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S2 E9 - Benoit Turpin cover
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Tu joues ou quoi : le podcast des jeux de société

S2 E9 - Benoit Turpin

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55min |10/05/2024
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Tu joues ou quoi : le podcast des jeux de société

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55min |10/05/2024
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Description

Benoit Turpin est l'auteur de la série de jeux Welcome, qui a remis en 2018 les jeux à cocher à la mode.


Il a également imaginé Myriades avec Romaric Gallonier, La planches des pirates, The Art Project ou encore le Jeu du doigt avec Florien Sirieix.


Benoit Turpin a également été président de la Société des Auteurs de Jeux jusqu’en février dernier.


La SAJ défend notamment le statut d’auteur et la reconnaissance culturelle du jeu de société.


https://www.facebook.com/benoit.turpin

https://societedesauteursdejeux.fr/

https://bluecocker.com/


Chaîne YouTube : https://www.youtube.com/@TUJOUESOUQUOI

Podcast : https://podcast.ausha.co/tujouesouquoi


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour, c'est Stéphanie. Bienvenue sur le podcast Tu joues ou quoi ? dédié à l'univers du jeu de société. Suivez-moi, je vous emmène dans les coulisses à la rencontre des acteurs de ce monde très créatif. Je reçois cette semaine Benoît Turpin, auteur de la série des jeux Welcome qui a remis en 2018 les jeux à cocher à la mode. Il a également imaginé Myriade avec Romary Gallonnier, La planche des pirates, The Art Project ou encore Le jeu du doigt avec Florian Cyriex. L'ancien prof d'histoire est aujourd'hui auteur de jeu à plein temps. Benoît Turpin a également été président de la Société des auteurs de jeux jusqu'en février dernier. La Sage défend notamment le statut d'auteur et la reconnaissance culturelle du jeu de société. Nous avons pu évoquer ces différents sujets lors du Festival des Jeux de Cannes. Bonjour Benoît, merci d'être présent sur le podcast.

  • Speaker #1

    Bonjour, merci de m'accueillir.

  • Speaker #0

    Écoute, ça fait plaisir de te rencontrer en chair et en os. Je te laisse démarrer pour me dire comment tu as envie de te présenter. Bonne question.

  • Speaker #1

    C'est une très bonne question. Aujourd'hui, je me présenterai comme auteur de jeu professionnel à temps plein, qui porte plein d'autres casquettes parce que j'aime bien tout faire. Mais ça fait plaisir de pouvoir se définir comme auteur de jeu à part entière.

  • Speaker #0

    Voilà, parce qu'effectivement, c'est ton métier aujourd'hui à plein temps.

  • Speaker #1

    Oui, ça fait cinq ans que je me suis arrêté. J'étais enseignant à la base. J'ai eu l'opportunité de m'arrêter grâce au succès de mon deuxième jeu, Welcome. Et ça fait cinq ans, je touche du bois pour que ça continue. J'arrive à me financer ma carrière et ma vie grâce aux droits d'auteur.

  • Speaker #0

    Tu démarres sur Welcome, forcément les gens te connaissent plus pour ce titre. Comment ça a démarré l'histoire de Welcome ? Je sais que c'était par rapport à une proposition de Blue Cocker, un premier jeu que tu avais fait qui était trop compliqué.

  • Speaker #1

    Oui c'est ça, on était en train de travailler sur un jeu très compliqué, de jeu où on devait jouer avec son partenaire, un jeu en équipe mais pas vraiment, et qui demandait plein de matériel, au bout d'un moment on avait des éventails chacun, c'était un peu compliqué. Et Alain, mon éditeur, râlait beaucoup à l'époque que je rajoutais à chaque fois du matériel, que ça coûtait cher, parce que tout coûte cher pour un éditeur. Une journée, j'ai repris un vieux proto qui ne fonctionnait pas. J'ai essayé de le changer pour embêter Alain et dire, regarde, là j'ai un petit jeu, il y a juste 3D et une feuille de papier. Est-ce que là, ça suffit comme réduction de matériel ?

  • Speaker #0

    Oui, effectivement. C'était épuré, comme on dit.

  • Speaker #1

    C'est ça. Mais alors après, ce n'était pas juste une blague, c'était... Il se trouvait que ma solution ergonomique et matérielle aux problèmes que j'avais sur le proto faisait qu'il n'y avait plus de matériel. Et donc, c'était l'occasion de faire la blague et d'embêter Alain sur ça. Mais ce n'était pas vraiment le but initial. Ce n'était pas juste d'embêter l'éditeur.

  • Speaker #0

    Oui, mais alors du coup, cette idée de dés et de cartes, ça a été un petit peu précurseur quand même. C'est devenu une tendance grâce un peu à Welcome. Tu le verrais comme ça ou ?

  • Speaker #1

    Oui, alors en fait, les jeux à cocher, les Roll'n'Ride, ça existe depuis le Yams. Oui, le Yams,

  • Speaker #0

    voilà. Mais on va dire qu'il n'y a pas eu grand-chose depuis le Yams.

  • Speaker #1

    En fait, ça a été modernisé à l'époque de... De Quix et de Roll Through The Ages, c'est 2008-2010 à peu près. Et si on regarde BGG, on a l'impression qu'il y a une vingtaine ou une trentaine de jeux à cocher qui sont sortis avant 2018. Et en 2018, il y a eu Welcome et Tréfuté qui sont sortis et qui ont eu un gros succès tous les deux. Et à partir de 2018, si on regarde maintenant sur BGG les jeux à cocher, on est plutôt autour de 900. Il y a une vague qui est arrivée parce que je pense que les deux jeux ont montré qu'on pouvait faire des jeux à cocher autrement que juste une petite grille avec quelque chose d'ultra simple et très accessible qu'on pouvait proposer une vraie expérience ludique avec un jeu à cocher et ça a ouvert en fait des portes dans la tête des auteurs pour se dire on a le droit de faire ça.

  • Speaker #0

    Oui c'est ça, ça a ouvert des possibles.

  • Speaker #1

    Oui complètement, c'est un peu le système du monde ludique aujourd'hui. Il y a quelques années on nous disait, quand j'ai commencé, il ne faut pas faire de jeu de joueurs, il n'y a pas de viralité donc ça ne marchera jamais. Il y en a un qui a fonctionné, Seven Wonders Duel, et du coup tous les auteurs se sont mis à faire ça et les éditeurs se sont rendus compte que ça se vendait donc ils sont à la recherche de ça. Du coup maintenant il y en a trop, un petit peu comme les jeux à cocher depuis quelques années. Mais c'est bien, ça permet de donner des possibilités nouvelles aux auteurs, de réfléchir à des expériences.

  • Speaker #0

    Oui c'est ça, comme tu dis, ça ouvre des possibles. Et puis pareil, le jeu solo qui a explosé grâce à ce genre de type de jeu aussi. Tout à fait. Donc là on est déjà sur ton deuxième jeu, Welcome to, c'était ton deuxième jeu. Mais t'as donc démarré comment ?

  • Speaker #1

    J'ai démarré en tant qu'auteur par une partie d'Eclipse, où c'est un gros jeu 4X dans l'espace. J'ai fait une partie qui s'est totalement ratée, j'ai perdu au premier tour et donc j'ai passé 4 heures à regarder le jeu. Et à décortiquer ce qui m'avait beaucoup plu et qui était l'arbre de technologie. Parce que je trouvais ça incroyable de pouvoir faire changer le jeu à chaque invention. Et en fait ça m'a donné envie de faire un jeu juste sur ça. Et ça n'a pas du tout de lien avec le jeu, mon premier jeu qui est sorti finalement. Mais c'est ça qui a donné l'impulsion. de créer un jeu, puisque mon premier jeu à la base était un jeu de lettres. Parce que j'aime ça. Où on était amnésique et on apprenait les lettres au fur et à mesure, la taille des mots, la nature des mots au fur et à mesure. Et donc à chaque fois, une sorte de jeu de gestion de lettres. Et à chaque fois, on apprenait des trucs et on avait de plus en plus de possibilités pour créer des mots. Donc c'était chouette.

  • Speaker #0

    C'est optimo. C'est devenu optimo.

  • Speaker #1

    Oui, c'est devenu optimo. C'est pas du tout resté comme ça parce qu'il y a eu la réalité du monde du jeu qui est arrivé, que moi je ne connaissais pas du tout. Clairement en 2013 quand j'ai créé ça, je ne savais pas qu'il y avait un monde du jeu, qu'il y avait des auteurs, qu'il y avait des éditeurs, je ne savais rien du tout. Et quand je l'ai montré en festival, à mon premier festival, il y avait Mathieu Despnoux de Cocktail Games qui est passé, qui adore les jeux de lettres et qui m'a dit j'adore ton jeu, c'est génial, ça ne sera jamais édité.

  • Speaker #0

    Pourquoi ?

  • Speaker #1

    Pourquoi ? Si tu aimes bien le jeu. Parce que moi j'aime le jeu, je pense qu'on en sera 5 en France à l'année, et 5 ça fait pas un jeu. Parce que t'as beaucoup trop de matériel, c'est un jeu trop complexe qui se joue qu'à deux, qui va coûter 50 balles, c'est pas possible. Par contre si t'arrives à en faire un jeu de 55 cartes, tu m'appelles. Et au final ça s'est pas fait avec lui mais ça s'est fait avec un autre éditeur, mais du coup j'en ai fait un jeu de 55 cartes. qui a été mon premier jeu. Merci Mathieu.

  • Speaker #0

    Les premiers conseils, encore, des épurés, en final.

  • Speaker #1

    En fait, épurés et puis se rendre compte de la réalité du marché. Parce que c'est très bien, on peut être auteur sans jamais se soucier de ce qu'est le marché du jeu de société. Mais si à un moment donné, on veut être un auteur édité, il faut prendre conscience qu'il y a des contraintes. Il y a des contraintes éditoriales, il y a des lignes éditoriales à suivre et qu'on ne peut pas faire exactement ce qu'on veut. Parce qu'il y a une audience à trouver, il faut vendre des boîtes, parce qu'il ne faut pas juste se faire plaisir à soi.

  • Speaker #0

    Et là, on reste aussi sur un objet de marché. On y reviendra peut-être après. C'est ça.

  • Speaker #1

    C'est à la fois une œuvre de l'esprit, mais c'est aussi un produit culturel.

  • Speaker #0

    Il a été édité chez

  • Speaker #1

    Topi Games.

  • Speaker #0

    Et alors, comment tu as fait après la rencontre de Blue Cocker ? Je sais que tu es sur Toulouse. Oui. Voilà, parce que tu as créé le MALT je crois.

  • Speaker #1

    Oui, c'est lié à ça. Très rapidement, j'ai rencontré Romaric Gallonnier, qui est aussi un auteur de Toulouse, et on se retrouvait régulièrement dans une assos de jeux pour tester les protos. On a créé le MALT à ce moment-là justement pour regrouper les auteurs et avoir des retours et faire du réseau. Et en fait, Romaric a commencé un petit peu avant moi et donc connaissait Alain parce que son premier jeu, si je me souviens bien, c'était déjà chez Blue Cocker avec Casting. A cette époque-là, je connaissais Alain de loin, parce que si quelqu'un a vu Alain, on ne peut pas le rater, c'est un grand et gros monsieur qui se voit de très loin, qui fait un peu ours mal léché. Et pendant très longtemps, j'avais un peu peur de lui, je n'osais pas me présenter, j'avais un peu un syndrome de l'imposteur. J'ai eu l'impression, pendant longtemps, que quand je sortais mon proto... Il quittait la pièce à chaque fois. Pendant des mois, j'ai eu cette impression-là de mince, chaque fois que je montre un proto, il part C'est pas le moment quoi. C'est pas le moment, je dois avoir un truc qui passe pas. Maintenant je sais, c'est juste que c'est un fumeur invétéré, il sort tout le temps aller fumer sa clope et donc en fait c'était pas du tout lié à moi. Et après j'ai appris à le connaître et on s'entend très bien depuis. Mais c'est vrai que la première rencontre a été un peu… Hésitante parce qu'il était impressionnant à l'époque.

  • Speaker #0

    C'est les brainstorming avec Romaric et tout ça à l'époque qui ont aussi aidé à se lancer. C'est parce que tu as vu un copain qui a déjà été édité et tu t'es dit oui je peux faire pareil ?

  • Speaker #1

    Oui complètement. En fait le Malte et tous les autres collectifs ils servent à ça. Ils servent à permettre aux jeunes auteurs dans un sens nouveau de rencontrer d'autres auteurs qui ont déjà fait des choses pour savoir un petit peu comment ça marche, avoir des retours, créer du réseau aussi. L'autre auteur, Teston Proto, dit Ah bah ça je le verrais bien chez Intel, tiens je te file le mail, comme ça tu peux prendre rendez-vous. Ça permet d'avoir des retours un peu honnêtes et pas les retours de ta grand-mère qui te dit Ah mais c'est vachement bien ce que t'as créé ! Et c'est là aussi où on fait un peu le tri entre les auteurs et les autrices. C'est-à-dire qu'au Malte, on voit passer beaucoup de jeunes auteurs et ceux qui arrivent à supporter la claque du premier test avec des professionnels qui te disent que ton jeu ça va pas. et qu'il faut se poser ces questions-là, ces questions-là, ces questions-là, qu'il faut retravailler, ceux qui arrivent à l'accepter, à l'entendre, c'est eux qui reviennent et qui font des jeux et qui arrivent souvent à être édités. Mais par contre, on a beaucoup de gens qui se braquent malgré toute notre gentillesse et bienveillance, qui se braquent parce qu'en fait, ils ne sont pas prêts à accepter qu'il y a un univers qui existe déjà. Et qu'il faut, si on veut que son jeu dépasse son cadre familial, il faut vivre avec son temps et avec les règles du milieu.

  • Speaker #0

    Oui, c'est ça. Il y a des règles du jeu, justement, qui sont à respecter. Donc, il faut aussi les accepter.

  • Speaker #1

    On n'est pas obligé. On peut tout à fait continuer. On peut être auteur de jeu, créer des jeux pour soi et pour sa famille et pour ses proches, et faire ça toute sa vie et on restera auteur de jeu. Mais par contre, si on veut rentrer dans le monde du jeu professionnel... Il faut d'une certaine manière s'y plier.

  • Speaker #0

    Et alors le Malte, il y a combien d'auteurs à peu près maintenant qui cheminent autour ?

  • Speaker #1

    Je dirais qu'au Malte, il y a une cinquantaine d'auteurs et d'autrices qui tournent. Alors ça change chaque année, il y a des va-et-vient de gens qui commencent là, puis qui arrêtent ou qui font des choses dans leur coin. Moi, c'est vrai qu'aujourd'hui, j'ai moins de temps pour le Malte, parce que j'avais la sage et j'ai beaucoup trop d'autres activités, donc j'y vais moins. Il y a d'autres personnes qui ont pris le relais et qui sont là pour aider et accompagner.

  • Speaker #0

    C'est un des premiers collectifs aussi fédérés un peu en France ?

  • Speaker #1

    Je dirais que c'est le deuxième ou le troisième. Le premier, c'est la Cale à Lyon. Je ne dis pas de bêtises. Il me semble qu'ensuite, le deuxième, ça doit être en Bretagne, un des nombreux collectifs bretons. Le mal est arrivé à peu près à ce moment-là. Mais tous les collectifs se sont créés grosso modo entre 2000 et 2000. 2013 et 2017.

  • Speaker #0

    Oui, c'est ça, il y a eu une vague aussi.

  • Speaker #1

    Oui, parce qu'il y a eu une vague. On est passé de la cooptation et du mentorat de la période fiduti-catala où c'était un auteur qui prenait sous sa... ou pas un autre auteur pour l'accompagner, ce qui se fait encore bien sûr aujourd'hui, mais pour le faire de manière un peu plus collective et toucher un peu plus de gens dans des collectifs.

  • Speaker #0

    Oui, c'est ça. Alors, je crois que tu as fait un tour aussi chez Blue Cocker. Tu as travaillé aussi un temps chez Blue Cocker. Oui,

  • Speaker #1

    alors pas qu'un temps, parce que je viens à peine de faire une rupture conventionnelle. en tout bien, tout honneur et toute amicalité.

  • Speaker #0

    Alors comment t'es passé de prof d'histoire, je pense que c'est ça, finalement salarié chez BookWaker ?

  • Speaker #1

    En fait, ce n'est pas tout à fait lié au monde du jeu. C'est un souci familial qui a fait qu'au moment où Welcome commençait à fonctionner, moi j'avais du mal à gérer prof. Et mes activités d'auteur qui commençaient à prendre beaucoup de temps. Pour faire rapide, on essayait d'avoir un enfant avec ma femme, c'était compliqué. À un moment donné, j'étais un peu déprimé. J'ai dit que je ne pouvais pas retourner travailler suite à des annonces personnelles. Et donc je me suis arrêté presque sur un coup de tête. Et du coup, j'ai demandé à Alain s'il n'y avait pas moyen de m'embaucher à mi-temps pour assurer un minimum. Les droits d'auteur de Wellcome, comme ça arrive tous les six mois, ça prend du temps, c'est en décalage, je n'avais pas encore touché beaucoup d'argent, donc je n'étais pas du tout sûr de pouvoir en vivre. Donc Alain m'a gentiment embauché à mi-temps en tant que chef de projet. J'ai appris plein de choses aussi en bossant pour lui. Et ça m'a assuré des débuts financiers un peu plus stables pour quelqu'un qui a été fonctionnaire toute sa vie et qui n'était pas prêt à prendre autant de risques pour lui et sa famille.

  • Speaker #0

    Oui, surtout que quand tu es prof, tu dois quitter l'éducation nationale. C'est une rupture aussi.

  • Speaker #1

    Oui, alors je suis toujours officiellement prof. Je suis toujours en disponibilité. Parce que j'ai le droit, donc je le fais pour ne pas prendre de risques. Parce que si jamais demain plus personne ne veut me parler dans le monde du jeu... Je pourrais retourner corriger mes copies, mais je pense que je ne reviendrai jamais. Alors je n'ai plus du tout envie et je pense que j'aurai suffisamment d'opportunités pour travailler dans le monde du jeu, même si demain je ne fais plus auteur. Mais oui, c'était un gros changement et une prise de risque. Je suis content que ma femme ait soutenu à ce moment-là pour faire la bascule et me permettre de faire une nouvelle carrière.

  • Speaker #0

    Et puis c'est vrai qu'il se lançait dans vivre d'une passion, il faut oser mais si ça te paye c'est chouette.

  • Speaker #1

    Oui, parce que j'ai eu beaucoup de chance, malheureusement ce n'est pas le cas de la plupart des auteurs et des autrices de jeux aujourd'hui, mais je touche du bois pour l'instant, ça a été un bon choix de carrière.

  • Speaker #0

    Tu disais que tu étais chef de projet chez Blue Cocker jusqu'à peu, en quoi ça consiste en fait ? Tu as travaillé sur quel jeu et qu'est-ce que tu as appris en fait ?

  • Speaker #1

    J'ai alterné entre chef de projet et depuis deux ans, deux ans et demi, je suis plutôt chargé de production pour gérer les productions de tous les jeux Blue Cocker. Parce qu'il y avait des soucis de production, ça ne se passait pas bien et plutôt que de gérer ça à l'arrache, à la suite des projets que je gérais, j'ai préféré m'en occuper globalement. Donc là, je ne suis plus chef de projet chez Blue Cocker, je gère plus la production. Mais du coup, sur les cinq dernières années, j'ai appris plein de choses. Vraiment, on éditait un jeu, pourquoi on faisait ces choix-là et quelles contraintes ça impliquait par rapport à l'œuvre initiale et le relationnel avec les usines, comment on faisait pour que le jeu arrive à temps, au bon moment. C'est très intéressant aussi en tant qu'auteur d'avoir une vision très claire sur ce qui se passe derrière.

  • Speaker #0

    Toute la chaîne.

  • Speaker #1

    Pour avoir une bonne conscience de ce qui se passe, pourquoi les éditeurs se comportent comme ça et pourquoi ils nous embêtent à vouloir changer notre jeu et être désagréables.

  • Speaker #0

    Voilà comment on optimise aussi une boîte.

  • Speaker #1

    Oui, et puis toutes les logiques de marketing qu'on ne se pose pas vraiment, ou de matériel. Quand on crée un jeu, souvent, on ne se pose pas initialement la question de pour quel public, combien ça va coûter, quel matériel il faut. Assez rapidement, on se pose la question quand on est professionnel, parce qu'on sait que ça va impacter les éditeurs. Mais ce n'est pas la première chose à laquelle on pense. Et c'est important de voir comment eux y gèrent pour s'adapter et comprendre.

  • Speaker #0

    Du coup, ça te fait travailler autrement tes idées et tes prototypes ?

  • Speaker #1

    Oui, alors je pense que c'est peut-être un peu à l'excès de mon côté, parce que j'ai tendance à avoir une vision éditoriale des protos que je crée. Et souvent mes co-auteurs me disent mais arrête ! Arrête de faire ton éditeur, on se posera la question du matériel et du coût un peu plus tard. Parce qu'en effet, maintenant quand je crée un proto, je calcule assez rapidement dans ma tête le devis et combien ça va coûter, et quel format ça pourrait prendre, et ça impacte la manière dont je travaille.

  • Speaker #0

    Ça peut freiner l'imaginaire peut-être pour le coup.

  • Speaker #1

    Exactement. Je pense que le risque c'est d'être trop contraint par le cadre du jeu de société actuel et du marché. C'est pour ça que c'est important aussi, moi je travaille que avec des co-auteurs maintenant, parce que ça permet de rebondir et de s'ouvrir un petit peu l'esprit.

  • Speaker #0

    Donc tu as travaillé avec Romaric, tu disais tout à l'heure, Romaric Gallonnier, Florian Siriex, Alexis Allard, Jean Loubi,

  • Speaker #1

    Juan Dufour,

  • Speaker #0

    Juan Dufour, Juan ou Juan ? Juan Dufour. Donc aujourd'hui, pour toi, c'est important. Justement, tu disais, tu es dans le Malte aussi. Donc forcément, on se rencontre beaucoup. Donc ça donne des idées aussi de travailler ensemble. Tu préfères finalement travailler en solo ou avec du monde ?

  • Speaker #1

    Avec du monde. Au début, je ne comprenais pas. Ça m'était complètement étranger, le co-auteurat. Et je ne me sentais pas capable de... De lâcher la paternité de mon œuvre, de dire mais non, je ne peux pas travailler avec quelqu'un sur quelque chose que j'ai créé moi, c'est absurde, ça n'a aucun sens Et en fait, je me rends compte, avec l'expérience, qu'au contraire, c'est extrêmement enrichissant, ça permet d'aller beaucoup plus vite, d'ouvrir davantage de possibles, et c'est beaucoup plus excitant de travailler à deux que de travailler tout seul. Auteur, c'est un travail un peu ingrat, on est souvent dans son coin. Et l'avantage de travailler à deux, c'est que justement, on arrive à échanger, on arrive à rebondir sur les idées, à faire le tri et à faire... Une sorte de pré-travail éditorial en disant non mais là ton idée est vraiment trop naze, laisse tomber, faisons plutôt ça et confronter les idées sur ce que doit être le jeu. Alors ça implique de s'entendre correctement avec ses co-auteurs, ça implique d'avoir une même temporalité aussi parce que c'est pas juste important de s'entendre humainement. Je m'entends très bien avec plein d'auteurs et d'autrices. dans le monde du jeu, mais je ne pourrais pas travailler avec tout le monde. Parce que la manière de créer, elle est quand même particulière. Il faut que le binôme fonctionne en dehors des affinités humaines.

  • Speaker #0

    Oui, il faut que la méthode de travail corresponde et peut-être aussi l'organisation.

  • Speaker #1

    En fait, en fonction des co-auteurs, je ne travaille pas du tout de la même manière. Alexis Allard, avec qui j'ai bossé sur Welcome, lui, c'est quelqu'un d'extrêmement rigoureux. de très ordonné, de très calé, de très pointilleux. Et donc c'est lui qui vient derrière moi pour dire Attends Benoît, calme-toi, faisons ça comme ça, on va tester, on va tout mettre à plat. Alors que quand je travaille avec Florian Serreix, lui c'est un chien fou. Donc c'est plutôt à moi de lui dire Attends, attends.

  • Speaker #0

    Là, tu as un rôle plus...

  • Speaker #1

    Tu dis toutes tes idées, on va en prendre une parmi les 500. Et du coup, je n'ai pas du tout la même relation professionnelle sur ça. Mais c'est aussi chouette de travailler avec l'un ou avec l'autre. C'est une autre dynamique de travail.

  • Speaker #0

    Oui, c'est intéressant parce que ça demande de l'adaptation.

  • Speaker #1

    Oui, mais c'est très plaisant. OK,

  • Speaker #0

    on va revenir sur Welcome parce que tu as travaillé aussi sur l'édition Collector. Du coup, tu as travaillé aussi en tant que chef de projet pour le coup.

  • Speaker #1

    Oui, tout à fait. Là, l'édition Collector, c'est... C'est clairement mon projet pour le plaisir. Ça fait des années qu'on se dit qu'il faut réécrire les règles au propre, parce que à la date de 2018, on était jeunes, naïfs, et pas assez au point. Et en fait, on s'est rendu compte avec l'expérience qu'il y a des choses qui n'étaient pas assez claires. Il y avait de l'équilibrage qui ne fonctionnait pas parfaitement. Donc on s'est dit, réécrivons les règles. Puis oui, mais si on réécrit les règles, on pourrait peut-être changer l'équilibrage sur cette carte, parce que c'est quand même dommage. Et puis, cette icône-là... En fait, on s'est rendu compte que la barrière, l'icône intérimaire, où il y a aussi une barrière, en fait, les gens, quand on dit barrière, ils ne savent pas laquelle des deux c'est. Donc peut-être que l'icône, ce n'est pas le bon. Et à partir de cela, on se dit, si on changeait ça, et si on changeait ça ? Mais ça serait bien de mettre dans la boîte aussi les extensions directement. Et du coup, si on faisait une édition collector, finalement.

  • Speaker #0

    Bah ouais, avec du bonus.

  • Speaker #1

    Et du coup, quand on s'est dit, on va faire une édition big box, une édition collector, on s'est dit, bah... Oui mais ça serait dommage de mettre juste tout ce qu'on a fait, ça serait bien de mettre un petit peu plus quand même pour être sympa avec les gens. Et donc avec Alexis on a créé une nouvelle extension, on a rethématisé une autre parce qu'on n'avait plus les droits sur la petite mort, on ne l'avait pas à l'international de toute manière. pour l'extension La Petite Mort.

  • Speaker #0

    D'accord. T'as fait avec François Bachelard ?

  • Speaker #1

    Oui, alors on avait fait une extension crossover avec le jeu La Petite Mort de François, il y a quelques années, où l'extension pouvait se jouer avec Welcome et avec La Petite Mort. Donc c'était marrant, c'était amusé, parce qu'on s'entend bien avec Lumberjack, mais c'était que pour le marché français. D'accord. Et du coup, c'était dommage, parce que c'est une version que moi j'adore, je pense que c'est ma version préférée de Welcome, mais que... Assez peu de monde finalement avait pu jouer, donc là c'était l'occasion de la fournir au monde entier. Elle est rethématisée le 4 juillet aux Etats-Unis, c'est la fête avec les drapeaux américains. C'est aussi l'occasion de se faire plaisir et donc nous on avait toujours rêvé avec Alexis d'avoir Welcome aussi illustré par d'autres personnes. Et on s'est dit, si on demandait à des illustrateurs et des illustratrices de refaire la feuille de Welcome, qu'est-ce qu'eux feraient ?

  • Speaker #0

    Carte blanche ?

  • Speaker #1

    Oui, et l'idée, on remercie encore Alain, notre éditeur, de nous avoir laissé carte blanche pour tout gérer. On a fait de la liste très simplement des illustrateurs et des illustratrices qu'on aurait aimé avoir sur Welcome. Et on leur a demandé, est-ce que ça vous dit d'avoir carte blanche et de refaire une feuille de Welcome ? que des réponses positives et du coup ils ont fait ce qu'ils voulaient en respectant le cadre de Wellcome bien sûr mais avec des thèmes qu'ils souhaitaient, les graphismes qu'ils souhaitaient donc c'est super d'avoir ce petit cadeau.

  • Speaker #0

    Donc on a qui, rappelle-moi ? Mochalmel,

  • Speaker #1

    il y a Vincent Dutré, il y a Christine Alcouf, il y a Bess Sobel, il y a Weberson Santiago et il y a Ryan Goldsberry.

  • Speaker #0

    Et donc tout le monde a tout de suite accepté la proposition ?

  • Speaker #1

    Ouais c'est trop chouette. Du coup... C'est mon cadeau à moi. Je suis content que les gens aient envie d'y jouer, ils ont envie d'avoir cet objet parce qu'on a passé du temps. Et Anna, l'illustratrice, a tout retravaillé, a refait la couve, a refait les illustrations. C'est un chouette projet.

  • Speaker #0

    Ça fait plaisir de se faire plaisir.

  • Speaker #1

    Exactement. Et on a la chance, avec Welcome, d'avoir un jeu qui a fonctionné suffisamment bien pour se permettre cette édition collector, qui a un intérêt du public. C'est un peu le rêve.

  • Speaker #0

    Est-ce que, j'imagine que tu sais, le chiffre de vente de Welcome dans toutes ces années,

  • Speaker #1

    Alors, welcome... On est autour d'un peu plus de 400 000 pour toute la gamme. Welcome Vegas et Welcome to the Moon. Welcome tout seul, on doit être à 270 000,

  • Speaker #0

    je crois. Ok. Et là, l'édition collector, elle est bien partie, tu sais ?

  • Speaker #1

    Alors là, l'édition collector, elle est sortie qu'en France et en Espagne pour l'instant et en Chine. Et elle va sortir cette année. En Allemagne, aux États-Unis, en Angleterre. C'est un one-shot. Le but, ce n'est pas de faire remplacer la boîte de base par ça, mais ça correspond à peu près à nos attentes. Ça va faire quelques dizaines de milliers de boîtes pour les fans.

  • Speaker #0

    C'est grâce essentiellement à ce jeu que tu peux vivre de tes droits d'auteur. Et après, ça se complète avec le reste ? Tu pourrais dire ça à peu près en termes de...

  • Speaker #1

    Jusqu'à récemment, on va dire jusqu'à... En 2023, en gros, autour de 90% de mes droits d'auteur venaient de la gamme Welcome.

  • Speaker #0

    Ah oui, d'accord, c'est quand même une grosse part.

  • Speaker #1

    C'est une part non négligeable. Depuis 2023, en 2024, ça sera encore plus le cas. Ça se partage beaucoup plus équitablement avec d'autres jeux qui ont bien fonctionné, notamment la planche des pirates, qui a un gros succès.

  • Speaker #0

    Qui a bénéficié de l'As d'or aussi.

  • Speaker #1

    Qui a bénéficié de la nomination à l'As d'or. et qui là commence à on arrive à plus de 150 000 exemplaires que là aussi ça fait des droits d'auteur supplémentaires pour pouvoir en vivre et donc ça équilibre un petit peu mes finances sans mettre tous les oeufs dans le même panier et c'est vrai que ça je pourrais déjà interviewer ou entendu d'autres auteurs,

  • Speaker #0

    c'est vrai qu'il y a les auteurs qui arrivent à en vivre parce qu'ils ont plein de petits jeux qui se vendent plutôt bien régulièrement et puis t'as ceux qui ont un jeu phare et après quelques-uns alors moi je suis pas tout à fait dans la catégorie des auteurs qui ont

  • Speaker #1

    à un succès. Parce que Welcome, c'est une réussite, mais ce n'est pas ce plan d'or en termes de vente, par exemple. Je ne pourrais pas en vivre éternellement, même si ça m'a permis d'en vivre pendant 4-5 ans. Moi je suis quand même obligé de continuer à sortir des jeux, alors je le fais avec grand plaisir. Mais l'idée en effet c'est de trouver d'autres jeux qui me permettent de continuer à toucher les droits d'auteur. Le souci c'est que les courbes de vente du monde du jeu sont assez claires, c'est-à-dire que tu as 90% des jeux qui vont faire quelques milliers de boîtes, entre 3 et 10 000, donc qui vont rapporter quelques milliers d'euros. Et ça c'est le cas de la quasi-totalité des jeux. Ensuite sur 100% il doit y avoir 9% de jeux qui marchent mieux que ça. un petit peu comme Welcome et qui permettent d'en vivre un petit peu. Et puis, il y a le 1% ou le 0,1% d'énormes cartons qui permettent d'en vivre pendant très longtemps.

  • Speaker #0

    À partir de quel, enfin, après tu vas me dire, ça va dépendre du prix de la boîte, mais à partir de quel nombre de tirages on considère que le jeu, ça y est, il marche bien, ou il est installé, ou il a eu son succès ?

  • Speaker #1

    Un éditeur dirait qu'en dessous de 10 000 boîtes, c'est un échec, parce que tu n'es pas rentré dans tes frais. Et je pense qu'au-delà de 100 000 exemplaires, le jeu a acquis suffisamment de notoriété un petit peu partout pour dire que c'est un vrai succès, que c'est un jeu qui a été reconnu pour ce qu'il a apporté à ce moment-là.

  • Speaker #0

    Oui, et qui a été suffisamment mis en avant, même par les boutiques ludiques.

  • Speaker #1

    Oui, les influenceurs, les reviewers, tout ça.

  • Speaker #0

    Donc là effectivement on arrive un peu sur la casquette de président de la société des auteurs de jeux, sur ce genre de choses qui se négocient pour un auteur quand tu tombes sur un éditeur qui te dit bon moi je vais en faire que 5000 boîtes est-ce qu'il faut dire bon bah non en fait il va pas trop pousser le jeu ou est-ce qu'au contraire ça dépend ? Ça dépend peut-être de plein d'autres choses.

  • Speaker #1

    Ça c'est quelque chose, la quantité du premier tirage, c'est assez difficile à négocier parce que ça dépend très clairement de... Du poids de l'éditeur, de sa capacité à distribuer le jeu en France, à l'étranger, de son distributeur. Donc en général, en signant avec un éditeur, on sait maintenant à peu près... Sa capacité à faire du jeu une sortie importante ou pas. Quand on sort un jeu chez Asmoday, on est assuré d'avoir un premier tirage qui va être autour de 20 ou 30 000 exemplaires. Quand on sort un jeu chez un petit éditeur, ça sera plutôt 3 000 pour le premier tirage. Après, rien n'empêche le jeu de fonctionner derrière et d'avoir plein de retirages. Le premier tirage de Welcome, c'était 3 000 boîtes. On en a fait plein d'autres derrière, mais le tirage initial dépend vraiment de la capacité de base de l'éditeur à pouvoir se projeter. Et ça, on ne peut pas le négocier. On ne peut pas demander à un petit éditeur de sortir 50 000 boîtes. Il ne le fera pas parce que son distributeur lui dira non, tu ne peux pas.

  • Speaker #0

    Et après, c'est peut-être plus intéressant aussi pour un auteur d'être peut-être chez un plus petit éditeur qui va peut-être avoir un jeu ou deux. Et on est sûr qu'il va le pousser. que d'être chez un gros éditeur qui va peut-être avoir 10 jeux,

  • Speaker #1

    10 sorties ça c'est un choix si on a le choix en tant qu'auteur entre plusieurs éditeurs c'est vrai que c'est des questions qu'on peut se poser on a tous envie d'avoir un gros éditeur qui nous édite parce qu'on se dit que ça va être bien mis en avant on aura une immense photo de notre jeu sur le devant du palais des festivals à Cannes mais le risque c'est que ce jeu soit noyé dans la production de cet éditeur là et qu'il ne soit pas poussé alors qu'un petit éditeur avec ses moyens, il va essayer de le mettre en avant le plus possible parce que sa survie financière est en jeu. C'est ça, oui. Donc c'est difficile. En général, on le fait plus par affinité avec un éditeur qu'autre chose. Je ne pense pas qu'il y ait beaucoup d'auteurs qui se disent Non, je veux absolument travailler avec Asmodee ou Ravensburger parce que les petits éditeurs, c'est bon, ça ne m'intéresse pas.

  • Speaker #0

    Un peu prétentieux peut-être aussi.

  • Speaker #1

    Oui, et puis je ne pense pas. Je ne connais pas d'auteur qui fonctionne comme ça. C'est beaucoup d'affect et beaucoup de feeling quand même. Beaucoup d'humains, on passe beaucoup de temps entre avec les éditeurs. C'est des gens qu'on apprend à apprécier beaucoup. Et on n'est pas dans une démarche uniquement commerciale où on va donner un projet et puis on ne les revoit jamais et ils se débrouillent. Ça joue peut-être un petit peu dans la tête, mais assez peu, je pense.

  • Speaker #0

    Alors, qu'est-ce qu'on doit négocier, justement, quand on est auteur et qu'on va signer son premier contrat ? On peut peut-être hésiter entre des éditeurs, justement. À quoi il faut faire attention et être exigeant ? Est-ce qu'on peut être exigeant, d'ailleurs ? Parce qu'on a le choix aussi.

  • Speaker #1

    Il faut être exigeant. Il faut négocier. Malheureusement, beaucoup trop d'auteurs et d'autrices estiment que quand un éditeur lui propose un contrat, il lui fait une faveur. Ah merci, tu m'as dit, mais c'est trop gentil, c'est génial, quel cadeau. Mais en fait, ce n'est pas un cadeau, c'est un partenariat qui se noue entre deux personnes égales. Et donc ce partenariat, il se négocie, et ce n'est pas un gros mot de négocier. Et même si naturellement, les éditeurs sont la partie forte du contrat, parce que c'est eux qui tiennent les cordons de la bourse. En tout cas, ils le disent, même si en vrai, c'est les distributeurs qui ont la bourse. Derrière, il faut oser négocier et il faut oser dire les choses à la fois pour avoir de meilleures conditions et aussi avoir des conditions qui nous satisfont personnellement. Par exemple, avoir son nom sur la couverture de la boîte, c'est quelque chose qu'on peut mettre dans le contrat. Avoir la possibilité de récupérer les droits si jamais l'éditeur ne fait pas le jeu, c'est bien que ce soit écrit dans le contrat, parce que si ce n'est pas écrit, il va falloir discuter. En fait, un contrat, il est là pour régler les problèmes. Quand il y a un problème ? Alors c'est facile de dire oui, mais on s'entend, on n'a pas besoin de contrat, on va gérer. Sauf que le jour où il y a une difficulté, s'il n'y a pas de contrat, s'il n'y a pas l'article qui correspond à la difficulté en question, eh bien on ne sait pas quoi faire et personne n'a envie de se retrouver au tribunal pour essayer de gérer indifférent. Donc déjà, la première chose, c'est d'abord de négocier. Surtout en fait, il faut lire le contrat, il faut faire attention aux clauses qui peuvent être abusives. Il faut aussi essayer de demander une juste rémunération de son travail. Parce que chacun va essayer de mettre de son côté les avantages financiers. C'est normal, un éditeur va chercher à gagner de l'argent le plus possible, un auteur aussi, et c'est normal. L'idée c'est de trouver un compromis. On peut fonctionner comme Mathieu Despnoux qui me dit régulièrement moi, si un auteur ne me demande rien, je ne lui donne rien. S'il me demande, il n'y a pas de souci, je lui file. Mais tant qu'il ne me demande pas, je ne lui donne pas. Je ne suis pas tout à fait d'accord avec la démarche, mais il y a une raison derrière ça. C'est normal, en fait, c'est normal. Un contrat, ça se négocie, on discute des termes exacts, qu'est-ce que chacun veut dans cette relation.

  • Speaker #0

    Et ça revient à ce que tu disais au départ, ce n'est pas forcément une faveur, c'est qu'il faut oser demander les choses pour que ça soit clair.

  • Speaker #1

    Les éditeurs, ils ne font pas ça pour nous faire plaisir, ils font ça pour gagner de l'argent. Et nous, on fait des jeux aussi pour gagner de l'argent. Et c'est normal que tout le monde soit justement rémunéré. C'est pour ça que... On insiste notamment pour qu'il y ait des pourcentages progressifs, voire qu'il y ait une clause de succès. Si ton jeu fonctionne très bien, peut-être qu'au-delà de 100 000 ou 200 000 ou 500 000 exemplaires, ton pourcentage est très élevé parce que l'éditeur s'est largement rentré dans ses frais. C'est normal que toi aussi tu touches un bénéfice plus important sur le jeu.

  • Speaker #0

    Le pourcentage de droits d'auteur, il se négocie comment ? au nombre de boîtes qui sont prévues d'être éditées ?

  • Speaker #1

    Non, parce qu'on ne sait jamais combien il va y en avoir.

  • Speaker #0

    On ne sait pas la base ?

  • Speaker #1

    On sait que le premier tirage sera de 3 000 ou de 5 000, parce que c'est écrit dans le contrat. Mais tout le monde espère qu'il y aura un deuxième tirage ou qu'il y aura de l'export qui va faire augmenter le nombre de boîtes. Et donc nos contrats nous disent souvent... Alors aujourd'hui, c'est soit basé sur le chiffre d'affaires... brut de l'éditeur, soit basé sur le prix public hors taxe. Et dans un monde idéal, il y a des paliers, tous les 10 000, 50 000 boîtes où le montant, le pourcentage de droits d'auteur augmente.

  • Speaker #0

    D'accord, donc c'est quoi un pourcentage qui est acceptable ?

  • Speaker #1

    Il faut savoir que les auteurs de jeux sont très mal payés, même si mes amis éditeurs ne sont pas d'accord. Dans le monde de l'édition du livre, grosso modo, les auteurs touchent 8% du prix public hors taxe. Entre 8 et 10%. Les auteurs de jeux, eux, ils touchent entre 8 et 10% du CA de l'éditeur, ce qui correspond plutôt à 3 ou 4% du prix public hors-taxe.

  • Speaker #0

    D'accord, presque moitié moins.

  • Speaker #1

    Presque moitié moins. Alors, il y a plein de raisons à ça. Il n'y a pas que des bonnes raisons. Mais aujourd'hui, on considère que la norme dans le monde du jeu, c'est 8% du chiffre d'affaires de l'éditeur, correspond à un contrat qui est dans la norme. Honorable. Bien sûr, on peut demander plus, on peut demander un progressif. Nous, à la Sage, on déconseille de signer un contrat en dessous de 8% et on interdit poliment à tout le monde de signer des contrats en dessous de 6% parce que là, c'est de l'exploitation. Et même légalement, on peut se poser la question de la légalité d'un contrat aussi faible. Il y a eu des procès dans le monde du livre sur des pourcentages trop faibles que les auteurs ont gagnés. Et on pourrait se poser cette question-là, mais personne ne veut faire de procès sur ça. Après, il est normal de rétribuer les auteurs correctement. Il est normal que les éditeurs puissent en vivre aussi. Donc, on essaye de faire monter petit à petit les pourcentages et aussi les avances pour pouvoir vivre. Comme si on signe un jeu, les jeux que je vais signer à Cannes cette année, s'ils sortent en 2025, c'est bien. Et si ils sortent en 2025, ça veut dire que je touche les sous en 2026.

  • Speaker #0

    C'est six mois, un an après ?

  • Speaker #1

    La plupart des droits d'auteur sont payés tous les six ou douze mois. Donc un éditeur qui paye tous les ans. Si mon jeu sort à Cannes en 2024, je vais toucher les sous en janvier ou février 2025. Pour un jeu que j'aurais fait quatre ans avant. Donc si moi j'essaye d'en vivre, si je n'ai pas une avance qui me permet d'avoir un afflux financier régulier qui me permet de travailler, c'est compliqué. C'est pour ça aussi qu'on milite pour que dans le contrat, la rémunération soit plutôt trimestrielle que semestrielle ou annuelle. Tout simplement parce que si un éditeur est capable de payer ses factures à 60 jours ou 30 jours fin du mois à tous ses fournisseurs, il devrait être capable de payer à un auteur trimestriellement.

  • Speaker #0

    Puis assurer un peu de sécurité.

  • Speaker #1

    Voilà, moi, très clairement, si j'ai réussi à vivre financièrement ces dernières années, c'est parce que Blue Cocker paye par trimestre. Et donc, ça m'assurait un revenu suffisamment régulier dans l'année pour pouvoir me permettre de vivre et de payer mes factures, mes prêts, etc.

  • Speaker #0

    Et les avances, c'est aussi un pourcentage des futures ventes estimées ou comment ça se négocie ?

  • Speaker #1

    Ce qui se fait aujourd'hui, en général, c'est... Une avance entre 1000 et 2000 euros, quel que soit le jeu. Alors il y a des éditeurs qui sont un peu plus généreux que d'autres. On a vu des avances plus élevées autour de 3000 ou 5000 euros. Mais malheureusement, ce n'est pas des avances suffisantes pour permettre aux auteurs de jeux d'en vivre. Dans la littérature, en général, ça ne fonctionne pas tout à fait de la même manière. L'auteur présente une idée, un pitch, un début de manuscrit. Et ensuite, il touche une avance qui lui permet de vivre pendant la rédaction de son oeuvre. Dans le monde du jeu, nous on arrive avec l'oeuvre. finie entre guillemets, qui mérite d'être travaillée éditorialement, mais on arrive déjà avec le prototype final. Du coup l'avance, elle est censée officiellement nous permettre de vivre de notre travail, mais en fait notre travail il est déjà fait. Donc c'est un peu compliqué, la temporalité n'est pas tout à fait la même. Et de toute façon les montants ne sont pas du tout suffisants pour nous permettre de vivre juste avec des avances.

  • Speaker #0

    Bah oui, pour le coup 1000 euros, c'est un jeu tous les six mois,

  • Speaker #1

    ça va être compliqué. Voilà c'est ça.

  • Speaker #0

    C'est bien de rappeler peut-être que sur le site de la SAGE, il y a des contrats type. Ça, c'est quelque chose que vous avez travaillé avec des juristes ?

  • Speaker #1

    Oui, en fait, les éditeurs ont édité un livre blanc des contrats pour leurs adhérents, pour montrer comment il fallait rédiger un contrat, parce que le monde du jeu se professionnalise tout doucement. Il y a quelques années, les contrats, c'était un peu ridicule. Il y a encore des contrats qui tiennent sur une feuille A4. Et forcément c'est problématique légalement et il y a plein de choses qui sont oubliées. Donc la OEJ a fait un beau travail pour les éditeurs de montrer ce qu'il fallait exactement dans un contrat. Bien sûr tous les articles ne nous conviennent pas forcément parce que c'est une vision d'éditeur. Donc on s'est dit qu'on ne pouvait pas laisser juste une vision d'éditeur comme contrat type parce qu'on a vu leur contrat se diffuser parmi nos amis éditeurs. Donc on a travaillé avec un juriste puis avec un avocat pour avoir des articles qui tiennent légalement. qui ne sont pas forcément orientés vis-à-vis des auteurs, mais qui défendent tous les points importants pour les auteurs. Maintenant qu'on l'a sorti, le travail suivant, c'est de travailler avec la WESH pour essayer de faire un contrat type commun, ou au moins avoir une charte de base sur les articles sur lesquels on est foncièrement d'accord et qu'il faut qu'il y ait dans tous les contrats, il y a des choses sur lesquelles on sera...

  • Speaker #0

    Pas d'accord forcément, on ne parle pas des montants, on parle juste de la légalité des différents articles et des clauses. Mais je pense qu'on va réussir parce que la WESH est des gens de bonne volonté. Oui,

  • Speaker #1

    il faut travailler des gens en collaboration sur d'autres projets.

  • Speaker #0

    Oui, on fait plein de choses ensemble, on fait de la médiation ensemble, on a travaillé sur la normalisation du Kickstarter ensemble. Et c'est des partenaires, on n'est pas en opposition avec eux du tout, même si on ne s'entend pas sur tout.

  • Speaker #1

    Et ce qui est bien, c'est qu'il y aura peut-être justement une fois qu'il y aura des contrats types mis d'accord entre les syndicats des auteurs et la syndicat des éditeurs, il y aura une base commune qui ne sera plus nécessaire de négocier.

  • Speaker #0

    C'est un peu le but. Le but, c'est de limiter la négociation. Là, notre contrat type est là pour aider à la négociation des auteurs, pour dire à un auteur, il va arriver à dire moi j'ai un contrat type, on peut le respecter L'éditeur va arriver avec son contrat et à ce moment-là, on peut échanger sur les différentes clauses et on ne se base pas sur rien. C'est pour ça qu'on a fait aussi un guide de négociation. On a fait un contrat type sur tous les points Lego et on a fait un guide de négociation sur tous les points où il faut essayer de négocier pour avoir de meilleurs pourcentages, des dates fixes sur la sortie du jeu.

  • Speaker #1

    Oui, vous voyez qu'on pouvait même négocier, parce que je suis allée le lire. C'est important de négocier le nombre d'exemplaires d'auteurs, par exemple.

  • Speaker #0

    Oui, c'est important. C'est une marque de respect. Moi, ça me rend fou d'entendre mes copains auteurs me dire Là, le jeu est sorti, je vais avoir mes boîtes d'auteurs dans deux semaines. Je trouve que c'est un manque de respect insupportable de l'éditeur qui ne fait pas l'effort de donner les boîtes aux auteurs avant le public. Quelque chose que j'ai du mal à comprendre, surtout en travaillant maintenant pour un éditeur. Je vois bien comment fonctionne la production. Je vois bien comment ça arrive chez le distributeur et je vois très bien comment on peut envoyer du distributeur un carton à l'auteur avant que ça sorte, ou au moins en même temps que ça sorte. Mais bon, ça, c'est des choses sur lesquelles on doit travailler. Ok.

  • Speaker #1

    Alors, tu faisais le parallèle tout à l'heure avec le monde du livre. Là, le gros travail de la SAGE et des autres, d'ailleurs, aussi, syndicats, illustrateurs, les boutiques ludiques, tout le monde, vous fédérez pour défendre surtout l'œuvre de l'esprit. Et donc faire du produit un objet culturel.

  • Speaker #0

    Oui, c'est ça. En fait, ça fait des années, c'est l'objet principal de la SAGE, c'est de faire reconnaître le jeu en tant qu'objet culturel et œuvre de l'esprit. Parce qu'aujourd'hui, officiellement, ça ne l'est pas. On est dans une sorte de zone grise où on est plus ou moins toléré par les pouvoirs publics. Mais il n'y a pas de prise de décision officielle pour signaler que le jeu, c'est une œuvre de l'esprit. On milite depuis des années pour le faire. Nos partenaires des boutiques ludiques, des cafés ludiques, de l'ALF, des illustrateurs, des éditeurs, des festivals, ils font tous aussi cette démarche-là. Et donc l'an dernier, on a décidé de se structurer dans un GIGS, le Groupement Interprofessionnel du Jeu de Société, une sorte de fédération des organisations professionnelles, pour essayer de parler d'une seule voix. auprès des pouvoirs publics et de ne pas arriver vis-à-vis des députés ou des élus ou du ministère comme juste le représentant des auteurs ou juste le représentant des éditeurs avec des intérêts personnels. Et pour dire non, en fait, c'est tout le milieu qui veut une avancée là-dessus parce qu'il y a des intérêts concrets à être reconnus. Et il y a aussi un intérêt symbolique à être reconnu en tant qu'œuvre de l'esprit.

  • Speaker #1

    Alors quels sont justement ces intérêts pour tout le monde finalement, pour tous les acteurs, jusqu'aux consommateurs, aux joueurs on va dire, je préfère le terme joueur.

  • Speaker #0

    Il y a plein de choses sur lesquelles on peut travailler. En fait, comme on n'est pas du tout reconnu, aujourd'hui une entreprise du monde du jeu, elle ne peut pas avoir un code NAF qui est dans son numéro de sirète. qui soit spécifique à son activité. Et du coup, ça l'empêche d'avoir des conventions salariales adaptées à son travail. Les cafés ludiques n'ont pas la possibilité d'avoir un code de l'urbanisme qui soit adapté à leur activité professionnelle. Les auteurs de jeux, jusqu'à janvier, n'avaient pas un code APE d'artiste-auteur et donc ils étaient considérés comme des éditeurs ou... Autre, mais sans jamais être correctement défini, ce qui les exposait à payer des impôts qu'ils ne devaient pas payer en tant qu'artistes auteurs.

  • Speaker #1

    Pourquoi tu dis jusqu'à janvier ?

  • Speaker #0

    Parce qu'en fait on a réussi à faire évoluer notre statut à l'Ursaf. Il y a eu un travail de nomenclature à l'Ursaf artistes-auteurs qui a été fait depuis deux ans. On a participé à ces travaux avec la SAGE. Et on a obtenu que le jeu de société soit dans la nomenclature et que les auteurs de jeux soient dans cette nomenclature. Jusqu'à présent, quand un éditeur payait les cotisations sociales et au patronal, il devait déclarer le produit comme une autre activité. d'écrivain ou activité multimédia ou autre, parce qu'on n'avait pas de case qui correspondait. Et quand nous on demandait à être déclaré en tant qu'auteur de jeu, on nous répondait que l'INSEE nous répondait, mais ça n'existe pas.

  • Speaker #1

    Ok, no man's land.

  • Speaker #0

    Exactement. Donc là, on a obtenu du ministère cette reconnaissance-là pour l'URSSAF, ce qui fait que, comme c'est l'INSEE qui a participé à cette nomenclature, maintenant l'INSEE nous reconnaît en tant qu'auteur de jeu. Donc maintenant, quand on fait une demande de numéro de sirète... Pour artistes auteurs, on peut dire auteurs de jeu et ils nous le donnent. Ce qui nous permet d'être reconnu. Alors, c'est une petite reconnaissance administrative, mais c'est un premier pas vers une sorte de normalisation de la situation. Et en fait, cette reconnaissance administrative, elle nous permet de nous professionnaliser. Aujourd'hui, on fait une consultation à la SAGE tous les 3-4 ans pour avoir une info sur une vision sur le monde ludique côté auteur. Et donc, on va publier la dernière. après-demain, et on s'est rendu compte que notre travail, il sert à quelque chose, parce qu'en 2018, il y avait plus de 50% des auteurs qui ne déclaraient pas leur cotisation sociale, voire... plusieurs dizaines de pourcents qui ne payaient pas d'impôts dessus. Parce que c'est une sorte de zone grise, c'est une sorte de... C'est comme ça, c'est presque cadeau, c'est de l'argent de poche. Et aujourd'hui, on est passé à plus de 80% des auteurs qui payent leurs cotisations sociales, donc qui sont reconnus officiellement auprès des pouvoirs publics en tant qu'artistes-auteurs qui touchent des droits d'auteur. Donc petit à petit, on se structure, on s'organise. Et cette reconnaissance... administrative, c'est le premier pas vers une reconnaissance officielle.

  • Speaker #1

    Ça peut clairement aider. On voit que les choses bougent. C'est lent, mais ça bouge.

  • Speaker #0

    C'est très lent.

  • Speaker #1

    L'année dernière, vous êtes quand même allé voir en collectif justement les députés à l'Assemblée nationale. L'idée, c'était de travailler sur un projet de loi. Tu peux me dire où ça en est, ça ? Parce qu'entre-temps, il s'est passé... Il y a toujours plein de projets de loi prioritaires. Beaucoup trop.

  • Speaker #0

    C'est évident que nous, on n'est pas prioritaire. Mais le projet de loi, il a été rédigé. On l'a rédigé avec les députés. Il y a un groupe de travail multipartite qui travaille dessus. Donc, ce n'est pas juste un groupe parlementaire qui soutient ça.

  • Speaker #1

    Oui, c'est assez consensuel quand même.

  • Speaker #0

    C'est assez consensuel. La plupart des retours qu'on a des élus, c'est Ah bon ? Ce n'est pas reconnu ? Ah bon ? Vous n'existez pas officiellement ? Mais c'est bizarre. Oui, c'est étrange. Faites quelque chose. En fait, la nomination de la nouvelle ministre de la Culture, Mme Dati, fait un petit peu bouger les choses. Parce que le groupe de députés a rendez-vous la semaine prochaine avec la ministre pour discuter du projet de loi, pour essayer d'en faire un projet gouvernemental plutôt qu'un projet des députés. Alors on ne sait pas bien sûr comment ça va se passer, comment va se passer le rendez-vous, mais on espère que la ministre sera à l'écoute. Pour l'instant, elle semble l'être. En tout cas, les choses avancent, pas du tout à la vitesse auquel on aimerait, mais il faut se dire aussi qu'on n'a jamais été aussi près d'une reconnaissance. Une petite idée, il y a quelques années, on avait obtenu d'un élu de faire une question à l'Assemblée nationale sur la situation des jeux de société. On n'avait pas eu de réponse du ministère. Là, il y a une sénatrice qui a posé à peu près la même question l'an dernier. Et on a enfin eu une réponse de la ministre précédente qui avait l'air de dire tout va bien, madame la marquise. En fait, vous êtes déjà reconnue. Ne vous plaignez pas, tout va bien. En plus. La nomenclature de l'Urssaf montre que vous existez, donc c'est super. Donc à la fois elle nous reconnaît, mais elle n'est pas allée assez loin. Mais les députés étaient convaincus que c'était une première étape nécessaire et que ça les justifiait dans la démarche législative. Et donc on espère que c'est quelque chose qui va continuer. C'est quelque chose qui nous tient vraiment à cœur, symboliquement, mais aussi économiquement. Quand on parle du produit culturel, aujourd'hui le jeu de société est subventionné à 0%, alors que la culture en France, c'est une exception culturelle, c'est extrêmement soutenu par les pouvoirs publics. Et aujourd'hui, la quasi-totalité des livres est soutenue par le CNL, les films sont soutenus par le CNC, avec des subventions à 100% des documentaires télé ou cinéma sont financés par les deniers publics totalement. Dans le jeu de société, ça n'existe pas. Ce qui fait qu'aujourd'hui... Un jeu de société, il est forcément un produit culturel, mais un produit. Avant tout parce qu'il faut gagner de l'argent. Il n'y a pas un éditeur qui va se dire on va faire ça parce que c'est une œuvre et que c'est important qu'elle existe On va le faire, mais il faut que ça se vende quand même. Aujourd'hui, on ne peut pas vivre de son art s'il n'y a pas une rentabilité économique. Ce qui n'est pas le cas dans les autres domaines culturels parce qu'il y a un soutien des pouvoirs publics. Si demain on est reconnu comme un objet culturel de la même manière que le livre, la musique, le théâtre ou le cinéma, ça nous permet aussi d'avoir accès à des financements publics pour des œuvres qui peuvent être plus engagées, des œuvres qui peuvent apporter un autre message que juste s'amuser autour de la table, ce qui est important, ce qui est une des valeurs fondamentales du jeu de société, mais on peut faire autre chose. Mais on peut faire autre chose si les pouvoirs publics nous aident aussi à le faire.

  • Speaker #1

    Après, c'est vrai qu'il y a déjà quand même des valeurs très pédagogiques, quand même déjà dans le jeu de société, qui ne sont plus approuvées. Et puis même aussi culturellement, il y a déjà des choses autour des jeux historiques qui font des reconstitutions d'une bataille ou autre. Il y a déjà quand même des choses...

  • Speaker #0

    Oui, je pense qu'il n'y a pas de doute. En tout cas, dans le milieu, il n'y a pas de doute sur la nature culturelle de notre travail. Et il y a plein d'arguments en faveur de ça. Le souci, c'est que tant qu'on n'a pas cette reconnaissance officielle, En fait, on est exclu de tout le fonctionnement de la culture en France. Un exemple très simple, c'est le pass culture. Le pass culture, on peut acheter avec ce pass culture pour les jeunes, des places de ciné, des livres, des CD, des DVD, ce qu'on veut, mais on ne peut pas acheter de jeux de société.

  • Speaker #1

    Mais ils peuvent acheter des jeux vidéo.

  • Speaker #0

    Ils peuvent acheter des jeux vidéo, parce qu'eux, ils ont réussi à obtenir du ministère le soutien du CNC, qui est devenu le centre national du cinéma et de l'image animée, pour soutenir le jeu vidéo. Donc eux, ils sont rentrés dans le système, et nous pas. Donc on ne peut pas soutenir la création avec ce Passe Culture. Et quand on en a parlé au directeur du Passe Culture, il nous a dit Ah bon ? Vous n'êtes pas dedans ? Alors que lui, c'est un fan de jeux de société.

  • Speaker #1

    Alors j'allais dire, tu en as trouvé des députés et des sénateurs joueurs.

  • Speaker #0

    Oui, il y en a plein. Mais la plupart se disent Ah bon ? Mais c'est bizarre que vous ne soyez pas reconnus. C'est un peu frustrant, mais ça va dans le bon sens.

  • Speaker #1

    Ok, donc là, pour conclure, parce qu'il va falloir qu'on termine, on en est où et quels sont les prochains combats, enfin les prochaines, on va dire, échéances ?

  • Speaker #0

    La prochaine échéance, c'est justement ce pass culture qui devient problématique parce que maintenant il y a une partie collective qui finance tous les projets culturels scolaires et en étant exclu de ce pass culture, on ne peut plus faire d'intervention dans les écoles et dans les collèges et les lycées parce que les financements sont réservés aux œuvres culturelles bénéficiant de ce pass culture. Donc tous les ateliers qu'on pouvait faire, on ne peut plus les faire. Et bientôt pour les ludothèques et bibliothèques non plus. Ah oui,

  • Speaker #1

    d'accord.

  • Speaker #0

    Donc à force de s'organiser autour de ce Passe Culture, on va finir pas totalement exclus. Donc là, on est en train de préparer un dossier pour le conseil d'administration du Passe Culture pour faire valider l'entrée du jeu de société, ce qui ne devrait pas poser de problème en soi, mais qui demande un peu de travail. On continue à travailler sur le projet de loi et on continue à échanger aussi avec d'autres acteurs pour pouvoir... notamment intégrer peut-être le CNL, le Centre National du Livre, de la même manière que le jeu vidéo a intégré le CNC. On échange aussi avec la SOFIA, qui est l'équivalent de la SACEM pour le livre, qui permet de gérer les droits communs, les droits publics, parce qu'aujourd'hui, quand on emprunte des jeux, quand il y a des sociétés qui font de la location de jeux de société, En fait, c'est encore une zone grise. Il n'y a pas de rémunération d'auteur, pas de rémunération d'éditeur sur des jeux qui sont censés être à usage privé, mais qui sont utilisés de manière publique dans la musique. La SACEM récupère des droits, dans le livre, la Société récupère des droits. Oui,

  • Speaker #1

    une médiathèque qui veut diffuser un film, elle doit faire une demande, effectivement.

  • Speaker #0

    Exactement. Et donc, du coup, là aussi, il n'y a pas de rémunération, il n'y a pas de reconnaissance. Et ça fait partie des choses sur lesquelles on travaille.

  • Speaker #1

    On voit qu'il y a énormément d'enjeux, effectivement, derrière tout ça. Beaucoup de travail. Beaucoup de travail. Donc ça continue. Et tu es président depuis combien d'années ?

  • Speaker #0

    Ça fait trois ans.

  • Speaker #1

    Trois ans.

  • Speaker #0

    Et j'arrête. Tu passes la main au Festival de Cannes ? Je passe la main au Festival de Cannes. Je vais continuer à suivre certains dossiers. Mais trois ans, c'est bien. Ça m'a occupé de nombreuses heures. Et j'aimerais bien aussi faire des jeux.

  • Speaker #1

    C'est un vrai sacerdoce aussi.

  • Speaker #0

    Oui, mais c'est très important. Donc ça m'a fait plaisir de le faire.

  • Speaker #1

    Bon bah écoute pour l'instant on ne peut pas dire qui sera le prochain parce qu'on ne sait pas, je crois que c'est dans deux jours C'est dans deux jours,

  • Speaker #0

    oui

  • Speaker #1

    Bah écoute, merci beaucoup pour toutes ces questions, j'en ai encore plein mais je crois qu'il faut qu'on arrête, mais ça donnera l'occasion de se revoir sur les avancées ou peut-être le prochain président Depuis cette interview deux auteurs se partagent la présidence de l'Assage, il s'agit de Jules Messot qui a remporté l'Asdor 2023 avec Acropolis et Olivier Mailly auteurs notamment de Dexterity Jane et Connecto. Je te propose qu'on termine notre podcast par le petit portrait chinois ludique donc c'est trois questions si tu étais une mécanique de jeu laquelle serais-tu ?

  • Speaker #0

    Je serais une pose d'ouvrier c'est quelque chose que j'aime beaucoup en tant que joueur que je ne sais pas faire en tant qu'auteur mais que j'aime beaucoup J'aurais cru que tu aurais dit Roll and Write mais c'est pas tout à fait une mécanique de jeu c'est plus une ergonomie bien sûr j'aurais dit Roll and Write si ça avait été une mécanique mais en fait L'ergonomie de jeu à cocher permet de faire un peu ce qu'on veut. C'est pour ça que c'est assez excitant de travailler sur ce médium-là, mais ce n'est pas tout à fait une mécanique de jeu. Ok,

  • Speaker #1

    merci pour la précision. Si tu étais un mode de jeu plutôt compétitif, plutôt coopératif, solo ?

  • Speaker #0

    Alors, pas solo du tout, plutôt compétitif. Je ne sais pas gagner un jeu, mais ça ne me dérange pas de perdre, donc ça va.

  • Speaker #1

    Ok. Et si tu étais un illustrateur de jeux de société ?

  • Speaker #0

    Je serais Vincent Dutré. Ok. Parce que je suis très fan. Très J'aimerais bien être capable d'être aussi fort que lui.

  • Speaker #1

    Ça a dû être aussi vraiment sympa pour toi de le faire travailler sur Welcome To ?

  • Speaker #0

    J'ai eu le plaisir de le faire travailler sur Welcome Collector. J'ai fait un jeu qui s'appelle The Art Project, qui est illustré par lui. J'ai un autre jeu qui sort en septembre, illustré par lui, qui s'appelle Umbrella.

  • Speaker #1

    Ok, ça enchaîne. Donc c'est trop chouette. Ok, c'est vrai qu'on n'a pas parlé de tes projets. Tu m'en dis deux mots quand même. Sur l'année 2024 ?

  • Speaker #0

    Oui, j'ai quatre jeux qui sortent. J'ai donc Umbrella avec Flavien Dauphin chez Lumberjack qui sort, qui est un jeu un peu de type Azul. J'ai un jeu qui s'appelle Onyx chez Blue Cocker avec Florian Siriax, illustré par Henri Kermarek, qui est un petit jeu de cartes dans l'esprit Skyjo, Mind Up et tout ça, un petit jeu de cartes facilement accessible. J'ai un jeu à coucher encore chez Disto Studio avec Anthony Perron, qui va sortir en septembre, mais qui a une ergonomie assez chouette, qui sera un objet assez excitant à manipuler. Et j'ai un jeu abstrait à deux qui s'appelle Mystria, qui va sortir chez Débac le jeu avec Florian Siriex, illustré par Jérémy Fleury, qui sort là aussi en septembre et on est en train de finir les illustrations.

  • Speaker #1

    Ok, beaucoup de projets avec Florian Siriex.

  • Speaker #0

    Oui, on travaille bien ensemble, clairement.

  • Speaker #1

    Bon bah écoute, on va suivre ça avec attention. Et pour finir, quelle serait une proposition de quelqu'un dans le monde du jeu qui pourrait passer à mon micro ?

  • Speaker #0

    C'est une bonne question. Ça serait bien d'interviewer des chefs de projet parce qu'il faut une sorte de travail de l'ombre. On connaît le nom des éditeurs, les patrons. Mathieu Depnoux, Emmanuel Beltrando, Alain Ballet, machin, mais on ne connaît pas forcément le travail des petites mains qui sont en contact avec les auteurs au quotidien. J'en connais chez Blue Cocker parce que c'est mes amis aussi. Mais voilà, un chef de projet chez un éditeur parce qu'ils ont un impact assez fort sur le devenir du jeu.

  • Speaker #1

    Ok, donc donne-moi un nom de chez Blue Cocker.

  • Speaker #0

    Vianney Van Lemputen ou Xavier Avel.

  • Speaker #1

    Ok, écoute, je vais essayer de prendre contact. Je te remercie. Je te propose qu'on termine le podcast comme on termine à chaque fois les vidéos et le podcast, avec la phrase habituelle. Donc, je vais dire, au jeu de Benoît Turpin, tu joues quoi ? Et le tu joues quoi, on le fait ensemble. Alors, au jeu de Benoît Turpin, tu joues quoi ? J'espère que cette interview de Benoît Turpin vous a intéressé. Si c'est le cas, je vous invite à la partager et à donner votre avis sur les réseaux sociaux de Tu Joues Quoi. Je remercie tout particulièrement Anthony Piquet pour sa fidélité et son soutien. Je vous donne rendez-vous donc un jour avec une nouvelle interview. Je serai avec la talentueuse illustratrice Camille Chaussy. En attendant, jouez bien !

Description

Benoit Turpin est l'auteur de la série de jeux Welcome, qui a remis en 2018 les jeux à cocher à la mode.


Il a également imaginé Myriades avec Romaric Gallonier, La planches des pirates, The Art Project ou encore le Jeu du doigt avec Florien Sirieix.


Benoit Turpin a également été président de la Société des Auteurs de Jeux jusqu’en février dernier.


La SAJ défend notamment le statut d’auteur et la reconnaissance culturelle du jeu de société.


https://www.facebook.com/benoit.turpin

https://societedesauteursdejeux.fr/

https://bluecocker.com/


Chaîne YouTube : https://www.youtube.com/@TUJOUESOUQUOI

Podcast : https://podcast.ausha.co/tujouesouquoi


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour, c'est Stéphanie. Bienvenue sur le podcast Tu joues ou quoi ? dédié à l'univers du jeu de société. Suivez-moi, je vous emmène dans les coulisses à la rencontre des acteurs de ce monde très créatif. Je reçois cette semaine Benoît Turpin, auteur de la série des jeux Welcome qui a remis en 2018 les jeux à cocher à la mode. Il a également imaginé Myriade avec Romary Gallonnier, La planche des pirates, The Art Project ou encore Le jeu du doigt avec Florian Cyriex. L'ancien prof d'histoire est aujourd'hui auteur de jeu à plein temps. Benoît Turpin a également été président de la Société des auteurs de jeux jusqu'en février dernier. La Sage défend notamment le statut d'auteur et la reconnaissance culturelle du jeu de société. Nous avons pu évoquer ces différents sujets lors du Festival des Jeux de Cannes. Bonjour Benoît, merci d'être présent sur le podcast.

  • Speaker #1

    Bonjour, merci de m'accueillir.

  • Speaker #0

    Écoute, ça fait plaisir de te rencontrer en chair et en os. Je te laisse démarrer pour me dire comment tu as envie de te présenter. Bonne question.

  • Speaker #1

    C'est une très bonne question. Aujourd'hui, je me présenterai comme auteur de jeu professionnel à temps plein, qui porte plein d'autres casquettes parce que j'aime bien tout faire. Mais ça fait plaisir de pouvoir se définir comme auteur de jeu à part entière.

  • Speaker #0

    Voilà, parce qu'effectivement, c'est ton métier aujourd'hui à plein temps.

  • Speaker #1

    Oui, ça fait cinq ans que je me suis arrêté. J'étais enseignant à la base. J'ai eu l'opportunité de m'arrêter grâce au succès de mon deuxième jeu, Welcome. Et ça fait cinq ans, je touche du bois pour que ça continue. J'arrive à me financer ma carrière et ma vie grâce aux droits d'auteur.

  • Speaker #0

    Tu démarres sur Welcome, forcément les gens te connaissent plus pour ce titre. Comment ça a démarré l'histoire de Welcome ? Je sais que c'était par rapport à une proposition de Blue Cocker, un premier jeu que tu avais fait qui était trop compliqué.

  • Speaker #1

    Oui c'est ça, on était en train de travailler sur un jeu très compliqué, de jeu où on devait jouer avec son partenaire, un jeu en équipe mais pas vraiment, et qui demandait plein de matériel, au bout d'un moment on avait des éventails chacun, c'était un peu compliqué. Et Alain, mon éditeur, râlait beaucoup à l'époque que je rajoutais à chaque fois du matériel, que ça coûtait cher, parce que tout coûte cher pour un éditeur. Une journée, j'ai repris un vieux proto qui ne fonctionnait pas. J'ai essayé de le changer pour embêter Alain et dire, regarde, là j'ai un petit jeu, il y a juste 3D et une feuille de papier. Est-ce que là, ça suffit comme réduction de matériel ?

  • Speaker #0

    Oui, effectivement. C'était épuré, comme on dit.

  • Speaker #1

    C'est ça. Mais alors après, ce n'était pas juste une blague, c'était... Il se trouvait que ma solution ergonomique et matérielle aux problèmes que j'avais sur le proto faisait qu'il n'y avait plus de matériel. Et donc, c'était l'occasion de faire la blague et d'embêter Alain sur ça. Mais ce n'était pas vraiment le but initial. Ce n'était pas juste d'embêter l'éditeur.

  • Speaker #0

    Oui, mais alors du coup, cette idée de dés et de cartes, ça a été un petit peu précurseur quand même. C'est devenu une tendance grâce un peu à Welcome. Tu le verrais comme ça ou ?

  • Speaker #1

    Oui, alors en fait, les jeux à cocher, les Roll'n'Ride, ça existe depuis le Yams. Oui, le Yams,

  • Speaker #0

    voilà. Mais on va dire qu'il n'y a pas eu grand-chose depuis le Yams.

  • Speaker #1

    En fait, ça a été modernisé à l'époque de... De Quix et de Roll Through The Ages, c'est 2008-2010 à peu près. Et si on regarde BGG, on a l'impression qu'il y a une vingtaine ou une trentaine de jeux à cocher qui sont sortis avant 2018. Et en 2018, il y a eu Welcome et Tréfuté qui sont sortis et qui ont eu un gros succès tous les deux. Et à partir de 2018, si on regarde maintenant sur BGG les jeux à cocher, on est plutôt autour de 900. Il y a une vague qui est arrivée parce que je pense que les deux jeux ont montré qu'on pouvait faire des jeux à cocher autrement que juste une petite grille avec quelque chose d'ultra simple et très accessible qu'on pouvait proposer une vraie expérience ludique avec un jeu à cocher et ça a ouvert en fait des portes dans la tête des auteurs pour se dire on a le droit de faire ça.

  • Speaker #0

    Oui c'est ça, ça a ouvert des possibles.

  • Speaker #1

    Oui complètement, c'est un peu le système du monde ludique aujourd'hui. Il y a quelques années on nous disait, quand j'ai commencé, il ne faut pas faire de jeu de joueurs, il n'y a pas de viralité donc ça ne marchera jamais. Il y en a un qui a fonctionné, Seven Wonders Duel, et du coup tous les auteurs se sont mis à faire ça et les éditeurs se sont rendus compte que ça se vendait donc ils sont à la recherche de ça. Du coup maintenant il y en a trop, un petit peu comme les jeux à cocher depuis quelques années. Mais c'est bien, ça permet de donner des possibilités nouvelles aux auteurs, de réfléchir à des expériences.

  • Speaker #0

    Oui c'est ça, comme tu dis, ça ouvre des possibles. Et puis pareil, le jeu solo qui a explosé grâce à ce genre de type de jeu aussi. Tout à fait. Donc là on est déjà sur ton deuxième jeu, Welcome to, c'était ton deuxième jeu. Mais t'as donc démarré comment ?

  • Speaker #1

    J'ai démarré en tant qu'auteur par une partie d'Eclipse, où c'est un gros jeu 4X dans l'espace. J'ai fait une partie qui s'est totalement ratée, j'ai perdu au premier tour et donc j'ai passé 4 heures à regarder le jeu. Et à décortiquer ce qui m'avait beaucoup plu et qui était l'arbre de technologie. Parce que je trouvais ça incroyable de pouvoir faire changer le jeu à chaque invention. Et en fait ça m'a donné envie de faire un jeu juste sur ça. Et ça n'a pas du tout de lien avec le jeu, mon premier jeu qui est sorti finalement. Mais c'est ça qui a donné l'impulsion. de créer un jeu, puisque mon premier jeu à la base était un jeu de lettres. Parce que j'aime ça. Où on était amnésique et on apprenait les lettres au fur et à mesure, la taille des mots, la nature des mots au fur et à mesure. Et donc à chaque fois, une sorte de jeu de gestion de lettres. Et à chaque fois, on apprenait des trucs et on avait de plus en plus de possibilités pour créer des mots. Donc c'était chouette.

  • Speaker #0

    C'est optimo. C'est devenu optimo.

  • Speaker #1

    Oui, c'est devenu optimo. C'est pas du tout resté comme ça parce qu'il y a eu la réalité du monde du jeu qui est arrivé, que moi je ne connaissais pas du tout. Clairement en 2013 quand j'ai créé ça, je ne savais pas qu'il y avait un monde du jeu, qu'il y avait des auteurs, qu'il y avait des éditeurs, je ne savais rien du tout. Et quand je l'ai montré en festival, à mon premier festival, il y avait Mathieu Despnoux de Cocktail Games qui est passé, qui adore les jeux de lettres et qui m'a dit j'adore ton jeu, c'est génial, ça ne sera jamais édité.

  • Speaker #0

    Pourquoi ?

  • Speaker #1

    Pourquoi ? Si tu aimes bien le jeu. Parce que moi j'aime le jeu, je pense qu'on en sera 5 en France à l'année, et 5 ça fait pas un jeu. Parce que t'as beaucoup trop de matériel, c'est un jeu trop complexe qui se joue qu'à deux, qui va coûter 50 balles, c'est pas possible. Par contre si t'arrives à en faire un jeu de 55 cartes, tu m'appelles. Et au final ça s'est pas fait avec lui mais ça s'est fait avec un autre éditeur, mais du coup j'en ai fait un jeu de 55 cartes. qui a été mon premier jeu. Merci Mathieu.

  • Speaker #0

    Les premiers conseils, encore, des épurés, en final.

  • Speaker #1

    En fait, épurés et puis se rendre compte de la réalité du marché. Parce que c'est très bien, on peut être auteur sans jamais se soucier de ce qu'est le marché du jeu de société. Mais si à un moment donné, on veut être un auteur édité, il faut prendre conscience qu'il y a des contraintes. Il y a des contraintes éditoriales, il y a des lignes éditoriales à suivre et qu'on ne peut pas faire exactement ce qu'on veut. Parce qu'il y a une audience à trouver, il faut vendre des boîtes, parce qu'il ne faut pas juste se faire plaisir à soi.

  • Speaker #0

    Et là, on reste aussi sur un objet de marché. On y reviendra peut-être après. C'est ça.

  • Speaker #1

    C'est à la fois une œuvre de l'esprit, mais c'est aussi un produit culturel.

  • Speaker #0

    Il a été édité chez

  • Speaker #1

    Topi Games.

  • Speaker #0

    Et alors, comment tu as fait après la rencontre de Blue Cocker ? Je sais que tu es sur Toulouse. Oui. Voilà, parce que tu as créé le MALT je crois.

  • Speaker #1

    Oui, c'est lié à ça. Très rapidement, j'ai rencontré Romaric Gallonnier, qui est aussi un auteur de Toulouse, et on se retrouvait régulièrement dans une assos de jeux pour tester les protos. On a créé le MALT à ce moment-là justement pour regrouper les auteurs et avoir des retours et faire du réseau. Et en fait, Romaric a commencé un petit peu avant moi et donc connaissait Alain parce que son premier jeu, si je me souviens bien, c'était déjà chez Blue Cocker avec Casting. A cette époque-là, je connaissais Alain de loin, parce que si quelqu'un a vu Alain, on ne peut pas le rater, c'est un grand et gros monsieur qui se voit de très loin, qui fait un peu ours mal léché. Et pendant très longtemps, j'avais un peu peur de lui, je n'osais pas me présenter, j'avais un peu un syndrome de l'imposteur. J'ai eu l'impression, pendant longtemps, que quand je sortais mon proto... Il quittait la pièce à chaque fois. Pendant des mois, j'ai eu cette impression-là de mince, chaque fois que je montre un proto, il part C'est pas le moment quoi. C'est pas le moment, je dois avoir un truc qui passe pas. Maintenant je sais, c'est juste que c'est un fumeur invétéré, il sort tout le temps aller fumer sa clope et donc en fait c'était pas du tout lié à moi. Et après j'ai appris à le connaître et on s'entend très bien depuis. Mais c'est vrai que la première rencontre a été un peu… Hésitante parce qu'il était impressionnant à l'époque.

  • Speaker #0

    C'est les brainstorming avec Romaric et tout ça à l'époque qui ont aussi aidé à se lancer. C'est parce que tu as vu un copain qui a déjà été édité et tu t'es dit oui je peux faire pareil ?

  • Speaker #1

    Oui complètement. En fait le Malte et tous les autres collectifs ils servent à ça. Ils servent à permettre aux jeunes auteurs dans un sens nouveau de rencontrer d'autres auteurs qui ont déjà fait des choses pour savoir un petit peu comment ça marche, avoir des retours, créer du réseau aussi. L'autre auteur, Teston Proto, dit Ah bah ça je le verrais bien chez Intel, tiens je te file le mail, comme ça tu peux prendre rendez-vous. Ça permet d'avoir des retours un peu honnêtes et pas les retours de ta grand-mère qui te dit Ah mais c'est vachement bien ce que t'as créé ! Et c'est là aussi où on fait un peu le tri entre les auteurs et les autrices. C'est-à-dire qu'au Malte, on voit passer beaucoup de jeunes auteurs et ceux qui arrivent à supporter la claque du premier test avec des professionnels qui te disent que ton jeu ça va pas. et qu'il faut se poser ces questions-là, ces questions-là, ces questions-là, qu'il faut retravailler, ceux qui arrivent à l'accepter, à l'entendre, c'est eux qui reviennent et qui font des jeux et qui arrivent souvent à être édités. Mais par contre, on a beaucoup de gens qui se braquent malgré toute notre gentillesse et bienveillance, qui se braquent parce qu'en fait, ils ne sont pas prêts à accepter qu'il y a un univers qui existe déjà. Et qu'il faut, si on veut que son jeu dépasse son cadre familial, il faut vivre avec son temps et avec les règles du milieu.

  • Speaker #0

    Oui, c'est ça. Il y a des règles du jeu, justement, qui sont à respecter. Donc, il faut aussi les accepter.

  • Speaker #1

    On n'est pas obligé. On peut tout à fait continuer. On peut être auteur de jeu, créer des jeux pour soi et pour sa famille et pour ses proches, et faire ça toute sa vie et on restera auteur de jeu. Mais par contre, si on veut rentrer dans le monde du jeu professionnel... Il faut d'une certaine manière s'y plier.

  • Speaker #0

    Et alors le Malte, il y a combien d'auteurs à peu près maintenant qui cheminent autour ?

  • Speaker #1

    Je dirais qu'au Malte, il y a une cinquantaine d'auteurs et d'autrices qui tournent. Alors ça change chaque année, il y a des va-et-vient de gens qui commencent là, puis qui arrêtent ou qui font des choses dans leur coin. Moi, c'est vrai qu'aujourd'hui, j'ai moins de temps pour le Malte, parce que j'avais la sage et j'ai beaucoup trop d'autres activités, donc j'y vais moins. Il y a d'autres personnes qui ont pris le relais et qui sont là pour aider et accompagner.

  • Speaker #0

    C'est un des premiers collectifs aussi fédérés un peu en France ?

  • Speaker #1

    Je dirais que c'est le deuxième ou le troisième. Le premier, c'est la Cale à Lyon. Je ne dis pas de bêtises. Il me semble qu'ensuite, le deuxième, ça doit être en Bretagne, un des nombreux collectifs bretons. Le mal est arrivé à peu près à ce moment-là. Mais tous les collectifs se sont créés grosso modo entre 2000 et 2000. 2013 et 2017.

  • Speaker #0

    Oui, c'est ça, il y a eu une vague aussi.

  • Speaker #1

    Oui, parce qu'il y a eu une vague. On est passé de la cooptation et du mentorat de la période fiduti-catala où c'était un auteur qui prenait sous sa... ou pas un autre auteur pour l'accompagner, ce qui se fait encore bien sûr aujourd'hui, mais pour le faire de manière un peu plus collective et toucher un peu plus de gens dans des collectifs.

  • Speaker #0

    Oui, c'est ça. Alors, je crois que tu as fait un tour aussi chez Blue Cocker. Tu as travaillé aussi un temps chez Blue Cocker. Oui,

  • Speaker #1

    alors pas qu'un temps, parce que je viens à peine de faire une rupture conventionnelle. en tout bien, tout honneur et toute amicalité.

  • Speaker #0

    Alors comment t'es passé de prof d'histoire, je pense que c'est ça, finalement salarié chez BookWaker ?

  • Speaker #1

    En fait, ce n'est pas tout à fait lié au monde du jeu. C'est un souci familial qui a fait qu'au moment où Welcome commençait à fonctionner, moi j'avais du mal à gérer prof. Et mes activités d'auteur qui commençaient à prendre beaucoup de temps. Pour faire rapide, on essayait d'avoir un enfant avec ma femme, c'était compliqué. À un moment donné, j'étais un peu déprimé. J'ai dit que je ne pouvais pas retourner travailler suite à des annonces personnelles. Et donc je me suis arrêté presque sur un coup de tête. Et du coup, j'ai demandé à Alain s'il n'y avait pas moyen de m'embaucher à mi-temps pour assurer un minimum. Les droits d'auteur de Wellcome, comme ça arrive tous les six mois, ça prend du temps, c'est en décalage, je n'avais pas encore touché beaucoup d'argent, donc je n'étais pas du tout sûr de pouvoir en vivre. Donc Alain m'a gentiment embauché à mi-temps en tant que chef de projet. J'ai appris plein de choses aussi en bossant pour lui. Et ça m'a assuré des débuts financiers un peu plus stables pour quelqu'un qui a été fonctionnaire toute sa vie et qui n'était pas prêt à prendre autant de risques pour lui et sa famille.

  • Speaker #0

    Oui, surtout que quand tu es prof, tu dois quitter l'éducation nationale. C'est une rupture aussi.

  • Speaker #1

    Oui, alors je suis toujours officiellement prof. Je suis toujours en disponibilité. Parce que j'ai le droit, donc je le fais pour ne pas prendre de risques. Parce que si jamais demain plus personne ne veut me parler dans le monde du jeu... Je pourrais retourner corriger mes copies, mais je pense que je ne reviendrai jamais. Alors je n'ai plus du tout envie et je pense que j'aurai suffisamment d'opportunités pour travailler dans le monde du jeu, même si demain je ne fais plus auteur. Mais oui, c'était un gros changement et une prise de risque. Je suis content que ma femme ait soutenu à ce moment-là pour faire la bascule et me permettre de faire une nouvelle carrière.

  • Speaker #0

    Et puis c'est vrai qu'il se lançait dans vivre d'une passion, il faut oser mais si ça te paye c'est chouette.

  • Speaker #1

    Oui, parce que j'ai eu beaucoup de chance, malheureusement ce n'est pas le cas de la plupart des auteurs et des autrices de jeux aujourd'hui, mais je touche du bois pour l'instant, ça a été un bon choix de carrière.

  • Speaker #0

    Tu disais que tu étais chef de projet chez Blue Cocker jusqu'à peu, en quoi ça consiste en fait ? Tu as travaillé sur quel jeu et qu'est-ce que tu as appris en fait ?

  • Speaker #1

    J'ai alterné entre chef de projet et depuis deux ans, deux ans et demi, je suis plutôt chargé de production pour gérer les productions de tous les jeux Blue Cocker. Parce qu'il y avait des soucis de production, ça ne se passait pas bien et plutôt que de gérer ça à l'arrache, à la suite des projets que je gérais, j'ai préféré m'en occuper globalement. Donc là, je ne suis plus chef de projet chez Blue Cocker, je gère plus la production. Mais du coup, sur les cinq dernières années, j'ai appris plein de choses. Vraiment, on éditait un jeu, pourquoi on faisait ces choix-là et quelles contraintes ça impliquait par rapport à l'œuvre initiale et le relationnel avec les usines, comment on faisait pour que le jeu arrive à temps, au bon moment. C'est très intéressant aussi en tant qu'auteur d'avoir une vision très claire sur ce qui se passe derrière.

  • Speaker #0

    Toute la chaîne.

  • Speaker #1

    Pour avoir une bonne conscience de ce qui se passe, pourquoi les éditeurs se comportent comme ça et pourquoi ils nous embêtent à vouloir changer notre jeu et être désagréables.

  • Speaker #0

    Voilà comment on optimise aussi une boîte.

  • Speaker #1

    Oui, et puis toutes les logiques de marketing qu'on ne se pose pas vraiment, ou de matériel. Quand on crée un jeu, souvent, on ne se pose pas initialement la question de pour quel public, combien ça va coûter, quel matériel il faut. Assez rapidement, on se pose la question quand on est professionnel, parce qu'on sait que ça va impacter les éditeurs. Mais ce n'est pas la première chose à laquelle on pense. Et c'est important de voir comment eux y gèrent pour s'adapter et comprendre.

  • Speaker #0

    Du coup, ça te fait travailler autrement tes idées et tes prototypes ?

  • Speaker #1

    Oui, alors je pense que c'est peut-être un peu à l'excès de mon côté, parce que j'ai tendance à avoir une vision éditoriale des protos que je crée. Et souvent mes co-auteurs me disent mais arrête ! Arrête de faire ton éditeur, on se posera la question du matériel et du coût un peu plus tard. Parce qu'en effet, maintenant quand je crée un proto, je calcule assez rapidement dans ma tête le devis et combien ça va coûter, et quel format ça pourrait prendre, et ça impacte la manière dont je travaille.

  • Speaker #0

    Ça peut freiner l'imaginaire peut-être pour le coup.

  • Speaker #1

    Exactement. Je pense que le risque c'est d'être trop contraint par le cadre du jeu de société actuel et du marché. C'est pour ça que c'est important aussi, moi je travaille que avec des co-auteurs maintenant, parce que ça permet de rebondir et de s'ouvrir un petit peu l'esprit.

  • Speaker #0

    Donc tu as travaillé avec Romaric, tu disais tout à l'heure, Romaric Gallonnier, Florian Siriex, Alexis Allard, Jean Loubi,

  • Speaker #1

    Juan Dufour,

  • Speaker #0

    Juan Dufour, Juan ou Juan ? Juan Dufour. Donc aujourd'hui, pour toi, c'est important. Justement, tu disais, tu es dans le Malte aussi. Donc forcément, on se rencontre beaucoup. Donc ça donne des idées aussi de travailler ensemble. Tu préfères finalement travailler en solo ou avec du monde ?

  • Speaker #1

    Avec du monde. Au début, je ne comprenais pas. Ça m'était complètement étranger, le co-auteurat. Et je ne me sentais pas capable de... De lâcher la paternité de mon œuvre, de dire mais non, je ne peux pas travailler avec quelqu'un sur quelque chose que j'ai créé moi, c'est absurde, ça n'a aucun sens Et en fait, je me rends compte, avec l'expérience, qu'au contraire, c'est extrêmement enrichissant, ça permet d'aller beaucoup plus vite, d'ouvrir davantage de possibles, et c'est beaucoup plus excitant de travailler à deux que de travailler tout seul. Auteur, c'est un travail un peu ingrat, on est souvent dans son coin. Et l'avantage de travailler à deux, c'est que justement, on arrive à échanger, on arrive à rebondir sur les idées, à faire le tri et à faire... Une sorte de pré-travail éditorial en disant non mais là ton idée est vraiment trop naze, laisse tomber, faisons plutôt ça et confronter les idées sur ce que doit être le jeu. Alors ça implique de s'entendre correctement avec ses co-auteurs, ça implique d'avoir une même temporalité aussi parce que c'est pas juste important de s'entendre humainement. Je m'entends très bien avec plein d'auteurs et d'autrices. dans le monde du jeu, mais je ne pourrais pas travailler avec tout le monde. Parce que la manière de créer, elle est quand même particulière. Il faut que le binôme fonctionne en dehors des affinités humaines.

  • Speaker #0

    Oui, il faut que la méthode de travail corresponde et peut-être aussi l'organisation.

  • Speaker #1

    En fait, en fonction des co-auteurs, je ne travaille pas du tout de la même manière. Alexis Allard, avec qui j'ai bossé sur Welcome, lui, c'est quelqu'un d'extrêmement rigoureux. de très ordonné, de très calé, de très pointilleux. Et donc c'est lui qui vient derrière moi pour dire Attends Benoît, calme-toi, faisons ça comme ça, on va tester, on va tout mettre à plat. Alors que quand je travaille avec Florian Serreix, lui c'est un chien fou. Donc c'est plutôt à moi de lui dire Attends, attends.

  • Speaker #0

    Là, tu as un rôle plus...

  • Speaker #1

    Tu dis toutes tes idées, on va en prendre une parmi les 500. Et du coup, je n'ai pas du tout la même relation professionnelle sur ça. Mais c'est aussi chouette de travailler avec l'un ou avec l'autre. C'est une autre dynamique de travail.

  • Speaker #0

    Oui, c'est intéressant parce que ça demande de l'adaptation.

  • Speaker #1

    Oui, mais c'est très plaisant. OK,

  • Speaker #0

    on va revenir sur Welcome parce que tu as travaillé aussi sur l'édition Collector. Du coup, tu as travaillé aussi en tant que chef de projet pour le coup.

  • Speaker #1

    Oui, tout à fait. Là, l'édition Collector, c'est... C'est clairement mon projet pour le plaisir. Ça fait des années qu'on se dit qu'il faut réécrire les règles au propre, parce que à la date de 2018, on était jeunes, naïfs, et pas assez au point. Et en fait, on s'est rendu compte avec l'expérience qu'il y a des choses qui n'étaient pas assez claires. Il y avait de l'équilibrage qui ne fonctionnait pas parfaitement. Donc on s'est dit, réécrivons les règles. Puis oui, mais si on réécrit les règles, on pourrait peut-être changer l'équilibrage sur cette carte, parce que c'est quand même dommage. Et puis, cette icône-là... En fait, on s'est rendu compte que la barrière, l'icône intérimaire, où il y a aussi une barrière, en fait, les gens, quand on dit barrière, ils ne savent pas laquelle des deux c'est. Donc peut-être que l'icône, ce n'est pas le bon. Et à partir de cela, on se dit, si on changeait ça, et si on changeait ça ? Mais ça serait bien de mettre dans la boîte aussi les extensions directement. Et du coup, si on faisait une édition collector, finalement.

  • Speaker #0

    Bah ouais, avec du bonus.

  • Speaker #1

    Et du coup, quand on s'est dit, on va faire une édition big box, une édition collector, on s'est dit, bah... Oui mais ça serait dommage de mettre juste tout ce qu'on a fait, ça serait bien de mettre un petit peu plus quand même pour être sympa avec les gens. Et donc avec Alexis on a créé une nouvelle extension, on a rethématisé une autre parce qu'on n'avait plus les droits sur la petite mort, on ne l'avait pas à l'international de toute manière. pour l'extension La Petite Mort.

  • Speaker #0

    D'accord. T'as fait avec François Bachelard ?

  • Speaker #1

    Oui, alors on avait fait une extension crossover avec le jeu La Petite Mort de François, il y a quelques années, où l'extension pouvait se jouer avec Welcome et avec La Petite Mort. Donc c'était marrant, c'était amusé, parce qu'on s'entend bien avec Lumberjack, mais c'était que pour le marché français. D'accord. Et du coup, c'était dommage, parce que c'est une version que moi j'adore, je pense que c'est ma version préférée de Welcome, mais que... Assez peu de monde finalement avait pu jouer, donc là c'était l'occasion de la fournir au monde entier. Elle est rethématisée le 4 juillet aux Etats-Unis, c'est la fête avec les drapeaux américains. C'est aussi l'occasion de se faire plaisir et donc nous on avait toujours rêvé avec Alexis d'avoir Welcome aussi illustré par d'autres personnes. Et on s'est dit, si on demandait à des illustrateurs et des illustratrices de refaire la feuille de Welcome, qu'est-ce qu'eux feraient ?

  • Speaker #0

    Carte blanche ?

  • Speaker #1

    Oui, et l'idée, on remercie encore Alain, notre éditeur, de nous avoir laissé carte blanche pour tout gérer. On a fait de la liste très simplement des illustrateurs et des illustratrices qu'on aurait aimé avoir sur Welcome. Et on leur a demandé, est-ce que ça vous dit d'avoir carte blanche et de refaire une feuille de Welcome ? que des réponses positives et du coup ils ont fait ce qu'ils voulaient en respectant le cadre de Wellcome bien sûr mais avec des thèmes qu'ils souhaitaient, les graphismes qu'ils souhaitaient donc c'est super d'avoir ce petit cadeau.

  • Speaker #0

    Donc on a qui, rappelle-moi ? Mochalmel,

  • Speaker #1

    il y a Vincent Dutré, il y a Christine Alcouf, il y a Bess Sobel, il y a Weberson Santiago et il y a Ryan Goldsberry.

  • Speaker #0

    Et donc tout le monde a tout de suite accepté la proposition ?

  • Speaker #1

    Ouais c'est trop chouette. Du coup... C'est mon cadeau à moi. Je suis content que les gens aient envie d'y jouer, ils ont envie d'avoir cet objet parce qu'on a passé du temps. Et Anna, l'illustratrice, a tout retravaillé, a refait la couve, a refait les illustrations. C'est un chouette projet.

  • Speaker #0

    Ça fait plaisir de se faire plaisir.

  • Speaker #1

    Exactement. Et on a la chance, avec Welcome, d'avoir un jeu qui a fonctionné suffisamment bien pour se permettre cette édition collector, qui a un intérêt du public. C'est un peu le rêve.

  • Speaker #0

    Est-ce que, j'imagine que tu sais, le chiffre de vente de Welcome dans toutes ces années,

  • Speaker #1

    Alors, welcome... On est autour d'un peu plus de 400 000 pour toute la gamme. Welcome Vegas et Welcome to the Moon. Welcome tout seul, on doit être à 270 000,

  • Speaker #0

    je crois. Ok. Et là, l'édition collector, elle est bien partie, tu sais ?

  • Speaker #1

    Alors là, l'édition collector, elle est sortie qu'en France et en Espagne pour l'instant et en Chine. Et elle va sortir cette année. En Allemagne, aux États-Unis, en Angleterre. C'est un one-shot. Le but, ce n'est pas de faire remplacer la boîte de base par ça, mais ça correspond à peu près à nos attentes. Ça va faire quelques dizaines de milliers de boîtes pour les fans.

  • Speaker #0

    C'est grâce essentiellement à ce jeu que tu peux vivre de tes droits d'auteur. Et après, ça se complète avec le reste ? Tu pourrais dire ça à peu près en termes de...

  • Speaker #1

    Jusqu'à récemment, on va dire jusqu'à... En 2023, en gros, autour de 90% de mes droits d'auteur venaient de la gamme Welcome.

  • Speaker #0

    Ah oui, d'accord, c'est quand même une grosse part.

  • Speaker #1

    C'est une part non négligeable. Depuis 2023, en 2024, ça sera encore plus le cas. Ça se partage beaucoup plus équitablement avec d'autres jeux qui ont bien fonctionné, notamment la planche des pirates, qui a un gros succès.

  • Speaker #0

    Qui a bénéficié de l'As d'or aussi.

  • Speaker #1

    Qui a bénéficié de la nomination à l'As d'or. et qui là commence à on arrive à plus de 150 000 exemplaires que là aussi ça fait des droits d'auteur supplémentaires pour pouvoir en vivre et donc ça équilibre un petit peu mes finances sans mettre tous les oeufs dans le même panier et c'est vrai que ça je pourrais déjà interviewer ou entendu d'autres auteurs,

  • Speaker #0

    c'est vrai qu'il y a les auteurs qui arrivent à en vivre parce qu'ils ont plein de petits jeux qui se vendent plutôt bien régulièrement et puis t'as ceux qui ont un jeu phare et après quelques-uns alors moi je suis pas tout à fait dans la catégorie des auteurs qui ont

  • Speaker #1

    à un succès. Parce que Welcome, c'est une réussite, mais ce n'est pas ce plan d'or en termes de vente, par exemple. Je ne pourrais pas en vivre éternellement, même si ça m'a permis d'en vivre pendant 4-5 ans. Moi je suis quand même obligé de continuer à sortir des jeux, alors je le fais avec grand plaisir. Mais l'idée en effet c'est de trouver d'autres jeux qui me permettent de continuer à toucher les droits d'auteur. Le souci c'est que les courbes de vente du monde du jeu sont assez claires, c'est-à-dire que tu as 90% des jeux qui vont faire quelques milliers de boîtes, entre 3 et 10 000, donc qui vont rapporter quelques milliers d'euros. Et ça c'est le cas de la quasi-totalité des jeux. Ensuite sur 100% il doit y avoir 9% de jeux qui marchent mieux que ça. un petit peu comme Welcome et qui permettent d'en vivre un petit peu. Et puis, il y a le 1% ou le 0,1% d'énormes cartons qui permettent d'en vivre pendant très longtemps.

  • Speaker #0

    À partir de quel, enfin, après tu vas me dire, ça va dépendre du prix de la boîte, mais à partir de quel nombre de tirages on considère que le jeu, ça y est, il marche bien, ou il est installé, ou il a eu son succès ?

  • Speaker #1

    Un éditeur dirait qu'en dessous de 10 000 boîtes, c'est un échec, parce que tu n'es pas rentré dans tes frais. Et je pense qu'au-delà de 100 000 exemplaires, le jeu a acquis suffisamment de notoriété un petit peu partout pour dire que c'est un vrai succès, que c'est un jeu qui a été reconnu pour ce qu'il a apporté à ce moment-là.

  • Speaker #0

    Oui, et qui a été suffisamment mis en avant, même par les boutiques ludiques.

  • Speaker #1

    Oui, les influenceurs, les reviewers, tout ça.

  • Speaker #0

    Donc là effectivement on arrive un peu sur la casquette de président de la société des auteurs de jeux, sur ce genre de choses qui se négocient pour un auteur quand tu tombes sur un éditeur qui te dit bon moi je vais en faire que 5000 boîtes est-ce qu'il faut dire bon bah non en fait il va pas trop pousser le jeu ou est-ce qu'au contraire ça dépend ? Ça dépend peut-être de plein d'autres choses.

  • Speaker #1

    Ça c'est quelque chose, la quantité du premier tirage, c'est assez difficile à négocier parce que ça dépend très clairement de... Du poids de l'éditeur, de sa capacité à distribuer le jeu en France, à l'étranger, de son distributeur. Donc en général, en signant avec un éditeur, on sait maintenant à peu près... Sa capacité à faire du jeu une sortie importante ou pas. Quand on sort un jeu chez Asmoday, on est assuré d'avoir un premier tirage qui va être autour de 20 ou 30 000 exemplaires. Quand on sort un jeu chez un petit éditeur, ça sera plutôt 3 000 pour le premier tirage. Après, rien n'empêche le jeu de fonctionner derrière et d'avoir plein de retirages. Le premier tirage de Welcome, c'était 3 000 boîtes. On en a fait plein d'autres derrière, mais le tirage initial dépend vraiment de la capacité de base de l'éditeur à pouvoir se projeter. Et ça, on ne peut pas le négocier. On ne peut pas demander à un petit éditeur de sortir 50 000 boîtes. Il ne le fera pas parce que son distributeur lui dira non, tu ne peux pas.

  • Speaker #0

    Et après, c'est peut-être plus intéressant aussi pour un auteur d'être peut-être chez un plus petit éditeur qui va peut-être avoir un jeu ou deux. Et on est sûr qu'il va le pousser. que d'être chez un gros éditeur qui va peut-être avoir 10 jeux,

  • Speaker #1

    10 sorties ça c'est un choix si on a le choix en tant qu'auteur entre plusieurs éditeurs c'est vrai que c'est des questions qu'on peut se poser on a tous envie d'avoir un gros éditeur qui nous édite parce qu'on se dit que ça va être bien mis en avant on aura une immense photo de notre jeu sur le devant du palais des festivals à Cannes mais le risque c'est que ce jeu soit noyé dans la production de cet éditeur là et qu'il ne soit pas poussé alors qu'un petit éditeur avec ses moyens, il va essayer de le mettre en avant le plus possible parce que sa survie financière est en jeu. C'est ça, oui. Donc c'est difficile. En général, on le fait plus par affinité avec un éditeur qu'autre chose. Je ne pense pas qu'il y ait beaucoup d'auteurs qui se disent Non, je veux absolument travailler avec Asmodee ou Ravensburger parce que les petits éditeurs, c'est bon, ça ne m'intéresse pas.

  • Speaker #0

    Un peu prétentieux peut-être aussi.

  • Speaker #1

    Oui, et puis je ne pense pas. Je ne connais pas d'auteur qui fonctionne comme ça. C'est beaucoup d'affect et beaucoup de feeling quand même. Beaucoup d'humains, on passe beaucoup de temps entre avec les éditeurs. C'est des gens qu'on apprend à apprécier beaucoup. Et on n'est pas dans une démarche uniquement commerciale où on va donner un projet et puis on ne les revoit jamais et ils se débrouillent. Ça joue peut-être un petit peu dans la tête, mais assez peu, je pense.

  • Speaker #0

    Alors, qu'est-ce qu'on doit négocier, justement, quand on est auteur et qu'on va signer son premier contrat ? On peut peut-être hésiter entre des éditeurs, justement. À quoi il faut faire attention et être exigeant ? Est-ce qu'on peut être exigeant, d'ailleurs ? Parce qu'on a le choix aussi.

  • Speaker #1

    Il faut être exigeant. Il faut négocier. Malheureusement, beaucoup trop d'auteurs et d'autrices estiment que quand un éditeur lui propose un contrat, il lui fait une faveur. Ah merci, tu m'as dit, mais c'est trop gentil, c'est génial, quel cadeau. Mais en fait, ce n'est pas un cadeau, c'est un partenariat qui se noue entre deux personnes égales. Et donc ce partenariat, il se négocie, et ce n'est pas un gros mot de négocier. Et même si naturellement, les éditeurs sont la partie forte du contrat, parce que c'est eux qui tiennent les cordons de la bourse. En tout cas, ils le disent, même si en vrai, c'est les distributeurs qui ont la bourse. Derrière, il faut oser négocier et il faut oser dire les choses à la fois pour avoir de meilleures conditions et aussi avoir des conditions qui nous satisfont personnellement. Par exemple, avoir son nom sur la couverture de la boîte, c'est quelque chose qu'on peut mettre dans le contrat. Avoir la possibilité de récupérer les droits si jamais l'éditeur ne fait pas le jeu, c'est bien que ce soit écrit dans le contrat, parce que si ce n'est pas écrit, il va falloir discuter. En fait, un contrat, il est là pour régler les problèmes. Quand il y a un problème ? Alors c'est facile de dire oui, mais on s'entend, on n'a pas besoin de contrat, on va gérer. Sauf que le jour où il y a une difficulté, s'il n'y a pas de contrat, s'il n'y a pas l'article qui correspond à la difficulté en question, eh bien on ne sait pas quoi faire et personne n'a envie de se retrouver au tribunal pour essayer de gérer indifférent. Donc déjà, la première chose, c'est d'abord de négocier. Surtout en fait, il faut lire le contrat, il faut faire attention aux clauses qui peuvent être abusives. Il faut aussi essayer de demander une juste rémunération de son travail. Parce que chacun va essayer de mettre de son côté les avantages financiers. C'est normal, un éditeur va chercher à gagner de l'argent le plus possible, un auteur aussi, et c'est normal. L'idée c'est de trouver un compromis. On peut fonctionner comme Mathieu Despnoux qui me dit régulièrement moi, si un auteur ne me demande rien, je ne lui donne rien. S'il me demande, il n'y a pas de souci, je lui file. Mais tant qu'il ne me demande pas, je ne lui donne pas. Je ne suis pas tout à fait d'accord avec la démarche, mais il y a une raison derrière ça. C'est normal, en fait, c'est normal. Un contrat, ça se négocie, on discute des termes exacts, qu'est-ce que chacun veut dans cette relation.

  • Speaker #0

    Et ça revient à ce que tu disais au départ, ce n'est pas forcément une faveur, c'est qu'il faut oser demander les choses pour que ça soit clair.

  • Speaker #1

    Les éditeurs, ils ne font pas ça pour nous faire plaisir, ils font ça pour gagner de l'argent. Et nous, on fait des jeux aussi pour gagner de l'argent. Et c'est normal que tout le monde soit justement rémunéré. C'est pour ça que... On insiste notamment pour qu'il y ait des pourcentages progressifs, voire qu'il y ait une clause de succès. Si ton jeu fonctionne très bien, peut-être qu'au-delà de 100 000 ou 200 000 ou 500 000 exemplaires, ton pourcentage est très élevé parce que l'éditeur s'est largement rentré dans ses frais. C'est normal que toi aussi tu touches un bénéfice plus important sur le jeu.

  • Speaker #0

    Le pourcentage de droits d'auteur, il se négocie comment ? au nombre de boîtes qui sont prévues d'être éditées ?

  • Speaker #1

    Non, parce qu'on ne sait jamais combien il va y en avoir.

  • Speaker #0

    On ne sait pas la base ?

  • Speaker #1

    On sait que le premier tirage sera de 3 000 ou de 5 000, parce que c'est écrit dans le contrat. Mais tout le monde espère qu'il y aura un deuxième tirage ou qu'il y aura de l'export qui va faire augmenter le nombre de boîtes. Et donc nos contrats nous disent souvent... Alors aujourd'hui, c'est soit basé sur le chiffre d'affaires... brut de l'éditeur, soit basé sur le prix public hors taxe. Et dans un monde idéal, il y a des paliers, tous les 10 000, 50 000 boîtes où le montant, le pourcentage de droits d'auteur augmente.

  • Speaker #0

    D'accord, donc c'est quoi un pourcentage qui est acceptable ?

  • Speaker #1

    Il faut savoir que les auteurs de jeux sont très mal payés, même si mes amis éditeurs ne sont pas d'accord. Dans le monde de l'édition du livre, grosso modo, les auteurs touchent 8% du prix public hors taxe. Entre 8 et 10%. Les auteurs de jeux, eux, ils touchent entre 8 et 10% du CA de l'éditeur, ce qui correspond plutôt à 3 ou 4% du prix public hors-taxe.

  • Speaker #0

    D'accord, presque moitié moins.

  • Speaker #1

    Presque moitié moins. Alors, il y a plein de raisons à ça. Il n'y a pas que des bonnes raisons. Mais aujourd'hui, on considère que la norme dans le monde du jeu, c'est 8% du chiffre d'affaires de l'éditeur, correspond à un contrat qui est dans la norme. Honorable. Bien sûr, on peut demander plus, on peut demander un progressif. Nous, à la Sage, on déconseille de signer un contrat en dessous de 8% et on interdit poliment à tout le monde de signer des contrats en dessous de 6% parce que là, c'est de l'exploitation. Et même légalement, on peut se poser la question de la légalité d'un contrat aussi faible. Il y a eu des procès dans le monde du livre sur des pourcentages trop faibles que les auteurs ont gagnés. Et on pourrait se poser cette question-là, mais personne ne veut faire de procès sur ça. Après, il est normal de rétribuer les auteurs correctement. Il est normal que les éditeurs puissent en vivre aussi. Donc, on essaye de faire monter petit à petit les pourcentages et aussi les avances pour pouvoir vivre. Comme si on signe un jeu, les jeux que je vais signer à Cannes cette année, s'ils sortent en 2025, c'est bien. Et si ils sortent en 2025, ça veut dire que je touche les sous en 2026.

  • Speaker #0

    C'est six mois, un an après ?

  • Speaker #1

    La plupart des droits d'auteur sont payés tous les six ou douze mois. Donc un éditeur qui paye tous les ans. Si mon jeu sort à Cannes en 2024, je vais toucher les sous en janvier ou février 2025. Pour un jeu que j'aurais fait quatre ans avant. Donc si moi j'essaye d'en vivre, si je n'ai pas une avance qui me permet d'avoir un afflux financier régulier qui me permet de travailler, c'est compliqué. C'est pour ça aussi qu'on milite pour que dans le contrat, la rémunération soit plutôt trimestrielle que semestrielle ou annuelle. Tout simplement parce que si un éditeur est capable de payer ses factures à 60 jours ou 30 jours fin du mois à tous ses fournisseurs, il devrait être capable de payer à un auteur trimestriellement.

  • Speaker #0

    Puis assurer un peu de sécurité.

  • Speaker #1

    Voilà, moi, très clairement, si j'ai réussi à vivre financièrement ces dernières années, c'est parce que Blue Cocker paye par trimestre. Et donc, ça m'assurait un revenu suffisamment régulier dans l'année pour pouvoir me permettre de vivre et de payer mes factures, mes prêts, etc.

  • Speaker #0

    Et les avances, c'est aussi un pourcentage des futures ventes estimées ou comment ça se négocie ?

  • Speaker #1

    Ce qui se fait aujourd'hui, en général, c'est... Une avance entre 1000 et 2000 euros, quel que soit le jeu. Alors il y a des éditeurs qui sont un peu plus généreux que d'autres. On a vu des avances plus élevées autour de 3000 ou 5000 euros. Mais malheureusement, ce n'est pas des avances suffisantes pour permettre aux auteurs de jeux d'en vivre. Dans la littérature, en général, ça ne fonctionne pas tout à fait de la même manière. L'auteur présente une idée, un pitch, un début de manuscrit. Et ensuite, il touche une avance qui lui permet de vivre pendant la rédaction de son oeuvre. Dans le monde du jeu, nous on arrive avec l'oeuvre. finie entre guillemets, qui mérite d'être travaillée éditorialement, mais on arrive déjà avec le prototype final. Du coup l'avance, elle est censée officiellement nous permettre de vivre de notre travail, mais en fait notre travail il est déjà fait. Donc c'est un peu compliqué, la temporalité n'est pas tout à fait la même. Et de toute façon les montants ne sont pas du tout suffisants pour nous permettre de vivre juste avec des avances.

  • Speaker #0

    Bah oui, pour le coup 1000 euros, c'est un jeu tous les six mois,

  • Speaker #1

    ça va être compliqué. Voilà c'est ça.

  • Speaker #0

    C'est bien de rappeler peut-être que sur le site de la SAGE, il y a des contrats type. Ça, c'est quelque chose que vous avez travaillé avec des juristes ?

  • Speaker #1

    Oui, en fait, les éditeurs ont édité un livre blanc des contrats pour leurs adhérents, pour montrer comment il fallait rédiger un contrat, parce que le monde du jeu se professionnalise tout doucement. Il y a quelques années, les contrats, c'était un peu ridicule. Il y a encore des contrats qui tiennent sur une feuille A4. Et forcément c'est problématique légalement et il y a plein de choses qui sont oubliées. Donc la OEJ a fait un beau travail pour les éditeurs de montrer ce qu'il fallait exactement dans un contrat. Bien sûr tous les articles ne nous conviennent pas forcément parce que c'est une vision d'éditeur. Donc on s'est dit qu'on ne pouvait pas laisser juste une vision d'éditeur comme contrat type parce qu'on a vu leur contrat se diffuser parmi nos amis éditeurs. Donc on a travaillé avec un juriste puis avec un avocat pour avoir des articles qui tiennent légalement. qui ne sont pas forcément orientés vis-à-vis des auteurs, mais qui défendent tous les points importants pour les auteurs. Maintenant qu'on l'a sorti, le travail suivant, c'est de travailler avec la WESH pour essayer de faire un contrat type commun, ou au moins avoir une charte de base sur les articles sur lesquels on est foncièrement d'accord et qu'il faut qu'il y ait dans tous les contrats, il y a des choses sur lesquelles on sera...

  • Speaker #0

    Pas d'accord forcément, on ne parle pas des montants, on parle juste de la légalité des différents articles et des clauses. Mais je pense qu'on va réussir parce que la WESH est des gens de bonne volonté. Oui,

  • Speaker #1

    il faut travailler des gens en collaboration sur d'autres projets.

  • Speaker #0

    Oui, on fait plein de choses ensemble, on fait de la médiation ensemble, on a travaillé sur la normalisation du Kickstarter ensemble. Et c'est des partenaires, on n'est pas en opposition avec eux du tout, même si on ne s'entend pas sur tout.

  • Speaker #1

    Et ce qui est bien, c'est qu'il y aura peut-être justement une fois qu'il y aura des contrats types mis d'accord entre les syndicats des auteurs et la syndicat des éditeurs, il y aura une base commune qui ne sera plus nécessaire de négocier.

  • Speaker #0

    C'est un peu le but. Le but, c'est de limiter la négociation. Là, notre contrat type est là pour aider à la négociation des auteurs, pour dire à un auteur, il va arriver à dire moi j'ai un contrat type, on peut le respecter L'éditeur va arriver avec son contrat et à ce moment-là, on peut échanger sur les différentes clauses et on ne se base pas sur rien. C'est pour ça qu'on a fait aussi un guide de négociation. On a fait un contrat type sur tous les points Lego et on a fait un guide de négociation sur tous les points où il faut essayer de négocier pour avoir de meilleurs pourcentages, des dates fixes sur la sortie du jeu.

  • Speaker #1

    Oui, vous voyez qu'on pouvait même négocier, parce que je suis allée le lire. C'est important de négocier le nombre d'exemplaires d'auteurs, par exemple.

  • Speaker #0

    Oui, c'est important. C'est une marque de respect. Moi, ça me rend fou d'entendre mes copains auteurs me dire Là, le jeu est sorti, je vais avoir mes boîtes d'auteurs dans deux semaines. Je trouve que c'est un manque de respect insupportable de l'éditeur qui ne fait pas l'effort de donner les boîtes aux auteurs avant le public. Quelque chose que j'ai du mal à comprendre, surtout en travaillant maintenant pour un éditeur. Je vois bien comment fonctionne la production. Je vois bien comment ça arrive chez le distributeur et je vois très bien comment on peut envoyer du distributeur un carton à l'auteur avant que ça sorte, ou au moins en même temps que ça sorte. Mais bon, ça, c'est des choses sur lesquelles on doit travailler. Ok.

  • Speaker #1

    Alors, tu faisais le parallèle tout à l'heure avec le monde du livre. Là, le gros travail de la SAGE et des autres, d'ailleurs, aussi, syndicats, illustrateurs, les boutiques ludiques, tout le monde, vous fédérez pour défendre surtout l'œuvre de l'esprit. Et donc faire du produit un objet culturel.

  • Speaker #0

    Oui, c'est ça. En fait, ça fait des années, c'est l'objet principal de la SAGE, c'est de faire reconnaître le jeu en tant qu'objet culturel et œuvre de l'esprit. Parce qu'aujourd'hui, officiellement, ça ne l'est pas. On est dans une sorte de zone grise où on est plus ou moins toléré par les pouvoirs publics. Mais il n'y a pas de prise de décision officielle pour signaler que le jeu, c'est une œuvre de l'esprit. On milite depuis des années pour le faire. Nos partenaires des boutiques ludiques, des cafés ludiques, de l'ALF, des illustrateurs, des éditeurs, des festivals, ils font tous aussi cette démarche-là. Et donc l'an dernier, on a décidé de se structurer dans un GIGS, le Groupement Interprofessionnel du Jeu de Société, une sorte de fédération des organisations professionnelles, pour essayer de parler d'une seule voix. auprès des pouvoirs publics et de ne pas arriver vis-à-vis des députés ou des élus ou du ministère comme juste le représentant des auteurs ou juste le représentant des éditeurs avec des intérêts personnels. Et pour dire non, en fait, c'est tout le milieu qui veut une avancée là-dessus parce qu'il y a des intérêts concrets à être reconnus. Et il y a aussi un intérêt symbolique à être reconnu en tant qu'œuvre de l'esprit.

  • Speaker #1

    Alors quels sont justement ces intérêts pour tout le monde finalement, pour tous les acteurs, jusqu'aux consommateurs, aux joueurs on va dire, je préfère le terme joueur.

  • Speaker #0

    Il y a plein de choses sur lesquelles on peut travailler. En fait, comme on n'est pas du tout reconnu, aujourd'hui une entreprise du monde du jeu, elle ne peut pas avoir un code NAF qui est dans son numéro de sirète. qui soit spécifique à son activité. Et du coup, ça l'empêche d'avoir des conventions salariales adaptées à son travail. Les cafés ludiques n'ont pas la possibilité d'avoir un code de l'urbanisme qui soit adapté à leur activité professionnelle. Les auteurs de jeux, jusqu'à janvier, n'avaient pas un code APE d'artiste-auteur et donc ils étaient considérés comme des éditeurs ou... Autre, mais sans jamais être correctement défini, ce qui les exposait à payer des impôts qu'ils ne devaient pas payer en tant qu'artistes auteurs.

  • Speaker #1

    Pourquoi tu dis jusqu'à janvier ?

  • Speaker #0

    Parce qu'en fait on a réussi à faire évoluer notre statut à l'Ursaf. Il y a eu un travail de nomenclature à l'Ursaf artistes-auteurs qui a été fait depuis deux ans. On a participé à ces travaux avec la SAGE. Et on a obtenu que le jeu de société soit dans la nomenclature et que les auteurs de jeux soient dans cette nomenclature. Jusqu'à présent, quand un éditeur payait les cotisations sociales et au patronal, il devait déclarer le produit comme une autre activité. d'écrivain ou activité multimédia ou autre, parce qu'on n'avait pas de case qui correspondait. Et quand nous on demandait à être déclaré en tant qu'auteur de jeu, on nous répondait que l'INSEE nous répondait, mais ça n'existe pas.

  • Speaker #1

    Ok, no man's land.

  • Speaker #0

    Exactement. Donc là, on a obtenu du ministère cette reconnaissance-là pour l'URSSAF, ce qui fait que, comme c'est l'INSEE qui a participé à cette nomenclature, maintenant l'INSEE nous reconnaît en tant qu'auteur de jeu. Donc maintenant, quand on fait une demande de numéro de sirète... Pour artistes auteurs, on peut dire auteurs de jeu et ils nous le donnent. Ce qui nous permet d'être reconnu. Alors, c'est une petite reconnaissance administrative, mais c'est un premier pas vers une sorte de normalisation de la situation. Et en fait, cette reconnaissance administrative, elle nous permet de nous professionnaliser. Aujourd'hui, on fait une consultation à la SAGE tous les 3-4 ans pour avoir une info sur une vision sur le monde ludique côté auteur. Et donc, on va publier la dernière. après-demain, et on s'est rendu compte que notre travail, il sert à quelque chose, parce qu'en 2018, il y avait plus de 50% des auteurs qui ne déclaraient pas leur cotisation sociale, voire... plusieurs dizaines de pourcents qui ne payaient pas d'impôts dessus. Parce que c'est une sorte de zone grise, c'est une sorte de... C'est comme ça, c'est presque cadeau, c'est de l'argent de poche. Et aujourd'hui, on est passé à plus de 80% des auteurs qui payent leurs cotisations sociales, donc qui sont reconnus officiellement auprès des pouvoirs publics en tant qu'artistes-auteurs qui touchent des droits d'auteur. Donc petit à petit, on se structure, on s'organise. Et cette reconnaissance... administrative, c'est le premier pas vers une reconnaissance officielle.

  • Speaker #1

    Ça peut clairement aider. On voit que les choses bougent. C'est lent, mais ça bouge.

  • Speaker #0

    C'est très lent.

  • Speaker #1

    L'année dernière, vous êtes quand même allé voir en collectif justement les députés à l'Assemblée nationale. L'idée, c'était de travailler sur un projet de loi. Tu peux me dire où ça en est, ça ? Parce qu'entre-temps, il s'est passé... Il y a toujours plein de projets de loi prioritaires. Beaucoup trop.

  • Speaker #0

    C'est évident que nous, on n'est pas prioritaire. Mais le projet de loi, il a été rédigé. On l'a rédigé avec les députés. Il y a un groupe de travail multipartite qui travaille dessus. Donc, ce n'est pas juste un groupe parlementaire qui soutient ça.

  • Speaker #1

    Oui, c'est assez consensuel quand même.

  • Speaker #0

    C'est assez consensuel. La plupart des retours qu'on a des élus, c'est Ah bon ? Ce n'est pas reconnu ? Ah bon ? Vous n'existez pas officiellement ? Mais c'est bizarre. Oui, c'est étrange. Faites quelque chose. En fait, la nomination de la nouvelle ministre de la Culture, Mme Dati, fait un petit peu bouger les choses. Parce que le groupe de députés a rendez-vous la semaine prochaine avec la ministre pour discuter du projet de loi, pour essayer d'en faire un projet gouvernemental plutôt qu'un projet des députés. Alors on ne sait pas bien sûr comment ça va se passer, comment va se passer le rendez-vous, mais on espère que la ministre sera à l'écoute. Pour l'instant, elle semble l'être. En tout cas, les choses avancent, pas du tout à la vitesse auquel on aimerait, mais il faut se dire aussi qu'on n'a jamais été aussi près d'une reconnaissance. Une petite idée, il y a quelques années, on avait obtenu d'un élu de faire une question à l'Assemblée nationale sur la situation des jeux de société. On n'avait pas eu de réponse du ministère. Là, il y a une sénatrice qui a posé à peu près la même question l'an dernier. Et on a enfin eu une réponse de la ministre précédente qui avait l'air de dire tout va bien, madame la marquise. En fait, vous êtes déjà reconnue. Ne vous plaignez pas, tout va bien. En plus. La nomenclature de l'Urssaf montre que vous existez, donc c'est super. Donc à la fois elle nous reconnaît, mais elle n'est pas allée assez loin. Mais les députés étaient convaincus que c'était une première étape nécessaire et que ça les justifiait dans la démarche législative. Et donc on espère que c'est quelque chose qui va continuer. C'est quelque chose qui nous tient vraiment à cœur, symboliquement, mais aussi économiquement. Quand on parle du produit culturel, aujourd'hui le jeu de société est subventionné à 0%, alors que la culture en France, c'est une exception culturelle, c'est extrêmement soutenu par les pouvoirs publics. Et aujourd'hui, la quasi-totalité des livres est soutenue par le CNL, les films sont soutenus par le CNC, avec des subventions à 100% des documentaires télé ou cinéma sont financés par les deniers publics totalement. Dans le jeu de société, ça n'existe pas. Ce qui fait qu'aujourd'hui... Un jeu de société, il est forcément un produit culturel, mais un produit. Avant tout parce qu'il faut gagner de l'argent. Il n'y a pas un éditeur qui va se dire on va faire ça parce que c'est une œuvre et que c'est important qu'elle existe On va le faire, mais il faut que ça se vende quand même. Aujourd'hui, on ne peut pas vivre de son art s'il n'y a pas une rentabilité économique. Ce qui n'est pas le cas dans les autres domaines culturels parce qu'il y a un soutien des pouvoirs publics. Si demain on est reconnu comme un objet culturel de la même manière que le livre, la musique, le théâtre ou le cinéma, ça nous permet aussi d'avoir accès à des financements publics pour des œuvres qui peuvent être plus engagées, des œuvres qui peuvent apporter un autre message que juste s'amuser autour de la table, ce qui est important, ce qui est une des valeurs fondamentales du jeu de société, mais on peut faire autre chose. Mais on peut faire autre chose si les pouvoirs publics nous aident aussi à le faire.

  • Speaker #1

    Après, c'est vrai qu'il y a déjà quand même des valeurs très pédagogiques, quand même déjà dans le jeu de société, qui ne sont plus approuvées. Et puis même aussi culturellement, il y a déjà des choses autour des jeux historiques qui font des reconstitutions d'une bataille ou autre. Il y a déjà quand même des choses...

  • Speaker #0

    Oui, je pense qu'il n'y a pas de doute. En tout cas, dans le milieu, il n'y a pas de doute sur la nature culturelle de notre travail. Et il y a plein d'arguments en faveur de ça. Le souci, c'est que tant qu'on n'a pas cette reconnaissance officielle, En fait, on est exclu de tout le fonctionnement de la culture en France. Un exemple très simple, c'est le pass culture. Le pass culture, on peut acheter avec ce pass culture pour les jeunes, des places de ciné, des livres, des CD, des DVD, ce qu'on veut, mais on ne peut pas acheter de jeux de société.

  • Speaker #1

    Mais ils peuvent acheter des jeux vidéo.

  • Speaker #0

    Ils peuvent acheter des jeux vidéo, parce qu'eux, ils ont réussi à obtenir du ministère le soutien du CNC, qui est devenu le centre national du cinéma et de l'image animée, pour soutenir le jeu vidéo. Donc eux, ils sont rentrés dans le système, et nous pas. Donc on ne peut pas soutenir la création avec ce Passe Culture. Et quand on en a parlé au directeur du Passe Culture, il nous a dit Ah bon ? Vous n'êtes pas dedans ? Alors que lui, c'est un fan de jeux de société.

  • Speaker #1

    Alors j'allais dire, tu en as trouvé des députés et des sénateurs joueurs.

  • Speaker #0

    Oui, il y en a plein. Mais la plupart se disent Ah bon ? Mais c'est bizarre que vous ne soyez pas reconnus. C'est un peu frustrant, mais ça va dans le bon sens.

  • Speaker #1

    Ok, donc là, pour conclure, parce qu'il va falloir qu'on termine, on en est où et quels sont les prochains combats, enfin les prochaines, on va dire, échéances ?

  • Speaker #0

    La prochaine échéance, c'est justement ce pass culture qui devient problématique parce que maintenant il y a une partie collective qui finance tous les projets culturels scolaires et en étant exclu de ce pass culture, on ne peut plus faire d'intervention dans les écoles et dans les collèges et les lycées parce que les financements sont réservés aux œuvres culturelles bénéficiant de ce pass culture. Donc tous les ateliers qu'on pouvait faire, on ne peut plus les faire. Et bientôt pour les ludothèques et bibliothèques non plus. Ah oui,

  • Speaker #1

    d'accord.

  • Speaker #0

    Donc à force de s'organiser autour de ce Passe Culture, on va finir pas totalement exclus. Donc là, on est en train de préparer un dossier pour le conseil d'administration du Passe Culture pour faire valider l'entrée du jeu de société, ce qui ne devrait pas poser de problème en soi, mais qui demande un peu de travail. On continue à travailler sur le projet de loi et on continue à échanger aussi avec d'autres acteurs pour pouvoir... notamment intégrer peut-être le CNL, le Centre National du Livre, de la même manière que le jeu vidéo a intégré le CNC. On échange aussi avec la SOFIA, qui est l'équivalent de la SACEM pour le livre, qui permet de gérer les droits communs, les droits publics, parce qu'aujourd'hui, quand on emprunte des jeux, quand il y a des sociétés qui font de la location de jeux de société, En fait, c'est encore une zone grise. Il n'y a pas de rémunération d'auteur, pas de rémunération d'éditeur sur des jeux qui sont censés être à usage privé, mais qui sont utilisés de manière publique dans la musique. La SACEM récupère des droits, dans le livre, la Société récupère des droits. Oui,

  • Speaker #1

    une médiathèque qui veut diffuser un film, elle doit faire une demande, effectivement.

  • Speaker #0

    Exactement. Et donc, du coup, là aussi, il n'y a pas de rémunération, il n'y a pas de reconnaissance. Et ça fait partie des choses sur lesquelles on travaille.

  • Speaker #1

    On voit qu'il y a énormément d'enjeux, effectivement, derrière tout ça. Beaucoup de travail. Beaucoup de travail. Donc ça continue. Et tu es président depuis combien d'années ?

  • Speaker #0

    Ça fait trois ans.

  • Speaker #1

    Trois ans.

  • Speaker #0

    Et j'arrête. Tu passes la main au Festival de Cannes ? Je passe la main au Festival de Cannes. Je vais continuer à suivre certains dossiers. Mais trois ans, c'est bien. Ça m'a occupé de nombreuses heures. Et j'aimerais bien aussi faire des jeux.

  • Speaker #1

    C'est un vrai sacerdoce aussi.

  • Speaker #0

    Oui, mais c'est très important. Donc ça m'a fait plaisir de le faire.

  • Speaker #1

    Bon bah écoute pour l'instant on ne peut pas dire qui sera le prochain parce qu'on ne sait pas, je crois que c'est dans deux jours C'est dans deux jours,

  • Speaker #0

    oui

  • Speaker #1

    Bah écoute, merci beaucoup pour toutes ces questions, j'en ai encore plein mais je crois qu'il faut qu'on arrête, mais ça donnera l'occasion de se revoir sur les avancées ou peut-être le prochain président Depuis cette interview deux auteurs se partagent la présidence de l'Assage, il s'agit de Jules Messot qui a remporté l'Asdor 2023 avec Acropolis et Olivier Mailly auteurs notamment de Dexterity Jane et Connecto. Je te propose qu'on termine notre podcast par le petit portrait chinois ludique donc c'est trois questions si tu étais une mécanique de jeu laquelle serais-tu ?

  • Speaker #0

    Je serais une pose d'ouvrier c'est quelque chose que j'aime beaucoup en tant que joueur que je ne sais pas faire en tant qu'auteur mais que j'aime beaucoup J'aurais cru que tu aurais dit Roll and Write mais c'est pas tout à fait une mécanique de jeu c'est plus une ergonomie bien sûr j'aurais dit Roll and Write si ça avait été une mécanique mais en fait L'ergonomie de jeu à cocher permet de faire un peu ce qu'on veut. C'est pour ça que c'est assez excitant de travailler sur ce médium-là, mais ce n'est pas tout à fait une mécanique de jeu. Ok,

  • Speaker #1

    merci pour la précision. Si tu étais un mode de jeu plutôt compétitif, plutôt coopératif, solo ?

  • Speaker #0

    Alors, pas solo du tout, plutôt compétitif. Je ne sais pas gagner un jeu, mais ça ne me dérange pas de perdre, donc ça va.

  • Speaker #1

    Ok. Et si tu étais un illustrateur de jeux de société ?

  • Speaker #0

    Je serais Vincent Dutré. Ok. Parce que je suis très fan. Très J'aimerais bien être capable d'être aussi fort que lui.

  • Speaker #1

    Ça a dû être aussi vraiment sympa pour toi de le faire travailler sur Welcome To ?

  • Speaker #0

    J'ai eu le plaisir de le faire travailler sur Welcome Collector. J'ai fait un jeu qui s'appelle The Art Project, qui est illustré par lui. J'ai un autre jeu qui sort en septembre, illustré par lui, qui s'appelle Umbrella.

  • Speaker #1

    Ok, ça enchaîne. Donc c'est trop chouette. Ok, c'est vrai qu'on n'a pas parlé de tes projets. Tu m'en dis deux mots quand même. Sur l'année 2024 ?

  • Speaker #0

    Oui, j'ai quatre jeux qui sortent. J'ai donc Umbrella avec Flavien Dauphin chez Lumberjack qui sort, qui est un jeu un peu de type Azul. J'ai un jeu qui s'appelle Onyx chez Blue Cocker avec Florian Siriax, illustré par Henri Kermarek, qui est un petit jeu de cartes dans l'esprit Skyjo, Mind Up et tout ça, un petit jeu de cartes facilement accessible. J'ai un jeu à coucher encore chez Disto Studio avec Anthony Perron, qui va sortir en septembre, mais qui a une ergonomie assez chouette, qui sera un objet assez excitant à manipuler. Et j'ai un jeu abstrait à deux qui s'appelle Mystria, qui va sortir chez Débac le jeu avec Florian Siriex, illustré par Jérémy Fleury, qui sort là aussi en septembre et on est en train de finir les illustrations.

  • Speaker #1

    Ok, beaucoup de projets avec Florian Siriex.

  • Speaker #0

    Oui, on travaille bien ensemble, clairement.

  • Speaker #1

    Bon bah écoute, on va suivre ça avec attention. Et pour finir, quelle serait une proposition de quelqu'un dans le monde du jeu qui pourrait passer à mon micro ?

  • Speaker #0

    C'est une bonne question. Ça serait bien d'interviewer des chefs de projet parce qu'il faut une sorte de travail de l'ombre. On connaît le nom des éditeurs, les patrons. Mathieu Depnoux, Emmanuel Beltrando, Alain Ballet, machin, mais on ne connaît pas forcément le travail des petites mains qui sont en contact avec les auteurs au quotidien. J'en connais chez Blue Cocker parce que c'est mes amis aussi. Mais voilà, un chef de projet chez un éditeur parce qu'ils ont un impact assez fort sur le devenir du jeu.

  • Speaker #1

    Ok, donc donne-moi un nom de chez Blue Cocker.

  • Speaker #0

    Vianney Van Lemputen ou Xavier Avel.

  • Speaker #1

    Ok, écoute, je vais essayer de prendre contact. Je te remercie. Je te propose qu'on termine le podcast comme on termine à chaque fois les vidéos et le podcast, avec la phrase habituelle. Donc, je vais dire, au jeu de Benoît Turpin, tu joues quoi ? Et le tu joues quoi, on le fait ensemble. Alors, au jeu de Benoît Turpin, tu joues quoi ? J'espère que cette interview de Benoît Turpin vous a intéressé. Si c'est le cas, je vous invite à la partager et à donner votre avis sur les réseaux sociaux de Tu Joues Quoi. Je remercie tout particulièrement Anthony Piquet pour sa fidélité et son soutien. Je vous donne rendez-vous donc un jour avec une nouvelle interview. Je serai avec la talentueuse illustratrice Camille Chaussy. En attendant, jouez bien !

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Description

Benoit Turpin est l'auteur de la série de jeux Welcome, qui a remis en 2018 les jeux à cocher à la mode.


Il a également imaginé Myriades avec Romaric Gallonier, La planches des pirates, The Art Project ou encore le Jeu du doigt avec Florien Sirieix.


Benoit Turpin a également été président de la Société des Auteurs de Jeux jusqu’en février dernier.


La SAJ défend notamment le statut d’auteur et la reconnaissance culturelle du jeu de société.


https://www.facebook.com/benoit.turpin

https://societedesauteursdejeux.fr/

https://bluecocker.com/


Chaîne YouTube : https://www.youtube.com/@TUJOUESOUQUOI

Podcast : https://podcast.ausha.co/tujouesouquoi


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour, c'est Stéphanie. Bienvenue sur le podcast Tu joues ou quoi ? dédié à l'univers du jeu de société. Suivez-moi, je vous emmène dans les coulisses à la rencontre des acteurs de ce monde très créatif. Je reçois cette semaine Benoît Turpin, auteur de la série des jeux Welcome qui a remis en 2018 les jeux à cocher à la mode. Il a également imaginé Myriade avec Romary Gallonnier, La planche des pirates, The Art Project ou encore Le jeu du doigt avec Florian Cyriex. L'ancien prof d'histoire est aujourd'hui auteur de jeu à plein temps. Benoît Turpin a également été président de la Société des auteurs de jeux jusqu'en février dernier. La Sage défend notamment le statut d'auteur et la reconnaissance culturelle du jeu de société. Nous avons pu évoquer ces différents sujets lors du Festival des Jeux de Cannes. Bonjour Benoît, merci d'être présent sur le podcast.

  • Speaker #1

    Bonjour, merci de m'accueillir.

  • Speaker #0

    Écoute, ça fait plaisir de te rencontrer en chair et en os. Je te laisse démarrer pour me dire comment tu as envie de te présenter. Bonne question.

  • Speaker #1

    C'est une très bonne question. Aujourd'hui, je me présenterai comme auteur de jeu professionnel à temps plein, qui porte plein d'autres casquettes parce que j'aime bien tout faire. Mais ça fait plaisir de pouvoir se définir comme auteur de jeu à part entière.

  • Speaker #0

    Voilà, parce qu'effectivement, c'est ton métier aujourd'hui à plein temps.

  • Speaker #1

    Oui, ça fait cinq ans que je me suis arrêté. J'étais enseignant à la base. J'ai eu l'opportunité de m'arrêter grâce au succès de mon deuxième jeu, Welcome. Et ça fait cinq ans, je touche du bois pour que ça continue. J'arrive à me financer ma carrière et ma vie grâce aux droits d'auteur.

  • Speaker #0

    Tu démarres sur Welcome, forcément les gens te connaissent plus pour ce titre. Comment ça a démarré l'histoire de Welcome ? Je sais que c'était par rapport à une proposition de Blue Cocker, un premier jeu que tu avais fait qui était trop compliqué.

  • Speaker #1

    Oui c'est ça, on était en train de travailler sur un jeu très compliqué, de jeu où on devait jouer avec son partenaire, un jeu en équipe mais pas vraiment, et qui demandait plein de matériel, au bout d'un moment on avait des éventails chacun, c'était un peu compliqué. Et Alain, mon éditeur, râlait beaucoup à l'époque que je rajoutais à chaque fois du matériel, que ça coûtait cher, parce que tout coûte cher pour un éditeur. Une journée, j'ai repris un vieux proto qui ne fonctionnait pas. J'ai essayé de le changer pour embêter Alain et dire, regarde, là j'ai un petit jeu, il y a juste 3D et une feuille de papier. Est-ce que là, ça suffit comme réduction de matériel ?

  • Speaker #0

    Oui, effectivement. C'était épuré, comme on dit.

  • Speaker #1

    C'est ça. Mais alors après, ce n'était pas juste une blague, c'était... Il se trouvait que ma solution ergonomique et matérielle aux problèmes que j'avais sur le proto faisait qu'il n'y avait plus de matériel. Et donc, c'était l'occasion de faire la blague et d'embêter Alain sur ça. Mais ce n'était pas vraiment le but initial. Ce n'était pas juste d'embêter l'éditeur.

  • Speaker #0

    Oui, mais alors du coup, cette idée de dés et de cartes, ça a été un petit peu précurseur quand même. C'est devenu une tendance grâce un peu à Welcome. Tu le verrais comme ça ou ?

  • Speaker #1

    Oui, alors en fait, les jeux à cocher, les Roll'n'Ride, ça existe depuis le Yams. Oui, le Yams,

  • Speaker #0

    voilà. Mais on va dire qu'il n'y a pas eu grand-chose depuis le Yams.

  • Speaker #1

    En fait, ça a été modernisé à l'époque de... De Quix et de Roll Through The Ages, c'est 2008-2010 à peu près. Et si on regarde BGG, on a l'impression qu'il y a une vingtaine ou une trentaine de jeux à cocher qui sont sortis avant 2018. Et en 2018, il y a eu Welcome et Tréfuté qui sont sortis et qui ont eu un gros succès tous les deux. Et à partir de 2018, si on regarde maintenant sur BGG les jeux à cocher, on est plutôt autour de 900. Il y a une vague qui est arrivée parce que je pense que les deux jeux ont montré qu'on pouvait faire des jeux à cocher autrement que juste une petite grille avec quelque chose d'ultra simple et très accessible qu'on pouvait proposer une vraie expérience ludique avec un jeu à cocher et ça a ouvert en fait des portes dans la tête des auteurs pour se dire on a le droit de faire ça.

  • Speaker #0

    Oui c'est ça, ça a ouvert des possibles.

  • Speaker #1

    Oui complètement, c'est un peu le système du monde ludique aujourd'hui. Il y a quelques années on nous disait, quand j'ai commencé, il ne faut pas faire de jeu de joueurs, il n'y a pas de viralité donc ça ne marchera jamais. Il y en a un qui a fonctionné, Seven Wonders Duel, et du coup tous les auteurs se sont mis à faire ça et les éditeurs se sont rendus compte que ça se vendait donc ils sont à la recherche de ça. Du coup maintenant il y en a trop, un petit peu comme les jeux à cocher depuis quelques années. Mais c'est bien, ça permet de donner des possibilités nouvelles aux auteurs, de réfléchir à des expériences.

  • Speaker #0

    Oui c'est ça, comme tu dis, ça ouvre des possibles. Et puis pareil, le jeu solo qui a explosé grâce à ce genre de type de jeu aussi. Tout à fait. Donc là on est déjà sur ton deuxième jeu, Welcome to, c'était ton deuxième jeu. Mais t'as donc démarré comment ?

  • Speaker #1

    J'ai démarré en tant qu'auteur par une partie d'Eclipse, où c'est un gros jeu 4X dans l'espace. J'ai fait une partie qui s'est totalement ratée, j'ai perdu au premier tour et donc j'ai passé 4 heures à regarder le jeu. Et à décortiquer ce qui m'avait beaucoup plu et qui était l'arbre de technologie. Parce que je trouvais ça incroyable de pouvoir faire changer le jeu à chaque invention. Et en fait ça m'a donné envie de faire un jeu juste sur ça. Et ça n'a pas du tout de lien avec le jeu, mon premier jeu qui est sorti finalement. Mais c'est ça qui a donné l'impulsion. de créer un jeu, puisque mon premier jeu à la base était un jeu de lettres. Parce que j'aime ça. Où on était amnésique et on apprenait les lettres au fur et à mesure, la taille des mots, la nature des mots au fur et à mesure. Et donc à chaque fois, une sorte de jeu de gestion de lettres. Et à chaque fois, on apprenait des trucs et on avait de plus en plus de possibilités pour créer des mots. Donc c'était chouette.

  • Speaker #0

    C'est optimo. C'est devenu optimo.

  • Speaker #1

    Oui, c'est devenu optimo. C'est pas du tout resté comme ça parce qu'il y a eu la réalité du monde du jeu qui est arrivé, que moi je ne connaissais pas du tout. Clairement en 2013 quand j'ai créé ça, je ne savais pas qu'il y avait un monde du jeu, qu'il y avait des auteurs, qu'il y avait des éditeurs, je ne savais rien du tout. Et quand je l'ai montré en festival, à mon premier festival, il y avait Mathieu Despnoux de Cocktail Games qui est passé, qui adore les jeux de lettres et qui m'a dit j'adore ton jeu, c'est génial, ça ne sera jamais édité.

  • Speaker #0

    Pourquoi ?

  • Speaker #1

    Pourquoi ? Si tu aimes bien le jeu. Parce que moi j'aime le jeu, je pense qu'on en sera 5 en France à l'année, et 5 ça fait pas un jeu. Parce que t'as beaucoup trop de matériel, c'est un jeu trop complexe qui se joue qu'à deux, qui va coûter 50 balles, c'est pas possible. Par contre si t'arrives à en faire un jeu de 55 cartes, tu m'appelles. Et au final ça s'est pas fait avec lui mais ça s'est fait avec un autre éditeur, mais du coup j'en ai fait un jeu de 55 cartes. qui a été mon premier jeu. Merci Mathieu.

  • Speaker #0

    Les premiers conseils, encore, des épurés, en final.

  • Speaker #1

    En fait, épurés et puis se rendre compte de la réalité du marché. Parce que c'est très bien, on peut être auteur sans jamais se soucier de ce qu'est le marché du jeu de société. Mais si à un moment donné, on veut être un auteur édité, il faut prendre conscience qu'il y a des contraintes. Il y a des contraintes éditoriales, il y a des lignes éditoriales à suivre et qu'on ne peut pas faire exactement ce qu'on veut. Parce qu'il y a une audience à trouver, il faut vendre des boîtes, parce qu'il ne faut pas juste se faire plaisir à soi.

  • Speaker #0

    Et là, on reste aussi sur un objet de marché. On y reviendra peut-être après. C'est ça.

  • Speaker #1

    C'est à la fois une œuvre de l'esprit, mais c'est aussi un produit culturel.

  • Speaker #0

    Il a été édité chez

  • Speaker #1

    Topi Games.

  • Speaker #0

    Et alors, comment tu as fait après la rencontre de Blue Cocker ? Je sais que tu es sur Toulouse. Oui. Voilà, parce que tu as créé le MALT je crois.

  • Speaker #1

    Oui, c'est lié à ça. Très rapidement, j'ai rencontré Romaric Gallonnier, qui est aussi un auteur de Toulouse, et on se retrouvait régulièrement dans une assos de jeux pour tester les protos. On a créé le MALT à ce moment-là justement pour regrouper les auteurs et avoir des retours et faire du réseau. Et en fait, Romaric a commencé un petit peu avant moi et donc connaissait Alain parce que son premier jeu, si je me souviens bien, c'était déjà chez Blue Cocker avec Casting. A cette époque-là, je connaissais Alain de loin, parce que si quelqu'un a vu Alain, on ne peut pas le rater, c'est un grand et gros monsieur qui se voit de très loin, qui fait un peu ours mal léché. Et pendant très longtemps, j'avais un peu peur de lui, je n'osais pas me présenter, j'avais un peu un syndrome de l'imposteur. J'ai eu l'impression, pendant longtemps, que quand je sortais mon proto... Il quittait la pièce à chaque fois. Pendant des mois, j'ai eu cette impression-là de mince, chaque fois que je montre un proto, il part C'est pas le moment quoi. C'est pas le moment, je dois avoir un truc qui passe pas. Maintenant je sais, c'est juste que c'est un fumeur invétéré, il sort tout le temps aller fumer sa clope et donc en fait c'était pas du tout lié à moi. Et après j'ai appris à le connaître et on s'entend très bien depuis. Mais c'est vrai que la première rencontre a été un peu… Hésitante parce qu'il était impressionnant à l'époque.

  • Speaker #0

    C'est les brainstorming avec Romaric et tout ça à l'époque qui ont aussi aidé à se lancer. C'est parce que tu as vu un copain qui a déjà été édité et tu t'es dit oui je peux faire pareil ?

  • Speaker #1

    Oui complètement. En fait le Malte et tous les autres collectifs ils servent à ça. Ils servent à permettre aux jeunes auteurs dans un sens nouveau de rencontrer d'autres auteurs qui ont déjà fait des choses pour savoir un petit peu comment ça marche, avoir des retours, créer du réseau aussi. L'autre auteur, Teston Proto, dit Ah bah ça je le verrais bien chez Intel, tiens je te file le mail, comme ça tu peux prendre rendez-vous. Ça permet d'avoir des retours un peu honnêtes et pas les retours de ta grand-mère qui te dit Ah mais c'est vachement bien ce que t'as créé ! Et c'est là aussi où on fait un peu le tri entre les auteurs et les autrices. C'est-à-dire qu'au Malte, on voit passer beaucoup de jeunes auteurs et ceux qui arrivent à supporter la claque du premier test avec des professionnels qui te disent que ton jeu ça va pas. et qu'il faut se poser ces questions-là, ces questions-là, ces questions-là, qu'il faut retravailler, ceux qui arrivent à l'accepter, à l'entendre, c'est eux qui reviennent et qui font des jeux et qui arrivent souvent à être édités. Mais par contre, on a beaucoup de gens qui se braquent malgré toute notre gentillesse et bienveillance, qui se braquent parce qu'en fait, ils ne sont pas prêts à accepter qu'il y a un univers qui existe déjà. Et qu'il faut, si on veut que son jeu dépasse son cadre familial, il faut vivre avec son temps et avec les règles du milieu.

  • Speaker #0

    Oui, c'est ça. Il y a des règles du jeu, justement, qui sont à respecter. Donc, il faut aussi les accepter.

  • Speaker #1

    On n'est pas obligé. On peut tout à fait continuer. On peut être auteur de jeu, créer des jeux pour soi et pour sa famille et pour ses proches, et faire ça toute sa vie et on restera auteur de jeu. Mais par contre, si on veut rentrer dans le monde du jeu professionnel... Il faut d'une certaine manière s'y plier.

  • Speaker #0

    Et alors le Malte, il y a combien d'auteurs à peu près maintenant qui cheminent autour ?

  • Speaker #1

    Je dirais qu'au Malte, il y a une cinquantaine d'auteurs et d'autrices qui tournent. Alors ça change chaque année, il y a des va-et-vient de gens qui commencent là, puis qui arrêtent ou qui font des choses dans leur coin. Moi, c'est vrai qu'aujourd'hui, j'ai moins de temps pour le Malte, parce que j'avais la sage et j'ai beaucoup trop d'autres activités, donc j'y vais moins. Il y a d'autres personnes qui ont pris le relais et qui sont là pour aider et accompagner.

  • Speaker #0

    C'est un des premiers collectifs aussi fédérés un peu en France ?

  • Speaker #1

    Je dirais que c'est le deuxième ou le troisième. Le premier, c'est la Cale à Lyon. Je ne dis pas de bêtises. Il me semble qu'ensuite, le deuxième, ça doit être en Bretagne, un des nombreux collectifs bretons. Le mal est arrivé à peu près à ce moment-là. Mais tous les collectifs se sont créés grosso modo entre 2000 et 2000. 2013 et 2017.

  • Speaker #0

    Oui, c'est ça, il y a eu une vague aussi.

  • Speaker #1

    Oui, parce qu'il y a eu une vague. On est passé de la cooptation et du mentorat de la période fiduti-catala où c'était un auteur qui prenait sous sa... ou pas un autre auteur pour l'accompagner, ce qui se fait encore bien sûr aujourd'hui, mais pour le faire de manière un peu plus collective et toucher un peu plus de gens dans des collectifs.

  • Speaker #0

    Oui, c'est ça. Alors, je crois que tu as fait un tour aussi chez Blue Cocker. Tu as travaillé aussi un temps chez Blue Cocker. Oui,

  • Speaker #1

    alors pas qu'un temps, parce que je viens à peine de faire une rupture conventionnelle. en tout bien, tout honneur et toute amicalité.

  • Speaker #0

    Alors comment t'es passé de prof d'histoire, je pense que c'est ça, finalement salarié chez BookWaker ?

  • Speaker #1

    En fait, ce n'est pas tout à fait lié au monde du jeu. C'est un souci familial qui a fait qu'au moment où Welcome commençait à fonctionner, moi j'avais du mal à gérer prof. Et mes activités d'auteur qui commençaient à prendre beaucoup de temps. Pour faire rapide, on essayait d'avoir un enfant avec ma femme, c'était compliqué. À un moment donné, j'étais un peu déprimé. J'ai dit que je ne pouvais pas retourner travailler suite à des annonces personnelles. Et donc je me suis arrêté presque sur un coup de tête. Et du coup, j'ai demandé à Alain s'il n'y avait pas moyen de m'embaucher à mi-temps pour assurer un minimum. Les droits d'auteur de Wellcome, comme ça arrive tous les six mois, ça prend du temps, c'est en décalage, je n'avais pas encore touché beaucoup d'argent, donc je n'étais pas du tout sûr de pouvoir en vivre. Donc Alain m'a gentiment embauché à mi-temps en tant que chef de projet. J'ai appris plein de choses aussi en bossant pour lui. Et ça m'a assuré des débuts financiers un peu plus stables pour quelqu'un qui a été fonctionnaire toute sa vie et qui n'était pas prêt à prendre autant de risques pour lui et sa famille.

  • Speaker #0

    Oui, surtout que quand tu es prof, tu dois quitter l'éducation nationale. C'est une rupture aussi.

  • Speaker #1

    Oui, alors je suis toujours officiellement prof. Je suis toujours en disponibilité. Parce que j'ai le droit, donc je le fais pour ne pas prendre de risques. Parce que si jamais demain plus personne ne veut me parler dans le monde du jeu... Je pourrais retourner corriger mes copies, mais je pense que je ne reviendrai jamais. Alors je n'ai plus du tout envie et je pense que j'aurai suffisamment d'opportunités pour travailler dans le monde du jeu, même si demain je ne fais plus auteur. Mais oui, c'était un gros changement et une prise de risque. Je suis content que ma femme ait soutenu à ce moment-là pour faire la bascule et me permettre de faire une nouvelle carrière.

  • Speaker #0

    Et puis c'est vrai qu'il se lançait dans vivre d'une passion, il faut oser mais si ça te paye c'est chouette.

  • Speaker #1

    Oui, parce que j'ai eu beaucoup de chance, malheureusement ce n'est pas le cas de la plupart des auteurs et des autrices de jeux aujourd'hui, mais je touche du bois pour l'instant, ça a été un bon choix de carrière.

  • Speaker #0

    Tu disais que tu étais chef de projet chez Blue Cocker jusqu'à peu, en quoi ça consiste en fait ? Tu as travaillé sur quel jeu et qu'est-ce que tu as appris en fait ?

  • Speaker #1

    J'ai alterné entre chef de projet et depuis deux ans, deux ans et demi, je suis plutôt chargé de production pour gérer les productions de tous les jeux Blue Cocker. Parce qu'il y avait des soucis de production, ça ne se passait pas bien et plutôt que de gérer ça à l'arrache, à la suite des projets que je gérais, j'ai préféré m'en occuper globalement. Donc là, je ne suis plus chef de projet chez Blue Cocker, je gère plus la production. Mais du coup, sur les cinq dernières années, j'ai appris plein de choses. Vraiment, on éditait un jeu, pourquoi on faisait ces choix-là et quelles contraintes ça impliquait par rapport à l'œuvre initiale et le relationnel avec les usines, comment on faisait pour que le jeu arrive à temps, au bon moment. C'est très intéressant aussi en tant qu'auteur d'avoir une vision très claire sur ce qui se passe derrière.

  • Speaker #0

    Toute la chaîne.

  • Speaker #1

    Pour avoir une bonne conscience de ce qui se passe, pourquoi les éditeurs se comportent comme ça et pourquoi ils nous embêtent à vouloir changer notre jeu et être désagréables.

  • Speaker #0

    Voilà comment on optimise aussi une boîte.

  • Speaker #1

    Oui, et puis toutes les logiques de marketing qu'on ne se pose pas vraiment, ou de matériel. Quand on crée un jeu, souvent, on ne se pose pas initialement la question de pour quel public, combien ça va coûter, quel matériel il faut. Assez rapidement, on se pose la question quand on est professionnel, parce qu'on sait que ça va impacter les éditeurs. Mais ce n'est pas la première chose à laquelle on pense. Et c'est important de voir comment eux y gèrent pour s'adapter et comprendre.

  • Speaker #0

    Du coup, ça te fait travailler autrement tes idées et tes prototypes ?

  • Speaker #1

    Oui, alors je pense que c'est peut-être un peu à l'excès de mon côté, parce que j'ai tendance à avoir une vision éditoriale des protos que je crée. Et souvent mes co-auteurs me disent mais arrête ! Arrête de faire ton éditeur, on se posera la question du matériel et du coût un peu plus tard. Parce qu'en effet, maintenant quand je crée un proto, je calcule assez rapidement dans ma tête le devis et combien ça va coûter, et quel format ça pourrait prendre, et ça impacte la manière dont je travaille.

  • Speaker #0

    Ça peut freiner l'imaginaire peut-être pour le coup.

  • Speaker #1

    Exactement. Je pense que le risque c'est d'être trop contraint par le cadre du jeu de société actuel et du marché. C'est pour ça que c'est important aussi, moi je travaille que avec des co-auteurs maintenant, parce que ça permet de rebondir et de s'ouvrir un petit peu l'esprit.

  • Speaker #0

    Donc tu as travaillé avec Romaric, tu disais tout à l'heure, Romaric Gallonnier, Florian Siriex, Alexis Allard, Jean Loubi,

  • Speaker #1

    Juan Dufour,

  • Speaker #0

    Juan Dufour, Juan ou Juan ? Juan Dufour. Donc aujourd'hui, pour toi, c'est important. Justement, tu disais, tu es dans le Malte aussi. Donc forcément, on se rencontre beaucoup. Donc ça donne des idées aussi de travailler ensemble. Tu préfères finalement travailler en solo ou avec du monde ?

  • Speaker #1

    Avec du monde. Au début, je ne comprenais pas. Ça m'était complètement étranger, le co-auteurat. Et je ne me sentais pas capable de... De lâcher la paternité de mon œuvre, de dire mais non, je ne peux pas travailler avec quelqu'un sur quelque chose que j'ai créé moi, c'est absurde, ça n'a aucun sens Et en fait, je me rends compte, avec l'expérience, qu'au contraire, c'est extrêmement enrichissant, ça permet d'aller beaucoup plus vite, d'ouvrir davantage de possibles, et c'est beaucoup plus excitant de travailler à deux que de travailler tout seul. Auteur, c'est un travail un peu ingrat, on est souvent dans son coin. Et l'avantage de travailler à deux, c'est que justement, on arrive à échanger, on arrive à rebondir sur les idées, à faire le tri et à faire... Une sorte de pré-travail éditorial en disant non mais là ton idée est vraiment trop naze, laisse tomber, faisons plutôt ça et confronter les idées sur ce que doit être le jeu. Alors ça implique de s'entendre correctement avec ses co-auteurs, ça implique d'avoir une même temporalité aussi parce que c'est pas juste important de s'entendre humainement. Je m'entends très bien avec plein d'auteurs et d'autrices. dans le monde du jeu, mais je ne pourrais pas travailler avec tout le monde. Parce que la manière de créer, elle est quand même particulière. Il faut que le binôme fonctionne en dehors des affinités humaines.

  • Speaker #0

    Oui, il faut que la méthode de travail corresponde et peut-être aussi l'organisation.

  • Speaker #1

    En fait, en fonction des co-auteurs, je ne travaille pas du tout de la même manière. Alexis Allard, avec qui j'ai bossé sur Welcome, lui, c'est quelqu'un d'extrêmement rigoureux. de très ordonné, de très calé, de très pointilleux. Et donc c'est lui qui vient derrière moi pour dire Attends Benoît, calme-toi, faisons ça comme ça, on va tester, on va tout mettre à plat. Alors que quand je travaille avec Florian Serreix, lui c'est un chien fou. Donc c'est plutôt à moi de lui dire Attends, attends.

  • Speaker #0

    Là, tu as un rôle plus...

  • Speaker #1

    Tu dis toutes tes idées, on va en prendre une parmi les 500. Et du coup, je n'ai pas du tout la même relation professionnelle sur ça. Mais c'est aussi chouette de travailler avec l'un ou avec l'autre. C'est une autre dynamique de travail.

  • Speaker #0

    Oui, c'est intéressant parce que ça demande de l'adaptation.

  • Speaker #1

    Oui, mais c'est très plaisant. OK,

  • Speaker #0

    on va revenir sur Welcome parce que tu as travaillé aussi sur l'édition Collector. Du coup, tu as travaillé aussi en tant que chef de projet pour le coup.

  • Speaker #1

    Oui, tout à fait. Là, l'édition Collector, c'est... C'est clairement mon projet pour le plaisir. Ça fait des années qu'on se dit qu'il faut réécrire les règles au propre, parce que à la date de 2018, on était jeunes, naïfs, et pas assez au point. Et en fait, on s'est rendu compte avec l'expérience qu'il y a des choses qui n'étaient pas assez claires. Il y avait de l'équilibrage qui ne fonctionnait pas parfaitement. Donc on s'est dit, réécrivons les règles. Puis oui, mais si on réécrit les règles, on pourrait peut-être changer l'équilibrage sur cette carte, parce que c'est quand même dommage. Et puis, cette icône-là... En fait, on s'est rendu compte que la barrière, l'icône intérimaire, où il y a aussi une barrière, en fait, les gens, quand on dit barrière, ils ne savent pas laquelle des deux c'est. Donc peut-être que l'icône, ce n'est pas le bon. Et à partir de cela, on se dit, si on changeait ça, et si on changeait ça ? Mais ça serait bien de mettre dans la boîte aussi les extensions directement. Et du coup, si on faisait une édition collector, finalement.

  • Speaker #0

    Bah ouais, avec du bonus.

  • Speaker #1

    Et du coup, quand on s'est dit, on va faire une édition big box, une édition collector, on s'est dit, bah... Oui mais ça serait dommage de mettre juste tout ce qu'on a fait, ça serait bien de mettre un petit peu plus quand même pour être sympa avec les gens. Et donc avec Alexis on a créé une nouvelle extension, on a rethématisé une autre parce qu'on n'avait plus les droits sur la petite mort, on ne l'avait pas à l'international de toute manière. pour l'extension La Petite Mort.

  • Speaker #0

    D'accord. T'as fait avec François Bachelard ?

  • Speaker #1

    Oui, alors on avait fait une extension crossover avec le jeu La Petite Mort de François, il y a quelques années, où l'extension pouvait se jouer avec Welcome et avec La Petite Mort. Donc c'était marrant, c'était amusé, parce qu'on s'entend bien avec Lumberjack, mais c'était que pour le marché français. D'accord. Et du coup, c'était dommage, parce que c'est une version que moi j'adore, je pense que c'est ma version préférée de Welcome, mais que... Assez peu de monde finalement avait pu jouer, donc là c'était l'occasion de la fournir au monde entier. Elle est rethématisée le 4 juillet aux Etats-Unis, c'est la fête avec les drapeaux américains. C'est aussi l'occasion de se faire plaisir et donc nous on avait toujours rêvé avec Alexis d'avoir Welcome aussi illustré par d'autres personnes. Et on s'est dit, si on demandait à des illustrateurs et des illustratrices de refaire la feuille de Welcome, qu'est-ce qu'eux feraient ?

  • Speaker #0

    Carte blanche ?

  • Speaker #1

    Oui, et l'idée, on remercie encore Alain, notre éditeur, de nous avoir laissé carte blanche pour tout gérer. On a fait de la liste très simplement des illustrateurs et des illustratrices qu'on aurait aimé avoir sur Welcome. Et on leur a demandé, est-ce que ça vous dit d'avoir carte blanche et de refaire une feuille de Welcome ? que des réponses positives et du coup ils ont fait ce qu'ils voulaient en respectant le cadre de Wellcome bien sûr mais avec des thèmes qu'ils souhaitaient, les graphismes qu'ils souhaitaient donc c'est super d'avoir ce petit cadeau.

  • Speaker #0

    Donc on a qui, rappelle-moi ? Mochalmel,

  • Speaker #1

    il y a Vincent Dutré, il y a Christine Alcouf, il y a Bess Sobel, il y a Weberson Santiago et il y a Ryan Goldsberry.

  • Speaker #0

    Et donc tout le monde a tout de suite accepté la proposition ?

  • Speaker #1

    Ouais c'est trop chouette. Du coup... C'est mon cadeau à moi. Je suis content que les gens aient envie d'y jouer, ils ont envie d'avoir cet objet parce qu'on a passé du temps. Et Anna, l'illustratrice, a tout retravaillé, a refait la couve, a refait les illustrations. C'est un chouette projet.

  • Speaker #0

    Ça fait plaisir de se faire plaisir.

  • Speaker #1

    Exactement. Et on a la chance, avec Welcome, d'avoir un jeu qui a fonctionné suffisamment bien pour se permettre cette édition collector, qui a un intérêt du public. C'est un peu le rêve.

  • Speaker #0

    Est-ce que, j'imagine que tu sais, le chiffre de vente de Welcome dans toutes ces années,

  • Speaker #1

    Alors, welcome... On est autour d'un peu plus de 400 000 pour toute la gamme. Welcome Vegas et Welcome to the Moon. Welcome tout seul, on doit être à 270 000,

  • Speaker #0

    je crois. Ok. Et là, l'édition collector, elle est bien partie, tu sais ?

  • Speaker #1

    Alors là, l'édition collector, elle est sortie qu'en France et en Espagne pour l'instant et en Chine. Et elle va sortir cette année. En Allemagne, aux États-Unis, en Angleterre. C'est un one-shot. Le but, ce n'est pas de faire remplacer la boîte de base par ça, mais ça correspond à peu près à nos attentes. Ça va faire quelques dizaines de milliers de boîtes pour les fans.

  • Speaker #0

    C'est grâce essentiellement à ce jeu que tu peux vivre de tes droits d'auteur. Et après, ça se complète avec le reste ? Tu pourrais dire ça à peu près en termes de...

  • Speaker #1

    Jusqu'à récemment, on va dire jusqu'à... En 2023, en gros, autour de 90% de mes droits d'auteur venaient de la gamme Welcome.

  • Speaker #0

    Ah oui, d'accord, c'est quand même une grosse part.

  • Speaker #1

    C'est une part non négligeable. Depuis 2023, en 2024, ça sera encore plus le cas. Ça se partage beaucoup plus équitablement avec d'autres jeux qui ont bien fonctionné, notamment la planche des pirates, qui a un gros succès.

  • Speaker #0

    Qui a bénéficié de l'As d'or aussi.

  • Speaker #1

    Qui a bénéficié de la nomination à l'As d'or. et qui là commence à on arrive à plus de 150 000 exemplaires que là aussi ça fait des droits d'auteur supplémentaires pour pouvoir en vivre et donc ça équilibre un petit peu mes finances sans mettre tous les oeufs dans le même panier et c'est vrai que ça je pourrais déjà interviewer ou entendu d'autres auteurs,

  • Speaker #0

    c'est vrai qu'il y a les auteurs qui arrivent à en vivre parce qu'ils ont plein de petits jeux qui se vendent plutôt bien régulièrement et puis t'as ceux qui ont un jeu phare et après quelques-uns alors moi je suis pas tout à fait dans la catégorie des auteurs qui ont

  • Speaker #1

    à un succès. Parce que Welcome, c'est une réussite, mais ce n'est pas ce plan d'or en termes de vente, par exemple. Je ne pourrais pas en vivre éternellement, même si ça m'a permis d'en vivre pendant 4-5 ans. Moi je suis quand même obligé de continuer à sortir des jeux, alors je le fais avec grand plaisir. Mais l'idée en effet c'est de trouver d'autres jeux qui me permettent de continuer à toucher les droits d'auteur. Le souci c'est que les courbes de vente du monde du jeu sont assez claires, c'est-à-dire que tu as 90% des jeux qui vont faire quelques milliers de boîtes, entre 3 et 10 000, donc qui vont rapporter quelques milliers d'euros. Et ça c'est le cas de la quasi-totalité des jeux. Ensuite sur 100% il doit y avoir 9% de jeux qui marchent mieux que ça. un petit peu comme Welcome et qui permettent d'en vivre un petit peu. Et puis, il y a le 1% ou le 0,1% d'énormes cartons qui permettent d'en vivre pendant très longtemps.

  • Speaker #0

    À partir de quel, enfin, après tu vas me dire, ça va dépendre du prix de la boîte, mais à partir de quel nombre de tirages on considère que le jeu, ça y est, il marche bien, ou il est installé, ou il a eu son succès ?

  • Speaker #1

    Un éditeur dirait qu'en dessous de 10 000 boîtes, c'est un échec, parce que tu n'es pas rentré dans tes frais. Et je pense qu'au-delà de 100 000 exemplaires, le jeu a acquis suffisamment de notoriété un petit peu partout pour dire que c'est un vrai succès, que c'est un jeu qui a été reconnu pour ce qu'il a apporté à ce moment-là.

  • Speaker #0

    Oui, et qui a été suffisamment mis en avant, même par les boutiques ludiques.

  • Speaker #1

    Oui, les influenceurs, les reviewers, tout ça.

  • Speaker #0

    Donc là effectivement on arrive un peu sur la casquette de président de la société des auteurs de jeux, sur ce genre de choses qui se négocient pour un auteur quand tu tombes sur un éditeur qui te dit bon moi je vais en faire que 5000 boîtes est-ce qu'il faut dire bon bah non en fait il va pas trop pousser le jeu ou est-ce qu'au contraire ça dépend ? Ça dépend peut-être de plein d'autres choses.

  • Speaker #1

    Ça c'est quelque chose, la quantité du premier tirage, c'est assez difficile à négocier parce que ça dépend très clairement de... Du poids de l'éditeur, de sa capacité à distribuer le jeu en France, à l'étranger, de son distributeur. Donc en général, en signant avec un éditeur, on sait maintenant à peu près... Sa capacité à faire du jeu une sortie importante ou pas. Quand on sort un jeu chez Asmoday, on est assuré d'avoir un premier tirage qui va être autour de 20 ou 30 000 exemplaires. Quand on sort un jeu chez un petit éditeur, ça sera plutôt 3 000 pour le premier tirage. Après, rien n'empêche le jeu de fonctionner derrière et d'avoir plein de retirages. Le premier tirage de Welcome, c'était 3 000 boîtes. On en a fait plein d'autres derrière, mais le tirage initial dépend vraiment de la capacité de base de l'éditeur à pouvoir se projeter. Et ça, on ne peut pas le négocier. On ne peut pas demander à un petit éditeur de sortir 50 000 boîtes. Il ne le fera pas parce que son distributeur lui dira non, tu ne peux pas.

  • Speaker #0

    Et après, c'est peut-être plus intéressant aussi pour un auteur d'être peut-être chez un plus petit éditeur qui va peut-être avoir un jeu ou deux. Et on est sûr qu'il va le pousser. que d'être chez un gros éditeur qui va peut-être avoir 10 jeux,

  • Speaker #1

    10 sorties ça c'est un choix si on a le choix en tant qu'auteur entre plusieurs éditeurs c'est vrai que c'est des questions qu'on peut se poser on a tous envie d'avoir un gros éditeur qui nous édite parce qu'on se dit que ça va être bien mis en avant on aura une immense photo de notre jeu sur le devant du palais des festivals à Cannes mais le risque c'est que ce jeu soit noyé dans la production de cet éditeur là et qu'il ne soit pas poussé alors qu'un petit éditeur avec ses moyens, il va essayer de le mettre en avant le plus possible parce que sa survie financière est en jeu. C'est ça, oui. Donc c'est difficile. En général, on le fait plus par affinité avec un éditeur qu'autre chose. Je ne pense pas qu'il y ait beaucoup d'auteurs qui se disent Non, je veux absolument travailler avec Asmodee ou Ravensburger parce que les petits éditeurs, c'est bon, ça ne m'intéresse pas.

  • Speaker #0

    Un peu prétentieux peut-être aussi.

  • Speaker #1

    Oui, et puis je ne pense pas. Je ne connais pas d'auteur qui fonctionne comme ça. C'est beaucoup d'affect et beaucoup de feeling quand même. Beaucoup d'humains, on passe beaucoup de temps entre avec les éditeurs. C'est des gens qu'on apprend à apprécier beaucoup. Et on n'est pas dans une démarche uniquement commerciale où on va donner un projet et puis on ne les revoit jamais et ils se débrouillent. Ça joue peut-être un petit peu dans la tête, mais assez peu, je pense.

  • Speaker #0

    Alors, qu'est-ce qu'on doit négocier, justement, quand on est auteur et qu'on va signer son premier contrat ? On peut peut-être hésiter entre des éditeurs, justement. À quoi il faut faire attention et être exigeant ? Est-ce qu'on peut être exigeant, d'ailleurs ? Parce qu'on a le choix aussi.

  • Speaker #1

    Il faut être exigeant. Il faut négocier. Malheureusement, beaucoup trop d'auteurs et d'autrices estiment que quand un éditeur lui propose un contrat, il lui fait une faveur. Ah merci, tu m'as dit, mais c'est trop gentil, c'est génial, quel cadeau. Mais en fait, ce n'est pas un cadeau, c'est un partenariat qui se noue entre deux personnes égales. Et donc ce partenariat, il se négocie, et ce n'est pas un gros mot de négocier. Et même si naturellement, les éditeurs sont la partie forte du contrat, parce que c'est eux qui tiennent les cordons de la bourse. En tout cas, ils le disent, même si en vrai, c'est les distributeurs qui ont la bourse. Derrière, il faut oser négocier et il faut oser dire les choses à la fois pour avoir de meilleures conditions et aussi avoir des conditions qui nous satisfont personnellement. Par exemple, avoir son nom sur la couverture de la boîte, c'est quelque chose qu'on peut mettre dans le contrat. Avoir la possibilité de récupérer les droits si jamais l'éditeur ne fait pas le jeu, c'est bien que ce soit écrit dans le contrat, parce que si ce n'est pas écrit, il va falloir discuter. En fait, un contrat, il est là pour régler les problèmes. Quand il y a un problème ? Alors c'est facile de dire oui, mais on s'entend, on n'a pas besoin de contrat, on va gérer. Sauf que le jour où il y a une difficulté, s'il n'y a pas de contrat, s'il n'y a pas l'article qui correspond à la difficulté en question, eh bien on ne sait pas quoi faire et personne n'a envie de se retrouver au tribunal pour essayer de gérer indifférent. Donc déjà, la première chose, c'est d'abord de négocier. Surtout en fait, il faut lire le contrat, il faut faire attention aux clauses qui peuvent être abusives. Il faut aussi essayer de demander une juste rémunération de son travail. Parce que chacun va essayer de mettre de son côté les avantages financiers. C'est normal, un éditeur va chercher à gagner de l'argent le plus possible, un auteur aussi, et c'est normal. L'idée c'est de trouver un compromis. On peut fonctionner comme Mathieu Despnoux qui me dit régulièrement moi, si un auteur ne me demande rien, je ne lui donne rien. S'il me demande, il n'y a pas de souci, je lui file. Mais tant qu'il ne me demande pas, je ne lui donne pas. Je ne suis pas tout à fait d'accord avec la démarche, mais il y a une raison derrière ça. C'est normal, en fait, c'est normal. Un contrat, ça se négocie, on discute des termes exacts, qu'est-ce que chacun veut dans cette relation.

  • Speaker #0

    Et ça revient à ce que tu disais au départ, ce n'est pas forcément une faveur, c'est qu'il faut oser demander les choses pour que ça soit clair.

  • Speaker #1

    Les éditeurs, ils ne font pas ça pour nous faire plaisir, ils font ça pour gagner de l'argent. Et nous, on fait des jeux aussi pour gagner de l'argent. Et c'est normal que tout le monde soit justement rémunéré. C'est pour ça que... On insiste notamment pour qu'il y ait des pourcentages progressifs, voire qu'il y ait une clause de succès. Si ton jeu fonctionne très bien, peut-être qu'au-delà de 100 000 ou 200 000 ou 500 000 exemplaires, ton pourcentage est très élevé parce que l'éditeur s'est largement rentré dans ses frais. C'est normal que toi aussi tu touches un bénéfice plus important sur le jeu.

  • Speaker #0

    Le pourcentage de droits d'auteur, il se négocie comment ? au nombre de boîtes qui sont prévues d'être éditées ?

  • Speaker #1

    Non, parce qu'on ne sait jamais combien il va y en avoir.

  • Speaker #0

    On ne sait pas la base ?

  • Speaker #1

    On sait que le premier tirage sera de 3 000 ou de 5 000, parce que c'est écrit dans le contrat. Mais tout le monde espère qu'il y aura un deuxième tirage ou qu'il y aura de l'export qui va faire augmenter le nombre de boîtes. Et donc nos contrats nous disent souvent... Alors aujourd'hui, c'est soit basé sur le chiffre d'affaires... brut de l'éditeur, soit basé sur le prix public hors taxe. Et dans un monde idéal, il y a des paliers, tous les 10 000, 50 000 boîtes où le montant, le pourcentage de droits d'auteur augmente.

  • Speaker #0

    D'accord, donc c'est quoi un pourcentage qui est acceptable ?

  • Speaker #1

    Il faut savoir que les auteurs de jeux sont très mal payés, même si mes amis éditeurs ne sont pas d'accord. Dans le monde de l'édition du livre, grosso modo, les auteurs touchent 8% du prix public hors taxe. Entre 8 et 10%. Les auteurs de jeux, eux, ils touchent entre 8 et 10% du CA de l'éditeur, ce qui correspond plutôt à 3 ou 4% du prix public hors-taxe.

  • Speaker #0

    D'accord, presque moitié moins.

  • Speaker #1

    Presque moitié moins. Alors, il y a plein de raisons à ça. Il n'y a pas que des bonnes raisons. Mais aujourd'hui, on considère que la norme dans le monde du jeu, c'est 8% du chiffre d'affaires de l'éditeur, correspond à un contrat qui est dans la norme. Honorable. Bien sûr, on peut demander plus, on peut demander un progressif. Nous, à la Sage, on déconseille de signer un contrat en dessous de 8% et on interdit poliment à tout le monde de signer des contrats en dessous de 6% parce que là, c'est de l'exploitation. Et même légalement, on peut se poser la question de la légalité d'un contrat aussi faible. Il y a eu des procès dans le monde du livre sur des pourcentages trop faibles que les auteurs ont gagnés. Et on pourrait se poser cette question-là, mais personne ne veut faire de procès sur ça. Après, il est normal de rétribuer les auteurs correctement. Il est normal que les éditeurs puissent en vivre aussi. Donc, on essaye de faire monter petit à petit les pourcentages et aussi les avances pour pouvoir vivre. Comme si on signe un jeu, les jeux que je vais signer à Cannes cette année, s'ils sortent en 2025, c'est bien. Et si ils sortent en 2025, ça veut dire que je touche les sous en 2026.

  • Speaker #0

    C'est six mois, un an après ?

  • Speaker #1

    La plupart des droits d'auteur sont payés tous les six ou douze mois. Donc un éditeur qui paye tous les ans. Si mon jeu sort à Cannes en 2024, je vais toucher les sous en janvier ou février 2025. Pour un jeu que j'aurais fait quatre ans avant. Donc si moi j'essaye d'en vivre, si je n'ai pas une avance qui me permet d'avoir un afflux financier régulier qui me permet de travailler, c'est compliqué. C'est pour ça aussi qu'on milite pour que dans le contrat, la rémunération soit plutôt trimestrielle que semestrielle ou annuelle. Tout simplement parce que si un éditeur est capable de payer ses factures à 60 jours ou 30 jours fin du mois à tous ses fournisseurs, il devrait être capable de payer à un auteur trimestriellement.

  • Speaker #0

    Puis assurer un peu de sécurité.

  • Speaker #1

    Voilà, moi, très clairement, si j'ai réussi à vivre financièrement ces dernières années, c'est parce que Blue Cocker paye par trimestre. Et donc, ça m'assurait un revenu suffisamment régulier dans l'année pour pouvoir me permettre de vivre et de payer mes factures, mes prêts, etc.

  • Speaker #0

    Et les avances, c'est aussi un pourcentage des futures ventes estimées ou comment ça se négocie ?

  • Speaker #1

    Ce qui se fait aujourd'hui, en général, c'est... Une avance entre 1000 et 2000 euros, quel que soit le jeu. Alors il y a des éditeurs qui sont un peu plus généreux que d'autres. On a vu des avances plus élevées autour de 3000 ou 5000 euros. Mais malheureusement, ce n'est pas des avances suffisantes pour permettre aux auteurs de jeux d'en vivre. Dans la littérature, en général, ça ne fonctionne pas tout à fait de la même manière. L'auteur présente une idée, un pitch, un début de manuscrit. Et ensuite, il touche une avance qui lui permet de vivre pendant la rédaction de son oeuvre. Dans le monde du jeu, nous on arrive avec l'oeuvre. finie entre guillemets, qui mérite d'être travaillée éditorialement, mais on arrive déjà avec le prototype final. Du coup l'avance, elle est censée officiellement nous permettre de vivre de notre travail, mais en fait notre travail il est déjà fait. Donc c'est un peu compliqué, la temporalité n'est pas tout à fait la même. Et de toute façon les montants ne sont pas du tout suffisants pour nous permettre de vivre juste avec des avances.

  • Speaker #0

    Bah oui, pour le coup 1000 euros, c'est un jeu tous les six mois,

  • Speaker #1

    ça va être compliqué. Voilà c'est ça.

  • Speaker #0

    C'est bien de rappeler peut-être que sur le site de la SAGE, il y a des contrats type. Ça, c'est quelque chose que vous avez travaillé avec des juristes ?

  • Speaker #1

    Oui, en fait, les éditeurs ont édité un livre blanc des contrats pour leurs adhérents, pour montrer comment il fallait rédiger un contrat, parce que le monde du jeu se professionnalise tout doucement. Il y a quelques années, les contrats, c'était un peu ridicule. Il y a encore des contrats qui tiennent sur une feuille A4. Et forcément c'est problématique légalement et il y a plein de choses qui sont oubliées. Donc la OEJ a fait un beau travail pour les éditeurs de montrer ce qu'il fallait exactement dans un contrat. Bien sûr tous les articles ne nous conviennent pas forcément parce que c'est une vision d'éditeur. Donc on s'est dit qu'on ne pouvait pas laisser juste une vision d'éditeur comme contrat type parce qu'on a vu leur contrat se diffuser parmi nos amis éditeurs. Donc on a travaillé avec un juriste puis avec un avocat pour avoir des articles qui tiennent légalement. qui ne sont pas forcément orientés vis-à-vis des auteurs, mais qui défendent tous les points importants pour les auteurs. Maintenant qu'on l'a sorti, le travail suivant, c'est de travailler avec la WESH pour essayer de faire un contrat type commun, ou au moins avoir une charte de base sur les articles sur lesquels on est foncièrement d'accord et qu'il faut qu'il y ait dans tous les contrats, il y a des choses sur lesquelles on sera...

  • Speaker #0

    Pas d'accord forcément, on ne parle pas des montants, on parle juste de la légalité des différents articles et des clauses. Mais je pense qu'on va réussir parce que la WESH est des gens de bonne volonté. Oui,

  • Speaker #1

    il faut travailler des gens en collaboration sur d'autres projets.

  • Speaker #0

    Oui, on fait plein de choses ensemble, on fait de la médiation ensemble, on a travaillé sur la normalisation du Kickstarter ensemble. Et c'est des partenaires, on n'est pas en opposition avec eux du tout, même si on ne s'entend pas sur tout.

  • Speaker #1

    Et ce qui est bien, c'est qu'il y aura peut-être justement une fois qu'il y aura des contrats types mis d'accord entre les syndicats des auteurs et la syndicat des éditeurs, il y aura une base commune qui ne sera plus nécessaire de négocier.

  • Speaker #0

    C'est un peu le but. Le but, c'est de limiter la négociation. Là, notre contrat type est là pour aider à la négociation des auteurs, pour dire à un auteur, il va arriver à dire moi j'ai un contrat type, on peut le respecter L'éditeur va arriver avec son contrat et à ce moment-là, on peut échanger sur les différentes clauses et on ne se base pas sur rien. C'est pour ça qu'on a fait aussi un guide de négociation. On a fait un contrat type sur tous les points Lego et on a fait un guide de négociation sur tous les points où il faut essayer de négocier pour avoir de meilleurs pourcentages, des dates fixes sur la sortie du jeu.

  • Speaker #1

    Oui, vous voyez qu'on pouvait même négocier, parce que je suis allée le lire. C'est important de négocier le nombre d'exemplaires d'auteurs, par exemple.

  • Speaker #0

    Oui, c'est important. C'est une marque de respect. Moi, ça me rend fou d'entendre mes copains auteurs me dire Là, le jeu est sorti, je vais avoir mes boîtes d'auteurs dans deux semaines. Je trouve que c'est un manque de respect insupportable de l'éditeur qui ne fait pas l'effort de donner les boîtes aux auteurs avant le public. Quelque chose que j'ai du mal à comprendre, surtout en travaillant maintenant pour un éditeur. Je vois bien comment fonctionne la production. Je vois bien comment ça arrive chez le distributeur et je vois très bien comment on peut envoyer du distributeur un carton à l'auteur avant que ça sorte, ou au moins en même temps que ça sorte. Mais bon, ça, c'est des choses sur lesquelles on doit travailler. Ok.

  • Speaker #1

    Alors, tu faisais le parallèle tout à l'heure avec le monde du livre. Là, le gros travail de la SAGE et des autres, d'ailleurs, aussi, syndicats, illustrateurs, les boutiques ludiques, tout le monde, vous fédérez pour défendre surtout l'œuvre de l'esprit. Et donc faire du produit un objet culturel.

  • Speaker #0

    Oui, c'est ça. En fait, ça fait des années, c'est l'objet principal de la SAGE, c'est de faire reconnaître le jeu en tant qu'objet culturel et œuvre de l'esprit. Parce qu'aujourd'hui, officiellement, ça ne l'est pas. On est dans une sorte de zone grise où on est plus ou moins toléré par les pouvoirs publics. Mais il n'y a pas de prise de décision officielle pour signaler que le jeu, c'est une œuvre de l'esprit. On milite depuis des années pour le faire. Nos partenaires des boutiques ludiques, des cafés ludiques, de l'ALF, des illustrateurs, des éditeurs, des festivals, ils font tous aussi cette démarche-là. Et donc l'an dernier, on a décidé de se structurer dans un GIGS, le Groupement Interprofessionnel du Jeu de Société, une sorte de fédération des organisations professionnelles, pour essayer de parler d'une seule voix. auprès des pouvoirs publics et de ne pas arriver vis-à-vis des députés ou des élus ou du ministère comme juste le représentant des auteurs ou juste le représentant des éditeurs avec des intérêts personnels. Et pour dire non, en fait, c'est tout le milieu qui veut une avancée là-dessus parce qu'il y a des intérêts concrets à être reconnus. Et il y a aussi un intérêt symbolique à être reconnu en tant qu'œuvre de l'esprit.

  • Speaker #1

    Alors quels sont justement ces intérêts pour tout le monde finalement, pour tous les acteurs, jusqu'aux consommateurs, aux joueurs on va dire, je préfère le terme joueur.

  • Speaker #0

    Il y a plein de choses sur lesquelles on peut travailler. En fait, comme on n'est pas du tout reconnu, aujourd'hui une entreprise du monde du jeu, elle ne peut pas avoir un code NAF qui est dans son numéro de sirète. qui soit spécifique à son activité. Et du coup, ça l'empêche d'avoir des conventions salariales adaptées à son travail. Les cafés ludiques n'ont pas la possibilité d'avoir un code de l'urbanisme qui soit adapté à leur activité professionnelle. Les auteurs de jeux, jusqu'à janvier, n'avaient pas un code APE d'artiste-auteur et donc ils étaient considérés comme des éditeurs ou... Autre, mais sans jamais être correctement défini, ce qui les exposait à payer des impôts qu'ils ne devaient pas payer en tant qu'artistes auteurs.

  • Speaker #1

    Pourquoi tu dis jusqu'à janvier ?

  • Speaker #0

    Parce qu'en fait on a réussi à faire évoluer notre statut à l'Ursaf. Il y a eu un travail de nomenclature à l'Ursaf artistes-auteurs qui a été fait depuis deux ans. On a participé à ces travaux avec la SAGE. Et on a obtenu que le jeu de société soit dans la nomenclature et que les auteurs de jeux soient dans cette nomenclature. Jusqu'à présent, quand un éditeur payait les cotisations sociales et au patronal, il devait déclarer le produit comme une autre activité. d'écrivain ou activité multimédia ou autre, parce qu'on n'avait pas de case qui correspondait. Et quand nous on demandait à être déclaré en tant qu'auteur de jeu, on nous répondait que l'INSEE nous répondait, mais ça n'existe pas.

  • Speaker #1

    Ok, no man's land.

  • Speaker #0

    Exactement. Donc là, on a obtenu du ministère cette reconnaissance-là pour l'URSSAF, ce qui fait que, comme c'est l'INSEE qui a participé à cette nomenclature, maintenant l'INSEE nous reconnaît en tant qu'auteur de jeu. Donc maintenant, quand on fait une demande de numéro de sirète... Pour artistes auteurs, on peut dire auteurs de jeu et ils nous le donnent. Ce qui nous permet d'être reconnu. Alors, c'est une petite reconnaissance administrative, mais c'est un premier pas vers une sorte de normalisation de la situation. Et en fait, cette reconnaissance administrative, elle nous permet de nous professionnaliser. Aujourd'hui, on fait une consultation à la SAGE tous les 3-4 ans pour avoir une info sur une vision sur le monde ludique côté auteur. Et donc, on va publier la dernière. après-demain, et on s'est rendu compte que notre travail, il sert à quelque chose, parce qu'en 2018, il y avait plus de 50% des auteurs qui ne déclaraient pas leur cotisation sociale, voire... plusieurs dizaines de pourcents qui ne payaient pas d'impôts dessus. Parce que c'est une sorte de zone grise, c'est une sorte de... C'est comme ça, c'est presque cadeau, c'est de l'argent de poche. Et aujourd'hui, on est passé à plus de 80% des auteurs qui payent leurs cotisations sociales, donc qui sont reconnus officiellement auprès des pouvoirs publics en tant qu'artistes-auteurs qui touchent des droits d'auteur. Donc petit à petit, on se structure, on s'organise. Et cette reconnaissance... administrative, c'est le premier pas vers une reconnaissance officielle.

  • Speaker #1

    Ça peut clairement aider. On voit que les choses bougent. C'est lent, mais ça bouge.

  • Speaker #0

    C'est très lent.

  • Speaker #1

    L'année dernière, vous êtes quand même allé voir en collectif justement les députés à l'Assemblée nationale. L'idée, c'était de travailler sur un projet de loi. Tu peux me dire où ça en est, ça ? Parce qu'entre-temps, il s'est passé... Il y a toujours plein de projets de loi prioritaires. Beaucoup trop.

  • Speaker #0

    C'est évident que nous, on n'est pas prioritaire. Mais le projet de loi, il a été rédigé. On l'a rédigé avec les députés. Il y a un groupe de travail multipartite qui travaille dessus. Donc, ce n'est pas juste un groupe parlementaire qui soutient ça.

  • Speaker #1

    Oui, c'est assez consensuel quand même.

  • Speaker #0

    C'est assez consensuel. La plupart des retours qu'on a des élus, c'est Ah bon ? Ce n'est pas reconnu ? Ah bon ? Vous n'existez pas officiellement ? Mais c'est bizarre. Oui, c'est étrange. Faites quelque chose. En fait, la nomination de la nouvelle ministre de la Culture, Mme Dati, fait un petit peu bouger les choses. Parce que le groupe de députés a rendez-vous la semaine prochaine avec la ministre pour discuter du projet de loi, pour essayer d'en faire un projet gouvernemental plutôt qu'un projet des députés. Alors on ne sait pas bien sûr comment ça va se passer, comment va se passer le rendez-vous, mais on espère que la ministre sera à l'écoute. Pour l'instant, elle semble l'être. En tout cas, les choses avancent, pas du tout à la vitesse auquel on aimerait, mais il faut se dire aussi qu'on n'a jamais été aussi près d'une reconnaissance. Une petite idée, il y a quelques années, on avait obtenu d'un élu de faire une question à l'Assemblée nationale sur la situation des jeux de société. On n'avait pas eu de réponse du ministère. Là, il y a une sénatrice qui a posé à peu près la même question l'an dernier. Et on a enfin eu une réponse de la ministre précédente qui avait l'air de dire tout va bien, madame la marquise. En fait, vous êtes déjà reconnue. Ne vous plaignez pas, tout va bien. En plus. La nomenclature de l'Urssaf montre que vous existez, donc c'est super. Donc à la fois elle nous reconnaît, mais elle n'est pas allée assez loin. Mais les députés étaient convaincus que c'était une première étape nécessaire et que ça les justifiait dans la démarche législative. Et donc on espère que c'est quelque chose qui va continuer. C'est quelque chose qui nous tient vraiment à cœur, symboliquement, mais aussi économiquement. Quand on parle du produit culturel, aujourd'hui le jeu de société est subventionné à 0%, alors que la culture en France, c'est une exception culturelle, c'est extrêmement soutenu par les pouvoirs publics. Et aujourd'hui, la quasi-totalité des livres est soutenue par le CNL, les films sont soutenus par le CNC, avec des subventions à 100% des documentaires télé ou cinéma sont financés par les deniers publics totalement. Dans le jeu de société, ça n'existe pas. Ce qui fait qu'aujourd'hui... Un jeu de société, il est forcément un produit culturel, mais un produit. Avant tout parce qu'il faut gagner de l'argent. Il n'y a pas un éditeur qui va se dire on va faire ça parce que c'est une œuvre et que c'est important qu'elle existe On va le faire, mais il faut que ça se vende quand même. Aujourd'hui, on ne peut pas vivre de son art s'il n'y a pas une rentabilité économique. Ce qui n'est pas le cas dans les autres domaines culturels parce qu'il y a un soutien des pouvoirs publics. Si demain on est reconnu comme un objet culturel de la même manière que le livre, la musique, le théâtre ou le cinéma, ça nous permet aussi d'avoir accès à des financements publics pour des œuvres qui peuvent être plus engagées, des œuvres qui peuvent apporter un autre message que juste s'amuser autour de la table, ce qui est important, ce qui est une des valeurs fondamentales du jeu de société, mais on peut faire autre chose. Mais on peut faire autre chose si les pouvoirs publics nous aident aussi à le faire.

  • Speaker #1

    Après, c'est vrai qu'il y a déjà quand même des valeurs très pédagogiques, quand même déjà dans le jeu de société, qui ne sont plus approuvées. Et puis même aussi culturellement, il y a déjà des choses autour des jeux historiques qui font des reconstitutions d'une bataille ou autre. Il y a déjà quand même des choses...

  • Speaker #0

    Oui, je pense qu'il n'y a pas de doute. En tout cas, dans le milieu, il n'y a pas de doute sur la nature culturelle de notre travail. Et il y a plein d'arguments en faveur de ça. Le souci, c'est que tant qu'on n'a pas cette reconnaissance officielle, En fait, on est exclu de tout le fonctionnement de la culture en France. Un exemple très simple, c'est le pass culture. Le pass culture, on peut acheter avec ce pass culture pour les jeunes, des places de ciné, des livres, des CD, des DVD, ce qu'on veut, mais on ne peut pas acheter de jeux de société.

  • Speaker #1

    Mais ils peuvent acheter des jeux vidéo.

  • Speaker #0

    Ils peuvent acheter des jeux vidéo, parce qu'eux, ils ont réussi à obtenir du ministère le soutien du CNC, qui est devenu le centre national du cinéma et de l'image animée, pour soutenir le jeu vidéo. Donc eux, ils sont rentrés dans le système, et nous pas. Donc on ne peut pas soutenir la création avec ce Passe Culture. Et quand on en a parlé au directeur du Passe Culture, il nous a dit Ah bon ? Vous n'êtes pas dedans ? Alors que lui, c'est un fan de jeux de société.

  • Speaker #1

    Alors j'allais dire, tu en as trouvé des députés et des sénateurs joueurs.

  • Speaker #0

    Oui, il y en a plein. Mais la plupart se disent Ah bon ? Mais c'est bizarre que vous ne soyez pas reconnus. C'est un peu frustrant, mais ça va dans le bon sens.

  • Speaker #1

    Ok, donc là, pour conclure, parce qu'il va falloir qu'on termine, on en est où et quels sont les prochains combats, enfin les prochaines, on va dire, échéances ?

  • Speaker #0

    La prochaine échéance, c'est justement ce pass culture qui devient problématique parce que maintenant il y a une partie collective qui finance tous les projets culturels scolaires et en étant exclu de ce pass culture, on ne peut plus faire d'intervention dans les écoles et dans les collèges et les lycées parce que les financements sont réservés aux œuvres culturelles bénéficiant de ce pass culture. Donc tous les ateliers qu'on pouvait faire, on ne peut plus les faire. Et bientôt pour les ludothèques et bibliothèques non plus. Ah oui,

  • Speaker #1

    d'accord.

  • Speaker #0

    Donc à force de s'organiser autour de ce Passe Culture, on va finir pas totalement exclus. Donc là, on est en train de préparer un dossier pour le conseil d'administration du Passe Culture pour faire valider l'entrée du jeu de société, ce qui ne devrait pas poser de problème en soi, mais qui demande un peu de travail. On continue à travailler sur le projet de loi et on continue à échanger aussi avec d'autres acteurs pour pouvoir... notamment intégrer peut-être le CNL, le Centre National du Livre, de la même manière que le jeu vidéo a intégré le CNC. On échange aussi avec la SOFIA, qui est l'équivalent de la SACEM pour le livre, qui permet de gérer les droits communs, les droits publics, parce qu'aujourd'hui, quand on emprunte des jeux, quand il y a des sociétés qui font de la location de jeux de société, En fait, c'est encore une zone grise. Il n'y a pas de rémunération d'auteur, pas de rémunération d'éditeur sur des jeux qui sont censés être à usage privé, mais qui sont utilisés de manière publique dans la musique. La SACEM récupère des droits, dans le livre, la Société récupère des droits. Oui,

  • Speaker #1

    une médiathèque qui veut diffuser un film, elle doit faire une demande, effectivement.

  • Speaker #0

    Exactement. Et donc, du coup, là aussi, il n'y a pas de rémunération, il n'y a pas de reconnaissance. Et ça fait partie des choses sur lesquelles on travaille.

  • Speaker #1

    On voit qu'il y a énormément d'enjeux, effectivement, derrière tout ça. Beaucoup de travail. Beaucoup de travail. Donc ça continue. Et tu es président depuis combien d'années ?

  • Speaker #0

    Ça fait trois ans.

  • Speaker #1

    Trois ans.

  • Speaker #0

    Et j'arrête. Tu passes la main au Festival de Cannes ? Je passe la main au Festival de Cannes. Je vais continuer à suivre certains dossiers. Mais trois ans, c'est bien. Ça m'a occupé de nombreuses heures. Et j'aimerais bien aussi faire des jeux.

  • Speaker #1

    C'est un vrai sacerdoce aussi.

  • Speaker #0

    Oui, mais c'est très important. Donc ça m'a fait plaisir de le faire.

  • Speaker #1

    Bon bah écoute pour l'instant on ne peut pas dire qui sera le prochain parce qu'on ne sait pas, je crois que c'est dans deux jours C'est dans deux jours,

  • Speaker #0

    oui

  • Speaker #1

    Bah écoute, merci beaucoup pour toutes ces questions, j'en ai encore plein mais je crois qu'il faut qu'on arrête, mais ça donnera l'occasion de se revoir sur les avancées ou peut-être le prochain président Depuis cette interview deux auteurs se partagent la présidence de l'Assage, il s'agit de Jules Messot qui a remporté l'Asdor 2023 avec Acropolis et Olivier Mailly auteurs notamment de Dexterity Jane et Connecto. Je te propose qu'on termine notre podcast par le petit portrait chinois ludique donc c'est trois questions si tu étais une mécanique de jeu laquelle serais-tu ?

  • Speaker #0

    Je serais une pose d'ouvrier c'est quelque chose que j'aime beaucoup en tant que joueur que je ne sais pas faire en tant qu'auteur mais que j'aime beaucoup J'aurais cru que tu aurais dit Roll and Write mais c'est pas tout à fait une mécanique de jeu c'est plus une ergonomie bien sûr j'aurais dit Roll and Write si ça avait été une mécanique mais en fait L'ergonomie de jeu à cocher permet de faire un peu ce qu'on veut. C'est pour ça que c'est assez excitant de travailler sur ce médium-là, mais ce n'est pas tout à fait une mécanique de jeu. Ok,

  • Speaker #1

    merci pour la précision. Si tu étais un mode de jeu plutôt compétitif, plutôt coopératif, solo ?

  • Speaker #0

    Alors, pas solo du tout, plutôt compétitif. Je ne sais pas gagner un jeu, mais ça ne me dérange pas de perdre, donc ça va.

  • Speaker #1

    Ok. Et si tu étais un illustrateur de jeux de société ?

  • Speaker #0

    Je serais Vincent Dutré. Ok. Parce que je suis très fan. Très J'aimerais bien être capable d'être aussi fort que lui.

  • Speaker #1

    Ça a dû être aussi vraiment sympa pour toi de le faire travailler sur Welcome To ?

  • Speaker #0

    J'ai eu le plaisir de le faire travailler sur Welcome Collector. J'ai fait un jeu qui s'appelle The Art Project, qui est illustré par lui. J'ai un autre jeu qui sort en septembre, illustré par lui, qui s'appelle Umbrella.

  • Speaker #1

    Ok, ça enchaîne. Donc c'est trop chouette. Ok, c'est vrai qu'on n'a pas parlé de tes projets. Tu m'en dis deux mots quand même. Sur l'année 2024 ?

  • Speaker #0

    Oui, j'ai quatre jeux qui sortent. J'ai donc Umbrella avec Flavien Dauphin chez Lumberjack qui sort, qui est un jeu un peu de type Azul. J'ai un jeu qui s'appelle Onyx chez Blue Cocker avec Florian Siriax, illustré par Henri Kermarek, qui est un petit jeu de cartes dans l'esprit Skyjo, Mind Up et tout ça, un petit jeu de cartes facilement accessible. J'ai un jeu à coucher encore chez Disto Studio avec Anthony Perron, qui va sortir en septembre, mais qui a une ergonomie assez chouette, qui sera un objet assez excitant à manipuler. Et j'ai un jeu abstrait à deux qui s'appelle Mystria, qui va sortir chez Débac le jeu avec Florian Siriex, illustré par Jérémy Fleury, qui sort là aussi en septembre et on est en train de finir les illustrations.

  • Speaker #1

    Ok, beaucoup de projets avec Florian Siriex.

  • Speaker #0

    Oui, on travaille bien ensemble, clairement.

  • Speaker #1

    Bon bah écoute, on va suivre ça avec attention. Et pour finir, quelle serait une proposition de quelqu'un dans le monde du jeu qui pourrait passer à mon micro ?

  • Speaker #0

    C'est une bonne question. Ça serait bien d'interviewer des chefs de projet parce qu'il faut une sorte de travail de l'ombre. On connaît le nom des éditeurs, les patrons. Mathieu Depnoux, Emmanuel Beltrando, Alain Ballet, machin, mais on ne connaît pas forcément le travail des petites mains qui sont en contact avec les auteurs au quotidien. J'en connais chez Blue Cocker parce que c'est mes amis aussi. Mais voilà, un chef de projet chez un éditeur parce qu'ils ont un impact assez fort sur le devenir du jeu.

  • Speaker #1

    Ok, donc donne-moi un nom de chez Blue Cocker.

  • Speaker #0

    Vianney Van Lemputen ou Xavier Avel.

  • Speaker #1

    Ok, écoute, je vais essayer de prendre contact. Je te remercie. Je te propose qu'on termine le podcast comme on termine à chaque fois les vidéos et le podcast, avec la phrase habituelle. Donc, je vais dire, au jeu de Benoît Turpin, tu joues quoi ? Et le tu joues quoi, on le fait ensemble. Alors, au jeu de Benoît Turpin, tu joues quoi ? J'espère que cette interview de Benoît Turpin vous a intéressé. Si c'est le cas, je vous invite à la partager et à donner votre avis sur les réseaux sociaux de Tu Joues Quoi. Je remercie tout particulièrement Anthony Piquet pour sa fidélité et son soutien. Je vous donne rendez-vous donc un jour avec une nouvelle interview. Je serai avec la talentueuse illustratrice Camille Chaussy. En attendant, jouez bien !

Description

Benoit Turpin est l'auteur de la série de jeux Welcome, qui a remis en 2018 les jeux à cocher à la mode.


Il a également imaginé Myriades avec Romaric Gallonier, La planches des pirates, The Art Project ou encore le Jeu du doigt avec Florien Sirieix.


Benoit Turpin a également été président de la Société des Auteurs de Jeux jusqu’en février dernier.


La SAJ défend notamment le statut d’auteur et la reconnaissance culturelle du jeu de société.


https://www.facebook.com/benoit.turpin

https://societedesauteursdejeux.fr/

https://bluecocker.com/


Chaîne YouTube : https://www.youtube.com/@TUJOUESOUQUOI

Podcast : https://podcast.ausha.co/tujouesouquoi


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour, c'est Stéphanie. Bienvenue sur le podcast Tu joues ou quoi ? dédié à l'univers du jeu de société. Suivez-moi, je vous emmène dans les coulisses à la rencontre des acteurs de ce monde très créatif. Je reçois cette semaine Benoît Turpin, auteur de la série des jeux Welcome qui a remis en 2018 les jeux à cocher à la mode. Il a également imaginé Myriade avec Romary Gallonnier, La planche des pirates, The Art Project ou encore Le jeu du doigt avec Florian Cyriex. L'ancien prof d'histoire est aujourd'hui auteur de jeu à plein temps. Benoît Turpin a également été président de la Société des auteurs de jeux jusqu'en février dernier. La Sage défend notamment le statut d'auteur et la reconnaissance culturelle du jeu de société. Nous avons pu évoquer ces différents sujets lors du Festival des Jeux de Cannes. Bonjour Benoît, merci d'être présent sur le podcast.

  • Speaker #1

    Bonjour, merci de m'accueillir.

  • Speaker #0

    Écoute, ça fait plaisir de te rencontrer en chair et en os. Je te laisse démarrer pour me dire comment tu as envie de te présenter. Bonne question.

  • Speaker #1

    C'est une très bonne question. Aujourd'hui, je me présenterai comme auteur de jeu professionnel à temps plein, qui porte plein d'autres casquettes parce que j'aime bien tout faire. Mais ça fait plaisir de pouvoir se définir comme auteur de jeu à part entière.

  • Speaker #0

    Voilà, parce qu'effectivement, c'est ton métier aujourd'hui à plein temps.

  • Speaker #1

    Oui, ça fait cinq ans que je me suis arrêté. J'étais enseignant à la base. J'ai eu l'opportunité de m'arrêter grâce au succès de mon deuxième jeu, Welcome. Et ça fait cinq ans, je touche du bois pour que ça continue. J'arrive à me financer ma carrière et ma vie grâce aux droits d'auteur.

  • Speaker #0

    Tu démarres sur Welcome, forcément les gens te connaissent plus pour ce titre. Comment ça a démarré l'histoire de Welcome ? Je sais que c'était par rapport à une proposition de Blue Cocker, un premier jeu que tu avais fait qui était trop compliqué.

  • Speaker #1

    Oui c'est ça, on était en train de travailler sur un jeu très compliqué, de jeu où on devait jouer avec son partenaire, un jeu en équipe mais pas vraiment, et qui demandait plein de matériel, au bout d'un moment on avait des éventails chacun, c'était un peu compliqué. Et Alain, mon éditeur, râlait beaucoup à l'époque que je rajoutais à chaque fois du matériel, que ça coûtait cher, parce que tout coûte cher pour un éditeur. Une journée, j'ai repris un vieux proto qui ne fonctionnait pas. J'ai essayé de le changer pour embêter Alain et dire, regarde, là j'ai un petit jeu, il y a juste 3D et une feuille de papier. Est-ce que là, ça suffit comme réduction de matériel ?

  • Speaker #0

    Oui, effectivement. C'était épuré, comme on dit.

  • Speaker #1

    C'est ça. Mais alors après, ce n'était pas juste une blague, c'était... Il se trouvait que ma solution ergonomique et matérielle aux problèmes que j'avais sur le proto faisait qu'il n'y avait plus de matériel. Et donc, c'était l'occasion de faire la blague et d'embêter Alain sur ça. Mais ce n'était pas vraiment le but initial. Ce n'était pas juste d'embêter l'éditeur.

  • Speaker #0

    Oui, mais alors du coup, cette idée de dés et de cartes, ça a été un petit peu précurseur quand même. C'est devenu une tendance grâce un peu à Welcome. Tu le verrais comme ça ou ?

  • Speaker #1

    Oui, alors en fait, les jeux à cocher, les Roll'n'Ride, ça existe depuis le Yams. Oui, le Yams,

  • Speaker #0

    voilà. Mais on va dire qu'il n'y a pas eu grand-chose depuis le Yams.

  • Speaker #1

    En fait, ça a été modernisé à l'époque de... De Quix et de Roll Through The Ages, c'est 2008-2010 à peu près. Et si on regarde BGG, on a l'impression qu'il y a une vingtaine ou une trentaine de jeux à cocher qui sont sortis avant 2018. Et en 2018, il y a eu Welcome et Tréfuté qui sont sortis et qui ont eu un gros succès tous les deux. Et à partir de 2018, si on regarde maintenant sur BGG les jeux à cocher, on est plutôt autour de 900. Il y a une vague qui est arrivée parce que je pense que les deux jeux ont montré qu'on pouvait faire des jeux à cocher autrement que juste une petite grille avec quelque chose d'ultra simple et très accessible qu'on pouvait proposer une vraie expérience ludique avec un jeu à cocher et ça a ouvert en fait des portes dans la tête des auteurs pour se dire on a le droit de faire ça.

  • Speaker #0

    Oui c'est ça, ça a ouvert des possibles.

  • Speaker #1

    Oui complètement, c'est un peu le système du monde ludique aujourd'hui. Il y a quelques années on nous disait, quand j'ai commencé, il ne faut pas faire de jeu de joueurs, il n'y a pas de viralité donc ça ne marchera jamais. Il y en a un qui a fonctionné, Seven Wonders Duel, et du coup tous les auteurs se sont mis à faire ça et les éditeurs se sont rendus compte que ça se vendait donc ils sont à la recherche de ça. Du coup maintenant il y en a trop, un petit peu comme les jeux à cocher depuis quelques années. Mais c'est bien, ça permet de donner des possibilités nouvelles aux auteurs, de réfléchir à des expériences.

  • Speaker #0

    Oui c'est ça, comme tu dis, ça ouvre des possibles. Et puis pareil, le jeu solo qui a explosé grâce à ce genre de type de jeu aussi. Tout à fait. Donc là on est déjà sur ton deuxième jeu, Welcome to, c'était ton deuxième jeu. Mais t'as donc démarré comment ?

  • Speaker #1

    J'ai démarré en tant qu'auteur par une partie d'Eclipse, où c'est un gros jeu 4X dans l'espace. J'ai fait une partie qui s'est totalement ratée, j'ai perdu au premier tour et donc j'ai passé 4 heures à regarder le jeu. Et à décortiquer ce qui m'avait beaucoup plu et qui était l'arbre de technologie. Parce que je trouvais ça incroyable de pouvoir faire changer le jeu à chaque invention. Et en fait ça m'a donné envie de faire un jeu juste sur ça. Et ça n'a pas du tout de lien avec le jeu, mon premier jeu qui est sorti finalement. Mais c'est ça qui a donné l'impulsion. de créer un jeu, puisque mon premier jeu à la base était un jeu de lettres. Parce que j'aime ça. Où on était amnésique et on apprenait les lettres au fur et à mesure, la taille des mots, la nature des mots au fur et à mesure. Et donc à chaque fois, une sorte de jeu de gestion de lettres. Et à chaque fois, on apprenait des trucs et on avait de plus en plus de possibilités pour créer des mots. Donc c'était chouette.

  • Speaker #0

    C'est optimo. C'est devenu optimo.

  • Speaker #1

    Oui, c'est devenu optimo. C'est pas du tout resté comme ça parce qu'il y a eu la réalité du monde du jeu qui est arrivé, que moi je ne connaissais pas du tout. Clairement en 2013 quand j'ai créé ça, je ne savais pas qu'il y avait un monde du jeu, qu'il y avait des auteurs, qu'il y avait des éditeurs, je ne savais rien du tout. Et quand je l'ai montré en festival, à mon premier festival, il y avait Mathieu Despnoux de Cocktail Games qui est passé, qui adore les jeux de lettres et qui m'a dit j'adore ton jeu, c'est génial, ça ne sera jamais édité.

  • Speaker #0

    Pourquoi ?

  • Speaker #1

    Pourquoi ? Si tu aimes bien le jeu. Parce que moi j'aime le jeu, je pense qu'on en sera 5 en France à l'année, et 5 ça fait pas un jeu. Parce que t'as beaucoup trop de matériel, c'est un jeu trop complexe qui se joue qu'à deux, qui va coûter 50 balles, c'est pas possible. Par contre si t'arrives à en faire un jeu de 55 cartes, tu m'appelles. Et au final ça s'est pas fait avec lui mais ça s'est fait avec un autre éditeur, mais du coup j'en ai fait un jeu de 55 cartes. qui a été mon premier jeu. Merci Mathieu.

  • Speaker #0

    Les premiers conseils, encore, des épurés, en final.

  • Speaker #1

    En fait, épurés et puis se rendre compte de la réalité du marché. Parce que c'est très bien, on peut être auteur sans jamais se soucier de ce qu'est le marché du jeu de société. Mais si à un moment donné, on veut être un auteur édité, il faut prendre conscience qu'il y a des contraintes. Il y a des contraintes éditoriales, il y a des lignes éditoriales à suivre et qu'on ne peut pas faire exactement ce qu'on veut. Parce qu'il y a une audience à trouver, il faut vendre des boîtes, parce qu'il ne faut pas juste se faire plaisir à soi.

  • Speaker #0

    Et là, on reste aussi sur un objet de marché. On y reviendra peut-être après. C'est ça.

  • Speaker #1

    C'est à la fois une œuvre de l'esprit, mais c'est aussi un produit culturel.

  • Speaker #0

    Il a été édité chez

  • Speaker #1

    Topi Games.

  • Speaker #0

    Et alors, comment tu as fait après la rencontre de Blue Cocker ? Je sais que tu es sur Toulouse. Oui. Voilà, parce que tu as créé le MALT je crois.

  • Speaker #1

    Oui, c'est lié à ça. Très rapidement, j'ai rencontré Romaric Gallonnier, qui est aussi un auteur de Toulouse, et on se retrouvait régulièrement dans une assos de jeux pour tester les protos. On a créé le MALT à ce moment-là justement pour regrouper les auteurs et avoir des retours et faire du réseau. Et en fait, Romaric a commencé un petit peu avant moi et donc connaissait Alain parce que son premier jeu, si je me souviens bien, c'était déjà chez Blue Cocker avec Casting. A cette époque-là, je connaissais Alain de loin, parce que si quelqu'un a vu Alain, on ne peut pas le rater, c'est un grand et gros monsieur qui se voit de très loin, qui fait un peu ours mal léché. Et pendant très longtemps, j'avais un peu peur de lui, je n'osais pas me présenter, j'avais un peu un syndrome de l'imposteur. J'ai eu l'impression, pendant longtemps, que quand je sortais mon proto... Il quittait la pièce à chaque fois. Pendant des mois, j'ai eu cette impression-là de mince, chaque fois que je montre un proto, il part C'est pas le moment quoi. C'est pas le moment, je dois avoir un truc qui passe pas. Maintenant je sais, c'est juste que c'est un fumeur invétéré, il sort tout le temps aller fumer sa clope et donc en fait c'était pas du tout lié à moi. Et après j'ai appris à le connaître et on s'entend très bien depuis. Mais c'est vrai que la première rencontre a été un peu… Hésitante parce qu'il était impressionnant à l'époque.

  • Speaker #0

    C'est les brainstorming avec Romaric et tout ça à l'époque qui ont aussi aidé à se lancer. C'est parce que tu as vu un copain qui a déjà été édité et tu t'es dit oui je peux faire pareil ?

  • Speaker #1

    Oui complètement. En fait le Malte et tous les autres collectifs ils servent à ça. Ils servent à permettre aux jeunes auteurs dans un sens nouveau de rencontrer d'autres auteurs qui ont déjà fait des choses pour savoir un petit peu comment ça marche, avoir des retours, créer du réseau aussi. L'autre auteur, Teston Proto, dit Ah bah ça je le verrais bien chez Intel, tiens je te file le mail, comme ça tu peux prendre rendez-vous. Ça permet d'avoir des retours un peu honnêtes et pas les retours de ta grand-mère qui te dit Ah mais c'est vachement bien ce que t'as créé ! Et c'est là aussi où on fait un peu le tri entre les auteurs et les autrices. C'est-à-dire qu'au Malte, on voit passer beaucoup de jeunes auteurs et ceux qui arrivent à supporter la claque du premier test avec des professionnels qui te disent que ton jeu ça va pas. et qu'il faut se poser ces questions-là, ces questions-là, ces questions-là, qu'il faut retravailler, ceux qui arrivent à l'accepter, à l'entendre, c'est eux qui reviennent et qui font des jeux et qui arrivent souvent à être édités. Mais par contre, on a beaucoup de gens qui se braquent malgré toute notre gentillesse et bienveillance, qui se braquent parce qu'en fait, ils ne sont pas prêts à accepter qu'il y a un univers qui existe déjà. Et qu'il faut, si on veut que son jeu dépasse son cadre familial, il faut vivre avec son temps et avec les règles du milieu.

  • Speaker #0

    Oui, c'est ça. Il y a des règles du jeu, justement, qui sont à respecter. Donc, il faut aussi les accepter.

  • Speaker #1

    On n'est pas obligé. On peut tout à fait continuer. On peut être auteur de jeu, créer des jeux pour soi et pour sa famille et pour ses proches, et faire ça toute sa vie et on restera auteur de jeu. Mais par contre, si on veut rentrer dans le monde du jeu professionnel... Il faut d'une certaine manière s'y plier.

  • Speaker #0

    Et alors le Malte, il y a combien d'auteurs à peu près maintenant qui cheminent autour ?

  • Speaker #1

    Je dirais qu'au Malte, il y a une cinquantaine d'auteurs et d'autrices qui tournent. Alors ça change chaque année, il y a des va-et-vient de gens qui commencent là, puis qui arrêtent ou qui font des choses dans leur coin. Moi, c'est vrai qu'aujourd'hui, j'ai moins de temps pour le Malte, parce que j'avais la sage et j'ai beaucoup trop d'autres activités, donc j'y vais moins. Il y a d'autres personnes qui ont pris le relais et qui sont là pour aider et accompagner.

  • Speaker #0

    C'est un des premiers collectifs aussi fédérés un peu en France ?

  • Speaker #1

    Je dirais que c'est le deuxième ou le troisième. Le premier, c'est la Cale à Lyon. Je ne dis pas de bêtises. Il me semble qu'ensuite, le deuxième, ça doit être en Bretagne, un des nombreux collectifs bretons. Le mal est arrivé à peu près à ce moment-là. Mais tous les collectifs se sont créés grosso modo entre 2000 et 2000. 2013 et 2017.

  • Speaker #0

    Oui, c'est ça, il y a eu une vague aussi.

  • Speaker #1

    Oui, parce qu'il y a eu une vague. On est passé de la cooptation et du mentorat de la période fiduti-catala où c'était un auteur qui prenait sous sa... ou pas un autre auteur pour l'accompagner, ce qui se fait encore bien sûr aujourd'hui, mais pour le faire de manière un peu plus collective et toucher un peu plus de gens dans des collectifs.

  • Speaker #0

    Oui, c'est ça. Alors, je crois que tu as fait un tour aussi chez Blue Cocker. Tu as travaillé aussi un temps chez Blue Cocker. Oui,

  • Speaker #1

    alors pas qu'un temps, parce que je viens à peine de faire une rupture conventionnelle. en tout bien, tout honneur et toute amicalité.

  • Speaker #0

    Alors comment t'es passé de prof d'histoire, je pense que c'est ça, finalement salarié chez BookWaker ?

  • Speaker #1

    En fait, ce n'est pas tout à fait lié au monde du jeu. C'est un souci familial qui a fait qu'au moment où Welcome commençait à fonctionner, moi j'avais du mal à gérer prof. Et mes activités d'auteur qui commençaient à prendre beaucoup de temps. Pour faire rapide, on essayait d'avoir un enfant avec ma femme, c'était compliqué. À un moment donné, j'étais un peu déprimé. J'ai dit que je ne pouvais pas retourner travailler suite à des annonces personnelles. Et donc je me suis arrêté presque sur un coup de tête. Et du coup, j'ai demandé à Alain s'il n'y avait pas moyen de m'embaucher à mi-temps pour assurer un minimum. Les droits d'auteur de Wellcome, comme ça arrive tous les six mois, ça prend du temps, c'est en décalage, je n'avais pas encore touché beaucoup d'argent, donc je n'étais pas du tout sûr de pouvoir en vivre. Donc Alain m'a gentiment embauché à mi-temps en tant que chef de projet. J'ai appris plein de choses aussi en bossant pour lui. Et ça m'a assuré des débuts financiers un peu plus stables pour quelqu'un qui a été fonctionnaire toute sa vie et qui n'était pas prêt à prendre autant de risques pour lui et sa famille.

  • Speaker #0

    Oui, surtout que quand tu es prof, tu dois quitter l'éducation nationale. C'est une rupture aussi.

  • Speaker #1

    Oui, alors je suis toujours officiellement prof. Je suis toujours en disponibilité. Parce que j'ai le droit, donc je le fais pour ne pas prendre de risques. Parce que si jamais demain plus personne ne veut me parler dans le monde du jeu... Je pourrais retourner corriger mes copies, mais je pense que je ne reviendrai jamais. Alors je n'ai plus du tout envie et je pense que j'aurai suffisamment d'opportunités pour travailler dans le monde du jeu, même si demain je ne fais plus auteur. Mais oui, c'était un gros changement et une prise de risque. Je suis content que ma femme ait soutenu à ce moment-là pour faire la bascule et me permettre de faire une nouvelle carrière.

  • Speaker #0

    Et puis c'est vrai qu'il se lançait dans vivre d'une passion, il faut oser mais si ça te paye c'est chouette.

  • Speaker #1

    Oui, parce que j'ai eu beaucoup de chance, malheureusement ce n'est pas le cas de la plupart des auteurs et des autrices de jeux aujourd'hui, mais je touche du bois pour l'instant, ça a été un bon choix de carrière.

  • Speaker #0

    Tu disais que tu étais chef de projet chez Blue Cocker jusqu'à peu, en quoi ça consiste en fait ? Tu as travaillé sur quel jeu et qu'est-ce que tu as appris en fait ?

  • Speaker #1

    J'ai alterné entre chef de projet et depuis deux ans, deux ans et demi, je suis plutôt chargé de production pour gérer les productions de tous les jeux Blue Cocker. Parce qu'il y avait des soucis de production, ça ne se passait pas bien et plutôt que de gérer ça à l'arrache, à la suite des projets que je gérais, j'ai préféré m'en occuper globalement. Donc là, je ne suis plus chef de projet chez Blue Cocker, je gère plus la production. Mais du coup, sur les cinq dernières années, j'ai appris plein de choses. Vraiment, on éditait un jeu, pourquoi on faisait ces choix-là et quelles contraintes ça impliquait par rapport à l'œuvre initiale et le relationnel avec les usines, comment on faisait pour que le jeu arrive à temps, au bon moment. C'est très intéressant aussi en tant qu'auteur d'avoir une vision très claire sur ce qui se passe derrière.

  • Speaker #0

    Toute la chaîne.

  • Speaker #1

    Pour avoir une bonne conscience de ce qui se passe, pourquoi les éditeurs se comportent comme ça et pourquoi ils nous embêtent à vouloir changer notre jeu et être désagréables.

  • Speaker #0

    Voilà comment on optimise aussi une boîte.

  • Speaker #1

    Oui, et puis toutes les logiques de marketing qu'on ne se pose pas vraiment, ou de matériel. Quand on crée un jeu, souvent, on ne se pose pas initialement la question de pour quel public, combien ça va coûter, quel matériel il faut. Assez rapidement, on se pose la question quand on est professionnel, parce qu'on sait que ça va impacter les éditeurs. Mais ce n'est pas la première chose à laquelle on pense. Et c'est important de voir comment eux y gèrent pour s'adapter et comprendre.

  • Speaker #0

    Du coup, ça te fait travailler autrement tes idées et tes prototypes ?

  • Speaker #1

    Oui, alors je pense que c'est peut-être un peu à l'excès de mon côté, parce que j'ai tendance à avoir une vision éditoriale des protos que je crée. Et souvent mes co-auteurs me disent mais arrête ! Arrête de faire ton éditeur, on se posera la question du matériel et du coût un peu plus tard. Parce qu'en effet, maintenant quand je crée un proto, je calcule assez rapidement dans ma tête le devis et combien ça va coûter, et quel format ça pourrait prendre, et ça impacte la manière dont je travaille.

  • Speaker #0

    Ça peut freiner l'imaginaire peut-être pour le coup.

  • Speaker #1

    Exactement. Je pense que le risque c'est d'être trop contraint par le cadre du jeu de société actuel et du marché. C'est pour ça que c'est important aussi, moi je travaille que avec des co-auteurs maintenant, parce que ça permet de rebondir et de s'ouvrir un petit peu l'esprit.

  • Speaker #0

    Donc tu as travaillé avec Romaric, tu disais tout à l'heure, Romaric Gallonnier, Florian Siriex, Alexis Allard, Jean Loubi,

  • Speaker #1

    Juan Dufour,

  • Speaker #0

    Juan Dufour, Juan ou Juan ? Juan Dufour. Donc aujourd'hui, pour toi, c'est important. Justement, tu disais, tu es dans le Malte aussi. Donc forcément, on se rencontre beaucoup. Donc ça donne des idées aussi de travailler ensemble. Tu préfères finalement travailler en solo ou avec du monde ?

  • Speaker #1

    Avec du monde. Au début, je ne comprenais pas. Ça m'était complètement étranger, le co-auteurat. Et je ne me sentais pas capable de... De lâcher la paternité de mon œuvre, de dire mais non, je ne peux pas travailler avec quelqu'un sur quelque chose que j'ai créé moi, c'est absurde, ça n'a aucun sens Et en fait, je me rends compte, avec l'expérience, qu'au contraire, c'est extrêmement enrichissant, ça permet d'aller beaucoup plus vite, d'ouvrir davantage de possibles, et c'est beaucoup plus excitant de travailler à deux que de travailler tout seul. Auteur, c'est un travail un peu ingrat, on est souvent dans son coin. Et l'avantage de travailler à deux, c'est que justement, on arrive à échanger, on arrive à rebondir sur les idées, à faire le tri et à faire... Une sorte de pré-travail éditorial en disant non mais là ton idée est vraiment trop naze, laisse tomber, faisons plutôt ça et confronter les idées sur ce que doit être le jeu. Alors ça implique de s'entendre correctement avec ses co-auteurs, ça implique d'avoir une même temporalité aussi parce que c'est pas juste important de s'entendre humainement. Je m'entends très bien avec plein d'auteurs et d'autrices. dans le monde du jeu, mais je ne pourrais pas travailler avec tout le monde. Parce que la manière de créer, elle est quand même particulière. Il faut que le binôme fonctionne en dehors des affinités humaines.

  • Speaker #0

    Oui, il faut que la méthode de travail corresponde et peut-être aussi l'organisation.

  • Speaker #1

    En fait, en fonction des co-auteurs, je ne travaille pas du tout de la même manière. Alexis Allard, avec qui j'ai bossé sur Welcome, lui, c'est quelqu'un d'extrêmement rigoureux. de très ordonné, de très calé, de très pointilleux. Et donc c'est lui qui vient derrière moi pour dire Attends Benoît, calme-toi, faisons ça comme ça, on va tester, on va tout mettre à plat. Alors que quand je travaille avec Florian Serreix, lui c'est un chien fou. Donc c'est plutôt à moi de lui dire Attends, attends.

  • Speaker #0

    Là, tu as un rôle plus...

  • Speaker #1

    Tu dis toutes tes idées, on va en prendre une parmi les 500. Et du coup, je n'ai pas du tout la même relation professionnelle sur ça. Mais c'est aussi chouette de travailler avec l'un ou avec l'autre. C'est une autre dynamique de travail.

  • Speaker #0

    Oui, c'est intéressant parce que ça demande de l'adaptation.

  • Speaker #1

    Oui, mais c'est très plaisant. OK,

  • Speaker #0

    on va revenir sur Welcome parce que tu as travaillé aussi sur l'édition Collector. Du coup, tu as travaillé aussi en tant que chef de projet pour le coup.

  • Speaker #1

    Oui, tout à fait. Là, l'édition Collector, c'est... C'est clairement mon projet pour le plaisir. Ça fait des années qu'on se dit qu'il faut réécrire les règles au propre, parce que à la date de 2018, on était jeunes, naïfs, et pas assez au point. Et en fait, on s'est rendu compte avec l'expérience qu'il y a des choses qui n'étaient pas assez claires. Il y avait de l'équilibrage qui ne fonctionnait pas parfaitement. Donc on s'est dit, réécrivons les règles. Puis oui, mais si on réécrit les règles, on pourrait peut-être changer l'équilibrage sur cette carte, parce que c'est quand même dommage. Et puis, cette icône-là... En fait, on s'est rendu compte que la barrière, l'icône intérimaire, où il y a aussi une barrière, en fait, les gens, quand on dit barrière, ils ne savent pas laquelle des deux c'est. Donc peut-être que l'icône, ce n'est pas le bon. Et à partir de cela, on se dit, si on changeait ça, et si on changeait ça ? Mais ça serait bien de mettre dans la boîte aussi les extensions directement. Et du coup, si on faisait une édition collector, finalement.

  • Speaker #0

    Bah ouais, avec du bonus.

  • Speaker #1

    Et du coup, quand on s'est dit, on va faire une édition big box, une édition collector, on s'est dit, bah... Oui mais ça serait dommage de mettre juste tout ce qu'on a fait, ça serait bien de mettre un petit peu plus quand même pour être sympa avec les gens. Et donc avec Alexis on a créé une nouvelle extension, on a rethématisé une autre parce qu'on n'avait plus les droits sur la petite mort, on ne l'avait pas à l'international de toute manière. pour l'extension La Petite Mort.

  • Speaker #0

    D'accord. T'as fait avec François Bachelard ?

  • Speaker #1

    Oui, alors on avait fait une extension crossover avec le jeu La Petite Mort de François, il y a quelques années, où l'extension pouvait se jouer avec Welcome et avec La Petite Mort. Donc c'était marrant, c'était amusé, parce qu'on s'entend bien avec Lumberjack, mais c'était que pour le marché français. D'accord. Et du coup, c'était dommage, parce que c'est une version que moi j'adore, je pense que c'est ma version préférée de Welcome, mais que... Assez peu de monde finalement avait pu jouer, donc là c'était l'occasion de la fournir au monde entier. Elle est rethématisée le 4 juillet aux Etats-Unis, c'est la fête avec les drapeaux américains. C'est aussi l'occasion de se faire plaisir et donc nous on avait toujours rêvé avec Alexis d'avoir Welcome aussi illustré par d'autres personnes. Et on s'est dit, si on demandait à des illustrateurs et des illustratrices de refaire la feuille de Welcome, qu'est-ce qu'eux feraient ?

  • Speaker #0

    Carte blanche ?

  • Speaker #1

    Oui, et l'idée, on remercie encore Alain, notre éditeur, de nous avoir laissé carte blanche pour tout gérer. On a fait de la liste très simplement des illustrateurs et des illustratrices qu'on aurait aimé avoir sur Welcome. Et on leur a demandé, est-ce que ça vous dit d'avoir carte blanche et de refaire une feuille de Welcome ? que des réponses positives et du coup ils ont fait ce qu'ils voulaient en respectant le cadre de Wellcome bien sûr mais avec des thèmes qu'ils souhaitaient, les graphismes qu'ils souhaitaient donc c'est super d'avoir ce petit cadeau.

  • Speaker #0

    Donc on a qui, rappelle-moi ? Mochalmel,

  • Speaker #1

    il y a Vincent Dutré, il y a Christine Alcouf, il y a Bess Sobel, il y a Weberson Santiago et il y a Ryan Goldsberry.

  • Speaker #0

    Et donc tout le monde a tout de suite accepté la proposition ?

  • Speaker #1

    Ouais c'est trop chouette. Du coup... C'est mon cadeau à moi. Je suis content que les gens aient envie d'y jouer, ils ont envie d'avoir cet objet parce qu'on a passé du temps. Et Anna, l'illustratrice, a tout retravaillé, a refait la couve, a refait les illustrations. C'est un chouette projet.

  • Speaker #0

    Ça fait plaisir de se faire plaisir.

  • Speaker #1

    Exactement. Et on a la chance, avec Welcome, d'avoir un jeu qui a fonctionné suffisamment bien pour se permettre cette édition collector, qui a un intérêt du public. C'est un peu le rêve.

  • Speaker #0

    Est-ce que, j'imagine que tu sais, le chiffre de vente de Welcome dans toutes ces années,

  • Speaker #1

    Alors, welcome... On est autour d'un peu plus de 400 000 pour toute la gamme. Welcome Vegas et Welcome to the Moon. Welcome tout seul, on doit être à 270 000,

  • Speaker #0

    je crois. Ok. Et là, l'édition collector, elle est bien partie, tu sais ?

  • Speaker #1

    Alors là, l'édition collector, elle est sortie qu'en France et en Espagne pour l'instant et en Chine. Et elle va sortir cette année. En Allemagne, aux États-Unis, en Angleterre. C'est un one-shot. Le but, ce n'est pas de faire remplacer la boîte de base par ça, mais ça correspond à peu près à nos attentes. Ça va faire quelques dizaines de milliers de boîtes pour les fans.

  • Speaker #0

    C'est grâce essentiellement à ce jeu que tu peux vivre de tes droits d'auteur. Et après, ça se complète avec le reste ? Tu pourrais dire ça à peu près en termes de...

  • Speaker #1

    Jusqu'à récemment, on va dire jusqu'à... En 2023, en gros, autour de 90% de mes droits d'auteur venaient de la gamme Welcome.

  • Speaker #0

    Ah oui, d'accord, c'est quand même une grosse part.

  • Speaker #1

    C'est une part non négligeable. Depuis 2023, en 2024, ça sera encore plus le cas. Ça se partage beaucoup plus équitablement avec d'autres jeux qui ont bien fonctionné, notamment la planche des pirates, qui a un gros succès.

  • Speaker #0

    Qui a bénéficié de l'As d'or aussi.

  • Speaker #1

    Qui a bénéficié de la nomination à l'As d'or. et qui là commence à on arrive à plus de 150 000 exemplaires que là aussi ça fait des droits d'auteur supplémentaires pour pouvoir en vivre et donc ça équilibre un petit peu mes finances sans mettre tous les oeufs dans le même panier et c'est vrai que ça je pourrais déjà interviewer ou entendu d'autres auteurs,

  • Speaker #0

    c'est vrai qu'il y a les auteurs qui arrivent à en vivre parce qu'ils ont plein de petits jeux qui se vendent plutôt bien régulièrement et puis t'as ceux qui ont un jeu phare et après quelques-uns alors moi je suis pas tout à fait dans la catégorie des auteurs qui ont

  • Speaker #1

    à un succès. Parce que Welcome, c'est une réussite, mais ce n'est pas ce plan d'or en termes de vente, par exemple. Je ne pourrais pas en vivre éternellement, même si ça m'a permis d'en vivre pendant 4-5 ans. Moi je suis quand même obligé de continuer à sortir des jeux, alors je le fais avec grand plaisir. Mais l'idée en effet c'est de trouver d'autres jeux qui me permettent de continuer à toucher les droits d'auteur. Le souci c'est que les courbes de vente du monde du jeu sont assez claires, c'est-à-dire que tu as 90% des jeux qui vont faire quelques milliers de boîtes, entre 3 et 10 000, donc qui vont rapporter quelques milliers d'euros. Et ça c'est le cas de la quasi-totalité des jeux. Ensuite sur 100% il doit y avoir 9% de jeux qui marchent mieux que ça. un petit peu comme Welcome et qui permettent d'en vivre un petit peu. Et puis, il y a le 1% ou le 0,1% d'énormes cartons qui permettent d'en vivre pendant très longtemps.

  • Speaker #0

    À partir de quel, enfin, après tu vas me dire, ça va dépendre du prix de la boîte, mais à partir de quel nombre de tirages on considère que le jeu, ça y est, il marche bien, ou il est installé, ou il a eu son succès ?

  • Speaker #1

    Un éditeur dirait qu'en dessous de 10 000 boîtes, c'est un échec, parce que tu n'es pas rentré dans tes frais. Et je pense qu'au-delà de 100 000 exemplaires, le jeu a acquis suffisamment de notoriété un petit peu partout pour dire que c'est un vrai succès, que c'est un jeu qui a été reconnu pour ce qu'il a apporté à ce moment-là.

  • Speaker #0

    Oui, et qui a été suffisamment mis en avant, même par les boutiques ludiques.

  • Speaker #1

    Oui, les influenceurs, les reviewers, tout ça.

  • Speaker #0

    Donc là effectivement on arrive un peu sur la casquette de président de la société des auteurs de jeux, sur ce genre de choses qui se négocient pour un auteur quand tu tombes sur un éditeur qui te dit bon moi je vais en faire que 5000 boîtes est-ce qu'il faut dire bon bah non en fait il va pas trop pousser le jeu ou est-ce qu'au contraire ça dépend ? Ça dépend peut-être de plein d'autres choses.

  • Speaker #1

    Ça c'est quelque chose, la quantité du premier tirage, c'est assez difficile à négocier parce que ça dépend très clairement de... Du poids de l'éditeur, de sa capacité à distribuer le jeu en France, à l'étranger, de son distributeur. Donc en général, en signant avec un éditeur, on sait maintenant à peu près... Sa capacité à faire du jeu une sortie importante ou pas. Quand on sort un jeu chez Asmoday, on est assuré d'avoir un premier tirage qui va être autour de 20 ou 30 000 exemplaires. Quand on sort un jeu chez un petit éditeur, ça sera plutôt 3 000 pour le premier tirage. Après, rien n'empêche le jeu de fonctionner derrière et d'avoir plein de retirages. Le premier tirage de Welcome, c'était 3 000 boîtes. On en a fait plein d'autres derrière, mais le tirage initial dépend vraiment de la capacité de base de l'éditeur à pouvoir se projeter. Et ça, on ne peut pas le négocier. On ne peut pas demander à un petit éditeur de sortir 50 000 boîtes. Il ne le fera pas parce que son distributeur lui dira non, tu ne peux pas.

  • Speaker #0

    Et après, c'est peut-être plus intéressant aussi pour un auteur d'être peut-être chez un plus petit éditeur qui va peut-être avoir un jeu ou deux. Et on est sûr qu'il va le pousser. que d'être chez un gros éditeur qui va peut-être avoir 10 jeux,

  • Speaker #1

    10 sorties ça c'est un choix si on a le choix en tant qu'auteur entre plusieurs éditeurs c'est vrai que c'est des questions qu'on peut se poser on a tous envie d'avoir un gros éditeur qui nous édite parce qu'on se dit que ça va être bien mis en avant on aura une immense photo de notre jeu sur le devant du palais des festivals à Cannes mais le risque c'est que ce jeu soit noyé dans la production de cet éditeur là et qu'il ne soit pas poussé alors qu'un petit éditeur avec ses moyens, il va essayer de le mettre en avant le plus possible parce que sa survie financière est en jeu. C'est ça, oui. Donc c'est difficile. En général, on le fait plus par affinité avec un éditeur qu'autre chose. Je ne pense pas qu'il y ait beaucoup d'auteurs qui se disent Non, je veux absolument travailler avec Asmodee ou Ravensburger parce que les petits éditeurs, c'est bon, ça ne m'intéresse pas.

  • Speaker #0

    Un peu prétentieux peut-être aussi.

  • Speaker #1

    Oui, et puis je ne pense pas. Je ne connais pas d'auteur qui fonctionne comme ça. C'est beaucoup d'affect et beaucoup de feeling quand même. Beaucoup d'humains, on passe beaucoup de temps entre avec les éditeurs. C'est des gens qu'on apprend à apprécier beaucoup. Et on n'est pas dans une démarche uniquement commerciale où on va donner un projet et puis on ne les revoit jamais et ils se débrouillent. Ça joue peut-être un petit peu dans la tête, mais assez peu, je pense.

  • Speaker #0

    Alors, qu'est-ce qu'on doit négocier, justement, quand on est auteur et qu'on va signer son premier contrat ? On peut peut-être hésiter entre des éditeurs, justement. À quoi il faut faire attention et être exigeant ? Est-ce qu'on peut être exigeant, d'ailleurs ? Parce qu'on a le choix aussi.

  • Speaker #1

    Il faut être exigeant. Il faut négocier. Malheureusement, beaucoup trop d'auteurs et d'autrices estiment que quand un éditeur lui propose un contrat, il lui fait une faveur. Ah merci, tu m'as dit, mais c'est trop gentil, c'est génial, quel cadeau. Mais en fait, ce n'est pas un cadeau, c'est un partenariat qui se noue entre deux personnes égales. Et donc ce partenariat, il se négocie, et ce n'est pas un gros mot de négocier. Et même si naturellement, les éditeurs sont la partie forte du contrat, parce que c'est eux qui tiennent les cordons de la bourse. En tout cas, ils le disent, même si en vrai, c'est les distributeurs qui ont la bourse. Derrière, il faut oser négocier et il faut oser dire les choses à la fois pour avoir de meilleures conditions et aussi avoir des conditions qui nous satisfont personnellement. Par exemple, avoir son nom sur la couverture de la boîte, c'est quelque chose qu'on peut mettre dans le contrat. Avoir la possibilité de récupérer les droits si jamais l'éditeur ne fait pas le jeu, c'est bien que ce soit écrit dans le contrat, parce que si ce n'est pas écrit, il va falloir discuter. En fait, un contrat, il est là pour régler les problèmes. Quand il y a un problème ? Alors c'est facile de dire oui, mais on s'entend, on n'a pas besoin de contrat, on va gérer. Sauf que le jour où il y a une difficulté, s'il n'y a pas de contrat, s'il n'y a pas l'article qui correspond à la difficulté en question, eh bien on ne sait pas quoi faire et personne n'a envie de se retrouver au tribunal pour essayer de gérer indifférent. Donc déjà, la première chose, c'est d'abord de négocier. Surtout en fait, il faut lire le contrat, il faut faire attention aux clauses qui peuvent être abusives. Il faut aussi essayer de demander une juste rémunération de son travail. Parce que chacun va essayer de mettre de son côté les avantages financiers. C'est normal, un éditeur va chercher à gagner de l'argent le plus possible, un auteur aussi, et c'est normal. L'idée c'est de trouver un compromis. On peut fonctionner comme Mathieu Despnoux qui me dit régulièrement moi, si un auteur ne me demande rien, je ne lui donne rien. S'il me demande, il n'y a pas de souci, je lui file. Mais tant qu'il ne me demande pas, je ne lui donne pas. Je ne suis pas tout à fait d'accord avec la démarche, mais il y a une raison derrière ça. C'est normal, en fait, c'est normal. Un contrat, ça se négocie, on discute des termes exacts, qu'est-ce que chacun veut dans cette relation.

  • Speaker #0

    Et ça revient à ce que tu disais au départ, ce n'est pas forcément une faveur, c'est qu'il faut oser demander les choses pour que ça soit clair.

  • Speaker #1

    Les éditeurs, ils ne font pas ça pour nous faire plaisir, ils font ça pour gagner de l'argent. Et nous, on fait des jeux aussi pour gagner de l'argent. Et c'est normal que tout le monde soit justement rémunéré. C'est pour ça que... On insiste notamment pour qu'il y ait des pourcentages progressifs, voire qu'il y ait une clause de succès. Si ton jeu fonctionne très bien, peut-être qu'au-delà de 100 000 ou 200 000 ou 500 000 exemplaires, ton pourcentage est très élevé parce que l'éditeur s'est largement rentré dans ses frais. C'est normal que toi aussi tu touches un bénéfice plus important sur le jeu.

  • Speaker #0

    Le pourcentage de droits d'auteur, il se négocie comment ? au nombre de boîtes qui sont prévues d'être éditées ?

  • Speaker #1

    Non, parce qu'on ne sait jamais combien il va y en avoir.

  • Speaker #0

    On ne sait pas la base ?

  • Speaker #1

    On sait que le premier tirage sera de 3 000 ou de 5 000, parce que c'est écrit dans le contrat. Mais tout le monde espère qu'il y aura un deuxième tirage ou qu'il y aura de l'export qui va faire augmenter le nombre de boîtes. Et donc nos contrats nous disent souvent... Alors aujourd'hui, c'est soit basé sur le chiffre d'affaires... brut de l'éditeur, soit basé sur le prix public hors taxe. Et dans un monde idéal, il y a des paliers, tous les 10 000, 50 000 boîtes où le montant, le pourcentage de droits d'auteur augmente.

  • Speaker #0

    D'accord, donc c'est quoi un pourcentage qui est acceptable ?

  • Speaker #1

    Il faut savoir que les auteurs de jeux sont très mal payés, même si mes amis éditeurs ne sont pas d'accord. Dans le monde de l'édition du livre, grosso modo, les auteurs touchent 8% du prix public hors taxe. Entre 8 et 10%. Les auteurs de jeux, eux, ils touchent entre 8 et 10% du CA de l'éditeur, ce qui correspond plutôt à 3 ou 4% du prix public hors-taxe.

  • Speaker #0

    D'accord, presque moitié moins.

  • Speaker #1

    Presque moitié moins. Alors, il y a plein de raisons à ça. Il n'y a pas que des bonnes raisons. Mais aujourd'hui, on considère que la norme dans le monde du jeu, c'est 8% du chiffre d'affaires de l'éditeur, correspond à un contrat qui est dans la norme. Honorable. Bien sûr, on peut demander plus, on peut demander un progressif. Nous, à la Sage, on déconseille de signer un contrat en dessous de 8% et on interdit poliment à tout le monde de signer des contrats en dessous de 6% parce que là, c'est de l'exploitation. Et même légalement, on peut se poser la question de la légalité d'un contrat aussi faible. Il y a eu des procès dans le monde du livre sur des pourcentages trop faibles que les auteurs ont gagnés. Et on pourrait se poser cette question-là, mais personne ne veut faire de procès sur ça. Après, il est normal de rétribuer les auteurs correctement. Il est normal que les éditeurs puissent en vivre aussi. Donc, on essaye de faire monter petit à petit les pourcentages et aussi les avances pour pouvoir vivre. Comme si on signe un jeu, les jeux que je vais signer à Cannes cette année, s'ils sortent en 2025, c'est bien. Et si ils sortent en 2025, ça veut dire que je touche les sous en 2026.

  • Speaker #0

    C'est six mois, un an après ?

  • Speaker #1

    La plupart des droits d'auteur sont payés tous les six ou douze mois. Donc un éditeur qui paye tous les ans. Si mon jeu sort à Cannes en 2024, je vais toucher les sous en janvier ou février 2025. Pour un jeu que j'aurais fait quatre ans avant. Donc si moi j'essaye d'en vivre, si je n'ai pas une avance qui me permet d'avoir un afflux financier régulier qui me permet de travailler, c'est compliqué. C'est pour ça aussi qu'on milite pour que dans le contrat, la rémunération soit plutôt trimestrielle que semestrielle ou annuelle. Tout simplement parce que si un éditeur est capable de payer ses factures à 60 jours ou 30 jours fin du mois à tous ses fournisseurs, il devrait être capable de payer à un auteur trimestriellement.

  • Speaker #0

    Puis assurer un peu de sécurité.

  • Speaker #1

    Voilà, moi, très clairement, si j'ai réussi à vivre financièrement ces dernières années, c'est parce que Blue Cocker paye par trimestre. Et donc, ça m'assurait un revenu suffisamment régulier dans l'année pour pouvoir me permettre de vivre et de payer mes factures, mes prêts, etc.

  • Speaker #0

    Et les avances, c'est aussi un pourcentage des futures ventes estimées ou comment ça se négocie ?

  • Speaker #1

    Ce qui se fait aujourd'hui, en général, c'est... Une avance entre 1000 et 2000 euros, quel que soit le jeu. Alors il y a des éditeurs qui sont un peu plus généreux que d'autres. On a vu des avances plus élevées autour de 3000 ou 5000 euros. Mais malheureusement, ce n'est pas des avances suffisantes pour permettre aux auteurs de jeux d'en vivre. Dans la littérature, en général, ça ne fonctionne pas tout à fait de la même manière. L'auteur présente une idée, un pitch, un début de manuscrit. Et ensuite, il touche une avance qui lui permet de vivre pendant la rédaction de son oeuvre. Dans le monde du jeu, nous on arrive avec l'oeuvre. finie entre guillemets, qui mérite d'être travaillée éditorialement, mais on arrive déjà avec le prototype final. Du coup l'avance, elle est censée officiellement nous permettre de vivre de notre travail, mais en fait notre travail il est déjà fait. Donc c'est un peu compliqué, la temporalité n'est pas tout à fait la même. Et de toute façon les montants ne sont pas du tout suffisants pour nous permettre de vivre juste avec des avances.

  • Speaker #0

    Bah oui, pour le coup 1000 euros, c'est un jeu tous les six mois,

  • Speaker #1

    ça va être compliqué. Voilà c'est ça.

  • Speaker #0

    C'est bien de rappeler peut-être que sur le site de la SAGE, il y a des contrats type. Ça, c'est quelque chose que vous avez travaillé avec des juristes ?

  • Speaker #1

    Oui, en fait, les éditeurs ont édité un livre blanc des contrats pour leurs adhérents, pour montrer comment il fallait rédiger un contrat, parce que le monde du jeu se professionnalise tout doucement. Il y a quelques années, les contrats, c'était un peu ridicule. Il y a encore des contrats qui tiennent sur une feuille A4. Et forcément c'est problématique légalement et il y a plein de choses qui sont oubliées. Donc la OEJ a fait un beau travail pour les éditeurs de montrer ce qu'il fallait exactement dans un contrat. Bien sûr tous les articles ne nous conviennent pas forcément parce que c'est une vision d'éditeur. Donc on s'est dit qu'on ne pouvait pas laisser juste une vision d'éditeur comme contrat type parce qu'on a vu leur contrat se diffuser parmi nos amis éditeurs. Donc on a travaillé avec un juriste puis avec un avocat pour avoir des articles qui tiennent légalement. qui ne sont pas forcément orientés vis-à-vis des auteurs, mais qui défendent tous les points importants pour les auteurs. Maintenant qu'on l'a sorti, le travail suivant, c'est de travailler avec la WESH pour essayer de faire un contrat type commun, ou au moins avoir une charte de base sur les articles sur lesquels on est foncièrement d'accord et qu'il faut qu'il y ait dans tous les contrats, il y a des choses sur lesquelles on sera...

  • Speaker #0

    Pas d'accord forcément, on ne parle pas des montants, on parle juste de la légalité des différents articles et des clauses. Mais je pense qu'on va réussir parce que la WESH est des gens de bonne volonté. Oui,

  • Speaker #1

    il faut travailler des gens en collaboration sur d'autres projets.

  • Speaker #0

    Oui, on fait plein de choses ensemble, on fait de la médiation ensemble, on a travaillé sur la normalisation du Kickstarter ensemble. Et c'est des partenaires, on n'est pas en opposition avec eux du tout, même si on ne s'entend pas sur tout.

  • Speaker #1

    Et ce qui est bien, c'est qu'il y aura peut-être justement une fois qu'il y aura des contrats types mis d'accord entre les syndicats des auteurs et la syndicat des éditeurs, il y aura une base commune qui ne sera plus nécessaire de négocier.

  • Speaker #0

    C'est un peu le but. Le but, c'est de limiter la négociation. Là, notre contrat type est là pour aider à la négociation des auteurs, pour dire à un auteur, il va arriver à dire moi j'ai un contrat type, on peut le respecter L'éditeur va arriver avec son contrat et à ce moment-là, on peut échanger sur les différentes clauses et on ne se base pas sur rien. C'est pour ça qu'on a fait aussi un guide de négociation. On a fait un contrat type sur tous les points Lego et on a fait un guide de négociation sur tous les points où il faut essayer de négocier pour avoir de meilleurs pourcentages, des dates fixes sur la sortie du jeu.

  • Speaker #1

    Oui, vous voyez qu'on pouvait même négocier, parce que je suis allée le lire. C'est important de négocier le nombre d'exemplaires d'auteurs, par exemple.

  • Speaker #0

    Oui, c'est important. C'est une marque de respect. Moi, ça me rend fou d'entendre mes copains auteurs me dire Là, le jeu est sorti, je vais avoir mes boîtes d'auteurs dans deux semaines. Je trouve que c'est un manque de respect insupportable de l'éditeur qui ne fait pas l'effort de donner les boîtes aux auteurs avant le public. Quelque chose que j'ai du mal à comprendre, surtout en travaillant maintenant pour un éditeur. Je vois bien comment fonctionne la production. Je vois bien comment ça arrive chez le distributeur et je vois très bien comment on peut envoyer du distributeur un carton à l'auteur avant que ça sorte, ou au moins en même temps que ça sorte. Mais bon, ça, c'est des choses sur lesquelles on doit travailler. Ok.

  • Speaker #1

    Alors, tu faisais le parallèle tout à l'heure avec le monde du livre. Là, le gros travail de la SAGE et des autres, d'ailleurs, aussi, syndicats, illustrateurs, les boutiques ludiques, tout le monde, vous fédérez pour défendre surtout l'œuvre de l'esprit. Et donc faire du produit un objet culturel.

  • Speaker #0

    Oui, c'est ça. En fait, ça fait des années, c'est l'objet principal de la SAGE, c'est de faire reconnaître le jeu en tant qu'objet culturel et œuvre de l'esprit. Parce qu'aujourd'hui, officiellement, ça ne l'est pas. On est dans une sorte de zone grise où on est plus ou moins toléré par les pouvoirs publics. Mais il n'y a pas de prise de décision officielle pour signaler que le jeu, c'est une œuvre de l'esprit. On milite depuis des années pour le faire. Nos partenaires des boutiques ludiques, des cafés ludiques, de l'ALF, des illustrateurs, des éditeurs, des festivals, ils font tous aussi cette démarche-là. Et donc l'an dernier, on a décidé de se structurer dans un GIGS, le Groupement Interprofessionnel du Jeu de Société, une sorte de fédération des organisations professionnelles, pour essayer de parler d'une seule voix. auprès des pouvoirs publics et de ne pas arriver vis-à-vis des députés ou des élus ou du ministère comme juste le représentant des auteurs ou juste le représentant des éditeurs avec des intérêts personnels. Et pour dire non, en fait, c'est tout le milieu qui veut une avancée là-dessus parce qu'il y a des intérêts concrets à être reconnus. Et il y a aussi un intérêt symbolique à être reconnu en tant qu'œuvre de l'esprit.

  • Speaker #1

    Alors quels sont justement ces intérêts pour tout le monde finalement, pour tous les acteurs, jusqu'aux consommateurs, aux joueurs on va dire, je préfère le terme joueur.

  • Speaker #0

    Il y a plein de choses sur lesquelles on peut travailler. En fait, comme on n'est pas du tout reconnu, aujourd'hui une entreprise du monde du jeu, elle ne peut pas avoir un code NAF qui est dans son numéro de sirète. qui soit spécifique à son activité. Et du coup, ça l'empêche d'avoir des conventions salariales adaptées à son travail. Les cafés ludiques n'ont pas la possibilité d'avoir un code de l'urbanisme qui soit adapté à leur activité professionnelle. Les auteurs de jeux, jusqu'à janvier, n'avaient pas un code APE d'artiste-auteur et donc ils étaient considérés comme des éditeurs ou... Autre, mais sans jamais être correctement défini, ce qui les exposait à payer des impôts qu'ils ne devaient pas payer en tant qu'artistes auteurs.

  • Speaker #1

    Pourquoi tu dis jusqu'à janvier ?

  • Speaker #0

    Parce qu'en fait on a réussi à faire évoluer notre statut à l'Ursaf. Il y a eu un travail de nomenclature à l'Ursaf artistes-auteurs qui a été fait depuis deux ans. On a participé à ces travaux avec la SAGE. Et on a obtenu que le jeu de société soit dans la nomenclature et que les auteurs de jeux soient dans cette nomenclature. Jusqu'à présent, quand un éditeur payait les cotisations sociales et au patronal, il devait déclarer le produit comme une autre activité. d'écrivain ou activité multimédia ou autre, parce qu'on n'avait pas de case qui correspondait. Et quand nous on demandait à être déclaré en tant qu'auteur de jeu, on nous répondait que l'INSEE nous répondait, mais ça n'existe pas.

  • Speaker #1

    Ok, no man's land.

  • Speaker #0

    Exactement. Donc là, on a obtenu du ministère cette reconnaissance-là pour l'URSSAF, ce qui fait que, comme c'est l'INSEE qui a participé à cette nomenclature, maintenant l'INSEE nous reconnaît en tant qu'auteur de jeu. Donc maintenant, quand on fait une demande de numéro de sirète... Pour artistes auteurs, on peut dire auteurs de jeu et ils nous le donnent. Ce qui nous permet d'être reconnu. Alors, c'est une petite reconnaissance administrative, mais c'est un premier pas vers une sorte de normalisation de la situation. Et en fait, cette reconnaissance administrative, elle nous permet de nous professionnaliser. Aujourd'hui, on fait une consultation à la SAGE tous les 3-4 ans pour avoir une info sur une vision sur le monde ludique côté auteur. Et donc, on va publier la dernière. après-demain, et on s'est rendu compte que notre travail, il sert à quelque chose, parce qu'en 2018, il y avait plus de 50% des auteurs qui ne déclaraient pas leur cotisation sociale, voire... plusieurs dizaines de pourcents qui ne payaient pas d'impôts dessus. Parce que c'est une sorte de zone grise, c'est une sorte de... C'est comme ça, c'est presque cadeau, c'est de l'argent de poche. Et aujourd'hui, on est passé à plus de 80% des auteurs qui payent leurs cotisations sociales, donc qui sont reconnus officiellement auprès des pouvoirs publics en tant qu'artistes-auteurs qui touchent des droits d'auteur. Donc petit à petit, on se structure, on s'organise. Et cette reconnaissance... administrative, c'est le premier pas vers une reconnaissance officielle.

  • Speaker #1

    Ça peut clairement aider. On voit que les choses bougent. C'est lent, mais ça bouge.

  • Speaker #0

    C'est très lent.

  • Speaker #1

    L'année dernière, vous êtes quand même allé voir en collectif justement les députés à l'Assemblée nationale. L'idée, c'était de travailler sur un projet de loi. Tu peux me dire où ça en est, ça ? Parce qu'entre-temps, il s'est passé... Il y a toujours plein de projets de loi prioritaires. Beaucoup trop.

  • Speaker #0

    C'est évident que nous, on n'est pas prioritaire. Mais le projet de loi, il a été rédigé. On l'a rédigé avec les députés. Il y a un groupe de travail multipartite qui travaille dessus. Donc, ce n'est pas juste un groupe parlementaire qui soutient ça.

  • Speaker #1

    Oui, c'est assez consensuel quand même.

  • Speaker #0

    C'est assez consensuel. La plupart des retours qu'on a des élus, c'est Ah bon ? Ce n'est pas reconnu ? Ah bon ? Vous n'existez pas officiellement ? Mais c'est bizarre. Oui, c'est étrange. Faites quelque chose. En fait, la nomination de la nouvelle ministre de la Culture, Mme Dati, fait un petit peu bouger les choses. Parce que le groupe de députés a rendez-vous la semaine prochaine avec la ministre pour discuter du projet de loi, pour essayer d'en faire un projet gouvernemental plutôt qu'un projet des députés. Alors on ne sait pas bien sûr comment ça va se passer, comment va se passer le rendez-vous, mais on espère que la ministre sera à l'écoute. Pour l'instant, elle semble l'être. En tout cas, les choses avancent, pas du tout à la vitesse auquel on aimerait, mais il faut se dire aussi qu'on n'a jamais été aussi près d'une reconnaissance. Une petite idée, il y a quelques années, on avait obtenu d'un élu de faire une question à l'Assemblée nationale sur la situation des jeux de société. On n'avait pas eu de réponse du ministère. Là, il y a une sénatrice qui a posé à peu près la même question l'an dernier. Et on a enfin eu une réponse de la ministre précédente qui avait l'air de dire tout va bien, madame la marquise. En fait, vous êtes déjà reconnue. Ne vous plaignez pas, tout va bien. En plus. La nomenclature de l'Urssaf montre que vous existez, donc c'est super. Donc à la fois elle nous reconnaît, mais elle n'est pas allée assez loin. Mais les députés étaient convaincus que c'était une première étape nécessaire et que ça les justifiait dans la démarche législative. Et donc on espère que c'est quelque chose qui va continuer. C'est quelque chose qui nous tient vraiment à cœur, symboliquement, mais aussi économiquement. Quand on parle du produit culturel, aujourd'hui le jeu de société est subventionné à 0%, alors que la culture en France, c'est une exception culturelle, c'est extrêmement soutenu par les pouvoirs publics. Et aujourd'hui, la quasi-totalité des livres est soutenue par le CNL, les films sont soutenus par le CNC, avec des subventions à 100% des documentaires télé ou cinéma sont financés par les deniers publics totalement. Dans le jeu de société, ça n'existe pas. Ce qui fait qu'aujourd'hui... Un jeu de société, il est forcément un produit culturel, mais un produit. Avant tout parce qu'il faut gagner de l'argent. Il n'y a pas un éditeur qui va se dire on va faire ça parce que c'est une œuvre et que c'est important qu'elle existe On va le faire, mais il faut que ça se vende quand même. Aujourd'hui, on ne peut pas vivre de son art s'il n'y a pas une rentabilité économique. Ce qui n'est pas le cas dans les autres domaines culturels parce qu'il y a un soutien des pouvoirs publics. Si demain on est reconnu comme un objet culturel de la même manière que le livre, la musique, le théâtre ou le cinéma, ça nous permet aussi d'avoir accès à des financements publics pour des œuvres qui peuvent être plus engagées, des œuvres qui peuvent apporter un autre message que juste s'amuser autour de la table, ce qui est important, ce qui est une des valeurs fondamentales du jeu de société, mais on peut faire autre chose. Mais on peut faire autre chose si les pouvoirs publics nous aident aussi à le faire.

  • Speaker #1

    Après, c'est vrai qu'il y a déjà quand même des valeurs très pédagogiques, quand même déjà dans le jeu de société, qui ne sont plus approuvées. Et puis même aussi culturellement, il y a déjà des choses autour des jeux historiques qui font des reconstitutions d'une bataille ou autre. Il y a déjà quand même des choses...

  • Speaker #0

    Oui, je pense qu'il n'y a pas de doute. En tout cas, dans le milieu, il n'y a pas de doute sur la nature culturelle de notre travail. Et il y a plein d'arguments en faveur de ça. Le souci, c'est que tant qu'on n'a pas cette reconnaissance officielle, En fait, on est exclu de tout le fonctionnement de la culture en France. Un exemple très simple, c'est le pass culture. Le pass culture, on peut acheter avec ce pass culture pour les jeunes, des places de ciné, des livres, des CD, des DVD, ce qu'on veut, mais on ne peut pas acheter de jeux de société.

  • Speaker #1

    Mais ils peuvent acheter des jeux vidéo.

  • Speaker #0

    Ils peuvent acheter des jeux vidéo, parce qu'eux, ils ont réussi à obtenir du ministère le soutien du CNC, qui est devenu le centre national du cinéma et de l'image animée, pour soutenir le jeu vidéo. Donc eux, ils sont rentrés dans le système, et nous pas. Donc on ne peut pas soutenir la création avec ce Passe Culture. Et quand on en a parlé au directeur du Passe Culture, il nous a dit Ah bon ? Vous n'êtes pas dedans ? Alors que lui, c'est un fan de jeux de société.

  • Speaker #1

    Alors j'allais dire, tu en as trouvé des députés et des sénateurs joueurs.

  • Speaker #0

    Oui, il y en a plein. Mais la plupart se disent Ah bon ? Mais c'est bizarre que vous ne soyez pas reconnus. C'est un peu frustrant, mais ça va dans le bon sens.

  • Speaker #1

    Ok, donc là, pour conclure, parce qu'il va falloir qu'on termine, on en est où et quels sont les prochains combats, enfin les prochaines, on va dire, échéances ?

  • Speaker #0

    La prochaine échéance, c'est justement ce pass culture qui devient problématique parce que maintenant il y a une partie collective qui finance tous les projets culturels scolaires et en étant exclu de ce pass culture, on ne peut plus faire d'intervention dans les écoles et dans les collèges et les lycées parce que les financements sont réservés aux œuvres culturelles bénéficiant de ce pass culture. Donc tous les ateliers qu'on pouvait faire, on ne peut plus les faire. Et bientôt pour les ludothèques et bibliothèques non plus. Ah oui,

  • Speaker #1

    d'accord.

  • Speaker #0

    Donc à force de s'organiser autour de ce Passe Culture, on va finir pas totalement exclus. Donc là, on est en train de préparer un dossier pour le conseil d'administration du Passe Culture pour faire valider l'entrée du jeu de société, ce qui ne devrait pas poser de problème en soi, mais qui demande un peu de travail. On continue à travailler sur le projet de loi et on continue à échanger aussi avec d'autres acteurs pour pouvoir... notamment intégrer peut-être le CNL, le Centre National du Livre, de la même manière que le jeu vidéo a intégré le CNC. On échange aussi avec la SOFIA, qui est l'équivalent de la SACEM pour le livre, qui permet de gérer les droits communs, les droits publics, parce qu'aujourd'hui, quand on emprunte des jeux, quand il y a des sociétés qui font de la location de jeux de société, En fait, c'est encore une zone grise. Il n'y a pas de rémunération d'auteur, pas de rémunération d'éditeur sur des jeux qui sont censés être à usage privé, mais qui sont utilisés de manière publique dans la musique. La SACEM récupère des droits, dans le livre, la Société récupère des droits. Oui,

  • Speaker #1

    une médiathèque qui veut diffuser un film, elle doit faire une demande, effectivement.

  • Speaker #0

    Exactement. Et donc, du coup, là aussi, il n'y a pas de rémunération, il n'y a pas de reconnaissance. Et ça fait partie des choses sur lesquelles on travaille.

  • Speaker #1

    On voit qu'il y a énormément d'enjeux, effectivement, derrière tout ça. Beaucoup de travail. Beaucoup de travail. Donc ça continue. Et tu es président depuis combien d'années ?

  • Speaker #0

    Ça fait trois ans.

  • Speaker #1

    Trois ans.

  • Speaker #0

    Et j'arrête. Tu passes la main au Festival de Cannes ? Je passe la main au Festival de Cannes. Je vais continuer à suivre certains dossiers. Mais trois ans, c'est bien. Ça m'a occupé de nombreuses heures. Et j'aimerais bien aussi faire des jeux.

  • Speaker #1

    C'est un vrai sacerdoce aussi.

  • Speaker #0

    Oui, mais c'est très important. Donc ça m'a fait plaisir de le faire.

  • Speaker #1

    Bon bah écoute pour l'instant on ne peut pas dire qui sera le prochain parce qu'on ne sait pas, je crois que c'est dans deux jours C'est dans deux jours,

  • Speaker #0

    oui

  • Speaker #1

    Bah écoute, merci beaucoup pour toutes ces questions, j'en ai encore plein mais je crois qu'il faut qu'on arrête, mais ça donnera l'occasion de se revoir sur les avancées ou peut-être le prochain président Depuis cette interview deux auteurs se partagent la présidence de l'Assage, il s'agit de Jules Messot qui a remporté l'Asdor 2023 avec Acropolis et Olivier Mailly auteurs notamment de Dexterity Jane et Connecto. Je te propose qu'on termine notre podcast par le petit portrait chinois ludique donc c'est trois questions si tu étais une mécanique de jeu laquelle serais-tu ?

  • Speaker #0

    Je serais une pose d'ouvrier c'est quelque chose que j'aime beaucoup en tant que joueur que je ne sais pas faire en tant qu'auteur mais que j'aime beaucoup J'aurais cru que tu aurais dit Roll and Write mais c'est pas tout à fait une mécanique de jeu c'est plus une ergonomie bien sûr j'aurais dit Roll and Write si ça avait été une mécanique mais en fait L'ergonomie de jeu à cocher permet de faire un peu ce qu'on veut. C'est pour ça que c'est assez excitant de travailler sur ce médium-là, mais ce n'est pas tout à fait une mécanique de jeu. Ok,

  • Speaker #1

    merci pour la précision. Si tu étais un mode de jeu plutôt compétitif, plutôt coopératif, solo ?

  • Speaker #0

    Alors, pas solo du tout, plutôt compétitif. Je ne sais pas gagner un jeu, mais ça ne me dérange pas de perdre, donc ça va.

  • Speaker #1

    Ok. Et si tu étais un illustrateur de jeux de société ?

  • Speaker #0

    Je serais Vincent Dutré. Ok. Parce que je suis très fan. Très J'aimerais bien être capable d'être aussi fort que lui.

  • Speaker #1

    Ça a dû être aussi vraiment sympa pour toi de le faire travailler sur Welcome To ?

  • Speaker #0

    J'ai eu le plaisir de le faire travailler sur Welcome Collector. J'ai fait un jeu qui s'appelle The Art Project, qui est illustré par lui. J'ai un autre jeu qui sort en septembre, illustré par lui, qui s'appelle Umbrella.

  • Speaker #1

    Ok, ça enchaîne. Donc c'est trop chouette. Ok, c'est vrai qu'on n'a pas parlé de tes projets. Tu m'en dis deux mots quand même. Sur l'année 2024 ?

  • Speaker #0

    Oui, j'ai quatre jeux qui sortent. J'ai donc Umbrella avec Flavien Dauphin chez Lumberjack qui sort, qui est un jeu un peu de type Azul. J'ai un jeu qui s'appelle Onyx chez Blue Cocker avec Florian Siriax, illustré par Henri Kermarek, qui est un petit jeu de cartes dans l'esprit Skyjo, Mind Up et tout ça, un petit jeu de cartes facilement accessible. J'ai un jeu à coucher encore chez Disto Studio avec Anthony Perron, qui va sortir en septembre, mais qui a une ergonomie assez chouette, qui sera un objet assez excitant à manipuler. Et j'ai un jeu abstrait à deux qui s'appelle Mystria, qui va sortir chez Débac le jeu avec Florian Siriex, illustré par Jérémy Fleury, qui sort là aussi en septembre et on est en train de finir les illustrations.

  • Speaker #1

    Ok, beaucoup de projets avec Florian Siriex.

  • Speaker #0

    Oui, on travaille bien ensemble, clairement.

  • Speaker #1

    Bon bah écoute, on va suivre ça avec attention. Et pour finir, quelle serait une proposition de quelqu'un dans le monde du jeu qui pourrait passer à mon micro ?

  • Speaker #0

    C'est une bonne question. Ça serait bien d'interviewer des chefs de projet parce qu'il faut une sorte de travail de l'ombre. On connaît le nom des éditeurs, les patrons. Mathieu Depnoux, Emmanuel Beltrando, Alain Ballet, machin, mais on ne connaît pas forcément le travail des petites mains qui sont en contact avec les auteurs au quotidien. J'en connais chez Blue Cocker parce que c'est mes amis aussi. Mais voilà, un chef de projet chez un éditeur parce qu'ils ont un impact assez fort sur le devenir du jeu.

  • Speaker #1

    Ok, donc donne-moi un nom de chez Blue Cocker.

  • Speaker #0

    Vianney Van Lemputen ou Xavier Avel.

  • Speaker #1

    Ok, écoute, je vais essayer de prendre contact. Je te remercie. Je te propose qu'on termine le podcast comme on termine à chaque fois les vidéos et le podcast, avec la phrase habituelle. Donc, je vais dire, au jeu de Benoît Turpin, tu joues quoi ? Et le tu joues quoi, on le fait ensemble. Alors, au jeu de Benoît Turpin, tu joues quoi ? J'espère que cette interview de Benoît Turpin vous a intéressé. Si c'est le cas, je vous invite à la partager et à donner votre avis sur les réseaux sociaux de Tu Joues Quoi. Je remercie tout particulièrement Anthony Piquet pour sa fidélité et son soutien. Je vous donne rendez-vous donc un jour avec une nouvelle interview. Je serai avec la talentueuse illustratrice Camille Chaussy. En attendant, jouez bien !

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