- Speaker #0
Il a fallu convaincre que le zoo, c'était plus là où on enfermait des animaux. On a tellement cru, quand les gens allaient savoir ce qui se passait, qu'on allait avoir tapis rouge. On gagne quand on évite que des conneries soient faites. C'est un peu limite.
- Speaker #1
Une autre idée du zoo, le podcast du Bioparc de Doué-la-Fontaine. Les parcs zoologiques protègent des espèces menacées de disparaître partout à travers le monde et invitent leurs visiteurs à prendre conscience de la fragilité de la biodiversité mondiale. Mais en France métropolitaine, la faune et la flore sont également en péril. 14% des mammifères, 24% des reptiles et 32% des oiseaux nicheurs ou encore 15% des orchidées sont menacées de disparition. Alors que faire pour aider la nature à notre échelle individuelle ? Pourquoi est-ce si difficile d'agir ? Philippe de Grissac vice-président de la plus grande association de protection de la nature en France, la LPO, nous a fait le grand honneur de répondre à nos questions depuis le Bioparc. Bonjour Philippe de Grissac.
- Speaker #0
Bonjour.
- Speaker #1
Alors vous êtes ornithologue, vice-président de la Ligue pour la Protection des Oiseaux, vous avez été directeur de la Réserve Naturelle Nationale des Sept-Îles pendant 20 ans, vous êtes directeur de la rédaction de l'Oiseau Magazine et vous avez aussi été vice-président du Conservatoire du Littoral. Vous êtes membre fondateur du Groupe d'études et de protection des oiseaux de Mayotte, expert du comité français de l'UICN, vous êtes militant pour la biodiversité depuis plus de 40 ans et auteur ou co-auteur de plusieurs ouvrages ornithologiques. Merci à vous d'avoir accepté de répondre à mes questions. Dans cet épisode, nous allons parler de la biodiversité locale et particulièrement des espèces animales qui nous entourent. Comment cohabitons-nous aujourd'hui avec ces animaux ? Où et comment pouvons-nous agir pour les protéger ? On va essayer d'en discuter aujourd'hui.
- Speaker #0
Avec plaisir.
- Speaker #1
Est-ce que vous pouvez nous expliquer le travail que réalise la LPO et quel est votre rôle à vous ?
- Speaker #0
La LPO, c'est une vieille dame puisqu'elle est née en 1912 dans les Côtes d'Armor. Elle n'est pas née dans les Côtes d'Armor, mais le premier combat qu'elle a mené, ça a été un combat qu'elle a mené dans l'archipel des Sept-Îles, dans les Côtes d'Armor, au large de Pérous-Guérec, où les trains de l'ouest de la France organisaient des voyages spéciaux pour les chasseurs parisiens qui venaient tirer le calculot. Le calculot, c'est le macareux moine qui niche dans des terriers. C'était très amusant, les chasseurs venaient, allaient en bateau et tuaient des centaines, des milliers d'oiseaux tous les ans, pour le plaisir, puisqu'ils n'en faisaient rien. Ça remplissair les poubelles, c'est tout ce que ça faisait. Les gens se sont mobilisés, des écrivains, des peintres, des gens de la culture, mais aussi des gens du pays. Le secrétaire de la LPO qui venait de naître à Paris en 1912, s'est mobilisé avec les gens, a mobilisé la LPO, et le combat a été gagné assez rapidement, dès 1912. Donc on confond souvent la naissance de la LPO avec cet événement-là, mais c'est concomitant, mais c'était le premier combat. Et la réserve des Sept-Îles est devenue la première réserve de France privée, de droit privé. La LPO a loué les terres pour arrêter la chasse, et c'est une première réserve dont la gestion a été confiée à la LPO. On est en 2024, 112 ans après, la LPO est encore gestionnaire de cette grande réserve qui vient d'ailleurs de s'agrandir au domaine maritime. C'est plus de 20 000 hectares maintenant qui sont protégés dans ce secteur-là.
- Speaker #1
Et on peut y voir des macareux...
- Speaker #0
On peut y voir des macareux, alors bien sûr, les macareux, c'était plusieurs milliers de couples à cette époque-là. Maintenant, c'est une centaine de couples. C'est vraiment une régression. Ça va permettre d'introduire un petit peu cet effondrement de la biodiversité. Même si le macareux c'est un peu marginal, puisque c'est une espèce qui est dans sa limite territoriale, limite sud. Donc, c'est vrai que ça peut être fluctuant, mais globalement, ce sont des espèces qui se portent mal pour différentes raisons qu'on abordera plus tard. La LPO, grande vieille dame, la plus grosse association de protection de la nature en France, avec 72 000 adhérents actuellement. C'est énorme. 5 000, plus de 500 salariés, 560 salariés au plan français. Donc, une grosse organisation qui est très dynamique, très démocratique, et puis qui travaille sur... Ce qui est intéressant dans cette association, c'est que ce n'est pas une fédération, ce n'est pas une LPO France qui commanderait sur le territoire à d'autres LPO. C'est un aller-retour entre les LPO régionales, qui sont des associations à part entière, la LPO Aura, par exemple, au Verne-Rhône-Alpes, la LPO PACA... Ce sont des associations qui apportent leurs expériences, leurs expertises aussi à la LPO France. Donc c'est un va-et-vient entre le terrain, les associations sur le terrain, et une LPO France qui va organiser tout ça et coordonner tout ça. Grosse association. Les trois piliers, c'est l'éducation, la formation, la sensibilisation à l'environnement; les expertises, donc tout l'aspect scientifique, et puis l'aspect mobilisation citoyenne, le plaidoyer, comment faire passer tous les messages autour de la biodiversité, de la nécessité de protéger ce vivant qui nous entoure, sans lequel on ne pourrait pas vivre nous.
- Speaker #1
D'accord, et justement, vous êtes bien placé pour connaître l'état de la biodiversité aujourd'hui en France, puisque vous êtes présent sur tout le territoire. Quel est l'état aujourd'hui de la biodiversité sur le territoire français ?
- Speaker #0
L'état de la biodiversité en France est celui de la biodiversité mondiale. C'est-à-dire que, vous savez, on parle beaucoup du climat. Et pour le climat, il y a un organisme international qui s'appelle le GIEC. Ce sont des scientifiques, c'est une plateforme intergouvernementale de scientifiques qui épluchent, qui analysent toutes les publications sur le climat, qui sortent dans le monde des milliers de publications, et qui en tirent des publications scientifiques, et qui en tirent des constats et qui font des préconisations qui alertent. Pour la biodiversité, il y a la même chose. Il y a une plateforme qui est moins connue qui s'appelle l'IPBES, qui étudie toutes les publications dans le monde et qui sort régulièrement ces synthèses de publications et qui alertent sur l'effondrement de la biodiversité. Donc, il y a tout un camp actuellement rassuriste, qu'on appelle rassuriste, qu'on va trouver à l'extrême droite en France, on les a entendus pendant la campagne électorale, qui nous disent que ce n'est pas si grave que ça, et qui essayent de dire que non, la biodiversité, finalement, ça ne se passe pas si mal que ça, et que ce sont les écolos qui racontent ça pour se faire mousser, pour pouvoir en rajouter, et puis pour pouvoir exister. Donc l'état de la biodiversité en France est le même que celui de la biodiversité mondiale, c'est-à-dire un effondrement qui est constaté partout dans le monde. Les causes sont assez simples, c'est la disparition des milieux. C'est-à-dire que beaucoup de milieux naturels sont transformés par les activités humaines. La croissance de la population nécessite toujours de défricher, d'utiliser de plus en plus de territoires. C'est l'épuisement des ressources. Quand on voit la surpêche, par exemple, c'est absolument incroyable. Moins de 30% de ce qui est pêché est consommé. Tout le reste retourne à l'eau. C'est vraiment une destruction sans limite. La destruction des milieux est très importante, la déforestation, on le sait, on en parle beaucoup par rapport à la forêt amazonienne, mais plus près de nous, c'est pareil. Et puis, il y a aussi toute cette transformation de l'agriculture, l'agro-industrie, l'agriculture qui s'est mise, après les Trente Glorieuses, après la guerre, c'était le grand mot d'ordre, il fallait nourrir la France. Et là... On a vu une transformation, un plan Marshall a été mis en place, et on a vu une transformation de l'agriculture, où le paysan, avec la glèbe, comme on disait, collée aux bottes, est devenu pratiquement un entrepreneur, un employé pratiquement, des coopératives, des banques. Il s'équipait, donc il dépensait de l'argent, il faisait des emprunts. Il est devenu après, on a parlé d'exploitant agricole et puis de fermier. Et cette transformation de l'agriculture a eu deux effets terribles. C'est l'arrasement de toutes les haies, c'est-à-dire que tout le bocage qui existait en France a disparu en grande partie pour faire des grandes exploitations. Pendant le remembrement ? Pendant le remembrement. Donc le remembrement, c'est un des aspects qui, en France, mais aussi ailleurs, touche énormément la biodiversité. Et puis, pour la production, l'agrochimie s'est mise en place. C'est-à-dire que les industries comme Bayer, Monsanto, Toussaint, qui savaient très bien fabriquer des poisons, qu'on envoyait pendant les guerres pour tuer les ennemis, se sont reconvertis et ont fournit à l'agriculture, pour lutter contre toutes les maladies, des produits phytosanitaires. Alors phytosanitaires, c'est vraiment le mot, ce sont des poisons, ce sont des insecticides, des pesticides, des herbicides, il y a des choses qui tuent.
- Speaker #1
Tout ce qui finit en cide.
- Speaker #0
Tout ce qui finit en cide. Et donc ça, cette chimie introduite dans les sols, c'est vraiment... L'hécatombe de la biodiversité passe aussi par là.
- Speaker #1
Le constat que fait la LPO, j'imagine, depuis 100 ans, c'est que ça ne s'est pas amélioré. Et au contraire, la situation tend à s'aggraver.
- Speaker #0
La situation s'aggrave, oui. Et c'est sûr, vous parliez de plus de 40 ans d'engagement, c'est plus de 50 ans d'engagement. On devient vieux, on finit par accepter de devenir vieux. C'est plus de 50 ans d'engagement. Et on se demande toujours... On a tellement cru que quand les gens allaient s'apercevoir de ce qui se passait, on allait avoir tapis rouge, on allait nous recevoir, les portes allaient s'ouvrir. Effectivement, il y a eu un moment, en 1976, la loi sur la protection de la nature était une loi d'une avancée terrible. D'un seul coup, la création des réserves naturelles, enfin... Et là, on s'est dit, ça y est, ils ouvrent les yeux. Et puis après, les lobbies économiques, les lobbies sont de puissance terrible. Et l'économie ne prend pas sur le politique. On le sait maintenant. On n'est plus dans des idéologies politiques. On est en réponse à satisfaire les besoins de l'économie et de la croissance toujours plus, et de la consommation toujours plus, et tout ça. Donc, ce tapis rouge s'est transformé en tapis noir. Et on ne nous reçoit plus. On voit des politiques qui sont jeunes, pourtant on en a en France des jeunes, même Président, qui sont sourds à des évidences sur l'effondrement de cette biodiversité. Le GIEC, dont je parlais tout à l'heure, et l'IPBES parlent d'une même voix maintenant. Valérie Masson-Delmotte du GIEC dit qu'on ne sauvera pas le climat sans la biodiversité, on ne sauvera pas la biodiversité sans le climat. Les deux sont liés. Et ça vient aussi, on va peut-être y venir, je ne sais pas, du rapport qu'on entretient avec la nature.
- Speaker #1
Justement, c'était ma question suivante. Est-ce que justement, cette biodiversité qui s'effondre et le peu d'intérêt que les industriels lui portent, est-ce que ça vient d'un rapport qu'on aurait perdu, d'un lien qu'on aurait perdu avec la nature, avec le vivant ?
- Speaker #0
Complètement. Alors, c'est une longue histoire.
- Speaker #1
On a un peu de temps.
- Speaker #0
C'est une longue histoire. Les gens imaginent que le mot nature, c'est un mot qui existe partout. Eh bien, paradoxalement, le concept de nature n'existe que dans la pensée occidentale. Il n'existait que dans la pensée occidentale. Maintenant, la pensée occidentale s'est répandue avec le colonialisme, et puis les conquêtes, les colonisations qu'on a pu faire, s'est répandue partout. Mais en Afrique, dans les sociétés traditionnelles, le mot nature n'existe pas. En Amérique du Sud, le mot nature n'existe pas. En Asie, le mot nature n'existait pas. On était dans des visions totalement différentes, c'est-à-dire une vision cosmologique. L'Homme fait partie d'un cosmos avec les autres vivants non-humains. On entretient des rapports avec ce vivant non-humain parce qu'on sait que sans lui, on ne peut pas vivre. Donc on est dans un rapport de lien constant, permanent. Même si on tue, même si on le mange, on va avoir des rapports très différents. Nous, notre pensée occidentale, avec les Grecs et les Soïciens notamment, a commencé à séparer l'Homme de la nature. L'Homme s'affranchit de la nature, relayé par les religions monothéistes. L'Ancien Testament, "tu asserviras la terre, les espèces" et tout ça, ton profit, c'est pour toi, tout ça. Dieu a créé ça pour toi, l'Homme. Et puis après arrive la révolution scientifique du XVIIe, avec Descartes qui nous dit, la nature, ce sont que des phénomènes physico-chimiques qui se résolvent avec des équations. L'animal est un animal machine. Alors là, il est un peu embêté parce que l'Homme, il voit bien que c'est un animal aussi. Donc il dit l'Homme aussi, mais lui seul est doté d'une intériorité. Lui seul a une âme, lui seul a un esprit. Donc c'est ce qui lui permet d'être au-dessus. Et donc toute cette pensée occidentale sépare l'Homme de la nature. Et on va toujours raisonner, et encore maintenant, dans un discours binaire, le civilisé/le barbare, Le saint/le malade, l'Homme/ la nature, la culture/la nature. On va toujours être dans ces raisonnements binaires. C'est un raisonnement purement occidental. Et là, on est des héritiers de cette pensée-là. Et on pense que c'est la seule qui existe au monde. Et on l'a transmis d'ailleurs, comme on l'a transmis en ne respectant pas les cultures des gens chez qui on allait coloniser, en leur disant mais c'est nous la vraie civilisation, on vous apporte notre culture. Là, on leur apportait aussi cette vision de séparation de l'Homme et de la nature. Donc il faut retrouver. Ce qui est intéressant, c'est que les grands scientifiques disent que les sociétés traditionnelles n'étaient pas en retard. On dit toujours qu'ils sont en retard, ils ne sont pas civilisés. Ils étaient en avance puisqu'elles protégeaient la nature. C'est vrai qu'on peut dire que l'Homme a toujours eu un impact sur la nature, mais très différent de celui que la société occidentale a imposé à la nature. Cette exploitation, à son profit, d'une nature dont il s'était affranchi. Donc le rapport au vivant, non- humain, c'est celui-là qu'il faut changer. D'ailleurs, il y a un philosophe américain qui dit que ce n'est pas la nature qu'il faut sauver, c'est le rapport qu'on entretient avec la nature. Tous les grands philosophes, Baptiste Morizot, Philippe Descola, pour ce qui est de l'anthropologie et le rapport à la nature. Il y a beaucoup de gens qui sont maintenant... Dominique Bourg, philosophe sunniste et tout ça, qui reprennent cette enseigne qu'il faut agir. Et on peut agir. Je vais faire une association, je pense à François... Sarano. François Sarano c'est un... Il a travaillé avec le commandant Cousteau, c'est un spécialiste du milieu marin, un scientifique, et il a fait un film sur les cachalots et tout ça. Et il nous explique combien, justement, l'étude qu'il a faite, notamment des cachalots, il faut voir son film, c'est une merveille, combien les frontières entre ce qu'on pense être nos différences humains-non-humains, humains-cachalots, c'est complètement illusoire. De plus en plus, maintenant, on s'aperçoit que les frontières s'amenuisent. On disait avant le rire est le propos de l'Homme, on en voit maintenant des animaux rire.
- Speaker #1
Il leur manque que la parole.
- Speaker #0
Mais ils ont la parole. Ce n'est pas la même que la nôtre. Ils l'ont. Ils communiquent. Ils ont des langages très, très complexes. Mais évidemment, ce n'est pas le langage articulé que nous, on a. François Sarrano dans son film sur les cachalots, raconte l'histoire d'Eliott, un jeune cachalot, qui vient le solliciter parce qu'il a notamment un âmeçon, un gros âmeçon qui est planté dans la bouche. Et il va se faire opérer par les gens du bord. Volontairement ? Volontairement. Il va supporter la douleur de l'opération sans anesthésie, parce qu'ansethésier cachalot ça ne demanderait quand même pas mal, parce qu'il sait que cette opération va lui amener du bien-être après. C'est une pensée complètement humaine, ça. Et bien on est loin de cette séparation où l'Homme n'est le seul à avoir une pensée complexe. On ne peut pas vivre sans le vivant non-humain. On ne peut pas vivre tout simplement. On tue le vivant non-humain, on ne peut pas vivre non plus, on en fait partie.
- Speaker #1
Et quand on parle justement du vivant plus près de chez nous, la biodiversité française, on en parlait tout à l'heure, est menacée. Les oiseaux de nos campagnes, les espèces spécialisées sont de moins en moins nombreux. Les insectes, les chauves-souris ou les hérissons disparaissent; les renards, les taupes sont considérés comme des nuisibles. Pourquoi est-ce important de les protéger comme on pourrait protéger les girafes, les rhinocéros ou les varirous comme ici on le fait au bioparc ? Pourquoi est-ce important de protéger cette biodiversité qui nous semble commune mais qui est fragile ?
- Speaker #0
Sans la biodiversité, on n'existe pas, tout simplement. Il n'y a pas à faire plus simple. Par contre, il y a un autre aspect. On peut prendre aussi l'aspect économique. 50% du PIB mondial repose sur les bénéfices liés à la biodiversité, donnés gratuitement par la biodiversité. Le bois, la pêche, le poisson, la biodiversité offrent 50% de l'économie mondiale. Et cette biodiversité est en déclin total. Donc on est en train de se tirer une balle dans le pied, ne serait-ce que sur le plan économique. Ce n'est pas un discours, même si ça peut parler au MEDEF ou à d'autres, ce n'est pas le discours qu'on aime tenir, nous, même s'il est à prendre en compte. C'est-à-dire qu'on a économiquement, défendre la biodiversité, défendre le vivant non-humain, c'est défendre aussi l'économie, mais pas celle qui détruit l'économie du monde capitaliste, le profit à court terme et tout ça. Ça, effectivement, ça nous mène dans le mur. Mac Millan, c'est un ornithologue américain qui s'occupait du condor de Californie, qui était en train de se casser la figure au début du siècle. Il dépensait beaucoup d'argent et on lui reprochait de dépenser de l'argent pour ce condor de Californie. On lui disait "mais quoi bon dépenser tout cet argent pour sauver une espèce d'oiseau ?" Il a vu cette réponse que j'aime beaucoup. D'ailleurs, une année, je l'avais fait mettre comme lettre dans le... la bonne année de la LPO. Et il avait dit, vous avez raison, on peut se passer du condor de Californie. On peut s'en passer, on dira, aussi bien avec ou sans le condor de Californie. Mais les valeurs que nous devons développer pour sauver le condor de Californie, les valeurs humaines, sont celles qui nous sauveront nous-mêmes. Ça, c'est une réponse qui me plaît. C'est une autre approche. C'est-à-dire que développer, c'est ce qui rejoint... L'idée de l'animisme et du cosmos, on est tous liés. Ce sont des valeurs autrement que celles de l'économie, que celles de notre profit personnel des Hommes. On sait maintenant, les études notamment allemandes ont démontré que plus de 80% de la masse d'insectes s'est effondrée en Europe ces dernières années, ces dernières dizaines d'années.
- Speaker #1
80% c'est énorme.
- Speaker #0
80% mais c'est énorme. Les insectes c'est les hirondelles, c'est les martinets, c'est tous les oiseaux qui en vivent. Bien sûr certains vont se satisfaire que certains moustiques ne soient plus là, mais quoi que les moustiques ils se portent bien. Donc non mais c'est une catastrophe, 80%. Les 40% des espèces liées au milieu agricole d'oiseaux s'effondrent aussi, ont disparu. Les alouettes, toutes ces...
- Speaker #1
Les oiseaux qui étaient pourquoi en commun ?
- Speaker #0
Oui, alors il y a des études très sérieuses à Chizé, c'est pas loin d'ici, près de Niort, il y a un laboratoire avec une grosse centaine d'exploitations agricoles, avec des pratiques différentes et tout ça, qui montrent bien justement que les pratiques de bio sont vraiment bénéfiques. Il n'y a pas photo, on continue à dire le plus haut. On ne soutient plus le bio. Maintenant, le bio, c'est pour les bobos. Mais n'empêche qu'au niveau simplement de la... Ah, on a... Alors, c'est le cru au superbe qui est au-dessus de nous.
- Speaker #1
Il nous observe. Je crois qu'il est d'accord avec vous.
- Speaker #0
Je crois qu'il est très content qu'on défende sa cause. Parce que lui, il en veut des insectes aussi.
- Speaker #1
Donc, depuis 2018, le Bioparc est devenu Refuge LPO. Les actions environnementales qui ont été menées au cœur de son site de visite en ont fait le premier parc zoologique à obtenir ce label. Je rappelle que la référence label Refuge LPO n'est pas liée à la présence d'animaux exotiques, mais à la présence de la faune et de la flore locale. Rien à voir avec les aras ou les autres perruches qu'on entend derrière nous. Philippe, vous avez largement contribué à ce que le Bioparc devienne un refuge LPO. Est-ce que vous pouvez nous dire quels ont été les critères déterminants pour que le Bioparc devienne un refuge pour la biodiversité ?
- Speaker #0
La question est un peu complexe, parce que dès qu'on tombe dans le problème des zoos, par rapport au naturaliste, il y a déjà l'animal enfermé, l'animal captif. Là, c'est un tabou. L'animal captif, on n'en veut pas. Effectivement, longtemps, les zoos ont été des prisons à ciel ouvert. Celui-là même, moi je l'ai visité quand c'était le grand-père qui était là. Quand il y avait le lion dans sa grotte avec la grille devant, c'était pas très chouette à voir.
- Speaker #1
C'était pas joli.
- Speaker #0
Donc déjà, quand on se dit qu'il faut bousculer les mentalités, il faut ouvrir les mentalités, ça fait partie de ce travail-là avec les parcs comme le Bioparc. Pourquoi est-ce que j'ai contribué à faire que ce zoo, ce parc zoologique, devienne un refuge LPO ? Il faut rappeler qu'il y a plus de 52300 refuges LPO en France. Il y a plus de 67 000 hectares de ces refuges sur le territoire français, donc de zones où les gens s'engagent à préserver la nature chez eux.
- Speaker #1
Ça peut être un jardin...
- Speaker #0
Ça peut être une jardin, une ferme, il y a des exploitations agricoles, des fermes en serre, généralement des bio d'ailleurs. Ça peut être les terrains d'une entreprise. J'ai visité dernièrement, d'ailleurs dans le prochain Oiseau Magazine, il y aura l'interview de son patron, une usine qui s'appelle Pocheco à côté de Lille, où l'entreprise fonde son bénéfice économique sur le vivant non-humain. Le projet du vivant est au cœur de l'entreprise. Et c'est grâce à cela que l'entreprise survit et vit bien. Et elle fabrique quoi ? Des enveloppes. C'est une usine qui fabrique des enveloppes. Donc on voit bien que l'économie d'ailleurs, il montre très bien que l'économie est le... Ce n'est pas contradictoire, protéger la nature, préserver le vivant et avoir des bénéfices économiques, ce n'est pas du tout contradictoire, au contraire. Pour en revenir au Bioparc, il a fallu bousculer un peu des mentalités. C'est vrai que Pierre Gay, avec ses amitiés, notamment avec les frères Terrasse, Michel et Jean-François Terrasse, il faut rappeler que ce sont eux qui ont été à l'initiative de revoir voler dans les Grandes Causses en France les vautours, qui se sont appuyés au départ sur des... Des relâchés de vautours qui étaient nés dans des parcs zoologiques, et notamment ici à Doué-la-Fontaine. Donc les frères Terrasse ont travaillé avec Pierre Gay. Donc première, voilà une des actions qui montre que le parc zoologique peut avoir directement un lien avec la protection, la contribution à la restauration d'espèces dans des milieux naturels.
- Speaker #1
Oui, il fallait bien des individus à relâcher.
- Speaker #0
Voilà, donc il a fallu convaincre que le zoo... Ce n'était plus là où on enfermait des animaux. Et puis, il y a aussi tous les messages qui sont transmis ici. C'est les messages qu'ils ont transmis au Bioparc. Les messages sur la nature, sur la préservation de la nature, sur la nécessité de préserver le vivant. Il y a l'évolution des zoos aussi. On n'est plus dans des animaux qui sont prélevés dans la nature à l'extérieur et qu'on amène dans les zoos. Ce ne sont que des commerces entre zoos, entre animaux captifs qui se reproduisent. Des échanges. Ce ne sont plus des... Et là, du coup, ça change aussi la donne par rapport à... Avant, on pouvait dire que les zoos, c'était terrible. On allait piquer...
- Speaker #1
Prendre dans la nature.
- Speaker #0
Et beaucoup de gens, j'imagine, quand ils viennent là, le pense toujours. Alors déjà, ça, ça a changé. Et puis, il y a tout l'espace qui est réservé à la faune locale. C'est-à-dire tout ce qui... La LPO du coin est venue faire des inventaires, faune, flore et tout ça. Et bien sûr, à partir du moment où le Bioparc n'utilise pas de pesticides, on en parlait, à un respect du vivant dans son espace, ça devenait donc une possibilité d'en faire un refuge LPO, de montrer la voie. Et ça a été le premier. Il y en a eu d'autres depuis. De la même manière, des golfs. J'ai été le premier en Loire-Atlantique à faire qu'un golf à la Baule devienne refuge LPO. Un golf refuge LPO. Mais c'était un golf qui était dans une dynamique très intéressante sur le plan biodiversité, sur le plan d'utilisation de pesticides. Et après, il y a eu des petits. Il y a eu même un... un accord signé entre la LPO France et une chaîne de golf qui s'engageait justement. Donc on voit bien qu'on peut s'ouvrir, on a besoin de s'ouvrir.
- Speaker #1
Oui c'est important de nouer des liens comme ça avec les entreprises.
- Speaker #0
Et c'est important pour la cause de la biodiversité, c'est ça qui nous importe. Et c'est important pour l'évolution des parcs zoologiques. Il y en a encore qui sont des véritables catastrophes. Donc il faut faire le tri. Il y a eu d'ailleurs une très bonne émission sur les parcs zoologiques. Et je crois qu'en France... Et je crois que le Bioparc s'en était bien tiré. Oui,
- Speaker #1
on est souvent cité en exemple, effectivement, pour notre engagement écologique.
- Speaker #0
Voilà les raisons qui font, mon amitié aussi avec François et Pierre. Toutes ces choses-là, c'est des relations humaines, c'est des relations avec le vivant, c'est des relations avec des mentalités qui changent, des mentalités qui souffrent. On est très content que le Bioparc soit devenu le premier parc zoologique en France. Et je crois que c'est important aussi. Puisqu'on vient de raconter tout ce qui se passe, ce qui est quand même catastrophique, on comprend l'eco-anxiété des jeunes. Ah bah oui. Eh bien, d'avoir les refuges LPO, c'est une action. C'est-à-dire, qu'est-ce qu'on peut faire ? C'est ce que les gens nous demandent. Qu'est-ce qu'on peut faire ? Une fois, il n'y a pas très longtemps, à la télé, on me demande, en Pays de la Loire, on me demande devant l'éco-anxiété, qu'est-ce qu'on peut faire ? Ben, s'engager. Il y a deux solutions. On se rend compte du tranxene Il faut trois solutions. Soit on produit une tranxene, soit on se flingue, soit on agit. Et agir, c'est rejoindre des associations, c'est s'engager auprès de ceux qui agissent. Et dans le quotidien, on a plein de choses qu'on peut faire, dont effectivement, quand on a un jardin, un balcon, tout ça, on peut s'engager pour la biodiversité en créant son refuge LPO, faisant partie de cette grande communauté des refuges LPO.
- Speaker #1
Alors justement, vous avez quelques... Quelques cas pratiques à nous proposer de ce qu'on peut faire chez soi quand on veut protéger la biodiversité ?
- Speaker #0
Déjà, quand on veut protéger la biodiversité, il faut... Alors, quand c'est un refuge, c'est facile parce qu'il y a des cahiers, les gens qui sont en refuge reçoivent, sont en lien, en liaison. Il y a des bulletins de liaison avec tout ce qu'on peut faire.
- Speaker #1
Il y a aussi beaucoup de fiches techniques sur votre site internet.
- Speaker #0
Fiches techniques, c'est vraiment très ouvert. Ça, c'est une façon d'agir concrètement. Et on voit... Je vois des terrains qui, il y a 20 ans, étaient des terrains quasi stériles, à côté de Nantes, qui étaient des anciens terrains des maraîchers nantais. Ce terrain qui était quasi stérile, 20 ans après, un jardin à peu près de moins d'un hectare en permaculture, depuis 20 ans. C'est incroyable. Incroyable ce qu'on y voit, mais c'est incroyable au niveau insectes, au niveau... Là, on met des caméras le soir, tout ça, là. On avait le dernier, il y a deux jours, c'était les hérissons qui sont venus faire la fête et tout ça, dans un coin où il n'y avait rien.
- Speaker #1
Donc on peut restaurer.
- Speaker #0
Donc on peut restaurer. C'est-à-dire que c'est ça, on parle beaucoup, c'est un mot qui a été inventé par Boris Cyrulnik, c'est un mot de l'industrie, c'est un mot de comment les matériaux, une fois déformés, reprennent leur forme. La résilience a été mise sur le plan psychologique par Boris Cyrulnik en parlant des traumatismes qui pouvaient trouver leur résilience au travers d'actions, au travers du pouvoir dire, de pouvoir exprimer les choses. Et ce terme de résilience, et maintenant on l'utilise un peu à tort et à travers, mais quand même qui est intéressant par rapport à la nature. Et c'est vrai que quand on laisse un endroit tranquille, pas de dérangement, pas de chasse, pas de choses comme ça, pas de pesticide, pas de transformation du milieu, la nature reprend vie. Et on peut agir. À part sa consommation ? Oui. Soit on est addict aux publicités et on veut toujours avoir le dernier Apple, le dernier machin, le dernier truc et au niveau des fringues, au niveau de l'alimentation, tout ça, on peut toujours. Alors la consommation, ça, on est captif de ça. Donc là, on peut agir, refuser, dire non. L'argent que j'ai ne va pas me servir à avoir plus. Toujours le terrible dilemme entre être et avoir. Et être mieux, avoir moins, ce n'est pas forcément avoir moins d'ailleurs. C'est... Combien de superflux on a ? On voit bien quand on déménage ou quand on fait, combien est-ce qu'on jette ? Enfin, c'est une catastrophe. Consommer, et puis surtout, aller rencontrer les gens qui connaissent. Connaître, c'est naître avec, c'est avoir cette nouvelle relation avec les gens. Le savoir, ça ne sert pas à grand-chose. Je vais faire une métaphore psychologique. Combien j'ai vu ? J'ai quand même travaillé 30 ans en psychiatrie. Combien j'ai vu dans l'hôpital psychiatrique, je n'étais pas psychiatre moi-même, combien j'ai vu de jeunes étudiants n'allant pas bien en faisant psycho. Je caricature à peine. Je vais aller mieux parce que je vais savoir. Au bout de la troisième page de Freud, ils pensaient qu'ils allaient aller mieux. Mais non, le savoir n'apporte rien. Et moi, j'en ai fait la triste expérience, quand je n'allais pas bien. Ce n'est pas mon savoir à moi sur les mécanismes de l'inconscient qui m'ont servi. C'est d'autres gens qui m'ont dit hop, hop, hop, et qui m'ont permis de... Mais par contre, la connaissance au sens de naître avec, d'être dans la naissance avec les choses, c'est autre chose. Là, c'est une proximité. Et la connaissance avec la nature, avec le vivant, c'est ça qui nous permettra... Donc aller rencontrer, allez rencontrer les gens, allez dans les associations. Il y en ap lein, il n'y a pas que la LPO, mais surtout la LPO. Il y a plein d'associations qui disent venez écouter les messages au Bioparc, venez rencontrer cette nature et dites-vous que sans elle, vous n'êtes rien. Enfin bon, il est urgent d'agir, mais au niveau mondial, il ne faut pas renoncer.
- Speaker #1
De toute façon, on n'a plus vraiment le choix.
- Speaker #0
On n'a plus le choix, il ne faut pas renoncer. Il ne faut surtout pas renoncer. Il y avait... Elle est célèbre cette phrase-là, mais c'était Gramsci, un philosophe communiste italien, qui du fond de sa prison, il n'aimait pas trop les communistes dans les années 30 en Italie, je ne sais pas si vous vous souvenez, il y avait un mec là-bas qui n'était pas terrible, et Gramsci l'écrivait à son frangin un jour, c'est une phrase célèbre que souvent, qui dit : "Le vieux monde est mort, le nouveau monde tardera à apparaître, et dans l'entre-deux naissent des monstres". Effectivement, entre deux, on se bat contre des mondes, des gens qui polluent, des gens qui tuent, des gens qui pillent.
- Speaker #1
On a deux camps en fait.
- Speaker #0
Et il faut qu'on soit là, nous, modestement, mais avec fermeté, avec humilité, mais toujours avec ténacité. Il ne faut pas baisser les bras.
- Speaker #1
Donc il faut qu'on s'allie, tous les gens qui veulent protéger la nature, il faut qu'on s'allie tous ensemble finalement.
- Speaker #0
Oui, puisque les autres, ils y sont reliés. Donc non, il faut qu'on soit solidaires. C'est tellement un joli mot, la solidarité.
- Speaker #1
Ce serait tellement une belle idée aussi d'y arriver. Je reviens sur un petit point aussi par rapport aux trames noires. Philippe, c'est aussi quelque chose d'important, les trames noires, c'est-à-dire des zones sans lumière dans le pays pour la biodiversité à laquelle on ne voit encore moins que les autres, celles qui vivent la nuit. Vous pouvez nous expliquer ce que c'est que les trames noires et à quoi elles sont utiles ?
- Speaker #0
On a parlé des trames vertes et bleues. Alors, l'histoire des trames vertes et bleues, c'est quoi ? À un moment donné, on s'est dit, tiens, on va faire des réserves là où il y a des espèces et des milieux intéressants. C'est sûr qu'avec le changement climatique, dont on parle depuis plus de 40 ans, 50 ans, quand il y en a un qui nous dit, on ne pouvait pas le prévoir, le changement climatique.
- Speaker #1
Qui pouvait le prévoir ?
- Speaker #0
Un président français, mais je ne me souviens pas exactement comment il s'appelle. On s'est aperçu que ces réserves, qui étaient des zones où on allait mettre sous cloche la nature, pour préserver les richesses qu'elles avaient, ça évoluait tellement vite que c'était n'importe quoi. Donc, il fallait créer des ponts entre les réserves. Les espèces ont besoin de se déplacer, y compris les espèces végétales, les arbres se déplacent. Et au fil des... Alors bien, moins vite que les espèces, que les oiseaux, que d'autres espèces, mais leur aire de répartition se déplace. On l'a vu dans l'histoire de la planète avec les glaciations, les réchauffements, les glaciations. On a eu toutes ces évolutions d'espèces qui conquéraient des espaces nouveaux. Pour les réserves, c'était pareil. C'était faire des liens entre les réserves. Pour qu'il y ait des corridors. Les corridors, c'était des trames vertes avec des boisements, des forêts, des haies.
- Speaker #1
Pour qu'ils puissent se poser la nuit, se nourrir, dormir, etc.
- Speaker #0
Les canaux, les rivières et tout ça, on ne traversait plus. On s'est aperçu qu'une chose très simple qui nous échappait, nous on a sans doute peur du noir, les histoires de nos enfances doivent être très traumatisantes et il fallait éclairer la nuit. On éclairait beaucoup. À côté de ça, on éclairait non seulement pour circuler, pour se voir, mais aussi pour éclairer les produits qu'on allait vendre, toutes les publicités lumineuses. Et puis on a monté des gratte-ciels éclairé la nuit. Et on s'est aperçu, on le savait, vous allez à Ouessant, vous allez à Ouessant avec les Ouessantins, moi je l'ai fait une fois, par certaines nuits où le plafond était assez bas et que le phare du Créach tournait, le matin, tous les Ouessantins arrivaient avec leur panier et ils faisaient leur collecte d'oiseaux. Les oiseaux attirés par le phare, à certaines périodes, et j'ai même eu la chance un jour, je faisais un reportage avec FR3, il y avait eu ces conditions-là et j'ai pu attraper devant les caméras une grive mauvis qui était là toute... Non, elle n'était pas morte encore, elle était encore vivante. Donc, la lumière attire les oiseaux comme elle attire les insectes. Et qu'est-ce qu'ils font, les insectes ? Ils se tuent. Les oiseaux, c'est pareil. Donc, on a des milliers d'oiseaux qui se tuent à cause de la lumière. Donc, la trame noire, c'est ça. C'est faire le maximum d'obscurité. Mais nous aussi, on en a besoin.
- Speaker #1
Mais oui, pour notre cerveau, pour qu'il se repose.
- Speaker #0
Nous-mêmes on en a besoin, c'est pas une question. Donc ça s'ajoute à la trame verte et bleue, la trame noire c'est les villages sans lumière. C'est une association qui avait été un peu en pointe, c'est la NPCEN je n'aurais pas dit avec tout le monde ce que ça veut dire pour un ciel sans lumière, sans éclairage nocturne, qui avait été un peu à la pointe de ce combat en France.
- Speaker #1
Il y a plusieurs zones qui existent aujourd'hui. On prend des réserves naturelles, notamment Pic du Midi, ou je pense à certaines autres.
- Speaker #0
Il y a pas mal de villages maintenant qui s'appellent les villages étoilés, où on peut voir les étoiles puisqu'on éteint les lumières. Après, on nous dit que les problèmes de sécurité, jusqu'ici, toutes les études montrent que ça ne joue pas. C'est nous qui avons peur. Il y a des systèmes aussi où l'éclairage s'allume lorsqu'il y a un passage, il y a différentes techniques. Avant, il y avait des réverbères boules qui éclairaient partout. Qui éclairent le ciel. Donc maintenant, c'est obligatoire.
- Speaker #1
Oui, que ce soit au niveau du matériel ou au niveau des pratiques, on voit dans pas mal de villes.
- Speaker #0
J'ai des lampadaires qui éclairent vers le bas. Donc évitez les pollutions lumineuses qui sont un drame qui s'ajoute au reste. Vous prenez les pollutions lumineuses, vous prenez les chats.
- Speaker #1
Les chats domestiques.
- Speaker #0
On peut bien aimer les chats, c'est quand même 75 à 80 millions d'oiseaux par an tués par les chats en France. Minimum. Parce qu'on pense que c'est plus, c'est de la folie.
- Speaker #1
Oui
- Speaker #0
Parce que les chats sont des prédateurs. Ils sont gentils, mais même s'ils ont leur gamelle... de bouffe, ils vont aller chasser. C'est leur boulot. Ils ne savent faire que ça. Vous avez vu la pollution humide, les pesticides, les chats, la chasse, le pillage des océans par les pêches qui raclent le fond de manière inconsidérée. Vous avez les raisons déjà, et puis la destruction des milieux, comme on disait au début. Vous avez là un état des lieux qui fait que ce besoin de solidarité entre nous, pour pouvoir nous... reconquérir notre rapport à notre nature et préserver et faire renaître ce vivant qui ne demande que ça, c'est l'essentiel de notre boulot actuellement.
- Speaker #1
Oui, et alors, justement, depuis le début de la création de la LPO, les combats ont évolué. Vous parliez tout à l'heure, au début, c'était au niveau des macareux, pour éviter la chasse des macareux. Aujourd'hui, contre quoi la LPO se bat ?
- Speaker #0
D'abord, deux choses. La première, en 2012, on a fêté le centenaire de la LPO. J'y ai beaucoup travaillé, j'étais l'administrateur référent pour toute l'organisation de ce centenaire. On s'est replongé dans l'histoire de la LPO, bien sûr. Et qu'est-ce qu'on a découvert ? On a découvert que les combats en 1912, les premiers ornithologues qui ont créé la LPO, ils sortaient de l'association, une association parisienne, ils ont créé la LPO pour être plus militants, plus proches. Leur combat, c'était l'ortolan, c'était les oiseaux des campagnes, c'était les mêmes, avec une grande humilité et aussi une grande perplexité. On s'est aperçu que nos prédécesseurs... menait les mêmes combats qu'on menait quand on allait se prendre des coups de pelle avec Alain Bougrain-Dubourg, aux ortolans. Souvenez-vous de l'histoire de l'homme en slip à la pelle qui nous a permis, tiens l'oedicnème digne m'est là, l'oedicnème criard là, sur les rochers. Non parce qu'on est quand même dans un parc zoologique, il y a des oiseaux, faut le dire aux auditeurs. Donc on a les tisserins gendarmes autour de nous. Je vous dis pas ce que ceux deux là font mais c'est un mâle et une femelle, il y en a un qui est l'un sur l'autre. Je ne vous raconte pas ce qu'ils font.
- Speaker #1
On a la chance d'en apprendre beaucoup sur les animaux en les observant ici.
- Speaker #0
Ça, c'est sûr qu'on apprend beaucoup de choses. Je suis en train de faire l'analyse. Alors, on disait, on parlait de...
- Speaker #1
On parlait de l'ortolan et de l'homme en slip.
- Speaker #0
Donc, on s'est aperçu que les combats de la "LPO naissance" ont mené les mêmes. En 1912, on a affirmé, confirmé... mis dans nos statuts, même si ça ne l'était déjà, puisqu'on s'occupait des oiseaux et des milieux dont ils dépendent. Faune et flore dont ils dépendent. Donc protéger les oiseaux et les milieux dont ils dépendent, c'était protéger toute la biodiversité. Mais on l'affirmait un peu mieux dans nos statuts maintenant, toute la biodiversité. On s'occupe aussi bien, on était sur le terrain des dauphins. C'est nous qui avons...
- Speaker #1
Oui, parce que vous n'êtes pas limité aux oiseaux finalement.
- Speaker #0
Non, non, la LPO, c'est la biodiversité. On a gardé LPO, parce que c'est notre histoire. Mais on ne devrait plus dire Ligue pour la Protection des Oiseaux on devrait dire LPO et notre ligne derrière, c'est "Agir pour la biodiversité". C'est plus ça, notre idée. Donc, on s'est aperçu avec humilité qu'avec nos prédécesseurs ont converge toujours vers les mêmes combats. Donc, c'est un petit peu angoissant. On est toujours sur la brèche, on est toujours. Et maintenant, on est allergique aux combats parce que l'effondrement de la biodiversité est tel, qu'il faut être tout à subit. Donc, on est sans arrêt sur le terrain. Mais il y a un truc important à dire, c'est que nos victoires, en fait, vous pouvez le dire tout à fait trivialement, on gagne quand on évite que des conneries soient faites. C'est un peu limite. C'est-à-dire qu'on empêche des trucs d'être faits, mais des trucs qui ne devraient pas être même imaginés. Alors qu'on n'est pas encore dans des victoires qui font changer ce qu'on disait tout à l'heure, changer la mentalité. On a vraiment l'impression qu'on va bouleverser les choses. Là, maintenant, on empêche une connerie d'être faite et on est content. Un exemple qui m'est personnel. Il y a deux ans, trois ans, trois ans, oui. Je suis à un pique-nique, le dernier pique-nique dans les marais de Machecoul près de Nantes. Marais de Machecoul près de Nantes, zone Natura 2000, zone RAMSAR, donc des labellisations...
- Speaker #1
Pour les zones humides.
- Speaker #0
Pour les zones humides. Grâce à un permis précaire délivré par le Préfet, grâce au soutien d'une avocate que tout le monde connaît et tout le monde pense que c'est la plus grande écologiste de France, et je ne dirai pas son nom parce que je vais me faire gronder, elle défend une entreprise, puisqu'on avait essayé d'empêcher le truc de se faire, de venir dans ces marais de Machecoul où s'installer pendant quatre ans, faire voler des voiles de kite pour sauver le climat. On va sauver le climat en mettant des voiles de kite sur les paquebots pour leur faire économiser du fioul. Donc ça, on s'en fout, ça peut marcher. Il suffit qu'ils réduisent d'un nœud leur vitesse, ils font la même économie, mais ce n'est pas grave. Laissons-les jouer avec leur kite, c'est très bien. Mais ils s'installaient dans un milieu comme ça, pendant quatre ans, à faire voler leur voile de kite, où il y a plein d'oiseaux. Moi, j'ai commencé l'ornito dans ces marais-là. Donc, il y avait les gens du coin qui s'étaient mobilisés. Et puis... On arrive juste à faire déplacer les travaux qui devaient commencer au printemps. On arrive à faire déplacer ça en septembre, à sauver une année de nidification. Et on se fait débouter du reste par l'avocate de l'entreprise en question. Aircize ?
- Speaker #1
Sous couvert de faire quelque chose.
- Speaker #0
Elle est fantastique. Elle connaît très fort. Elle connaît super bien les dossiers. Très intelligente. Mais bon, bref. Donc, elle nous a débouté. On perd le procès. On a juste... On gagne juste quelques mois. Septembre dernier, je suis à ce pique-nique, on me demande de causer, je cause et je dis "Écoutez on est dimanche. Les travaux commencent vendredi. J'ai une dernière cartouche. Mercredi, je suis au ministère de l'Écologie pour une conférence sur la biodiversité et climat, même combat, va avec Valérie Masson-Delmotte, justement". Et c'est Barbara Pompili qui est Ministre à l'époque. Dernière cartouche, j'y vais, je vais à cette soirée, 300 personnes dans la salle, je connais un peu le rituel, je sais qu'après la conférence magnifique de Valérie Masson-Delmotte, il y a des questions, mais très peu, donc je suis prêt. Et au moment où Valérie Masson-Delmotte se tourne vers moi, bon Philippe, c'est déjà la main levée. Donc il y a eu deux questions, on a bien. Et je pose cette question, je dis "Qu'est-ce que ça veut dire ? Vous parlez de ce lien, on sauvera le climat, en même temps que la biodiversité, on ne pourra pas séparer les deux. Qu'est-ce que vous pensez de...", et je cite l'histoire, et puis pour ne pas paraître pour l'écolo local, je dis aussi "qu'est-ce que vous pensez aussi de ces entreprises multinationales de l'hémisphère nord, notamment en Europe, qui pour s'affranchir de la baisse de leurs émissions de gaz à effet de serre, vont planter des milliers d'hectares de pins et d'eucalyptus en Afrique ?". C'est quand même une sacrée performance, de planter des pins et des eucalyptus en Afrique pour pouvoir vendre leur non-effort à réduire leur émission de gaz. Elle répond aux deux questions, longuement sur cette histoire de Machecoul, mais je n'avais pas vu le nom de l'entreprise. Elle répond longuement, elle dit, je comprends pas, effectivement, ça paraît tellement bizarre. Bon, la soirée, Barbara Pompili, on va boire un coup, et là, je vois un homme venir vers moi, qui me dit, vous avez parlé d'Aircize, c'est Aircize? J'ai dit, oui, vous connaissez ? Il me dit, oui, mais ça se fera pas. Je lui ai dit, on est mercredi soir, ça commence vendredi. Oh, il dit, oh, j'ai largement le temps. J'ai largement le temps. C'était un des patrons d'Airbus, Aircizcize étant une filiale d'Airbus. Ils venaient d'élire dans leur groupe Aircize comme la filiale la plus vertueuse sur le plan de l'écologie. Il dit, oh là là, là, on se prend, on se prend tous dans la figPre. Et le vendredi... Je suis dans le train avec le Président de RAMSAR France en plus, Jérôme Bignon, Sénateur à l'époque, il n'est plus maintenant, mais il a arrêté d'être sénateur. On est dans le train, j'ai une alerte téléphonique et je vois "Coup de tonnerre à Machecoul, Aircize improvise une conférence de presse, ils abandonnent le projet volet marin".
- Speaker #1
Ça s'est tenu à pas grand-chose.
- Speaker #0
Non, mais c'est pour venir au truc. Qu'est-ce que j'ai fait là ? Grande victoire ? On a évité une connerie, mais ce n'est même pas pensable de faire un truc comme ça. Et là, on est content, on crie victoire, victoire. Mais c'est désespérant.
- Speaker #1
Alors, c'est petit à petit, quoi. Ça fait un peu... Vous avez sauvé les meubles, quoi. Mais c'est effectivement pas des plans à long terme. Il n'y a pas de vision.
- Speaker #0
On empêche beaucoup de conneries de se faire, mais on n'a pas de vraie victoire encore sur la vision de la société de demain, celle où enfin l'alliance avec le vivant sera considérée comme le moteur des relations à la fois économiques, politiques et sociales.
- Speaker #1
Alors si je peux conclure, je dirais qu'on peut choisir pour sauver la biodiversité de mener des actions dans son jardin, mais on peut aussi en tant qu'habitant de sa commune plaider pour plus de nature en ville, en tant que parent d'élève ou salarié d'une entreprise, on peut aussi oeuvrer pour des zones de biodiversité et en tant que citoyen on peut donner son avis, aller voter, on peut se former, s'informer et aussi évidemment donner de son temps pour des associations comme la vôtre, Philippe de Grissac.
- Speaker #0
Je n'ai rien à ajouter. Tout est résumé, tout est lu. Merci beaucoup. Merci à vous.
- Speaker #1
Voilà, c'est la fin de cet épisode. Merci de l'avoir écouté jusqu'au bout. Abonnez-vous s'il vous a plu. Et pour en savoir plus sur le bioparc, rendez-vous sur www.bioparc-zoo.fr.