donc on nous forme sur ces questions-là et on se rend compte, mais waouh ! On se plaint trop de l'accès à l'information, des défis d'accès à l'information ici, mais il y a des possibilités, il y a des choses qu'on peut faire. Parce que nos pays ne sont pas isolés, nos pays travaillent avec d'autres pays. Et dans le cadre de ces échanges, de ces partenariats internationaux, il y a des informations qui circulent. Donc comment est-ce que nous, en tant que journalistes, on saisit cette brèche-là et on va où ces informations-là circulent et on les trouve. Et tout ça, ça s'appelle en ligne. Donc l'open data, les données ouvertes, On a vraiment été... formé sur la question et je me suis rendu compte aussi que les données ouvertes cadraient avec la même la première formation que j'ai fait avec info congo sur le géo journalisme c'était tout un courant c'était tout une nouvelle dynamique qui était en place sur le plan international où on favorise la transparence la redevabilité donc c'est vraiment tout ce volume de bagages de formation grâce aux formations grâce aux rencontres avec des personnes qui qui avait plus d'expérience que moi et qui était ouverte à me tenir la main que j'ai pu construire progressivement, commencer à écrire un article, on corrige, on me dit ajoute ça, regarde sur cette plateforme, est-ce que tu ne peux pas l'enrichir de telle manière, tel outil, je ne sais pas l'utiliser, voilà un tutoriel, voilà une formation spécialisée pour cet outil. Donc c'est vraiment tout ce capital humain, capital technique, qui m'a permis de transformer ma façon de travailler, ma façon de produire des articles journalistiques.

  • Speaker #0

    C'est super intéressant. La plupart des fois, quand je discute comme ça avec d'autres femmes, il y a la question des gens qui disent « oui, en fait, on n'aime pas trop s'entraider avec les femmes, on ne donne pas trop les informations » . Il y en a qui gardent les informations. Mais quand je t'écoute, j'entends que ton parcours a été enrichi évidemment par des formations parce que tu as été vraiment au contrôle, tu as saisi chaque opportunité, etc. Mais j'entends aussi… C'est enrichi d'expériences d'autres personnes qui t'ont tenu la main, qui t'ont coaché, qui t'ont vraiment accompagné. Moi, je voudrais dire, c'est quoi ? C'est lié au secteur du journalisme, vous êtes très généreux comme ça. C'est lié juste aux belles rencontres. C'était quoi ton secret pour que les gens t'ouvrent comme ça la porte ?

  • Speaker #1

    Alors, je ne sais pas si je vais dire, je sais exactement à quoi c'était lié. Mais je peux peut-être raconter comment les différentes rencontres et qui étaient ces personnes-là. Et peut-être que ça va nous permettre de savoir quelle était la recette magique là-dedans. Donc, l'une des premières, ce que je voulais dire aussi, c'est que tout au long de ce parcours-là, j'ai vraiment beaucoup de femmes qui m'ont tenu la main. C'est, on va dire, si on est sur un échantillon de peut-être 100, c'est peut-être 80% de femmes m'ont tenu la main et 20% d'hommes après aussi m'ont tenu la main. Donc, c'était vraiment des femmes. Ce n'était pas forcément des femmes de la même génération que moi, mais c'était des aînés. C'était des dames d'un certain nombre par deux. Une grosse expérience qui voyait comment je travaillais et me disait, ah, mais Madeleine, tu peux faire ça. Toi,

  • Speaker #0

    tu as tendu la main, en fait, déjà pour un point d'entrée. Est-ce que toi, tu étais désireuse d'avoir ça ou c'était comment ? C'était initié par toi ? Tu dis, tiens, j'ai besoin que tu m'aides ou c'était comment ?

  • Speaker #1

    Les deux, je dirais les deux. Il y a des moments, il y a des endroits où j'ai initié le pas. Il y a des moments où c'est d'autres qui m'ont fait des propositions et m'ont dit, mais pourquoi ? Ah tiens, je vois que tu fais ça. pourquoi tu ne ferais pas davantage ? Et je dis, mais je ne sais pas comment on fait davantage. La personne me dit, non, il y a telle formation, tu peux la faire. Donc, si je reviens, par exemple, à l'époque, à la radio où je travaillais, le groupe canadien international, la suite FM, c'est le premier média, on va dire, officiellement, où j'ai travaillé, après les stages académiques. Donc, là-bas, j'avais une émission, un sujet suite les 10, où on racontait les défis que rencontrent les femmes. C'était beaucoup axé sur les droits des femmes, les droits des enfants. Et je faisais beaucoup de femmes de profils différents, que ce soit dans le secteur de la médecine, du secteur des droits humains, du secteur de l'entrepreneuriat. Donc, je recevais des profils de femmes variées qui racontaient un peu leur parcours et en même temps des femmes qui subissaient des violences, qui racontaient leur violence. Donc, dans ce cadre, j'ai fait la rencontre d'une dame leader dans la région du littoral qui, elle, On faisait beaucoup d'activités ensemble. Donc, chaque fois que j'avais une émission qui était sur un thème qu'elle maîtrise, elle me disait, OK, je suis disponible, je peux venir être ton experte pendant l'émission. Donc, elle particulièrement, à force de travailler avec moi sur mes émissions, elle m'a dit, mais Madeleine, mais ce que tu fais là, c'est très bien, c'est connecté aux questions de droits humains, tu peux faire davantage. Il y a des formations sur la question. Je lui ai dit, mais grande soeur, je ne sais pas. J'aimerais bien faire des formations, mais je ne sais pas comment on fait pour les faire. J'ai même déjà demandé. Voilà, je ne sais pas. Je vois des gens faire des formations, je ne sais pas, j'avais peut-être deux années d'expérience, je venais à peine de commencer la vie professionnelle dans le sens plein du terme, j'avais à peine deux années et je ne savais pas comment on postule véritablement à une formation, qu'est-ce qu'on met comme actif. Il me dit non, il y a telle formation sur les droits humains, il me dit il y a d'autres formations aussi, je vois des aînés. Du métier, je vois des journalistes qui font des formations chaque jour. On se retrouve souvent à l'international. Mais vous, les jeunes qui faites des choses sérieuses, pourquoi vous n'êtes pas ? Je ne sais pas comment ça se passe. Il me dit, OK, je vais t'envoyer des liens. Et je lui dis, bon, il y a des aînés même. Parce qu'à l'époque, je faisais des domaines. J'ai causé avec quelques aînés. Et ce qui me marque, une chose que je n'ai pas oubliée, qui est gravée dans la mémoire, c'est qu'une fois, j'avais demandé à un aîné, j'aimerais faire des formations comme vous. Et il m'a dit, bon, vous les jeunes, vous venez à peine de commencer, vous voulez déjà des formations. Moi, j'ai 10 années d'expérience dans le métier et voilà, j'ai un peu été refroidie par cette parole. Donc, quand j'ai partagé cela avec cette dame, elle m'a dit, non, mais il y a des formations. Voilà comment on peut remplir quand tu as une formation. Tout ce que tu fais déjà comme émission, voilà comment tu peux les présenter. Et ce que tu fais, c'est déjà vraiment largement au-dessus de ce que beaucoup d'autres personnes qui se font souvent dans ces formations font. Donc, tu mérites d'être dans cet espace. pour recevoir davantage de formations. Donc, c'est comme ça qu'elle me coache. Elle me dit comment est-ce qu'on monte un dossier de candidature quand il y a une formation, comment est-ce qu'on met en valeur ce qu'on fait dans une candidature. Et voilà, ça me permet de faire des formations sur les droits humains que j'ai mentionnées. Il y a une autre aînée qui était mon enseignante au lycée, mon enseignante d'anglais, qui nous avait initiées dans les cours, dans les clubs. Le club francophonie, quand je fais la place de terminale la dernière année du secondaire, j'étais dans le club francophonie et bilinguisme, j'étais secrétaire générale. On a organisé une série d'activités, coachées par cet enseignant d'anglais-là.

  • Speaker #0

    Elle nous a tenu pour trois mois seulement et puis on l'a affecté dans un autre lycée, donc je ne l'ai plus jamais revu, je n'ai plus eu de nouvelles d'elle. Mais elle nous avait beaucoup stimulé dans la vie associative, la vie d'engagement volontaire dans la société. C'était pour moi toujours resté un marqueur. Maintenant, quand je commence le journalisme, je vais dans une couverture d'un événement sur les droits des enfants, la traite et le trafic des enfants. Je vais couvrir la... C'était une campagne nationale qu'une organisation de la cité civile avait lancée sur la traite du trafic. C'est un thème qui m'intéressait. Je suis allée pour le frire. J'ai causé avec des enfants. Ils espèrent qu'ils parlaient de la question. Et puis, tout naturellement, après avoir publié mon reportage, j'ai partagé avec des gens qui avaient organisé et d'autres personnes. Elle a reçu et m'a dit merci. Quelques mois après, elle m'envoie un mail pour me dire qu'on a une formation à Yaoundé sur tel thème, question des droits humains. Est-ce que tu es intéressée pour participer ? J'ai dit, bien sûr, je veux des formations. Donc, j'en parle à mon rédacteur en chef, qui se trouve être à l'époque une aînée aussi, mais avec qui on a fréquenté, on a fait des études académiques et en journalisme ensemble. Donc, elle aussi m'encourageait énormément. Chaque fois que je voulais faire quelque chose, je faisais un grand reportage. Elle me dit, Madeleine, vas-y, tu as tout mon soutien. Donc, elle m'a vraiment aussi beaucoup encadrée. Donc, quand je me retrouve à cette formation sur les droits humains, sur la proportion, c'est d'autres aînées qui étaient mon enseignante et que je ne savais pas, je ne savais pas que c'était mon enseignant. Quand je la revois à Yaoundé, j'entends des gens l'appeler par un nom dont je me rappelle qu'au lycée, voilà comment on l'appelait, Missis Motto. J'ai dit, mais ça peut être, c'est la même personne et je ne sais pas que c'est la même personne. Je vais donc vers elle et je lui dis, j'ai été dans tel lycée, est-ce que c'est vous telle ? Elle me dit, oui, c'est moi. J'ai dit, ah, enfin, je retrouve mon enseignante qui avait suscité une vocation de l'engagement bénévole en moi. Et là, il se trouve aussi qu'elle est très engagée sur les questions, en dehors d'être enseignante, elle est très engagée sur les questions de droits des femmes, droits des enfants, des droits humains. Donc, pendant tout le parcours où je décide aussi de dire, je veux faire des formations sur la question, elle me tient la main, elle m'encourage, elle n'hésite pas à me faire des lettres de recommandation pour que je puisse partir, faire des formations. Là, c'est vraiment trois femmes fortes qui m'ont tenu la main dans les premières heures de ma carrière. et qui m'ont donné la base de ce que je suis aujourd'hui, qui m'ont coachée, qui m'ont donné la confiance en moi, qui m'ont donné cette confiance en moi d'aller plus loin. À côté, il y a des hommes que j'ai rencontrés au niveau d'Info Congo. C'était vraiment un coaching. Là où je travaille encore actuellement, il y a mon superviseur, il y a deux superviseurs, un homme et une femme qui m'encouragent quand je prends des initiatives. Je leur dis, vas-y. Donc, pour moi, c'est vraiment cette force-là du d'avoir autour de soi des gens qui croient en nous, des gens qui voient notre potentiel, des potentiels que nous ne voyons même pas, qui peuvent être décelés, que ça, il y a un potentiel, et qui peuvent nous accompagner, nous coacher, nous dire, « Reveille ce potentiel et mets-le en valeur. »

  • Speaker #1

    Mais si je comprends bien, c'est aussi parfois le courage que tu as eu de demander de l'aide, de dire, « Je ne sais pas, en fait. Je ne sais pas comment faire. Est-ce que tu peux me montrer ? » C'est d'accepter que je ne sais pas, en fait, et que je peux demander de l'aide. Donc du coup, aujourd'hui, Madeleine, tu es éditrice Afrique pour l'User Center et tu as collaboré avec plein d'organisations, plein de médias, Info Congo, tu as dit, tu en as plein d'autres. Aujourd'hui, comment tu dis, au quotidien, c'est quoi ton travail aujourd'hui, aujourd'hui, aujourd'hui, dans ton rôle actuellement ? Qu'est-ce que tu fais concrètement ? Ok, on peut dire que c'est journalisme et d'investigation, mais je sais que c'est plus que ça. Donc, si tu peux nous dire en bref, parce que... J'ai plein de questions et je vois le temps qui court. Et j'ai envie quand même de partager tout ça parce que c'est d'une grande richesse. Donc, en quelques mots, du coup, c'est quoi vraiment ? Ça ressemble à quoi ton quotidien ?

  • Speaker #0

    Alors, mon quotidien, c'est trois principales choses. D'abord, je fais beaucoup d'évaluations des candidatures, des journalistes qui postulent. Parce qu'au niveau du Police de Saint-Anne, nous sommes une organisation qui donne des grandes, donne des subventions. de courte et de longue durée aux journalistes à travers le monde pour faire des enquêtes, des reportages sur des sujets peu médiatisés. Les journalistes diplômés,

  • Speaker #1

    journalistes certifiés ou même ceux qui font du travail équivalent, sans l'être.

  • Speaker #0

    Alors, nous, nous n'avons pas de... C'est vrai que le métier de journaliste est assez ouvert. Et ce qu'il montre de façon générale, ce n'est pas forcément toujours le diplôme. C'est la pratique. Donc, c'est la pratique journalistique. Donc, le fait que j'ai montré que j'ai publié dans tel média, j'ai publié mon article d'écriture, ce que tu as déjà publié comme article, pour nous, c'est ça qui est l'élément qui permet de vérifier ton profil de journaliste. Voilà, ce n'est pas une question de diplôme. Vous pouvez être diplômé, vous n'avez jamais écrit. Ça ne fait pas de vous un journaliste. Mais vous pouvez n'être pas diplômé, mais vous avez beaucoup écrit, vous êtes journaliste. Donc, c'est d'évaluer vraiment des journalistes qui viennent avec des sujets au quotidien. Et je suis dans l'équipe avec des collègues qui évaluent, qui regardent. Est-ce que c'est un sujet un peu médiatisé ? Est-ce que le journaliste a déjà des articles qu'il a fait dans ce sujet ou bien des articles de qualité qu'il a produit ? Est-ce qu'il a des médias qui sont prêts à le publier ? Donc, c'est vraiment ça. C'est le travail avec des journalistes pour voir comment ils le produisent. sujets avec lesquels ils viennent et si ces sujets sont dignes d'intérêt. L'autre aspect de mon travail, c'est aussi beaucoup de coaching. Au niveau du policeur, déjà, je fais beaucoup de coaching avec nos boursiers de l'équipe Rainforest Investigation Network. C'est une bourse par laquelle moi-même je suis passée. D'échanger avec des boursiers au quotidien pour voir comment est-ce qu'ils avancent dans leur projet d'enquête, quel est le sujet sur lequel ils veulent travailler, est-ce qu'ils ont des sources, comment est-ce qu'ils peuvent contourner les difficultés d'accès aux données, comment est-ce qu'ils peuvent raconter leur histoire. Est-ce qu'on peut les mettre en contact avec d'autres experts pour enrichir leur travail d'enquête ? C'est des bourses sur un an. Donc ça, c'est un travail au quotidien que je fais avec eux. Et maintenant, à travers plusieurs autres organisations aussi, on fait beaucoup de coaching, beaucoup de formation des journalistes. Je fais beaucoup de formation des journalistes sur les questions comment rédiger, comment enquêter, comment écrire une histoire environnementale, comment trouver des données, comment utiliser les données géospatiales pour enrichir le texte. Je fais beaucoup de formation, beaucoup de coaching. Et j'essaie de dénicher aussi des journalistes à travers le continent qui ont un potentiel et qui ont juste besoin de savoir comment ça marche pour pouvoir laisser éclore leur potentiel. C'est à ça que ça me va au quotidien.

  • Speaker #1

    Donc, le travail de terrain où tu étais en train de défiler, de filer les ménages qui sont en train de s'arrêtir, ça devient un travail un peu loin de toi à ce moment-là,

  • Speaker #0

    c'est ça ? C'est beaucoup plus loin de moi, mais je reste connectée à des équipes qui... Je fais plus de la coordination. Donc je vais rarement sur le terrain, mais je fais beaucoup de recherches en ligne. Je fais beaucoup d'analyses géospatiales. Dans les projets, je sais de penser comment est-ce qu'on peut orienter le sujet, comment est-ce qu'on peut le rédiger pour qu'il soit plus intéressant. Mais le terrain, dans le sens propre du terme, je le fais très peu. Mais je continue d'échanger avec des gens et de faire beaucoup de recherches pour dénicher des sujets. d'intérêt.

  • Speaker #1

    Et du coup, quand tu penses à ton travail chez Pulitna Center et ton travail d'investigation et même avant Info Congo, est-ce qu'il y a un dossier que tu as traité, un truc que tu as fait où tu t'es dit ça c'est le truc qui a eu le plus d'impact et comment ça a impacté en fait ? Parce que tu fais ce travail c'est pour changer quelque chose, c'est pour alerter et changer quelque chose. Est-ce que souvent tu t'es dit Merci. Ça a du sens ou est-ce que souvent tu te dis, en fait, il faut le faire, mais je ne vois pas de changement ? C'est quoi ton état d'esprit avec ça ? Est-ce qu'il y a des choses ?

  • Speaker #0

    Il y a beaucoup de choses impactantes, il y a beaucoup de changements que j'ai vus grâce à mon travail. Quand j'ai rejoint le Poblisat pour la première année de ma bourse, par exemple, je travaillais sur une enquête sur une agro-industrie qui venait de prendre, enfin qui était dans l'esprit d'acquérir une concession de près de 60 000 hectares de forêt. dans la partie sud du Cameroun, à côté du parc de Campoman. Alors, moi, ce travail m'a beaucoup marquée parce que c'est la façon dont ça a été fait, la façon dont le travail a été réalisé. C'était un sujet qui faisait de l'actualité. Les communautés se plaignaient, accusaient l'entreprise de ne pas avoir consulté. Les organisations de la société civile dénonçaient le fait que l'entreprise a obtenu la concession de façon irrégulière. Et il fallait prouver cela avec des éléments solides. Alors, moi, je suis allée sur le terrain. J'avais déjà fait toutes ces recherches avant. Mais j'ai pu aller sur le terrain et j'ai pu entrer dans la concession. Et à ce moment-là, l'entreprise venait de commencer à déforester pour faire cette plantation de palmiers à huile. J'ai pu entrer dans la concession avec les techniques d'enquête qu'on peut avoir. J'ai pu entrer et j'ai pu voir comment ils venaient de déforester une vaste parcelle de forêt. j'ai pu rencontrer des communautés qui me disaient comment les éléphants du parc détruisaient davantage leur culture et affectaient leur quotidien parce que la parcelle qui était un peu comme le corridor de circulation des éléphants avait été totalement déforestée, donc les éléphants étaient perdus et se retrouvaient maintenant dans les concessions des communautés. Donc pour moi, c'est un travail qui... C'était pour moi une grosse fierté parce que c'était l'une des premières fois que je... Je faisais un travail de cette envergure parce que j'ai utilisé des outils de géolocalisation. Et j'ai fait tellement de recherches qu'après, on a pu croiser les recherches que j'avais faites et le terrain que j'avais mené pour identifier effectivement que l'endroit qui venait d'être déforesté par l'entreprise était le corridor de circulation des éléphants. Donc, c'était au-delà des témoignages des communautés. C'était vraiment des faits probants. On a également pu identifier comment, à partir des images satellitaires, Comment d'une année à une autre, l'endroit avait totalement changé. Et cet article-là, ça a été une grosse ressource aussi pour beaucoup d'autres acteurs de la société civile qui l'ont cité dans les rapports, qui s'en sont appuyés pour dire « Ok, voilà exactement ce que l'entreprise est en train de faire sur le terrain. » Et après, je crois qu'on a réduit la parcelle accordée à l'entreprise. On l'a réduit presque de moitié. Et donc, au lieu des 60 000 hectares qu'elle devait recevoir, elle a reçu beaucoup moins. C'est vrai que jusqu'à aujourd'hui, le problème, c'est là où il y a quand même un pincement, c'est qu'elle a quand même obtenu la concession, elle travaille. Les communautés qui se plaignaient à l'époque et qui n'étaient pas vraiment soudées dans la plainte, aujourd'hui, elles se rendent compte que leur quotidien a totalement changé. Mais pour moi, c'était quand même une bonne contribution de montrer, avec des éléments solides, que quelque chose se passait dans cette localité-là, à ce moment-là. et d'avoir un élément complémentaire au travail que faisaient d'autres acteurs déjà dans ce moment. Donc ça, c'est un des travaux, un des articles qui m'a beaucoup inspirée, m'a montré que je pouvais faire différent quand même et plus.

  • Speaker #1

    Évidemment, si ça a pu réduire de la moitié la concession qu'on lui a accordée, c'était déjà ça. Et s'il n'avait pas eu tout ça, peut-être que ça serait même pire. Mais parfois, dans ce travail, on se sent... un peu découragée parce que les résultats ne viennent pas immédiatement, mais j'imagine que d'autres résultats, c'est peut-être la conscience qu'ils prennent dans les communautés, c'est-à-dire, si on avait parlé d'un seul homme, d'une seule voix, peut-être que ça aurait pu être différent. Et du coup, Madeleine, je vois que ça, ça a été un des éléments de fierté parce que tu as utilisé les techniques que tu as apprises et ça a eu un impact, c'est super. Est-ce que quels sont les défis que toi tu as rencontrés du coup dans ton parcours, dans ton travail, dans ces secteurs environnementaux et des journalistes, parce que c'est couplé, quels sont les défis que tu as rencontrés toi, surtout toi en tant que femme, est-ce qu'il y en a des défis que tu as rencontrés ?

  • Speaker #0

    Bien évidemment, il y a toujours des défis, si je dis qu'il n'y en a pas, je serais en train de cacher une partie de l'histoire. Non, il y a eu beaucoup de défis. Comme je disais au début, c'était les défis de formation où on n'a pas toujours l'information sur comment faire. On ne sait pas où aller. On n'a pas quelqu'un qui nous oriente. Ça, c'est un gros défi dès le départ. Maintenant, on a quelqu'un qui nous oriente et on sait comment on le fait. Parfois, il y a toujours ce rapport de force qu'on ressent. Ce n'est pas physique, c'est plus inconscient. C'est un peu comme une sorte de manipulation. Mais le fait, par exemple, d'aller sur le terrain, d'être en train de travailler sur des questions environnementales et qu'on vous dise, mais vous, vous êtes une femme et vous n'avez pas de famille, vous n'avez pas... C'est trop dangereux pour vous. Tu n'as pas des enfants et

  • Speaker #1

    Marie. Voilà.

  • Speaker #0

    C'est là. Voilà. Donc, il y a toujours... Il y a eu des moments comme ça où des gens sur le terrain... Ça peut être des sources même, des gens que vous interviewez. Vous le faites naturellement. Vous êtes venu pour intervier quelqu'un. Vous avez beaucoup de respect pour la personne. Mais en retour, vous vous rendez compte que la personne s'est... a un regard assez complexé, mitigé sur vous, parce que vous êtes une femme, vous êtes une jeune femme. Et c'est dit, mais pourquoi vous vous retrouvez ici ? C'est trop dangereux pour vous. Il y a aussi une récente enquête qu'on a faite sur l'exploitation forestière illégale au Cameroun. Et là, c'est un élément qui montre un peu le niveau de dangerosité des sujets qu'on aborde. Alors, on avait montré à travers l'enquête que le bois était transporté. Il y a également de la forêt vers le port du Cameroun, avec beaucoup de complicités en vue. Et quand l'article a été publié, ça a été repris par plusieurs autres médias. Les autorités ont pris des décisions pour renforcer le contrôle du bois à travers le territoire national. Ma collègue a organisé une émission, ma collègue du police a organisé une série d'émissions comme elle a l'habitude de le faire, des émissions interactives dans les radios à forte audience. C'était à Yaoundé, donc je suis allée dans une radio pour raconter un peu le behind the scenes, comment est-ce qu'on a fait le travail, est-ce qu'on a découvert sur le terrain. Et il y a un auditeur qui a appelé et qui a dit, quand je vous écoute, vraiment vous êtes braves, félicitations, vous dénoncez vraiment ce qui ne va pas, mais j'ai vraiment peur pour vous. J'espère qu'au sorti de l'émission, un camion cremier ne va pas vous écraser là sur la rue. Déjà, sur le coup, oui, en pleine émission radio, en l'heure de l'audience, entre 10h et 12h à Yaoundé. Donc, sur le coup, j'ai déjà rigolé. Mais après, en prenant du recul, je me suis dit, mais c'est une menace en fait. C'est une menace en direct. C'est une menace en public,

  • Speaker #1

    en direct.

  • Speaker #0

    En public. Voilà, c'est une menace. Donc, ça montre un peu à quel point, non seulement les gens estiment que voilà, pourquoi vous ? Mais en même temps, les gens sont... prêts à aller plus loin et dire si vous continuez à le faire, sachez que vous êtes en train de vous exposer de telle ou telle manière. C'est vrai qu'avant ça, il y avait déjà eu beaucoup de formations sur les questions de sécurité, mais je pense que c'est aussi l'un des gros défis de se dire qu'on travaille sur des questions sensibles. C'est le changement climatique, c'est un sujet noble, c'est une thématique noble, mais il y a beaucoup d'intérêts en jeu, il y a beaucoup de personnes qui sont responsables de ce qui se passe et quand on dénonce, ça ne fait pas forcément joli joli, ça n'arrange pas tout le monde. Donc, c'est un autre gros défi, le défi de la sécurité. Ça fait qu'en tant que journaliste qui travaille sur les questions environnementales, l'investigation environnementale, on vit un peu comme cloisonné, on vit un peu comme caché, on essaie de s'afficher un peu moins. Moi, je sais qu'il y a beaucoup de collègues parfois qui me disent, mais Madeleine, tu es toujours là. Je dis, mais je suis là. On ne te voit pas, mais ça fait aussi partie des défis. C'est que tu ne sais pas qui est là, qui veut faire quoi. Donc, on est obligé de vivre un peu avec. beaucoup plus de sécurité parce qu'on sait que ce... Oui, beaucoup plus de prudence, oui. Donc ça, c'est un autre gros défi qui est, je dirais, quand même général dans la région du bassin du Congo. La question, la thématique que nous abordons, c'est que nous dénonçons des enjeux, nous dénonçons des intérêts cachés. Il y a beaucoup d'argent qui circule et tout le monde n'est pas content de ce qui est dénoncé. Donc, pour moi, c'est le défi qui est le plus actuel actuellement.

  • Speaker #1

    Ok, mais oui, c'est un peu comme tout ce qui travaille sur les questions des droits humains, parce que les journalistes, ça va bien, tout ce qui travaille sur les questions d'observation et d'indépendance des forêts, pareil, et même menaces. Mais c'est hyper intéressant de voir ce que tu viens de dire, justement, sur le terrain, la perception quand on est femme. C'est exactement la même chose que beaucoup de femmes me disent sur ce micro, en disant, ben oui, c'est quand j'étais sur l'intérieur qu'on me regarde et me dit, alors, toi, tu es une femme. tu ne vas pas y arriver. On va très loin. C'est dangereux. Les choses comme ça, à ne pas croire que les femmes vont y arriver. Et du coup, en restant sur ça, très rapidement, est-ce qu'il y a des femmes qui t'ont inspirée ? Qu'est-ce qui t'a donné l'inspiration de te mettre sur ce chemin-là ? Est-ce que tu as pu trouver dans d'autres femmes des forces qui ont aidé un peu tes forces à toi ?

  • Speaker #0

    Alors, je dirais qu'il y a beaucoup de femmes. déjà celles qui m'ont tenu la main c'était des femmes assez courageuses qui n'avaient pas la langue dans la poche et qui étaient assez déterminées quand elles engagent quelque chose, je pense que la plupart des femmes qui m'ont coachée, qui m'ont tenu la main il y avait beaucoup de détermination et cette détermination a été contagieuse à la fin c'est que quand elle dit je vais faire ça elle s'y met, elle reste focus et tu vois comment il y a de la progression dans ce qu'elle fait, tu vois comment ... Il y a du respect qui s'installe sur son travail. Il y a également d'autres grandes femmes sur l'espace médiatique à Mournay qui sont juristes, avocates. Tu vois la poigne avec laquelle, quand elle récupère un sujet, elle s'y met à fond. Elle ne lâche pas prise. Il y a toutes ces femmes-là qui, pour moi, ont été et restent des sources d'inspiration qui font que quand je travaille, je me dis, OK, je veux rester déterminée, je veux rester courageuse. Mais je veux rester aussi prudente.

  • Speaker #1

    On commence à arriver vers la fin de notre échange. Et j'aimerais qu'on regarde un peu le futur. Quand tu regardes le journalisme et comment il évolue aujourd'hui, comment tu imagines l'avenir du journalisme environnemental en Afrique ?

  • Speaker #0

    Il y a deux ans, j'aurais été très pessimiste. J'aurais été, voilà, les gens ne s'intéressent pas et tout, tout, tout. Mais aujourd'hui, je suis beaucoup plus optimiste. Je vois beaucoup d'efforts. beaucoup d'engouement, beaucoup d'intérêt de la part des journalistes sur le continent et en Afrique francophone notamment. Il y a cette soif de faire différent que je note de plus en plus. Il y a cette prise de conscience du fait que dans d'autres parties du monde, des gens font des choses simples mais qui se révèlent être extraordinaires après. Donc comment capitaliser sur ce qu'on a l'habitude de faire ? C'est un besoin qui se fait ressentir. Il y a ce besoin de formation aussi. donc. Et je pense qu'en misant sur cette formation, mais surtout le coaching, je vois aussi beaucoup de personnes, beaucoup de confrères qui sont un peu perdus. Il y a le poids de ce reçu, de ce vécu, de cette expérience qui fait que se détacher, faire différent. Il y a beaucoup de pésanteurs en fait. Je vois beaucoup de pésanteurs. Je suis plusieurs confrères et consœurs. Et je comprends qu'avec beaucoup de formations, parce qu'il y a plein de formations sur le continent actuellement, auxquelles j'ai participé, des formations en journalisme environnemental. Il y a une récemment à laquelle j'ai participé. Après, on a fait toute une série de coachings. Et à la fin, les articles qui ont été produits, c'était d'un cran plus intéressant par rapport aux éditions antérieures. Donc, je vois une implication, je vois une envie de dépasser les limites. une envie de concurrencer ou d'aller en compétition avec des journalistes qui sont sur d'autres parties du monde. Et je me dis, ce serait important de continuer à former. Et c'est l'un des chantiers, par exemple, sur lesquels nous sommes en train de mettre toutes nos forces au niveau du Publizer Center et dans toutes les autres organisations avec lesquelles je peux interagir au quotidien. Il faut former les gens. Les gens ont besoin d'être formés. Ceux qui sont ailleurs et qui publient des articles super intéressants, ils ne sont pas nés avec une cuillère en oie, ils ne sont pas nés avec ce savoir-là. c'est parce qu'ils ont été... formés qui réussissent à faire ça. Chez nous, dans les universités, aujourd'hui, on n'enseigne pas le journalisme d'investigation. Au Cameroun, par exemple, c'est le journalisme qu'on enseigne, les nouveaux outils, le data journalisme, tu parles du data journalisme, un jeune étudiant en Cameroun, je suis sûre qu'il est perdu, il peut, il regarde sur les réseaux sociaux, il voit ce que les autres publics se disent, c'est très loin de lui, mais c'est loin de lui, pourquoi ? Parce qu'il n'est pas formé. Donc, il y a un gros besoin de formation actuellement sur le continent et je me dis, Si toutes les organisations, si toutes les personnes qui ont un peu d'expertise mutualisent leurs forces et forment davantage, forment les gens un peu comme nous quand on nous a formés à l'open data, aux données ouvertes. On était, les critères, c'est-à-dire, on va dire, il y avait quand même une tranche d'âge, déjà avant 35 ans. On avait encore l'esprit, on va dire, ouvert, on était réceptif, on pouvait découvrir. Donc, je pense qu'il y a une grosse proportion de jeunes qui sont dans les médias comme ça, sur lesquels on peut investir. Ils sont speed, ils sont smart. S'ils ont le savoir, je crois qu'ils feront des choses extraordinaires. Et pour moi, si on fait cette formation, si on continue, ça va donner des résultats super intéressants dans les années qui arrivent.

  • Speaker #1

    Et super, mais toi, dans 10 ans, Madeleine, où est-ce que tu te vois ? Tu sens le temps de faire quoi ? Tu auras accompli quoi ?

  • Speaker #0

    Oh, si j'avais 10 ans de plus. Alors, actuellement, je suis en train de voir comment me former davantage, de voir comment aller un peu plus dans la recherche. Oui, la méfiance journalistique, c'est bon. C'est déjà, on va dire, j'ai quand même acquis beaucoup de connaissances et compétences dans le domaine. J'aimerais me flirter un peu plus avec le monde académique. Essayer d'avoir ce côté théorique. Je fais des formations, mais je reconnais que, voilà, si j'ai un plus sur le côté académique, ça peut me permettre d'affiner ma méthodologie en matière de formation. Ça peut me permettre d'affiner la façon dont j'interagis aussi avec les gens que je forme au quotidien. Donc, il y a ce côté-là que j'aimerais vraiment développer. oui, si je peux enseigner dans des universités je pense qu'au bout des 10 ans j'aurai quand même de la matière encore plus grande pour pouvoir partager si il y avait une jeune femme qui t'écoute est-ce que tu aimerais qu'elle retienne de ton parcours ? je dirais la quête du savoir la quête du savoir qu'elle retienne, qu'elle aille vers qu'elle n'hésite pas à demander quand elle ne connait pas, qu'elle demande ce n'est qu'en demandant qu'on manifeste qu'on a un besoin Voilà. Et on peut avoir quelqu'un autour de nous qui peut satisfaire ce besoin et qu'on ne sait pas. Mais si on ne demande pas, celui qui est même là, qui peut nous trouver la solution, ne saura pas, il ne va pas venir lire dans notre cœur pour savoir ce dont nous avons besoin. Donc quand on est coincé, ce n'est pas une honte de dire je ne sais pas le faire, demander encore et encore. Celui qui demande en reçoit toujours. Et on n'en a pas assez de recevoir parce que c'est ce volume de bagages qu'on reçoit là qui permet qu'on soit demain chargé de bagages et qu'on puisse contribuer dans la communauté dans laquelle on se trouve. Donc pour moi, ce serait demander, demander, aller vers la quête du savoir. Il y a toujours des solutions.

  • Speaker #1

    Je ne suis pas une jeune fille, mais je retiens ça aussi et je suis complètement d'accord. Demandez et on vous donnera. C'est un principe qui marche très, très bien. Et merci, Madeleine, d'avoir répondu, d'avoir pris ton temps, en fait, pour discuter avec moi. Et je sais qu'il y a beaucoup de gens qui m'ont écoutée avec beaucoup de plaisir, comme moi j'ai eu. C'était une conversation très inspirante pour moi aussi, pour voir un peu la connexion avec tout ce qui est du monde du journalisme et tous les travails qu'on fait, parce qu'on se base sur ce que vous avez dit, ce que vous avez trouvé, pour aussi construire nos propres argumentaires et construire notre conviction pour continuer à aller de l'avant. Donc, à travers toi, on a pu voir comment les journalistes... Les journalistes transforment un tout petit peu notre environnement en Afrique et comment ils racontent l'Afrique d'une différente manière avec ses défis, ses hauts et ses bas. Merci en tout cas.

  • Speaker #0

    Merci beaucoup Mireille, ça a été un plaisir pour moi et c'est moi qui remercie pour cette opportunité. J'espère vraiment que ceux qui écouteront trouveront de la matière pour être inspirés à faire quelque chose de différent.

Description

Dans cet épisode, Mireille  reçoit Madeleine Ngeunga, journaliste d’investigation engagée sur les questions environnementales et éditrice régionale pour l’Afrique au Pulitzer Center. À travers ses enquêtes, Madeleine révèle les mutations écologiques qui affectent le bassin du Congo, là où les forêts reculent et où les communautés s’adaptent aux changements climatiques.


Madeleine partage son parcours et explique comment elle est passée de la couverture des droits humains à un journalisme centré sur l’environnement. Son déclic est survenu lors d’un reportage dans les mangroves du Cameroun : « J’avais l’impression d’être dans un autre pays… voir des maisons sur pilotis englouties par les eaux, des enfants jouant au milieu des troncs d’arbres, des femmes fumant des poissons… ça m’a permis de prendre conscience de la complexité des enjeux climatiques et environnementaux. »


Aujourd’hui, Madeleine ne se contente plus de raconter ces histoires : elle forme et accompagne une nouvelle génération de journalistes africains, pour qu’ils puissent eux aussi enquêter sur l’impact du changement climatique depuis leurs territoires et rendre visibles ces réalités souvent ignorées.

Avec cet épisode, découvrez comment le journalisme peut devenir un acte écologique et un engagement concret pour la planète, à travers le récit authentique de celles et ceux qui observent, analysent et agissent.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    bonjour à toutes bonjour à tous et bienvenue sur le podcast des terres à mon chou alors aujourd'hui je reçois madeleine guingard madeleine et journaliste d'investigation et les éditrices pour afrique pour l'afrique au centre puis les a senti et à travers ses enquêtes madeleine révèle ce qu'est la matière maudit quand les forêts reculent quand les verts avance. Galevi s'adapte silencieusement aux changements climatiques et d'autres facteurs environnementaux. Mais son engagement ne s'arrête pas là. Après avoir raconté la mutation écologique dans le bassin du Congo, elle forme et accompagne une nouvelle génération de journalistes africains qui racontent à leur tour ces réalités depuis leur propre territoire. Avec Madeleine, nous allons parler du pouvoir du journalisme comme acte écologique, comme acte d'engagement pour l'environnement, de la force de la transmission et de ce que ça signifie aujourd'hui raconter la terre pour mieux la protéger. Bonjour Madeleine.

  • Speaker #1

    Bonjour Mireille, c'est un plaisir pour moi d'être là aujourd'hui et de pouvoir partager, échanger.

  • Speaker #0

    Super, comment tu vas ce matin ?

  • Speaker #1

    Alors je vais très bien. Par la force du temps, le climat est un peu clément ces jours-ci. Donc, il y a un peu moins de pluie. La saison pluvieuse est en train de s'achever. Donc, on va un peu vers des journées un peu plus ensoleillées. Et je pense que c'est le climat qui me convient le mieux le plus souvent.

  • Speaker #0

    Ah oui, pour moi, j'adore la pluie. J'adore quand il pleut. Même si ça coupe Internet des fois, mais j'adore quand même. Bon, du coup, Madeleine, est-ce que... Est-ce que tu aimerais compléter cette présentation que j'ai faite de toi pour raconter ce qu'on ne trouve pas sur Internet ? Parce que ça, c'est ce qu'on voit sur ton lit, ta page LinkedIn et tout. Mais qui es-tu vraiment et d'où tu viens ?

  • Speaker #1

    Alors, disons que je suis une femme camerounaise qui aime rencontrer les gens et qui aime aller à la rencontre des personnes, qui aime faire des voyages, découvrir les histoires des gens. découvrir les cultures, découvrir les perceptions des uns et des autres pour mieux s'enrichir. Donc j'aime la diversité. Je suis également maman. Je pense que aller à la rencontre des gens aussi, c'est ce côté d'embrasser des gens, ce côté de se sentir proche des gens. Je suis également maman d'une petite fille et épouse. Et je suis journaliste, donc je suis femme engagée sur les questions environnementales et j'utilise l'écriture pour raconter un peu tous ces changements qui s'opèrent sur notre planète et qui affectent les personnes que je rencontre au quotidien et qui m'affectent aussi. Donc, je dirais que c'est ça ma clé.

  • Speaker #0

    C'est intéressant. Quand tu étais en train de te présenter, je me disais, mais en fait, je me suis trompée. On dirait qu'elle est anthropologue. Elle aime aller à la rencontre des gens. Mais en fait, tu vois que c'est un lien commun avec le journalisme aussi. on le fait parce qu'on aimait trop contact avec les gens,

  • Speaker #1

    j'imagine. Effectivement. Je pense que l'une des choses qui nous enrichit beaucoup dans le journalisme, c'est qu'on va, on cause avec des gens. Par exemple, il y a une question de changement climatique ou bien une question d'inondation. On va dans les communautés, on voit comment elles sont affectées par ces inondations, on voit leur mode de vie, on voit ce qui change. Chaque fois, c'est des nouvelles personnes qu'on rencontre et ce côté découverte de qui est l'autre est vraiment étroitement lié. de mon point de vue au métier de journaliste, parce qu'on n'écrit pas pour nous d'abord, on écrit pour le public. On ne parle pas de nous, on parle du public. Donc, c'est toujours un moment de partage, c'est toujours de savoir comment les autres vivent, savoir comment ils font pour surmonter certains défis. Donc, pour moi, c'est la rencontre. Pour moi, c'est le meilleur côté du journalisme, c'est ça. C'est aller à la rencontre des gens, raconter leurs histoires au quotidien.

  • Speaker #0

    Alors, on va parler de tout ça, de ton travail, mais avant, on va faire un petit pas en arrière. Donc, d'où viens-tu du Cameroun et j'aimerais savoir si ton nom Nguenga veut dire quelque chose.

  • Speaker #1

    Ah, ça, c'est souvent la question qui m'embarrasse quelques fois parce que, voilà, je viens de la partie ouest du Cameroun, dans le département du Hongkam. Alors, j'ai souvent demandé, voilà, mon nom c'est Nguenga. littéralement ça peut vouloir dire celle qui dit non mais je ne suis pas sûre parce que j'ai souvent demandé ça veut dire quoi NGUNGA des parents m'ont parfois expliqué que non c'est une sorte je sais pas si c'est une sorte de racine ou quoi que ce soit mais jusqu'ici je n'ai pas trouvé une explication claire de ce que veut dire NGUNGA mais si je prends de façon littérale NG ça veut dire un peu parler parler et NGA c'est non donc moi je transforme ça voilà dire non c'est peut-être peut-être celle qui dit non. Mais ça, c'est mon explication. Il faut encore entrer dans les termes anthropologiques et rencontrer d'autres personnes pour savoir s'il y a une autre signification que je ne connais pas.

  • Speaker #0

    Je pose toujours cette question parce que je sais énormément qu'en Afrique, les noms, ils ont des sens. Ou alors, si ce n'est pas les noms qui ont des sens, mais... Il y a une raison pour laquelle on donne un nom et pas un autre à un enfant. Ce n'est pas juste on tire dans un catalogue. Est-ce que toi, tu sais pourquoi on t'a donné ce nom ? D'où il vient ? Est-ce que tu l'as hérité de tes grands-parents ? Est-ce que c'est toi la première à le porter ?

  • Speaker #1

    Ok, de ce point de vue-là, oui, je connais quand même l'histoire du nom. Donc, on m'a donné le nom de la petite sœur à mon papa. Mais ce n'est pas elle qui commence avec ce nom. C'est le nom d'une de nos grands-mères du côté de mon papa. dans une des grammaires paternelle qui était un peu comme à la base du fondement d'une génération de notre famille. Donc, c'est un nom qui remonte à au moins trois, quatre générations. Et c'était une femme de la famille. Et ma tante, quand je suis née, mon papa a dit, ok, je vais lui donner le même nom. Donc, moi actuellement, par exemple, Madeleine Gunga, il y a une tante qui est la soeur de mon papa, qui a le même nom intégralement. La seule différence, c'est l'écriture. Donc, on m'a donné le prénom et le nom. Donc, je me rappelle, quand on était tout petits, elle m'appelait moi-même. Donc, il faut dire, ok, nous sommes la même personne, je dirais. Mais c'est un nom qui...

  • Speaker #0

    À l'état civil, ça doit être problématique, en fait.

  • Speaker #1

    Oh oui, oui, ça doit être problématique. Mais bon, je n'ai jamais rencontré de problème lié à cela parce qu'elle n'est pas déjà dans la même ville que moi. Elle est d'une génération bien plus dense que ma maman, carrément. Donc, il n'y a jamais eu ce problème. Et le nom ne s'écrit pas exactement. de la même manière parce qu'il se dit que le nom a été mal écrit à l'état civil. Même commentaire qui revient parfois sur comment est-ce que le nom a été vraiment écrit. Donc, il y a ce souci-là qui s'est posé sur mon nom. Donc, ça fait qu'il y a peu de chances qu'il y ait des confusions sur la vie des personnes.

  • Speaker #0

    On va aller comprendre un petit peu plus ton parcours et comment tu en es arrivé là. Alors, je sais que ton déclic, il s'est joué au Cameroun, dans les mangroves là-bas, quand tu as vu les maisons qui étaient englouties. Tu étais allée faire ce reportage qui a tout changé pour toi. Qu'est-ce que tu as vu à ce moment-là et qu'est-ce que tu as ressenti ? Qu'est-ce que ça a changé pour toi d'avoir fait ce reportage au fait finalement ?

  • Speaker #1

    Alors, c'est un peu nostalgique là parce que ça fait pratiquement dix ans. Et c'était à cette période-ci, donc au mois de novembre par là, de l'année 2015. Donc, le fait qu'on se rende compte de faire cette émission en 2025, c'est quand même assez. Et que cette question revienne, je dirais que ça fait... Ça fait quand même assez nostalgique et ça me replonge dans ce moment-là. Alors, c'était à Cap Cameroun. Cap Cameroun, c'est là où est installée une des antennes, des plus vieilles antennes de localisation et de télécommunication du Cameroun. Et c'est presque dans la mer. Et j'y étais allée pour voir comment est-ce que le changement climatique affectait les communautés dans cette partie du Cameroun, dont le sujet me tombait dessus la veille de la COP, pour en faire des réglés, des réglés. Les appels à candidatures pour les sujets peuvent médiatiser les sujets sur le changement climatique. Donc, je tombe sur le sujet. Je veux partir plutôt à Manuka. C'est toujours une des îles au Cameroun, dans la partie littorale du Cameroun. C'est une des îles. Mais il se trouve que les autorités ont une descente plutôt à Cap-Cameroun, parce que c'est la période où il pleuvait encore énormément dans la ville. Donc, je suis allée en embarcation avec les autorités. Et quand nous y sommes arrivés, vraiment, j'avais l'impression d'être... dans un autre pays je ne sais pas en fait voir des maisons surpilotées englouties par les eaux pour moi je ne me retrouvais pas je savais pas je me disais mais c'est comme un no man's land parce que il y avait des tout petits enfants avec des lianes des branches de mangroves qu'ils ont tissé qu'ils ont mis sur la tête qui sont en train de jouer là en bordure on va dire en bordure de l'eau l'eau est envahie une bonne parcelle des maisons sur pilotis dans lesquelles vivait des enfants qui étaient là qui jouait pour eux c'était rien c'était leur quotidien c'était là où ils avaient l'habitude de jouer donc cette image de ces enfants qui étaient dans cet environnement qui n'avait plus de maison qui leur maison était en gloucée par exemple mais eux ils ne réalisaient pas que voilà c'est un problème parce qu'ils étaient dans leur âme d'enfant ils allaient vers les il y avait des troncs d'arbres des troncs d'arbres ils vont dire totalement séchés donc tu voyais que Cet endroit, c'était la terre ferme avant. Et l'eau est venue ravager tout. Et on voyait juste comment l'eau a été... On voyait encore des traces d'eau, mais on voyait l'arbre qui est presque dans l'eau. Et on voyait des débris de bois cassés, parce que l'eau avait détruit ses maisons sur Pélotie. Donc, on avait des débris partout. C'était comme un chantier, mais un chantier des maisons sur Pélotie. Et on voyait très bien que... C'est l'eau qui envahit la zone. Il y a des mamans, des femmes qui font dans le fumage de poissons qu'on appelle chez nous les mifagas. C'est l'exemple de crevettes. Elles font dans le fumage de ce type de poissons. Elles étaient là, elles racontaient le désastre, comment les pluies sont arrivées, ça a inondé tout. Elles ne savent pas comment elles vont sécher. On est allé visiter la petite école qui était à côté. L'école aussi qui était un peu à matériaux provisoires, mais il y avait toujours des... Comme c'est une île, ils avaient mis des piquets là pour surmonter un peu. Et l'eau était totalement dans la cour de l'école. Donc, ces jours-là, les enfants n'ont pas pu aller à l'école. On a vu des troncs d'arbres, de bois de mangrove, des rondelles là qu'ils avaient coupées. Et il y avait aussi des petites rondelles qui étaient plus minces, plus fines, donc des jeunes branches, des jeunes arbustes qui avaient aussi taillé. Et les populations nous ont raconté, moi c'est ce qui m'a le plus marquée, ils m'ont pointé du doigt l'antenne qui, d'après leur témoignage, se trouvait quelques années avant au centre du village, donc au milieu du village. Et l'antenne aujourd'hui, on devait juste la pointer du doigt, elle se trouvait déjà dans la mer. Donc plusieurs centimètres de terre avaient été engloutis par les eaux, dont la superficie de l'île se réduisait au fur et à mesure, et les populations ne savaient pas où elles devaient aller. Donc pour moi, c'est la première fois. de voir à quel point le changement climatique, les inondations, la coupe abusive d'arbres qui retiennent les zones côtières pouvaient affecter les communautés. Parce que je n'entendais pas aller, je me disais que ça ne se passe peut-être pas au Cameroun, mais là je vivais en direct et je voyais les dégâts, c'était encore tout frais en fait. C'était quand même assez traumatisant pour moi parce que je ne m'attendais pas à voir cela. Je m'attendais à voir des gens qui vont me dire le changement climatique, voilà comment ça nous affecte. Mais le vivre en direct et avoir des témoignages qui disent qu'aujourd'hui, les gens coupent des jeunes pousses de mangroves, des jeunes arbustes de mangroves, et ils devraient couper plutôt les rondelles qui sont déjà en maturité. Comme disent l'antenne, elle était au milieu du village. Aujourd'hui, elle est engloutie par les eaux. Je vois des enfants qui sont là, tout innocents, qui jouent en bordure de mer, à côté des troncs d'arbres, où il y a des tissus entachés. C'était assez émouvant et j'ai pu raconter une histoire sur cela.

  • Speaker #0

    Est-ce que ça, ça a été du coup le moment déclencheur qui t'a poussé dans les organismes d'investigation sur les questions de l'impact des changements climatiques ou des dégâts environnementaux ? Ou est-ce que déjà tu étais déjà dans le sujet en train de faire ce travail-là ?

  • Speaker #1

    Je dirais que j'étais déjà dans le sujet des droits humains. J'étais déjà passionnée par tout ce qui concerne... Voilà, on avait beaucoup découvert les déguerpissements, par exemple, dans la ville de Douala, où chaque fois on disait que les populations sont installées dans les zones à risque, l'État est venu pour les déguerpir dans l'arrondissement de Douala 4e, par exemple, à Mabanda, où on a des gens qu'on a eu à casser, dans des zones comme Abipanda, où on a fait des descentes sur le terrain. On a vu comment pendant les saisons de pluie, l'eau envahissait un peu les maisons. Mais je crois que c'était, pour moi, je me disais, c'est plus gouvernance, c'est plus l'État qui n'anticipe pas et qui n'enlève pas, ne délocalise pas ces populations rapidement. Donc, je ne faisais pas forcément très rapidement le lien avec le climat. Je savais, OK, ces gens sont venus s'installer, ce sont des zones ariques, ce sont des zones marécageuses. Et du jour au lendemain, on vient les casser, ils n'ont pas de titre foncier, ils n'ont pas ça. J'ai beaucoup couvert ce type de sujet. METTE À ce moment, je ne faisais pas vraiment le lien environnemental. Je savais qu'ils sont sur les drains, mais bon, c'est pas... Mais quand je suis allée sur les deux Manukas, je crois que j'ai pris plus conscience de la complexité de la thématique, du fait qu'il y a beaucoup de forces en présence, du fait qu'il y a les aspects climatiques, du fait qu'il y a la responsabilité même des populations qui déforestent, et le fait aussi que c'est aussi des décisions de gouvernance, d'anticipation. Donc, j'ai pu voir un peu que c'était un... problème. Ce n'était pas un sujet de voilà, c'est arrivé, on a couvert et puis ça va. Mais c'était un sujet qu'il fallait creuser à profondeur pour comprendre les causes profondes de la situation. Donc, je crois que ça a été quand même un gros déclic parce que grâce à ce premier reportage vraiment qui m'a permis de prendre conscience des enjeux de changement climatique, j'ai reçu beaucoup d'autres coachings qui m'ont permis de voir qu'il y a des chercheurs qui avaient déjà analysé, par exemple, la superficie de terre. qui a disparu, qui a été engloutie par les eaux sur l'île de Manuka, ce que je ne savais pas. Il y a des géographes qui avaient fait des travaux sur la question. Donc, j'ai vu que c'était toute une nouvelle discipline sur laquelle beaucoup de personnes travaillaient et travaillaient de façon pointue. Et pour moi, savoir qu'il y avait déjà cette ressource-là, cette possibilité-là, je me suis dit « Ah, mais on n'en parle pas de cette manière dans nos médias. On ne traite pas forcément ces sujets de cette manière. On les traite comme « Ok, il y a une autre inondation, on en parle. Et puis, la saison d'après, on en parle. » Mais un travail de fond qui permet de ressortir ... les enjeux, les causes profondes et les perspectives, on n'en faisait vraiment pas assez. Donc pour moi, c'était un appel à, OK, il faut peut-être travailler différemment, il faut peut-être trouver des données, il faut peut-être faire des choses beaucoup plus pointues. Au lieu de s'arrêter aux gens qui pleurent que l'on a envahi leur maison, est-ce qu'on ne peut pas voir, est-ce qu'il n'y a pas d'autres causes, est-ce qu'il n'y a pas d'autres éléments qu'on ne palpe pas ou qu'on ne voit pas à première vue, sur lesquels il faudrait s'apesantir. Donc c'était pour moi un appel à faire plus et faire différent.

  • Speaker #0

    Donc c'est ça qui te met du coup sur le chemin du journalisme d'investigation, mais comment tu fais pour ? Pour y arriver, tu ne te lèves pas, tu dis « Allez, je vais pousser plus » et tu y arrives, paf, des doigts magiques. Qu'est-ce que tu fais pour y arriver en fait ? Qu'est-ce que tu fais pour dire « Je vais apporter ma contribution pour fuyer un peu plus des sujets, pour aller plus dans les fonds et ne pas rester en surface et dans l'actualité, mais d'aller voir vraiment des causes qui sont systémiques, qui sont en train de causer ce genre de dégâts ? » Comment tu fais pour faire ce passage-là et de franchir des étapes ?

  • Speaker #1

    Alors, ça a été un long cheminement, enrichi de plusieurs expériences, de personnes ayant fait des travaux similaires dans mon entourage. Ça a été beaucoup de coaching, beaucoup de formation. Je pense que l'une des choses qui m'a beaucoup et qui continue de m'aider jusqu'à aujourd'hui, c'est de se former au quotidien. c'est une discipline nouvelle, les questions environnementales, le changement climatique, tout ça c'est nouveau. Je me rappelle quand on commençait, on disait, ok, le changement climatique c'est une question importée, ça ne se passe pas chez nous. Même la façon dont les communautés et les collègues au niveau national percevaient la question faisait qu'il fallait se former pour bien comprendre, ne pas juste dire, je veux faire différemment, tu fais comment, tu commences où, qu'est-ce qui te montre que ce que tu fais, ce que tu es en train d'apporter est vraiment différent. il fallait se former. Donc j'ai eu la chance de bénéficier de beaucoup de formations. L'une des premières formations, c'était avec Info Congo, Info Congo qui est la plateforme régionale du bassin du Congo qui traite les questions environnementales. Alors mon article que j'avais fait sur l'île de Cap Cameroun, avec peu d'outils, avec peu d'informations sur l'inondation. ça a été un des articles que j'ai utilisé comme élément pour pouvoir postuler à l'appel à candidature qui visait à former des journalistes du bassin du Congo sur l'utilisation, l'accès aux données, l'utilisation des données et des images satellitaires pour faire des travaux de fond. Quand j'ai vu l'appel à candidature, je me suis dit, ça arrive à point nommé, parce qu'avec mon article que j'avais eu à faire, j'avais reçu un coaching d'une journaliste internationale qui m'avaient un peu appris à fouiller, trouver des données. Parce que d'autres chercheurs me disaient qu'il fallait aller à la capitale politique à Yaoundé pour trouver des rapports, aller au ministère. J'avais quand même eu des bribes. C'est possible, derrière son ordinateur, de trouver des informations pour enrichir son texte. Donc, quand je vois l'appel à candidature, je me dis, ah, ça, c'est l'opportunité qu'il me fallait. Et je saute dessus, je postule et voilà, je suis retenue. Une semaine, on est formée par toute une équipe de journalistes qui venaient du Brésil, qui venaient des États-Unis, qui, eux, utilisaient déjà des outils de géojournalisme, des outils de géolocalisation. pour raconter les histoires sur le climat, pour raconter les histoires sur l'environnement. Donc, ils nous disent comment ça se passe. Ils nous montrent des plateformes où on peut trouver des données, où on peut analyser, par exemple, la superficie de forêts disparues, où on peut faire des calculs et comprendre de façon chiffrée qu'est-ce qui se passe pour ajouter à ce qu'on faisait déjà qui était des reportages de terrain où on humanise et comment est-ce qu'on humanise même ces données-là. Donc, ils nous ont formés sur la question. Et là, j'ai commencé à, on va dire, Merci. à ressentir plus d'engouement parce que je savais que les blocages que j'avais, au moins, s'il y avait des solutions quelque part. Donc là, je commence à être beaucoup plus confiante. Et je me dis, je dois continuer. À l'époque, je travaillais en radio. Je me dis, non, si je continue à faire de la radio, je vais être dans le quotidien, je vais couvrir la politique aujourd'hui, la santé demain, ce sera un peu la routine. Et je ne suis pas sûre que je pourrais me concentrer, me focaliser sur un thème et le travailler en profondeur ou bien même profiter, capitaliser de tous ces outils que j'apprends au quotidien. donc Donc, il y a eu cette formation. Il y a eu une autre formation sur les droits humains. Parce que oui, on parle de changement climatique, on parle d'environnement, on parle de journalisme, on raconte des histoires des gens. Alors, si on raconte des histoires sur l'environnement sans les connecter aux personnes, ou bien sans voir qui est redevable, qui est responsable, je pense que ça perd un peu de la pertinence. Donc, il y a eu des formations sur les droits humains, avec le Centre international des droits humains. Voilà, tout est lié. cette formation-là avec le Centre international des droits humains, Equitas, à Montréal, pendant laquelle il y avait des sessions où on rencontrait des experts qui parlaient de différentes thématiques. Et j'ai eu l'occasion de participer à une des sessions où il y avait des experts qui venaient du Brésil, et de l'Amérique latine en général, et qui nous racontaient comment l'agro-industrie a engendré des pertes énormes de forêts en Amazonie, des populations sans forêts, sans terres. à cause des grosses multinationales. Et ils nous ont dit, voilà, la prochaine frontière pour ce type de pratique, ce sera en Afrique. Et en Afrique, le deuxième poumon vers la planète, c'est le bassin du Congo. Donc, ce sera dans le bassin du Congo. Et là, ce n'est pas une formation pratique, ce n'est pas un outil, mais c'est une information qui permet d'ouvrir de nouvelles perspectives, qui permet de se rendre compte qu'il y a d'autres enjeux qu'on ne voyait pas, que rester au Cameroun, les traiter juste sur le plan national. C'était des enjeux qui avaient... une dimension au-delà du Cameroun. C'était des questions globales qui n'affectaient pas que les populations camerounaises. Donc, ça me donne une nouvelle lecture de la chose et s'enrichit aussi ce que j'ai comme capacité de travail sur la question. Après, il y a une autre formation sur l'accès aux données où j'ai pu comprendre que dans nos pays, en Afrique et en Afrique francophone en particulier, on a cette question de barrière d'accès aux données où les données ne sont pas forcément ouvertes, disponibles, ont un accès libre. Et comment est-ce qu'on compte tout ?

  • Speaker #0

    Ils ne sont pas en français.

  • Speaker #1

    Voilà, ils ne sont pas en français, ils sont publiés dans des plateformes internationales, peut-être sur le site de la Banque mondiale, sur le site des Nations Unies, un rapport que le gouvernement a transmis à telle ou telle institution internationale. Donc on nous forme sur ces questions-là et on se rend compte, mais waouh ! On se plaint trop de l'accès à l'information, des défis d'accès à l'information ici, mais il y a des possibilités, il y a des choses qu'on peut faire. Parce que nos pays ne sont pas isolés, nos pays travaillent avec d'autres pays. Et dans le cadre de ces échanges, de ces partenariats internationaux, il y a des informations qui circulent. Donc comment est-ce que nous, en tant que journalistes, on saisit cette brèche-là et on va où ces informations-là circulent et on les trouve. Et tout ça, ça s'appelle en ligne. Donc l'open data, les données ouvertes, On a vraiment été... formé sur la question et je me suis rendu compte aussi que les données ouvertes cadraient avec la même la première formation que j'ai fait avec info congo sur le géo journalisme c'était tout un courant c'était tout une nouvelle dynamique qui était en place sur le plan international où on favorise la transparence la redevabilité donc c'est vraiment tout ce volume de bagages de formation grâce aux formations grâce aux rencontres avec des personnes qui qui avait plus d'expérience que moi et qui était ouverte à me tenir la main que j'ai pu construire progressivement, commencer à écrire un article, on corrige, on me dit ajoute ça, regarde sur cette plateforme, est-ce que tu ne peux pas l'enrichir de telle manière, tel outil, je ne sais pas l'utiliser, voilà un tutoriel, voilà une formation spécialisée pour cet outil. Donc c'est vraiment tout ce capital humain, capital technique, qui m'a permis de transformer ma façon de travailler, ma façon de produire des articles journalistiques.

  • Speaker #0

    C'est super intéressant. La plupart des fois, quand je discute comme ça avec d'autres femmes, il y a la question des gens qui disent « oui, en fait, on n'aime pas trop s'entraider avec les femmes, on ne donne pas trop les informations » . Il y en a qui gardent les informations. Mais quand je t'écoute, j'entends que ton parcours a été enrichi évidemment par des formations parce que tu as été vraiment au contrôle, tu as saisi chaque opportunité, etc. Mais j'entends aussi… C'est enrichi d'expériences d'autres personnes qui t'ont tenu la main, qui t'ont coaché, qui t'ont vraiment accompagné. Moi, je voudrais dire, c'est quoi ? C'est lié au secteur du journalisme, vous êtes très généreux comme ça. C'est lié juste aux belles rencontres. C'était quoi ton secret pour que les gens t'ouvrent comme ça la porte ?

  • Speaker #1

    Alors, je ne sais pas si je vais dire, je sais exactement à quoi c'était lié. Mais je peux peut-être raconter comment les différentes rencontres et qui étaient ces personnes-là. Et peut-être que ça va nous permettre de savoir quelle était la recette magique là-dedans. Donc, l'une des premières, ce que je voulais dire aussi, c'est que tout au long de ce parcours-là, j'ai vraiment beaucoup de femmes qui m'ont tenu la main. C'est, on va dire, si on est sur un échantillon de peut-être 100, c'est peut-être 80% de femmes m'ont tenu la main et 20% d'hommes après aussi m'ont tenu la main. Donc, c'était vraiment des femmes. Ce n'était pas forcément des femmes de la même génération que moi, mais c'était des aînés. C'était des dames d'un certain nombre par deux. Une grosse expérience qui voyait comment je travaillais et me disait, ah, mais Madeleine, tu peux faire ça. Toi,

  • Speaker #0

    tu as tendu la main, en fait, déjà pour un point d'entrée. Est-ce que toi, tu étais désireuse d'avoir ça ou c'était comment ? C'était initié par toi ? Tu dis, tiens, j'ai besoin que tu m'aides ou c'était comment ?

  • Speaker #1

    Les deux, je dirais les deux. Il y a des moments, il y a des endroits où j'ai initié le pas. Il y a des moments où c'est d'autres qui m'ont fait des propositions et m'ont dit, mais pourquoi ? Ah tiens, je vois que tu fais ça. pourquoi tu ne ferais pas davantage ? Et je dis, mais je ne sais pas comment on fait davantage. La personne me dit, non, il y a telle formation, tu peux la faire. Donc, si je reviens, par exemple, à l'époque, à la radio où je travaillais, le groupe canadien international, la suite FM, c'est le premier média, on va dire, officiellement, où j'ai travaillé, après les stages académiques. Donc, là-bas, j'avais une émission, un sujet suite les 10, où on racontait les défis que rencontrent les femmes. C'était beaucoup axé sur les droits des femmes, les droits des enfants. Et je faisais beaucoup de femmes de profils différents, que ce soit dans le secteur de la médecine, du secteur des droits humains, du secteur de l'entrepreneuriat. Donc, je recevais des profils de femmes variées qui racontaient un peu leur parcours et en même temps des femmes qui subissaient des violences, qui racontaient leur violence. Donc, dans ce cadre, j'ai fait la rencontre d'une dame leader dans la région du littoral qui, elle, On faisait beaucoup d'activités ensemble. Donc, chaque fois que j'avais une émission qui était sur un thème qu'elle maîtrise, elle me disait, OK, je suis disponible, je peux venir être ton experte pendant l'émission. Donc, elle particulièrement, à force de travailler avec moi sur mes émissions, elle m'a dit, mais Madeleine, mais ce que tu fais là, c'est très bien, c'est connecté aux questions de droits humains, tu peux faire davantage. Il y a des formations sur la question. Je lui ai dit, mais grande soeur, je ne sais pas. J'aimerais bien faire des formations, mais je ne sais pas comment on fait pour les faire. J'ai même déjà demandé. Voilà, je ne sais pas. Je vois des gens faire des formations, je ne sais pas, j'avais peut-être deux années d'expérience, je venais à peine de commencer la vie professionnelle dans le sens plein du terme, j'avais à peine deux années et je ne savais pas comment on postule véritablement à une formation, qu'est-ce qu'on met comme actif. Il me dit non, il y a telle formation sur les droits humains, il me dit il y a d'autres formations aussi, je vois des aînés. Du métier, je vois des journalistes qui font des formations chaque jour. On se retrouve souvent à l'international. Mais vous, les jeunes qui faites des choses sérieuses, pourquoi vous n'êtes pas ? Je ne sais pas comment ça se passe. Il me dit, OK, je vais t'envoyer des liens. Et je lui dis, bon, il y a des aînés même. Parce qu'à l'époque, je faisais des domaines. J'ai causé avec quelques aînés. Et ce qui me marque, une chose que je n'ai pas oubliée, qui est gravée dans la mémoire, c'est qu'une fois, j'avais demandé à un aîné, j'aimerais faire des formations comme vous. Et il m'a dit, bon, vous les jeunes, vous venez à peine de commencer, vous voulez déjà des formations. Moi, j'ai 10 années d'expérience dans le métier et voilà, j'ai un peu été refroidie par cette parole. Donc, quand j'ai partagé cela avec cette dame, elle m'a dit, non, mais il y a des formations. Voilà comment on peut remplir quand tu as une formation. Tout ce que tu fais déjà comme émission, voilà comment tu peux les présenter. Et ce que tu fais, c'est déjà vraiment largement au-dessus de ce que beaucoup d'autres personnes qui se font souvent dans ces formations font. Donc, tu mérites d'être dans cet espace. pour recevoir davantage de formations. Donc, c'est comme ça qu'elle me coache. Elle me dit comment est-ce qu'on monte un dossier de candidature quand il y a une formation, comment est-ce qu'on met en valeur ce qu'on fait dans une candidature. Et voilà, ça me permet de faire des formations sur les droits humains que j'ai mentionnées. Il y a une autre aînée qui était mon enseignante au lycée, mon enseignante d'anglais, qui nous avait initiées dans les cours, dans les clubs. Le club francophonie, quand je fais la place de terminale la dernière année du secondaire, j'étais dans le club francophonie et bilinguisme, j'étais secrétaire générale. On a organisé une série d'activités, coachées par cet enseignant d'anglais-là.

  • Speaker #0

    Elle nous a tenu pour trois mois seulement et puis on l'a affecté dans un autre lycée, donc je ne l'ai plus jamais revu, je n'ai plus eu de nouvelles d'elle. Mais elle nous avait beaucoup stimulé dans la vie associative, la vie d'engagement volontaire dans la société. C'était pour moi toujours resté un marqueur. Maintenant, quand je commence le journalisme, je vais dans une couverture d'un événement sur les droits des enfants, la traite et le trafic des enfants. Je vais couvrir la... C'était une campagne nationale qu'une organisation de la cité civile avait lancée sur la traite du trafic. C'est un thème qui m'intéressait. Je suis allée pour le frire. J'ai causé avec des enfants. Ils espèrent qu'ils parlaient de la question. Et puis, tout naturellement, après avoir publié mon reportage, j'ai partagé avec des gens qui avaient organisé et d'autres personnes. Elle a reçu et m'a dit merci. Quelques mois après, elle m'envoie un mail pour me dire qu'on a une formation à Yaoundé sur tel thème, question des droits humains. Est-ce que tu es intéressée pour participer ? J'ai dit, bien sûr, je veux des formations. Donc, j'en parle à mon rédacteur en chef, qui se trouve être à l'époque une aînée aussi, mais avec qui on a fréquenté, on a fait des études académiques et en journalisme ensemble. Donc, elle aussi m'encourageait énormément. Chaque fois que je voulais faire quelque chose, je faisais un grand reportage. Elle me dit, Madeleine, vas-y, tu as tout mon soutien. Donc, elle m'a vraiment aussi beaucoup encadrée. Donc, quand je me retrouve à cette formation sur les droits humains, sur la proportion, c'est d'autres aînées qui étaient mon enseignante et que je ne savais pas, je ne savais pas que c'était mon enseignant. Quand je la revois à Yaoundé, j'entends des gens l'appeler par un nom dont je me rappelle qu'au lycée, voilà comment on l'appelait, Missis Motto. J'ai dit, mais ça peut être, c'est la même personne et je ne sais pas que c'est la même personne. Je vais donc vers elle et je lui dis, j'ai été dans tel lycée, est-ce que c'est vous telle ? Elle me dit, oui, c'est moi. J'ai dit, ah, enfin, je retrouve mon enseignante qui avait suscité une vocation de l'engagement bénévole en moi. Et là, il se trouve aussi qu'elle est très engagée sur les questions, en dehors d'être enseignante, elle est très engagée sur les questions de droits des femmes, droits des enfants, des droits humains. Donc, pendant tout le parcours où je décide aussi de dire, je veux faire des formations sur la question, elle me tient la main, elle m'encourage, elle n'hésite pas à me faire des lettres de recommandation pour que je puisse partir, faire des formations. Là, c'est vraiment trois femmes fortes qui m'ont tenu la main dans les premières heures de ma carrière. et qui m'ont donné la base de ce que je suis aujourd'hui, qui m'ont coachée, qui m'ont donné la confiance en moi, qui m'ont donné cette confiance en moi d'aller plus loin. À côté, il y a des hommes que j'ai rencontrés au niveau d'Info Congo. C'était vraiment un coaching. Là où je travaille encore actuellement, il y a mon superviseur, il y a deux superviseurs, un homme et une femme qui m'encouragent quand je prends des initiatives. Je leur dis, vas-y. Donc, pour moi, c'est vraiment cette force-là du d'avoir autour de soi des gens qui croient en nous, des gens qui voient notre potentiel, des potentiels que nous ne voyons même pas, qui peuvent être décelés, que ça, il y a un potentiel, et qui peuvent nous accompagner, nous coacher, nous dire, « Reveille ce potentiel et mets-le en valeur. »

  • Speaker #1

    Mais si je comprends bien, c'est aussi parfois le courage que tu as eu de demander de l'aide, de dire, « Je ne sais pas, en fait. Je ne sais pas comment faire. Est-ce que tu peux me montrer ? » C'est d'accepter que je ne sais pas, en fait, et que je peux demander de l'aide. Donc du coup, aujourd'hui, Madeleine, tu es éditrice Afrique pour l'User Center et tu as collaboré avec plein d'organisations, plein de médias, Info Congo, tu as dit, tu en as plein d'autres. Aujourd'hui, comment tu dis, au quotidien, c'est quoi ton travail aujourd'hui, aujourd'hui, aujourd'hui, dans ton rôle actuellement ? Qu'est-ce que tu fais concrètement ? Ok, on peut dire que c'est journalisme et d'investigation, mais je sais que c'est plus que ça. Donc, si tu peux nous dire en bref, parce que... J'ai plein de questions et je vois le temps qui court. Et j'ai envie quand même de partager tout ça parce que c'est d'une grande richesse. Donc, en quelques mots, du coup, c'est quoi vraiment ? Ça ressemble à quoi ton quotidien ?

  • Speaker #0

    Alors, mon quotidien, c'est trois principales choses. D'abord, je fais beaucoup d'évaluations des candidatures, des journalistes qui postulent. Parce qu'au niveau du Police de Saint-Anne, nous sommes une organisation qui donne des grandes, donne des subventions. de courte et de longue durée aux journalistes à travers le monde pour faire des enquêtes, des reportages sur des sujets peu médiatisés. Les journalistes diplômés,

  • Speaker #1

    journalistes certifiés ou même ceux qui font du travail équivalent, sans l'être.

  • Speaker #0

    Alors, nous, nous n'avons pas de... C'est vrai que le métier de journaliste est assez ouvert. Et ce qu'il montre de façon générale, ce n'est pas forcément toujours le diplôme. C'est la pratique. Donc, c'est la pratique journalistique. Donc, le fait que j'ai montré que j'ai publié dans tel média, j'ai publié mon article d'écriture, ce que tu as déjà publié comme article, pour nous, c'est ça qui est l'élément qui permet de vérifier ton profil de journaliste. Voilà, ce n'est pas une question de diplôme. Vous pouvez être diplômé, vous n'avez jamais écrit. Ça ne fait pas de vous un journaliste. Mais vous pouvez n'être pas diplômé, mais vous avez beaucoup écrit, vous êtes journaliste. Donc, c'est d'évaluer vraiment des journalistes qui viennent avec des sujets au quotidien. Et je suis dans l'équipe avec des collègues qui évaluent, qui regardent. Est-ce que c'est un sujet un peu médiatisé ? Est-ce que le journaliste a déjà des articles qu'il a fait dans ce sujet ou bien des articles de qualité qu'il a produit ? Est-ce qu'il a des médias qui sont prêts à le publier ? Donc, c'est vraiment ça. C'est le travail avec des journalistes pour voir comment ils le produisent. sujets avec lesquels ils viennent et si ces sujets sont dignes d'intérêt. L'autre aspect de mon travail, c'est aussi beaucoup de coaching. Au niveau du policeur, déjà, je fais beaucoup de coaching avec nos boursiers de l'équipe Rainforest Investigation Network. C'est une bourse par laquelle moi-même je suis passée. D'échanger avec des boursiers au quotidien pour voir comment est-ce qu'ils avancent dans leur projet d'enquête, quel est le sujet sur lequel ils veulent travailler, est-ce qu'ils ont des sources, comment est-ce qu'ils peuvent contourner les difficultés d'accès aux données, comment est-ce qu'ils peuvent raconter leur histoire. Est-ce qu'on peut les mettre en contact avec d'autres experts pour enrichir leur travail d'enquête ? C'est des bourses sur un an. Donc ça, c'est un travail au quotidien que je fais avec eux. Et maintenant, à travers plusieurs autres organisations aussi, on fait beaucoup de coaching, beaucoup de formation des journalistes. Je fais beaucoup de formation des journalistes sur les questions comment rédiger, comment enquêter, comment écrire une histoire environnementale, comment trouver des données, comment utiliser les données géospatiales pour enrichir le texte. Je fais beaucoup de formation, beaucoup de coaching. Et j'essaie de dénicher aussi des journalistes à travers le continent qui ont un potentiel et qui ont juste besoin de savoir comment ça marche pour pouvoir laisser éclore leur potentiel. C'est à ça que ça me va au quotidien.

  • Speaker #1

    Donc, le travail de terrain où tu étais en train de défiler, de filer les ménages qui sont en train de s'arrêtir, ça devient un travail un peu loin de toi à ce moment-là,

  • Speaker #0

    c'est ça ? C'est beaucoup plus loin de moi, mais je reste connectée à des équipes qui... Je fais plus de la coordination. Donc je vais rarement sur le terrain, mais je fais beaucoup de recherches en ligne. Je fais beaucoup d'analyses géospatiales. Dans les projets, je sais de penser comment est-ce qu'on peut orienter le sujet, comment est-ce qu'on peut le rédiger pour qu'il soit plus intéressant. Mais le terrain, dans le sens propre du terme, je le fais très peu. Mais je continue d'échanger avec des gens et de faire beaucoup de recherches pour dénicher des sujets. d'intérêt.

  • Speaker #1

    Et du coup, quand tu penses à ton travail chez Pulitna Center et ton travail d'investigation et même avant Info Congo, est-ce qu'il y a un dossier que tu as traité, un truc que tu as fait où tu t'es dit ça c'est le truc qui a eu le plus d'impact et comment ça a impacté en fait ? Parce que tu fais ce travail c'est pour changer quelque chose, c'est pour alerter et changer quelque chose. Est-ce que souvent tu t'es dit Merci. Ça a du sens ou est-ce que souvent tu te dis, en fait, il faut le faire, mais je ne vois pas de changement ? C'est quoi ton état d'esprit avec ça ? Est-ce qu'il y a des choses ?

  • Speaker #0

    Il y a beaucoup de choses impactantes, il y a beaucoup de changements que j'ai vus grâce à mon travail. Quand j'ai rejoint le Poblisat pour la première année de ma bourse, par exemple, je travaillais sur une enquête sur une agro-industrie qui venait de prendre, enfin qui était dans l'esprit d'acquérir une concession de près de 60 000 hectares de forêt. dans la partie sud du Cameroun, à côté du parc de Campoman. Alors, moi, ce travail m'a beaucoup marquée parce que c'est la façon dont ça a été fait, la façon dont le travail a été réalisé. C'était un sujet qui faisait de l'actualité. Les communautés se plaignaient, accusaient l'entreprise de ne pas avoir consulté. Les organisations de la société civile dénonçaient le fait que l'entreprise a obtenu la concession de façon irrégulière. Et il fallait prouver cela avec des éléments solides. Alors, moi, je suis allée sur le terrain. J'avais déjà fait toutes ces recherches avant. Mais j'ai pu aller sur le terrain et j'ai pu entrer dans la concession. Et à ce moment-là, l'entreprise venait de commencer à déforester pour faire cette plantation de palmiers à huile. J'ai pu entrer dans la concession avec les techniques d'enquête qu'on peut avoir. J'ai pu entrer et j'ai pu voir comment ils venaient de déforester une vaste parcelle de forêt. j'ai pu rencontrer des communautés qui me disaient comment les éléphants du parc détruisaient davantage leur culture et affectaient leur quotidien parce que la parcelle qui était un peu comme le corridor de circulation des éléphants avait été totalement déforestée, donc les éléphants étaient perdus et se retrouvaient maintenant dans les concessions des communautés. Donc pour moi, c'est un travail qui... C'était pour moi une grosse fierté parce que c'était l'une des premières fois que je... Je faisais un travail de cette envergure parce que j'ai utilisé des outils de géolocalisation. Et j'ai fait tellement de recherches qu'après, on a pu croiser les recherches que j'avais faites et le terrain que j'avais mené pour identifier effectivement que l'endroit qui venait d'être déforesté par l'entreprise était le corridor de circulation des éléphants. Donc, c'était au-delà des témoignages des communautés. C'était vraiment des faits probants. On a également pu identifier comment, à partir des images satellitaires, Comment d'une année à une autre, l'endroit avait totalement changé. Et cet article-là, ça a été une grosse ressource aussi pour beaucoup d'autres acteurs de la société civile qui l'ont cité dans les rapports, qui s'en sont appuyés pour dire « Ok, voilà exactement ce que l'entreprise est en train de faire sur le terrain. » Et après, je crois qu'on a réduit la parcelle accordée à l'entreprise. On l'a réduit presque de moitié. Et donc, au lieu des 60 000 hectares qu'elle devait recevoir, elle a reçu beaucoup moins. C'est vrai que jusqu'à aujourd'hui, le problème, c'est là où il y a quand même un pincement, c'est qu'elle a quand même obtenu la concession, elle travaille. Les communautés qui se plaignaient à l'époque et qui n'étaient pas vraiment soudées dans la plainte, aujourd'hui, elles se rendent compte que leur quotidien a totalement changé. Mais pour moi, c'était quand même une bonne contribution de montrer, avec des éléments solides, que quelque chose se passait dans cette localité-là, à ce moment-là. et d'avoir un élément complémentaire au travail que faisaient d'autres acteurs déjà dans ce moment. Donc ça, c'est un des travaux, un des articles qui m'a beaucoup inspirée, m'a montré que je pouvais faire différent quand même et plus.

  • Speaker #1

    Évidemment, si ça a pu réduire de la moitié la concession qu'on lui a accordée, c'était déjà ça. Et s'il n'avait pas eu tout ça, peut-être que ça serait même pire. Mais parfois, dans ce travail, on se sent... un peu découragée parce que les résultats ne viennent pas immédiatement, mais j'imagine que d'autres résultats, c'est peut-être la conscience qu'ils prennent dans les communautés, c'est-à-dire, si on avait parlé d'un seul homme, d'une seule voix, peut-être que ça aurait pu être différent. Et du coup, Madeleine, je vois que ça, ça a été un des éléments de fierté parce que tu as utilisé les techniques que tu as apprises et ça a eu un impact, c'est super. Est-ce que quels sont les défis que toi tu as rencontrés du coup dans ton parcours, dans ton travail, dans ces secteurs environnementaux et des journalistes, parce que c'est couplé, quels sont les défis que tu as rencontrés toi, surtout toi en tant que femme, est-ce qu'il y en a des défis que tu as rencontrés ?

  • Speaker #0

    Bien évidemment, il y a toujours des défis, si je dis qu'il n'y en a pas, je serais en train de cacher une partie de l'histoire. Non, il y a eu beaucoup de défis. Comme je disais au début, c'était les défis de formation où on n'a pas toujours l'information sur comment faire. On ne sait pas où aller. On n'a pas quelqu'un qui nous oriente. Ça, c'est un gros défi dès le départ. Maintenant, on a quelqu'un qui nous oriente et on sait comment on le fait. Parfois, il y a toujours ce rapport de force qu'on ressent. Ce n'est pas physique, c'est plus inconscient. C'est un peu comme une sorte de manipulation. Mais le fait, par exemple, d'aller sur le terrain, d'être en train de travailler sur des questions environnementales et qu'on vous dise, mais vous, vous êtes une femme et vous n'avez pas de famille, vous n'avez pas... C'est trop dangereux pour vous. Tu n'as pas des enfants et

  • Speaker #1

    Marie. Voilà.

  • Speaker #0

    C'est là. Voilà. Donc, il y a toujours... Il y a eu des moments comme ça où des gens sur le terrain... Ça peut être des sources même, des gens que vous interviewez. Vous le faites naturellement. Vous êtes venu pour intervier quelqu'un. Vous avez beaucoup de respect pour la personne. Mais en retour, vous vous rendez compte que la personne s'est... a un regard assez complexé, mitigé sur vous, parce que vous êtes une femme, vous êtes une jeune femme. Et c'est dit, mais pourquoi vous vous retrouvez ici ? C'est trop dangereux pour vous. Il y a aussi une récente enquête qu'on a faite sur l'exploitation forestière illégale au Cameroun. Et là, c'est un élément qui montre un peu le niveau de dangerosité des sujets qu'on aborde. Alors, on avait montré à travers l'enquête que le bois était transporté. Il y a également de la forêt vers le port du Cameroun, avec beaucoup de complicités en vue. Et quand l'article a été publié, ça a été repris par plusieurs autres médias. Les autorités ont pris des décisions pour renforcer le contrôle du bois à travers le territoire national. Ma collègue a organisé une émission, ma collègue du police a organisé une série d'émissions comme elle a l'habitude de le faire, des émissions interactives dans les radios à forte audience. C'était à Yaoundé, donc je suis allée dans une radio pour raconter un peu le behind the scenes, comment est-ce qu'on a fait le travail, est-ce qu'on a découvert sur le terrain. Et il y a un auditeur qui a appelé et qui a dit, quand je vous écoute, vraiment vous êtes braves, félicitations, vous dénoncez vraiment ce qui ne va pas, mais j'ai vraiment peur pour vous. J'espère qu'au sorti de l'émission, un camion cremier ne va pas vous écraser là sur la rue. Déjà, sur le coup, oui, en pleine émission radio, en l'heure de l'audience, entre 10h et 12h à Yaoundé. Donc, sur le coup, j'ai déjà rigolé. Mais après, en prenant du recul, je me suis dit, mais c'est une menace en fait. C'est une menace en direct. C'est une menace en public,

  • Speaker #1

    en direct.

  • Speaker #0

    En public. Voilà, c'est une menace. Donc, ça montre un peu à quel point, non seulement les gens estiment que voilà, pourquoi vous ? Mais en même temps, les gens sont... prêts à aller plus loin et dire si vous continuez à le faire, sachez que vous êtes en train de vous exposer de telle ou telle manière. C'est vrai qu'avant ça, il y avait déjà eu beaucoup de formations sur les questions de sécurité, mais je pense que c'est aussi l'un des gros défis de se dire qu'on travaille sur des questions sensibles. C'est le changement climatique, c'est un sujet noble, c'est une thématique noble, mais il y a beaucoup d'intérêts en jeu, il y a beaucoup de personnes qui sont responsables de ce qui se passe et quand on dénonce, ça ne fait pas forcément joli joli, ça n'arrange pas tout le monde. Donc, c'est un autre gros défi, le défi de la sécurité. Ça fait qu'en tant que journaliste qui travaille sur les questions environnementales, l'investigation environnementale, on vit un peu comme cloisonné, on vit un peu comme caché, on essaie de s'afficher un peu moins. Moi, je sais qu'il y a beaucoup de collègues parfois qui me disent, mais Madeleine, tu es toujours là. Je dis, mais je suis là. On ne te voit pas, mais ça fait aussi partie des défis. C'est que tu ne sais pas qui est là, qui veut faire quoi. Donc, on est obligé de vivre un peu avec. beaucoup plus de sécurité parce qu'on sait que ce... Oui, beaucoup plus de prudence, oui. Donc ça, c'est un autre gros défi qui est, je dirais, quand même général dans la région du bassin du Congo. La question, la thématique que nous abordons, c'est que nous dénonçons des enjeux, nous dénonçons des intérêts cachés. Il y a beaucoup d'argent qui circule et tout le monde n'est pas content de ce qui est dénoncé. Donc, pour moi, c'est le défi qui est le plus actuel actuellement.

  • Speaker #1

    Ok, mais oui, c'est un peu comme tout ce qui travaille sur les questions des droits humains, parce que les journalistes, ça va bien, tout ce qui travaille sur les questions d'observation et d'indépendance des forêts, pareil, et même menaces. Mais c'est hyper intéressant de voir ce que tu viens de dire, justement, sur le terrain, la perception quand on est femme. C'est exactement la même chose que beaucoup de femmes me disent sur ce micro, en disant, ben oui, c'est quand j'étais sur l'intérieur qu'on me regarde et me dit, alors, toi, tu es une femme. tu ne vas pas y arriver. On va très loin. C'est dangereux. Les choses comme ça, à ne pas croire que les femmes vont y arriver. Et du coup, en restant sur ça, très rapidement, est-ce qu'il y a des femmes qui t'ont inspirée ? Qu'est-ce qui t'a donné l'inspiration de te mettre sur ce chemin-là ? Est-ce que tu as pu trouver dans d'autres femmes des forces qui ont aidé un peu tes forces à toi ?

  • Speaker #0

    Alors, je dirais qu'il y a beaucoup de femmes. déjà celles qui m'ont tenu la main c'était des femmes assez courageuses qui n'avaient pas la langue dans la poche et qui étaient assez déterminées quand elles engagent quelque chose, je pense que la plupart des femmes qui m'ont coachée, qui m'ont tenu la main il y avait beaucoup de détermination et cette détermination a été contagieuse à la fin c'est que quand elle dit je vais faire ça elle s'y met, elle reste focus et tu vois comment il y a de la progression dans ce qu'elle fait, tu vois comment ... Il y a du respect qui s'installe sur son travail. Il y a également d'autres grandes femmes sur l'espace médiatique à Mournay qui sont juristes, avocates. Tu vois la poigne avec laquelle, quand elle récupère un sujet, elle s'y met à fond. Elle ne lâche pas prise. Il y a toutes ces femmes-là qui, pour moi, ont été et restent des sources d'inspiration qui font que quand je travaille, je me dis, OK, je veux rester déterminée, je veux rester courageuse. Mais je veux rester aussi prudente.

  • Speaker #1

    On commence à arriver vers la fin de notre échange. Et j'aimerais qu'on regarde un peu le futur. Quand tu regardes le journalisme et comment il évolue aujourd'hui, comment tu imagines l'avenir du journalisme environnemental en Afrique ?

  • Speaker #0

    Il y a deux ans, j'aurais été très pessimiste. J'aurais été, voilà, les gens ne s'intéressent pas et tout, tout, tout. Mais aujourd'hui, je suis beaucoup plus optimiste. Je vois beaucoup d'efforts. beaucoup d'engouement, beaucoup d'intérêt de la part des journalistes sur le continent et en Afrique francophone notamment. Il y a cette soif de faire différent que je note de plus en plus. Il y a cette prise de conscience du fait que dans d'autres parties du monde, des gens font des choses simples mais qui se révèlent être extraordinaires après. Donc comment capitaliser sur ce qu'on a l'habitude de faire ? C'est un besoin qui se fait ressentir. Il y a ce besoin de formation aussi. donc. Et je pense qu'en misant sur cette formation, mais surtout le coaching, je vois aussi beaucoup de personnes, beaucoup de confrères qui sont un peu perdus. Il y a le poids de ce reçu, de ce vécu, de cette expérience qui fait que se détacher, faire différent. Il y a beaucoup de pésanteurs en fait. Je vois beaucoup de pésanteurs. Je suis plusieurs confrères et consœurs. Et je comprends qu'avec beaucoup de formations, parce qu'il y a plein de formations sur le continent actuellement, auxquelles j'ai participé, des formations en journalisme environnemental. Il y a une récemment à laquelle j'ai participé. Après, on a fait toute une série de coachings. Et à la fin, les articles qui ont été produits, c'était d'un cran plus intéressant par rapport aux éditions antérieures. Donc, je vois une implication, je vois une envie de dépasser les limites. une envie de concurrencer ou d'aller en compétition avec des journalistes qui sont sur d'autres parties du monde. Et je me dis, ce serait important de continuer à former. Et c'est l'un des chantiers, par exemple, sur lesquels nous sommes en train de mettre toutes nos forces au niveau du Publizer Center et dans toutes les autres organisations avec lesquelles je peux interagir au quotidien. Il faut former les gens. Les gens ont besoin d'être formés. Ceux qui sont ailleurs et qui publient des articles super intéressants, ils ne sont pas nés avec une cuillère en oie, ils ne sont pas nés avec ce savoir-là. c'est parce qu'ils ont été... formés qui réussissent à faire ça. Chez nous, dans les universités, aujourd'hui, on n'enseigne pas le journalisme d'investigation. Au Cameroun, par exemple, c'est le journalisme qu'on enseigne, les nouveaux outils, le data journalisme, tu parles du data journalisme, un jeune étudiant en Cameroun, je suis sûre qu'il est perdu, il peut, il regarde sur les réseaux sociaux, il voit ce que les autres publics se disent, c'est très loin de lui, mais c'est loin de lui, pourquoi ? Parce qu'il n'est pas formé. Donc, il y a un gros besoin de formation actuellement sur le continent et je me dis, Si toutes les organisations, si toutes les personnes qui ont un peu d'expertise mutualisent leurs forces et forment davantage, forment les gens un peu comme nous quand on nous a formés à l'open data, aux données ouvertes. On était, les critères, c'est-à-dire, on va dire, il y avait quand même une tranche d'âge, déjà avant 35 ans. On avait encore l'esprit, on va dire, ouvert, on était réceptif, on pouvait découvrir. Donc, je pense qu'il y a une grosse proportion de jeunes qui sont dans les médias comme ça, sur lesquels on peut investir. Ils sont speed, ils sont smart. S'ils ont le savoir, je crois qu'ils feront des choses extraordinaires. Et pour moi, si on fait cette formation, si on continue, ça va donner des résultats super intéressants dans les années qui arrivent.

  • Speaker #1

    Et super, mais toi, dans 10 ans, Madeleine, où est-ce que tu te vois ? Tu sens le temps de faire quoi ? Tu auras accompli quoi ?

  • Speaker #0

    Oh, si j'avais 10 ans de plus. Alors, actuellement, je suis en train de voir comment me former davantage, de voir comment aller un peu plus dans la recherche. Oui, la méfiance journalistique, c'est bon. C'est déjà, on va dire, j'ai quand même acquis beaucoup de connaissances et compétences dans le domaine. J'aimerais me flirter un peu plus avec le monde académique. Essayer d'avoir ce côté théorique. Je fais des formations, mais je reconnais que, voilà, si j'ai un plus sur le côté académique, ça peut me permettre d'affiner ma méthodologie en matière de formation. Ça peut me permettre d'affiner la façon dont j'interagis aussi avec les gens que je forme au quotidien. Donc, il y a ce côté-là que j'aimerais vraiment développer. oui, si je peux enseigner dans des universités je pense qu'au bout des 10 ans j'aurai quand même de la matière encore plus grande pour pouvoir partager si il y avait une jeune femme qui t'écoute est-ce que tu aimerais qu'elle retienne de ton parcours ? je dirais la quête du savoir la quête du savoir qu'elle retienne, qu'elle aille vers qu'elle n'hésite pas à demander quand elle ne connait pas, qu'elle demande ce n'est qu'en demandant qu'on manifeste qu'on a un besoin Voilà. Et on peut avoir quelqu'un autour de nous qui peut satisfaire ce besoin et qu'on ne sait pas. Mais si on ne demande pas, celui qui est même là, qui peut nous trouver la solution, ne saura pas, il ne va pas venir lire dans notre cœur pour savoir ce dont nous avons besoin. Donc quand on est coincé, ce n'est pas une honte de dire je ne sais pas le faire, demander encore et encore. Celui qui demande en reçoit toujours. Et on n'en a pas assez de recevoir parce que c'est ce volume de bagages qu'on reçoit là qui permet qu'on soit demain chargé de bagages et qu'on puisse contribuer dans la communauté dans laquelle on se trouve. Donc pour moi, ce serait demander, demander, aller vers la quête du savoir. Il y a toujours des solutions.

  • Speaker #1

    Je ne suis pas une jeune fille, mais je retiens ça aussi et je suis complètement d'accord. Demandez et on vous donnera. C'est un principe qui marche très, très bien. Et merci, Madeleine, d'avoir répondu, d'avoir pris ton temps, en fait, pour discuter avec moi. Et je sais qu'il y a beaucoup de gens qui m'ont écoutée avec beaucoup de plaisir, comme moi j'ai eu. C'était une conversation très inspirante pour moi aussi, pour voir un peu la connexion avec tout ce qui est du monde du journalisme et tous les travails qu'on fait, parce qu'on se base sur ce que vous avez dit, ce que vous avez trouvé, pour aussi construire nos propres argumentaires et construire notre conviction pour continuer à aller de l'avant. Donc, à travers toi, on a pu voir comment les journalistes... Les journalistes transforment un tout petit peu notre environnement en Afrique et comment ils racontent l'Afrique d'une différente manière avec ses défis, ses hauts et ses bas. Merci en tout cas.

  • Speaker #0

    Merci beaucoup Mireille, ça a été un plaisir pour moi et c'est moi qui remercie pour cette opportunité. J'espère vraiment que ceux qui écouteront trouveront de la matière pour être inspirés à faire quelque chose de différent.

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