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EPISODE 5: LA BRIGADE DES MINEURS cover
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VICOS

EPISODE 5: LA BRIGADE DES MINEURS

EPISODE 5: LA BRIGADE DES MINEURS

16min |02/03/2025
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EPISODE 5: LA BRIGADE DES MINEURS

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16min |02/03/2025
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Description

YO, ici Octobre🦄


Désolée pour ce temps long, j'ai eu des problèmes techniques de matériel.


Aujourd'hui je parle de ma rencontre avec la Brigade !


Bonne écoute, soutien infini à tous.tes


Prenez soin de vous et de vos proches !😘


Numéro Violences Femme Infos: 3919

Numéro Violences Sexistes et Sexuelles: 0800 05 95 95


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Coucou, j'espère que vous allez bien. Ici Octobre, bienvenue sur Vicos, le podcast où on parle des victimes et où on les aime. J'espère que vous allez bien. L'actualité du moment est absolument retentissante avec le procès d'Adèle Haenel, que je suis évidemment avec beaucoup d'attention. J'ai été très émue ce matin en lisant ce qui s'était passé hier. Adèle Haenel est sortie de la salle. en disant à Christophe Ruggia « Ferme ta gueule » , ce qui est quand même assez fort. Et ses avocats, ce matin, ont raconté pourquoi elle est partie. Et il s'avère qu'au moment où Christophe Ruggia devait parler de sa vie privée, il y a un moment où l'agresseur prend un peu la parole pour raconter ses antécédents. Donc si on n'a pas de casier judiciaire, globalement, ça va très vite. Christophe Ruggia s'est servi de ce moment pour dire qu'il a toujours été un Pygmalion pour Adèle. Pygmalion, c'est un maître et son élève, un homme savant et une fille ignorante. Et donc, le maître apprend tout à la jeune fille. Donc, il se plaçait comme un tuteur, un peu, qui lui apprenait les choses du cinéma. Et à ce moment-là, donc au moment où il devait raconter sa vie, il en profite pour dire que c'est lui qui a choisi le nom d'Adèle Haenel. Puisque Enel était le nom de famille de sa grand-mère, il me semble, à Adèle. Et c'est lui qui lui a dit « Prends Adèle Enel » parce que Adèle Enel ça fait Adèle H. En référence au film de Truffaut. Donc non seulement dans ce moment-là, il ramène Adèle, mais en plus il l'entache. Je ne sais pas comment dire. Il s'approprie son nom, il s'approprie une partie d'elle, il s'approprie une partie de sa vie. C'est très violent. J'en ai pleuré ce matin. Évidemment, ça a fait écho à ma propre histoire. Ce rapport au nom, il est évidemment crucial. Moi, j'ai changé de nom suite à mon procès. Parce qu'en fait, je ne voulais plus que mon ancien prénom soit collé à moi. Parce qu'il avait été sali par l'homme qui m'a agressé. Et je comprends qu'Adèle ait pété un plomb et est sortie. Ferme ta gueule à ce moment-là. Parce qu'il vient piétiner son identité, quoi. On ne se rend pas compte ce que c'est un nom. Mais d'un coup, il vient ramener l'idée que c'est lui. qui l'a façonné, lui, qui l'a choisi et qu'elle le porte encore aujourd'hui, ça me dégoûte profondément qu'il ait osé faire ça. C'est une emprise. Ouais, c'est ramener une emprise sur elle. Et elle, elle a dit « Ferme ta gueule » . Elle a dit « Va te faire foutre » . Je l'admire beaucoup et je suis vraiment tellement admirative de son courage parce que c'est une personnalité publique. Donc elle s'expose à tout, comme Gisèle l'a fait il y a quelque temps. Et donc pour revenir à mon propre nom, j'ai choisi de changer de prénom. en l'occurrence, pour ne plus être reliée à lui, parce que mon ancien prénom, c'est celui qui figure dans les papiers judiciaires. Enfin, mon nom et le sien sont collés pour l'éternité. L'éternité, j'abuse un peu, je suis un peu mégalo, mais en tout cas, pour toute ma vie, et peut-être un petit peu après, il y aura mon nom et le sien collés, et ça me dégoûte. Enfin, ça me dégoûte. Je n'ai pas envie. Et changer de prénom, choisir un nouveau prénom, pour moi, ça a été l'opportunité de me donner de la force et de me donner... une chance de vivre sans ça, avec moins. Donc ça me... Ouais, c'est quelque chose qui m'a profondément touchée que ce soit la première chose sur laquelle elle réagit, c'est qu'elle peut être en plomb. J'en ai parlé dans les épisodes précédents, mais je vais le redire et je le redirai à l'infini. Les conséquences d'une agression sexuelle, c'est incommensurable à quel point c'est violent et à quel point ça modifie des choses. C'est fou, quand on se fait agresser, les gens ont l'impression que quand on se fait agresser, on capte tout de suite. les bouleversements, on capte tout de suite la peine, la douleur, la souffrance. Pas du tout. Vraiment, ça se déroule par étapes. Parce que pendant l'agression, on est là, mais on n'est pas là. Et pour chacune, c'est différent. Et en même temps, tous ces états se ressemblent un peu. Mais c'est un état, je suis là, je ne suis pas là. C'est très étrange. Je pense que c'est ça le plus difficile à décrire pour les gens, pour qu'ils puissent comprendre. Ce qui fait que le lendemain de l'agression, tout n'a pas changé d'un coup. La journée d'après, c'est la même. On ne sent pas tout de suite les changements. On ne les voit pas. Et c'est d'ailleurs, j'ai l'impression peut-être, ce qui fait qu'on se dit, bah tiens, c'était pas si grave. C'est parce qu'on ne voit pas de changement. On a souvent l'impression qu'après une agression, tout va basculer d'un coup. Non, c'est des choses qui prennent du temps et qui se délitent petit à petit, quoi. Dans le dernier épisode, je parlais de la première plainte déposée au commissariat. Sur cet épisode-là, je voulais parler de la deuxième plainte qui a eu lieu à l'application des mineurs. Donc je redis... Quelqu'un subit une agression. en dessous de ses 15 ans, il doit ou elle doit porter plainte à la brigade des mineurs, même si la plainte est posée 20 ans après, quand la personne est majeure. Donc c'est un matin, et Louise me réveille, me dit « Go à la brigade des mineurs ! » Excusez-moi, il y a Justine Mertieux qui fait du bruit. Donc on se pointe à la brigade des mineurs, on arrive, même entrée, même protocole que la première plainte au commissariat. une entrée type Algeco, est-ce que c'est le bon mot ? Non, mais type administration, petite porte qui s'ouvre en... J'ai pas les mots. Des portes collées, coulissantes, putain, je sais plus. On arrive dans un sas, on nous demande pourquoi on est là, on dit qu'on veut porter plainte, on nous ouvre la porte et rebelote. Une queue, une file d'attente, un petit sticker avec marqué « Ne pas dépasser à un mètre du comptoir » . comptoir où on entend tout ce qui se passe. On arrive dans la partie du bas qui est un commissariat lambda et en fait à l'étage, c'est l'étage spécialisé de la brigade des mineurs. Donc on explique pourquoi on est là. Même regard interloqué, même gênance où je dois réexpliquer un petit peu. Bah voilà, je suis là pour une agression d'il y a 15 ans. C'est interloquant. C'est pas encore quelque chose de normal. Il faut normaliser d'aller porter plainte en fait 10, 15, 20 ans après. Toujours un petit peu ce moment de flottement où ils sont méfiants, méfiantes. Ils disent d'accord, on va vous recevoir, attendez dans la salle d'attente. On vient me chercher assez rapidement, mais Héloïse n'est pas autorisée à monter. Héloïse me dit, vas-y, je t'attends. Donc je monte. Là, on arrive dans un étage très différent des commissariats que j'ai pu voir jusqu'à présent. C'est des bureaux, côte à côte, avec peu de personnalité, mais sur les murs, il y a beaucoup de dessins d'enfants, il y a beaucoup de coloriages qui sont affichés dans les murs du couloir. On mène dans une salle, on s'assoit, une salle en lombre. plutôt pas très large. Il s'assoit en face de moi, derrière son ordinateur. Moi, je suis face à lui. Et là, il commence à me poser des questions. Donc, je lui raconte. Je ne sais plus. C'est un peu confus pour moi de raconter ça avec précision. Je sais vite qu'il m'a posé des questions. Très vite, il m'a demandé mon métier. Je lui ai dit que j'étais actrice. Et là, j'ai eu la sensation de tout recommencer du début. C'est-à-dire qu'il m'a dit « Je ne comprends pas. Est-ce que tu es là pour faire du buzz ? Est-ce que tu mens ? Est-ce que tu loues la comédie ? » Ça paraît fou. Et en même temps, ça peut paraître aussi légitime. Le problème, c'est que c'est encore l'idée que les femmes peuvent trouver de la notoriété ou du plaisir à faire ce genre de démarches. Pas du tout, je le rappelle encore pour ceux qui pensent que les femmes qui portent plainte et qui font des démarches de ce type sont toutes des menteuses. En France, c'est pas comme les Etats-Unis, il n'y a rien à gagner à faire un procès contre quelqu'un, il n'y a pas d'argent. Il n'y a pas d'argent à la clé. Il n'y a pas. Il n'y a pas, en fait. Donc on ne peut pas gagner de l'argent, on ne peut pas gagner de la notoriété en faisant un procès. On ne peut pas. Déjà, moi j'en ai fait un procès, est-ce que tout le monde me connaît ? Non, pas du tout. Il n'y a rien à gagner à faire un procès, ni à porter plainte. Et je tiens ça à l'affirmer et à le réaffirmer. Donc lui me questionne, est-ce que tu veux gagner du buzz ? Et ça m'a particulièrement déroutée. Et à partir de là, on a recommencé à zéro l'interrogatoire. On n'avait pas bien avancé, mais disons qu'il était beaucoup plus méfiant. Ça a duré 6 heures, l'interrogatoire, c'était très long. Et j'ai dû tout raconter depuis le début. Et ce qui est très perturbant, c'est tout, tout, tout raconter. Dans les moindres détails. Et il pose des questions sur tout. Et il n'y a pas de... Jusqu'à présent, quand j'ai raconté mon histoire... J'en ai parlé à Héloïse qui m'a aidé à porter plainte. On en a reparlé avec Nicolas au téléphone quand je lui ai gueulé dessus. On a dit qu'il y a eu une agression mais on n'a pas dit quoi exactement. Et j'en avais parlé à mes petits copains pour leur expliquer certaines de mes problématiques. Mais je n'allais jamais dans le vif du sujet. C'est-à-dire que je n'allais jamais décrire les gestes précis de ce qui s'était passé, l'agression, la nommée, tout. Je n'avais jamais fait. Et d'un coup il y a quelqu'un en face de moi qui n'a pas peur de me demander, non seulement qu'il n'a pas peur mais qu'il veut savoir les moindres détails. qu'est-ce qu'il a fait de ses mains, où il les a placées, s'il y a eu pénétration, si oui ou comment. Enfin, des choses extrêmement violentes et déroutantes. C'était un moment très particulier, très fort, très violent. Et puis, il me fait raconter l'histoire dans un sens, puis dans un autre. Je pense que c'est aussi une façon de vérifier que je ne mens pas. J'ai dû donner le nom du village, où était la colonie. J'ai dû essayer de décrire la maison. C'est fou parce que mes souvenirs disparaissaient quand j'essayais de les attraper. J'essayais d'être précise possible. pour montrer ma bonne foi, pour montrer que je ne mens pas. Plus j'essayais de me souvenir, plus ça s'échappait. Je me rappelle, à un moment donné, il m'a demandé d'écrire la maison. J'étais battue, quoi. C'était une grande maison en pierre, avec des ortoirs. Qu'est-ce que je pouvais dire d'autre ? Donc après, avec quelques éléments, lui, il a réussi à retrouver la compagnie de la colonie de vacances, le nom de la colonie de vacances. Il m'a montré des photos de maison. J'ai eu la sensation d'en reconnaître une. Mais c'est vraiment... Cette mémoire, elle n'est pas fiable. On a l'impression de se rappeler de tout, et en fait, on ne se rappelle de rien. Il n'y a rien qui est précis. C'est comme des flashs. Puis comme moi, la colonne de vacances, elle a duré sur deux semaines. Il y a eu plusieurs fois des agressions dans des lieux différents, de manière différente. Mais il y a eu un jour où ça a commencé. Il y a eu le premier jour. Et pour moi, c'est la première agression la plus grave. C'était dans une nuit pendant un bivouac. Et il faut essayer de tout décrire. Mais on veut être précis, mais on ne se rappelle pas. Il y avait une fille à côté de moi. Mais comment elle s'appelait, cette petite fille ? Et après, j'ai essayé de dire qu'il y avait un moniteur qui... à un moment donné m'avait posé des questions pendant la colonie de vacances en me demandant si j'avais un problème avec le directeur de la colonie de vacances parce qu'il était un peu suspect et j'ai pas pu dire oui à ce moniteur là j'avais peur, j'avais honte et ce moniteur là dans mes souvenirs il s'appelle Arthur, mais est-ce qu'il s'appelle vraiment Arthur ? Je m'en sais rien du tout et le décrypte physiquement je... C'est une ombre, quoi. Je me rappelle qu'il était jatin clair, mais son visage, comment le décrire ? Et c'est très frustrant, parce qu'on aimerait faire du mieux qu'on peut, pour être cru, et puis aussi pour soi, quoi. Pour avoir un fil logique, conducteur, qui puisse être racontable. Et en fait, c'est que des amas de souvenirs. La temporalité, elle n'est pas fiable. Je n'arrive plus à savoir dans quel ordre sont les agressions. Et ce qui fait que parfois, je me contredit. Je me dis, ben, c'est ça qui s'est passé en premier. Bon, ça, je l'ai. Ensuite, il y a eu cette sortie-là. et il m'a fait ça et puis il y a eu cette sortie là et puis quand je le raconte je me dis ah bah non en fait c'était pas dans ce sens là et en fait on est tellement inquiet de se dire que ça potentiellement ça peut sommer le doute auprès du policier et de l'enquêteur que ça met dans un état de stress pas possible surtout c'était la première fois que je disais des mots par exemple je me rappelle très bien du moment où il m'a demandé de poser des mots plus clairs que agression et donc il a commencé à me donner la définition des mots pour que je puisse dire ah bah ça c'était un viol, ça c'était des attouchements ça c'est vertigineux Parce que j'avais encore jamais mis ces mots-là, moi. Et d'un coup, on se dit, mais c'est pas possible. C'est pas possible. Il y a comme une prise de conscience que ça s'est vraiment passé. C'est encore un autre état de choc qui se met en place. Où à la fois, je reconnais qu'il s'est passé tout ça. Puis il y a quelqu'un qui me dit, oui, c'est grave. Et à la fois, j'y crois pas du tout. Je me dis, c'est pas possible. C'est pas à moi, pas à... Non. Et cet état, il rentre en confrontation absolument tout le temps, ces deux états-là. Et ça devient un dilemme et j'ai l'impression que c'est un dilemme qui demeure toujours chez les victimes. En tout cas, dans toutes les paroles de victimes que j'ai pu écouter ou lire, il y a ces états qui demeurent, ces deux états frictionnels. L'état qui dit « oui, il s'est passé ça pour moi » et en même temps, « je n'y crois pas, je ne peux pas y croire » . Et c'est pour ça que les femmes qui disent « ça s'est passé pour moi aussi » , le mouvement MeToo, les femmes qui écrivent, qui réalisent des films à propos de leur histoire, qui, comme moi, font des podcasts qui en... parle, qui chante sur ça. C'est une façon de se rappeler aussi que oui, elle aussi, non pas pour se victimiser, mais pour comme pour détruire ce carcan de stupeur et cette emprise que l'agresseur il a sur la petite fille ou sur la femme et qui lui fait croire que tout ça, ça n'a pas existé ou que tout ça, c'est de sa faute à elle ou que tout ça en fait, c'était juste de l'amour, c'était de la tendresse. Il y a tellement de mensonges et tabous autour de tout ça que le revendiquer, c'est politiquement une volonté. de reprendre le pouvoir sur sa mémoire, de reprendre le pouvoir sur son corps, de briser l'emprise. Ce n'est pas du tout se victimiser. Se reconnaître en tant que victime, ce n'est pas se victimiser. J'en parlais dans mon premier épisode, je parlais de l'amalgame entre se victimiser et se reconnaître en tant que victime, qui sont deux gaps excessivement différents. Se reconnaître en tant que victime, c'est déjà dire oui, j'ai été victime d'agression sexuelle, sans pour autant que ça excuse un comportement. Les victimes... peuvent se victimiser, c'est pas quelque chose d'antinomique. Je dis pas que les victimes sont pures et innocentes et qu'elles ne se victimisent jamais. Parfois, il nous arrive des choses très graves et on l'utilise pour justifier un comportement qui aura pu déranger autrui. En fait, se reconnaître en tant que victime, ça doit pas intervenir dans un moment où quelqu'un nous fait un reproche. Ça doit pas être un argument et une excuse à un comportement. Si on fait du mal à quelqu'un ou si notre comportement pose question à autrui et qu'on vient nous en parler, ça ne doit pas rentrer en ligne de compte en fait. On peut expliquer un comportement, et ça moi je l'ai fait dans mon podcast, j'explique pourquoi j'ai peur dans la rue, pourquoi je peux avoir des comportements d'hypervigilance, pourquoi j'ai encore peur des hommes. J'explique des mécanismes pour essayer de rendre un petit peu public des comportements qui sont secrets et tabous. Mais je ne me permettrais pas de l'utiliser vers un biais de justification face à un reproche que l'on me fait. Si quelqu'un me dit bah Octop, je trouve que t'es vraiment pas social ou sociable, comment dit-on ? sociable. Je vais lui dire, bah ouais, c'est vrai que ma batterie sociale, elle est faible et je suis fatiguée et quand je suis fatiguée, j'ai du mal à rentrer en interaction. Et peut-être que j'ai du mal à rentrer en interaction parce que j'ai été agressée. Mais ça n'a rien à voir. C'est une conséquence. Donc je peux pas le mettre en... Je peux pas le corréler immédiatement. Je peux parler de mes symptômes et dire, bah ouais, c'est vrai que là, j'aurais pu participer. Plus je fais ma live, je vous ai laissé tout ranger. J'ai rien foutu parce que, vas-y, j'étais triste ce soir et sûrement que j'étais triste ce soir parce que... J'ai eu des flashs toute la journée dans ma tête. Mais ça, ce n'est pas leur problème. Ils n'ont pas à gérer mes flashs pour moi. Je ne sais pas si c'est très clair ce que je dis. Pour revenir sur la brigade des mineurs, ce monsieur m'a posé des questions pendant six heures. Et puis, il a aussi pris mon téléphone. Il a regardé les messages qu'on s'était envoyés avec Nicolas. Il les a photocopiés. Il a écouté les messages vocaux que Nicolas m'avait laissés. Et puis, à un moment donné, j'ai vu dans ses yeux qu'il a décidé de me croire. Je ne sais pas comment ça s'est fait. Mais à un moment donné, il était à fond derrière moi. Et puis à la fin de cet interrogatoire, il m'a dit, écoute, je te crois, on va t'aider. La prochaine étape, ça va être la confrontation de ce monsieur. Parce que nous avons besoin qu'il avoue pour pouvoir aller jusqu'au bout de cette démarche. qui va être le procès, et pour qu'il avoue, on a besoin que vous vous confrontiez tous les deux. Donc dans quelques semaines, on va aller l'interpeller, parce qu'évidemment, ils l'ont retrouvé dans leur fichier, ils ont retrouvé son lieu de travail, etc. Et ils m'ont dit, voilà, on va te prévenir quand on va l'interpeller, et puis commencera la confrontation. Il m'a dit, est-ce que tu t'en sens prête ? J'ai dit non, ou oui, je ne sais plus ce que j'ai dit, mais bon, je n'avais pas le choix. Puis je crois que j'avais envie de le faire au fond. Puis il m'a dit, je t'expliquerai tout, comment ça va se passer, en tout cas, moi, je serai avec toi, il n'y aura pas de soucis. Il était très amical, il était très... beaucoup plus tendre que la personne que j'avais pu rencontrer au premier commissariat. On voit qu'il y a une formation psychologique quand même. Et puis je lui ai fait confiance aussi. Je lui ai fait confiance. Je sentais que c'était la bonne personne et qu'il pouvait m'aider. Et puis il m'a filé le numéro d'une avocate et il m'a dit « Appelle-la, tu en auras besoin. » Et je suis rentrée chez moi. Et j'en avais toujours pas parlé à mes parents. Et là je me suis rendue compte qu'il fallait que je leur en parle et que je leur annonce. Et ça c'était encore une sacrée histoire que je vous raconterai au prochain épisode. Merci beaucoup de m'avoir écoutée. Vous êtes de plus en plus nombreux et nombreuses à suivre ce podcast. Ça me fait énormément plaisir. N'hésitez pas à commenter, à liker, à partager. Et puis, prenez soin de vous. Les numéros sont toujours dans la barre d'infos. Je vous embrasse fort. Ciao !

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YO, ici Octobre🦄


Désolée pour ce temps long, j'ai eu des problèmes techniques de matériel.


Aujourd'hui je parle de ma rencontre avec la Brigade !


Bonne écoute, soutien infini à tous.tes


Prenez soin de vous et de vos proches !😘


Numéro Violences Femme Infos: 3919

Numéro Violences Sexistes et Sexuelles: 0800 05 95 95


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Coucou, j'espère que vous allez bien. Ici Octobre, bienvenue sur Vicos, le podcast où on parle des victimes et où on les aime. J'espère que vous allez bien. L'actualité du moment est absolument retentissante avec le procès d'Adèle Haenel, que je suis évidemment avec beaucoup d'attention. J'ai été très émue ce matin en lisant ce qui s'était passé hier. Adèle Haenel est sortie de la salle. en disant à Christophe Ruggia « Ferme ta gueule » , ce qui est quand même assez fort. Et ses avocats, ce matin, ont raconté pourquoi elle est partie. Et il s'avère qu'au moment où Christophe Ruggia devait parler de sa vie privée, il y a un moment où l'agresseur prend un peu la parole pour raconter ses antécédents. Donc si on n'a pas de casier judiciaire, globalement, ça va très vite. Christophe Ruggia s'est servi de ce moment pour dire qu'il a toujours été un Pygmalion pour Adèle. Pygmalion, c'est un maître et son élève, un homme savant et une fille ignorante. Et donc, le maître apprend tout à la jeune fille. Donc, il se plaçait comme un tuteur, un peu, qui lui apprenait les choses du cinéma. Et à ce moment-là, donc au moment où il devait raconter sa vie, il en profite pour dire que c'est lui qui a choisi le nom d'Adèle Haenel. Puisque Enel était le nom de famille de sa grand-mère, il me semble, à Adèle. Et c'est lui qui lui a dit « Prends Adèle Enel » parce que Adèle Enel ça fait Adèle H. En référence au film de Truffaut. Donc non seulement dans ce moment-là, il ramène Adèle, mais en plus il l'entache. Je ne sais pas comment dire. Il s'approprie son nom, il s'approprie une partie d'elle, il s'approprie une partie de sa vie. C'est très violent. J'en ai pleuré ce matin. Évidemment, ça a fait écho à ma propre histoire. Ce rapport au nom, il est évidemment crucial. Moi, j'ai changé de nom suite à mon procès. Parce qu'en fait, je ne voulais plus que mon ancien prénom soit collé à moi. Parce qu'il avait été sali par l'homme qui m'a agressé. Et je comprends qu'Adèle ait pété un plomb et est sortie. Ferme ta gueule à ce moment-là. Parce qu'il vient piétiner son identité, quoi. On ne se rend pas compte ce que c'est un nom. Mais d'un coup, il vient ramener l'idée que c'est lui. qui l'a façonné, lui, qui l'a choisi et qu'elle le porte encore aujourd'hui, ça me dégoûte profondément qu'il ait osé faire ça. C'est une emprise. Ouais, c'est ramener une emprise sur elle. Et elle, elle a dit « Ferme ta gueule » . Elle a dit « Va te faire foutre » . Je l'admire beaucoup et je suis vraiment tellement admirative de son courage parce que c'est une personnalité publique. Donc elle s'expose à tout, comme Gisèle l'a fait il y a quelque temps. Et donc pour revenir à mon propre nom, j'ai choisi de changer de prénom. en l'occurrence, pour ne plus être reliée à lui, parce que mon ancien prénom, c'est celui qui figure dans les papiers judiciaires. Enfin, mon nom et le sien sont collés pour l'éternité. L'éternité, j'abuse un peu, je suis un peu mégalo, mais en tout cas, pour toute ma vie, et peut-être un petit peu après, il y aura mon nom et le sien collés, et ça me dégoûte. Enfin, ça me dégoûte. Je n'ai pas envie. Et changer de prénom, choisir un nouveau prénom, pour moi, ça a été l'opportunité de me donner de la force et de me donner... une chance de vivre sans ça, avec moins. Donc ça me... Ouais, c'est quelque chose qui m'a profondément touchée que ce soit la première chose sur laquelle elle réagit, c'est qu'elle peut être en plomb. J'en ai parlé dans les épisodes précédents, mais je vais le redire et je le redirai à l'infini. Les conséquences d'une agression sexuelle, c'est incommensurable à quel point c'est violent et à quel point ça modifie des choses. C'est fou, quand on se fait agresser, les gens ont l'impression que quand on se fait agresser, on capte tout de suite. les bouleversements, on capte tout de suite la peine, la douleur, la souffrance. Pas du tout. Vraiment, ça se déroule par étapes. Parce que pendant l'agression, on est là, mais on n'est pas là. Et pour chacune, c'est différent. Et en même temps, tous ces états se ressemblent un peu. Mais c'est un état, je suis là, je ne suis pas là. C'est très étrange. Je pense que c'est ça le plus difficile à décrire pour les gens, pour qu'ils puissent comprendre. Ce qui fait que le lendemain de l'agression, tout n'a pas changé d'un coup. La journée d'après, c'est la même. On ne sent pas tout de suite les changements. On ne les voit pas. Et c'est d'ailleurs, j'ai l'impression peut-être, ce qui fait qu'on se dit, bah tiens, c'était pas si grave. C'est parce qu'on ne voit pas de changement. On a souvent l'impression qu'après une agression, tout va basculer d'un coup. Non, c'est des choses qui prennent du temps et qui se délitent petit à petit, quoi. Dans le dernier épisode, je parlais de la première plainte déposée au commissariat. Sur cet épisode-là, je voulais parler de la deuxième plainte qui a eu lieu à l'application des mineurs. Donc je redis... Quelqu'un subit une agression. en dessous de ses 15 ans, il doit ou elle doit porter plainte à la brigade des mineurs, même si la plainte est posée 20 ans après, quand la personne est majeure. Donc c'est un matin, et Louise me réveille, me dit « Go à la brigade des mineurs ! » Excusez-moi, il y a Justine Mertieux qui fait du bruit. Donc on se pointe à la brigade des mineurs, on arrive, même entrée, même protocole que la première plainte au commissariat. une entrée type Algeco, est-ce que c'est le bon mot ? Non, mais type administration, petite porte qui s'ouvre en... J'ai pas les mots. Des portes collées, coulissantes, putain, je sais plus. On arrive dans un sas, on nous demande pourquoi on est là, on dit qu'on veut porter plainte, on nous ouvre la porte et rebelote. Une queue, une file d'attente, un petit sticker avec marqué « Ne pas dépasser à un mètre du comptoir » . comptoir où on entend tout ce qui se passe. On arrive dans la partie du bas qui est un commissariat lambda et en fait à l'étage, c'est l'étage spécialisé de la brigade des mineurs. Donc on explique pourquoi on est là. Même regard interloqué, même gênance où je dois réexpliquer un petit peu. Bah voilà, je suis là pour une agression d'il y a 15 ans. C'est interloquant. C'est pas encore quelque chose de normal. Il faut normaliser d'aller porter plainte en fait 10, 15, 20 ans après. Toujours un petit peu ce moment de flottement où ils sont méfiants, méfiantes. Ils disent d'accord, on va vous recevoir, attendez dans la salle d'attente. On vient me chercher assez rapidement, mais Héloïse n'est pas autorisée à monter. Héloïse me dit, vas-y, je t'attends. Donc je monte. Là, on arrive dans un étage très différent des commissariats que j'ai pu voir jusqu'à présent. C'est des bureaux, côte à côte, avec peu de personnalité, mais sur les murs, il y a beaucoup de dessins d'enfants, il y a beaucoup de coloriages qui sont affichés dans les murs du couloir. On mène dans une salle, on s'assoit, une salle en lombre. plutôt pas très large. Il s'assoit en face de moi, derrière son ordinateur. Moi, je suis face à lui. Et là, il commence à me poser des questions. Donc, je lui raconte. Je ne sais plus. C'est un peu confus pour moi de raconter ça avec précision. Je sais vite qu'il m'a posé des questions. Très vite, il m'a demandé mon métier. Je lui ai dit que j'étais actrice. Et là, j'ai eu la sensation de tout recommencer du début. C'est-à-dire qu'il m'a dit « Je ne comprends pas. Est-ce que tu es là pour faire du buzz ? Est-ce que tu mens ? Est-ce que tu loues la comédie ? » Ça paraît fou. Et en même temps, ça peut paraître aussi légitime. Le problème, c'est que c'est encore l'idée que les femmes peuvent trouver de la notoriété ou du plaisir à faire ce genre de démarches. Pas du tout, je le rappelle encore pour ceux qui pensent que les femmes qui portent plainte et qui font des démarches de ce type sont toutes des menteuses. En France, c'est pas comme les Etats-Unis, il n'y a rien à gagner à faire un procès contre quelqu'un, il n'y a pas d'argent. Il n'y a pas d'argent à la clé. Il n'y a pas. Il n'y a pas, en fait. Donc on ne peut pas gagner de l'argent, on ne peut pas gagner de la notoriété en faisant un procès. On ne peut pas. Déjà, moi j'en ai fait un procès, est-ce que tout le monde me connaît ? Non, pas du tout. Il n'y a rien à gagner à faire un procès, ni à porter plainte. Et je tiens ça à l'affirmer et à le réaffirmer. Donc lui me questionne, est-ce que tu veux gagner du buzz ? Et ça m'a particulièrement déroutée. Et à partir de là, on a recommencé à zéro l'interrogatoire. On n'avait pas bien avancé, mais disons qu'il était beaucoup plus méfiant. Ça a duré 6 heures, l'interrogatoire, c'était très long. Et j'ai dû tout raconter depuis le début. Et ce qui est très perturbant, c'est tout, tout, tout raconter. Dans les moindres détails. Et il pose des questions sur tout. Et il n'y a pas de... Jusqu'à présent, quand j'ai raconté mon histoire... J'en ai parlé à Héloïse qui m'a aidé à porter plainte. On en a reparlé avec Nicolas au téléphone quand je lui ai gueulé dessus. On a dit qu'il y a eu une agression mais on n'a pas dit quoi exactement. Et j'en avais parlé à mes petits copains pour leur expliquer certaines de mes problématiques. Mais je n'allais jamais dans le vif du sujet. C'est-à-dire que je n'allais jamais décrire les gestes précis de ce qui s'était passé, l'agression, la nommée, tout. Je n'avais jamais fait. Et d'un coup il y a quelqu'un en face de moi qui n'a pas peur de me demander, non seulement qu'il n'a pas peur mais qu'il veut savoir les moindres détails. qu'est-ce qu'il a fait de ses mains, où il les a placées, s'il y a eu pénétration, si oui ou comment. Enfin, des choses extrêmement violentes et déroutantes. C'était un moment très particulier, très fort, très violent. Et puis, il me fait raconter l'histoire dans un sens, puis dans un autre. Je pense que c'est aussi une façon de vérifier que je ne mens pas. J'ai dû donner le nom du village, où était la colonie. J'ai dû essayer de décrire la maison. C'est fou parce que mes souvenirs disparaissaient quand j'essayais de les attraper. J'essayais d'être précise possible. pour montrer ma bonne foi, pour montrer que je ne mens pas. Plus j'essayais de me souvenir, plus ça s'échappait. Je me rappelle, à un moment donné, il m'a demandé d'écrire la maison. J'étais battue, quoi. C'était une grande maison en pierre, avec des ortoirs. Qu'est-ce que je pouvais dire d'autre ? Donc après, avec quelques éléments, lui, il a réussi à retrouver la compagnie de la colonie de vacances, le nom de la colonie de vacances. Il m'a montré des photos de maison. J'ai eu la sensation d'en reconnaître une. Mais c'est vraiment... Cette mémoire, elle n'est pas fiable. On a l'impression de se rappeler de tout, et en fait, on ne se rappelle de rien. Il n'y a rien qui est précis. C'est comme des flashs. Puis comme moi, la colonne de vacances, elle a duré sur deux semaines. Il y a eu plusieurs fois des agressions dans des lieux différents, de manière différente. Mais il y a eu un jour où ça a commencé. Il y a eu le premier jour. Et pour moi, c'est la première agression la plus grave. C'était dans une nuit pendant un bivouac. Et il faut essayer de tout décrire. Mais on veut être précis, mais on ne se rappelle pas. Il y avait une fille à côté de moi. Mais comment elle s'appelait, cette petite fille ? Et après, j'ai essayé de dire qu'il y avait un moniteur qui... à un moment donné m'avait posé des questions pendant la colonie de vacances en me demandant si j'avais un problème avec le directeur de la colonie de vacances parce qu'il était un peu suspect et j'ai pas pu dire oui à ce moniteur là j'avais peur, j'avais honte et ce moniteur là dans mes souvenirs il s'appelle Arthur, mais est-ce qu'il s'appelle vraiment Arthur ? Je m'en sais rien du tout et le décrypte physiquement je... C'est une ombre, quoi. Je me rappelle qu'il était jatin clair, mais son visage, comment le décrire ? Et c'est très frustrant, parce qu'on aimerait faire du mieux qu'on peut, pour être cru, et puis aussi pour soi, quoi. Pour avoir un fil logique, conducteur, qui puisse être racontable. Et en fait, c'est que des amas de souvenirs. La temporalité, elle n'est pas fiable. Je n'arrive plus à savoir dans quel ordre sont les agressions. Et ce qui fait que parfois, je me contredit. Je me dis, ben, c'est ça qui s'est passé en premier. Bon, ça, je l'ai. Ensuite, il y a eu cette sortie-là. et il m'a fait ça et puis il y a eu cette sortie là et puis quand je le raconte je me dis ah bah non en fait c'était pas dans ce sens là et en fait on est tellement inquiet de se dire que ça potentiellement ça peut sommer le doute auprès du policier et de l'enquêteur que ça met dans un état de stress pas possible surtout c'était la première fois que je disais des mots par exemple je me rappelle très bien du moment où il m'a demandé de poser des mots plus clairs que agression et donc il a commencé à me donner la définition des mots pour que je puisse dire ah bah ça c'était un viol, ça c'était des attouchements ça c'est vertigineux Parce que j'avais encore jamais mis ces mots-là, moi. Et d'un coup, on se dit, mais c'est pas possible. C'est pas possible. Il y a comme une prise de conscience que ça s'est vraiment passé. C'est encore un autre état de choc qui se met en place. Où à la fois, je reconnais qu'il s'est passé tout ça. Puis il y a quelqu'un qui me dit, oui, c'est grave. Et à la fois, j'y crois pas du tout. Je me dis, c'est pas possible. C'est pas à moi, pas à... Non. Et cet état, il rentre en confrontation absolument tout le temps, ces deux états-là. Et ça devient un dilemme et j'ai l'impression que c'est un dilemme qui demeure toujours chez les victimes. En tout cas, dans toutes les paroles de victimes que j'ai pu écouter ou lire, il y a ces états qui demeurent, ces deux états frictionnels. L'état qui dit « oui, il s'est passé ça pour moi » et en même temps, « je n'y crois pas, je ne peux pas y croire » . Et c'est pour ça que les femmes qui disent « ça s'est passé pour moi aussi » , le mouvement MeToo, les femmes qui écrivent, qui réalisent des films à propos de leur histoire, qui, comme moi, font des podcasts qui en... parle, qui chante sur ça. C'est une façon de se rappeler aussi que oui, elle aussi, non pas pour se victimiser, mais pour comme pour détruire ce carcan de stupeur et cette emprise que l'agresseur il a sur la petite fille ou sur la femme et qui lui fait croire que tout ça, ça n'a pas existé ou que tout ça, c'est de sa faute à elle ou que tout ça en fait, c'était juste de l'amour, c'était de la tendresse. Il y a tellement de mensonges et tabous autour de tout ça que le revendiquer, c'est politiquement une volonté. de reprendre le pouvoir sur sa mémoire, de reprendre le pouvoir sur son corps, de briser l'emprise. Ce n'est pas du tout se victimiser. Se reconnaître en tant que victime, ce n'est pas se victimiser. J'en parlais dans mon premier épisode, je parlais de l'amalgame entre se victimiser et se reconnaître en tant que victime, qui sont deux gaps excessivement différents. Se reconnaître en tant que victime, c'est déjà dire oui, j'ai été victime d'agression sexuelle, sans pour autant que ça excuse un comportement. Les victimes... peuvent se victimiser, c'est pas quelque chose d'antinomique. Je dis pas que les victimes sont pures et innocentes et qu'elles ne se victimisent jamais. Parfois, il nous arrive des choses très graves et on l'utilise pour justifier un comportement qui aura pu déranger autrui. En fait, se reconnaître en tant que victime, ça doit pas intervenir dans un moment où quelqu'un nous fait un reproche. Ça doit pas être un argument et une excuse à un comportement. Si on fait du mal à quelqu'un ou si notre comportement pose question à autrui et qu'on vient nous en parler, ça ne doit pas rentrer en ligne de compte en fait. On peut expliquer un comportement, et ça moi je l'ai fait dans mon podcast, j'explique pourquoi j'ai peur dans la rue, pourquoi je peux avoir des comportements d'hypervigilance, pourquoi j'ai encore peur des hommes. J'explique des mécanismes pour essayer de rendre un petit peu public des comportements qui sont secrets et tabous. Mais je ne me permettrais pas de l'utiliser vers un biais de justification face à un reproche que l'on me fait. Si quelqu'un me dit bah Octop, je trouve que t'es vraiment pas social ou sociable, comment dit-on ? sociable. Je vais lui dire, bah ouais, c'est vrai que ma batterie sociale, elle est faible et je suis fatiguée et quand je suis fatiguée, j'ai du mal à rentrer en interaction. Et peut-être que j'ai du mal à rentrer en interaction parce que j'ai été agressée. Mais ça n'a rien à voir. C'est une conséquence. Donc je peux pas le mettre en... Je peux pas le corréler immédiatement. Je peux parler de mes symptômes et dire, bah ouais, c'est vrai que là, j'aurais pu participer. Plus je fais ma live, je vous ai laissé tout ranger. J'ai rien foutu parce que, vas-y, j'étais triste ce soir et sûrement que j'étais triste ce soir parce que... J'ai eu des flashs toute la journée dans ma tête. Mais ça, ce n'est pas leur problème. Ils n'ont pas à gérer mes flashs pour moi. Je ne sais pas si c'est très clair ce que je dis. Pour revenir sur la brigade des mineurs, ce monsieur m'a posé des questions pendant six heures. Et puis, il a aussi pris mon téléphone. Il a regardé les messages qu'on s'était envoyés avec Nicolas. Il les a photocopiés. Il a écouté les messages vocaux que Nicolas m'avait laissés. Et puis, à un moment donné, j'ai vu dans ses yeux qu'il a décidé de me croire. Je ne sais pas comment ça s'est fait. Mais à un moment donné, il était à fond derrière moi. Et puis à la fin de cet interrogatoire, il m'a dit, écoute, je te crois, on va t'aider. La prochaine étape, ça va être la confrontation de ce monsieur. Parce que nous avons besoin qu'il avoue pour pouvoir aller jusqu'au bout de cette démarche. qui va être le procès, et pour qu'il avoue, on a besoin que vous vous confrontiez tous les deux. Donc dans quelques semaines, on va aller l'interpeller, parce qu'évidemment, ils l'ont retrouvé dans leur fichier, ils ont retrouvé son lieu de travail, etc. Et ils m'ont dit, voilà, on va te prévenir quand on va l'interpeller, et puis commencera la confrontation. Il m'a dit, est-ce que tu t'en sens prête ? J'ai dit non, ou oui, je ne sais plus ce que j'ai dit, mais bon, je n'avais pas le choix. Puis je crois que j'avais envie de le faire au fond. Puis il m'a dit, je t'expliquerai tout, comment ça va se passer, en tout cas, moi, je serai avec toi, il n'y aura pas de soucis. Il était très amical, il était très... beaucoup plus tendre que la personne que j'avais pu rencontrer au premier commissariat. On voit qu'il y a une formation psychologique quand même. Et puis je lui ai fait confiance aussi. Je lui ai fait confiance. Je sentais que c'était la bonne personne et qu'il pouvait m'aider. Et puis il m'a filé le numéro d'une avocate et il m'a dit « Appelle-la, tu en auras besoin. » Et je suis rentrée chez moi. Et j'en avais toujours pas parlé à mes parents. Et là je me suis rendue compte qu'il fallait que je leur en parle et que je leur annonce. Et ça c'était encore une sacrée histoire que je vous raconterai au prochain épisode. Merci beaucoup de m'avoir écoutée. Vous êtes de plus en plus nombreux et nombreuses à suivre ce podcast. Ça me fait énormément plaisir. N'hésitez pas à commenter, à liker, à partager. Et puis, prenez soin de vous. Les numéros sont toujours dans la barre d'infos. Je vous embrasse fort. Ciao !

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Description

YO, ici Octobre🦄


Désolée pour ce temps long, j'ai eu des problèmes techniques de matériel.


Aujourd'hui je parle de ma rencontre avec la Brigade !


Bonne écoute, soutien infini à tous.tes


Prenez soin de vous et de vos proches !😘


Numéro Violences Femme Infos: 3919

Numéro Violences Sexistes et Sexuelles: 0800 05 95 95


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Coucou, j'espère que vous allez bien. Ici Octobre, bienvenue sur Vicos, le podcast où on parle des victimes et où on les aime. J'espère que vous allez bien. L'actualité du moment est absolument retentissante avec le procès d'Adèle Haenel, que je suis évidemment avec beaucoup d'attention. J'ai été très émue ce matin en lisant ce qui s'était passé hier. Adèle Haenel est sortie de la salle. en disant à Christophe Ruggia « Ferme ta gueule » , ce qui est quand même assez fort. Et ses avocats, ce matin, ont raconté pourquoi elle est partie. Et il s'avère qu'au moment où Christophe Ruggia devait parler de sa vie privée, il y a un moment où l'agresseur prend un peu la parole pour raconter ses antécédents. Donc si on n'a pas de casier judiciaire, globalement, ça va très vite. Christophe Ruggia s'est servi de ce moment pour dire qu'il a toujours été un Pygmalion pour Adèle. Pygmalion, c'est un maître et son élève, un homme savant et une fille ignorante. Et donc, le maître apprend tout à la jeune fille. Donc, il se plaçait comme un tuteur, un peu, qui lui apprenait les choses du cinéma. Et à ce moment-là, donc au moment où il devait raconter sa vie, il en profite pour dire que c'est lui qui a choisi le nom d'Adèle Haenel. Puisque Enel était le nom de famille de sa grand-mère, il me semble, à Adèle. Et c'est lui qui lui a dit « Prends Adèle Enel » parce que Adèle Enel ça fait Adèle H. En référence au film de Truffaut. Donc non seulement dans ce moment-là, il ramène Adèle, mais en plus il l'entache. Je ne sais pas comment dire. Il s'approprie son nom, il s'approprie une partie d'elle, il s'approprie une partie de sa vie. C'est très violent. J'en ai pleuré ce matin. Évidemment, ça a fait écho à ma propre histoire. Ce rapport au nom, il est évidemment crucial. Moi, j'ai changé de nom suite à mon procès. Parce qu'en fait, je ne voulais plus que mon ancien prénom soit collé à moi. Parce qu'il avait été sali par l'homme qui m'a agressé. Et je comprends qu'Adèle ait pété un plomb et est sortie. Ferme ta gueule à ce moment-là. Parce qu'il vient piétiner son identité, quoi. On ne se rend pas compte ce que c'est un nom. Mais d'un coup, il vient ramener l'idée que c'est lui. qui l'a façonné, lui, qui l'a choisi et qu'elle le porte encore aujourd'hui, ça me dégoûte profondément qu'il ait osé faire ça. C'est une emprise. Ouais, c'est ramener une emprise sur elle. Et elle, elle a dit « Ferme ta gueule » . Elle a dit « Va te faire foutre » . Je l'admire beaucoup et je suis vraiment tellement admirative de son courage parce que c'est une personnalité publique. Donc elle s'expose à tout, comme Gisèle l'a fait il y a quelque temps. Et donc pour revenir à mon propre nom, j'ai choisi de changer de prénom. en l'occurrence, pour ne plus être reliée à lui, parce que mon ancien prénom, c'est celui qui figure dans les papiers judiciaires. Enfin, mon nom et le sien sont collés pour l'éternité. L'éternité, j'abuse un peu, je suis un peu mégalo, mais en tout cas, pour toute ma vie, et peut-être un petit peu après, il y aura mon nom et le sien collés, et ça me dégoûte. Enfin, ça me dégoûte. Je n'ai pas envie. Et changer de prénom, choisir un nouveau prénom, pour moi, ça a été l'opportunité de me donner de la force et de me donner... une chance de vivre sans ça, avec moins. Donc ça me... Ouais, c'est quelque chose qui m'a profondément touchée que ce soit la première chose sur laquelle elle réagit, c'est qu'elle peut être en plomb. J'en ai parlé dans les épisodes précédents, mais je vais le redire et je le redirai à l'infini. Les conséquences d'une agression sexuelle, c'est incommensurable à quel point c'est violent et à quel point ça modifie des choses. C'est fou, quand on se fait agresser, les gens ont l'impression que quand on se fait agresser, on capte tout de suite. les bouleversements, on capte tout de suite la peine, la douleur, la souffrance. Pas du tout. Vraiment, ça se déroule par étapes. Parce que pendant l'agression, on est là, mais on n'est pas là. Et pour chacune, c'est différent. Et en même temps, tous ces états se ressemblent un peu. Mais c'est un état, je suis là, je ne suis pas là. C'est très étrange. Je pense que c'est ça le plus difficile à décrire pour les gens, pour qu'ils puissent comprendre. Ce qui fait que le lendemain de l'agression, tout n'a pas changé d'un coup. La journée d'après, c'est la même. On ne sent pas tout de suite les changements. On ne les voit pas. Et c'est d'ailleurs, j'ai l'impression peut-être, ce qui fait qu'on se dit, bah tiens, c'était pas si grave. C'est parce qu'on ne voit pas de changement. On a souvent l'impression qu'après une agression, tout va basculer d'un coup. Non, c'est des choses qui prennent du temps et qui se délitent petit à petit, quoi. Dans le dernier épisode, je parlais de la première plainte déposée au commissariat. Sur cet épisode-là, je voulais parler de la deuxième plainte qui a eu lieu à l'application des mineurs. Donc je redis... Quelqu'un subit une agression. en dessous de ses 15 ans, il doit ou elle doit porter plainte à la brigade des mineurs, même si la plainte est posée 20 ans après, quand la personne est majeure. Donc c'est un matin, et Louise me réveille, me dit « Go à la brigade des mineurs ! » Excusez-moi, il y a Justine Mertieux qui fait du bruit. Donc on se pointe à la brigade des mineurs, on arrive, même entrée, même protocole que la première plainte au commissariat. une entrée type Algeco, est-ce que c'est le bon mot ? Non, mais type administration, petite porte qui s'ouvre en... J'ai pas les mots. Des portes collées, coulissantes, putain, je sais plus. On arrive dans un sas, on nous demande pourquoi on est là, on dit qu'on veut porter plainte, on nous ouvre la porte et rebelote. Une queue, une file d'attente, un petit sticker avec marqué « Ne pas dépasser à un mètre du comptoir » . comptoir où on entend tout ce qui se passe. On arrive dans la partie du bas qui est un commissariat lambda et en fait à l'étage, c'est l'étage spécialisé de la brigade des mineurs. Donc on explique pourquoi on est là. Même regard interloqué, même gênance où je dois réexpliquer un petit peu. Bah voilà, je suis là pour une agression d'il y a 15 ans. C'est interloquant. C'est pas encore quelque chose de normal. Il faut normaliser d'aller porter plainte en fait 10, 15, 20 ans après. Toujours un petit peu ce moment de flottement où ils sont méfiants, méfiantes. Ils disent d'accord, on va vous recevoir, attendez dans la salle d'attente. On vient me chercher assez rapidement, mais Héloïse n'est pas autorisée à monter. Héloïse me dit, vas-y, je t'attends. Donc je monte. Là, on arrive dans un étage très différent des commissariats que j'ai pu voir jusqu'à présent. C'est des bureaux, côte à côte, avec peu de personnalité, mais sur les murs, il y a beaucoup de dessins d'enfants, il y a beaucoup de coloriages qui sont affichés dans les murs du couloir. On mène dans une salle, on s'assoit, une salle en lombre. plutôt pas très large. Il s'assoit en face de moi, derrière son ordinateur. Moi, je suis face à lui. Et là, il commence à me poser des questions. Donc, je lui raconte. Je ne sais plus. C'est un peu confus pour moi de raconter ça avec précision. Je sais vite qu'il m'a posé des questions. Très vite, il m'a demandé mon métier. Je lui ai dit que j'étais actrice. Et là, j'ai eu la sensation de tout recommencer du début. C'est-à-dire qu'il m'a dit « Je ne comprends pas. Est-ce que tu es là pour faire du buzz ? Est-ce que tu mens ? Est-ce que tu loues la comédie ? » Ça paraît fou. Et en même temps, ça peut paraître aussi légitime. Le problème, c'est que c'est encore l'idée que les femmes peuvent trouver de la notoriété ou du plaisir à faire ce genre de démarches. Pas du tout, je le rappelle encore pour ceux qui pensent que les femmes qui portent plainte et qui font des démarches de ce type sont toutes des menteuses. En France, c'est pas comme les Etats-Unis, il n'y a rien à gagner à faire un procès contre quelqu'un, il n'y a pas d'argent. Il n'y a pas d'argent à la clé. Il n'y a pas. Il n'y a pas, en fait. Donc on ne peut pas gagner de l'argent, on ne peut pas gagner de la notoriété en faisant un procès. On ne peut pas. Déjà, moi j'en ai fait un procès, est-ce que tout le monde me connaît ? Non, pas du tout. Il n'y a rien à gagner à faire un procès, ni à porter plainte. Et je tiens ça à l'affirmer et à le réaffirmer. Donc lui me questionne, est-ce que tu veux gagner du buzz ? Et ça m'a particulièrement déroutée. Et à partir de là, on a recommencé à zéro l'interrogatoire. On n'avait pas bien avancé, mais disons qu'il était beaucoup plus méfiant. Ça a duré 6 heures, l'interrogatoire, c'était très long. Et j'ai dû tout raconter depuis le début. Et ce qui est très perturbant, c'est tout, tout, tout raconter. Dans les moindres détails. Et il pose des questions sur tout. Et il n'y a pas de... Jusqu'à présent, quand j'ai raconté mon histoire... J'en ai parlé à Héloïse qui m'a aidé à porter plainte. On en a reparlé avec Nicolas au téléphone quand je lui ai gueulé dessus. On a dit qu'il y a eu une agression mais on n'a pas dit quoi exactement. Et j'en avais parlé à mes petits copains pour leur expliquer certaines de mes problématiques. Mais je n'allais jamais dans le vif du sujet. C'est-à-dire que je n'allais jamais décrire les gestes précis de ce qui s'était passé, l'agression, la nommée, tout. Je n'avais jamais fait. Et d'un coup il y a quelqu'un en face de moi qui n'a pas peur de me demander, non seulement qu'il n'a pas peur mais qu'il veut savoir les moindres détails. qu'est-ce qu'il a fait de ses mains, où il les a placées, s'il y a eu pénétration, si oui ou comment. Enfin, des choses extrêmement violentes et déroutantes. C'était un moment très particulier, très fort, très violent. Et puis, il me fait raconter l'histoire dans un sens, puis dans un autre. Je pense que c'est aussi une façon de vérifier que je ne mens pas. J'ai dû donner le nom du village, où était la colonie. J'ai dû essayer de décrire la maison. C'est fou parce que mes souvenirs disparaissaient quand j'essayais de les attraper. J'essayais d'être précise possible. pour montrer ma bonne foi, pour montrer que je ne mens pas. Plus j'essayais de me souvenir, plus ça s'échappait. Je me rappelle, à un moment donné, il m'a demandé d'écrire la maison. J'étais battue, quoi. C'était une grande maison en pierre, avec des ortoirs. Qu'est-ce que je pouvais dire d'autre ? Donc après, avec quelques éléments, lui, il a réussi à retrouver la compagnie de la colonie de vacances, le nom de la colonie de vacances. Il m'a montré des photos de maison. J'ai eu la sensation d'en reconnaître une. Mais c'est vraiment... Cette mémoire, elle n'est pas fiable. On a l'impression de se rappeler de tout, et en fait, on ne se rappelle de rien. Il n'y a rien qui est précis. C'est comme des flashs. Puis comme moi, la colonne de vacances, elle a duré sur deux semaines. Il y a eu plusieurs fois des agressions dans des lieux différents, de manière différente. Mais il y a eu un jour où ça a commencé. Il y a eu le premier jour. Et pour moi, c'est la première agression la plus grave. C'était dans une nuit pendant un bivouac. Et il faut essayer de tout décrire. Mais on veut être précis, mais on ne se rappelle pas. Il y avait une fille à côté de moi. Mais comment elle s'appelait, cette petite fille ? Et après, j'ai essayé de dire qu'il y avait un moniteur qui... à un moment donné m'avait posé des questions pendant la colonie de vacances en me demandant si j'avais un problème avec le directeur de la colonie de vacances parce qu'il était un peu suspect et j'ai pas pu dire oui à ce moniteur là j'avais peur, j'avais honte et ce moniteur là dans mes souvenirs il s'appelle Arthur, mais est-ce qu'il s'appelle vraiment Arthur ? Je m'en sais rien du tout et le décrypte physiquement je... C'est une ombre, quoi. Je me rappelle qu'il était jatin clair, mais son visage, comment le décrire ? Et c'est très frustrant, parce qu'on aimerait faire du mieux qu'on peut, pour être cru, et puis aussi pour soi, quoi. Pour avoir un fil logique, conducteur, qui puisse être racontable. Et en fait, c'est que des amas de souvenirs. La temporalité, elle n'est pas fiable. Je n'arrive plus à savoir dans quel ordre sont les agressions. Et ce qui fait que parfois, je me contredit. Je me dis, ben, c'est ça qui s'est passé en premier. Bon, ça, je l'ai. Ensuite, il y a eu cette sortie-là. et il m'a fait ça et puis il y a eu cette sortie là et puis quand je le raconte je me dis ah bah non en fait c'était pas dans ce sens là et en fait on est tellement inquiet de se dire que ça potentiellement ça peut sommer le doute auprès du policier et de l'enquêteur que ça met dans un état de stress pas possible surtout c'était la première fois que je disais des mots par exemple je me rappelle très bien du moment où il m'a demandé de poser des mots plus clairs que agression et donc il a commencé à me donner la définition des mots pour que je puisse dire ah bah ça c'était un viol, ça c'était des attouchements ça c'est vertigineux Parce que j'avais encore jamais mis ces mots-là, moi. Et d'un coup, on se dit, mais c'est pas possible. C'est pas possible. Il y a comme une prise de conscience que ça s'est vraiment passé. C'est encore un autre état de choc qui se met en place. Où à la fois, je reconnais qu'il s'est passé tout ça. Puis il y a quelqu'un qui me dit, oui, c'est grave. Et à la fois, j'y crois pas du tout. Je me dis, c'est pas possible. C'est pas à moi, pas à... Non. Et cet état, il rentre en confrontation absolument tout le temps, ces deux états-là. Et ça devient un dilemme et j'ai l'impression que c'est un dilemme qui demeure toujours chez les victimes. En tout cas, dans toutes les paroles de victimes que j'ai pu écouter ou lire, il y a ces états qui demeurent, ces deux états frictionnels. L'état qui dit « oui, il s'est passé ça pour moi » et en même temps, « je n'y crois pas, je ne peux pas y croire » . Et c'est pour ça que les femmes qui disent « ça s'est passé pour moi aussi » , le mouvement MeToo, les femmes qui écrivent, qui réalisent des films à propos de leur histoire, qui, comme moi, font des podcasts qui en... parle, qui chante sur ça. C'est une façon de se rappeler aussi que oui, elle aussi, non pas pour se victimiser, mais pour comme pour détruire ce carcan de stupeur et cette emprise que l'agresseur il a sur la petite fille ou sur la femme et qui lui fait croire que tout ça, ça n'a pas existé ou que tout ça, c'est de sa faute à elle ou que tout ça en fait, c'était juste de l'amour, c'était de la tendresse. Il y a tellement de mensonges et tabous autour de tout ça que le revendiquer, c'est politiquement une volonté. de reprendre le pouvoir sur sa mémoire, de reprendre le pouvoir sur son corps, de briser l'emprise. Ce n'est pas du tout se victimiser. Se reconnaître en tant que victime, ce n'est pas se victimiser. J'en parlais dans mon premier épisode, je parlais de l'amalgame entre se victimiser et se reconnaître en tant que victime, qui sont deux gaps excessivement différents. Se reconnaître en tant que victime, c'est déjà dire oui, j'ai été victime d'agression sexuelle, sans pour autant que ça excuse un comportement. Les victimes... peuvent se victimiser, c'est pas quelque chose d'antinomique. Je dis pas que les victimes sont pures et innocentes et qu'elles ne se victimisent jamais. Parfois, il nous arrive des choses très graves et on l'utilise pour justifier un comportement qui aura pu déranger autrui. En fait, se reconnaître en tant que victime, ça doit pas intervenir dans un moment où quelqu'un nous fait un reproche. Ça doit pas être un argument et une excuse à un comportement. Si on fait du mal à quelqu'un ou si notre comportement pose question à autrui et qu'on vient nous en parler, ça ne doit pas rentrer en ligne de compte en fait. On peut expliquer un comportement, et ça moi je l'ai fait dans mon podcast, j'explique pourquoi j'ai peur dans la rue, pourquoi je peux avoir des comportements d'hypervigilance, pourquoi j'ai encore peur des hommes. J'explique des mécanismes pour essayer de rendre un petit peu public des comportements qui sont secrets et tabous. Mais je ne me permettrais pas de l'utiliser vers un biais de justification face à un reproche que l'on me fait. Si quelqu'un me dit bah Octop, je trouve que t'es vraiment pas social ou sociable, comment dit-on ? sociable. Je vais lui dire, bah ouais, c'est vrai que ma batterie sociale, elle est faible et je suis fatiguée et quand je suis fatiguée, j'ai du mal à rentrer en interaction. Et peut-être que j'ai du mal à rentrer en interaction parce que j'ai été agressée. Mais ça n'a rien à voir. C'est une conséquence. Donc je peux pas le mettre en... Je peux pas le corréler immédiatement. Je peux parler de mes symptômes et dire, bah ouais, c'est vrai que là, j'aurais pu participer. Plus je fais ma live, je vous ai laissé tout ranger. J'ai rien foutu parce que, vas-y, j'étais triste ce soir et sûrement que j'étais triste ce soir parce que... J'ai eu des flashs toute la journée dans ma tête. Mais ça, ce n'est pas leur problème. Ils n'ont pas à gérer mes flashs pour moi. Je ne sais pas si c'est très clair ce que je dis. Pour revenir sur la brigade des mineurs, ce monsieur m'a posé des questions pendant six heures. Et puis, il a aussi pris mon téléphone. Il a regardé les messages qu'on s'était envoyés avec Nicolas. Il les a photocopiés. Il a écouté les messages vocaux que Nicolas m'avait laissés. Et puis, à un moment donné, j'ai vu dans ses yeux qu'il a décidé de me croire. Je ne sais pas comment ça s'est fait. Mais à un moment donné, il était à fond derrière moi. Et puis à la fin de cet interrogatoire, il m'a dit, écoute, je te crois, on va t'aider. La prochaine étape, ça va être la confrontation de ce monsieur. Parce que nous avons besoin qu'il avoue pour pouvoir aller jusqu'au bout de cette démarche. qui va être le procès, et pour qu'il avoue, on a besoin que vous vous confrontiez tous les deux. Donc dans quelques semaines, on va aller l'interpeller, parce qu'évidemment, ils l'ont retrouvé dans leur fichier, ils ont retrouvé son lieu de travail, etc. Et ils m'ont dit, voilà, on va te prévenir quand on va l'interpeller, et puis commencera la confrontation. Il m'a dit, est-ce que tu t'en sens prête ? J'ai dit non, ou oui, je ne sais plus ce que j'ai dit, mais bon, je n'avais pas le choix. Puis je crois que j'avais envie de le faire au fond. Puis il m'a dit, je t'expliquerai tout, comment ça va se passer, en tout cas, moi, je serai avec toi, il n'y aura pas de soucis. Il était très amical, il était très... beaucoup plus tendre que la personne que j'avais pu rencontrer au premier commissariat. On voit qu'il y a une formation psychologique quand même. Et puis je lui ai fait confiance aussi. Je lui ai fait confiance. Je sentais que c'était la bonne personne et qu'il pouvait m'aider. Et puis il m'a filé le numéro d'une avocate et il m'a dit « Appelle-la, tu en auras besoin. » Et je suis rentrée chez moi. Et j'en avais toujours pas parlé à mes parents. Et là je me suis rendue compte qu'il fallait que je leur en parle et que je leur annonce. Et ça c'était encore une sacrée histoire que je vous raconterai au prochain épisode. Merci beaucoup de m'avoir écoutée. Vous êtes de plus en plus nombreux et nombreuses à suivre ce podcast. Ça me fait énormément plaisir. N'hésitez pas à commenter, à liker, à partager. Et puis, prenez soin de vous. Les numéros sont toujours dans la barre d'infos. Je vous embrasse fort. Ciao !

Description

YO, ici Octobre🦄


Désolée pour ce temps long, j'ai eu des problèmes techniques de matériel.


Aujourd'hui je parle de ma rencontre avec la Brigade !


Bonne écoute, soutien infini à tous.tes


Prenez soin de vous et de vos proches !😘


Numéro Violences Femme Infos: 3919

Numéro Violences Sexistes et Sexuelles: 0800 05 95 95


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Coucou, j'espère que vous allez bien. Ici Octobre, bienvenue sur Vicos, le podcast où on parle des victimes et où on les aime. J'espère que vous allez bien. L'actualité du moment est absolument retentissante avec le procès d'Adèle Haenel, que je suis évidemment avec beaucoup d'attention. J'ai été très émue ce matin en lisant ce qui s'était passé hier. Adèle Haenel est sortie de la salle. en disant à Christophe Ruggia « Ferme ta gueule » , ce qui est quand même assez fort. Et ses avocats, ce matin, ont raconté pourquoi elle est partie. Et il s'avère qu'au moment où Christophe Ruggia devait parler de sa vie privée, il y a un moment où l'agresseur prend un peu la parole pour raconter ses antécédents. Donc si on n'a pas de casier judiciaire, globalement, ça va très vite. Christophe Ruggia s'est servi de ce moment pour dire qu'il a toujours été un Pygmalion pour Adèle. Pygmalion, c'est un maître et son élève, un homme savant et une fille ignorante. Et donc, le maître apprend tout à la jeune fille. Donc, il se plaçait comme un tuteur, un peu, qui lui apprenait les choses du cinéma. Et à ce moment-là, donc au moment où il devait raconter sa vie, il en profite pour dire que c'est lui qui a choisi le nom d'Adèle Haenel. Puisque Enel était le nom de famille de sa grand-mère, il me semble, à Adèle. Et c'est lui qui lui a dit « Prends Adèle Enel » parce que Adèle Enel ça fait Adèle H. En référence au film de Truffaut. Donc non seulement dans ce moment-là, il ramène Adèle, mais en plus il l'entache. Je ne sais pas comment dire. Il s'approprie son nom, il s'approprie une partie d'elle, il s'approprie une partie de sa vie. C'est très violent. J'en ai pleuré ce matin. Évidemment, ça a fait écho à ma propre histoire. Ce rapport au nom, il est évidemment crucial. Moi, j'ai changé de nom suite à mon procès. Parce qu'en fait, je ne voulais plus que mon ancien prénom soit collé à moi. Parce qu'il avait été sali par l'homme qui m'a agressé. Et je comprends qu'Adèle ait pété un plomb et est sortie. Ferme ta gueule à ce moment-là. Parce qu'il vient piétiner son identité, quoi. On ne se rend pas compte ce que c'est un nom. Mais d'un coup, il vient ramener l'idée que c'est lui. qui l'a façonné, lui, qui l'a choisi et qu'elle le porte encore aujourd'hui, ça me dégoûte profondément qu'il ait osé faire ça. C'est une emprise. Ouais, c'est ramener une emprise sur elle. Et elle, elle a dit « Ferme ta gueule » . Elle a dit « Va te faire foutre » . Je l'admire beaucoup et je suis vraiment tellement admirative de son courage parce que c'est une personnalité publique. Donc elle s'expose à tout, comme Gisèle l'a fait il y a quelque temps. Et donc pour revenir à mon propre nom, j'ai choisi de changer de prénom. en l'occurrence, pour ne plus être reliée à lui, parce que mon ancien prénom, c'est celui qui figure dans les papiers judiciaires. Enfin, mon nom et le sien sont collés pour l'éternité. L'éternité, j'abuse un peu, je suis un peu mégalo, mais en tout cas, pour toute ma vie, et peut-être un petit peu après, il y aura mon nom et le sien collés, et ça me dégoûte. Enfin, ça me dégoûte. Je n'ai pas envie. Et changer de prénom, choisir un nouveau prénom, pour moi, ça a été l'opportunité de me donner de la force et de me donner... une chance de vivre sans ça, avec moins. Donc ça me... Ouais, c'est quelque chose qui m'a profondément touchée que ce soit la première chose sur laquelle elle réagit, c'est qu'elle peut être en plomb. J'en ai parlé dans les épisodes précédents, mais je vais le redire et je le redirai à l'infini. Les conséquences d'une agression sexuelle, c'est incommensurable à quel point c'est violent et à quel point ça modifie des choses. C'est fou, quand on se fait agresser, les gens ont l'impression que quand on se fait agresser, on capte tout de suite. les bouleversements, on capte tout de suite la peine, la douleur, la souffrance. Pas du tout. Vraiment, ça se déroule par étapes. Parce que pendant l'agression, on est là, mais on n'est pas là. Et pour chacune, c'est différent. Et en même temps, tous ces états se ressemblent un peu. Mais c'est un état, je suis là, je ne suis pas là. C'est très étrange. Je pense que c'est ça le plus difficile à décrire pour les gens, pour qu'ils puissent comprendre. Ce qui fait que le lendemain de l'agression, tout n'a pas changé d'un coup. La journée d'après, c'est la même. On ne sent pas tout de suite les changements. On ne les voit pas. Et c'est d'ailleurs, j'ai l'impression peut-être, ce qui fait qu'on se dit, bah tiens, c'était pas si grave. C'est parce qu'on ne voit pas de changement. On a souvent l'impression qu'après une agression, tout va basculer d'un coup. Non, c'est des choses qui prennent du temps et qui se délitent petit à petit, quoi. Dans le dernier épisode, je parlais de la première plainte déposée au commissariat. Sur cet épisode-là, je voulais parler de la deuxième plainte qui a eu lieu à l'application des mineurs. Donc je redis... Quelqu'un subit une agression. en dessous de ses 15 ans, il doit ou elle doit porter plainte à la brigade des mineurs, même si la plainte est posée 20 ans après, quand la personne est majeure. Donc c'est un matin, et Louise me réveille, me dit « Go à la brigade des mineurs ! » Excusez-moi, il y a Justine Mertieux qui fait du bruit. Donc on se pointe à la brigade des mineurs, on arrive, même entrée, même protocole que la première plainte au commissariat. une entrée type Algeco, est-ce que c'est le bon mot ? Non, mais type administration, petite porte qui s'ouvre en... J'ai pas les mots. Des portes collées, coulissantes, putain, je sais plus. On arrive dans un sas, on nous demande pourquoi on est là, on dit qu'on veut porter plainte, on nous ouvre la porte et rebelote. Une queue, une file d'attente, un petit sticker avec marqué « Ne pas dépasser à un mètre du comptoir » . comptoir où on entend tout ce qui se passe. On arrive dans la partie du bas qui est un commissariat lambda et en fait à l'étage, c'est l'étage spécialisé de la brigade des mineurs. Donc on explique pourquoi on est là. Même regard interloqué, même gênance où je dois réexpliquer un petit peu. Bah voilà, je suis là pour une agression d'il y a 15 ans. C'est interloquant. C'est pas encore quelque chose de normal. Il faut normaliser d'aller porter plainte en fait 10, 15, 20 ans après. Toujours un petit peu ce moment de flottement où ils sont méfiants, méfiantes. Ils disent d'accord, on va vous recevoir, attendez dans la salle d'attente. On vient me chercher assez rapidement, mais Héloïse n'est pas autorisée à monter. Héloïse me dit, vas-y, je t'attends. Donc je monte. Là, on arrive dans un étage très différent des commissariats que j'ai pu voir jusqu'à présent. C'est des bureaux, côte à côte, avec peu de personnalité, mais sur les murs, il y a beaucoup de dessins d'enfants, il y a beaucoup de coloriages qui sont affichés dans les murs du couloir. On mène dans une salle, on s'assoit, une salle en lombre. plutôt pas très large. Il s'assoit en face de moi, derrière son ordinateur. Moi, je suis face à lui. Et là, il commence à me poser des questions. Donc, je lui raconte. Je ne sais plus. C'est un peu confus pour moi de raconter ça avec précision. Je sais vite qu'il m'a posé des questions. Très vite, il m'a demandé mon métier. Je lui ai dit que j'étais actrice. Et là, j'ai eu la sensation de tout recommencer du début. C'est-à-dire qu'il m'a dit « Je ne comprends pas. Est-ce que tu es là pour faire du buzz ? Est-ce que tu mens ? Est-ce que tu loues la comédie ? » Ça paraît fou. Et en même temps, ça peut paraître aussi légitime. Le problème, c'est que c'est encore l'idée que les femmes peuvent trouver de la notoriété ou du plaisir à faire ce genre de démarches. Pas du tout, je le rappelle encore pour ceux qui pensent que les femmes qui portent plainte et qui font des démarches de ce type sont toutes des menteuses. En France, c'est pas comme les Etats-Unis, il n'y a rien à gagner à faire un procès contre quelqu'un, il n'y a pas d'argent. Il n'y a pas d'argent à la clé. Il n'y a pas. Il n'y a pas, en fait. Donc on ne peut pas gagner de l'argent, on ne peut pas gagner de la notoriété en faisant un procès. On ne peut pas. Déjà, moi j'en ai fait un procès, est-ce que tout le monde me connaît ? Non, pas du tout. Il n'y a rien à gagner à faire un procès, ni à porter plainte. Et je tiens ça à l'affirmer et à le réaffirmer. Donc lui me questionne, est-ce que tu veux gagner du buzz ? Et ça m'a particulièrement déroutée. Et à partir de là, on a recommencé à zéro l'interrogatoire. On n'avait pas bien avancé, mais disons qu'il était beaucoup plus méfiant. Ça a duré 6 heures, l'interrogatoire, c'était très long. Et j'ai dû tout raconter depuis le début. Et ce qui est très perturbant, c'est tout, tout, tout raconter. Dans les moindres détails. Et il pose des questions sur tout. Et il n'y a pas de... Jusqu'à présent, quand j'ai raconté mon histoire... J'en ai parlé à Héloïse qui m'a aidé à porter plainte. On en a reparlé avec Nicolas au téléphone quand je lui ai gueulé dessus. On a dit qu'il y a eu une agression mais on n'a pas dit quoi exactement. Et j'en avais parlé à mes petits copains pour leur expliquer certaines de mes problématiques. Mais je n'allais jamais dans le vif du sujet. C'est-à-dire que je n'allais jamais décrire les gestes précis de ce qui s'était passé, l'agression, la nommée, tout. Je n'avais jamais fait. Et d'un coup il y a quelqu'un en face de moi qui n'a pas peur de me demander, non seulement qu'il n'a pas peur mais qu'il veut savoir les moindres détails. qu'est-ce qu'il a fait de ses mains, où il les a placées, s'il y a eu pénétration, si oui ou comment. Enfin, des choses extrêmement violentes et déroutantes. C'était un moment très particulier, très fort, très violent. Et puis, il me fait raconter l'histoire dans un sens, puis dans un autre. Je pense que c'est aussi une façon de vérifier que je ne mens pas. J'ai dû donner le nom du village, où était la colonie. J'ai dû essayer de décrire la maison. C'est fou parce que mes souvenirs disparaissaient quand j'essayais de les attraper. J'essayais d'être précise possible. pour montrer ma bonne foi, pour montrer que je ne mens pas. Plus j'essayais de me souvenir, plus ça s'échappait. Je me rappelle, à un moment donné, il m'a demandé d'écrire la maison. J'étais battue, quoi. C'était une grande maison en pierre, avec des ortoirs. Qu'est-ce que je pouvais dire d'autre ? Donc après, avec quelques éléments, lui, il a réussi à retrouver la compagnie de la colonie de vacances, le nom de la colonie de vacances. Il m'a montré des photos de maison. J'ai eu la sensation d'en reconnaître une. Mais c'est vraiment... Cette mémoire, elle n'est pas fiable. On a l'impression de se rappeler de tout, et en fait, on ne se rappelle de rien. Il n'y a rien qui est précis. C'est comme des flashs. Puis comme moi, la colonne de vacances, elle a duré sur deux semaines. Il y a eu plusieurs fois des agressions dans des lieux différents, de manière différente. Mais il y a eu un jour où ça a commencé. Il y a eu le premier jour. Et pour moi, c'est la première agression la plus grave. C'était dans une nuit pendant un bivouac. Et il faut essayer de tout décrire. Mais on veut être précis, mais on ne se rappelle pas. Il y avait une fille à côté de moi. Mais comment elle s'appelait, cette petite fille ? Et après, j'ai essayé de dire qu'il y avait un moniteur qui... à un moment donné m'avait posé des questions pendant la colonie de vacances en me demandant si j'avais un problème avec le directeur de la colonie de vacances parce qu'il était un peu suspect et j'ai pas pu dire oui à ce moniteur là j'avais peur, j'avais honte et ce moniteur là dans mes souvenirs il s'appelle Arthur, mais est-ce qu'il s'appelle vraiment Arthur ? Je m'en sais rien du tout et le décrypte physiquement je... C'est une ombre, quoi. Je me rappelle qu'il était jatin clair, mais son visage, comment le décrire ? Et c'est très frustrant, parce qu'on aimerait faire du mieux qu'on peut, pour être cru, et puis aussi pour soi, quoi. Pour avoir un fil logique, conducteur, qui puisse être racontable. Et en fait, c'est que des amas de souvenirs. La temporalité, elle n'est pas fiable. Je n'arrive plus à savoir dans quel ordre sont les agressions. Et ce qui fait que parfois, je me contredit. Je me dis, ben, c'est ça qui s'est passé en premier. Bon, ça, je l'ai. Ensuite, il y a eu cette sortie-là. et il m'a fait ça et puis il y a eu cette sortie là et puis quand je le raconte je me dis ah bah non en fait c'était pas dans ce sens là et en fait on est tellement inquiet de se dire que ça potentiellement ça peut sommer le doute auprès du policier et de l'enquêteur que ça met dans un état de stress pas possible surtout c'était la première fois que je disais des mots par exemple je me rappelle très bien du moment où il m'a demandé de poser des mots plus clairs que agression et donc il a commencé à me donner la définition des mots pour que je puisse dire ah bah ça c'était un viol, ça c'était des attouchements ça c'est vertigineux Parce que j'avais encore jamais mis ces mots-là, moi. Et d'un coup, on se dit, mais c'est pas possible. C'est pas possible. Il y a comme une prise de conscience que ça s'est vraiment passé. C'est encore un autre état de choc qui se met en place. Où à la fois, je reconnais qu'il s'est passé tout ça. Puis il y a quelqu'un qui me dit, oui, c'est grave. Et à la fois, j'y crois pas du tout. Je me dis, c'est pas possible. C'est pas à moi, pas à... Non. Et cet état, il rentre en confrontation absolument tout le temps, ces deux états-là. Et ça devient un dilemme et j'ai l'impression que c'est un dilemme qui demeure toujours chez les victimes. En tout cas, dans toutes les paroles de victimes que j'ai pu écouter ou lire, il y a ces états qui demeurent, ces deux états frictionnels. L'état qui dit « oui, il s'est passé ça pour moi » et en même temps, « je n'y crois pas, je ne peux pas y croire » . Et c'est pour ça que les femmes qui disent « ça s'est passé pour moi aussi » , le mouvement MeToo, les femmes qui écrivent, qui réalisent des films à propos de leur histoire, qui, comme moi, font des podcasts qui en... parle, qui chante sur ça. C'est une façon de se rappeler aussi que oui, elle aussi, non pas pour se victimiser, mais pour comme pour détruire ce carcan de stupeur et cette emprise que l'agresseur il a sur la petite fille ou sur la femme et qui lui fait croire que tout ça, ça n'a pas existé ou que tout ça, c'est de sa faute à elle ou que tout ça en fait, c'était juste de l'amour, c'était de la tendresse. Il y a tellement de mensonges et tabous autour de tout ça que le revendiquer, c'est politiquement une volonté. de reprendre le pouvoir sur sa mémoire, de reprendre le pouvoir sur son corps, de briser l'emprise. Ce n'est pas du tout se victimiser. Se reconnaître en tant que victime, ce n'est pas se victimiser. J'en parlais dans mon premier épisode, je parlais de l'amalgame entre se victimiser et se reconnaître en tant que victime, qui sont deux gaps excessivement différents. Se reconnaître en tant que victime, c'est déjà dire oui, j'ai été victime d'agression sexuelle, sans pour autant que ça excuse un comportement. Les victimes... peuvent se victimiser, c'est pas quelque chose d'antinomique. Je dis pas que les victimes sont pures et innocentes et qu'elles ne se victimisent jamais. Parfois, il nous arrive des choses très graves et on l'utilise pour justifier un comportement qui aura pu déranger autrui. En fait, se reconnaître en tant que victime, ça doit pas intervenir dans un moment où quelqu'un nous fait un reproche. Ça doit pas être un argument et une excuse à un comportement. Si on fait du mal à quelqu'un ou si notre comportement pose question à autrui et qu'on vient nous en parler, ça ne doit pas rentrer en ligne de compte en fait. On peut expliquer un comportement, et ça moi je l'ai fait dans mon podcast, j'explique pourquoi j'ai peur dans la rue, pourquoi je peux avoir des comportements d'hypervigilance, pourquoi j'ai encore peur des hommes. J'explique des mécanismes pour essayer de rendre un petit peu public des comportements qui sont secrets et tabous. Mais je ne me permettrais pas de l'utiliser vers un biais de justification face à un reproche que l'on me fait. Si quelqu'un me dit bah Octop, je trouve que t'es vraiment pas social ou sociable, comment dit-on ? sociable. Je vais lui dire, bah ouais, c'est vrai que ma batterie sociale, elle est faible et je suis fatiguée et quand je suis fatiguée, j'ai du mal à rentrer en interaction. Et peut-être que j'ai du mal à rentrer en interaction parce que j'ai été agressée. Mais ça n'a rien à voir. C'est une conséquence. Donc je peux pas le mettre en... Je peux pas le corréler immédiatement. Je peux parler de mes symptômes et dire, bah ouais, c'est vrai que là, j'aurais pu participer. Plus je fais ma live, je vous ai laissé tout ranger. J'ai rien foutu parce que, vas-y, j'étais triste ce soir et sûrement que j'étais triste ce soir parce que... J'ai eu des flashs toute la journée dans ma tête. Mais ça, ce n'est pas leur problème. Ils n'ont pas à gérer mes flashs pour moi. Je ne sais pas si c'est très clair ce que je dis. Pour revenir sur la brigade des mineurs, ce monsieur m'a posé des questions pendant six heures. Et puis, il a aussi pris mon téléphone. Il a regardé les messages qu'on s'était envoyés avec Nicolas. Il les a photocopiés. Il a écouté les messages vocaux que Nicolas m'avait laissés. Et puis, à un moment donné, j'ai vu dans ses yeux qu'il a décidé de me croire. Je ne sais pas comment ça s'est fait. Mais à un moment donné, il était à fond derrière moi. Et puis à la fin de cet interrogatoire, il m'a dit, écoute, je te crois, on va t'aider. La prochaine étape, ça va être la confrontation de ce monsieur. Parce que nous avons besoin qu'il avoue pour pouvoir aller jusqu'au bout de cette démarche. qui va être le procès, et pour qu'il avoue, on a besoin que vous vous confrontiez tous les deux. Donc dans quelques semaines, on va aller l'interpeller, parce qu'évidemment, ils l'ont retrouvé dans leur fichier, ils ont retrouvé son lieu de travail, etc. Et ils m'ont dit, voilà, on va te prévenir quand on va l'interpeller, et puis commencera la confrontation. Il m'a dit, est-ce que tu t'en sens prête ? J'ai dit non, ou oui, je ne sais plus ce que j'ai dit, mais bon, je n'avais pas le choix. Puis je crois que j'avais envie de le faire au fond. Puis il m'a dit, je t'expliquerai tout, comment ça va se passer, en tout cas, moi, je serai avec toi, il n'y aura pas de soucis. Il était très amical, il était très... beaucoup plus tendre que la personne que j'avais pu rencontrer au premier commissariat. On voit qu'il y a une formation psychologique quand même. Et puis je lui ai fait confiance aussi. Je lui ai fait confiance. Je sentais que c'était la bonne personne et qu'il pouvait m'aider. Et puis il m'a filé le numéro d'une avocate et il m'a dit « Appelle-la, tu en auras besoin. » Et je suis rentrée chez moi. Et j'en avais toujours pas parlé à mes parents. Et là je me suis rendue compte qu'il fallait que je leur en parle et que je leur annonce. Et ça c'était encore une sacrée histoire que je vous raconterai au prochain épisode. Merci beaucoup de m'avoir écoutée. Vous êtes de plus en plus nombreux et nombreuses à suivre ce podcast. Ça me fait énormément plaisir. N'hésitez pas à commenter, à liker, à partager. Et puis, prenez soin de vous. Les numéros sont toujours dans la barre d'infos. Je vous embrasse fort. Ciao !

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