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Qui veut être mon associé ?

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10min |05/09/2024
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Description

Qui veut être mon associé ? sur M6, Shark Tank aux Etats-Unis, Dragons’Den au Royaume-Uni ou Die Höhle der Löwen en Allemagne. Le principe de ces émissions est le même : Des candidats défendent leur projet face à des investisseurs. Pour ça, ils reprennent le principe du pitch - pratique courante chez les startups - pour convaincre le jury en quelques minutes.


S’ils y parviennent, les célèbres financiers apporteront de l’argent en échange d’un pourcentage de la société. L’objectif ? Démocratiser l’entrepreneuriat et encourager les gens à monter une boîte. Et il faut croire que ça marche ! Puisque chaque émission rassemble plusieurs millions de téléspectateurs. 


Ces succès sont l’occasion pour moi de revenir sur le modèle du chef d’entreprise véhiculé par les médias, et notamment dans ce type d’émissions populaire. Quelle image de l’entrepreneur ces émissions renvoient-elle ? Lâchez votre zappette quelques instants, je prend la télécommande.


———————————————————


🖋 Ecriture, réalisation et montage : Jérémie Renouf


✍️Sommaire :

0:00 : Introduction

0:52 : Les origines de l'émission

3:43 : Le fonctionnement du programme

6:30 : Les différences avec l'étranger

9:32 : Conclusion


👂Rejoignez-moi sur les réseaux :

➜ Linkedin : https://www.linkedin.com/in/renoufjeremie/

➜ TikTok : https://www.tiktok.com/@jeremierenouf

➜ Instagram : https://www.instagram.com/jeremierenouf/

➜ Threads : https://www.threads.net/@jeremierenouf

➜ ResearchGate : https://www.researchgate.net/profile/Jeremie-Renouf 


📚Pour en savoir plus :

Clingingsmith, David, Mark Conley, et Scott Shane (2022) « How Pitch Order Affects Investor Interest », Journal of Innovation Economics & Management, 37(1)139-175

Gabay-Mariani, Laëtitia, Romain Buquet, et Sylvain Bureau (2021) « Le piège du pitch ou l’ambivalente performance d’un discours spectaculaire », Entreprendre & Innover, 51(4)43-56.

Lavanchy Maude, Reichert Patrick, Joshi Amit (2022), « Blood in the water: An abductive approach to startup valuation on ABC's Shark Tank », Journal of Business Venturing Insights, vol. 17

Lefebvre Vincent, Certhoux Gilles (2022), « Acting as a business angel to become a better entrepreneur: A learning innovation », Entrepreneurship Education and Pedagogy, 0(0)1-21

Vitanova, Ivana, (2023), « Self-presentation in entrepreneurial pitches: a review of literature using the dramaturgical approach », Revue de l’Entrepreneuriat, 23(01)169-183


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Qui veut être mon associé sur M6, Shark Tank aux Etats-Unis, Dragons'Den au Royaume-Uni ou Die Höhle der Löven en Allemagne ? Le principe de ces émissions est le même, les candidats défendent leurs projets face à des investisseurs. Pour ça, ils reprennent le principe du pitch, pratique courante chez les startups, pour convaincre le jury en quelques minutes. S'ils y parviennent, les célèbres financiers apporteront de l'argent en échange d'un pourcentage de la société. L'objectif ? démocratiser l'entrepreneuriat et encourager les gens à monter une boîte. Et il faut croire que ça marche, puisque chaque émission rassemble plusieurs millions de téléspectateurs. Ces succès sont l'occasion pour moi de revenir sur le modèle du chef d'entreprise véhiculé par les médias, et notamment dans ce type d'émissions populaires. Quelle image de l'entrepreneur ces émissions renvoient-elles ? Lâchez votre zapette quelques instants, je prends la télécommande. L'utilisation du mot pitch pour désigner un discours apparaît dans les années 40. Il renvoie alors à l'argumentaire de vente, voire au baratin publicitaire. Il s'est ensuite répandu dans l'univers des entrepreneurs avec le développement technologique des années 80. Mais il ne concernait au départ qu'une certaine catégorie, les start-up. Désormais, on utilise le pitch à tout bout de champ, dans les grandes entreprises, pour lancer une association, pour expliquer une thèse et même à la place du CV.

  • (extrait)

  • Speaker #0

    Faire pitcher des patrons devant des investisseurs à la télé n'est donc pas une nouveauté. Après tout, Dragons' Den, littéralement dans l'œil du dragon, existe depuis 20 ans sur la BBC. Elle est basée sur une émission japonaise lancée en 2001 qui s'est depuis exportée dans plus de 40 pays.

  • (extrait)

  • Speaker #0

    Et selon les régions du monde... Le dragon se transforme tantôt en lion, en requin ou en tigre. Leur point commun ? Des animaux synonymes de force, d'intelligence et qu'il ne faut pas trop taquiner. Mais qui veut être mon associé ? sur M6 n'a pas cédé à cette tendance animalière. La raison est simple, les représentations associées à ces animaux sont aussi négatives. Si vous avez déjà vu un lion bouffer une gazelle, vous voyez ce que je veux dire. L'émission n'est pas la première du genre en France. En 1986, un programme similaire existait sur TF1, animé par un certain Bernard Tapie. Ambition, c'était le nom de l'émission, consistait à aider des jeunes à monter leur boîte. A cette époque, Tapie était un homme d'affaires très populaire. Issu d'un milieu ouvrier, il n'était pas ce que l'on appelle un fils de... A la différence de nombreux patrons de son époque, comme Lagardère ou Bolloré, Tapie était considéré comme un gars de la rue qui a su construire une fortune avec des idées et de l'audace. Probablement un peu trop. Ça lui a valu beaucoup d'amis et aussi d'ennemis. L'émission a rapidement été déprogrammée, officiellement par manque d'audience. Aujourd'hui, les investisseurs de ces émissions sont des entrepreneurs triés sur le bolet qui véhiculent une personnalité appréciée dans la culture locale. Et certains sont proches de cette figure de l'entrepreneur méritant. Par exemple, dans la version américaine, les investisseurs Robert Herjavec et John Daymond sont passés de la pauvreté à la richesse. La famille croate de Robert est arrivée au Canada avec seulement 20 dollars en poche. John, quant à lui, est né à Brooklyn et a commencé à travailler à l'âge de 10 ans. Dans la version française, cette image de la réussite au mérite est notamment incarnée par Anthony Bourbon, ancien SDF devenu millionnaire. Le fonctionnement de ces émissions est basé sur le pitch. C'est un exercice plutôt utile pour faire passer un message et essayer de vendre. Et il peut aussi déformer la réalité, surtout dans une émission de télé. Car si on regarde sous le capot, eh bien parfois il y a de la casse. En réalité, la plupart des transactions que l'on voit à la télé ne se font pas, ne se font pas dans les mêmes conditions. Car vous vous doutez bien que tout ne se joue pas en quelques minutes. Il y a des informations détaillées à donner aux investisseurs avant qu'ils ne sortent le carnet de chèques. Du coup, les entrepreneurs sélectionnés mettent en place des stratégies. Une équipe de chercheurs suisses s'est d'ailleurs penchée sur les questions. Ils ont passé au crible les saisons 1 à 6 de Shark Tank aux Etats-Unis, soit l'équivalent de 500 émissions. Ça fait pas mal d'heures de visionnage. Il conclut qu'il est préférable d'essayer de convaincre un ou deux investisseurs plutôt que de vouloir convaincre tout le panel. Car en se concentrant sur seulement certains d'entre eux, les résultats sont meilleurs. C'est une manière de répondre plus précisément aux questions et aussi de mettre en concurrence les investisseurs qui ne manquent pas une occasion de faire le show face à des millions de téléspectateurs. Que les négociations aboutissent ou pas, rien que passer dans ces émissions est un sacré coup de pub. Car seulement 1% des candidatures reçues sont sélectionnées, ce qui en fait l'un des programmes les plus sélectifs au monde. Par exemple, l'un des pitchs les plus populaires est celui de Aaron Krause, inventeur de Scrub Daddy,

  • (extrait)

  • Speaker #0

    L'histoire véhiculée avec Aaron est celle d'un touche-à-tout qui a essuyé beaucoup d'échecs avant de trouver la bonne idée. Après son passage, les ventes ont littéralement explosé. faisant de la petite éponge l'un des plus gros succès de l'émission américaine. Comme quoi, les idées les plus simples sont parfois les meilleures. D'un pays à l'autre, ces émissions ont quand même quelques différences. Par exemple, dans la version française, les investisseurs n'ont pas un gros tas de billets posés sur une table devant eux et ne jouent pas avec. L'argent est un peu tabou en France. Une autre différence est le diffuseur. Car au Royaume-Uni et au Canada, les émissions sont diffusées sur le service public, ABC et CBC, alors que dans les versions américaines et allemandes, elles sont diffusées sur des chaînes privées, ABC et Vox. Du coup, sur les chaînes publiques, le format doit avoir un certain aspect pédagogique qu'on ne retrouve pas forcément sur les chaînes privées.

  • (extrait)

  • Speaker #0

    Ces émissions sont diffusées à des heures de grande écoute. Il faut donc pouvoir parler à différentes communautés. Aux Etats-Unis, il va y avoir pas mal de passages avec des vétérans de l'armée américaine ou avec des immigrés mexicains. En Angleterre, les enfants sont souvent mis à l'honneur. En France, on va trouver beaucoup de projets qui ont une portée environnementale ou sociale. Par exemple, Sarah Da Silva Gomez a fait une apparition remarquée à la saison 1. Inspirée par son frère cloué dans un fauteuil, elle est la fondatrice d'une marque de vêtements adaptée pour les personnes à mobilité réduite.

  • (extrait)

  • Speaker #0

    Elle repartira de l'émission avec un gros chèque et une avalanche de soutien sur les réseaux sociaux. Les émissions doivent faire de l'audience l'humour et donc un bon moyen pour y arriver. La version américaine a été jusqu'à intégrer des faux pitchs sous la forme de sketchs. Personnellement, j'aime bien les passages de l'humoriste Jimmy Kimmel. Il a par exemple déguisé un enfant en un énorme cône de chantier pour vendre un système de protection censé être révolutionnaire. Il a aussi habillé un cheval d'un pantalon et d'un legging, car il a fait le constat que 0% de ses animaux emportaient et donc que logiquement, il y avait un sacré business à se faire. Si vous voulez en savoir plus, j'ai construit cet épisode à l'aide des analyses de Laëtitia Gabay-Mariani, Romain Buquet et Sylvain Bureau, professeurs à l'ESCCA et à l'ESCP Europe. Ils ont écrit un papier publié dans la revue Entreprendre et Innover qui débunque la pratique du pitch. Je me suis aussi beaucoup appuyé sur les conclusions de Maude Lavanchy, Patrick Reichert et Amit Joshi. Cette équipe de chercheurs suisse a étudié près de 500 pitches de l'émission Shark Tank aux Etats-Unis. Les résultats sont publiés dans la revue Journal of Business Venturing Insights. Leur article s'intitule Blood in the Water littéralement du sang dans l'eau. Avec un titre pareil, ça annonce la couleur. Les références sont en description, elles sont en français ou en anglais. Sur ce, je vous laisse à votre programme télé. A bientôt pour un prochain épisode. Salut !

Description

Qui veut être mon associé ? sur M6, Shark Tank aux Etats-Unis, Dragons’Den au Royaume-Uni ou Die Höhle der Löwen en Allemagne. Le principe de ces émissions est le même : Des candidats défendent leur projet face à des investisseurs. Pour ça, ils reprennent le principe du pitch - pratique courante chez les startups - pour convaincre le jury en quelques minutes.


S’ils y parviennent, les célèbres financiers apporteront de l’argent en échange d’un pourcentage de la société. L’objectif ? Démocratiser l’entrepreneuriat et encourager les gens à monter une boîte. Et il faut croire que ça marche ! Puisque chaque émission rassemble plusieurs millions de téléspectateurs. 


Ces succès sont l’occasion pour moi de revenir sur le modèle du chef d’entreprise véhiculé par les médias, et notamment dans ce type d’émissions populaire. Quelle image de l’entrepreneur ces émissions renvoient-elle ? Lâchez votre zappette quelques instants, je prend la télécommande.


———————————————————


🖋 Ecriture, réalisation et montage : Jérémie Renouf


✍️Sommaire :

0:00 : Introduction

0:52 : Les origines de l'émission

3:43 : Le fonctionnement du programme

6:30 : Les différences avec l'étranger

9:32 : Conclusion


👂Rejoignez-moi sur les réseaux :

➜ Linkedin : https://www.linkedin.com/in/renoufjeremie/

➜ TikTok : https://www.tiktok.com/@jeremierenouf

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➜ Threads : https://www.threads.net/@jeremierenouf

➜ ResearchGate : https://www.researchgate.net/profile/Jeremie-Renouf 


📚Pour en savoir plus :

Clingingsmith, David, Mark Conley, et Scott Shane (2022) « How Pitch Order Affects Investor Interest », Journal of Innovation Economics & Management, 37(1)139-175

Gabay-Mariani, Laëtitia, Romain Buquet, et Sylvain Bureau (2021) « Le piège du pitch ou l’ambivalente performance d’un discours spectaculaire », Entreprendre & Innover, 51(4)43-56.

Lavanchy Maude, Reichert Patrick, Joshi Amit (2022), « Blood in the water: An abductive approach to startup valuation on ABC's Shark Tank », Journal of Business Venturing Insights, vol. 17

Lefebvre Vincent, Certhoux Gilles (2022), « Acting as a business angel to become a better entrepreneur: A learning innovation », Entrepreneurship Education and Pedagogy, 0(0)1-21

Vitanova, Ivana, (2023), « Self-presentation in entrepreneurial pitches: a review of literature using the dramaturgical approach », Revue de l’Entrepreneuriat, 23(01)169-183


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Qui veut être mon associé sur M6, Shark Tank aux Etats-Unis, Dragons'Den au Royaume-Uni ou Die Höhle der Löven en Allemagne ? Le principe de ces émissions est le même, les candidats défendent leurs projets face à des investisseurs. Pour ça, ils reprennent le principe du pitch, pratique courante chez les startups, pour convaincre le jury en quelques minutes. S'ils y parviennent, les célèbres financiers apporteront de l'argent en échange d'un pourcentage de la société. L'objectif ? démocratiser l'entrepreneuriat et encourager les gens à monter une boîte. Et il faut croire que ça marche, puisque chaque émission rassemble plusieurs millions de téléspectateurs. Ces succès sont l'occasion pour moi de revenir sur le modèle du chef d'entreprise véhiculé par les médias, et notamment dans ce type d'émissions populaires. Quelle image de l'entrepreneur ces émissions renvoient-elles ? Lâchez votre zapette quelques instants, je prends la télécommande. L'utilisation du mot pitch pour désigner un discours apparaît dans les années 40. Il renvoie alors à l'argumentaire de vente, voire au baratin publicitaire. Il s'est ensuite répandu dans l'univers des entrepreneurs avec le développement technologique des années 80. Mais il ne concernait au départ qu'une certaine catégorie, les start-up. Désormais, on utilise le pitch à tout bout de champ, dans les grandes entreprises, pour lancer une association, pour expliquer une thèse et même à la place du CV.

  • (extrait)

  • Speaker #0

    Faire pitcher des patrons devant des investisseurs à la télé n'est donc pas une nouveauté. Après tout, Dragons' Den, littéralement dans l'œil du dragon, existe depuis 20 ans sur la BBC. Elle est basée sur une émission japonaise lancée en 2001 qui s'est depuis exportée dans plus de 40 pays.

  • (extrait)

  • Speaker #0

    Et selon les régions du monde... Le dragon se transforme tantôt en lion, en requin ou en tigre. Leur point commun ? Des animaux synonymes de force, d'intelligence et qu'il ne faut pas trop taquiner. Mais qui veut être mon associé ? sur M6 n'a pas cédé à cette tendance animalière. La raison est simple, les représentations associées à ces animaux sont aussi négatives. Si vous avez déjà vu un lion bouffer une gazelle, vous voyez ce que je veux dire. L'émission n'est pas la première du genre en France. En 1986, un programme similaire existait sur TF1, animé par un certain Bernard Tapie. Ambition, c'était le nom de l'émission, consistait à aider des jeunes à monter leur boîte. A cette époque, Tapie était un homme d'affaires très populaire. Issu d'un milieu ouvrier, il n'était pas ce que l'on appelle un fils de... A la différence de nombreux patrons de son époque, comme Lagardère ou Bolloré, Tapie était considéré comme un gars de la rue qui a su construire une fortune avec des idées et de l'audace. Probablement un peu trop. Ça lui a valu beaucoup d'amis et aussi d'ennemis. L'émission a rapidement été déprogrammée, officiellement par manque d'audience. Aujourd'hui, les investisseurs de ces émissions sont des entrepreneurs triés sur le bolet qui véhiculent une personnalité appréciée dans la culture locale. Et certains sont proches de cette figure de l'entrepreneur méritant. Par exemple, dans la version américaine, les investisseurs Robert Herjavec et John Daymond sont passés de la pauvreté à la richesse. La famille croate de Robert est arrivée au Canada avec seulement 20 dollars en poche. John, quant à lui, est né à Brooklyn et a commencé à travailler à l'âge de 10 ans. Dans la version française, cette image de la réussite au mérite est notamment incarnée par Anthony Bourbon, ancien SDF devenu millionnaire. Le fonctionnement de ces émissions est basé sur le pitch. C'est un exercice plutôt utile pour faire passer un message et essayer de vendre. Et il peut aussi déformer la réalité, surtout dans une émission de télé. Car si on regarde sous le capot, eh bien parfois il y a de la casse. En réalité, la plupart des transactions que l'on voit à la télé ne se font pas, ne se font pas dans les mêmes conditions. Car vous vous doutez bien que tout ne se joue pas en quelques minutes. Il y a des informations détaillées à donner aux investisseurs avant qu'ils ne sortent le carnet de chèques. Du coup, les entrepreneurs sélectionnés mettent en place des stratégies. Une équipe de chercheurs suisses s'est d'ailleurs penchée sur les questions. Ils ont passé au crible les saisons 1 à 6 de Shark Tank aux Etats-Unis, soit l'équivalent de 500 émissions. Ça fait pas mal d'heures de visionnage. Il conclut qu'il est préférable d'essayer de convaincre un ou deux investisseurs plutôt que de vouloir convaincre tout le panel. Car en se concentrant sur seulement certains d'entre eux, les résultats sont meilleurs. C'est une manière de répondre plus précisément aux questions et aussi de mettre en concurrence les investisseurs qui ne manquent pas une occasion de faire le show face à des millions de téléspectateurs. Que les négociations aboutissent ou pas, rien que passer dans ces émissions est un sacré coup de pub. Car seulement 1% des candidatures reçues sont sélectionnées, ce qui en fait l'un des programmes les plus sélectifs au monde. Par exemple, l'un des pitchs les plus populaires est celui de Aaron Krause, inventeur de Scrub Daddy,

  • (extrait)

  • Speaker #0

    L'histoire véhiculée avec Aaron est celle d'un touche-à-tout qui a essuyé beaucoup d'échecs avant de trouver la bonne idée. Après son passage, les ventes ont littéralement explosé. faisant de la petite éponge l'un des plus gros succès de l'émission américaine. Comme quoi, les idées les plus simples sont parfois les meilleures. D'un pays à l'autre, ces émissions ont quand même quelques différences. Par exemple, dans la version française, les investisseurs n'ont pas un gros tas de billets posés sur une table devant eux et ne jouent pas avec. L'argent est un peu tabou en France. Une autre différence est le diffuseur. Car au Royaume-Uni et au Canada, les émissions sont diffusées sur le service public, ABC et CBC, alors que dans les versions américaines et allemandes, elles sont diffusées sur des chaînes privées, ABC et Vox. Du coup, sur les chaînes publiques, le format doit avoir un certain aspect pédagogique qu'on ne retrouve pas forcément sur les chaînes privées.

  • (extrait)

  • Speaker #0

    Ces émissions sont diffusées à des heures de grande écoute. Il faut donc pouvoir parler à différentes communautés. Aux Etats-Unis, il va y avoir pas mal de passages avec des vétérans de l'armée américaine ou avec des immigrés mexicains. En Angleterre, les enfants sont souvent mis à l'honneur. En France, on va trouver beaucoup de projets qui ont une portée environnementale ou sociale. Par exemple, Sarah Da Silva Gomez a fait une apparition remarquée à la saison 1. Inspirée par son frère cloué dans un fauteuil, elle est la fondatrice d'une marque de vêtements adaptée pour les personnes à mobilité réduite.

  • (extrait)

  • Speaker #0

    Elle repartira de l'émission avec un gros chèque et une avalanche de soutien sur les réseaux sociaux. Les émissions doivent faire de l'audience l'humour et donc un bon moyen pour y arriver. La version américaine a été jusqu'à intégrer des faux pitchs sous la forme de sketchs. Personnellement, j'aime bien les passages de l'humoriste Jimmy Kimmel. Il a par exemple déguisé un enfant en un énorme cône de chantier pour vendre un système de protection censé être révolutionnaire. Il a aussi habillé un cheval d'un pantalon et d'un legging, car il a fait le constat que 0% de ses animaux emportaient et donc que logiquement, il y avait un sacré business à se faire. Si vous voulez en savoir plus, j'ai construit cet épisode à l'aide des analyses de Laëtitia Gabay-Mariani, Romain Buquet et Sylvain Bureau, professeurs à l'ESCCA et à l'ESCP Europe. Ils ont écrit un papier publié dans la revue Entreprendre et Innover qui débunque la pratique du pitch. Je me suis aussi beaucoup appuyé sur les conclusions de Maude Lavanchy, Patrick Reichert et Amit Joshi. Cette équipe de chercheurs suisse a étudié près de 500 pitches de l'émission Shark Tank aux Etats-Unis. Les résultats sont publiés dans la revue Journal of Business Venturing Insights. Leur article s'intitule Blood in the Water littéralement du sang dans l'eau. Avec un titre pareil, ça annonce la couleur. Les références sont en description, elles sont en français ou en anglais. Sur ce, je vous laisse à votre programme télé. A bientôt pour un prochain épisode. Salut !

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Qui veut être mon associé ? sur M6, Shark Tank aux Etats-Unis, Dragons’Den au Royaume-Uni ou Die Höhle der Löwen en Allemagne. Le principe de ces émissions est le même : Des candidats défendent leur projet face à des investisseurs. Pour ça, ils reprennent le principe du pitch - pratique courante chez les startups - pour convaincre le jury en quelques minutes.


S’ils y parviennent, les célèbres financiers apporteront de l’argent en échange d’un pourcentage de la société. L’objectif ? Démocratiser l’entrepreneuriat et encourager les gens à monter une boîte. Et il faut croire que ça marche ! Puisque chaque émission rassemble plusieurs millions de téléspectateurs. 


Ces succès sont l’occasion pour moi de revenir sur le modèle du chef d’entreprise véhiculé par les médias, et notamment dans ce type d’émissions populaire. Quelle image de l’entrepreneur ces émissions renvoient-elle ? Lâchez votre zappette quelques instants, je prend la télécommande.


———————————————————


🖋 Ecriture, réalisation et montage : Jérémie Renouf


✍️Sommaire :

0:00 : Introduction

0:52 : Les origines de l'émission

3:43 : Le fonctionnement du programme

6:30 : Les différences avec l'étranger

9:32 : Conclusion


👂Rejoignez-moi sur les réseaux :

➜ Linkedin : https://www.linkedin.com/in/renoufjeremie/

➜ TikTok : https://www.tiktok.com/@jeremierenouf

➜ Instagram : https://www.instagram.com/jeremierenouf/

➜ Threads : https://www.threads.net/@jeremierenouf

➜ ResearchGate : https://www.researchgate.net/profile/Jeremie-Renouf 


📚Pour en savoir plus :

Clingingsmith, David, Mark Conley, et Scott Shane (2022) « How Pitch Order Affects Investor Interest », Journal of Innovation Economics & Management, 37(1)139-175

Gabay-Mariani, Laëtitia, Romain Buquet, et Sylvain Bureau (2021) « Le piège du pitch ou l’ambivalente performance d’un discours spectaculaire », Entreprendre & Innover, 51(4)43-56.

Lavanchy Maude, Reichert Patrick, Joshi Amit (2022), « Blood in the water: An abductive approach to startup valuation on ABC's Shark Tank », Journal of Business Venturing Insights, vol. 17

Lefebvre Vincent, Certhoux Gilles (2022), « Acting as a business angel to become a better entrepreneur: A learning innovation », Entrepreneurship Education and Pedagogy, 0(0)1-21

Vitanova, Ivana, (2023), « Self-presentation in entrepreneurial pitches: a review of literature using the dramaturgical approach », Revue de l’Entrepreneuriat, 23(01)169-183


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Qui veut être mon associé sur M6, Shark Tank aux Etats-Unis, Dragons'Den au Royaume-Uni ou Die Höhle der Löven en Allemagne ? Le principe de ces émissions est le même, les candidats défendent leurs projets face à des investisseurs. Pour ça, ils reprennent le principe du pitch, pratique courante chez les startups, pour convaincre le jury en quelques minutes. S'ils y parviennent, les célèbres financiers apporteront de l'argent en échange d'un pourcentage de la société. L'objectif ? démocratiser l'entrepreneuriat et encourager les gens à monter une boîte. Et il faut croire que ça marche, puisque chaque émission rassemble plusieurs millions de téléspectateurs. Ces succès sont l'occasion pour moi de revenir sur le modèle du chef d'entreprise véhiculé par les médias, et notamment dans ce type d'émissions populaires. Quelle image de l'entrepreneur ces émissions renvoient-elles ? Lâchez votre zapette quelques instants, je prends la télécommande. L'utilisation du mot pitch pour désigner un discours apparaît dans les années 40. Il renvoie alors à l'argumentaire de vente, voire au baratin publicitaire. Il s'est ensuite répandu dans l'univers des entrepreneurs avec le développement technologique des années 80. Mais il ne concernait au départ qu'une certaine catégorie, les start-up. Désormais, on utilise le pitch à tout bout de champ, dans les grandes entreprises, pour lancer une association, pour expliquer une thèse et même à la place du CV.

  • (extrait)

  • Speaker #0

    Faire pitcher des patrons devant des investisseurs à la télé n'est donc pas une nouveauté. Après tout, Dragons' Den, littéralement dans l'œil du dragon, existe depuis 20 ans sur la BBC. Elle est basée sur une émission japonaise lancée en 2001 qui s'est depuis exportée dans plus de 40 pays.

  • (extrait)

  • Speaker #0

    Et selon les régions du monde... Le dragon se transforme tantôt en lion, en requin ou en tigre. Leur point commun ? Des animaux synonymes de force, d'intelligence et qu'il ne faut pas trop taquiner. Mais qui veut être mon associé ? sur M6 n'a pas cédé à cette tendance animalière. La raison est simple, les représentations associées à ces animaux sont aussi négatives. Si vous avez déjà vu un lion bouffer une gazelle, vous voyez ce que je veux dire. L'émission n'est pas la première du genre en France. En 1986, un programme similaire existait sur TF1, animé par un certain Bernard Tapie. Ambition, c'était le nom de l'émission, consistait à aider des jeunes à monter leur boîte. A cette époque, Tapie était un homme d'affaires très populaire. Issu d'un milieu ouvrier, il n'était pas ce que l'on appelle un fils de... A la différence de nombreux patrons de son époque, comme Lagardère ou Bolloré, Tapie était considéré comme un gars de la rue qui a su construire une fortune avec des idées et de l'audace. Probablement un peu trop. Ça lui a valu beaucoup d'amis et aussi d'ennemis. L'émission a rapidement été déprogrammée, officiellement par manque d'audience. Aujourd'hui, les investisseurs de ces émissions sont des entrepreneurs triés sur le bolet qui véhiculent une personnalité appréciée dans la culture locale. Et certains sont proches de cette figure de l'entrepreneur méritant. Par exemple, dans la version américaine, les investisseurs Robert Herjavec et John Daymond sont passés de la pauvreté à la richesse. La famille croate de Robert est arrivée au Canada avec seulement 20 dollars en poche. John, quant à lui, est né à Brooklyn et a commencé à travailler à l'âge de 10 ans. Dans la version française, cette image de la réussite au mérite est notamment incarnée par Anthony Bourbon, ancien SDF devenu millionnaire. Le fonctionnement de ces émissions est basé sur le pitch. C'est un exercice plutôt utile pour faire passer un message et essayer de vendre. Et il peut aussi déformer la réalité, surtout dans une émission de télé. Car si on regarde sous le capot, eh bien parfois il y a de la casse. En réalité, la plupart des transactions que l'on voit à la télé ne se font pas, ne se font pas dans les mêmes conditions. Car vous vous doutez bien que tout ne se joue pas en quelques minutes. Il y a des informations détaillées à donner aux investisseurs avant qu'ils ne sortent le carnet de chèques. Du coup, les entrepreneurs sélectionnés mettent en place des stratégies. Une équipe de chercheurs suisses s'est d'ailleurs penchée sur les questions. Ils ont passé au crible les saisons 1 à 6 de Shark Tank aux Etats-Unis, soit l'équivalent de 500 émissions. Ça fait pas mal d'heures de visionnage. Il conclut qu'il est préférable d'essayer de convaincre un ou deux investisseurs plutôt que de vouloir convaincre tout le panel. Car en se concentrant sur seulement certains d'entre eux, les résultats sont meilleurs. C'est une manière de répondre plus précisément aux questions et aussi de mettre en concurrence les investisseurs qui ne manquent pas une occasion de faire le show face à des millions de téléspectateurs. Que les négociations aboutissent ou pas, rien que passer dans ces émissions est un sacré coup de pub. Car seulement 1% des candidatures reçues sont sélectionnées, ce qui en fait l'un des programmes les plus sélectifs au monde. Par exemple, l'un des pitchs les plus populaires est celui de Aaron Krause, inventeur de Scrub Daddy,

  • (extrait)

  • Speaker #0

    L'histoire véhiculée avec Aaron est celle d'un touche-à-tout qui a essuyé beaucoup d'échecs avant de trouver la bonne idée. Après son passage, les ventes ont littéralement explosé. faisant de la petite éponge l'un des plus gros succès de l'émission américaine. Comme quoi, les idées les plus simples sont parfois les meilleures. D'un pays à l'autre, ces émissions ont quand même quelques différences. Par exemple, dans la version française, les investisseurs n'ont pas un gros tas de billets posés sur une table devant eux et ne jouent pas avec. L'argent est un peu tabou en France. Une autre différence est le diffuseur. Car au Royaume-Uni et au Canada, les émissions sont diffusées sur le service public, ABC et CBC, alors que dans les versions américaines et allemandes, elles sont diffusées sur des chaînes privées, ABC et Vox. Du coup, sur les chaînes publiques, le format doit avoir un certain aspect pédagogique qu'on ne retrouve pas forcément sur les chaînes privées.

  • (extrait)

  • Speaker #0

    Ces émissions sont diffusées à des heures de grande écoute. Il faut donc pouvoir parler à différentes communautés. Aux Etats-Unis, il va y avoir pas mal de passages avec des vétérans de l'armée américaine ou avec des immigrés mexicains. En Angleterre, les enfants sont souvent mis à l'honneur. En France, on va trouver beaucoup de projets qui ont une portée environnementale ou sociale. Par exemple, Sarah Da Silva Gomez a fait une apparition remarquée à la saison 1. Inspirée par son frère cloué dans un fauteuil, elle est la fondatrice d'une marque de vêtements adaptée pour les personnes à mobilité réduite.

  • (extrait)

  • Speaker #0

    Elle repartira de l'émission avec un gros chèque et une avalanche de soutien sur les réseaux sociaux. Les émissions doivent faire de l'audience l'humour et donc un bon moyen pour y arriver. La version américaine a été jusqu'à intégrer des faux pitchs sous la forme de sketchs. Personnellement, j'aime bien les passages de l'humoriste Jimmy Kimmel. Il a par exemple déguisé un enfant en un énorme cône de chantier pour vendre un système de protection censé être révolutionnaire. Il a aussi habillé un cheval d'un pantalon et d'un legging, car il a fait le constat que 0% de ses animaux emportaient et donc que logiquement, il y avait un sacré business à se faire. Si vous voulez en savoir plus, j'ai construit cet épisode à l'aide des analyses de Laëtitia Gabay-Mariani, Romain Buquet et Sylvain Bureau, professeurs à l'ESCCA et à l'ESCP Europe. Ils ont écrit un papier publié dans la revue Entreprendre et Innover qui débunque la pratique du pitch. Je me suis aussi beaucoup appuyé sur les conclusions de Maude Lavanchy, Patrick Reichert et Amit Joshi. Cette équipe de chercheurs suisse a étudié près de 500 pitches de l'émission Shark Tank aux Etats-Unis. Les résultats sont publiés dans la revue Journal of Business Venturing Insights. Leur article s'intitule Blood in the Water littéralement du sang dans l'eau. Avec un titre pareil, ça annonce la couleur. Les références sont en description, elles sont en français ou en anglais. Sur ce, je vous laisse à votre programme télé. A bientôt pour un prochain épisode. Salut !

Description

Qui veut être mon associé ? sur M6, Shark Tank aux Etats-Unis, Dragons’Den au Royaume-Uni ou Die Höhle der Löwen en Allemagne. Le principe de ces émissions est le même : Des candidats défendent leur projet face à des investisseurs. Pour ça, ils reprennent le principe du pitch - pratique courante chez les startups - pour convaincre le jury en quelques minutes.


S’ils y parviennent, les célèbres financiers apporteront de l’argent en échange d’un pourcentage de la société. L’objectif ? Démocratiser l’entrepreneuriat et encourager les gens à monter une boîte. Et il faut croire que ça marche ! Puisque chaque émission rassemble plusieurs millions de téléspectateurs. 


Ces succès sont l’occasion pour moi de revenir sur le modèle du chef d’entreprise véhiculé par les médias, et notamment dans ce type d’émissions populaire. Quelle image de l’entrepreneur ces émissions renvoient-elle ? Lâchez votre zappette quelques instants, je prend la télécommande.


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🖋 Ecriture, réalisation et montage : Jérémie Renouf


✍️Sommaire :

0:00 : Introduction

0:52 : Les origines de l'émission

3:43 : Le fonctionnement du programme

6:30 : Les différences avec l'étranger

9:32 : Conclusion


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📚Pour en savoir plus :

Clingingsmith, David, Mark Conley, et Scott Shane (2022) « How Pitch Order Affects Investor Interest », Journal of Innovation Economics & Management, 37(1)139-175

Gabay-Mariani, Laëtitia, Romain Buquet, et Sylvain Bureau (2021) « Le piège du pitch ou l’ambivalente performance d’un discours spectaculaire », Entreprendre & Innover, 51(4)43-56.

Lavanchy Maude, Reichert Patrick, Joshi Amit (2022), « Blood in the water: An abductive approach to startup valuation on ABC's Shark Tank », Journal of Business Venturing Insights, vol. 17

Lefebvre Vincent, Certhoux Gilles (2022), « Acting as a business angel to become a better entrepreneur: A learning innovation », Entrepreneurship Education and Pedagogy, 0(0)1-21

Vitanova, Ivana, (2023), « Self-presentation in entrepreneurial pitches: a review of literature using the dramaturgical approach », Revue de l’Entrepreneuriat, 23(01)169-183


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Qui veut être mon associé sur M6, Shark Tank aux Etats-Unis, Dragons'Den au Royaume-Uni ou Die Höhle der Löven en Allemagne ? Le principe de ces émissions est le même, les candidats défendent leurs projets face à des investisseurs. Pour ça, ils reprennent le principe du pitch, pratique courante chez les startups, pour convaincre le jury en quelques minutes. S'ils y parviennent, les célèbres financiers apporteront de l'argent en échange d'un pourcentage de la société. L'objectif ? démocratiser l'entrepreneuriat et encourager les gens à monter une boîte. Et il faut croire que ça marche, puisque chaque émission rassemble plusieurs millions de téléspectateurs. Ces succès sont l'occasion pour moi de revenir sur le modèle du chef d'entreprise véhiculé par les médias, et notamment dans ce type d'émissions populaires. Quelle image de l'entrepreneur ces émissions renvoient-elles ? Lâchez votre zapette quelques instants, je prends la télécommande. L'utilisation du mot pitch pour désigner un discours apparaît dans les années 40. Il renvoie alors à l'argumentaire de vente, voire au baratin publicitaire. Il s'est ensuite répandu dans l'univers des entrepreneurs avec le développement technologique des années 80. Mais il ne concernait au départ qu'une certaine catégorie, les start-up. Désormais, on utilise le pitch à tout bout de champ, dans les grandes entreprises, pour lancer une association, pour expliquer une thèse et même à la place du CV.

  • (extrait)

  • Speaker #0

    Faire pitcher des patrons devant des investisseurs à la télé n'est donc pas une nouveauté. Après tout, Dragons' Den, littéralement dans l'œil du dragon, existe depuis 20 ans sur la BBC. Elle est basée sur une émission japonaise lancée en 2001 qui s'est depuis exportée dans plus de 40 pays.

  • (extrait)

  • Speaker #0

    Et selon les régions du monde... Le dragon se transforme tantôt en lion, en requin ou en tigre. Leur point commun ? Des animaux synonymes de force, d'intelligence et qu'il ne faut pas trop taquiner. Mais qui veut être mon associé ? sur M6 n'a pas cédé à cette tendance animalière. La raison est simple, les représentations associées à ces animaux sont aussi négatives. Si vous avez déjà vu un lion bouffer une gazelle, vous voyez ce que je veux dire. L'émission n'est pas la première du genre en France. En 1986, un programme similaire existait sur TF1, animé par un certain Bernard Tapie. Ambition, c'était le nom de l'émission, consistait à aider des jeunes à monter leur boîte. A cette époque, Tapie était un homme d'affaires très populaire. Issu d'un milieu ouvrier, il n'était pas ce que l'on appelle un fils de... A la différence de nombreux patrons de son époque, comme Lagardère ou Bolloré, Tapie était considéré comme un gars de la rue qui a su construire une fortune avec des idées et de l'audace. Probablement un peu trop. Ça lui a valu beaucoup d'amis et aussi d'ennemis. L'émission a rapidement été déprogrammée, officiellement par manque d'audience. Aujourd'hui, les investisseurs de ces émissions sont des entrepreneurs triés sur le bolet qui véhiculent une personnalité appréciée dans la culture locale. Et certains sont proches de cette figure de l'entrepreneur méritant. Par exemple, dans la version américaine, les investisseurs Robert Herjavec et John Daymond sont passés de la pauvreté à la richesse. La famille croate de Robert est arrivée au Canada avec seulement 20 dollars en poche. John, quant à lui, est né à Brooklyn et a commencé à travailler à l'âge de 10 ans. Dans la version française, cette image de la réussite au mérite est notamment incarnée par Anthony Bourbon, ancien SDF devenu millionnaire. Le fonctionnement de ces émissions est basé sur le pitch. C'est un exercice plutôt utile pour faire passer un message et essayer de vendre. Et il peut aussi déformer la réalité, surtout dans une émission de télé. Car si on regarde sous le capot, eh bien parfois il y a de la casse. En réalité, la plupart des transactions que l'on voit à la télé ne se font pas, ne se font pas dans les mêmes conditions. Car vous vous doutez bien que tout ne se joue pas en quelques minutes. Il y a des informations détaillées à donner aux investisseurs avant qu'ils ne sortent le carnet de chèques. Du coup, les entrepreneurs sélectionnés mettent en place des stratégies. Une équipe de chercheurs suisses s'est d'ailleurs penchée sur les questions. Ils ont passé au crible les saisons 1 à 6 de Shark Tank aux Etats-Unis, soit l'équivalent de 500 émissions. Ça fait pas mal d'heures de visionnage. Il conclut qu'il est préférable d'essayer de convaincre un ou deux investisseurs plutôt que de vouloir convaincre tout le panel. Car en se concentrant sur seulement certains d'entre eux, les résultats sont meilleurs. C'est une manière de répondre plus précisément aux questions et aussi de mettre en concurrence les investisseurs qui ne manquent pas une occasion de faire le show face à des millions de téléspectateurs. Que les négociations aboutissent ou pas, rien que passer dans ces émissions est un sacré coup de pub. Car seulement 1% des candidatures reçues sont sélectionnées, ce qui en fait l'un des programmes les plus sélectifs au monde. Par exemple, l'un des pitchs les plus populaires est celui de Aaron Krause, inventeur de Scrub Daddy,

  • (extrait)

  • Speaker #0

    L'histoire véhiculée avec Aaron est celle d'un touche-à-tout qui a essuyé beaucoup d'échecs avant de trouver la bonne idée. Après son passage, les ventes ont littéralement explosé. faisant de la petite éponge l'un des plus gros succès de l'émission américaine. Comme quoi, les idées les plus simples sont parfois les meilleures. D'un pays à l'autre, ces émissions ont quand même quelques différences. Par exemple, dans la version française, les investisseurs n'ont pas un gros tas de billets posés sur une table devant eux et ne jouent pas avec. L'argent est un peu tabou en France. Une autre différence est le diffuseur. Car au Royaume-Uni et au Canada, les émissions sont diffusées sur le service public, ABC et CBC, alors que dans les versions américaines et allemandes, elles sont diffusées sur des chaînes privées, ABC et Vox. Du coup, sur les chaînes publiques, le format doit avoir un certain aspect pédagogique qu'on ne retrouve pas forcément sur les chaînes privées.

  • (extrait)

  • Speaker #0

    Ces émissions sont diffusées à des heures de grande écoute. Il faut donc pouvoir parler à différentes communautés. Aux Etats-Unis, il va y avoir pas mal de passages avec des vétérans de l'armée américaine ou avec des immigrés mexicains. En Angleterre, les enfants sont souvent mis à l'honneur. En France, on va trouver beaucoup de projets qui ont une portée environnementale ou sociale. Par exemple, Sarah Da Silva Gomez a fait une apparition remarquée à la saison 1. Inspirée par son frère cloué dans un fauteuil, elle est la fondatrice d'une marque de vêtements adaptée pour les personnes à mobilité réduite.

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  • Speaker #0

    Elle repartira de l'émission avec un gros chèque et une avalanche de soutien sur les réseaux sociaux. Les émissions doivent faire de l'audience l'humour et donc un bon moyen pour y arriver. La version américaine a été jusqu'à intégrer des faux pitchs sous la forme de sketchs. Personnellement, j'aime bien les passages de l'humoriste Jimmy Kimmel. Il a par exemple déguisé un enfant en un énorme cône de chantier pour vendre un système de protection censé être révolutionnaire. Il a aussi habillé un cheval d'un pantalon et d'un legging, car il a fait le constat que 0% de ses animaux emportaient et donc que logiquement, il y avait un sacré business à se faire. Si vous voulez en savoir plus, j'ai construit cet épisode à l'aide des analyses de Laëtitia Gabay-Mariani, Romain Buquet et Sylvain Bureau, professeurs à l'ESCCA et à l'ESCP Europe. Ils ont écrit un papier publié dans la revue Entreprendre et Innover qui débunque la pratique du pitch. Je me suis aussi beaucoup appuyé sur les conclusions de Maude Lavanchy, Patrick Reichert et Amit Joshi. Cette équipe de chercheurs suisse a étudié près de 500 pitches de l'émission Shark Tank aux Etats-Unis. Les résultats sont publiés dans la revue Journal of Business Venturing Insights. Leur article s'intitule Blood in the Water littéralement du sang dans l'eau. Avec un titre pareil, ça annonce la couleur. Les références sont en description, elles sont en français ou en anglais. Sur ce, je vous laisse à votre programme télé. A bientôt pour un prochain épisode. Salut !

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