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Un poing c'est tout - Les violences conjugales

Épisode n°9 - Khatidja, victime de violences conjugales, évoque le poids de l'emprise et le rapport au travail.

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39min |12/04/2024
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Un poing c'est tout - Les violences conjugales

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Description

Khatidja nous témoigne courageusement son expérience de 8 ans de violences conjugales, entre violences psychologiques, humiliations et violences physiques. Elle a réussit, notamment grâce à son activité professionnelle et sa force de caractère, à se sortir avec ses trois enfants de cette spirale infernale.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • #0

    Bienvenue dans la seconde saison du podcast 1.c'tout, une émission qui traite des violences conjugales et des violences sexuelles et sexistes. Je m'appelle Adrien Roland-Boulogne et j'ai cofondé une société, A.U., qui développe des dispositifs de sensibilisation et de formation sur des sujets sociaux, dont fait partie l'évidence conjugale et ce, à destination du monde du travail. Et c'est en parallèle et en résonance avec cette activité que nous avons développé cette série de podcasts gratuite, qui a pour objectif d'informer le plus largement possible D'une part les personnes qui sont victimes de violences conjugales, et d'autre part toutes celles et ceux qui veulent s'informer sur le sujet, que ce soit pour accompagner une personne victime dans leur entourage ou simplement pour mieux comprendre ce phénomène. Merci de nous écouter ou de nous suivre, vous êtes désormais plusieurs milliers. Eh bien bonjour Khadidja et merci de participer à notre chaîne de podcast 1.c'tout qui traite du sujet des violences conjugales intrafamiliales. Vous avez été victime pendant huit ans et vous allez nous partager votre expérience. Merci encore. Déjà pour commencer, qu'est-ce que vous avez vécu réellement ? Comment se sont manifestées ces violences conjugales ?

  • #1

    Bonjour Adrien et merci de me donner la parole. Alors, comment... se sont manifestées ces violences. Au début, je ne savais même pas que c'était des violences que je vivais. Donc le mot déposer le mot violent c'est qu'après coup que j'ai pu le faire. Donc dans un premier temps, ça a été l'installation de l'emprise. Et ça, c'est qu'avec le recul que j'arrive à diagnostiquer que c'était de l'emprise. Donc au tout début de notre relation, bien sûr on est sur un petit nuage, on a envie de passer des appels, des messages, de se voir régulièrement, bref. Et petit à petit, en fait, s'installe l'emprise. C'est installer l'emprise pour moi, comment ? par des simples petits messages. Est-ce que tu es bien arrivé au travail ? Moi, je lui répondais naturellement. Est-ce que tu as pris ta pause ? Oui. À quelle heure ? Je lui disais l'heure. Tu manges à quelle heure ? Et où ? Avec qui ? Moi, je ne voyais pas le mal, en fait. Donc, je lui répondais tout simplement. Et puis, parfois, il me faisait... Aujourd'hui, je dis la surprise, mais avec le recul, finalement, tout était calculé. La surprise de venir au restaurant que je lui avais dit, que je partageais avec mes collègues. Je suis là, il était chauffeur-livreur à l'époque, donc oui, j'avais une livraison à côté. J'ai un peu de temps, je m'assois avec vous. pour moi, ça ne me posait pas de problème. Au contraire, à l'époque, c'était valorisant, en fait. Voilà, il me montre de l'importance. Il partage des moments dès qu'il peut avec moi. Je ne voyais pas de mal. Et en fait, très vite, je devenais pour lui la risée, le sujet de moquerie à table avec mes collègues. et avec des humiliations et puis je lui disais mais non mais en fait j'aimerais bien que tu arrêtes parce que je me sens humiliée du coup il a arrêté oui mais toi tu sais pas rire aux blagues et puis il finissait sa tournée de livraison il me dit tiens je peux te raccompagner chez toi je dis oui d'accord Mais en fait, là où aujourd'hui j'arrive à dire que c'est de l'emprise, c'est qu'à partir du moment où des fois j'oubliais de dire que j'étais arrivée au travail, ou que j'allais manger à tel endroit, ou que je finissais un peu plus tôt, ils me reprochaient oui, mais tu ne me l'as pas dit Je m'en excusais, oui, désolée, effectivement, je ne t'ai pas dit, mais… En fait, on n'était pas mariés ou quoi, on ne faisait que sortir ensemble au début. Voilà comment l'emprise s'est immiscée au fur et à mesure.

  • #0

    Ça s'est immiscée progressivement, est-ce que c'est monté en intensité au fur et à mesure de votre relation ?

  • #1

    Oui, elle avait monté dans le sens où l'emprise permettait le contrôle. Le contrôle de tu peux sortir avec telle personne et tu ne peux pas sortir avec d'autres, parce qu'elle, je ne la sens pas trop Je lui présentais naturellement mes amis parce qu'on sortait ensemble. Ah oui, mais je n'ai pas aimé son attitude. j'aimerais bien que tu arrêtes de la côtoyer. Moi, je ne voyais pas de mal, en fait. Donc, je dis, bon, peut-être qu'en tant qu'homme, il a peut-être détecté quelque chose que moi, en tant que femme, je n'ai pas détecté, OK. Mais je n'allais pas forcément à la rupture de cette amitié, mais je vais diminuer les fréquences. Et puis petit à petit en fait est arrivé l'isolement. Forcément, il m'a coupé de mes amis, de mes collègues, parce que du coup pour éviter d'être la risée au sein de mes collègues, je ne mangeais plus avec eux si je devais manger avec lui. Donc je choisissais de manger toute seule. Et puis avec certains membres de la famille. Et puis j'ai découvert vraiment un autre homme encore plus dans la violence le jour même du mariage. En fait, nous on s'est mariés, on est d'origine indienne et de confession musulmane. Alors rien à voir parce que les violences conjugales ne sont pas attribuées ni à une origine ni à une confession. Donc on s'est mariés en Inde, religieusement. Et là j'ai vraiment découvert un homme violent dans sa façon d'être. psychologiquement, d'un point de vue verbal. Et en fait, j'ai regretté mon mariage le jour même. Mais j'ai mis ça sous le coup de... C'est peut-être le stress du mariage, c'est peut-être l'organisation, les couacs qui peuvent arriver pendant un mariage. Et puis, en fait, profondément, j'étais impatiente de... de retrouver la France. parce que je n'avais pas le droit à la parole. Si je sortais, il fallait que je sorte avec la permission de la belle-mère, des belles-sœurs, de tout le monde en fait. Il fallait l'accréditation de tout le monde. Et là, je me dis, OK, il faut vite que je revienne en France, retrouver mes droits de circuler librement.

  • #0

    Et est-ce que vous savez pourquoi c'est ce mariage, le moment du mariage qui a cristallisé comme ça l'augmentation de la violence ?

  • #1

    En fait, je suis devenue son objet. sa chose. Il pouvait en faire officiellement ce qu'il voulait.

  • #0

    Et donc après le mariage, si je calcule bien, vous avez encore eu 5 ans de relation. Oui. Les violences ont toujours continué pendant ces 5 ans ?

  • #1

    Les violences, oui, ont augmenté au fur et à mesure. C'était une personne qui était instable professionnellement. Il pouvait quitter un travail parce que son responsable était... lui avait dit quelque chose qui ne lui avait pas plu, donc il lâchait du jour au lendemain le travail, sauf que je me retrouvais toute seule à assumer toutes les charges. Et très vite, j'ai eu aussi ce désir d'avoir un enfant, et il m'a dit on va fonder une famille, notre famille, tout ça Et puis c'était un peu comme pour mettre le couvercle sur la marmite. Et ok, donc... En février 2006, je suis tombée enceinte de mon aîné. Et là, encore une fois, les violences sont montées d'un cran. Et jusqu'alors, c'est que des violences psychologiques. Et aujourd'hui, je peux dire aussi que c'est des violences financières, puisqu'il était à ma charge, en fait. Et il y a le poids de la culture. il y a le poids de la religion, il y a le poids sociétal, il y a le poids familial, qui sous-entend, qui nous fait comprendre, t'es mariée, maintenant il faut assumer, les aléas de la vie, on les connaît tous, ça passera. Ok, je me dis, ça passera aussi. Et au troisième mois de grossesse, les violences verbales et psychologiques étaient tellement intenses que là j'ai dû prendre ma valise et partir chez ma mère. J'ai dit en fait là je te signifie que c'est plus possible de continuer. Et j'ai passé le reste de ma grossesse toute seule. Et en fait, il voulait me faire croire qu'il avait changé, qu'il s'excusait. Mais dès que je ne revenais pas vers lui et que je n'allais pas dans son sens, ça intensifiait, ça revenait comme un boomerang, les violences. Et puis, à l'accouchement, en novembre 2006, pareil, j'ai accouché toute seule. J'ai accouché toute seule. Alors là, c'est un choix parce que je voulais vraiment que cette accouchée… Déjà, j'étais fatiguée. J'ai mené tant bien que mal cette grossesse. Et je voulais pas subir de stress le jour de l'accouchement.

  • #0

    Oui, pas une charge mentale supplémentaire, quoi.

  • #1

    Oui. et en plus c'était une césarienne d'urgence que j'ai eue et il a su par un membre de ma famille que la petite était née et là c'est monté encore plus fort en violence verbale, psychologique

  • #0

    Vous ne viviez plus ensemble à ce moment-là ?

  • #1

    Non, on ne vivait plus ensemble et de statut de mari, il est passé au statut de père. Et moi, je n'ai pas eu de père dans mon enfance, de ma vie, en fait. Et jouer sur ça en me disant, toi, tu n'as pas eu de père, donc est-ce que c'est ce schéma-là que tu veux reproduire pour ton enfant ? Donc effectivement, non, je ne voulais pas reproduire, mais je ne voulais pas non plus que cet enfant grandisse dans des violences. Et au bout de trois mois de naissance, il m'a travaillé. Il a travaillé sur le mental. Mais si j'ai changé, on se redonne une chance en tant que parent. Voilà. Et puis j'ai accepté. Et la toile d'araignée s'est tissée autour de moi. Aujourd'hui, j'arrive à le verbaliser comme ça, et comme une mouche, j'ai été prise dans la toile d'araignée. Une fois que je me suis bien installée à nouveau au domicile conjugal, il a dit qu'il n'y avait personne qui viendrait te voir, te rendre visite ici, et tu ne rendras visite à personne. la seule chose que tu peux faire, c'est aller au travail. Et là, j'ai pleuré des heures et des heures. Je me suis dit, en fait, je me suis faite avoir. Mais maintenant, je n'étais plus la seule. En fait, j'étais avec mon enfant en plus. J'ai dit, OK, il faut que j'arrive à m'extirper de cette toile d'araignée qu'il a tissée autour de moi. Mais en même temps, j'ai été un objet en tant que femme. Et maintenant, il y a un autre objet, c'est l'enfant. Si tu pars, je fais du mal à l'enfant.

  • #0

    Vous aviez un rôle de protection, j'imagine, là-dedans.

  • #1

    Exactement. Tu n'auras pas l'enfant, en fait, si tu pars. Donc, sous cette menace parentale, il me tenait. Et puis... Et puis je me suis faite une raison, j'ai dit peut-être que là, je devrais être là pour mon enfant. En même temps, je voyais mon enfant heureux dans les bras de son père. C'est ça qui me satisfaisait, on va dire, entre guillemets. Je savais profondément qu'un jour, j'allais me séparer de lui. Et je savais qu'entre nous, et il ne cesse de le répéter, c'est que... il va instrumentaliser l'enfant. Et il fallait que je puisse fonder une fratrie. Peut-être que c'est fou d'entendre ça, mais je ne voulais pas que cet enfant traverse les épreuves de la vie seule. Je savais qu'elle allait avoir des épreuves de la vie. Donc, s'en est suivie une petite sœur en 2009 et un petit frère en 2010. Et là, je me suis dit, on a tout pour être heureux. On a des enfants, on a une maison. Il a un fils qu'il a toujours voulu avoir, entre guillemets. Peut-être qu'en ayant un fils, il va peut-être se reprendre en main en se disant, qu'est-ce que je vais transmettre comme code en tant qu'homme à ce petit être. Et puis... Mais au final, c'est à la naissance de mon fils que j'ai eu ma première gifle. C'était ma troisième césarienne et je rentrais à la maison au bout de dix jours d'hospitalisation. Et pourtant, le médecin ne voulait pas me laisser sortir. J'avais dû signer une décharge. Et en fait, arrivé à la maison... Les petites à l'époque, elles étaient toutes les deux à la crèche, grande section et petite section. Et moi, j'avais vraiment profondément besoin de le reposer. Et je lui avais demandé de prendre le relais. et selon lui, c'était une demande qui était trop pour lui. J'étais au bout de ma vie, et j'avais le petit dans les bras. Il m'a donné une gifle, et il m'a donné un coup de pied au bas du ventre. J'aurais pu réouvrir la plaie, en fait. Et en fait, là, je suis sidérée. J'arrive à me voir, là, mon état. Je ne comprends pas, en fait. je ne viens pas de lui demander la lune, je viens juste de lui demander de prendre le relais.

  • #0

    Vous disiez que vous considérez réellement comme un objet le mariage et les enfants ont cristallisé ça, d'autant plus.

  • #1

    Oui, tout à fait.

  • #0

    D'où la violence. Donc là, vous êtes sur la fin de votre relation. Comment elle s'est déterminée après cette escalade de violence à différentes étapes ?

  • #1

    Chaque jour qui passait, il pleuvait des violences et des coups. Et à chaque fois, c'était tu l'as mérité, tu l'as cherché Et donc, la dernière violence, c'était le 16 juin 2013, je me rappelle encore, puisque c'était la fête des Pères ce jour-là. On avait tout préparé avec les enfants et je lui avais juste demandé de prendre le relais encore une fois, un dimanche. Et c'était une demande de trop encore. Et là, je n'avais jamais eu un tel déferlement de violence physique. En fait, c'était une machine qui était lancée et je cherchais le bouton pour l'arrêter. Et le seul bouton sur lequel je pouvais appuyer, c'était Ok, admets ton tort. Admets ton tort. Et c'est ça qu'il veut, en fait. Admets ton tort et excuse-toi. Peut-être que ça va l'arrêter. Et en plus, mes enfants étaient contre moi, en fait, pour faire bouclier aux coups que je recevais. Et donc, par ricochet, ils recevaient les coups, les enfants. Mais... impossible d'en prendre conscience à ce moment-là et donc je prends mes deux mains et je lui dis je suis désolée c'est de ma faute et là il finit par cracher sur ma figure en me disant tu n'es qu'une merde et le crachat en fait retombe sur les enfants Et en fait, là je prends conscience que les enfants, aujourd'hui on utilise le terme de co-victime, mais qu'en fait ça atteint les enfants aussi. C'est là que je prends conscience. Et j'ai fait non, c'est plus possible. C'est là où j'ai eu ce déclic en fait. on parle souvent de déclic et c'est à ce moment-là que j'ai eu le déclic.

  • #0

    C'est très clair, merci beaucoup de vous livrer comme ça. Le déclic, il est souvent d'autant plus difficile à avoir de façon évidente que vous l'écrivez, il y a un schéma de manipulation qui est extrêmement intense. La culpabilisation, c'est l'un des outils principaux et en plus, il y a la violence. Donc, vous avez une charge mentale avec les enfants qui est d'autant plus importante que c'est difficile de réfléchir, de prendre du recul et de se sortir de l'emprise. Et c'est là ce qu'on a toujours dans les témoignages. La puissance de l'emprise, on ne s'en rend pas toujours compte. Est-ce que vous avez eu des soutiens de la part, vous parliez tout à l'heure du fait que vous aviez été, lors de votre première grossesse chez votre mère, de la part de votre famille, de votre entourage amical, si tant est que vous en aviez encore un, parce que vous nous disiez que vous aviez été isolée par ce schéma.

  • #1

    En fait, j'étais dans un tel état dissociatif de sidération que je n'arrivais pas à parler. J'avais des appels. pourquoi tu n'es pas là au boulot ? Qu'est-ce que je veux leur dire ? En fait, c'est une honte. En fait, je portais la honte sur moi. Et à l'époque, lui, il aimait bien rendre coupables les autres de m'avoir instrumentalisé, de m'avoir bourré le crâne, c'était ses mots, pour casser notre couple. Donc de manière stratégique, et ce n'est pas négatif, je n'avais contacté personne. C'est ma décision et je l'assume. Et le soutien, j'en ai eu au moment où j'ai eu... Le soutien, le premier soutien que j'ai pu avoir, c'est mon médecin-trait. Elle a pu constater mes coups et blessures, mon état psychologique. maladie en fait, vous n'êtes pas en capacité d'aller travailler et j'ai été en arrêt maladie pendant six mois

  • #0

    Donc la première écoute, elle vient de votre médecin traitant, est-ce que en lien avec le monde du travail vos collègues, vous avez pu exprimer certaines choses ou est-ce que vous pensez qu'on s'en est rendu compte du schéma de violence que vous viviez ?

  • #1

    En fait j'ai enjolivé tellement ma situation familiale que je ne sais pas si certaines personnes s'en rendaient compte ou pas Honnêtement, je ne sais pas. Par mon silence, certains collègues ne comprenaient pas pourquoi je gardais le silence. Du coup, j'ai perdu beaucoup de collègues comme ça, de liens. Mais il fallait que j'aille à l'essentiel dans ma situation. Je n'avais pas le temps de me préoccuper des états d'âme de telle et telle personne. Moi, la priorité, c'était mes enfants et moi, et notre sécurité. J'ai pris rendez-vous avec les ressources humaines et j'ai été reçue par la direction. Je leur ai fourni ma plainte, mon ordonnance de protection pour justifier qu'ils ne puissent pas venir au travail aussi. C'était ma priorité, c'était de sécuriser l'école, la crèche, le travail, le domicile.

  • #0

    Vos seuls espaces finalement de liberté

  • #1

    Exactement et de là l'interaction m'a mis en lien avec l'astante sociale et on avait là cette chance et je ne sais pas si mes collègues ont encore cette chance parce que je ne suis plus dans cette entreprise une astante sociale dédiée que aux salariés c'était une grosse structure. Et là, j'ai eu un accompagnement social de proximité à tel point où l'instance sociale m'accompagnait aux audiences.

  • #0

    Vous avez été bien accompagnée.

  • #1

    Oui, vraiment, merci. Et s'est mis en place aussi un dispositif que je ne connaissais pas dans la prévoyance. Du coup, on m'a mis avec une société qui venait, maintenant je me rappelle parce que des fois j'ai des trous de mémoire, qui venait régulièrement pour m'accompagner aux démarches administratives et à ranger les documents, tout ça.

  • #0

    Vous avez eu d'abord le courage, parce que c'est ce dont il s'agit d'en parler aux ressources humaines. Vous avez été accompagnée par une assistante sociale. Vous avez eu d'autres moyens d'expression en entreprise. Vous en avez parlé à d'autres personnes, pas à vos collègues, j'ai bien compris.

  • #1

    Mon manager N plus 1, non. Mais N plus 3, oui. C'est bizarre, parce que du coup, c'est une femme qui avait énormément d'autorité. Elle était inaccessible, vraiment inaccessible. Et lorsque j'ai pu lui déposer ce que je vivais, en fait, elle m'a juste parlé d'humaine à humaine. et là j'ai découvert toute une autre personne et des fois les managers peut-être ils ont une cape de super héros mais au final on peut découvrir toute une autre personne dans d'autres situations à

  • #0

    quelle mesure le travail c'était important pour vous ?

  • #1

    c'était une soupape c'était un lieu où me permettait de penser à autre chose que le quotidien que je vivais.

  • #0

    Et dans quelle mesure vous diriez que ça vous a aidé à tenir que d'avoir une activité professionnelle ? Parce qu'en fait, il y a des victimes qui ne sont pas en emploi et qui expriment qu'elles sont encore plus dans ce schéma d'emprise et encore plus un objet, comme vous l'écriviez tout à l'heure. Évidemment, c'est compliqué de jauger tout ça.

  • #1

    À ce moment-là, le travail... a été une bouffée d'oxygène. Je me compare à une nageuse qui va d'une rive à une autre, qui reprend cette bouffée d'oxygène pour continuer à nager. Moi, le travail, ça a été une bouffée d'oxygène.

  • #0

    Vous parliez tout à l'heure du fait que vous étiez celle qui ramenait le salaire, en tout cas pendant un temps. Est-ce que cette indépendance financière vous a aidé en quelque sorte, ou au contraire vous a desservi ?

  • #1

    À la fois, ça m'a aidé, parce que ma mère nous a toujours éduqués. les enfants, il faut être indépendant financièrement, qu'on soit marié ou pas. Ça, c'est une chose, une valeur qu'elle nous a transmise. Et ça m'a desservie en même temps parce que j'ai octroyé pour lui une dette de 30 000 euros. Ça m'a desservie parce que les huissiers, ils se servaient d'abord sur moi et pas lui parce qu'il n'était pas solvable.

  • #0

    Donc il était d'une certaine manière dépendant de vous, en tout cas sur le plan financier.

  • #1

    Oui, et il savait profondément que moi, j'allais m'en sortir d'un point de vue financier. Ce n'était pas le problème. Et heureusement, je ne me suis pas mariée civilement. Parce que quand je vois certaines femmes qui luttent pour les comptes bancaires, les crédits, divorcer, ça me met trois ans. J'ai dit non, heureusement. Dans mon malheur, j'ai eu cette chance de ne pas être mariée civilement.

  • #0

    Bien sûr. Comment s'est passé ou comment se passe toujours d'ailleurs votre travail de reconstruction après tout ce que vous avez vécu ?

  • #1

    Alors depuis que j'ai quitté les violences conjugales, donc en 2013, j'ai eu 40 audiences, 7 téléphones graves dangers, 3 ordonnances de protection et 2 mises à l'épreuve qui durent chacune 3 ans, dont une d'actualité, qui se termine en octobre ou novembre 2024. Donc, parler de reconstruction lorsque notre quotidien est ponctué d'audience sur audience, et que la seule emprise qui lui reste, c'est via les procédures judiciaires, et qu'à chaque fois qu'on va en audience, ça nous remet dans une certaine forme d'insécurité, et il le sait. La reconstruction, elle ne se fait pas comme ça. J'ai eu cinq ans d'inactivité professionnelle. J'ai été en ASS, allocation de soutien solidaire, parce que, et c'est maintenant que je peux mettre les mots, je ne pouvais qu'à l'époque déposer les enfants à l'école et revenir dormir. En fait, je dormais toute la journée. Je ne savais pas, je m'en voulais. Mais mon corps ne demandait que ça, dormir, dormir. Et en fait, c'est lié au syndrome de stress post-traumatique. Et il est arrivé un énième déménagement dans le cadre d'une mise en sécurité, parce que de la région parisienne, nous avons été mis en sécurité à Nantes, et de Nantes à Avignon en 2020, parce qu'il a été emprisonné pour menace de mort sur procureur. Et dans le cadre de cette incarcération, il nous a écrit à une adresse qu'il n'est pas censé connaître à Nantes, où il dit Ayez la foi les enfants, c'est bientôt fini Donc, bien sûr, le système judiciaire se met en route pour nous mettre en sécurité à Avignon. Et là, premier confinement, mars 2020, ça me renvoie à toutes les violences en fait. Interdiction de sortie, contrôle, ça m'a remis dans un trauma pas possible ce confinement. Et je n'avais plus de voiture. Et ici, sur le territoire d'Avignon, pour aller d'un point A à un point B, rien que pour faire les courses, on met 45 minutes, une heure de marche. Et là, j'ai dit, j'ai besoin de reprendre un emploi. Et j'avais perdu toute confiance et l'estime en moi. Et pour moi, il le répétait souvent, tu es bête, tu es nulle, tu ne vaux rien. Donc moi, j'avais intégré ça. Et on m'avait proposé d'être agent d'accueil. Je me suis dit, mais je n'ai peut-être pas les capacités d'être agent d'accueil. Être confrontée au monde, gérer l'accueil. Du coup, je me suis mise des petits objectifs. C'est faire au jour le jour avec l'énergie du jour.

  • #0

    Vous avez repris confiance avec des astuces comme ça aujourd'hui ?

  • #1

    Oui, c'est ça. Et s'il y avait une difficulté, la moindre difficulté au sein du travail, alors ma direction était au courant de ma situation, mais en même temps, j'avais besoin que mon domaine professionnel ça soit le mien et que le stress que je pouvais vivre post-traumatique, j'avais envie de ne pas le faire intégrer dans le milieu professionnel. Mais parfois, on est confronté à un public qui peut être violent et qui peut nous renvoyer à des traumas et ainsi de suite, à une certaine insécurité. Et là, il fallait que j'intègre absolument que c'est dans le domaine professionnel, ce n'est pas lié à ta vie privée. Donc ça reste dans le domaine professionnel.

  • #0

    Comment vous avez abordé le sujet avec votre nouvel employeur ? C'est souvent une question qui est difficile.

  • #1

    Depuis un certain temps, je pars du principe que la honte doit changer de camp. Et que parler, c'est des fois se mettre en sécurité. Et aussi sensibiliser les gens. Donc tout de suite à ma direction, lorsque j'ai signé le contrat, j'ai remis l'ordonnance de protection. J'ai sécurisé mon lieu, il n'a pas le droit, si toutefois il intervient, j'ai donné la photo de mon ex. Il y a un processus qui s'est mis en place et des référents qui se sont mis en place aussi. et du personnel.

  • #0

    D'accord. Et au niveau des collègues, parce que là, c'est plutôt sur le plan des ressources humaines que vous avez cadré. Vous avez osé en parler aussi ?

  • #1

    J'ai parlé qu'à deux collègues sur 130. Parce qu'en même temps, ce n'était pas le lieu où j'avais envie de déballer ma vie privée.

  • #0

    Bien sûr, bien sûr. Et donc maintenant, vous êtes toujours sous ordonnance de protection dans un nouvel emploi à Avignon. Il n'avait plus de contact particulier, en tout cas il ne laissait plus d'avoir de contact avec vous, ou alors il continue ?

  • #1

    Ah si, depuis 2019, il n'a plus de droits parentaux et l'autorité parentale. Et il veut à tout prix donc récupérer ses droits parentaux, puisqu'en fait il a vu qu'il n'avait plus d'emprise sur moi. Il n'avait plus une certaine emprise sur les enfants, il ne pouvait plus les instruments utiliser puisque la justice avait vu clair. Et oui, il revient toujours à la charge. Il m'a envoyé les huissiers à la maison pour me signifier une convocation à une audience, par exemple, pour me signifier qui c'est, où j'habite.

  • #0

    Oui, donc il a essayé d'être toujours présent, quoi qu'il en soit, sans vouloir lâcher sa proie, si je puis dire. Est-ce que vous avez eu un suivi psychologique pour vous accompagner ?

  • #1

    Ça, c'est une très bonne question. Parce qu'à chaque condamnation de monsieur, lui, il a eu une obligation de soins psychiatriques. Sauf que la justice, elle est tellement débordée aujourd'hui qu'elle n'a pas le temps de vérifier si le soin psychiatrique est bien suivi ou pas. Sauf que qui répare la victime ? Personne. Donc la justice, aujourd'hui, j'aimerais que... S'il y a quelque chose à faire évoluer, qu'elle porte la responsabilité à l'auteur des violences conjugales ou à l'auteur des violences quelles qu'elles soient, de réparer via des frais médicaux. Tous les frais, parce que des frais de déménagement, c'était coûteux et je l'ai pris en charge. Et de responsabiliser l'auteur. Moi non, je n'ai pas eu de suivi psychologique. Alors, c'est ponctuel au sein des associations. J'ai été accompagnée par le CIDFF, France Victime, Solidarité Femmes, et je les en remercie.

  • #0

    Du coup, des associations vous ont accompagnées, ça s'est concrétisé comment ?

  • #1

    C'était une écoute quand même toutes les semaines, un rendez-vous hebdomadaire. Il y avait des mises en prétection avec leur appartement, les appartements qu'ils ont. pour revenir au suivi psychologique en fait ça reste ponctuel et c'est à notre charge et il faut aussi le suivi psychologique des enfants qui prend soin des enfants et je voudrais juste Je vais terminer là-dessus, dans le sens où en 2018, on a connu de telles violences psychologiques que les enfants ont été vus par l'UAED, l'unité d'accueil des enfants en danger. Ils ont eu 10 jours d'ITT chacun, donc au-delà de 8 jours, ça donne lieu à une audience correctionnelle. Et moi, j'ai eu 30 jours d'ITT, interruption de temps de travail. Et en mars 2020, avec tous les témoignages des juges, j'ai jamais vu ça, des juges des enfants, juges des affaires familiales, éducateurs, proviseurs, directeurs de l'établissement scolaire, plusieurs professionnels ont témoigné en notre faveur et malgré tout ça, il a réussi, et je ne sais comment, à être relaxé. C'est une double peine.

  • #0

    Sachant que souvent, ça renforce le sentiment d'impunité de la part des auteurs, de toute puissance.

  • #1

    Oui, il est revenu dans une roulette russe. Et aussi, en 2016, j'ai été condamnée coupable, il y a cinq mois de sursis, pour ne pas avoir présenté les enfants, pour les protéger. Et lui, il reconnut victime, c'est tout ce qu'il voulait. Il s'est positionné en tant que victime dès le début. Donc là, en plus, la justice... lui fait cadeau, il reconnaît victime, casse la tienne. Et 1 600 euros de dommages d'intérêt à lui reverser. J'ai fait appel, la cour d'appel de Rennes m'a relaxée. J'ai pu me défendre sur cette phrase en disant que pendant huit ans de violence conjugale, je me suis sentie coupable de ne pas avoir suffisamment protégé les enfants en tant que mère. Et lorsque je me positionne en tant que parent protecteur, vis-à-vis des enfants, c'est la justice qui le condamne coupable.

  • #0

    Ça résume très bien le paradoxe.

  • #1

    Voilà. Et lui, il n'entendait pas de cette oreille, il a fait un pourvoi en cassation. Donc c'est qu'en avril 2021 que la chambre criminelle de la cour de cassation... a confirmé ma relax.

  • #0

    Et ce qui est surprenant, c'est que là où vous n'avez pas forcément osé l'incriminer pendant toutes ces années, lui n'a évidemment aucun scrupule et au contraire se protège en vous accusant de toutes les manières, en se victimisant.

  • #1

    En se victimisant. Et je me suis rendu compte que la justice a double vitesse. Quand c'est une femme qui porte plainte pour violence, on dit le dossier suit son cours, madame, vous pouvez rentrer chez vous. et quand c'est un procureur qui se fait menacer de mort il a 11 mois de prison ferme les preuves je les ai et c'est pour ça que je peux en parler aujourd'hui librement et qu'à contrario lui lorsqu'il porte plainte je suis condamné en 6 mois coupable moi par contre je dois attendre 2 ans pour avoir une date d'audience correctionnelle

  • #0

    On a encore beaucoup de chemin à faire et c'est pour ça que les témoignages comme les votes sont très importants, parce que finalement on parle d'une évolution de mentalité plus générale qui concerne la justice, mais pas que.

  • #1

    Mais encore aujourd'hui, je suis dans ce schéma de reconstruction. J'ai regagné un peu confiance en moi. Et puis vraiment, je remercie mes employeurs. Parce qu'aujourd'hui, j'ai repris mes études. J'ai obtenu mon diplôme de conseillère en insertion socioprofessionnelle. Et à mon tour aussi, je peux accompagner les personnes, victimes ou pas, à se réinsérer socialement et professionnellement. Et je suis à même de comprendre parfois... lorsqu'elles me disent je ne suis pas prête Ce n'est pas parce qu'elles ne veulent pas, mais c'est parce que, bref, elles ne sont pas prêtes.

  • #0

    Bien sûr, bravo d'avoir eu le courage de mener ce travail de reconstruction, quand même essentiellement seule. J'ai une dernière question. Si vous deviez donner un conseil à une personne qui, comme vous, a été victime de violences conjugales, quel serait ce conseil ?

  • #1

    En fait, je me demandais souvent, lorsque j'étais dans les violences conjugales, Est-ce que j'en serais capable ? Est-ce que je vais y arriver ? Et moi j'ai envie de vous dire, vous y arrivez lorsque vous quittez cet homme. Le premier pas, c'est 99,99% de la réussite. Et oui, c'est le premier pas et s'en suivront des autres. Et vous allez y arriver, faites-vous confiance. Il y a des personnes professionnelles que vous allez rencontrer qui vont être la clé des fois pour ouvrir des portes.

  • #0

    Merci beaucoup Khadidja. Votre expérience nous montre que malgré tout ce schéma d'oppression quasiment totalitaire que vous avez vécu, on peut trouver la force. Évidemment, en se faisant accompagner, en en parlant, c'est plus simple. Par-delà le schéma d'isolement qu'on vit généralement quand on est victime, mais on peut la trouver, c'est un travail de longue haleine qui se fait en plusieurs étapes et c'est normal comme vous le disiez oui, tout à fait merci pour votre témoignage merci à vous

  • #2

    Merci beaucoup Sonia d'avoir accepté une nouvelle fois de participer à notre série de podcast 1.c'tout et surtout d'avoir rappelé le rôle des associations, un rôle qui est essentiel avec beaucoup de compétences en interne et un très bon ancrage local. Si comme Sonia vous voulez témoigner en tant qu'experts sur le sujet des violences conjugales et des violences intra-femininales ou si vous êtes une personne qui est victime de violences, n'hésitez pas à nous envoyer un mail à l'adresse hello.eu.fr Vous êtes de plus en plus nombreux à nous écouter, donc n'hésitez pas à partager et diffuser la parole de nos experts ou les témoignages pour aider et sensibiliser au sujet des violences.

Description

Khatidja nous témoigne courageusement son expérience de 8 ans de violences conjugales, entre violences psychologiques, humiliations et violences physiques. Elle a réussit, notamment grâce à son activité professionnelle et sa force de caractère, à se sortir avec ses trois enfants de cette spirale infernale.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • #0

    Bienvenue dans la seconde saison du podcast 1.c'tout, une émission qui traite des violences conjugales et des violences sexuelles et sexistes. Je m'appelle Adrien Roland-Boulogne et j'ai cofondé une société, A.U., qui développe des dispositifs de sensibilisation et de formation sur des sujets sociaux, dont fait partie l'évidence conjugale et ce, à destination du monde du travail. Et c'est en parallèle et en résonance avec cette activité que nous avons développé cette série de podcasts gratuite, qui a pour objectif d'informer le plus largement possible D'une part les personnes qui sont victimes de violences conjugales, et d'autre part toutes celles et ceux qui veulent s'informer sur le sujet, que ce soit pour accompagner une personne victime dans leur entourage ou simplement pour mieux comprendre ce phénomène. Merci de nous écouter ou de nous suivre, vous êtes désormais plusieurs milliers. Eh bien bonjour Khadidja et merci de participer à notre chaîne de podcast 1.c'tout qui traite du sujet des violences conjugales intrafamiliales. Vous avez été victime pendant huit ans et vous allez nous partager votre expérience. Merci encore. Déjà pour commencer, qu'est-ce que vous avez vécu réellement ? Comment se sont manifestées ces violences conjugales ?

  • #1

    Bonjour Adrien et merci de me donner la parole. Alors, comment... se sont manifestées ces violences. Au début, je ne savais même pas que c'était des violences que je vivais. Donc le mot déposer le mot violent c'est qu'après coup que j'ai pu le faire. Donc dans un premier temps, ça a été l'installation de l'emprise. Et ça, c'est qu'avec le recul que j'arrive à diagnostiquer que c'était de l'emprise. Donc au tout début de notre relation, bien sûr on est sur un petit nuage, on a envie de passer des appels, des messages, de se voir régulièrement, bref. Et petit à petit, en fait, s'installe l'emprise. C'est installer l'emprise pour moi, comment ? par des simples petits messages. Est-ce que tu es bien arrivé au travail ? Moi, je lui répondais naturellement. Est-ce que tu as pris ta pause ? Oui. À quelle heure ? Je lui disais l'heure. Tu manges à quelle heure ? Et où ? Avec qui ? Moi, je ne voyais pas le mal, en fait. Donc, je lui répondais tout simplement. Et puis, parfois, il me faisait... Aujourd'hui, je dis la surprise, mais avec le recul, finalement, tout était calculé. La surprise de venir au restaurant que je lui avais dit, que je partageais avec mes collègues. Je suis là, il était chauffeur-livreur à l'époque, donc oui, j'avais une livraison à côté. J'ai un peu de temps, je m'assois avec vous. pour moi, ça ne me posait pas de problème. Au contraire, à l'époque, c'était valorisant, en fait. Voilà, il me montre de l'importance. Il partage des moments dès qu'il peut avec moi. Je ne voyais pas de mal. Et en fait, très vite, je devenais pour lui la risée, le sujet de moquerie à table avec mes collègues. et avec des humiliations et puis je lui disais mais non mais en fait j'aimerais bien que tu arrêtes parce que je me sens humiliée du coup il a arrêté oui mais toi tu sais pas rire aux blagues et puis il finissait sa tournée de livraison il me dit tiens je peux te raccompagner chez toi je dis oui d'accord Mais en fait, là où aujourd'hui j'arrive à dire que c'est de l'emprise, c'est qu'à partir du moment où des fois j'oubliais de dire que j'étais arrivée au travail, ou que j'allais manger à tel endroit, ou que je finissais un peu plus tôt, ils me reprochaient oui, mais tu ne me l'as pas dit Je m'en excusais, oui, désolée, effectivement, je ne t'ai pas dit, mais… En fait, on n'était pas mariés ou quoi, on ne faisait que sortir ensemble au début. Voilà comment l'emprise s'est immiscée au fur et à mesure.

  • #0

    Ça s'est immiscée progressivement, est-ce que c'est monté en intensité au fur et à mesure de votre relation ?

  • #1

    Oui, elle avait monté dans le sens où l'emprise permettait le contrôle. Le contrôle de tu peux sortir avec telle personne et tu ne peux pas sortir avec d'autres, parce qu'elle, je ne la sens pas trop Je lui présentais naturellement mes amis parce qu'on sortait ensemble. Ah oui, mais je n'ai pas aimé son attitude. j'aimerais bien que tu arrêtes de la côtoyer. Moi, je ne voyais pas de mal, en fait. Donc, je dis, bon, peut-être qu'en tant qu'homme, il a peut-être détecté quelque chose que moi, en tant que femme, je n'ai pas détecté, OK. Mais je n'allais pas forcément à la rupture de cette amitié, mais je vais diminuer les fréquences. Et puis petit à petit en fait est arrivé l'isolement. Forcément, il m'a coupé de mes amis, de mes collègues, parce que du coup pour éviter d'être la risée au sein de mes collègues, je ne mangeais plus avec eux si je devais manger avec lui. Donc je choisissais de manger toute seule. Et puis avec certains membres de la famille. Et puis j'ai découvert vraiment un autre homme encore plus dans la violence le jour même du mariage. En fait, nous on s'est mariés, on est d'origine indienne et de confession musulmane. Alors rien à voir parce que les violences conjugales ne sont pas attribuées ni à une origine ni à une confession. Donc on s'est mariés en Inde, religieusement. Et là j'ai vraiment découvert un homme violent dans sa façon d'être. psychologiquement, d'un point de vue verbal. Et en fait, j'ai regretté mon mariage le jour même. Mais j'ai mis ça sous le coup de... C'est peut-être le stress du mariage, c'est peut-être l'organisation, les couacs qui peuvent arriver pendant un mariage. Et puis, en fait, profondément, j'étais impatiente de... de retrouver la France. parce que je n'avais pas le droit à la parole. Si je sortais, il fallait que je sorte avec la permission de la belle-mère, des belles-sœurs, de tout le monde en fait. Il fallait l'accréditation de tout le monde. Et là, je me dis, OK, il faut vite que je revienne en France, retrouver mes droits de circuler librement.

  • #0

    Et est-ce que vous savez pourquoi c'est ce mariage, le moment du mariage qui a cristallisé comme ça l'augmentation de la violence ?

  • #1

    En fait, je suis devenue son objet. sa chose. Il pouvait en faire officiellement ce qu'il voulait.

  • #0

    Et donc après le mariage, si je calcule bien, vous avez encore eu 5 ans de relation. Oui. Les violences ont toujours continué pendant ces 5 ans ?

  • #1

    Les violences, oui, ont augmenté au fur et à mesure. C'était une personne qui était instable professionnellement. Il pouvait quitter un travail parce que son responsable était... lui avait dit quelque chose qui ne lui avait pas plu, donc il lâchait du jour au lendemain le travail, sauf que je me retrouvais toute seule à assumer toutes les charges. Et très vite, j'ai eu aussi ce désir d'avoir un enfant, et il m'a dit on va fonder une famille, notre famille, tout ça Et puis c'était un peu comme pour mettre le couvercle sur la marmite. Et ok, donc... En février 2006, je suis tombée enceinte de mon aîné. Et là, encore une fois, les violences sont montées d'un cran. Et jusqu'alors, c'est que des violences psychologiques. Et aujourd'hui, je peux dire aussi que c'est des violences financières, puisqu'il était à ma charge, en fait. Et il y a le poids de la culture. il y a le poids de la religion, il y a le poids sociétal, il y a le poids familial, qui sous-entend, qui nous fait comprendre, t'es mariée, maintenant il faut assumer, les aléas de la vie, on les connaît tous, ça passera. Ok, je me dis, ça passera aussi. Et au troisième mois de grossesse, les violences verbales et psychologiques étaient tellement intenses que là j'ai dû prendre ma valise et partir chez ma mère. J'ai dit en fait là je te signifie que c'est plus possible de continuer. Et j'ai passé le reste de ma grossesse toute seule. Et en fait, il voulait me faire croire qu'il avait changé, qu'il s'excusait. Mais dès que je ne revenais pas vers lui et que je n'allais pas dans son sens, ça intensifiait, ça revenait comme un boomerang, les violences. Et puis, à l'accouchement, en novembre 2006, pareil, j'ai accouché toute seule. J'ai accouché toute seule. Alors là, c'est un choix parce que je voulais vraiment que cette accouchée… Déjà, j'étais fatiguée. J'ai mené tant bien que mal cette grossesse. Et je voulais pas subir de stress le jour de l'accouchement.

  • #0

    Oui, pas une charge mentale supplémentaire, quoi.

  • #1

    Oui. et en plus c'était une césarienne d'urgence que j'ai eue et il a su par un membre de ma famille que la petite était née et là c'est monté encore plus fort en violence verbale, psychologique

  • #0

    Vous ne viviez plus ensemble à ce moment-là ?

  • #1

    Non, on ne vivait plus ensemble et de statut de mari, il est passé au statut de père. Et moi, je n'ai pas eu de père dans mon enfance, de ma vie, en fait. Et jouer sur ça en me disant, toi, tu n'as pas eu de père, donc est-ce que c'est ce schéma-là que tu veux reproduire pour ton enfant ? Donc effectivement, non, je ne voulais pas reproduire, mais je ne voulais pas non plus que cet enfant grandisse dans des violences. Et au bout de trois mois de naissance, il m'a travaillé. Il a travaillé sur le mental. Mais si j'ai changé, on se redonne une chance en tant que parent. Voilà. Et puis j'ai accepté. Et la toile d'araignée s'est tissée autour de moi. Aujourd'hui, j'arrive à le verbaliser comme ça, et comme une mouche, j'ai été prise dans la toile d'araignée. Une fois que je me suis bien installée à nouveau au domicile conjugal, il a dit qu'il n'y avait personne qui viendrait te voir, te rendre visite ici, et tu ne rendras visite à personne. la seule chose que tu peux faire, c'est aller au travail. Et là, j'ai pleuré des heures et des heures. Je me suis dit, en fait, je me suis faite avoir. Mais maintenant, je n'étais plus la seule. En fait, j'étais avec mon enfant en plus. J'ai dit, OK, il faut que j'arrive à m'extirper de cette toile d'araignée qu'il a tissée autour de moi. Mais en même temps, j'ai été un objet en tant que femme. Et maintenant, il y a un autre objet, c'est l'enfant. Si tu pars, je fais du mal à l'enfant.

  • #0

    Vous aviez un rôle de protection, j'imagine, là-dedans.

  • #1

    Exactement. Tu n'auras pas l'enfant, en fait, si tu pars. Donc, sous cette menace parentale, il me tenait. Et puis... Et puis je me suis faite une raison, j'ai dit peut-être que là, je devrais être là pour mon enfant. En même temps, je voyais mon enfant heureux dans les bras de son père. C'est ça qui me satisfaisait, on va dire, entre guillemets. Je savais profondément qu'un jour, j'allais me séparer de lui. Et je savais qu'entre nous, et il ne cesse de le répéter, c'est que... il va instrumentaliser l'enfant. Et il fallait que je puisse fonder une fratrie. Peut-être que c'est fou d'entendre ça, mais je ne voulais pas que cet enfant traverse les épreuves de la vie seule. Je savais qu'elle allait avoir des épreuves de la vie. Donc, s'en est suivie une petite sœur en 2009 et un petit frère en 2010. Et là, je me suis dit, on a tout pour être heureux. On a des enfants, on a une maison. Il a un fils qu'il a toujours voulu avoir, entre guillemets. Peut-être qu'en ayant un fils, il va peut-être se reprendre en main en se disant, qu'est-ce que je vais transmettre comme code en tant qu'homme à ce petit être. Et puis... Mais au final, c'est à la naissance de mon fils que j'ai eu ma première gifle. C'était ma troisième césarienne et je rentrais à la maison au bout de dix jours d'hospitalisation. Et pourtant, le médecin ne voulait pas me laisser sortir. J'avais dû signer une décharge. Et en fait, arrivé à la maison... Les petites à l'époque, elles étaient toutes les deux à la crèche, grande section et petite section. Et moi, j'avais vraiment profondément besoin de le reposer. Et je lui avais demandé de prendre le relais. et selon lui, c'était une demande qui était trop pour lui. J'étais au bout de ma vie, et j'avais le petit dans les bras. Il m'a donné une gifle, et il m'a donné un coup de pied au bas du ventre. J'aurais pu réouvrir la plaie, en fait. Et en fait, là, je suis sidérée. J'arrive à me voir, là, mon état. Je ne comprends pas, en fait. je ne viens pas de lui demander la lune, je viens juste de lui demander de prendre le relais.

  • #0

    Vous disiez que vous considérez réellement comme un objet le mariage et les enfants ont cristallisé ça, d'autant plus.

  • #1

    Oui, tout à fait.

  • #0

    D'où la violence. Donc là, vous êtes sur la fin de votre relation. Comment elle s'est déterminée après cette escalade de violence à différentes étapes ?

  • #1

    Chaque jour qui passait, il pleuvait des violences et des coups. Et à chaque fois, c'était tu l'as mérité, tu l'as cherché Et donc, la dernière violence, c'était le 16 juin 2013, je me rappelle encore, puisque c'était la fête des Pères ce jour-là. On avait tout préparé avec les enfants et je lui avais juste demandé de prendre le relais encore une fois, un dimanche. Et c'était une demande de trop encore. Et là, je n'avais jamais eu un tel déferlement de violence physique. En fait, c'était une machine qui était lancée et je cherchais le bouton pour l'arrêter. Et le seul bouton sur lequel je pouvais appuyer, c'était Ok, admets ton tort. Admets ton tort. Et c'est ça qu'il veut, en fait. Admets ton tort et excuse-toi. Peut-être que ça va l'arrêter. Et en plus, mes enfants étaient contre moi, en fait, pour faire bouclier aux coups que je recevais. Et donc, par ricochet, ils recevaient les coups, les enfants. Mais... impossible d'en prendre conscience à ce moment-là et donc je prends mes deux mains et je lui dis je suis désolée c'est de ma faute et là il finit par cracher sur ma figure en me disant tu n'es qu'une merde et le crachat en fait retombe sur les enfants Et en fait, là je prends conscience que les enfants, aujourd'hui on utilise le terme de co-victime, mais qu'en fait ça atteint les enfants aussi. C'est là que je prends conscience. Et j'ai fait non, c'est plus possible. C'est là où j'ai eu ce déclic en fait. on parle souvent de déclic et c'est à ce moment-là que j'ai eu le déclic.

  • #0

    C'est très clair, merci beaucoup de vous livrer comme ça. Le déclic, il est souvent d'autant plus difficile à avoir de façon évidente que vous l'écrivez, il y a un schéma de manipulation qui est extrêmement intense. La culpabilisation, c'est l'un des outils principaux et en plus, il y a la violence. Donc, vous avez une charge mentale avec les enfants qui est d'autant plus importante que c'est difficile de réfléchir, de prendre du recul et de se sortir de l'emprise. Et c'est là ce qu'on a toujours dans les témoignages. La puissance de l'emprise, on ne s'en rend pas toujours compte. Est-ce que vous avez eu des soutiens de la part, vous parliez tout à l'heure du fait que vous aviez été, lors de votre première grossesse chez votre mère, de la part de votre famille, de votre entourage amical, si tant est que vous en aviez encore un, parce que vous nous disiez que vous aviez été isolée par ce schéma.

  • #1

    En fait, j'étais dans un tel état dissociatif de sidération que je n'arrivais pas à parler. J'avais des appels. pourquoi tu n'es pas là au boulot ? Qu'est-ce que je veux leur dire ? En fait, c'est une honte. En fait, je portais la honte sur moi. Et à l'époque, lui, il aimait bien rendre coupables les autres de m'avoir instrumentalisé, de m'avoir bourré le crâne, c'était ses mots, pour casser notre couple. Donc de manière stratégique, et ce n'est pas négatif, je n'avais contacté personne. C'est ma décision et je l'assume. Et le soutien, j'en ai eu au moment où j'ai eu... Le soutien, le premier soutien que j'ai pu avoir, c'est mon médecin-trait. Elle a pu constater mes coups et blessures, mon état psychologique. maladie en fait, vous n'êtes pas en capacité d'aller travailler et j'ai été en arrêt maladie pendant six mois

  • #0

    Donc la première écoute, elle vient de votre médecin traitant, est-ce que en lien avec le monde du travail vos collègues, vous avez pu exprimer certaines choses ou est-ce que vous pensez qu'on s'en est rendu compte du schéma de violence que vous viviez ?

  • #1

    En fait j'ai enjolivé tellement ma situation familiale que je ne sais pas si certaines personnes s'en rendaient compte ou pas Honnêtement, je ne sais pas. Par mon silence, certains collègues ne comprenaient pas pourquoi je gardais le silence. Du coup, j'ai perdu beaucoup de collègues comme ça, de liens. Mais il fallait que j'aille à l'essentiel dans ma situation. Je n'avais pas le temps de me préoccuper des états d'âme de telle et telle personne. Moi, la priorité, c'était mes enfants et moi, et notre sécurité. J'ai pris rendez-vous avec les ressources humaines et j'ai été reçue par la direction. Je leur ai fourni ma plainte, mon ordonnance de protection pour justifier qu'ils ne puissent pas venir au travail aussi. C'était ma priorité, c'était de sécuriser l'école, la crèche, le travail, le domicile.

  • #0

    Vos seuls espaces finalement de liberté

  • #1

    Exactement et de là l'interaction m'a mis en lien avec l'astante sociale et on avait là cette chance et je ne sais pas si mes collègues ont encore cette chance parce que je ne suis plus dans cette entreprise une astante sociale dédiée que aux salariés c'était une grosse structure. Et là, j'ai eu un accompagnement social de proximité à tel point où l'instance sociale m'accompagnait aux audiences.

  • #0

    Vous avez été bien accompagnée.

  • #1

    Oui, vraiment, merci. Et s'est mis en place aussi un dispositif que je ne connaissais pas dans la prévoyance. Du coup, on m'a mis avec une société qui venait, maintenant je me rappelle parce que des fois j'ai des trous de mémoire, qui venait régulièrement pour m'accompagner aux démarches administratives et à ranger les documents, tout ça.

  • #0

    Vous avez eu d'abord le courage, parce que c'est ce dont il s'agit d'en parler aux ressources humaines. Vous avez été accompagnée par une assistante sociale. Vous avez eu d'autres moyens d'expression en entreprise. Vous en avez parlé à d'autres personnes, pas à vos collègues, j'ai bien compris.

  • #1

    Mon manager N plus 1, non. Mais N plus 3, oui. C'est bizarre, parce que du coup, c'est une femme qui avait énormément d'autorité. Elle était inaccessible, vraiment inaccessible. Et lorsque j'ai pu lui déposer ce que je vivais, en fait, elle m'a juste parlé d'humaine à humaine. et là j'ai découvert toute une autre personne et des fois les managers peut-être ils ont une cape de super héros mais au final on peut découvrir toute une autre personne dans d'autres situations à

  • #0

    quelle mesure le travail c'était important pour vous ?

  • #1

    c'était une soupape c'était un lieu où me permettait de penser à autre chose que le quotidien que je vivais.

  • #0

    Et dans quelle mesure vous diriez que ça vous a aidé à tenir que d'avoir une activité professionnelle ? Parce qu'en fait, il y a des victimes qui ne sont pas en emploi et qui expriment qu'elles sont encore plus dans ce schéma d'emprise et encore plus un objet, comme vous l'écriviez tout à l'heure. Évidemment, c'est compliqué de jauger tout ça.

  • #1

    À ce moment-là, le travail... a été une bouffée d'oxygène. Je me compare à une nageuse qui va d'une rive à une autre, qui reprend cette bouffée d'oxygène pour continuer à nager. Moi, le travail, ça a été une bouffée d'oxygène.

  • #0

    Vous parliez tout à l'heure du fait que vous étiez celle qui ramenait le salaire, en tout cas pendant un temps. Est-ce que cette indépendance financière vous a aidé en quelque sorte, ou au contraire vous a desservi ?

  • #1

    À la fois, ça m'a aidé, parce que ma mère nous a toujours éduqués. les enfants, il faut être indépendant financièrement, qu'on soit marié ou pas. Ça, c'est une chose, une valeur qu'elle nous a transmise. Et ça m'a desservie en même temps parce que j'ai octroyé pour lui une dette de 30 000 euros. Ça m'a desservie parce que les huissiers, ils se servaient d'abord sur moi et pas lui parce qu'il n'était pas solvable.

  • #0

    Donc il était d'une certaine manière dépendant de vous, en tout cas sur le plan financier.

  • #1

    Oui, et il savait profondément que moi, j'allais m'en sortir d'un point de vue financier. Ce n'était pas le problème. Et heureusement, je ne me suis pas mariée civilement. Parce que quand je vois certaines femmes qui luttent pour les comptes bancaires, les crédits, divorcer, ça me met trois ans. J'ai dit non, heureusement. Dans mon malheur, j'ai eu cette chance de ne pas être mariée civilement.

  • #0

    Bien sûr. Comment s'est passé ou comment se passe toujours d'ailleurs votre travail de reconstruction après tout ce que vous avez vécu ?

  • #1

    Alors depuis que j'ai quitté les violences conjugales, donc en 2013, j'ai eu 40 audiences, 7 téléphones graves dangers, 3 ordonnances de protection et 2 mises à l'épreuve qui durent chacune 3 ans, dont une d'actualité, qui se termine en octobre ou novembre 2024. Donc, parler de reconstruction lorsque notre quotidien est ponctué d'audience sur audience, et que la seule emprise qui lui reste, c'est via les procédures judiciaires, et qu'à chaque fois qu'on va en audience, ça nous remet dans une certaine forme d'insécurité, et il le sait. La reconstruction, elle ne se fait pas comme ça. J'ai eu cinq ans d'inactivité professionnelle. J'ai été en ASS, allocation de soutien solidaire, parce que, et c'est maintenant que je peux mettre les mots, je ne pouvais qu'à l'époque déposer les enfants à l'école et revenir dormir. En fait, je dormais toute la journée. Je ne savais pas, je m'en voulais. Mais mon corps ne demandait que ça, dormir, dormir. Et en fait, c'est lié au syndrome de stress post-traumatique. Et il est arrivé un énième déménagement dans le cadre d'une mise en sécurité, parce que de la région parisienne, nous avons été mis en sécurité à Nantes, et de Nantes à Avignon en 2020, parce qu'il a été emprisonné pour menace de mort sur procureur. Et dans le cadre de cette incarcération, il nous a écrit à une adresse qu'il n'est pas censé connaître à Nantes, où il dit Ayez la foi les enfants, c'est bientôt fini Donc, bien sûr, le système judiciaire se met en route pour nous mettre en sécurité à Avignon. Et là, premier confinement, mars 2020, ça me renvoie à toutes les violences en fait. Interdiction de sortie, contrôle, ça m'a remis dans un trauma pas possible ce confinement. Et je n'avais plus de voiture. Et ici, sur le territoire d'Avignon, pour aller d'un point A à un point B, rien que pour faire les courses, on met 45 minutes, une heure de marche. Et là, j'ai dit, j'ai besoin de reprendre un emploi. Et j'avais perdu toute confiance et l'estime en moi. Et pour moi, il le répétait souvent, tu es bête, tu es nulle, tu ne vaux rien. Donc moi, j'avais intégré ça. Et on m'avait proposé d'être agent d'accueil. Je me suis dit, mais je n'ai peut-être pas les capacités d'être agent d'accueil. Être confrontée au monde, gérer l'accueil. Du coup, je me suis mise des petits objectifs. C'est faire au jour le jour avec l'énergie du jour.

  • #0

    Vous avez repris confiance avec des astuces comme ça aujourd'hui ?

  • #1

    Oui, c'est ça. Et s'il y avait une difficulté, la moindre difficulté au sein du travail, alors ma direction était au courant de ma situation, mais en même temps, j'avais besoin que mon domaine professionnel ça soit le mien et que le stress que je pouvais vivre post-traumatique, j'avais envie de ne pas le faire intégrer dans le milieu professionnel. Mais parfois, on est confronté à un public qui peut être violent et qui peut nous renvoyer à des traumas et ainsi de suite, à une certaine insécurité. Et là, il fallait que j'intègre absolument que c'est dans le domaine professionnel, ce n'est pas lié à ta vie privée. Donc ça reste dans le domaine professionnel.

  • #0

    Comment vous avez abordé le sujet avec votre nouvel employeur ? C'est souvent une question qui est difficile.

  • #1

    Depuis un certain temps, je pars du principe que la honte doit changer de camp. Et que parler, c'est des fois se mettre en sécurité. Et aussi sensibiliser les gens. Donc tout de suite à ma direction, lorsque j'ai signé le contrat, j'ai remis l'ordonnance de protection. J'ai sécurisé mon lieu, il n'a pas le droit, si toutefois il intervient, j'ai donné la photo de mon ex. Il y a un processus qui s'est mis en place et des référents qui se sont mis en place aussi. et du personnel.

  • #0

    D'accord. Et au niveau des collègues, parce que là, c'est plutôt sur le plan des ressources humaines que vous avez cadré. Vous avez osé en parler aussi ?

  • #1

    J'ai parlé qu'à deux collègues sur 130. Parce qu'en même temps, ce n'était pas le lieu où j'avais envie de déballer ma vie privée.

  • #0

    Bien sûr, bien sûr. Et donc maintenant, vous êtes toujours sous ordonnance de protection dans un nouvel emploi à Avignon. Il n'avait plus de contact particulier, en tout cas il ne laissait plus d'avoir de contact avec vous, ou alors il continue ?

  • #1

    Ah si, depuis 2019, il n'a plus de droits parentaux et l'autorité parentale. Et il veut à tout prix donc récupérer ses droits parentaux, puisqu'en fait il a vu qu'il n'avait plus d'emprise sur moi. Il n'avait plus une certaine emprise sur les enfants, il ne pouvait plus les instruments utiliser puisque la justice avait vu clair. Et oui, il revient toujours à la charge. Il m'a envoyé les huissiers à la maison pour me signifier une convocation à une audience, par exemple, pour me signifier qui c'est, où j'habite.

  • #0

    Oui, donc il a essayé d'être toujours présent, quoi qu'il en soit, sans vouloir lâcher sa proie, si je puis dire. Est-ce que vous avez eu un suivi psychologique pour vous accompagner ?

  • #1

    Ça, c'est une très bonne question. Parce qu'à chaque condamnation de monsieur, lui, il a eu une obligation de soins psychiatriques. Sauf que la justice, elle est tellement débordée aujourd'hui qu'elle n'a pas le temps de vérifier si le soin psychiatrique est bien suivi ou pas. Sauf que qui répare la victime ? Personne. Donc la justice, aujourd'hui, j'aimerais que... S'il y a quelque chose à faire évoluer, qu'elle porte la responsabilité à l'auteur des violences conjugales ou à l'auteur des violences quelles qu'elles soient, de réparer via des frais médicaux. Tous les frais, parce que des frais de déménagement, c'était coûteux et je l'ai pris en charge. Et de responsabiliser l'auteur. Moi non, je n'ai pas eu de suivi psychologique. Alors, c'est ponctuel au sein des associations. J'ai été accompagnée par le CIDFF, France Victime, Solidarité Femmes, et je les en remercie.

  • #0

    Du coup, des associations vous ont accompagnées, ça s'est concrétisé comment ?

  • #1

    C'était une écoute quand même toutes les semaines, un rendez-vous hebdomadaire. Il y avait des mises en prétection avec leur appartement, les appartements qu'ils ont. pour revenir au suivi psychologique en fait ça reste ponctuel et c'est à notre charge et il faut aussi le suivi psychologique des enfants qui prend soin des enfants et je voudrais juste Je vais terminer là-dessus, dans le sens où en 2018, on a connu de telles violences psychologiques que les enfants ont été vus par l'UAED, l'unité d'accueil des enfants en danger. Ils ont eu 10 jours d'ITT chacun, donc au-delà de 8 jours, ça donne lieu à une audience correctionnelle. Et moi, j'ai eu 30 jours d'ITT, interruption de temps de travail. Et en mars 2020, avec tous les témoignages des juges, j'ai jamais vu ça, des juges des enfants, juges des affaires familiales, éducateurs, proviseurs, directeurs de l'établissement scolaire, plusieurs professionnels ont témoigné en notre faveur et malgré tout ça, il a réussi, et je ne sais comment, à être relaxé. C'est une double peine.

  • #0

    Sachant que souvent, ça renforce le sentiment d'impunité de la part des auteurs, de toute puissance.

  • #1

    Oui, il est revenu dans une roulette russe. Et aussi, en 2016, j'ai été condamnée coupable, il y a cinq mois de sursis, pour ne pas avoir présenté les enfants, pour les protéger. Et lui, il reconnut victime, c'est tout ce qu'il voulait. Il s'est positionné en tant que victime dès le début. Donc là, en plus, la justice... lui fait cadeau, il reconnaît victime, casse la tienne. Et 1 600 euros de dommages d'intérêt à lui reverser. J'ai fait appel, la cour d'appel de Rennes m'a relaxée. J'ai pu me défendre sur cette phrase en disant que pendant huit ans de violence conjugale, je me suis sentie coupable de ne pas avoir suffisamment protégé les enfants en tant que mère. Et lorsque je me positionne en tant que parent protecteur, vis-à-vis des enfants, c'est la justice qui le condamne coupable.

  • #0

    Ça résume très bien le paradoxe.

  • #1

    Voilà. Et lui, il n'entendait pas de cette oreille, il a fait un pourvoi en cassation. Donc c'est qu'en avril 2021 que la chambre criminelle de la cour de cassation... a confirmé ma relax.

  • #0

    Et ce qui est surprenant, c'est que là où vous n'avez pas forcément osé l'incriminer pendant toutes ces années, lui n'a évidemment aucun scrupule et au contraire se protège en vous accusant de toutes les manières, en se victimisant.

  • #1

    En se victimisant. Et je me suis rendu compte que la justice a double vitesse. Quand c'est une femme qui porte plainte pour violence, on dit le dossier suit son cours, madame, vous pouvez rentrer chez vous. et quand c'est un procureur qui se fait menacer de mort il a 11 mois de prison ferme les preuves je les ai et c'est pour ça que je peux en parler aujourd'hui librement et qu'à contrario lui lorsqu'il porte plainte je suis condamné en 6 mois coupable moi par contre je dois attendre 2 ans pour avoir une date d'audience correctionnelle

  • #0

    On a encore beaucoup de chemin à faire et c'est pour ça que les témoignages comme les votes sont très importants, parce que finalement on parle d'une évolution de mentalité plus générale qui concerne la justice, mais pas que.

  • #1

    Mais encore aujourd'hui, je suis dans ce schéma de reconstruction. J'ai regagné un peu confiance en moi. Et puis vraiment, je remercie mes employeurs. Parce qu'aujourd'hui, j'ai repris mes études. J'ai obtenu mon diplôme de conseillère en insertion socioprofessionnelle. Et à mon tour aussi, je peux accompagner les personnes, victimes ou pas, à se réinsérer socialement et professionnellement. Et je suis à même de comprendre parfois... lorsqu'elles me disent je ne suis pas prête Ce n'est pas parce qu'elles ne veulent pas, mais c'est parce que, bref, elles ne sont pas prêtes.

  • #0

    Bien sûr, bravo d'avoir eu le courage de mener ce travail de reconstruction, quand même essentiellement seule. J'ai une dernière question. Si vous deviez donner un conseil à une personne qui, comme vous, a été victime de violences conjugales, quel serait ce conseil ?

  • #1

    En fait, je me demandais souvent, lorsque j'étais dans les violences conjugales, Est-ce que j'en serais capable ? Est-ce que je vais y arriver ? Et moi j'ai envie de vous dire, vous y arrivez lorsque vous quittez cet homme. Le premier pas, c'est 99,99% de la réussite. Et oui, c'est le premier pas et s'en suivront des autres. Et vous allez y arriver, faites-vous confiance. Il y a des personnes professionnelles que vous allez rencontrer qui vont être la clé des fois pour ouvrir des portes.

  • #0

    Merci beaucoup Khadidja. Votre expérience nous montre que malgré tout ce schéma d'oppression quasiment totalitaire que vous avez vécu, on peut trouver la force. Évidemment, en se faisant accompagner, en en parlant, c'est plus simple. Par-delà le schéma d'isolement qu'on vit généralement quand on est victime, mais on peut la trouver, c'est un travail de longue haleine qui se fait en plusieurs étapes et c'est normal comme vous le disiez oui, tout à fait merci pour votre témoignage merci à vous

  • #2

    Merci beaucoup Sonia d'avoir accepté une nouvelle fois de participer à notre série de podcast 1.c'tout et surtout d'avoir rappelé le rôle des associations, un rôle qui est essentiel avec beaucoup de compétences en interne et un très bon ancrage local. Si comme Sonia vous voulez témoigner en tant qu'experts sur le sujet des violences conjugales et des violences intra-femininales ou si vous êtes une personne qui est victime de violences, n'hésitez pas à nous envoyer un mail à l'adresse hello.eu.fr Vous êtes de plus en plus nombreux à nous écouter, donc n'hésitez pas à partager et diffuser la parole de nos experts ou les témoignages pour aider et sensibiliser au sujet des violences.

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Description

Khatidja nous témoigne courageusement son expérience de 8 ans de violences conjugales, entre violences psychologiques, humiliations et violences physiques. Elle a réussit, notamment grâce à son activité professionnelle et sa force de caractère, à se sortir avec ses trois enfants de cette spirale infernale.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • #0

    Bienvenue dans la seconde saison du podcast 1.c'tout, une émission qui traite des violences conjugales et des violences sexuelles et sexistes. Je m'appelle Adrien Roland-Boulogne et j'ai cofondé une société, A.U., qui développe des dispositifs de sensibilisation et de formation sur des sujets sociaux, dont fait partie l'évidence conjugale et ce, à destination du monde du travail. Et c'est en parallèle et en résonance avec cette activité que nous avons développé cette série de podcasts gratuite, qui a pour objectif d'informer le plus largement possible D'une part les personnes qui sont victimes de violences conjugales, et d'autre part toutes celles et ceux qui veulent s'informer sur le sujet, que ce soit pour accompagner une personne victime dans leur entourage ou simplement pour mieux comprendre ce phénomène. Merci de nous écouter ou de nous suivre, vous êtes désormais plusieurs milliers. Eh bien bonjour Khadidja et merci de participer à notre chaîne de podcast 1.c'tout qui traite du sujet des violences conjugales intrafamiliales. Vous avez été victime pendant huit ans et vous allez nous partager votre expérience. Merci encore. Déjà pour commencer, qu'est-ce que vous avez vécu réellement ? Comment se sont manifestées ces violences conjugales ?

  • #1

    Bonjour Adrien et merci de me donner la parole. Alors, comment... se sont manifestées ces violences. Au début, je ne savais même pas que c'était des violences que je vivais. Donc le mot déposer le mot violent c'est qu'après coup que j'ai pu le faire. Donc dans un premier temps, ça a été l'installation de l'emprise. Et ça, c'est qu'avec le recul que j'arrive à diagnostiquer que c'était de l'emprise. Donc au tout début de notre relation, bien sûr on est sur un petit nuage, on a envie de passer des appels, des messages, de se voir régulièrement, bref. Et petit à petit, en fait, s'installe l'emprise. C'est installer l'emprise pour moi, comment ? par des simples petits messages. Est-ce que tu es bien arrivé au travail ? Moi, je lui répondais naturellement. Est-ce que tu as pris ta pause ? Oui. À quelle heure ? Je lui disais l'heure. Tu manges à quelle heure ? Et où ? Avec qui ? Moi, je ne voyais pas le mal, en fait. Donc, je lui répondais tout simplement. Et puis, parfois, il me faisait... Aujourd'hui, je dis la surprise, mais avec le recul, finalement, tout était calculé. La surprise de venir au restaurant que je lui avais dit, que je partageais avec mes collègues. Je suis là, il était chauffeur-livreur à l'époque, donc oui, j'avais une livraison à côté. J'ai un peu de temps, je m'assois avec vous. pour moi, ça ne me posait pas de problème. Au contraire, à l'époque, c'était valorisant, en fait. Voilà, il me montre de l'importance. Il partage des moments dès qu'il peut avec moi. Je ne voyais pas de mal. Et en fait, très vite, je devenais pour lui la risée, le sujet de moquerie à table avec mes collègues. et avec des humiliations et puis je lui disais mais non mais en fait j'aimerais bien que tu arrêtes parce que je me sens humiliée du coup il a arrêté oui mais toi tu sais pas rire aux blagues et puis il finissait sa tournée de livraison il me dit tiens je peux te raccompagner chez toi je dis oui d'accord Mais en fait, là où aujourd'hui j'arrive à dire que c'est de l'emprise, c'est qu'à partir du moment où des fois j'oubliais de dire que j'étais arrivée au travail, ou que j'allais manger à tel endroit, ou que je finissais un peu plus tôt, ils me reprochaient oui, mais tu ne me l'as pas dit Je m'en excusais, oui, désolée, effectivement, je ne t'ai pas dit, mais… En fait, on n'était pas mariés ou quoi, on ne faisait que sortir ensemble au début. Voilà comment l'emprise s'est immiscée au fur et à mesure.

  • #0

    Ça s'est immiscée progressivement, est-ce que c'est monté en intensité au fur et à mesure de votre relation ?

  • #1

    Oui, elle avait monté dans le sens où l'emprise permettait le contrôle. Le contrôle de tu peux sortir avec telle personne et tu ne peux pas sortir avec d'autres, parce qu'elle, je ne la sens pas trop Je lui présentais naturellement mes amis parce qu'on sortait ensemble. Ah oui, mais je n'ai pas aimé son attitude. j'aimerais bien que tu arrêtes de la côtoyer. Moi, je ne voyais pas de mal, en fait. Donc, je dis, bon, peut-être qu'en tant qu'homme, il a peut-être détecté quelque chose que moi, en tant que femme, je n'ai pas détecté, OK. Mais je n'allais pas forcément à la rupture de cette amitié, mais je vais diminuer les fréquences. Et puis petit à petit en fait est arrivé l'isolement. Forcément, il m'a coupé de mes amis, de mes collègues, parce que du coup pour éviter d'être la risée au sein de mes collègues, je ne mangeais plus avec eux si je devais manger avec lui. Donc je choisissais de manger toute seule. Et puis avec certains membres de la famille. Et puis j'ai découvert vraiment un autre homme encore plus dans la violence le jour même du mariage. En fait, nous on s'est mariés, on est d'origine indienne et de confession musulmane. Alors rien à voir parce que les violences conjugales ne sont pas attribuées ni à une origine ni à une confession. Donc on s'est mariés en Inde, religieusement. Et là j'ai vraiment découvert un homme violent dans sa façon d'être. psychologiquement, d'un point de vue verbal. Et en fait, j'ai regretté mon mariage le jour même. Mais j'ai mis ça sous le coup de... C'est peut-être le stress du mariage, c'est peut-être l'organisation, les couacs qui peuvent arriver pendant un mariage. Et puis, en fait, profondément, j'étais impatiente de... de retrouver la France. parce que je n'avais pas le droit à la parole. Si je sortais, il fallait que je sorte avec la permission de la belle-mère, des belles-sœurs, de tout le monde en fait. Il fallait l'accréditation de tout le monde. Et là, je me dis, OK, il faut vite que je revienne en France, retrouver mes droits de circuler librement.

  • #0

    Et est-ce que vous savez pourquoi c'est ce mariage, le moment du mariage qui a cristallisé comme ça l'augmentation de la violence ?

  • #1

    En fait, je suis devenue son objet. sa chose. Il pouvait en faire officiellement ce qu'il voulait.

  • #0

    Et donc après le mariage, si je calcule bien, vous avez encore eu 5 ans de relation. Oui. Les violences ont toujours continué pendant ces 5 ans ?

  • #1

    Les violences, oui, ont augmenté au fur et à mesure. C'était une personne qui était instable professionnellement. Il pouvait quitter un travail parce que son responsable était... lui avait dit quelque chose qui ne lui avait pas plu, donc il lâchait du jour au lendemain le travail, sauf que je me retrouvais toute seule à assumer toutes les charges. Et très vite, j'ai eu aussi ce désir d'avoir un enfant, et il m'a dit on va fonder une famille, notre famille, tout ça Et puis c'était un peu comme pour mettre le couvercle sur la marmite. Et ok, donc... En février 2006, je suis tombée enceinte de mon aîné. Et là, encore une fois, les violences sont montées d'un cran. Et jusqu'alors, c'est que des violences psychologiques. Et aujourd'hui, je peux dire aussi que c'est des violences financières, puisqu'il était à ma charge, en fait. Et il y a le poids de la culture. il y a le poids de la religion, il y a le poids sociétal, il y a le poids familial, qui sous-entend, qui nous fait comprendre, t'es mariée, maintenant il faut assumer, les aléas de la vie, on les connaît tous, ça passera. Ok, je me dis, ça passera aussi. Et au troisième mois de grossesse, les violences verbales et psychologiques étaient tellement intenses que là j'ai dû prendre ma valise et partir chez ma mère. J'ai dit en fait là je te signifie que c'est plus possible de continuer. Et j'ai passé le reste de ma grossesse toute seule. Et en fait, il voulait me faire croire qu'il avait changé, qu'il s'excusait. Mais dès que je ne revenais pas vers lui et que je n'allais pas dans son sens, ça intensifiait, ça revenait comme un boomerang, les violences. Et puis, à l'accouchement, en novembre 2006, pareil, j'ai accouché toute seule. J'ai accouché toute seule. Alors là, c'est un choix parce que je voulais vraiment que cette accouchée… Déjà, j'étais fatiguée. J'ai mené tant bien que mal cette grossesse. Et je voulais pas subir de stress le jour de l'accouchement.

  • #0

    Oui, pas une charge mentale supplémentaire, quoi.

  • #1

    Oui. et en plus c'était une césarienne d'urgence que j'ai eue et il a su par un membre de ma famille que la petite était née et là c'est monté encore plus fort en violence verbale, psychologique

  • #0

    Vous ne viviez plus ensemble à ce moment-là ?

  • #1

    Non, on ne vivait plus ensemble et de statut de mari, il est passé au statut de père. Et moi, je n'ai pas eu de père dans mon enfance, de ma vie, en fait. Et jouer sur ça en me disant, toi, tu n'as pas eu de père, donc est-ce que c'est ce schéma-là que tu veux reproduire pour ton enfant ? Donc effectivement, non, je ne voulais pas reproduire, mais je ne voulais pas non plus que cet enfant grandisse dans des violences. Et au bout de trois mois de naissance, il m'a travaillé. Il a travaillé sur le mental. Mais si j'ai changé, on se redonne une chance en tant que parent. Voilà. Et puis j'ai accepté. Et la toile d'araignée s'est tissée autour de moi. Aujourd'hui, j'arrive à le verbaliser comme ça, et comme une mouche, j'ai été prise dans la toile d'araignée. Une fois que je me suis bien installée à nouveau au domicile conjugal, il a dit qu'il n'y avait personne qui viendrait te voir, te rendre visite ici, et tu ne rendras visite à personne. la seule chose que tu peux faire, c'est aller au travail. Et là, j'ai pleuré des heures et des heures. Je me suis dit, en fait, je me suis faite avoir. Mais maintenant, je n'étais plus la seule. En fait, j'étais avec mon enfant en plus. J'ai dit, OK, il faut que j'arrive à m'extirper de cette toile d'araignée qu'il a tissée autour de moi. Mais en même temps, j'ai été un objet en tant que femme. Et maintenant, il y a un autre objet, c'est l'enfant. Si tu pars, je fais du mal à l'enfant.

  • #0

    Vous aviez un rôle de protection, j'imagine, là-dedans.

  • #1

    Exactement. Tu n'auras pas l'enfant, en fait, si tu pars. Donc, sous cette menace parentale, il me tenait. Et puis... Et puis je me suis faite une raison, j'ai dit peut-être que là, je devrais être là pour mon enfant. En même temps, je voyais mon enfant heureux dans les bras de son père. C'est ça qui me satisfaisait, on va dire, entre guillemets. Je savais profondément qu'un jour, j'allais me séparer de lui. Et je savais qu'entre nous, et il ne cesse de le répéter, c'est que... il va instrumentaliser l'enfant. Et il fallait que je puisse fonder une fratrie. Peut-être que c'est fou d'entendre ça, mais je ne voulais pas que cet enfant traverse les épreuves de la vie seule. Je savais qu'elle allait avoir des épreuves de la vie. Donc, s'en est suivie une petite sœur en 2009 et un petit frère en 2010. Et là, je me suis dit, on a tout pour être heureux. On a des enfants, on a une maison. Il a un fils qu'il a toujours voulu avoir, entre guillemets. Peut-être qu'en ayant un fils, il va peut-être se reprendre en main en se disant, qu'est-ce que je vais transmettre comme code en tant qu'homme à ce petit être. Et puis... Mais au final, c'est à la naissance de mon fils que j'ai eu ma première gifle. C'était ma troisième césarienne et je rentrais à la maison au bout de dix jours d'hospitalisation. Et pourtant, le médecin ne voulait pas me laisser sortir. J'avais dû signer une décharge. Et en fait, arrivé à la maison... Les petites à l'époque, elles étaient toutes les deux à la crèche, grande section et petite section. Et moi, j'avais vraiment profondément besoin de le reposer. Et je lui avais demandé de prendre le relais. et selon lui, c'était une demande qui était trop pour lui. J'étais au bout de ma vie, et j'avais le petit dans les bras. Il m'a donné une gifle, et il m'a donné un coup de pied au bas du ventre. J'aurais pu réouvrir la plaie, en fait. Et en fait, là, je suis sidérée. J'arrive à me voir, là, mon état. Je ne comprends pas, en fait. je ne viens pas de lui demander la lune, je viens juste de lui demander de prendre le relais.

  • #0

    Vous disiez que vous considérez réellement comme un objet le mariage et les enfants ont cristallisé ça, d'autant plus.

  • #1

    Oui, tout à fait.

  • #0

    D'où la violence. Donc là, vous êtes sur la fin de votre relation. Comment elle s'est déterminée après cette escalade de violence à différentes étapes ?

  • #1

    Chaque jour qui passait, il pleuvait des violences et des coups. Et à chaque fois, c'était tu l'as mérité, tu l'as cherché Et donc, la dernière violence, c'était le 16 juin 2013, je me rappelle encore, puisque c'était la fête des Pères ce jour-là. On avait tout préparé avec les enfants et je lui avais juste demandé de prendre le relais encore une fois, un dimanche. Et c'était une demande de trop encore. Et là, je n'avais jamais eu un tel déferlement de violence physique. En fait, c'était une machine qui était lancée et je cherchais le bouton pour l'arrêter. Et le seul bouton sur lequel je pouvais appuyer, c'était Ok, admets ton tort. Admets ton tort. Et c'est ça qu'il veut, en fait. Admets ton tort et excuse-toi. Peut-être que ça va l'arrêter. Et en plus, mes enfants étaient contre moi, en fait, pour faire bouclier aux coups que je recevais. Et donc, par ricochet, ils recevaient les coups, les enfants. Mais... impossible d'en prendre conscience à ce moment-là et donc je prends mes deux mains et je lui dis je suis désolée c'est de ma faute et là il finit par cracher sur ma figure en me disant tu n'es qu'une merde et le crachat en fait retombe sur les enfants Et en fait, là je prends conscience que les enfants, aujourd'hui on utilise le terme de co-victime, mais qu'en fait ça atteint les enfants aussi. C'est là que je prends conscience. Et j'ai fait non, c'est plus possible. C'est là où j'ai eu ce déclic en fait. on parle souvent de déclic et c'est à ce moment-là que j'ai eu le déclic.

  • #0

    C'est très clair, merci beaucoup de vous livrer comme ça. Le déclic, il est souvent d'autant plus difficile à avoir de façon évidente que vous l'écrivez, il y a un schéma de manipulation qui est extrêmement intense. La culpabilisation, c'est l'un des outils principaux et en plus, il y a la violence. Donc, vous avez une charge mentale avec les enfants qui est d'autant plus importante que c'est difficile de réfléchir, de prendre du recul et de se sortir de l'emprise. Et c'est là ce qu'on a toujours dans les témoignages. La puissance de l'emprise, on ne s'en rend pas toujours compte. Est-ce que vous avez eu des soutiens de la part, vous parliez tout à l'heure du fait que vous aviez été, lors de votre première grossesse chez votre mère, de la part de votre famille, de votre entourage amical, si tant est que vous en aviez encore un, parce que vous nous disiez que vous aviez été isolée par ce schéma.

  • #1

    En fait, j'étais dans un tel état dissociatif de sidération que je n'arrivais pas à parler. J'avais des appels. pourquoi tu n'es pas là au boulot ? Qu'est-ce que je veux leur dire ? En fait, c'est une honte. En fait, je portais la honte sur moi. Et à l'époque, lui, il aimait bien rendre coupables les autres de m'avoir instrumentalisé, de m'avoir bourré le crâne, c'était ses mots, pour casser notre couple. Donc de manière stratégique, et ce n'est pas négatif, je n'avais contacté personne. C'est ma décision et je l'assume. Et le soutien, j'en ai eu au moment où j'ai eu... Le soutien, le premier soutien que j'ai pu avoir, c'est mon médecin-trait. Elle a pu constater mes coups et blessures, mon état psychologique. maladie en fait, vous n'êtes pas en capacité d'aller travailler et j'ai été en arrêt maladie pendant six mois

  • #0

    Donc la première écoute, elle vient de votre médecin traitant, est-ce que en lien avec le monde du travail vos collègues, vous avez pu exprimer certaines choses ou est-ce que vous pensez qu'on s'en est rendu compte du schéma de violence que vous viviez ?

  • #1

    En fait j'ai enjolivé tellement ma situation familiale que je ne sais pas si certaines personnes s'en rendaient compte ou pas Honnêtement, je ne sais pas. Par mon silence, certains collègues ne comprenaient pas pourquoi je gardais le silence. Du coup, j'ai perdu beaucoup de collègues comme ça, de liens. Mais il fallait que j'aille à l'essentiel dans ma situation. Je n'avais pas le temps de me préoccuper des états d'âme de telle et telle personne. Moi, la priorité, c'était mes enfants et moi, et notre sécurité. J'ai pris rendez-vous avec les ressources humaines et j'ai été reçue par la direction. Je leur ai fourni ma plainte, mon ordonnance de protection pour justifier qu'ils ne puissent pas venir au travail aussi. C'était ma priorité, c'était de sécuriser l'école, la crèche, le travail, le domicile.

  • #0

    Vos seuls espaces finalement de liberté

  • #1

    Exactement et de là l'interaction m'a mis en lien avec l'astante sociale et on avait là cette chance et je ne sais pas si mes collègues ont encore cette chance parce que je ne suis plus dans cette entreprise une astante sociale dédiée que aux salariés c'était une grosse structure. Et là, j'ai eu un accompagnement social de proximité à tel point où l'instance sociale m'accompagnait aux audiences.

  • #0

    Vous avez été bien accompagnée.

  • #1

    Oui, vraiment, merci. Et s'est mis en place aussi un dispositif que je ne connaissais pas dans la prévoyance. Du coup, on m'a mis avec une société qui venait, maintenant je me rappelle parce que des fois j'ai des trous de mémoire, qui venait régulièrement pour m'accompagner aux démarches administratives et à ranger les documents, tout ça.

  • #0

    Vous avez eu d'abord le courage, parce que c'est ce dont il s'agit d'en parler aux ressources humaines. Vous avez été accompagnée par une assistante sociale. Vous avez eu d'autres moyens d'expression en entreprise. Vous en avez parlé à d'autres personnes, pas à vos collègues, j'ai bien compris.

  • #1

    Mon manager N plus 1, non. Mais N plus 3, oui. C'est bizarre, parce que du coup, c'est une femme qui avait énormément d'autorité. Elle était inaccessible, vraiment inaccessible. Et lorsque j'ai pu lui déposer ce que je vivais, en fait, elle m'a juste parlé d'humaine à humaine. et là j'ai découvert toute une autre personne et des fois les managers peut-être ils ont une cape de super héros mais au final on peut découvrir toute une autre personne dans d'autres situations à

  • #0

    quelle mesure le travail c'était important pour vous ?

  • #1

    c'était une soupape c'était un lieu où me permettait de penser à autre chose que le quotidien que je vivais.

  • #0

    Et dans quelle mesure vous diriez que ça vous a aidé à tenir que d'avoir une activité professionnelle ? Parce qu'en fait, il y a des victimes qui ne sont pas en emploi et qui expriment qu'elles sont encore plus dans ce schéma d'emprise et encore plus un objet, comme vous l'écriviez tout à l'heure. Évidemment, c'est compliqué de jauger tout ça.

  • #1

    À ce moment-là, le travail... a été une bouffée d'oxygène. Je me compare à une nageuse qui va d'une rive à une autre, qui reprend cette bouffée d'oxygène pour continuer à nager. Moi, le travail, ça a été une bouffée d'oxygène.

  • #0

    Vous parliez tout à l'heure du fait que vous étiez celle qui ramenait le salaire, en tout cas pendant un temps. Est-ce que cette indépendance financière vous a aidé en quelque sorte, ou au contraire vous a desservi ?

  • #1

    À la fois, ça m'a aidé, parce que ma mère nous a toujours éduqués. les enfants, il faut être indépendant financièrement, qu'on soit marié ou pas. Ça, c'est une chose, une valeur qu'elle nous a transmise. Et ça m'a desservie en même temps parce que j'ai octroyé pour lui une dette de 30 000 euros. Ça m'a desservie parce que les huissiers, ils se servaient d'abord sur moi et pas lui parce qu'il n'était pas solvable.

  • #0

    Donc il était d'une certaine manière dépendant de vous, en tout cas sur le plan financier.

  • #1

    Oui, et il savait profondément que moi, j'allais m'en sortir d'un point de vue financier. Ce n'était pas le problème. Et heureusement, je ne me suis pas mariée civilement. Parce que quand je vois certaines femmes qui luttent pour les comptes bancaires, les crédits, divorcer, ça me met trois ans. J'ai dit non, heureusement. Dans mon malheur, j'ai eu cette chance de ne pas être mariée civilement.

  • #0

    Bien sûr. Comment s'est passé ou comment se passe toujours d'ailleurs votre travail de reconstruction après tout ce que vous avez vécu ?

  • #1

    Alors depuis que j'ai quitté les violences conjugales, donc en 2013, j'ai eu 40 audiences, 7 téléphones graves dangers, 3 ordonnances de protection et 2 mises à l'épreuve qui durent chacune 3 ans, dont une d'actualité, qui se termine en octobre ou novembre 2024. Donc, parler de reconstruction lorsque notre quotidien est ponctué d'audience sur audience, et que la seule emprise qui lui reste, c'est via les procédures judiciaires, et qu'à chaque fois qu'on va en audience, ça nous remet dans une certaine forme d'insécurité, et il le sait. La reconstruction, elle ne se fait pas comme ça. J'ai eu cinq ans d'inactivité professionnelle. J'ai été en ASS, allocation de soutien solidaire, parce que, et c'est maintenant que je peux mettre les mots, je ne pouvais qu'à l'époque déposer les enfants à l'école et revenir dormir. En fait, je dormais toute la journée. Je ne savais pas, je m'en voulais. Mais mon corps ne demandait que ça, dormir, dormir. Et en fait, c'est lié au syndrome de stress post-traumatique. Et il est arrivé un énième déménagement dans le cadre d'une mise en sécurité, parce que de la région parisienne, nous avons été mis en sécurité à Nantes, et de Nantes à Avignon en 2020, parce qu'il a été emprisonné pour menace de mort sur procureur. Et dans le cadre de cette incarcération, il nous a écrit à une adresse qu'il n'est pas censé connaître à Nantes, où il dit Ayez la foi les enfants, c'est bientôt fini Donc, bien sûr, le système judiciaire se met en route pour nous mettre en sécurité à Avignon. Et là, premier confinement, mars 2020, ça me renvoie à toutes les violences en fait. Interdiction de sortie, contrôle, ça m'a remis dans un trauma pas possible ce confinement. Et je n'avais plus de voiture. Et ici, sur le territoire d'Avignon, pour aller d'un point A à un point B, rien que pour faire les courses, on met 45 minutes, une heure de marche. Et là, j'ai dit, j'ai besoin de reprendre un emploi. Et j'avais perdu toute confiance et l'estime en moi. Et pour moi, il le répétait souvent, tu es bête, tu es nulle, tu ne vaux rien. Donc moi, j'avais intégré ça. Et on m'avait proposé d'être agent d'accueil. Je me suis dit, mais je n'ai peut-être pas les capacités d'être agent d'accueil. Être confrontée au monde, gérer l'accueil. Du coup, je me suis mise des petits objectifs. C'est faire au jour le jour avec l'énergie du jour.

  • #0

    Vous avez repris confiance avec des astuces comme ça aujourd'hui ?

  • #1

    Oui, c'est ça. Et s'il y avait une difficulté, la moindre difficulté au sein du travail, alors ma direction était au courant de ma situation, mais en même temps, j'avais besoin que mon domaine professionnel ça soit le mien et que le stress que je pouvais vivre post-traumatique, j'avais envie de ne pas le faire intégrer dans le milieu professionnel. Mais parfois, on est confronté à un public qui peut être violent et qui peut nous renvoyer à des traumas et ainsi de suite, à une certaine insécurité. Et là, il fallait que j'intègre absolument que c'est dans le domaine professionnel, ce n'est pas lié à ta vie privée. Donc ça reste dans le domaine professionnel.

  • #0

    Comment vous avez abordé le sujet avec votre nouvel employeur ? C'est souvent une question qui est difficile.

  • #1

    Depuis un certain temps, je pars du principe que la honte doit changer de camp. Et que parler, c'est des fois se mettre en sécurité. Et aussi sensibiliser les gens. Donc tout de suite à ma direction, lorsque j'ai signé le contrat, j'ai remis l'ordonnance de protection. J'ai sécurisé mon lieu, il n'a pas le droit, si toutefois il intervient, j'ai donné la photo de mon ex. Il y a un processus qui s'est mis en place et des référents qui se sont mis en place aussi. et du personnel.

  • #0

    D'accord. Et au niveau des collègues, parce que là, c'est plutôt sur le plan des ressources humaines que vous avez cadré. Vous avez osé en parler aussi ?

  • #1

    J'ai parlé qu'à deux collègues sur 130. Parce qu'en même temps, ce n'était pas le lieu où j'avais envie de déballer ma vie privée.

  • #0

    Bien sûr, bien sûr. Et donc maintenant, vous êtes toujours sous ordonnance de protection dans un nouvel emploi à Avignon. Il n'avait plus de contact particulier, en tout cas il ne laissait plus d'avoir de contact avec vous, ou alors il continue ?

  • #1

    Ah si, depuis 2019, il n'a plus de droits parentaux et l'autorité parentale. Et il veut à tout prix donc récupérer ses droits parentaux, puisqu'en fait il a vu qu'il n'avait plus d'emprise sur moi. Il n'avait plus une certaine emprise sur les enfants, il ne pouvait plus les instruments utiliser puisque la justice avait vu clair. Et oui, il revient toujours à la charge. Il m'a envoyé les huissiers à la maison pour me signifier une convocation à une audience, par exemple, pour me signifier qui c'est, où j'habite.

  • #0

    Oui, donc il a essayé d'être toujours présent, quoi qu'il en soit, sans vouloir lâcher sa proie, si je puis dire. Est-ce que vous avez eu un suivi psychologique pour vous accompagner ?

  • #1

    Ça, c'est une très bonne question. Parce qu'à chaque condamnation de monsieur, lui, il a eu une obligation de soins psychiatriques. Sauf que la justice, elle est tellement débordée aujourd'hui qu'elle n'a pas le temps de vérifier si le soin psychiatrique est bien suivi ou pas. Sauf que qui répare la victime ? Personne. Donc la justice, aujourd'hui, j'aimerais que... S'il y a quelque chose à faire évoluer, qu'elle porte la responsabilité à l'auteur des violences conjugales ou à l'auteur des violences quelles qu'elles soient, de réparer via des frais médicaux. Tous les frais, parce que des frais de déménagement, c'était coûteux et je l'ai pris en charge. Et de responsabiliser l'auteur. Moi non, je n'ai pas eu de suivi psychologique. Alors, c'est ponctuel au sein des associations. J'ai été accompagnée par le CIDFF, France Victime, Solidarité Femmes, et je les en remercie.

  • #0

    Du coup, des associations vous ont accompagnées, ça s'est concrétisé comment ?

  • #1

    C'était une écoute quand même toutes les semaines, un rendez-vous hebdomadaire. Il y avait des mises en prétection avec leur appartement, les appartements qu'ils ont. pour revenir au suivi psychologique en fait ça reste ponctuel et c'est à notre charge et il faut aussi le suivi psychologique des enfants qui prend soin des enfants et je voudrais juste Je vais terminer là-dessus, dans le sens où en 2018, on a connu de telles violences psychologiques que les enfants ont été vus par l'UAED, l'unité d'accueil des enfants en danger. Ils ont eu 10 jours d'ITT chacun, donc au-delà de 8 jours, ça donne lieu à une audience correctionnelle. Et moi, j'ai eu 30 jours d'ITT, interruption de temps de travail. Et en mars 2020, avec tous les témoignages des juges, j'ai jamais vu ça, des juges des enfants, juges des affaires familiales, éducateurs, proviseurs, directeurs de l'établissement scolaire, plusieurs professionnels ont témoigné en notre faveur et malgré tout ça, il a réussi, et je ne sais comment, à être relaxé. C'est une double peine.

  • #0

    Sachant que souvent, ça renforce le sentiment d'impunité de la part des auteurs, de toute puissance.

  • #1

    Oui, il est revenu dans une roulette russe. Et aussi, en 2016, j'ai été condamnée coupable, il y a cinq mois de sursis, pour ne pas avoir présenté les enfants, pour les protéger. Et lui, il reconnut victime, c'est tout ce qu'il voulait. Il s'est positionné en tant que victime dès le début. Donc là, en plus, la justice... lui fait cadeau, il reconnaît victime, casse la tienne. Et 1 600 euros de dommages d'intérêt à lui reverser. J'ai fait appel, la cour d'appel de Rennes m'a relaxée. J'ai pu me défendre sur cette phrase en disant que pendant huit ans de violence conjugale, je me suis sentie coupable de ne pas avoir suffisamment protégé les enfants en tant que mère. Et lorsque je me positionne en tant que parent protecteur, vis-à-vis des enfants, c'est la justice qui le condamne coupable.

  • #0

    Ça résume très bien le paradoxe.

  • #1

    Voilà. Et lui, il n'entendait pas de cette oreille, il a fait un pourvoi en cassation. Donc c'est qu'en avril 2021 que la chambre criminelle de la cour de cassation... a confirmé ma relax.

  • #0

    Et ce qui est surprenant, c'est que là où vous n'avez pas forcément osé l'incriminer pendant toutes ces années, lui n'a évidemment aucun scrupule et au contraire se protège en vous accusant de toutes les manières, en se victimisant.

  • #1

    En se victimisant. Et je me suis rendu compte que la justice a double vitesse. Quand c'est une femme qui porte plainte pour violence, on dit le dossier suit son cours, madame, vous pouvez rentrer chez vous. et quand c'est un procureur qui se fait menacer de mort il a 11 mois de prison ferme les preuves je les ai et c'est pour ça que je peux en parler aujourd'hui librement et qu'à contrario lui lorsqu'il porte plainte je suis condamné en 6 mois coupable moi par contre je dois attendre 2 ans pour avoir une date d'audience correctionnelle

  • #0

    On a encore beaucoup de chemin à faire et c'est pour ça que les témoignages comme les votes sont très importants, parce que finalement on parle d'une évolution de mentalité plus générale qui concerne la justice, mais pas que.

  • #1

    Mais encore aujourd'hui, je suis dans ce schéma de reconstruction. J'ai regagné un peu confiance en moi. Et puis vraiment, je remercie mes employeurs. Parce qu'aujourd'hui, j'ai repris mes études. J'ai obtenu mon diplôme de conseillère en insertion socioprofessionnelle. Et à mon tour aussi, je peux accompagner les personnes, victimes ou pas, à se réinsérer socialement et professionnellement. Et je suis à même de comprendre parfois... lorsqu'elles me disent je ne suis pas prête Ce n'est pas parce qu'elles ne veulent pas, mais c'est parce que, bref, elles ne sont pas prêtes.

  • #0

    Bien sûr, bravo d'avoir eu le courage de mener ce travail de reconstruction, quand même essentiellement seule. J'ai une dernière question. Si vous deviez donner un conseil à une personne qui, comme vous, a été victime de violences conjugales, quel serait ce conseil ?

  • #1

    En fait, je me demandais souvent, lorsque j'étais dans les violences conjugales, Est-ce que j'en serais capable ? Est-ce que je vais y arriver ? Et moi j'ai envie de vous dire, vous y arrivez lorsque vous quittez cet homme. Le premier pas, c'est 99,99% de la réussite. Et oui, c'est le premier pas et s'en suivront des autres. Et vous allez y arriver, faites-vous confiance. Il y a des personnes professionnelles que vous allez rencontrer qui vont être la clé des fois pour ouvrir des portes.

  • #0

    Merci beaucoup Khadidja. Votre expérience nous montre que malgré tout ce schéma d'oppression quasiment totalitaire que vous avez vécu, on peut trouver la force. Évidemment, en se faisant accompagner, en en parlant, c'est plus simple. Par-delà le schéma d'isolement qu'on vit généralement quand on est victime, mais on peut la trouver, c'est un travail de longue haleine qui se fait en plusieurs étapes et c'est normal comme vous le disiez oui, tout à fait merci pour votre témoignage merci à vous

  • #2

    Merci beaucoup Sonia d'avoir accepté une nouvelle fois de participer à notre série de podcast 1.c'tout et surtout d'avoir rappelé le rôle des associations, un rôle qui est essentiel avec beaucoup de compétences en interne et un très bon ancrage local. Si comme Sonia vous voulez témoigner en tant qu'experts sur le sujet des violences conjugales et des violences intra-femininales ou si vous êtes une personne qui est victime de violences, n'hésitez pas à nous envoyer un mail à l'adresse hello.eu.fr Vous êtes de plus en plus nombreux à nous écouter, donc n'hésitez pas à partager et diffuser la parole de nos experts ou les témoignages pour aider et sensibiliser au sujet des violences.

Description

Khatidja nous témoigne courageusement son expérience de 8 ans de violences conjugales, entre violences psychologiques, humiliations et violences physiques. Elle a réussit, notamment grâce à son activité professionnelle et sa force de caractère, à se sortir avec ses trois enfants de cette spirale infernale.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • #0

    Bienvenue dans la seconde saison du podcast 1.c'tout, une émission qui traite des violences conjugales et des violences sexuelles et sexistes. Je m'appelle Adrien Roland-Boulogne et j'ai cofondé une société, A.U., qui développe des dispositifs de sensibilisation et de formation sur des sujets sociaux, dont fait partie l'évidence conjugale et ce, à destination du monde du travail. Et c'est en parallèle et en résonance avec cette activité que nous avons développé cette série de podcasts gratuite, qui a pour objectif d'informer le plus largement possible D'une part les personnes qui sont victimes de violences conjugales, et d'autre part toutes celles et ceux qui veulent s'informer sur le sujet, que ce soit pour accompagner une personne victime dans leur entourage ou simplement pour mieux comprendre ce phénomène. Merci de nous écouter ou de nous suivre, vous êtes désormais plusieurs milliers. Eh bien bonjour Khadidja et merci de participer à notre chaîne de podcast 1.c'tout qui traite du sujet des violences conjugales intrafamiliales. Vous avez été victime pendant huit ans et vous allez nous partager votre expérience. Merci encore. Déjà pour commencer, qu'est-ce que vous avez vécu réellement ? Comment se sont manifestées ces violences conjugales ?

  • #1

    Bonjour Adrien et merci de me donner la parole. Alors, comment... se sont manifestées ces violences. Au début, je ne savais même pas que c'était des violences que je vivais. Donc le mot déposer le mot violent c'est qu'après coup que j'ai pu le faire. Donc dans un premier temps, ça a été l'installation de l'emprise. Et ça, c'est qu'avec le recul que j'arrive à diagnostiquer que c'était de l'emprise. Donc au tout début de notre relation, bien sûr on est sur un petit nuage, on a envie de passer des appels, des messages, de se voir régulièrement, bref. Et petit à petit, en fait, s'installe l'emprise. C'est installer l'emprise pour moi, comment ? par des simples petits messages. Est-ce que tu es bien arrivé au travail ? Moi, je lui répondais naturellement. Est-ce que tu as pris ta pause ? Oui. À quelle heure ? Je lui disais l'heure. Tu manges à quelle heure ? Et où ? Avec qui ? Moi, je ne voyais pas le mal, en fait. Donc, je lui répondais tout simplement. Et puis, parfois, il me faisait... Aujourd'hui, je dis la surprise, mais avec le recul, finalement, tout était calculé. La surprise de venir au restaurant que je lui avais dit, que je partageais avec mes collègues. Je suis là, il était chauffeur-livreur à l'époque, donc oui, j'avais une livraison à côté. J'ai un peu de temps, je m'assois avec vous. pour moi, ça ne me posait pas de problème. Au contraire, à l'époque, c'était valorisant, en fait. Voilà, il me montre de l'importance. Il partage des moments dès qu'il peut avec moi. Je ne voyais pas de mal. Et en fait, très vite, je devenais pour lui la risée, le sujet de moquerie à table avec mes collègues. et avec des humiliations et puis je lui disais mais non mais en fait j'aimerais bien que tu arrêtes parce que je me sens humiliée du coup il a arrêté oui mais toi tu sais pas rire aux blagues et puis il finissait sa tournée de livraison il me dit tiens je peux te raccompagner chez toi je dis oui d'accord Mais en fait, là où aujourd'hui j'arrive à dire que c'est de l'emprise, c'est qu'à partir du moment où des fois j'oubliais de dire que j'étais arrivée au travail, ou que j'allais manger à tel endroit, ou que je finissais un peu plus tôt, ils me reprochaient oui, mais tu ne me l'as pas dit Je m'en excusais, oui, désolée, effectivement, je ne t'ai pas dit, mais… En fait, on n'était pas mariés ou quoi, on ne faisait que sortir ensemble au début. Voilà comment l'emprise s'est immiscée au fur et à mesure.

  • #0

    Ça s'est immiscée progressivement, est-ce que c'est monté en intensité au fur et à mesure de votre relation ?

  • #1

    Oui, elle avait monté dans le sens où l'emprise permettait le contrôle. Le contrôle de tu peux sortir avec telle personne et tu ne peux pas sortir avec d'autres, parce qu'elle, je ne la sens pas trop Je lui présentais naturellement mes amis parce qu'on sortait ensemble. Ah oui, mais je n'ai pas aimé son attitude. j'aimerais bien que tu arrêtes de la côtoyer. Moi, je ne voyais pas de mal, en fait. Donc, je dis, bon, peut-être qu'en tant qu'homme, il a peut-être détecté quelque chose que moi, en tant que femme, je n'ai pas détecté, OK. Mais je n'allais pas forcément à la rupture de cette amitié, mais je vais diminuer les fréquences. Et puis petit à petit en fait est arrivé l'isolement. Forcément, il m'a coupé de mes amis, de mes collègues, parce que du coup pour éviter d'être la risée au sein de mes collègues, je ne mangeais plus avec eux si je devais manger avec lui. Donc je choisissais de manger toute seule. Et puis avec certains membres de la famille. Et puis j'ai découvert vraiment un autre homme encore plus dans la violence le jour même du mariage. En fait, nous on s'est mariés, on est d'origine indienne et de confession musulmane. Alors rien à voir parce que les violences conjugales ne sont pas attribuées ni à une origine ni à une confession. Donc on s'est mariés en Inde, religieusement. Et là j'ai vraiment découvert un homme violent dans sa façon d'être. psychologiquement, d'un point de vue verbal. Et en fait, j'ai regretté mon mariage le jour même. Mais j'ai mis ça sous le coup de... C'est peut-être le stress du mariage, c'est peut-être l'organisation, les couacs qui peuvent arriver pendant un mariage. Et puis, en fait, profondément, j'étais impatiente de... de retrouver la France. parce que je n'avais pas le droit à la parole. Si je sortais, il fallait que je sorte avec la permission de la belle-mère, des belles-sœurs, de tout le monde en fait. Il fallait l'accréditation de tout le monde. Et là, je me dis, OK, il faut vite que je revienne en France, retrouver mes droits de circuler librement.

  • #0

    Et est-ce que vous savez pourquoi c'est ce mariage, le moment du mariage qui a cristallisé comme ça l'augmentation de la violence ?

  • #1

    En fait, je suis devenue son objet. sa chose. Il pouvait en faire officiellement ce qu'il voulait.

  • #0

    Et donc après le mariage, si je calcule bien, vous avez encore eu 5 ans de relation. Oui. Les violences ont toujours continué pendant ces 5 ans ?

  • #1

    Les violences, oui, ont augmenté au fur et à mesure. C'était une personne qui était instable professionnellement. Il pouvait quitter un travail parce que son responsable était... lui avait dit quelque chose qui ne lui avait pas plu, donc il lâchait du jour au lendemain le travail, sauf que je me retrouvais toute seule à assumer toutes les charges. Et très vite, j'ai eu aussi ce désir d'avoir un enfant, et il m'a dit on va fonder une famille, notre famille, tout ça Et puis c'était un peu comme pour mettre le couvercle sur la marmite. Et ok, donc... En février 2006, je suis tombée enceinte de mon aîné. Et là, encore une fois, les violences sont montées d'un cran. Et jusqu'alors, c'est que des violences psychologiques. Et aujourd'hui, je peux dire aussi que c'est des violences financières, puisqu'il était à ma charge, en fait. Et il y a le poids de la culture. il y a le poids de la religion, il y a le poids sociétal, il y a le poids familial, qui sous-entend, qui nous fait comprendre, t'es mariée, maintenant il faut assumer, les aléas de la vie, on les connaît tous, ça passera. Ok, je me dis, ça passera aussi. Et au troisième mois de grossesse, les violences verbales et psychologiques étaient tellement intenses que là j'ai dû prendre ma valise et partir chez ma mère. J'ai dit en fait là je te signifie que c'est plus possible de continuer. Et j'ai passé le reste de ma grossesse toute seule. Et en fait, il voulait me faire croire qu'il avait changé, qu'il s'excusait. Mais dès que je ne revenais pas vers lui et que je n'allais pas dans son sens, ça intensifiait, ça revenait comme un boomerang, les violences. Et puis, à l'accouchement, en novembre 2006, pareil, j'ai accouché toute seule. J'ai accouché toute seule. Alors là, c'est un choix parce que je voulais vraiment que cette accouchée… Déjà, j'étais fatiguée. J'ai mené tant bien que mal cette grossesse. Et je voulais pas subir de stress le jour de l'accouchement.

  • #0

    Oui, pas une charge mentale supplémentaire, quoi.

  • #1

    Oui. et en plus c'était une césarienne d'urgence que j'ai eue et il a su par un membre de ma famille que la petite était née et là c'est monté encore plus fort en violence verbale, psychologique

  • #0

    Vous ne viviez plus ensemble à ce moment-là ?

  • #1

    Non, on ne vivait plus ensemble et de statut de mari, il est passé au statut de père. Et moi, je n'ai pas eu de père dans mon enfance, de ma vie, en fait. Et jouer sur ça en me disant, toi, tu n'as pas eu de père, donc est-ce que c'est ce schéma-là que tu veux reproduire pour ton enfant ? Donc effectivement, non, je ne voulais pas reproduire, mais je ne voulais pas non plus que cet enfant grandisse dans des violences. Et au bout de trois mois de naissance, il m'a travaillé. Il a travaillé sur le mental. Mais si j'ai changé, on se redonne une chance en tant que parent. Voilà. Et puis j'ai accepté. Et la toile d'araignée s'est tissée autour de moi. Aujourd'hui, j'arrive à le verbaliser comme ça, et comme une mouche, j'ai été prise dans la toile d'araignée. Une fois que je me suis bien installée à nouveau au domicile conjugal, il a dit qu'il n'y avait personne qui viendrait te voir, te rendre visite ici, et tu ne rendras visite à personne. la seule chose que tu peux faire, c'est aller au travail. Et là, j'ai pleuré des heures et des heures. Je me suis dit, en fait, je me suis faite avoir. Mais maintenant, je n'étais plus la seule. En fait, j'étais avec mon enfant en plus. J'ai dit, OK, il faut que j'arrive à m'extirper de cette toile d'araignée qu'il a tissée autour de moi. Mais en même temps, j'ai été un objet en tant que femme. Et maintenant, il y a un autre objet, c'est l'enfant. Si tu pars, je fais du mal à l'enfant.

  • #0

    Vous aviez un rôle de protection, j'imagine, là-dedans.

  • #1

    Exactement. Tu n'auras pas l'enfant, en fait, si tu pars. Donc, sous cette menace parentale, il me tenait. Et puis... Et puis je me suis faite une raison, j'ai dit peut-être que là, je devrais être là pour mon enfant. En même temps, je voyais mon enfant heureux dans les bras de son père. C'est ça qui me satisfaisait, on va dire, entre guillemets. Je savais profondément qu'un jour, j'allais me séparer de lui. Et je savais qu'entre nous, et il ne cesse de le répéter, c'est que... il va instrumentaliser l'enfant. Et il fallait que je puisse fonder une fratrie. Peut-être que c'est fou d'entendre ça, mais je ne voulais pas que cet enfant traverse les épreuves de la vie seule. Je savais qu'elle allait avoir des épreuves de la vie. Donc, s'en est suivie une petite sœur en 2009 et un petit frère en 2010. Et là, je me suis dit, on a tout pour être heureux. On a des enfants, on a une maison. Il a un fils qu'il a toujours voulu avoir, entre guillemets. Peut-être qu'en ayant un fils, il va peut-être se reprendre en main en se disant, qu'est-ce que je vais transmettre comme code en tant qu'homme à ce petit être. Et puis... Mais au final, c'est à la naissance de mon fils que j'ai eu ma première gifle. C'était ma troisième césarienne et je rentrais à la maison au bout de dix jours d'hospitalisation. Et pourtant, le médecin ne voulait pas me laisser sortir. J'avais dû signer une décharge. Et en fait, arrivé à la maison... Les petites à l'époque, elles étaient toutes les deux à la crèche, grande section et petite section. Et moi, j'avais vraiment profondément besoin de le reposer. Et je lui avais demandé de prendre le relais. et selon lui, c'était une demande qui était trop pour lui. J'étais au bout de ma vie, et j'avais le petit dans les bras. Il m'a donné une gifle, et il m'a donné un coup de pied au bas du ventre. J'aurais pu réouvrir la plaie, en fait. Et en fait, là, je suis sidérée. J'arrive à me voir, là, mon état. Je ne comprends pas, en fait. je ne viens pas de lui demander la lune, je viens juste de lui demander de prendre le relais.

  • #0

    Vous disiez que vous considérez réellement comme un objet le mariage et les enfants ont cristallisé ça, d'autant plus.

  • #1

    Oui, tout à fait.

  • #0

    D'où la violence. Donc là, vous êtes sur la fin de votre relation. Comment elle s'est déterminée après cette escalade de violence à différentes étapes ?

  • #1

    Chaque jour qui passait, il pleuvait des violences et des coups. Et à chaque fois, c'était tu l'as mérité, tu l'as cherché Et donc, la dernière violence, c'était le 16 juin 2013, je me rappelle encore, puisque c'était la fête des Pères ce jour-là. On avait tout préparé avec les enfants et je lui avais juste demandé de prendre le relais encore une fois, un dimanche. Et c'était une demande de trop encore. Et là, je n'avais jamais eu un tel déferlement de violence physique. En fait, c'était une machine qui était lancée et je cherchais le bouton pour l'arrêter. Et le seul bouton sur lequel je pouvais appuyer, c'était Ok, admets ton tort. Admets ton tort. Et c'est ça qu'il veut, en fait. Admets ton tort et excuse-toi. Peut-être que ça va l'arrêter. Et en plus, mes enfants étaient contre moi, en fait, pour faire bouclier aux coups que je recevais. Et donc, par ricochet, ils recevaient les coups, les enfants. Mais... impossible d'en prendre conscience à ce moment-là et donc je prends mes deux mains et je lui dis je suis désolée c'est de ma faute et là il finit par cracher sur ma figure en me disant tu n'es qu'une merde et le crachat en fait retombe sur les enfants Et en fait, là je prends conscience que les enfants, aujourd'hui on utilise le terme de co-victime, mais qu'en fait ça atteint les enfants aussi. C'est là que je prends conscience. Et j'ai fait non, c'est plus possible. C'est là où j'ai eu ce déclic en fait. on parle souvent de déclic et c'est à ce moment-là que j'ai eu le déclic.

  • #0

    C'est très clair, merci beaucoup de vous livrer comme ça. Le déclic, il est souvent d'autant plus difficile à avoir de façon évidente que vous l'écrivez, il y a un schéma de manipulation qui est extrêmement intense. La culpabilisation, c'est l'un des outils principaux et en plus, il y a la violence. Donc, vous avez une charge mentale avec les enfants qui est d'autant plus importante que c'est difficile de réfléchir, de prendre du recul et de se sortir de l'emprise. Et c'est là ce qu'on a toujours dans les témoignages. La puissance de l'emprise, on ne s'en rend pas toujours compte. Est-ce que vous avez eu des soutiens de la part, vous parliez tout à l'heure du fait que vous aviez été, lors de votre première grossesse chez votre mère, de la part de votre famille, de votre entourage amical, si tant est que vous en aviez encore un, parce que vous nous disiez que vous aviez été isolée par ce schéma.

  • #1

    En fait, j'étais dans un tel état dissociatif de sidération que je n'arrivais pas à parler. J'avais des appels. pourquoi tu n'es pas là au boulot ? Qu'est-ce que je veux leur dire ? En fait, c'est une honte. En fait, je portais la honte sur moi. Et à l'époque, lui, il aimait bien rendre coupables les autres de m'avoir instrumentalisé, de m'avoir bourré le crâne, c'était ses mots, pour casser notre couple. Donc de manière stratégique, et ce n'est pas négatif, je n'avais contacté personne. C'est ma décision et je l'assume. Et le soutien, j'en ai eu au moment où j'ai eu... Le soutien, le premier soutien que j'ai pu avoir, c'est mon médecin-trait. Elle a pu constater mes coups et blessures, mon état psychologique. maladie en fait, vous n'êtes pas en capacité d'aller travailler et j'ai été en arrêt maladie pendant six mois

  • #0

    Donc la première écoute, elle vient de votre médecin traitant, est-ce que en lien avec le monde du travail vos collègues, vous avez pu exprimer certaines choses ou est-ce que vous pensez qu'on s'en est rendu compte du schéma de violence que vous viviez ?

  • #1

    En fait j'ai enjolivé tellement ma situation familiale que je ne sais pas si certaines personnes s'en rendaient compte ou pas Honnêtement, je ne sais pas. Par mon silence, certains collègues ne comprenaient pas pourquoi je gardais le silence. Du coup, j'ai perdu beaucoup de collègues comme ça, de liens. Mais il fallait que j'aille à l'essentiel dans ma situation. Je n'avais pas le temps de me préoccuper des états d'âme de telle et telle personne. Moi, la priorité, c'était mes enfants et moi, et notre sécurité. J'ai pris rendez-vous avec les ressources humaines et j'ai été reçue par la direction. Je leur ai fourni ma plainte, mon ordonnance de protection pour justifier qu'ils ne puissent pas venir au travail aussi. C'était ma priorité, c'était de sécuriser l'école, la crèche, le travail, le domicile.

  • #0

    Vos seuls espaces finalement de liberté

  • #1

    Exactement et de là l'interaction m'a mis en lien avec l'astante sociale et on avait là cette chance et je ne sais pas si mes collègues ont encore cette chance parce que je ne suis plus dans cette entreprise une astante sociale dédiée que aux salariés c'était une grosse structure. Et là, j'ai eu un accompagnement social de proximité à tel point où l'instance sociale m'accompagnait aux audiences.

  • #0

    Vous avez été bien accompagnée.

  • #1

    Oui, vraiment, merci. Et s'est mis en place aussi un dispositif que je ne connaissais pas dans la prévoyance. Du coup, on m'a mis avec une société qui venait, maintenant je me rappelle parce que des fois j'ai des trous de mémoire, qui venait régulièrement pour m'accompagner aux démarches administratives et à ranger les documents, tout ça.

  • #0

    Vous avez eu d'abord le courage, parce que c'est ce dont il s'agit d'en parler aux ressources humaines. Vous avez été accompagnée par une assistante sociale. Vous avez eu d'autres moyens d'expression en entreprise. Vous en avez parlé à d'autres personnes, pas à vos collègues, j'ai bien compris.

  • #1

    Mon manager N plus 1, non. Mais N plus 3, oui. C'est bizarre, parce que du coup, c'est une femme qui avait énormément d'autorité. Elle était inaccessible, vraiment inaccessible. Et lorsque j'ai pu lui déposer ce que je vivais, en fait, elle m'a juste parlé d'humaine à humaine. et là j'ai découvert toute une autre personne et des fois les managers peut-être ils ont une cape de super héros mais au final on peut découvrir toute une autre personne dans d'autres situations à

  • #0

    quelle mesure le travail c'était important pour vous ?

  • #1

    c'était une soupape c'était un lieu où me permettait de penser à autre chose que le quotidien que je vivais.

  • #0

    Et dans quelle mesure vous diriez que ça vous a aidé à tenir que d'avoir une activité professionnelle ? Parce qu'en fait, il y a des victimes qui ne sont pas en emploi et qui expriment qu'elles sont encore plus dans ce schéma d'emprise et encore plus un objet, comme vous l'écriviez tout à l'heure. Évidemment, c'est compliqué de jauger tout ça.

  • #1

    À ce moment-là, le travail... a été une bouffée d'oxygène. Je me compare à une nageuse qui va d'une rive à une autre, qui reprend cette bouffée d'oxygène pour continuer à nager. Moi, le travail, ça a été une bouffée d'oxygène.

  • #0

    Vous parliez tout à l'heure du fait que vous étiez celle qui ramenait le salaire, en tout cas pendant un temps. Est-ce que cette indépendance financière vous a aidé en quelque sorte, ou au contraire vous a desservi ?

  • #1

    À la fois, ça m'a aidé, parce que ma mère nous a toujours éduqués. les enfants, il faut être indépendant financièrement, qu'on soit marié ou pas. Ça, c'est une chose, une valeur qu'elle nous a transmise. Et ça m'a desservie en même temps parce que j'ai octroyé pour lui une dette de 30 000 euros. Ça m'a desservie parce que les huissiers, ils se servaient d'abord sur moi et pas lui parce qu'il n'était pas solvable.

  • #0

    Donc il était d'une certaine manière dépendant de vous, en tout cas sur le plan financier.

  • #1

    Oui, et il savait profondément que moi, j'allais m'en sortir d'un point de vue financier. Ce n'était pas le problème. Et heureusement, je ne me suis pas mariée civilement. Parce que quand je vois certaines femmes qui luttent pour les comptes bancaires, les crédits, divorcer, ça me met trois ans. J'ai dit non, heureusement. Dans mon malheur, j'ai eu cette chance de ne pas être mariée civilement.

  • #0

    Bien sûr. Comment s'est passé ou comment se passe toujours d'ailleurs votre travail de reconstruction après tout ce que vous avez vécu ?

  • #1

    Alors depuis que j'ai quitté les violences conjugales, donc en 2013, j'ai eu 40 audiences, 7 téléphones graves dangers, 3 ordonnances de protection et 2 mises à l'épreuve qui durent chacune 3 ans, dont une d'actualité, qui se termine en octobre ou novembre 2024. Donc, parler de reconstruction lorsque notre quotidien est ponctué d'audience sur audience, et que la seule emprise qui lui reste, c'est via les procédures judiciaires, et qu'à chaque fois qu'on va en audience, ça nous remet dans une certaine forme d'insécurité, et il le sait. La reconstruction, elle ne se fait pas comme ça. J'ai eu cinq ans d'inactivité professionnelle. J'ai été en ASS, allocation de soutien solidaire, parce que, et c'est maintenant que je peux mettre les mots, je ne pouvais qu'à l'époque déposer les enfants à l'école et revenir dormir. En fait, je dormais toute la journée. Je ne savais pas, je m'en voulais. Mais mon corps ne demandait que ça, dormir, dormir. Et en fait, c'est lié au syndrome de stress post-traumatique. Et il est arrivé un énième déménagement dans le cadre d'une mise en sécurité, parce que de la région parisienne, nous avons été mis en sécurité à Nantes, et de Nantes à Avignon en 2020, parce qu'il a été emprisonné pour menace de mort sur procureur. Et dans le cadre de cette incarcération, il nous a écrit à une adresse qu'il n'est pas censé connaître à Nantes, où il dit Ayez la foi les enfants, c'est bientôt fini Donc, bien sûr, le système judiciaire se met en route pour nous mettre en sécurité à Avignon. Et là, premier confinement, mars 2020, ça me renvoie à toutes les violences en fait. Interdiction de sortie, contrôle, ça m'a remis dans un trauma pas possible ce confinement. Et je n'avais plus de voiture. Et ici, sur le territoire d'Avignon, pour aller d'un point A à un point B, rien que pour faire les courses, on met 45 minutes, une heure de marche. Et là, j'ai dit, j'ai besoin de reprendre un emploi. Et j'avais perdu toute confiance et l'estime en moi. Et pour moi, il le répétait souvent, tu es bête, tu es nulle, tu ne vaux rien. Donc moi, j'avais intégré ça. Et on m'avait proposé d'être agent d'accueil. Je me suis dit, mais je n'ai peut-être pas les capacités d'être agent d'accueil. Être confrontée au monde, gérer l'accueil. Du coup, je me suis mise des petits objectifs. C'est faire au jour le jour avec l'énergie du jour.

  • #0

    Vous avez repris confiance avec des astuces comme ça aujourd'hui ?

  • #1

    Oui, c'est ça. Et s'il y avait une difficulté, la moindre difficulté au sein du travail, alors ma direction était au courant de ma situation, mais en même temps, j'avais besoin que mon domaine professionnel ça soit le mien et que le stress que je pouvais vivre post-traumatique, j'avais envie de ne pas le faire intégrer dans le milieu professionnel. Mais parfois, on est confronté à un public qui peut être violent et qui peut nous renvoyer à des traumas et ainsi de suite, à une certaine insécurité. Et là, il fallait que j'intègre absolument que c'est dans le domaine professionnel, ce n'est pas lié à ta vie privée. Donc ça reste dans le domaine professionnel.

  • #0

    Comment vous avez abordé le sujet avec votre nouvel employeur ? C'est souvent une question qui est difficile.

  • #1

    Depuis un certain temps, je pars du principe que la honte doit changer de camp. Et que parler, c'est des fois se mettre en sécurité. Et aussi sensibiliser les gens. Donc tout de suite à ma direction, lorsque j'ai signé le contrat, j'ai remis l'ordonnance de protection. J'ai sécurisé mon lieu, il n'a pas le droit, si toutefois il intervient, j'ai donné la photo de mon ex. Il y a un processus qui s'est mis en place et des référents qui se sont mis en place aussi. et du personnel.

  • #0

    D'accord. Et au niveau des collègues, parce que là, c'est plutôt sur le plan des ressources humaines que vous avez cadré. Vous avez osé en parler aussi ?

  • #1

    J'ai parlé qu'à deux collègues sur 130. Parce qu'en même temps, ce n'était pas le lieu où j'avais envie de déballer ma vie privée.

  • #0

    Bien sûr, bien sûr. Et donc maintenant, vous êtes toujours sous ordonnance de protection dans un nouvel emploi à Avignon. Il n'avait plus de contact particulier, en tout cas il ne laissait plus d'avoir de contact avec vous, ou alors il continue ?

  • #1

    Ah si, depuis 2019, il n'a plus de droits parentaux et l'autorité parentale. Et il veut à tout prix donc récupérer ses droits parentaux, puisqu'en fait il a vu qu'il n'avait plus d'emprise sur moi. Il n'avait plus une certaine emprise sur les enfants, il ne pouvait plus les instruments utiliser puisque la justice avait vu clair. Et oui, il revient toujours à la charge. Il m'a envoyé les huissiers à la maison pour me signifier une convocation à une audience, par exemple, pour me signifier qui c'est, où j'habite.

  • #0

    Oui, donc il a essayé d'être toujours présent, quoi qu'il en soit, sans vouloir lâcher sa proie, si je puis dire. Est-ce que vous avez eu un suivi psychologique pour vous accompagner ?

  • #1

    Ça, c'est une très bonne question. Parce qu'à chaque condamnation de monsieur, lui, il a eu une obligation de soins psychiatriques. Sauf que la justice, elle est tellement débordée aujourd'hui qu'elle n'a pas le temps de vérifier si le soin psychiatrique est bien suivi ou pas. Sauf que qui répare la victime ? Personne. Donc la justice, aujourd'hui, j'aimerais que... S'il y a quelque chose à faire évoluer, qu'elle porte la responsabilité à l'auteur des violences conjugales ou à l'auteur des violences quelles qu'elles soient, de réparer via des frais médicaux. Tous les frais, parce que des frais de déménagement, c'était coûteux et je l'ai pris en charge. Et de responsabiliser l'auteur. Moi non, je n'ai pas eu de suivi psychologique. Alors, c'est ponctuel au sein des associations. J'ai été accompagnée par le CIDFF, France Victime, Solidarité Femmes, et je les en remercie.

  • #0

    Du coup, des associations vous ont accompagnées, ça s'est concrétisé comment ?

  • #1

    C'était une écoute quand même toutes les semaines, un rendez-vous hebdomadaire. Il y avait des mises en prétection avec leur appartement, les appartements qu'ils ont. pour revenir au suivi psychologique en fait ça reste ponctuel et c'est à notre charge et il faut aussi le suivi psychologique des enfants qui prend soin des enfants et je voudrais juste Je vais terminer là-dessus, dans le sens où en 2018, on a connu de telles violences psychologiques que les enfants ont été vus par l'UAED, l'unité d'accueil des enfants en danger. Ils ont eu 10 jours d'ITT chacun, donc au-delà de 8 jours, ça donne lieu à une audience correctionnelle. Et moi, j'ai eu 30 jours d'ITT, interruption de temps de travail. Et en mars 2020, avec tous les témoignages des juges, j'ai jamais vu ça, des juges des enfants, juges des affaires familiales, éducateurs, proviseurs, directeurs de l'établissement scolaire, plusieurs professionnels ont témoigné en notre faveur et malgré tout ça, il a réussi, et je ne sais comment, à être relaxé. C'est une double peine.

  • #0

    Sachant que souvent, ça renforce le sentiment d'impunité de la part des auteurs, de toute puissance.

  • #1

    Oui, il est revenu dans une roulette russe. Et aussi, en 2016, j'ai été condamnée coupable, il y a cinq mois de sursis, pour ne pas avoir présenté les enfants, pour les protéger. Et lui, il reconnut victime, c'est tout ce qu'il voulait. Il s'est positionné en tant que victime dès le début. Donc là, en plus, la justice... lui fait cadeau, il reconnaît victime, casse la tienne. Et 1 600 euros de dommages d'intérêt à lui reverser. J'ai fait appel, la cour d'appel de Rennes m'a relaxée. J'ai pu me défendre sur cette phrase en disant que pendant huit ans de violence conjugale, je me suis sentie coupable de ne pas avoir suffisamment protégé les enfants en tant que mère. Et lorsque je me positionne en tant que parent protecteur, vis-à-vis des enfants, c'est la justice qui le condamne coupable.

  • #0

    Ça résume très bien le paradoxe.

  • #1

    Voilà. Et lui, il n'entendait pas de cette oreille, il a fait un pourvoi en cassation. Donc c'est qu'en avril 2021 que la chambre criminelle de la cour de cassation... a confirmé ma relax.

  • #0

    Et ce qui est surprenant, c'est que là où vous n'avez pas forcément osé l'incriminer pendant toutes ces années, lui n'a évidemment aucun scrupule et au contraire se protège en vous accusant de toutes les manières, en se victimisant.

  • #1

    En se victimisant. Et je me suis rendu compte que la justice a double vitesse. Quand c'est une femme qui porte plainte pour violence, on dit le dossier suit son cours, madame, vous pouvez rentrer chez vous. et quand c'est un procureur qui se fait menacer de mort il a 11 mois de prison ferme les preuves je les ai et c'est pour ça que je peux en parler aujourd'hui librement et qu'à contrario lui lorsqu'il porte plainte je suis condamné en 6 mois coupable moi par contre je dois attendre 2 ans pour avoir une date d'audience correctionnelle

  • #0

    On a encore beaucoup de chemin à faire et c'est pour ça que les témoignages comme les votes sont très importants, parce que finalement on parle d'une évolution de mentalité plus générale qui concerne la justice, mais pas que.

  • #1

    Mais encore aujourd'hui, je suis dans ce schéma de reconstruction. J'ai regagné un peu confiance en moi. Et puis vraiment, je remercie mes employeurs. Parce qu'aujourd'hui, j'ai repris mes études. J'ai obtenu mon diplôme de conseillère en insertion socioprofessionnelle. Et à mon tour aussi, je peux accompagner les personnes, victimes ou pas, à se réinsérer socialement et professionnellement. Et je suis à même de comprendre parfois... lorsqu'elles me disent je ne suis pas prête Ce n'est pas parce qu'elles ne veulent pas, mais c'est parce que, bref, elles ne sont pas prêtes.

  • #0

    Bien sûr, bravo d'avoir eu le courage de mener ce travail de reconstruction, quand même essentiellement seule. J'ai une dernière question. Si vous deviez donner un conseil à une personne qui, comme vous, a été victime de violences conjugales, quel serait ce conseil ?

  • #1

    En fait, je me demandais souvent, lorsque j'étais dans les violences conjugales, Est-ce que j'en serais capable ? Est-ce que je vais y arriver ? Et moi j'ai envie de vous dire, vous y arrivez lorsque vous quittez cet homme. Le premier pas, c'est 99,99% de la réussite. Et oui, c'est le premier pas et s'en suivront des autres. Et vous allez y arriver, faites-vous confiance. Il y a des personnes professionnelles que vous allez rencontrer qui vont être la clé des fois pour ouvrir des portes.

  • #0

    Merci beaucoup Khadidja. Votre expérience nous montre que malgré tout ce schéma d'oppression quasiment totalitaire que vous avez vécu, on peut trouver la force. Évidemment, en se faisant accompagner, en en parlant, c'est plus simple. Par-delà le schéma d'isolement qu'on vit généralement quand on est victime, mais on peut la trouver, c'est un travail de longue haleine qui se fait en plusieurs étapes et c'est normal comme vous le disiez oui, tout à fait merci pour votre témoignage merci à vous

  • #2

    Merci beaucoup Sonia d'avoir accepté une nouvelle fois de participer à notre série de podcast 1.c'tout et surtout d'avoir rappelé le rôle des associations, un rôle qui est essentiel avec beaucoup de compétences en interne et un très bon ancrage local. Si comme Sonia vous voulez témoigner en tant qu'experts sur le sujet des violences conjugales et des violences intra-femininales ou si vous êtes une personne qui est victime de violences, n'hésitez pas à nous envoyer un mail à l'adresse hello.eu.fr Vous êtes de plus en plus nombreux à nous écouter, donc n'hésitez pas à partager et diffuser la parole de nos experts ou les témoignages pour aider et sensibiliser au sujet des violences.

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