- Speaker #0
Salut, nous sommes en novembre. Est-ce que vous savez ce que ça signifie pour la France qui fume et qui veut arrêter Oui, je m'adresse à la France qui fume et qui veut arrêter Quoi, tu crois qu'ils sont genre 9 ou 9 000 ? Ou allez, 900 000 ? Eh ben non, ils sont 9 millions. Enfin, vous êtes 9 millions en France à vouloir arrêter de fumer. Franchement, j'en chialerais. En vrai, ça me rend triste et je ressens beaucoup de colère. Et d'injustice. et de compassion. Libre à ceux qui veulent continuer de fumer, c'est ok. Mais bon sang, les autres, les 9 millions d'autres qui veulent arrêter de fumer. Bon, et bien voilà, la bonne nouvelle, c'est que novembre, c'est pour vous. Vous connaissez le dry january, quand on ne boit pas de tout le mois de janvier. Si vous ne connaissez pas, renseignez-vous, c'est sympa. C'est les british qui ont inventé ça en 2013. Et bien novembre, même concept, version française pour le tabac. Enfin, contre. depuis 2016 par le ministère de la Santé. Ministère de la Santé, lieu où je me suis retrouvée le mois dernier lors d'un colloque sur le dos du tabac. Bon, je ne vais pas dire que j'étais là par hasard, mais en vrai un peu. J'avais l'impression d'être une touriste avec mon podcast décalé et mon bouquin drôle sur l'arrêt du tabac, face à tous ces grands pontes qui se lèvent chaque matin et pour la plupart depuis des décennies, pour combattre les méchants du tabac et aider ceux qui en souffrent. Bref, journée. passionnantes pour voir comment se mettent en place les nouvelles lois, notamment autour des nouveaux espaces publics libérés du tabac. Et à la fin de la journée, pendant les questions, j'ai demandé le micro de la salle de conf en disant Alors, moi, je n'ai pas de questions, mais j'ai un micro pour vous interviewer tout à l'heure. Donc, n'hésitez pas à me fuir si vous ne voulez pas que je vous pose de questions parce que j'ai envie d'interviewer tout le monde dans cette salle. Je crois que j'ai fait ma relou. Ils vont peut-être me bannir au prochain colloque. Mais donc, j'ai réussi à choper 5 personnes qui avaient des CV à rallonge de profs universitaires, médecins, docteurs, auteurs, bref, des combattants de cette fichue plante addictive. Donc, voici l'une des 5 personnes que j'ai micro-interviewées. Les 5 interviews seront réunies en un épisode le dernier lundi de ce mois. Bonne écoute !
- Speaker #1
Bonjour, est-ce que vous aurez quelque chose à témoigner en anonyme ou pas anonyme ?
- Speaker #2
De quel point de vue ?
- Speaker #1
Ce que vous auriez envie de dire, raconter, même une anecdote improbable, c'est toujours cette prix, sur le tabac. Ah,
- Speaker #2
sur le tabac.
- Speaker #1
Sur l'arrêt du tabac.
- Speaker #0
Lui, mon interview numéro 3, c'est Loïc Josserand. Il parle beaucoup, on l'adore. Il est évidemment comme tout le monde ici, sauf moi, docteur et professeur. Et même il fait plein d'autres trucs que doctoré et professoré. Genre, entre autres, être président de l'Alliance contre le tabac. Mais en revanche, il n'a pas écrit sur le tabla. Je crois que c'est le seul de cette assemblée.
- Speaker #2
Oui, l'arrêt du tabac. Moi, j'ai longtemps fait du sevrage. J'ai un exemple qui me marque et qui, je pense, me marquera ad uitam aeternam et que je recite. Et donc, je vais vous en parler de façon très régulière et qui, je pense, illustre la difficulté et les risques. Je faisais du sevrage en maternité. Et je vois un jour arriver une femme plus âgée, qui m'est vraiment plus âgée, et qui commence à me raconter son histoire. Et son histoire était assez simple, elle a arrêté de fumer quand elle a eu sa fille. Elle avait alors 24 ans, et elle a marié sa fille 24 ans plus tard. Et pour célébrer le mariage de sa fille, elle a refait une clope, et elle est retombée dedans instantanément. Donc, la moralité de cette histoire, c'est que malheureusement, on ne redevient jamais non-fumeur. On reste ex-fumeur et il faut toujours, toujours, toujours rester vigilant et ne jamais retomber dedans, quelle que soit la bonne raison qu'on puisse imaginer pour fêter ça. Avec une clope, ce sera in fine une mauvaise situation.
- Speaker #1
On vous appelle docteur Loïc Josserand ou professeur Loïc Josserand ?
- Speaker #2
On m'appelle comme on veut, professeur ou docteur, c'est pareil.
- Speaker #1
Et est-ce que vous êtes le monsieur anti-tabac autour de vous, donc les gens n'osent pas fumer devant vous ?
- Speaker #2
Ah non, absolument pas. Mon combat, ce ne sont pas les fumeurs. Le fumeur, dans cette histoire-là, j'en vois un petit mot, merci.
- Speaker #0
Si,
- Speaker #1
on coupera ça au montage, bisous.
- Speaker #2
Non, non, mais j'assume tout. Non, non, non, mon problème, ce n'est pas le fumeur. Au contraire, le fumeur est une victime dans cette histoire-là et absolument pas le problème. Le problème, c'est l'industrie qui a manipulé. et qui manipulent des générations entières depuis maintenant plus d'un siècle pour leur faire croire que la liberté est dans le tabac, le glamour est dans le tabac, la virilité est dans le tabac. D'ailleurs, c'est probablement un des seuls produits qui arrive à marier autant les incompatibles que sont le glamour et la virilité. Voilà, donc ça n'est qu'un tissu de mensonge depuis un siècle. Donc le seul objectif est d'arriver en permanence à attraper des jeunes pour les faire consommer leurs produits pendant les 20 ou 30 prochaines années, à les jeter ensuite comme des vieux Kleenex quand ils auront été essorés jusqu'au bout en termes financiers et à aller pêcher de nouvelles victimes, toujours plus jeunes, dans leur filet. Voilà, donc c'est une industrie mafieuse. C'est une industrie sans aucun respect de la vie humaine, sans aucun respect de l'environnement, sans aucun respect de personne. Elle pille les ressources naturelles sur les lieux de production, elle détruit la jeunesse des jeunes qui sont dans des champs de tabac, elle détruit la jeunesse des pays où ce tabac est consommé. Bref, ça n'est que mort et destruction. Donc mon problème, ça n'est pas le fumeur. Le fumeur est une victime, je le répète, et j'en suis intimement convaincu. J'ai des amis qui fument, j'ai un fils qui fume, j'ai... Voilà, donc... Je sais ce que c'est, je n'ai pas de problème avec ça. Mon problème, c'est l'industrie et l'industrie seulement.
- Speaker #1
Alors, on pourrait dire que votre combat, ce pour quoi vous vous levez le matin, c'est justement de protéger les victimes et d'aller à l'encontre de ces industries.
- Speaker #2
Mon leitmotiv, c'est de démonter cette industrie. Mon objectif, c'est de sortir du jeu cette industrie, les lobbies qui sont derrière, parce que c'est absolument intolérable. Il est intolérable de marcher comme ça sur la santé, sur la vie humaine, au seul bénéfice d'un intérêt financier et de l'intérêt financier de quelques-uns seulement. Parce que là, on est en train de parler de quelques centaines de personnes qui en tirent des profits au niveau international. Donc c'est absolument honteux et inacceptable. Et j'en veux terriblement. À tous les gouvernements, à commencer par le gouvernement français. Je n'ai pas peur, ça ne me pose aucun problème. On dénonce ! De la passivité et de la tolérance qui existent face à l'industrie du tabac. Quand je vois des lobbies qui sont reçus par des politiques, qui sont écoutés par des politiques, derrière chaque lobby, il y a des morts. Et il y a des morts, tout simplement.
- Speaker #1
Mais qu'est-ce qu'on peut faire, nous, fumeurs, anciens fumeurs, qui voulons lutter contre ça, à notre petite échelle ?
- Speaker #2
Le dénoncer, le savoir, le dénoncer, le partager, ne pas se laisser enfermer dans des discours qui tendent à expliquer qu'un buraliste c'est un gentil commerçant au coin de la rue. Le buraliste est un commerçant qui représente l'industrie du tabac, ni plus ni moins, il tire une grosse partie de ses revenus de l'industrie du tabac par la vente du tabac, donc il n'a d'autre objectif que d'en vendre toujours un peu plus. Donc ça n'est pas un commerçant classique, ça n'est pas un commerçant classique, voilà c'est tout. Il faut en parler, il faut en parler à son député, il faut en parler à son maire, parce que c'est partout. Et que partout, on doit avoir des espaces sans tabac, les généraliser, sortir ce produit de consommation, expliquer aux plus jeunes la façon dont on tombe dans un piège. Il ne s'agit pas de les culpabiliser, il s'agit de leur expliquer qu'ils sont complètement piégés, ils se font piéger dans quelque chose qui les dépasse quand ils sont jeunes. Et à nouveau, je ne prône absolument pas la culpabilité. parler de mort quand on a 15 ans, quand on commence à fumer, la mort c'est très loin et même si on te dit tu vas mourir plus tôt parce que tu fumes, le plus tôt est quand même extrêmement confus. En revanche, expliquer qu'à l'autre bout de la planète il y a quelqu'un qui ne va pas aller à l'école, qui ne fera jamais d'études, qui va mourir à 25 ans parce qu'il a planté du tabac dans un champ, qu'on a pillé des ressources, que la pollution générée par cette industrie est l'équivalent de celle d'un pays comme le Pérou, que... Ça tue la vie marine et in fine, ça détruit la vie à la surface de la planète, tout simplement. Donc cette dimension environnementale est probablement aussi une des dimensions très méconnues, mais probablement aussi à mettre en avant de façon très forte.
- Speaker #1
J'ai une dernière question avant de vous laisser, parce que j'ai l'impression qu'il y avait plein de personnes qui voulaient discuter avec vous et qui sont parties. Est-ce que vous pouvez nous donner un peu d'espoir de nous montrer que quand même, il y a des choses qui évoluent, que les lois, ça finit par avancer ? Parce que j'ai eu l'occasion... d'interviewer un ancien employé, c'est un des cigarettiers, et lui, il disait que l'État ne fait rien et que les industriels du tabac gagneront. Donc, comment est-ce qu'on peut quand même trouver de l'espoir dans ce que l'État fait ? On peut quand même y croire. Est-ce que vous avez vu des changements majeurs ces derniers temps ?
- Speaker #2
Oui, il y a des évolutions. Il y a la prévalence des fumeurs jeunes, notamment, baisse en France depuis maintenant un certain nombre d'années. Donc ça, c'est un élément positif. Il y a une baisse de la consommation en France. Il y a une baisse de la consommation du nombre de cigarettes aussi par fumeur. Donc ce n'est pas non plus complètement neutre. Il y a néanmoins, au-delà de ces réussites... On a réussi à faire interdire la PEUF, par exemple, qui était quand même un vrai problème parmi les jeunes. Mais ça n'est que l'arbre qui cache la forêt. Là, je reviens dans un côté un peu plus pessimiste ou en tout cas très réaliste. Il y a des nouveaux produits qui arrivent en permanence. Il y a des nouvelles façons de consommer des produits addictifs. Et maintenant, il ne faut d'ailleurs plus parler seulement du marché du tabac. Il faut parler du marché de la nicotine. Le vrai souci, il est là. Et donc, en réalité, c'est un marché. avec dessus un certain nombre d'intervenants qui sont soit directement issus du monde du tabac, soit plutôt issus du monde de la vape par exemple, mais qui ont cette capacité à produire de nouveaux produits, à inventer et à mettre sur le marché de nouveaux produits en permanence. Et on voit très bien que ces consommateurs, et notamment les plus jeunes, vont rentrer en consommant un de ces produits et puis ensuite vont piocher, en fonction de leurs envies, dans ces différents produits qui sont mis à leur disposition. Alors certains sont, comme le tabac... ne sont pas entre guillemets propres. D'autres paraissent propres, comme les nicopouches par exemple, mais quand on finit sans dents et dentées avec... Quel enfer ! Donc voilà, il n'y a pas de produit sain utilisant de la nicotine, du tabac. Tout ça, ça n'est qu'une vaste fumisterie et une invention de ces industriels à nouveau pour aller chercher les plus jeunes le plus tôt. Et on sait que plus on va consommer d'eau, plus on sera addict longtemps. Donc il est de l'intérêt de ces industriels d'aller les chercher très vite, très fort. pour les garder longtemps. Et après, ils seront sur un marché où ils vont jongler entre les perles de nicotine d'un côté, les nicopoules de l'autre, la clope un coup, une cigarette électronique, une 9K de l'autre, etc. Et on ne s'en sortira pas et on restera là-dedans.
- Speaker #1
Et j'ai interviewé que des gens qui avaient aussi écrit un livre sur le tabac. Vous, c'est quoi ?
- Speaker #2
Moi, je n'ai pas écrit de livre sur le tabac.
- Speaker #1
Bientôt ?
- Speaker #2
Pourquoi pas. Pourquoi pas, mais ça ne fait pas partie de mes objectifs. Je n'ai rien à vendre.
- Speaker #1
Merci beaucoup. À bientôt.
- Speaker #2
À bientôt.
- Speaker #0
Voilà pour la capsule Moi sans tabac Abonnez-vous pour être notifié la prochaine. Il y en aura plusieurs pendant ce Moi sans tabac Et savez-vous pourquoi c'est le Moi sans tabac et pas le Jour sans tabac ou la Semaine sans tabac Parce qu'ils ont fait des statistiques. Lorsqu'on franchit le cap des 30 jours sans finir, on multiplie par 5 ses chances de succès pour arrêter définitivement. C'est encourageant quand même. Allez, je vous laisse avec ça. Bon sevrage. Ou bon Moi sans tabac Et sinon, bon mois de novembre. Qui est un mois sympa, hein ?