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VICOS

EPISODE 7 : L' ATTENTE

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30min |19/07/2025
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Description

YOYOYOY ICI OCTOBRE !


ENFIN L'EPISODE 7


Je tente de parler de mon marasme de l'attente.


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Prenez soin de vous et de vos proches !😘


Numéro Violences Femme Infos: 3919

Numéro Violences Sexistes et Sexuelles: 0800 05 95 95


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Coucou, j'espère que vous allez bien ici octobre. Je suis ravie de vous revoir. J'ai actuellement le visage en sueur car il fait 40 degrés à Paris. Nous sommes en juillet 2025 et c'est la canicule et le début de la fin. Ah non, je suis déprimante. J'espère que vous allez bien. J'ai mis un petit bout de temps là avant de recommencer les tournages de Vicôtes parce que j'ai perdu mon intermittence et du coup je travaille à côté et du coup... et bien il y a beaucoup de temps que je passe à dormir pour récupérer et donc beaucoup moins de temps pour moi et donc beaucoup moins de temps pour le podcast. Aujourd'hui, nous allons attaquer l'épisode 7. J'ai cherché un titre, j'ai pas trouvé. Pour l'instant, tous les chapitres étaient très clairs parce que les événements se passaient de manière très claire, étape par étape. Et après la confrontation, après la rencontre avec Nicolas, tout est devenu un peu fou. C'était l'été, l'été 2020. J'avais prévu des vacances avec ma cousine, avec mes amis. et j'ai tout annulé parce que j'étais profondément en dépression. Mais c'est marrant, j'ai plus du tout, j'ai très peu de souvenirs de ce moment-là. C'est très flou dans ma mémoire, c'est comme si je vois des images, je ne sais plus exactement comment les jours étaient constitués, mais je sais qu'ils étaient longs, lourds et horriblement chiants. J'étais tout le temps dans mon lit, je ne sortais jamais de mon lit. Les seules fois où je suis sortie, c'était pour aller voir le psy, le psychologue et le psychiatre. Et encore, il fallait que je fasse de gros efforts pour me lever. C'est vraiment un moment dans le noir. Je n'ouvrais pas les volets en plus dans ma chambre, donc j'étais H24 dans le noir, tout le temps, tout le temps. Il y avait mon ordinateur allumé constamment, dans lequel je mettais une série, des séries drôles. Et puis des paquets de gâteaux partout autour de moi. Et c'est tout quoi, ma vie c'était ça. Un jour, mon père a essayé de me faire sortir du lit, ce qui était très compliqué, très dur physiquement. Comment expliquer la dépression pour ceux qui ne connaissent pas ? Mais... physiquement c'est impossible de se lever enfin vraiment tout est lourd tout est tout et j'ai l'impression de faire un effort suprême à chaque fois un effort physique suprême l'épreuve des poteaux de kolanta c'est à chaque fois qu'il faut se lever et je vous jure que je dis ça évidemment c'est un peu drôle mais c'est réellement la sensation je ne peux pas me lever c'est vraiment hors de ma portée Et donc un jour mon père m'a dit « Non mais il faut que tu te lèves, viens on va faire du roller au parc de la Tête d'Or » . Donc pour ceux qui sont lyonnais, qui connaissent le parc, non pas du tout, pas du tout le parc de la Tête d'Or, c'est le parc de Miribel. Parce que moi j'habite à Lyon, enfin à ce moment-là j'étais à Lyon chez mes parents, et je ne voulais pas aller au parc de la Tête d'Or justement parce qu'il y avait trop de 2% de chances que je croise quelqu'un que je connais et c'était hors de question que ça arrive. Et donc mon père me dit on va à Miribel, c'est à... 45 minutes en voiture de là où on habite donc c'est loin et à ce moment là j'avais pris beaucoup de poids parce que j'arrêtais pas de manger j'avais un rapport à la nourriture qui était vraiment très très chaotique et donc je détestais mon corps j'avais extrêmement honte donc je m'étais des déjà je ne me lavais pas parce que c'était au dessus de mes forces mais je restais qu'en pyjama et il faisait je sais pas 35 degrés j'étais en jogos et parce que je pouvais pas enlever le jogging pour mettre autre chose c'était hors de question que je monte mon corps ni même que je le touche ni enfin j'ai un rapport de dégoût extrêmement profond à à mon corps. Et donc, je me motive et j'avais acheté, mon Dieu, j'ai honte, j'avais acheté des poids qu'on peut attacher aux bras ou aux chevilles pour remuscler le corps. Et à ce moment-là, je me disais vraiment, c'est très important que tu te remuscles, etc. C'est la première chose à faire. Donc j'avais attaché ces poids. Non mais c'est hilarant quand même la métaphore. La fille est en dépression. Tout est lourd, tout est dur à faire et je me suis acheté des poids. Non parce que là, je vous parle mais je suis en train de réaliser. Je me suis acheté des poids que j'ai mis à mes chevilles. Genre littéralement pour sentir un poids physique. Non mais c'est hilarant. Donc je me traînais littéralement. Et donc mon père m'avait dit ouais on part au pas de mes rebelles jeune âge là. Donc c'est un espèce d'immense lac et on peut faire, on peut marcher autour et tout. Et mes parents s'étaient dit bah voilà on va faire un tour. Elle prendra ses rollers. Et donc j'avais mis mes poids au pied pour accentuer l'effort et tout. Que j'étais quand même dans un délire où il fallait que je perde le poids accumulé et tout. Enfin imaginez, imaginez genre une personne. avec un jogos XXXXL et un t-shirt XXXXL avec des énormes trous. Qui est profondément en dépression. Donc qui ne se lève plus depuis trois jours. Qui a les cheveux gras. J'ai les cheveux longs et gras. Enfin longs. Plus longs que maintenant. Donc au niveau de la nuque. Gras. Qui n'a pas dormi depuis des jours parce que je ne dormais pas non plus. Avec des poids aux chevilles et des rollers. Et vraiment où je... Putain, fou, j'aimerais mimer mes pieds. Ça faisait... Vroom, vroom. Ça c'était le rythme que j'avais sur le roller C'est à dire que c'était même pas un truc Vraiment je traînais mon pied, mon pied roulait Et je n'avais aucune force Donc j'étais complètement abattue Donc j'avais été tout douvoutée et tout Un vrai zombie Donc tout était supplice, marcher était un supplice, rouler était un supplice Tout était horrible À ce moment là de ma vie j'étais vraiment au bord du suicide Et là j'entends mon père qui fait Merci. Bonjour nanani nananani Et là je vois mes parents qui tapent leur meilleure discute avec des gens qu'ils ont reconnu des amis de la famille et à un moment donné j'ai vu mon père il s'était grave devant moi j'ai vu mon père se retourner me pointer du doigt et tout le monde qui me regardait et là je me suis dit mais qu'est ce qu'il doit voir une espèce de zombie par 35 degrés tout en mitoufler et du roller au ralenti Oh l'image devait être exceptionnelle Et je leur ai même pas dit bonjour, je les ai même pas approchés parce que je voulais voir personne, donc j'ai été vraiment odieuse. Mais c'était mon état, voilà, c'était le maximum de ce que je pouvais faire à ce moment-là. C'était terrible. Et puis mon avocate m'appelle et me dit qu'il faut que je rencontre la procureure au tribunal de Lyon pour faire une petite enquête. Enfin, petite enquête. Pour m'interroger, apparemment elle avait des questions, je sais pas comment ça s'appelle. Donc je me pointe, et là ça a été un des seuls moments que je me rappelle de mon état. dans tout ce marasme flou de noirceur. On est rentré dans le tribunal, j'étais très impressionnée, c'était la première fois que je voyais un tribunal. Le tribunal de Lyon il est grand, il est beau, enfin il est très moderne. Je rencontre mon avocate, elle m'amène dans le bureau de la procureure et donc là tout est vitrifié parce que c'était encore le Covid. Et là la dame me dit de but en blanc qu'elle a des questions à me poser et des questions qui ne me feront pas plaisir. Donc je me suis dit ah bon. mais qu'il fallait quand même que j'y réponde. Et donc elle m'explique qu'elle, elle cherche à comprendre la psychologie des victimes, qu'aujourd'hui, ils ont besoin de réponses sur des comportements qui se retrouvent chez toutes les victimes, et qu'elle va me poser des questions pas agréables, mais que c'est pour eux et elles leur permettre de comprendre un peu plus comment fonctionne une victime. Elle m'a fait ce petit discours-là, je me suis dit, ah tiens, marrant, ok, donc je vais faire du mieux que je peux. Elle a commencé à me re-raconter les faits qui se sont déroulés dans la colonie de vacances, et elle a repris tous les événements, toutes les agressions sexuelles. Notamment une, particulièrement, elle a beaucoup insisté sur celle-là. C'était un moment où j'étais... On avait fabriqué une tyrolienne, en fait, dans la maison de la colonie de vacances. Donc au premier étage, tous les enfants se mettaient sur la fenêtre et il y avait une tyrolienne qui avait été fabriquée qui descendait jusqu'en bas. Et donc il y avait des animateurs qui attendaient en bas pour récupérer les enfants. Et en haut, il y avait Nicolas, le directeur de la colonie de vacances, qui faisait partir les enfants. Et donc nous, on était à la Finlandienne. Et moi, il n'arrêtait pas de me dire, non, c'est pas... pas le moment pour toi, c'est pas le moment pour toi. Et en fait, je me rends compte au bout d'un moment que je vais être la dernière à passer. Et donc, à un moment, tous les enfants et tous les animateurs seront en bas et qu'on sera tout seul dans la maison à l'étage. Je le comprends très vite. Je suis complètement... Enfin, je cherche même pas à lutter, quoi. J'attends que ça se passe. Et puis, on arrive, le dernier enfant monte sur cette tyrolienne et descend. Et donc, je me retrouve effectivement toute seule avec Nicolas devant la fenêtre, puis dans cet étage. Et là, il m'attrape. Je sais plus bien comment. Je sais qu'il essayait de m'attraper et que je pars en courant. Je pars en courant dans l'étage et il me court après. Et déjà, le fait de courir m'avait demandé, je me rappelle, un effort suprême. Le fait de réactiver mon corps et de prendre mes jambes à mon cou, littéralement. Et chercher à gagner du temps parce que je me disais forcément qu'on est d'un moment, vu que tous les passages de la tyrolienne s'enchaînaient, il y a forcément quelqu'un qui va se dire « qu'est-ce qui se passe ? » et puis qui va monter. Donc je courais, mais je me souviens que je courais en rigolant. Je courais en rigolant. Et ça m'a longtemps perturbée de me dire, mais pourquoi t'es partie en fourrir à ce moment-là ? Et dans tous les moments que j'ai décrits à la procureure, aux policiers, à la police, il y a plein de moments où le comportement est hyper paradoxal. Je me disais, mais en fait, quand tu partais en courant, tu rigolais. Quand tu essayais de le repousser, tu rigolais. C'est tellement dur, tellement pour laisser exploser un état de peur, parce que moi, cet homme me faisait peur. Mais il me faisait peur, c'est pas la même peur que quelqu'un qui vous court dans la forêt avec un couteau. enfin je sais pas comment dire, c'était un homme que je voyais tous les jours et qu'il fallait... il y avait quand même un truc où je devais faire semblant que tout se passe bien tout le temps, je sais pas comment dire, je pouvais pas me permettre d'avoir véritablement peur et d'être triste, il fallait toujours que je fasse semblant, il fallait... et ça c'est hyper compliqué à expliquer et la procureure me pose la question mais pourquoi vous rigoliez à ce moment là ? Je disais bah parce que moi j'essayais de faire semblant de jouer en fait, j'essayais de... Elle me dit mais pourquoi faire semblant si vous étiez en train d'être agressé ? Et elle attendait une réponse très claire de pourquoi l'enfant de 12 ans que j'étais est parti en courant à fond de balle. Donc mon corps est parti en courant mais que je rigolais. Et j'étais incapable et tellement choquée qu'elle me pose la question. Mais qu'elle me pose la question au premier degré. C'est-à-dire que Elsa puisse lui dire c'est que t'en avais envie quoi. Et je me rappelle qu'il m'a rattrapée à un moment donné. Il m'a plaqué contre un mur. et à ce moment-là, moi, je le poussais toujours en... rigolant. C'est fou parce que tout mon corps indiquait non. Ma voix était en fourrir mais je pense parce que j'étais terrorisée, terrifiée, que je n'avais aucun moyen d'autre de réagir. Et effectivement, d'un moment mon plan a marché puisque quelqu'un est rentré à créer mon prénom. Et donc du coup là il s'est défait de moi comme si les amants dans le placard quoi qu'ils ne doivent pas se faire surprendre, c'était vraiment genre le truc de... Il se rhabille, enfin il ne s'était pas déshabillé mais... Je me rappelle le voir se rhabiller, se remettre les vêtements. Et je suis descendue et on m'a posé plein de questions. On m'a dit, ah, qu'est-ce qui s'est passé ? Pourquoi et tout ? Je bégayais, je bafouillais. Honnêtement, je ne sais plus du tout ce que je répondais. Et donc, la procureure me prend cette histoire, me la fait re-raconter dans tous les sens, plusieurs fois. Et là, elle me dit, écoutez, je ne comprends pas pourquoi vous n'avez pas dit non. Quoi ? Vous avez fui, mais vous avez ri. jusqu'à présent dans tout mon parcours, dans la confrontation, en la plainte, dans tout, même si je me suis sentie extrêmement seule, il y avait un endroit où je sentais quand même que j'avais raison de le faire et que j'étais une victime. Et là pour la première fois dans le parcours, je me suis sentie coupable. C'est à dire qu'elle me dit je comprends pas, vous avez 12 ans, vous êtes en mesure de parler, ne le prenez pas mal mais j'aimerais savoir pourquoi vous n'avez pas dit non. Et j'étais bouche bée. tellement c'était violent, je n'arrivais pas à répondre. En plus, il faut imaginer l'état psychologique dans lequel j'étais. Je le redis encore une fois, une vraie loque. Donc j'accusais le cou et je la regardais avec la bouche ouverte et j'étais en mode ben... J'ai juste pas réussi quoi, j'ai pas réussi. Elle me dit donc vous avez un adulte qui essaye de vous toucher et de vous embrasser en vous plaquant contre un mur et vous, vous le poussez en rigolant. Vous croyez que c'est suffisant ? J'étais bouche blée. C'était comme un couteau de... en plein coeur. Et après elle m'a répété, vous savez on essaye juste de comprendre mais ça m'a fait si mal et ça a réactivé instantanément toute la culpabilité que j'ai accumulée ces dernières années. C'était horrible tout le boulot que j'avais fait sur me reconnaître moi en tant que victime déjà de moi à moi ça s'est effacé en un claquement de doigts. Et j'avais même pas de colère j'avais même pas de force, j'avais même pas la présence d'esprit j'avais aucune... enfin C'est vraiment comme si elle parlait à un légume, quoi. J'avais aucun ressort, aucune énergie pour pouvoir dire quelque chose de cohérent. Et donc, je me sens un peu coupable auprès de toutes les victimes. Je ne sais pas si son prétexte de « on essaye de comprendre » est réel ou pas. Mais si elle a vraiment, à ce moment-là, avec moi, elle cherchait à comprendre, elle n'a pas dû bien comprendre, et je n'ai pas dû faire beaucoup avancer la cause des victimes. C'est pour ça que je fais ce podcast, finalement, aujourd'hui. C'est peut-être pour essayer de rétablir une forme de vérité, maintenant que je suis en mesure.

  • Speaker #1

    Et puis juste après, elle m'a posé la question fatidique de « est-ce que vous étiez amoureuse de cet homme ? » Et là, j'ai eu peur parce que je me suis dit « putain, c'est… » On est en train de me demander si potentiellement c'est moins grave que prévu, si potentiellement j'ai ma responsabilité. Je me disais, putain, la meuf en face de moi, qui mène l'enquête et qui va juger ce truc, me demande si je ne suis pas, au fond, si l'enfant de 12 ans que j'étais n'était pas un petit peu amoureuse de cet homme. Et donc, potentiellement, ces actes étaient amoindris et ou justifiés. Il faut savoir aussi qu'on m'a demandé des photos de moi à 12 ans pour le procès. Je n'ai pas trop compris pour moi. pourquoi je les ai fournies. Et mon avocate m'a expliqué que c'était pour évaluer le degré de pédophilie de cet homme, pour savoir si j'étais déjà formée, si je ressemblais déjà, si j'étais déjà une ado, si j'étais une adulte, si j'avais, par exemple, de la poitrine, ce qui pouvait expliquer son attirance physique. Et sur le coup, je m'étais dit, mais c'est une folie de se dire, oh, elle avait les seins qui poussaient, alors c'est qu'il n'est pas trop pédophile, en fait. C'était quand même déjà une femme. Du coup, elle est excitante. Déjà, c'est sexualisant et c'est... horrible, on est très très mal parti. Et donc la femme n'est juste qu'un objet de désir, premièrement. Et deuxièmement, déjà à 12 ans, je n'étais absolument pas formée et si ça avait été le cas, ça n'aurait pas eu son poids dans la balance. Et quand je revois des photos de moi à 12 ans, on voit un enfant, et même si on avait vu une femme de 48 ans, putain, il n'avait pas le droit. Donc elle me posait des questions et aussi en me posant la question de, est-ce que vous étiez amoureuse de lui ? Ça pose aussi la question de, est-ce que vous l'avez séduit ? Est-ce que vous avez cherché ça ? Et je crois vraiment que ce n'est pas une question à poser à... quelqu'un qui a été victime d'agression sexuelle. Parce que que la réponse soit oui ou soit non, si la personne porte plainte, fait un procès, c'est qu'elle sait qu'elle a été agressée. Donc, il n'y a pas à demander s'il y avait de l'amour, en fait. Les viols conjugaux, ça existe. Et pourtant, la femme aime son mari. Et en fait, c'est juste que le consentement et l'amour, mais il y a un gap déjà de ouf. On ne peut pas mélanger ça. On ne peut pas. Et en plus, j'avais 12 ans. Et lui, 27. Donc c'est une folie de penser qu'à 12 ans, on est capable... d'être amoureuse, d'avoir du désir, de vouloir une sexualité. C'est une folie. J'en ai longtemps parlé à mon psy parce que cette question-là, elle m'a traumatisée. Je lui disais, est-ce que c'est moi qui ai fait ça ? Est-ce que c'est moi qui ai lancé ça ? Il me disait, non, à 12 ans, le cerveau n'est pas formé pour rentrer dans des schémas comme ça de séduction, etc. C'est prouvé par la médecine et la psychologie que ça n'est pas possible. Pour revenir à cette question de l'amour, quand elle m'a posé cette question, dans ma tête, je n'ai pas eu le choix. Je me suis dit, si tu ne réponds pas non, que tu n'étais pas amoureuse de cet homme, c'est terminé. Il n'y a plus de procès, il n'y a plus rien. Donc j'ai répondu non, je ne suis pas amoureuse. Mais la vérité, je ne peux pas dire que j'étais amoureuse de lui. J'étais une petite fille de 12 ans qui était absolument fan de son moniteur. Je le trouvais trop beau, je le trouvais trop stylé, je le trouvais trop drôle. Il m'a accordé de l'attention au début. Il disait que j'étais sa chouchoute. Donc j'avais un statut privilégié, il me donnait confiance en moi, j'avais un peu d'estime de moi. Et oui, j'étais un peu en... Comment on peut dire ? Un petit crush comme on a quand on est petit. Mais ça ne justifie en rien et ça ne m'a jamais donné envie qu'il fasse ce qu'il a fait. Je veux dire, à partir du moment où il a posé sa main sur moi, c'était déjà terminé. Je ne savais même pas ce que c'était. Une main sur mon corps. Il m'a privée de... Pour moi, il m'a privée de toute sensation de liberté dans... et d'épanouissement dans une sexualité aujourd'hui, ou en tout cas, va falloir que je reconstruise. Je sais qu'à ce moment-là, j'ai eu la sensation d'avoir menti. Et je regrette. Et en même temps, je n'étais pas en mesure d'avoir ce discours-là. Je n'étais pas en mesure de leur dire, vous êtes une malade. Enfin, j'ai envie de lui dire, vous êtes une malade. Mais de lui dire, ce n'est pas que j'étais amoureuse, c'est que oui, j'avais un crush, je le trouvais incroyable. et de faire le distinguo et d'expliquer que c'est absolument pas valable, ni une justification, ni rien, et que ce n'est pas moi qui ai provoqué, et que je n'ai jamais été séduisante. Et que c'est normal, en fait, que les petites filles aient des crushs sur des adultes, et que c'est à l'adulte, en fait, de gérer ça. Et que c'est normal aussi que les petits garçons aient des crushs sur des adultes femmes et hommes.

  • Speaker #0

    Enfin, je veux dire, là, je prends un schéma hétérosexuel,

  • Speaker #1

    mais c'est valable dans toutes les sexualités possibles.

  • Speaker #0

    Elle m'a dit,

  • Speaker #1

    vous aviez 12 ans, vous étiez en mesure de dire... de vous exprimer dans un français convenable et correct, vous auriez pu dire non. Ce qu'elle ne sait pas,

  • Speaker #0

    c'est qu'aujourd'hui,

  • Speaker #1

    je suis largement majeure. J'ai toujours autant de difficultés à dire stop ou non quand je suis dans une situation intime. Et que parfois même, je dis oui alors que je pense non.

  • Speaker #0

    Je comprends qu'elle se pose des questions.

  • Speaker #1

    Je comprends.

  • Speaker #0

    Ce que je ne comprends pas, c'est pourquoi ça a été à moi de donner une réponse à elle sur des questionnements qu'elle présente comme des questionnements généraux. Je rappelle que ce n'est pas une interprétation de ma part que de dire qu'elle me posait des questions pour comprendre les victimes. Elle me l'a dit. Elle ne m'a pas dit « je voudrais élucider votre mystère, à vous votre cas personnel » . Elle a dit « je cherche à comprendre pourquoi vous, vous n'avez pas été en mesure de dire non, mais aussi pourquoi c'est quelque chose qui est récurrent chez les victimes » . Et je me dis « c'est fou, parce qu'il y a un milliard de bouquins qui sont écrits là-dessus, avec des gens qui donnent des réponses quand ils peuvent en donner » . dans un temps qui leur est propre, c'est-à-dire au moment où ils écrivent le livre, ils peuvent l'écrire, au moment où ils font un film, ils peuvent le faire,

  • Speaker #1

    ils ont un avis là-dessus.

  • Speaker #0

    Alors renseigne-toi. Moi, c'est impossible de répondre à ça à ce moment-là. Je ne suis même pas capable de me le pardonner à moi-même. Comment tu crois que je vais donner une réponse qui sera satisfaisante ? C'est fou, j'imagine un univers où vraiment à 10 ans je suis capable d'être posée face à un adulte qui m'agresse et qui dit « Non, je n'ai pas envie de ça ! » C'est une folie, excusez-moi, c'est une folie. Parce que, premier degré,

  • Speaker #1

    ça me met très en colère.

  • Speaker #0

    Il y a des polarités dans notre univers, certes,

  • Speaker #1

    mais il y a des choses bien plus complexes que ça.

  • Speaker #0

    Et notamment la relation entre une victime et un agresseur, ou une agresseuse. Parfois, elle est très claire et parfois, elle est complexe et obscure et incompréhensible pour des gens. Il existe le syndrome de Stockholm. que tout le monde connaît. Ça existe. On le sait qu'il peut se passer des choses comme ça, un petit peu paradoxales. Et moi, cet homme, ce moniteur, je l'aimais énormément. Et je ne comprenais pas ce qu'il faisait. Je n'aimais pas ce qu'il faisait. Mais je l'aimais bien. Et puis, il me faisait de la peine. Et puis, il m'avait dit de ne pas le dire. Et puis, il m'avait dit que ce n'était pas de sa faute, qu'il ne faisait pas exprès. Et c'est de la manipulation. Mais un enfant, il croit ça. Quand un adulte lui dit, écoute je te fais ça mais faut pas le dire, je te fais ça mais je fais pas exprès, mais tu sais moi je te fais ça mais je subis aussi. Et du coup rire, courir c'était ma seule option. Et rire c'était une manière de le protéger, de pas lui faire peur à lui, malgré toute la terreur qu'il me provoquait. Et c'est super triste en fait, c'est comme ça. Je crois pas que ça a été à aucun moment une forme d'autorisation. C'est pas que je crois pas, c'est que je le sais. Et qu'on puisse confondre ça... Après cette question-là, j'ai plus rien entendu. Je me rappelle pas ce qui s'est passé. Je me rappelle juste qu'il y a une dame qui m'a dit que j'avais pas été foutue de dire non et que j'étais assez grande pour le faire et que j'aurais dû. Et que mon comportement prêtait à confusion. C'est une dinguerie. C'est une dinguerie. Et je suis sortie de ce rendez-vous avec un mal-être encore plus grand que quand j'étais rentrée. C'est là que j'ai commencé à penser suicide. En l'occurrence, là, j'étais très, très suicidaire. J'avais très, très envie. J'habitais au 8e... J'habite, enfin, mes parents habitent au 8e étage. Et tous les jours, je pensais à sauter de la fenêtre. Et donc, ce qui me retenait, c'est que je me forçais à imaginer la chute. Je me forçais à tout visualiser. C'est-à-dire, je passe au-dessus du balcon, je saute. Et j'imagine la chute. Et je me disais... Et en fait, la seule chose qui m'arrêtait dans mon geste, c'était l'impact au sol. Je trouvais ça tellement violent, je trouvais ça tellement horrible comme mort que ça me retenait toujours un petit peu plus. Et puis aussi parce qu'on était l'été, enfin on approchait de l'été et qu'il y avait des anniversaires qui arrivaient, notamment celui de mon père et celui de mon neveu. Et que je me disais que je ne pouvais pas me permettre de me suicider sur ce moment-là. ma sœur m'en voudrait toute ma vie si je faisais une connerie aux alentours de l'anniversaire de son fils. Et pareil pour mon père. Je me disais que c'était vraiment dégueulasse, que je ne pouvais pas leur faire ça. Donc je m'accrochais à ces idées-là en me disant « Allez, on tient un peu plus, on tient un peu plus. » Et c'était vraiment du « au jour le jour » . C'était vraiment « Allez, aujourd'hui, je ne meurs pas » . Tous les matins, c'était « Aujourd'hui, je ne meurs pas » . Et ça a duré longtemps. Et tout l'été. Et en août, je devais reprendre le boulot. Mais à l'époque je travaillais dans plusieurs spectacles de théâtre. Et il a fallu revenir au boulot, apprendre des textes et pas sombrer quoi. Et à la fois le boulot ça m'a aidée, donc j'avais des tâches concrètes de tu apprends un texte, tu es en répétition, tu joues. Et en même temps, j'ai pas réussi à apprendre de plaisir à ce moment-là. Mais le fait est que ça m'a énormément occupé l'esprit en attendant mon procès. Car une fois que l'enquête de la procureur était finie, c'est-à-dire l'été 2020, je n'avais plus qu'à attendre le procès qui était censé arriver vite. Du coup, la dernière fois que j'ai vu la procureure, c'était l'été 2020. J'ai repris le travail fin août 2020. J'ai travaillé septembre, octobre, novembre, décembre. Et janvier 2021 a eu lieu le procès. Donc j'étais soulagée, mais il faut imaginer que je suis rentrée dans un cercle d'attente. C'est-à-dire que là, j'avais une date, j'ai attendu chaque jour qui avait passé de cet automne et de cet hiver. C'était un jour de plus pour arriver au procès. Je ne sais même plus ce que j'ai fait. Je sais que j'ai bossé, mais... Ou quand, comment, je sais plus, tout se mélange. Tout se mélange. Ouais. Ce qui était fou, dans ce moment d'attente, je me disais que j'avais eu le temps. Et en fait, c'est à la fois aller très lentement et à la fois très vite. Et quand je suis arrivée au procès, j'étais pas prête. Et alors, petite chose, Paul Dingo, c'est que quand on fait un procès, on est obligé de passer par un... On a un rendez-vous avec un psy. certifié par l'État pour que cette personne puisse faire un bilan de l'état psychologique de l'agresseur et de la victime, notamment pour savoir les préjudices moraux qu'a subi la victime, c'est-à-dire depuis l'agression, qu'est-ce que ça a changé dans ma vie. C'est pour pouvoir, au moment où il faut rendre un verdict et notamment savoir combien de temps il va être puni, on a besoin de savoir quel préjudice il a causé à la victime. pour pouvoir évaluer une peine de prison. ou un dédommagement financier, par exemple. Et donc, je me rappelle, j'ai ce petit rendez-vous avec cette psy. Donc moi, je voyais trois thérapeutes en même temps, une naturopathe, une psychologue et un psychiatre. Je suis obligée de faire les trois, parce que sinon, le psychiatre me fait aider mes docs, la psychologue, on essayait de faire une thérapie, et la naturopathe, elle me faisait des massages de pieds. Non, ça peut être un peu réducteur dit comme ça, mais je crois que c'était elle qui me faisait le plus de bien, en vrai. C'était la seule personne qui avait un contact physique avec mon corps et elle appuyait sur des points précis sur ma voûte plantaire, ça me faisait un bien fou. Et donc ces rendez-vous-là avec les psys se font en vidéo et je ne m'attendais à rien. Et donc je vois cette dame, elle prend mon dossier, elle commence à lire et elle commence à me poser des questions, et ça c'est très étrange. Elle commence à me poser des questions sur ma vie depuis mes 12 ans et des questions très précises sur ma sexualité, sur mon rapport aux hommes. sur mon rapport aux autres, sur... Mais elle pose des questions très précises. J'ai connu de la violence physique, si j'ai eu des maladies mentales, si j'ai des problèmes, je sais pas moi par exemple, avec la nourriture, de dépression, tout ça, tout ça. Et puis moi, je répondais assez banalement et je me suis rendue compte que d'un coup, on faisait un bilan, mes 12 ans, sur les 15 dernières années et que c'était, mais, atroce. J'étais en train de me rendre compte, autant présente devant cette dame, que tout Toutes mes relations, mais toutes mes relations ont été façonnées par les agressions de Nicolas. Mais toutes, mais sous plein d'aspects différents. Ma façon de communiquer, c'est pour ça que j'ai parlé dans l'épisode 1 de la communication d'une vicose, la façon de me tenir debout au monde, ma façon de respirer, ma façon de ne pas respirer, ma façon de dissocier, ma façon de... de laisser faire, ma façon de ne jamais dire non, ma façon d'accepter la violence comme étant quelque chose de normal, la violence physique et psychologique, de moi-même la reproduire. Mais c'était tellement vertigineux, je réalisais au fur et à mesure que je parlais que je n'avais pas d'identité propre, moi, qui existe sans l'agression. Je n'ai pas de version de moi en relation où il n'y a pas l'agression qui a teinté quelque chose. J'ai trouvé ça d'une violence, ça m'a mis absolument hors de moi, je me suis effondrée. Je me rappelle, je secouais mon écran, mais je collais ma gueule contre la caméra en disant à la psy « Mais est-ce que c'est possible de s'en sortir ? » Et elle me disait « Oui, je pense que vous êtes à la fin du chemin. » Je l'avais suppliée de devenir la psy, elle m'avait dit qu'elle n'avait pas le droit. Mais c'était insupportable et ça me hante encore. Et ce que moi, en tout cas ce sur quoi je travaille aujourd'hui, c'est d'être une personne à part entière, sans être teintée de tout ça. Et c'est très dur parce qu'il faut tout reconstruire. Et j'ai l'impression d'être un bébé cadome. Du coup, il faut que je recommence tout. C'est trop bizarre. Tout me semble hyper difficile. Même les moindres contacts physiques, ça me paraît. Comment, comment, où se situe le consentement chez moi ? J'en sais rien. Vu que j'ai toujours fermé les yeux. Et je l'ai toujours... En fait, je n'ai jamais... Je ne me suis jamais posé la question. Vu que j'étais construite sans ça. Donc maintenant, ça me fait extrêmement peur. Et ça me fait chier. Même parfois, je suis en colère. Des fois, je regrette la version ancienne de moi qui était un robot parce qu'il était rodé et que je savais quoi faire, comment faire. Et maintenant, ça me fait tellement peur d'aller visiter mes envies. Je ne parle pas du tout que sexuel, mais juste qui suis-je, qu'est-ce que moi j'aime faire, comment j'aime le faire. Tout ça, je ne suis jamais l'explorer. Ça a toujours été plus facile pour moi qu'on me dise quoi faire et qu'on m'impose les choses. Et je suis un parfait petit artisan. Mais d'un coup, je me suis dit putain, j'ai mon identité propre. Et c'est vertigineux et ça me fout les boules. et en plus ça me fout les boules de le découvrir tard c'est des trucs qu'on découvre quand on est ado ça donc à la fois je suis dans un moment de me dire ah c'est super, je vais reconstruire et en même temps je peux pas m'empêcher d'avoir ce truc de mais c'est trop tard, ça me saoule c'est trop tard, j'aurais dû le faire avant c'est très ambivalent, c'est très paradoxal et je suis toujours pas sortie de cette boucle là même si je dois dire que je me dirige vers quand même la voie de la découverte et de l'épanouissement et ça c'est cool Voilà mes petits choux, merci de m'avoir écouté. On se revoit très vite pour le procès, il arrive, je sors l'épisode bien plus rapidement que l'épisode 7, c'est promis. Je vous embrasse fort, prenez soin de vous, toujours les numéros dans la barre d'infos comme d'hab. Merci de m'écouter, je vous fais plein de gros bisous, ciao ! Et buvez de l'eau, je vous en supplie.

Description

YOYOYOY ICI OCTOBRE !


ENFIN L'EPISODE 7


Je tente de parler de mon marasme de l'attente.


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Prenez soin de vous et de vos proches !😘


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Numéro Violences Sexistes et Sexuelles: 0800 05 95 95


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Transcription

  • Speaker #0

    Coucou, j'espère que vous allez bien ici octobre. Je suis ravie de vous revoir. J'ai actuellement le visage en sueur car il fait 40 degrés à Paris. Nous sommes en juillet 2025 et c'est la canicule et le début de la fin. Ah non, je suis déprimante. J'espère que vous allez bien. J'ai mis un petit bout de temps là avant de recommencer les tournages de Vicôtes parce que j'ai perdu mon intermittence et du coup je travaille à côté et du coup... et bien il y a beaucoup de temps que je passe à dormir pour récupérer et donc beaucoup moins de temps pour moi et donc beaucoup moins de temps pour le podcast. Aujourd'hui, nous allons attaquer l'épisode 7. J'ai cherché un titre, j'ai pas trouvé. Pour l'instant, tous les chapitres étaient très clairs parce que les événements se passaient de manière très claire, étape par étape. Et après la confrontation, après la rencontre avec Nicolas, tout est devenu un peu fou. C'était l'été, l'été 2020. J'avais prévu des vacances avec ma cousine, avec mes amis. et j'ai tout annulé parce que j'étais profondément en dépression. Mais c'est marrant, j'ai plus du tout, j'ai très peu de souvenirs de ce moment-là. C'est très flou dans ma mémoire, c'est comme si je vois des images, je ne sais plus exactement comment les jours étaient constitués, mais je sais qu'ils étaient longs, lourds et horriblement chiants. J'étais tout le temps dans mon lit, je ne sortais jamais de mon lit. Les seules fois où je suis sortie, c'était pour aller voir le psy, le psychologue et le psychiatre. Et encore, il fallait que je fasse de gros efforts pour me lever. C'est vraiment un moment dans le noir. Je n'ouvrais pas les volets en plus dans ma chambre, donc j'étais H24 dans le noir, tout le temps, tout le temps. Il y avait mon ordinateur allumé constamment, dans lequel je mettais une série, des séries drôles. Et puis des paquets de gâteaux partout autour de moi. Et c'est tout quoi, ma vie c'était ça. Un jour, mon père a essayé de me faire sortir du lit, ce qui était très compliqué, très dur physiquement. Comment expliquer la dépression pour ceux qui ne connaissent pas ? Mais... physiquement c'est impossible de se lever enfin vraiment tout est lourd tout est tout et j'ai l'impression de faire un effort suprême à chaque fois un effort physique suprême l'épreuve des poteaux de kolanta c'est à chaque fois qu'il faut se lever et je vous jure que je dis ça évidemment c'est un peu drôle mais c'est réellement la sensation je ne peux pas me lever c'est vraiment hors de ma portée Et donc un jour mon père m'a dit « Non mais il faut que tu te lèves, viens on va faire du roller au parc de la Tête d'Or » . Donc pour ceux qui sont lyonnais, qui connaissent le parc, non pas du tout, pas du tout le parc de la Tête d'Or, c'est le parc de Miribel. Parce que moi j'habite à Lyon, enfin à ce moment-là j'étais à Lyon chez mes parents, et je ne voulais pas aller au parc de la Tête d'Or justement parce qu'il y avait trop de 2% de chances que je croise quelqu'un que je connais et c'était hors de question que ça arrive. Et donc mon père me dit on va à Miribel, c'est à... 45 minutes en voiture de là où on habite donc c'est loin et à ce moment là j'avais pris beaucoup de poids parce que j'arrêtais pas de manger j'avais un rapport à la nourriture qui était vraiment très très chaotique et donc je détestais mon corps j'avais extrêmement honte donc je m'étais des déjà je ne me lavais pas parce que c'était au dessus de mes forces mais je restais qu'en pyjama et il faisait je sais pas 35 degrés j'étais en jogos et parce que je pouvais pas enlever le jogging pour mettre autre chose c'était hors de question que je monte mon corps ni même que je le touche ni enfin j'ai un rapport de dégoût extrêmement profond à à mon corps. Et donc, je me motive et j'avais acheté, mon Dieu, j'ai honte, j'avais acheté des poids qu'on peut attacher aux bras ou aux chevilles pour remuscler le corps. Et à ce moment-là, je me disais vraiment, c'est très important que tu te remuscles, etc. C'est la première chose à faire. Donc j'avais attaché ces poids. Non mais c'est hilarant quand même la métaphore. La fille est en dépression. Tout est lourd, tout est dur à faire et je me suis acheté des poids. Non parce que là, je vous parle mais je suis en train de réaliser. Je me suis acheté des poids que j'ai mis à mes chevilles. Genre littéralement pour sentir un poids physique. Non mais c'est hilarant. Donc je me traînais littéralement. Et donc mon père m'avait dit ouais on part au pas de mes rebelles jeune âge là. Donc c'est un espèce d'immense lac et on peut faire, on peut marcher autour et tout. Et mes parents s'étaient dit bah voilà on va faire un tour. Elle prendra ses rollers. Et donc j'avais mis mes poids au pied pour accentuer l'effort et tout. Que j'étais quand même dans un délire où il fallait que je perde le poids accumulé et tout. Enfin imaginez, imaginez genre une personne. avec un jogos XXXXL et un t-shirt XXXXL avec des énormes trous. Qui est profondément en dépression. Donc qui ne se lève plus depuis trois jours. Qui a les cheveux gras. J'ai les cheveux longs et gras. Enfin longs. Plus longs que maintenant. Donc au niveau de la nuque. Gras. Qui n'a pas dormi depuis des jours parce que je ne dormais pas non plus. Avec des poids aux chevilles et des rollers. Et vraiment où je... Putain, fou, j'aimerais mimer mes pieds. Ça faisait... Vroom, vroom. Ça c'était le rythme que j'avais sur le roller C'est à dire que c'était même pas un truc Vraiment je traînais mon pied, mon pied roulait Et je n'avais aucune force Donc j'étais complètement abattue Donc j'avais été tout douvoutée et tout Un vrai zombie Donc tout était supplice, marcher était un supplice, rouler était un supplice Tout était horrible À ce moment là de ma vie j'étais vraiment au bord du suicide Et là j'entends mon père qui fait Merci. Bonjour nanani nananani Et là je vois mes parents qui tapent leur meilleure discute avec des gens qu'ils ont reconnu des amis de la famille et à un moment donné j'ai vu mon père il s'était grave devant moi j'ai vu mon père se retourner me pointer du doigt et tout le monde qui me regardait et là je me suis dit mais qu'est ce qu'il doit voir une espèce de zombie par 35 degrés tout en mitoufler et du roller au ralenti Oh l'image devait être exceptionnelle Et je leur ai même pas dit bonjour, je les ai même pas approchés parce que je voulais voir personne, donc j'ai été vraiment odieuse. Mais c'était mon état, voilà, c'était le maximum de ce que je pouvais faire à ce moment-là. C'était terrible. Et puis mon avocate m'appelle et me dit qu'il faut que je rencontre la procureure au tribunal de Lyon pour faire une petite enquête. Enfin, petite enquête. Pour m'interroger, apparemment elle avait des questions, je sais pas comment ça s'appelle. Donc je me pointe, et là ça a été un des seuls moments que je me rappelle de mon état. dans tout ce marasme flou de noirceur. On est rentré dans le tribunal, j'étais très impressionnée, c'était la première fois que je voyais un tribunal. Le tribunal de Lyon il est grand, il est beau, enfin il est très moderne. Je rencontre mon avocate, elle m'amène dans le bureau de la procureure et donc là tout est vitrifié parce que c'était encore le Covid. Et là la dame me dit de but en blanc qu'elle a des questions à me poser et des questions qui ne me feront pas plaisir. Donc je me suis dit ah bon. mais qu'il fallait quand même que j'y réponde. Et donc elle m'explique qu'elle, elle cherche à comprendre la psychologie des victimes, qu'aujourd'hui, ils ont besoin de réponses sur des comportements qui se retrouvent chez toutes les victimes, et qu'elle va me poser des questions pas agréables, mais que c'est pour eux et elles leur permettre de comprendre un peu plus comment fonctionne une victime. Elle m'a fait ce petit discours-là, je me suis dit, ah tiens, marrant, ok, donc je vais faire du mieux que je peux. Elle a commencé à me re-raconter les faits qui se sont déroulés dans la colonie de vacances, et elle a repris tous les événements, toutes les agressions sexuelles. Notamment une, particulièrement, elle a beaucoup insisté sur celle-là. C'était un moment où j'étais... On avait fabriqué une tyrolienne, en fait, dans la maison de la colonie de vacances. Donc au premier étage, tous les enfants se mettaient sur la fenêtre et il y avait une tyrolienne qui avait été fabriquée qui descendait jusqu'en bas. Et donc il y avait des animateurs qui attendaient en bas pour récupérer les enfants. Et en haut, il y avait Nicolas, le directeur de la colonie de vacances, qui faisait partir les enfants. Et donc nous, on était à la Finlandienne. Et moi, il n'arrêtait pas de me dire, non, c'est pas... pas le moment pour toi, c'est pas le moment pour toi. Et en fait, je me rends compte au bout d'un moment que je vais être la dernière à passer. Et donc, à un moment, tous les enfants et tous les animateurs seront en bas et qu'on sera tout seul dans la maison à l'étage. Je le comprends très vite. Je suis complètement... Enfin, je cherche même pas à lutter, quoi. J'attends que ça se passe. Et puis, on arrive, le dernier enfant monte sur cette tyrolienne et descend. Et donc, je me retrouve effectivement toute seule avec Nicolas devant la fenêtre, puis dans cet étage. Et là, il m'attrape. Je sais plus bien comment. Je sais qu'il essayait de m'attraper et que je pars en courant. Je pars en courant dans l'étage et il me court après. Et déjà, le fait de courir m'avait demandé, je me rappelle, un effort suprême. Le fait de réactiver mon corps et de prendre mes jambes à mon cou, littéralement. Et chercher à gagner du temps parce que je me disais forcément qu'on est d'un moment, vu que tous les passages de la tyrolienne s'enchaînaient, il y a forcément quelqu'un qui va se dire « qu'est-ce qui se passe ? » et puis qui va monter. Donc je courais, mais je me souviens que je courais en rigolant. Je courais en rigolant. Et ça m'a longtemps perturbée de me dire, mais pourquoi t'es partie en fourrir à ce moment-là ? Et dans tous les moments que j'ai décrits à la procureure, aux policiers, à la police, il y a plein de moments où le comportement est hyper paradoxal. Je me disais, mais en fait, quand tu partais en courant, tu rigolais. Quand tu essayais de le repousser, tu rigolais. C'est tellement dur, tellement pour laisser exploser un état de peur, parce que moi, cet homme me faisait peur. Mais il me faisait peur, c'est pas la même peur que quelqu'un qui vous court dans la forêt avec un couteau. enfin je sais pas comment dire, c'était un homme que je voyais tous les jours et qu'il fallait... il y avait quand même un truc où je devais faire semblant que tout se passe bien tout le temps, je sais pas comment dire, je pouvais pas me permettre d'avoir véritablement peur et d'être triste, il fallait toujours que je fasse semblant, il fallait... et ça c'est hyper compliqué à expliquer et la procureure me pose la question mais pourquoi vous rigoliez à ce moment là ? Je disais bah parce que moi j'essayais de faire semblant de jouer en fait, j'essayais de... Elle me dit mais pourquoi faire semblant si vous étiez en train d'être agressé ? Et elle attendait une réponse très claire de pourquoi l'enfant de 12 ans que j'étais est parti en courant à fond de balle. Donc mon corps est parti en courant mais que je rigolais. Et j'étais incapable et tellement choquée qu'elle me pose la question. Mais qu'elle me pose la question au premier degré. C'est-à-dire que Elsa puisse lui dire c'est que t'en avais envie quoi. Et je me rappelle qu'il m'a rattrapée à un moment donné. Il m'a plaqué contre un mur. et à ce moment-là, moi, je le poussais toujours en... rigolant. C'est fou parce que tout mon corps indiquait non. Ma voix était en fourrir mais je pense parce que j'étais terrorisée, terrifiée, que je n'avais aucun moyen d'autre de réagir. Et effectivement, d'un moment mon plan a marché puisque quelqu'un est rentré à créer mon prénom. Et donc du coup là il s'est défait de moi comme si les amants dans le placard quoi qu'ils ne doivent pas se faire surprendre, c'était vraiment genre le truc de... Il se rhabille, enfin il ne s'était pas déshabillé mais... Je me rappelle le voir se rhabiller, se remettre les vêtements. Et je suis descendue et on m'a posé plein de questions. On m'a dit, ah, qu'est-ce qui s'est passé ? Pourquoi et tout ? Je bégayais, je bafouillais. Honnêtement, je ne sais plus du tout ce que je répondais. Et donc, la procureure me prend cette histoire, me la fait re-raconter dans tous les sens, plusieurs fois. Et là, elle me dit, écoutez, je ne comprends pas pourquoi vous n'avez pas dit non. Quoi ? Vous avez fui, mais vous avez ri. jusqu'à présent dans tout mon parcours, dans la confrontation, en la plainte, dans tout, même si je me suis sentie extrêmement seule, il y avait un endroit où je sentais quand même que j'avais raison de le faire et que j'étais une victime. Et là pour la première fois dans le parcours, je me suis sentie coupable. C'est à dire qu'elle me dit je comprends pas, vous avez 12 ans, vous êtes en mesure de parler, ne le prenez pas mal mais j'aimerais savoir pourquoi vous n'avez pas dit non. Et j'étais bouche bée. tellement c'était violent, je n'arrivais pas à répondre. En plus, il faut imaginer l'état psychologique dans lequel j'étais. Je le redis encore une fois, une vraie loque. Donc j'accusais le cou et je la regardais avec la bouche ouverte et j'étais en mode ben... J'ai juste pas réussi quoi, j'ai pas réussi. Elle me dit donc vous avez un adulte qui essaye de vous toucher et de vous embrasser en vous plaquant contre un mur et vous, vous le poussez en rigolant. Vous croyez que c'est suffisant ? J'étais bouche blée. C'était comme un couteau de... en plein coeur. Et après elle m'a répété, vous savez on essaye juste de comprendre mais ça m'a fait si mal et ça a réactivé instantanément toute la culpabilité que j'ai accumulée ces dernières années. C'était horrible tout le boulot que j'avais fait sur me reconnaître moi en tant que victime déjà de moi à moi ça s'est effacé en un claquement de doigts. Et j'avais même pas de colère j'avais même pas de force, j'avais même pas la présence d'esprit j'avais aucune... enfin C'est vraiment comme si elle parlait à un légume, quoi. J'avais aucun ressort, aucune énergie pour pouvoir dire quelque chose de cohérent. Et donc, je me sens un peu coupable auprès de toutes les victimes. Je ne sais pas si son prétexte de « on essaye de comprendre » est réel ou pas. Mais si elle a vraiment, à ce moment-là, avec moi, elle cherchait à comprendre, elle n'a pas dû bien comprendre, et je n'ai pas dû faire beaucoup avancer la cause des victimes. C'est pour ça que je fais ce podcast, finalement, aujourd'hui. C'est peut-être pour essayer de rétablir une forme de vérité, maintenant que je suis en mesure.

  • Speaker #1

    Et puis juste après, elle m'a posé la question fatidique de « est-ce que vous étiez amoureuse de cet homme ? » Et là, j'ai eu peur parce que je me suis dit « putain, c'est… » On est en train de me demander si potentiellement c'est moins grave que prévu, si potentiellement j'ai ma responsabilité. Je me disais, putain, la meuf en face de moi, qui mène l'enquête et qui va juger ce truc, me demande si je ne suis pas, au fond, si l'enfant de 12 ans que j'étais n'était pas un petit peu amoureuse de cet homme. Et donc, potentiellement, ces actes étaient amoindris et ou justifiés. Il faut savoir aussi qu'on m'a demandé des photos de moi à 12 ans pour le procès. Je n'ai pas trop compris pour moi. pourquoi je les ai fournies. Et mon avocate m'a expliqué que c'était pour évaluer le degré de pédophilie de cet homme, pour savoir si j'étais déjà formée, si je ressemblais déjà, si j'étais déjà une ado, si j'étais une adulte, si j'avais, par exemple, de la poitrine, ce qui pouvait expliquer son attirance physique. Et sur le coup, je m'étais dit, mais c'est une folie de se dire, oh, elle avait les seins qui poussaient, alors c'est qu'il n'est pas trop pédophile, en fait. C'était quand même déjà une femme. Du coup, elle est excitante. Déjà, c'est sexualisant et c'est... horrible, on est très très mal parti. Et donc la femme n'est juste qu'un objet de désir, premièrement. Et deuxièmement, déjà à 12 ans, je n'étais absolument pas formée et si ça avait été le cas, ça n'aurait pas eu son poids dans la balance. Et quand je revois des photos de moi à 12 ans, on voit un enfant, et même si on avait vu une femme de 48 ans, putain, il n'avait pas le droit. Donc elle me posait des questions et aussi en me posant la question de, est-ce que vous étiez amoureuse de lui ? Ça pose aussi la question de, est-ce que vous l'avez séduit ? Est-ce que vous avez cherché ça ? Et je crois vraiment que ce n'est pas une question à poser à... quelqu'un qui a été victime d'agression sexuelle. Parce que que la réponse soit oui ou soit non, si la personne porte plainte, fait un procès, c'est qu'elle sait qu'elle a été agressée. Donc, il n'y a pas à demander s'il y avait de l'amour, en fait. Les viols conjugaux, ça existe. Et pourtant, la femme aime son mari. Et en fait, c'est juste que le consentement et l'amour, mais il y a un gap déjà de ouf. On ne peut pas mélanger ça. On ne peut pas. Et en plus, j'avais 12 ans. Et lui, 27. Donc c'est une folie de penser qu'à 12 ans, on est capable... d'être amoureuse, d'avoir du désir, de vouloir une sexualité. C'est une folie. J'en ai longtemps parlé à mon psy parce que cette question-là, elle m'a traumatisée. Je lui disais, est-ce que c'est moi qui ai fait ça ? Est-ce que c'est moi qui ai lancé ça ? Il me disait, non, à 12 ans, le cerveau n'est pas formé pour rentrer dans des schémas comme ça de séduction, etc. C'est prouvé par la médecine et la psychologie que ça n'est pas possible. Pour revenir à cette question de l'amour, quand elle m'a posé cette question, dans ma tête, je n'ai pas eu le choix. Je me suis dit, si tu ne réponds pas non, que tu n'étais pas amoureuse de cet homme, c'est terminé. Il n'y a plus de procès, il n'y a plus rien. Donc j'ai répondu non, je ne suis pas amoureuse. Mais la vérité, je ne peux pas dire que j'étais amoureuse de lui. J'étais une petite fille de 12 ans qui était absolument fan de son moniteur. Je le trouvais trop beau, je le trouvais trop stylé, je le trouvais trop drôle. Il m'a accordé de l'attention au début. Il disait que j'étais sa chouchoute. Donc j'avais un statut privilégié, il me donnait confiance en moi, j'avais un peu d'estime de moi. Et oui, j'étais un peu en... Comment on peut dire ? Un petit crush comme on a quand on est petit. Mais ça ne justifie en rien et ça ne m'a jamais donné envie qu'il fasse ce qu'il a fait. Je veux dire, à partir du moment où il a posé sa main sur moi, c'était déjà terminé. Je ne savais même pas ce que c'était. Une main sur mon corps. Il m'a privée de... Pour moi, il m'a privée de toute sensation de liberté dans... et d'épanouissement dans une sexualité aujourd'hui, ou en tout cas, va falloir que je reconstruise. Je sais qu'à ce moment-là, j'ai eu la sensation d'avoir menti. Et je regrette. Et en même temps, je n'étais pas en mesure d'avoir ce discours-là. Je n'étais pas en mesure de leur dire, vous êtes une malade. Enfin, j'ai envie de lui dire, vous êtes une malade. Mais de lui dire, ce n'est pas que j'étais amoureuse, c'est que oui, j'avais un crush, je le trouvais incroyable. et de faire le distinguo et d'expliquer que c'est absolument pas valable, ni une justification, ni rien, et que ce n'est pas moi qui ai provoqué, et que je n'ai jamais été séduisante. Et que c'est normal, en fait, que les petites filles aient des crushs sur des adultes, et que c'est à l'adulte, en fait, de gérer ça. Et que c'est normal aussi que les petits garçons aient des crushs sur des adultes femmes et hommes.

  • Speaker #0

    Enfin, je veux dire, là, je prends un schéma hétérosexuel,

  • Speaker #1

    mais c'est valable dans toutes les sexualités possibles.

  • Speaker #0

    Elle m'a dit,

  • Speaker #1

    vous aviez 12 ans, vous étiez en mesure de dire... de vous exprimer dans un français convenable et correct, vous auriez pu dire non. Ce qu'elle ne sait pas,

  • Speaker #0

    c'est qu'aujourd'hui,

  • Speaker #1

    je suis largement majeure. J'ai toujours autant de difficultés à dire stop ou non quand je suis dans une situation intime. Et que parfois même, je dis oui alors que je pense non.

  • Speaker #0

    Je comprends qu'elle se pose des questions.

  • Speaker #1

    Je comprends.

  • Speaker #0

    Ce que je ne comprends pas, c'est pourquoi ça a été à moi de donner une réponse à elle sur des questionnements qu'elle présente comme des questionnements généraux. Je rappelle que ce n'est pas une interprétation de ma part que de dire qu'elle me posait des questions pour comprendre les victimes. Elle me l'a dit. Elle ne m'a pas dit « je voudrais élucider votre mystère, à vous votre cas personnel » . Elle a dit « je cherche à comprendre pourquoi vous, vous n'avez pas été en mesure de dire non, mais aussi pourquoi c'est quelque chose qui est récurrent chez les victimes » . Et je me dis « c'est fou, parce qu'il y a un milliard de bouquins qui sont écrits là-dessus, avec des gens qui donnent des réponses quand ils peuvent en donner » . dans un temps qui leur est propre, c'est-à-dire au moment où ils écrivent le livre, ils peuvent l'écrire, au moment où ils font un film, ils peuvent le faire,

  • Speaker #1

    ils ont un avis là-dessus.

  • Speaker #0

    Alors renseigne-toi. Moi, c'est impossible de répondre à ça à ce moment-là. Je ne suis même pas capable de me le pardonner à moi-même. Comment tu crois que je vais donner une réponse qui sera satisfaisante ? C'est fou, j'imagine un univers où vraiment à 10 ans je suis capable d'être posée face à un adulte qui m'agresse et qui dit « Non, je n'ai pas envie de ça ! » C'est une folie, excusez-moi, c'est une folie. Parce que, premier degré,

  • Speaker #1

    ça me met très en colère.

  • Speaker #0

    Il y a des polarités dans notre univers, certes,

  • Speaker #1

    mais il y a des choses bien plus complexes que ça.

  • Speaker #0

    Et notamment la relation entre une victime et un agresseur, ou une agresseuse. Parfois, elle est très claire et parfois, elle est complexe et obscure et incompréhensible pour des gens. Il existe le syndrome de Stockholm. que tout le monde connaît. Ça existe. On le sait qu'il peut se passer des choses comme ça, un petit peu paradoxales. Et moi, cet homme, ce moniteur, je l'aimais énormément. Et je ne comprenais pas ce qu'il faisait. Je n'aimais pas ce qu'il faisait. Mais je l'aimais bien. Et puis, il me faisait de la peine. Et puis, il m'avait dit de ne pas le dire. Et puis, il m'avait dit que ce n'était pas de sa faute, qu'il ne faisait pas exprès. Et c'est de la manipulation. Mais un enfant, il croit ça. Quand un adulte lui dit, écoute je te fais ça mais faut pas le dire, je te fais ça mais je fais pas exprès, mais tu sais moi je te fais ça mais je subis aussi. Et du coup rire, courir c'était ma seule option. Et rire c'était une manière de le protéger, de pas lui faire peur à lui, malgré toute la terreur qu'il me provoquait. Et c'est super triste en fait, c'est comme ça. Je crois pas que ça a été à aucun moment une forme d'autorisation. C'est pas que je crois pas, c'est que je le sais. Et qu'on puisse confondre ça... Après cette question-là, j'ai plus rien entendu. Je me rappelle pas ce qui s'est passé. Je me rappelle juste qu'il y a une dame qui m'a dit que j'avais pas été foutue de dire non et que j'étais assez grande pour le faire et que j'aurais dû. Et que mon comportement prêtait à confusion. C'est une dinguerie. C'est une dinguerie. Et je suis sortie de ce rendez-vous avec un mal-être encore plus grand que quand j'étais rentrée. C'est là que j'ai commencé à penser suicide. En l'occurrence, là, j'étais très, très suicidaire. J'avais très, très envie. J'habitais au 8e... J'habite, enfin, mes parents habitent au 8e étage. Et tous les jours, je pensais à sauter de la fenêtre. Et donc, ce qui me retenait, c'est que je me forçais à imaginer la chute. Je me forçais à tout visualiser. C'est-à-dire, je passe au-dessus du balcon, je saute. Et j'imagine la chute. Et je me disais... Et en fait, la seule chose qui m'arrêtait dans mon geste, c'était l'impact au sol. Je trouvais ça tellement violent, je trouvais ça tellement horrible comme mort que ça me retenait toujours un petit peu plus. Et puis aussi parce qu'on était l'été, enfin on approchait de l'été et qu'il y avait des anniversaires qui arrivaient, notamment celui de mon père et celui de mon neveu. Et que je me disais que je ne pouvais pas me permettre de me suicider sur ce moment-là. ma sœur m'en voudrait toute ma vie si je faisais une connerie aux alentours de l'anniversaire de son fils. Et pareil pour mon père. Je me disais que c'était vraiment dégueulasse, que je ne pouvais pas leur faire ça. Donc je m'accrochais à ces idées-là en me disant « Allez, on tient un peu plus, on tient un peu plus. » Et c'était vraiment du « au jour le jour » . C'était vraiment « Allez, aujourd'hui, je ne meurs pas » . Tous les matins, c'était « Aujourd'hui, je ne meurs pas » . Et ça a duré longtemps. Et tout l'été. Et en août, je devais reprendre le boulot. Mais à l'époque je travaillais dans plusieurs spectacles de théâtre. Et il a fallu revenir au boulot, apprendre des textes et pas sombrer quoi. Et à la fois le boulot ça m'a aidée, donc j'avais des tâches concrètes de tu apprends un texte, tu es en répétition, tu joues. Et en même temps, j'ai pas réussi à apprendre de plaisir à ce moment-là. Mais le fait est que ça m'a énormément occupé l'esprit en attendant mon procès. Car une fois que l'enquête de la procureur était finie, c'est-à-dire l'été 2020, je n'avais plus qu'à attendre le procès qui était censé arriver vite. Du coup, la dernière fois que j'ai vu la procureure, c'était l'été 2020. J'ai repris le travail fin août 2020. J'ai travaillé septembre, octobre, novembre, décembre. Et janvier 2021 a eu lieu le procès. Donc j'étais soulagée, mais il faut imaginer que je suis rentrée dans un cercle d'attente. C'est-à-dire que là, j'avais une date, j'ai attendu chaque jour qui avait passé de cet automne et de cet hiver. C'était un jour de plus pour arriver au procès. Je ne sais même plus ce que j'ai fait. Je sais que j'ai bossé, mais... Ou quand, comment, je sais plus, tout se mélange. Tout se mélange. Ouais. Ce qui était fou, dans ce moment d'attente, je me disais que j'avais eu le temps. Et en fait, c'est à la fois aller très lentement et à la fois très vite. Et quand je suis arrivée au procès, j'étais pas prête. Et alors, petite chose, Paul Dingo, c'est que quand on fait un procès, on est obligé de passer par un... On a un rendez-vous avec un psy. certifié par l'État pour que cette personne puisse faire un bilan de l'état psychologique de l'agresseur et de la victime, notamment pour savoir les préjudices moraux qu'a subi la victime, c'est-à-dire depuis l'agression, qu'est-ce que ça a changé dans ma vie. C'est pour pouvoir, au moment où il faut rendre un verdict et notamment savoir combien de temps il va être puni, on a besoin de savoir quel préjudice il a causé à la victime. pour pouvoir évaluer une peine de prison. ou un dédommagement financier, par exemple. Et donc, je me rappelle, j'ai ce petit rendez-vous avec cette psy. Donc moi, je voyais trois thérapeutes en même temps, une naturopathe, une psychologue et un psychiatre. Je suis obligée de faire les trois, parce que sinon, le psychiatre me fait aider mes docs, la psychologue, on essayait de faire une thérapie, et la naturopathe, elle me faisait des massages de pieds. Non, ça peut être un peu réducteur dit comme ça, mais je crois que c'était elle qui me faisait le plus de bien, en vrai. C'était la seule personne qui avait un contact physique avec mon corps et elle appuyait sur des points précis sur ma voûte plantaire, ça me faisait un bien fou. Et donc ces rendez-vous-là avec les psys se font en vidéo et je ne m'attendais à rien. Et donc je vois cette dame, elle prend mon dossier, elle commence à lire et elle commence à me poser des questions, et ça c'est très étrange. Elle commence à me poser des questions sur ma vie depuis mes 12 ans et des questions très précises sur ma sexualité, sur mon rapport aux hommes. sur mon rapport aux autres, sur... Mais elle pose des questions très précises. J'ai connu de la violence physique, si j'ai eu des maladies mentales, si j'ai des problèmes, je sais pas moi par exemple, avec la nourriture, de dépression, tout ça, tout ça. Et puis moi, je répondais assez banalement et je me suis rendue compte que d'un coup, on faisait un bilan, mes 12 ans, sur les 15 dernières années et que c'était, mais, atroce. J'étais en train de me rendre compte, autant présente devant cette dame, que tout Toutes mes relations, mais toutes mes relations ont été façonnées par les agressions de Nicolas. Mais toutes, mais sous plein d'aspects différents. Ma façon de communiquer, c'est pour ça que j'ai parlé dans l'épisode 1 de la communication d'une vicose, la façon de me tenir debout au monde, ma façon de respirer, ma façon de ne pas respirer, ma façon de dissocier, ma façon de... de laisser faire, ma façon de ne jamais dire non, ma façon d'accepter la violence comme étant quelque chose de normal, la violence physique et psychologique, de moi-même la reproduire. Mais c'était tellement vertigineux, je réalisais au fur et à mesure que je parlais que je n'avais pas d'identité propre, moi, qui existe sans l'agression. Je n'ai pas de version de moi en relation où il n'y a pas l'agression qui a teinté quelque chose. J'ai trouvé ça d'une violence, ça m'a mis absolument hors de moi, je me suis effondrée. Je me rappelle, je secouais mon écran, mais je collais ma gueule contre la caméra en disant à la psy « Mais est-ce que c'est possible de s'en sortir ? » Et elle me disait « Oui, je pense que vous êtes à la fin du chemin. » Je l'avais suppliée de devenir la psy, elle m'avait dit qu'elle n'avait pas le droit. Mais c'était insupportable et ça me hante encore. Et ce que moi, en tout cas ce sur quoi je travaille aujourd'hui, c'est d'être une personne à part entière, sans être teintée de tout ça. Et c'est très dur parce qu'il faut tout reconstruire. Et j'ai l'impression d'être un bébé cadome. Du coup, il faut que je recommence tout. C'est trop bizarre. Tout me semble hyper difficile. Même les moindres contacts physiques, ça me paraît. Comment, comment, où se situe le consentement chez moi ? J'en sais rien. Vu que j'ai toujours fermé les yeux. Et je l'ai toujours... En fait, je n'ai jamais... Je ne me suis jamais posé la question. Vu que j'étais construite sans ça. Donc maintenant, ça me fait extrêmement peur. Et ça me fait chier. Même parfois, je suis en colère. Des fois, je regrette la version ancienne de moi qui était un robot parce qu'il était rodé et que je savais quoi faire, comment faire. Et maintenant, ça me fait tellement peur d'aller visiter mes envies. Je ne parle pas du tout que sexuel, mais juste qui suis-je, qu'est-ce que moi j'aime faire, comment j'aime le faire. Tout ça, je ne suis jamais l'explorer. Ça a toujours été plus facile pour moi qu'on me dise quoi faire et qu'on m'impose les choses. Et je suis un parfait petit artisan. Mais d'un coup, je me suis dit putain, j'ai mon identité propre. Et c'est vertigineux et ça me fout les boules. et en plus ça me fout les boules de le découvrir tard c'est des trucs qu'on découvre quand on est ado ça donc à la fois je suis dans un moment de me dire ah c'est super, je vais reconstruire et en même temps je peux pas m'empêcher d'avoir ce truc de mais c'est trop tard, ça me saoule c'est trop tard, j'aurais dû le faire avant c'est très ambivalent, c'est très paradoxal et je suis toujours pas sortie de cette boucle là même si je dois dire que je me dirige vers quand même la voie de la découverte et de l'épanouissement et ça c'est cool Voilà mes petits choux, merci de m'avoir écouté. On se revoit très vite pour le procès, il arrive, je sors l'épisode bien plus rapidement que l'épisode 7, c'est promis. Je vous embrasse fort, prenez soin de vous, toujours les numéros dans la barre d'infos comme d'hab. Merci de m'écouter, je vous fais plein de gros bisous, ciao ! Et buvez de l'eau, je vous en supplie.

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Description

YOYOYOY ICI OCTOBRE !


ENFIN L'EPISODE 7


Je tente de parler de mon marasme de l'attente.


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Transcription

  • Speaker #0

    Coucou, j'espère que vous allez bien ici octobre. Je suis ravie de vous revoir. J'ai actuellement le visage en sueur car il fait 40 degrés à Paris. Nous sommes en juillet 2025 et c'est la canicule et le début de la fin. Ah non, je suis déprimante. J'espère que vous allez bien. J'ai mis un petit bout de temps là avant de recommencer les tournages de Vicôtes parce que j'ai perdu mon intermittence et du coup je travaille à côté et du coup... et bien il y a beaucoup de temps que je passe à dormir pour récupérer et donc beaucoup moins de temps pour moi et donc beaucoup moins de temps pour le podcast. Aujourd'hui, nous allons attaquer l'épisode 7. J'ai cherché un titre, j'ai pas trouvé. Pour l'instant, tous les chapitres étaient très clairs parce que les événements se passaient de manière très claire, étape par étape. Et après la confrontation, après la rencontre avec Nicolas, tout est devenu un peu fou. C'était l'été, l'été 2020. J'avais prévu des vacances avec ma cousine, avec mes amis. et j'ai tout annulé parce que j'étais profondément en dépression. Mais c'est marrant, j'ai plus du tout, j'ai très peu de souvenirs de ce moment-là. C'est très flou dans ma mémoire, c'est comme si je vois des images, je ne sais plus exactement comment les jours étaient constitués, mais je sais qu'ils étaient longs, lourds et horriblement chiants. J'étais tout le temps dans mon lit, je ne sortais jamais de mon lit. Les seules fois où je suis sortie, c'était pour aller voir le psy, le psychologue et le psychiatre. Et encore, il fallait que je fasse de gros efforts pour me lever. C'est vraiment un moment dans le noir. Je n'ouvrais pas les volets en plus dans ma chambre, donc j'étais H24 dans le noir, tout le temps, tout le temps. Il y avait mon ordinateur allumé constamment, dans lequel je mettais une série, des séries drôles. Et puis des paquets de gâteaux partout autour de moi. Et c'est tout quoi, ma vie c'était ça. Un jour, mon père a essayé de me faire sortir du lit, ce qui était très compliqué, très dur physiquement. Comment expliquer la dépression pour ceux qui ne connaissent pas ? Mais... physiquement c'est impossible de se lever enfin vraiment tout est lourd tout est tout et j'ai l'impression de faire un effort suprême à chaque fois un effort physique suprême l'épreuve des poteaux de kolanta c'est à chaque fois qu'il faut se lever et je vous jure que je dis ça évidemment c'est un peu drôle mais c'est réellement la sensation je ne peux pas me lever c'est vraiment hors de ma portée Et donc un jour mon père m'a dit « Non mais il faut que tu te lèves, viens on va faire du roller au parc de la Tête d'Or » . Donc pour ceux qui sont lyonnais, qui connaissent le parc, non pas du tout, pas du tout le parc de la Tête d'Or, c'est le parc de Miribel. Parce que moi j'habite à Lyon, enfin à ce moment-là j'étais à Lyon chez mes parents, et je ne voulais pas aller au parc de la Tête d'Or justement parce qu'il y avait trop de 2% de chances que je croise quelqu'un que je connais et c'était hors de question que ça arrive. Et donc mon père me dit on va à Miribel, c'est à... 45 minutes en voiture de là où on habite donc c'est loin et à ce moment là j'avais pris beaucoup de poids parce que j'arrêtais pas de manger j'avais un rapport à la nourriture qui était vraiment très très chaotique et donc je détestais mon corps j'avais extrêmement honte donc je m'étais des déjà je ne me lavais pas parce que c'était au dessus de mes forces mais je restais qu'en pyjama et il faisait je sais pas 35 degrés j'étais en jogos et parce que je pouvais pas enlever le jogging pour mettre autre chose c'était hors de question que je monte mon corps ni même que je le touche ni enfin j'ai un rapport de dégoût extrêmement profond à à mon corps. Et donc, je me motive et j'avais acheté, mon Dieu, j'ai honte, j'avais acheté des poids qu'on peut attacher aux bras ou aux chevilles pour remuscler le corps. Et à ce moment-là, je me disais vraiment, c'est très important que tu te remuscles, etc. C'est la première chose à faire. Donc j'avais attaché ces poids. Non mais c'est hilarant quand même la métaphore. La fille est en dépression. Tout est lourd, tout est dur à faire et je me suis acheté des poids. Non parce que là, je vous parle mais je suis en train de réaliser. Je me suis acheté des poids que j'ai mis à mes chevilles. Genre littéralement pour sentir un poids physique. Non mais c'est hilarant. Donc je me traînais littéralement. Et donc mon père m'avait dit ouais on part au pas de mes rebelles jeune âge là. Donc c'est un espèce d'immense lac et on peut faire, on peut marcher autour et tout. Et mes parents s'étaient dit bah voilà on va faire un tour. Elle prendra ses rollers. Et donc j'avais mis mes poids au pied pour accentuer l'effort et tout. Que j'étais quand même dans un délire où il fallait que je perde le poids accumulé et tout. Enfin imaginez, imaginez genre une personne. avec un jogos XXXXL et un t-shirt XXXXL avec des énormes trous. Qui est profondément en dépression. Donc qui ne se lève plus depuis trois jours. Qui a les cheveux gras. J'ai les cheveux longs et gras. Enfin longs. Plus longs que maintenant. Donc au niveau de la nuque. Gras. Qui n'a pas dormi depuis des jours parce que je ne dormais pas non plus. Avec des poids aux chevilles et des rollers. Et vraiment où je... Putain, fou, j'aimerais mimer mes pieds. Ça faisait... Vroom, vroom. Ça c'était le rythme que j'avais sur le roller C'est à dire que c'était même pas un truc Vraiment je traînais mon pied, mon pied roulait Et je n'avais aucune force Donc j'étais complètement abattue Donc j'avais été tout douvoutée et tout Un vrai zombie Donc tout était supplice, marcher était un supplice, rouler était un supplice Tout était horrible À ce moment là de ma vie j'étais vraiment au bord du suicide Et là j'entends mon père qui fait Merci. Bonjour nanani nananani Et là je vois mes parents qui tapent leur meilleure discute avec des gens qu'ils ont reconnu des amis de la famille et à un moment donné j'ai vu mon père il s'était grave devant moi j'ai vu mon père se retourner me pointer du doigt et tout le monde qui me regardait et là je me suis dit mais qu'est ce qu'il doit voir une espèce de zombie par 35 degrés tout en mitoufler et du roller au ralenti Oh l'image devait être exceptionnelle Et je leur ai même pas dit bonjour, je les ai même pas approchés parce que je voulais voir personne, donc j'ai été vraiment odieuse. Mais c'était mon état, voilà, c'était le maximum de ce que je pouvais faire à ce moment-là. C'était terrible. Et puis mon avocate m'appelle et me dit qu'il faut que je rencontre la procureure au tribunal de Lyon pour faire une petite enquête. Enfin, petite enquête. Pour m'interroger, apparemment elle avait des questions, je sais pas comment ça s'appelle. Donc je me pointe, et là ça a été un des seuls moments que je me rappelle de mon état. dans tout ce marasme flou de noirceur. On est rentré dans le tribunal, j'étais très impressionnée, c'était la première fois que je voyais un tribunal. Le tribunal de Lyon il est grand, il est beau, enfin il est très moderne. Je rencontre mon avocate, elle m'amène dans le bureau de la procureure et donc là tout est vitrifié parce que c'était encore le Covid. Et là la dame me dit de but en blanc qu'elle a des questions à me poser et des questions qui ne me feront pas plaisir. Donc je me suis dit ah bon. mais qu'il fallait quand même que j'y réponde. Et donc elle m'explique qu'elle, elle cherche à comprendre la psychologie des victimes, qu'aujourd'hui, ils ont besoin de réponses sur des comportements qui se retrouvent chez toutes les victimes, et qu'elle va me poser des questions pas agréables, mais que c'est pour eux et elles leur permettre de comprendre un peu plus comment fonctionne une victime. Elle m'a fait ce petit discours-là, je me suis dit, ah tiens, marrant, ok, donc je vais faire du mieux que je peux. Elle a commencé à me re-raconter les faits qui se sont déroulés dans la colonie de vacances, et elle a repris tous les événements, toutes les agressions sexuelles. Notamment une, particulièrement, elle a beaucoup insisté sur celle-là. C'était un moment où j'étais... On avait fabriqué une tyrolienne, en fait, dans la maison de la colonie de vacances. Donc au premier étage, tous les enfants se mettaient sur la fenêtre et il y avait une tyrolienne qui avait été fabriquée qui descendait jusqu'en bas. Et donc il y avait des animateurs qui attendaient en bas pour récupérer les enfants. Et en haut, il y avait Nicolas, le directeur de la colonie de vacances, qui faisait partir les enfants. Et donc nous, on était à la Finlandienne. Et moi, il n'arrêtait pas de me dire, non, c'est pas... pas le moment pour toi, c'est pas le moment pour toi. Et en fait, je me rends compte au bout d'un moment que je vais être la dernière à passer. Et donc, à un moment, tous les enfants et tous les animateurs seront en bas et qu'on sera tout seul dans la maison à l'étage. Je le comprends très vite. Je suis complètement... Enfin, je cherche même pas à lutter, quoi. J'attends que ça se passe. Et puis, on arrive, le dernier enfant monte sur cette tyrolienne et descend. Et donc, je me retrouve effectivement toute seule avec Nicolas devant la fenêtre, puis dans cet étage. Et là, il m'attrape. Je sais plus bien comment. Je sais qu'il essayait de m'attraper et que je pars en courant. Je pars en courant dans l'étage et il me court après. Et déjà, le fait de courir m'avait demandé, je me rappelle, un effort suprême. Le fait de réactiver mon corps et de prendre mes jambes à mon cou, littéralement. Et chercher à gagner du temps parce que je me disais forcément qu'on est d'un moment, vu que tous les passages de la tyrolienne s'enchaînaient, il y a forcément quelqu'un qui va se dire « qu'est-ce qui se passe ? » et puis qui va monter. Donc je courais, mais je me souviens que je courais en rigolant. Je courais en rigolant. Et ça m'a longtemps perturbée de me dire, mais pourquoi t'es partie en fourrir à ce moment-là ? Et dans tous les moments que j'ai décrits à la procureure, aux policiers, à la police, il y a plein de moments où le comportement est hyper paradoxal. Je me disais, mais en fait, quand tu partais en courant, tu rigolais. Quand tu essayais de le repousser, tu rigolais. C'est tellement dur, tellement pour laisser exploser un état de peur, parce que moi, cet homme me faisait peur. Mais il me faisait peur, c'est pas la même peur que quelqu'un qui vous court dans la forêt avec un couteau. enfin je sais pas comment dire, c'était un homme que je voyais tous les jours et qu'il fallait... il y avait quand même un truc où je devais faire semblant que tout se passe bien tout le temps, je sais pas comment dire, je pouvais pas me permettre d'avoir véritablement peur et d'être triste, il fallait toujours que je fasse semblant, il fallait... et ça c'est hyper compliqué à expliquer et la procureure me pose la question mais pourquoi vous rigoliez à ce moment là ? Je disais bah parce que moi j'essayais de faire semblant de jouer en fait, j'essayais de... Elle me dit mais pourquoi faire semblant si vous étiez en train d'être agressé ? Et elle attendait une réponse très claire de pourquoi l'enfant de 12 ans que j'étais est parti en courant à fond de balle. Donc mon corps est parti en courant mais que je rigolais. Et j'étais incapable et tellement choquée qu'elle me pose la question. Mais qu'elle me pose la question au premier degré. C'est-à-dire que Elsa puisse lui dire c'est que t'en avais envie quoi. Et je me rappelle qu'il m'a rattrapée à un moment donné. Il m'a plaqué contre un mur. et à ce moment-là, moi, je le poussais toujours en... rigolant. C'est fou parce que tout mon corps indiquait non. Ma voix était en fourrir mais je pense parce que j'étais terrorisée, terrifiée, que je n'avais aucun moyen d'autre de réagir. Et effectivement, d'un moment mon plan a marché puisque quelqu'un est rentré à créer mon prénom. Et donc du coup là il s'est défait de moi comme si les amants dans le placard quoi qu'ils ne doivent pas se faire surprendre, c'était vraiment genre le truc de... Il se rhabille, enfin il ne s'était pas déshabillé mais... Je me rappelle le voir se rhabiller, se remettre les vêtements. Et je suis descendue et on m'a posé plein de questions. On m'a dit, ah, qu'est-ce qui s'est passé ? Pourquoi et tout ? Je bégayais, je bafouillais. Honnêtement, je ne sais plus du tout ce que je répondais. Et donc, la procureure me prend cette histoire, me la fait re-raconter dans tous les sens, plusieurs fois. Et là, elle me dit, écoutez, je ne comprends pas pourquoi vous n'avez pas dit non. Quoi ? Vous avez fui, mais vous avez ri. jusqu'à présent dans tout mon parcours, dans la confrontation, en la plainte, dans tout, même si je me suis sentie extrêmement seule, il y avait un endroit où je sentais quand même que j'avais raison de le faire et que j'étais une victime. Et là pour la première fois dans le parcours, je me suis sentie coupable. C'est à dire qu'elle me dit je comprends pas, vous avez 12 ans, vous êtes en mesure de parler, ne le prenez pas mal mais j'aimerais savoir pourquoi vous n'avez pas dit non. Et j'étais bouche bée. tellement c'était violent, je n'arrivais pas à répondre. En plus, il faut imaginer l'état psychologique dans lequel j'étais. Je le redis encore une fois, une vraie loque. Donc j'accusais le cou et je la regardais avec la bouche ouverte et j'étais en mode ben... J'ai juste pas réussi quoi, j'ai pas réussi. Elle me dit donc vous avez un adulte qui essaye de vous toucher et de vous embrasser en vous plaquant contre un mur et vous, vous le poussez en rigolant. Vous croyez que c'est suffisant ? J'étais bouche blée. C'était comme un couteau de... en plein coeur. Et après elle m'a répété, vous savez on essaye juste de comprendre mais ça m'a fait si mal et ça a réactivé instantanément toute la culpabilité que j'ai accumulée ces dernières années. C'était horrible tout le boulot que j'avais fait sur me reconnaître moi en tant que victime déjà de moi à moi ça s'est effacé en un claquement de doigts. Et j'avais même pas de colère j'avais même pas de force, j'avais même pas la présence d'esprit j'avais aucune... enfin C'est vraiment comme si elle parlait à un légume, quoi. J'avais aucun ressort, aucune énergie pour pouvoir dire quelque chose de cohérent. Et donc, je me sens un peu coupable auprès de toutes les victimes. Je ne sais pas si son prétexte de « on essaye de comprendre » est réel ou pas. Mais si elle a vraiment, à ce moment-là, avec moi, elle cherchait à comprendre, elle n'a pas dû bien comprendre, et je n'ai pas dû faire beaucoup avancer la cause des victimes. C'est pour ça que je fais ce podcast, finalement, aujourd'hui. C'est peut-être pour essayer de rétablir une forme de vérité, maintenant que je suis en mesure.

  • Speaker #1

    Et puis juste après, elle m'a posé la question fatidique de « est-ce que vous étiez amoureuse de cet homme ? » Et là, j'ai eu peur parce que je me suis dit « putain, c'est… » On est en train de me demander si potentiellement c'est moins grave que prévu, si potentiellement j'ai ma responsabilité. Je me disais, putain, la meuf en face de moi, qui mène l'enquête et qui va juger ce truc, me demande si je ne suis pas, au fond, si l'enfant de 12 ans que j'étais n'était pas un petit peu amoureuse de cet homme. Et donc, potentiellement, ces actes étaient amoindris et ou justifiés. Il faut savoir aussi qu'on m'a demandé des photos de moi à 12 ans pour le procès. Je n'ai pas trop compris pour moi. pourquoi je les ai fournies. Et mon avocate m'a expliqué que c'était pour évaluer le degré de pédophilie de cet homme, pour savoir si j'étais déjà formée, si je ressemblais déjà, si j'étais déjà une ado, si j'étais une adulte, si j'avais, par exemple, de la poitrine, ce qui pouvait expliquer son attirance physique. Et sur le coup, je m'étais dit, mais c'est une folie de se dire, oh, elle avait les seins qui poussaient, alors c'est qu'il n'est pas trop pédophile, en fait. C'était quand même déjà une femme. Du coup, elle est excitante. Déjà, c'est sexualisant et c'est... horrible, on est très très mal parti. Et donc la femme n'est juste qu'un objet de désir, premièrement. Et deuxièmement, déjà à 12 ans, je n'étais absolument pas formée et si ça avait été le cas, ça n'aurait pas eu son poids dans la balance. Et quand je revois des photos de moi à 12 ans, on voit un enfant, et même si on avait vu une femme de 48 ans, putain, il n'avait pas le droit. Donc elle me posait des questions et aussi en me posant la question de, est-ce que vous étiez amoureuse de lui ? Ça pose aussi la question de, est-ce que vous l'avez séduit ? Est-ce que vous avez cherché ça ? Et je crois vraiment que ce n'est pas une question à poser à... quelqu'un qui a été victime d'agression sexuelle. Parce que que la réponse soit oui ou soit non, si la personne porte plainte, fait un procès, c'est qu'elle sait qu'elle a été agressée. Donc, il n'y a pas à demander s'il y avait de l'amour, en fait. Les viols conjugaux, ça existe. Et pourtant, la femme aime son mari. Et en fait, c'est juste que le consentement et l'amour, mais il y a un gap déjà de ouf. On ne peut pas mélanger ça. On ne peut pas. Et en plus, j'avais 12 ans. Et lui, 27. Donc c'est une folie de penser qu'à 12 ans, on est capable... d'être amoureuse, d'avoir du désir, de vouloir une sexualité. C'est une folie. J'en ai longtemps parlé à mon psy parce que cette question-là, elle m'a traumatisée. Je lui disais, est-ce que c'est moi qui ai fait ça ? Est-ce que c'est moi qui ai lancé ça ? Il me disait, non, à 12 ans, le cerveau n'est pas formé pour rentrer dans des schémas comme ça de séduction, etc. C'est prouvé par la médecine et la psychologie que ça n'est pas possible. Pour revenir à cette question de l'amour, quand elle m'a posé cette question, dans ma tête, je n'ai pas eu le choix. Je me suis dit, si tu ne réponds pas non, que tu n'étais pas amoureuse de cet homme, c'est terminé. Il n'y a plus de procès, il n'y a plus rien. Donc j'ai répondu non, je ne suis pas amoureuse. Mais la vérité, je ne peux pas dire que j'étais amoureuse de lui. J'étais une petite fille de 12 ans qui était absolument fan de son moniteur. Je le trouvais trop beau, je le trouvais trop stylé, je le trouvais trop drôle. Il m'a accordé de l'attention au début. Il disait que j'étais sa chouchoute. Donc j'avais un statut privilégié, il me donnait confiance en moi, j'avais un peu d'estime de moi. Et oui, j'étais un peu en... Comment on peut dire ? Un petit crush comme on a quand on est petit. Mais ça ne justifie en rien et ça ne m'a jamais donné envie qu'il fasse ce qu'il a fait. Je veux dire, à partir du moment où il a posé sa main sur moi, c'était déjà terminé. Je ne savais même pas ce que c'était. Une main sur mon corps. Il m'a privée de... Pour moi, il m'a privée de toute sensation de liberté dans... et d'épanouissement dans une sexualité aujourd'hui, ou en tout cas, va falloir que je reconstruise. Je sais qu'à ce moment-là, j'ai eu la sensation d'avoir menti. Et je regrette. Et en même temps, je n'étais pas en mesure d'avoir ce discours-là. Je n'étais pas en mesure de leur dire, vous êtes une malade. Enfin, j'ai envie de lui dire, vous êtes une malade. Mais de lui dire, ce n'est pas que j'étais amoureuse, c'est que oui, j'avais un crush, je le trouvais incroyable. et de faire le distinguo et d'expliquer que c'est absolument pas valable, ni une justification, ni rien, et que ce n'est pas moi qui ai provoqué, et que je n'ai jamais été séduisante. Et que c'est normal, en fait, que les petites filles aient des crushs sur des adultes, et que c'est à l'adulte, en fait, de gérer ça. Et que c'est normal aussi que les petits garçons aient des crushs sur des adultes femmes et hommes.

  • Speaker #0

    Enfin, je veux dire, là, je prends un schéma hétérosexuel,

  • Speaker #1

    mais c'est valable dans toutes les sexualités possibles.

  • Speaker #0

    Elle m'a dit,

  • Speaker #1

    vous aviez 12 ans, vous étiez en mesure de dire... de vous exprimer dans un français convenable et correct, vous auriez pu dire non. Ce qu'elle ne sait pas,

  • Speaker #0

    c'est qu'aujourd'hui,

  • Speaker #1

    je suis largement majeure. J'ai toujours autant de difficultés à dire stop ou non quand je suis dans une situation intime. Et que parfois même, je dis oui alors que je pense non.

  • Speaker #0

    Je comprends qu'elle se pose des questions.

  • Speaker #1

    Je comprends.

  • Speaker #0

    Ce que je ne comprends pas, c'est pourquoi ça a été à moi de donner une réponse à elle sur des questionnements qu'elle présente comme des questionnements généraux. Je rappelle que ce n'est pas une interprétation de ma part que de dire qu'elle me posait des questions pour comprendre les victimes. Elle me l'a dit. Elle ne m'a pas dit « je voudrais élucider votre mystère, à vous votre cas personnel » . Elle a dit « je cherche à comprendre pourquoi vous, vous n'avez pas été en mesure de dire non, mais aussi pourquoi c'est quelque chose qui est récurrent chez les victimes » . Et je me dis « c'est fou, parce qu'il y a un milliard de bouquins qui sont écrits là-dessus, avec des gens qui donnent des réponses quand ils peuvent en donner » . dans un temps qui leur est propre, c'est-à-dire au moment où ils écrivent le livre, ils peuvent l'écrire, au moment où ils font un film, ils peuvent le faire,

  • Speaker #1

    ils ont un avis là-dessus.

  • Speaker #0

    Alors renseigne-toi. Moi, c'est impossible de répondre à ça à ce moment-là. Je ne suis même pas capable de me le pardonner à moi-même. Comment tu crois que je vais donner une réponse qui sera satisfaisante ? C'est fou, j'imagine un univers où vraiment à 10 ans je suis capable d'être posée face à un adulte qui m'agresse et qui dit « Non, je n'ai pas envie de ça ! » C'est une folie, excusez-moi, c'est une folie. Parce que, premier degré,

  • Speaker #1

    ça me met très en colère.

  • Speaker #0

    Il y a des polarités dans notre univers, certes,

  • Speaker #1

    mais il y a des choses bien plus complexes que ça.

  • Speaker #0

    Et notamment la relation entre une victime et un agresseur, ou une agresseuse. Parfois, elle est très claire et parfois, elle est complexe et obscure et incompréhensible pour des gens. Il existe le syndrome de Stockholm. que tout le monde connaît. Ça existe. On le sait qu'il peut se passer des choses comme ça, un petit peu paradoxales. Et moi, cet homme, ce moniteur, je l'aimais énormément. Et je ne comprenais pas ce qu'il faisait. Je n'aimais pas ce qu'il faisait. Mais je l'aimais bien. Et puis, il me faisait de la peine. Et puis, il m'avait dit de ne pas le dire. Et puis, il m'avait dit que ce n'était pas de sa faute, qu'il ne faisait pas exprès. Et c'est de la manipulation. Mais un enfant, il croit ça. Quand un adulte lui dit, écoute je te fais ça mais faut pas le dire, je te fais ça mais je fais pas exprès, mais tu sais moi je te fais ça mais je subis aussi. Et du coup rire, courir c'était ma seule option. Et rire c'était une manière de le protéger, de pas lui faire peur à lui, malgré toute la terreur qu'il me provoquait. Et c'est super triste en fait, c'est comme ça. Je crois pas que ça a été à aucun moment une forme d'autorisation. C'est pas que je crois pas, c'est que je le sais. Et qu'on puisse confondre ça... Après cette question-là, j'ai plus rien entendu. Je me rappelle pas ce qui s'est passé. Je me rappelle juste qu'il y a une dame qui m'a dit que j'avais pas été foutue de dire non et que j'étais assez grande pour le faire et que j'aurais dû. Et que mon comportement prêtait à confusion. C'est une dinguerie. C'est une dinguerie. Et je suis sortie de ce rendez-vous avec un mal-être encore plus grand que quand j'étais rentrée. C'est là que j'ai commencé à penser suicide. En l'occurrence, là, j'étais très, très suicidaire. J'avais très, très envie. J'habitais au 8e... J'habite, enfin, mes parents habitent au 8e étage. Et tous les jours, je pensais à sauter de la fenêtre. Et donc, ce qui me retenait, c'est que je me forçais à imaginer la chute. Je me forçais à tout visualiser. C'est-à-dire, je passe au-dessus du balcon, je saute. Et j'imagine la chute. Et je me disais... Et en fait, la seule chose qui m'arrêtait dans mon geste, c'était l'impact au sol. Je trouvais ça tellement violent, je trouvais ça tellement horrible comme mort que ça me retenait toujours un petit peu plus. Et puis aussi parce qu'on était l'été, enfin on approchait de l'été et qu'il y avait des anniversaires qui arrivaient, notamment celui de mon père et celui de mon neveu. Et que je me disais que je ne pouvais pas me permettre de me suicider sur ce moment-là. ma sœur m'en voudrait toute ma vie si je faisais une connerie aux alentours de l'anniversaire de son fils. Et pareil pour mon père. Je me disais que c'était vraiment dégueulasse, que je ne pouvais pas leur faire ça. Donc je m'accrochais à ces idées-là en me disant « Allez, on tient un peu plus, on tient un peu plus. » Et c'était vraiment du « au jour le jour » . C'était vraiment « Allez, aujourd'hui, je ne meurs pas » . Tous les matins, c'était « Aujourd'hui, je ne meurs pas » . Et ça a duré longtemps. Et tout l'été. Et en août, je devais reprendre le boulot. Mais à l'époque je travaillais dans plusieurs spectacles de théâtre. Et il a fallu revenir au boulot, apprendre des textes et pas sombrer quoi. Et à la fois le boulot ça m'a aidée, donc j'avais des tâches concrètes de tu apprends un texte, tu es en répétition, tu joues. Et en même temps, j'ai pas réussi à apprendre de plaisir à ce moment-là. Mais le fait est que ça m'a énormément occupé l'esprit en attendant mon procès. Car une fois que l'enquête de la procureur était finie, c'est-à-dire l'été 2020, je n'avais plus qu'à attendre le procès qui était censé arriver vite. Du coup, la dernière fois que j'ai vu la procureure, c'était l'été 2020. J'ai repris le travail fin août 2020. J'ai travaillé septembre, octobre, novembre, décembre. Et janvier 2021 a eu lieu le procès. Donc j'étais soulagée, mais il faut imaginer que je suis rentrée dans un cercle d'attente. C'est-à-dire que là, j'avais une date, j'ai attendu chaque jour qui avait passé de cet automne et de cet hiver. C'était un jour de plus pour arriver au procès. Je ne sais même plus ce que j'ai fait. Je sais que j'ai bossé, mais... Ou quand, comment, je sais plus, tout se mélange. Tout se mélange. Ouais. Ce qui était fou, dans ce moment d'attente, je me disais que j'avais eu le temps. Et en fait, c'est à la fois aller très lentement et à la fois très vite. Et quand je suis arrivée au procès, j'étais pas prête. Et alors, petite chose, Paul Dingo, c'est que quand on fait un procès, on est obligé de passer par un... On a un rendez-vous avec un psy. certifié par l'État pour que cette personne puisse faire un bilan de l'état psychologique de l'agresseur et de la victime, notamment pour savoir les préjudices moraux qu'a subi la victime, c'est-à-dire depuis l'agression, qu'est-ce que ça a changé dans ma vie. C'est pour pouvoir, au moment où il faut rendre un verdict et notamment savoir combien de temps il va être puni, on a besoin de savoir quel préjudice il a causé à la victime. pour pouvoir évaluer une peine de prison. ou un dédommagement financier, par exemple. Et donc, je me rappelle, j'ai ce petit rendez-vous avec cette psy. Donc moi, je voyais trois thérapeutes en même temps, une naturopathe, une psychologue et un psychiatre. Je suis obligée de faire les trois, parce que sinon, le psychiatre me fait aider mes docs, la psychologue, on essayait de faire une thérapie, et la naturopathe, elle me faisait des massages de pieds. Non, ça peut être un peu réducteur dit comme ça, mais je crois que c'était elle qui me faisait le plus de bien, en vrai. C'était la seule personne qui avait un contact physique avec mon corps et elle appuyait sur des points précis sur ma voûte plantaire, ça me faisait un bien fou. Et donc ces rendez-vous-là avec les psys se font en vidéo et je ne m'attendais à rien. Et donc je vois cette dame, elle prend mon dossier, elle commence à lire et elle commence à me poser des questions, et ça c'est très étrange. Elle commence à me poser des questions sur ma vie depuis mes 12 ans et des questions très précises sur ma sexualité, sur mon rapport aux hommes. sur mon rapport aux autres, sur... Mais elle pose des questions très précises. J'ai connu de la violence physique, si j'ai eu des maladies mentales, si j'ai des problèmes, je sais pas moi par exemple, avec la nourriture, de dépression, tout ça, tout ça. Et puis moi, je répondais assez banalement et je me suis rendue compte que d'un coup, on faisait un bilan, mes 12 ans, sur les 15 dernières années et que c'était, mais, atroce. J'étais en train de me rendre compte, autant présente devant cette dame, que tout Toutes mes relations, mais toutes mes relations ont été façonnées par les agressions de Nicolas. Mais toutes, mais sous plein d'aspects différents. Ma façon de communiquer, c'est pour ça que j'ai parlé dans l'épisode 1 de la communication d'une vicose, la façon de me tenir debout au monde, ma façon de respirer, ma façon de ne pas respirer, ma façon de dissocier, ma façon de... de laisser faire, ma façon de ne jamais dire non, ma façon d'accepter la violence comme étant quelque chose de normal, la violence physique et psychologique, de moi-même la reproduire. Mais c'était tellement vertigineux, je réalisais au fur et à mesure que je parlais que je n'avais pas d'identité propre, moi, qui existe sans l'agression. Je n'ai pas de version de moi en relation où il n'y a pas l'agression qui a teinté quelque chose. J'ai trouvé ça d'une violence, ça m'a mis absolument hors de moi, je me suis effondrée. Je me rappelle, je secouais mon écran, mais je collais ma gueule contre la caméra en disant à la psy « Mais est-ce que c'est possible de s'en sortir ? » Et elle me disait « Oui, je pense que vous êtes à la fin du chemin. » Je l'avais suppliée de devenir la psy, elle m'avait dit qu'elle n'avait pas le droit. Mais c'était insupportable et ça me hante encore. Et ce que moi, en tout cas ce sur quoi je travaille aujourd'hui, c'est d'être une personne à part entière, sans être teintée de tout ça. Et c'est très dur parce qu'il faut tout reconstruire. Et j'ai l'impression d'être un bébé cadome. Du coup, il faut que je recommence tout. C'est trop bizarre. Tout me semble hyper difficile. Même les moindres contacts physiques, ça me paraît. Comment, comment, où se situe le consentement chez moi ? J'en sais rien. Vu que j'ai toujours fermé les yeux. Et je l'ai toujours... En fait, je n'ai jamais... Je ne me suis jamais posé la question. Vu que j'étais construite sans ça. Donc maintenant, ça me fait extrêmement peur. Et ça me fait chier. Même parfois, je suis en colère. Des fois, je regrette la version ancienne de moi qui était un robot parce qu'il était rodé et que je savais quoi faire, comment faire. Et maintenant, ça me fait tellement peur d'aller visiter mes envies. Je ne parle pas du tout que sexuel, mais juste qui suis-je, qu'est-ce que moi j'aime faire, comment j'aime le faire. Tout ça, je ne suis jamais l'explorer. Ça a toujours été plus facile pour moi qu'on me dise quoi faire et qu'on m'impose les choses. Et je suis un parfait petit artisan. Mais d'un coup, je me suis dit putain, j'ai mon identité propre. Et c'est vertigineux et ça me fout les boules. et en plus ça me fout les boules de le découvrir tard c'est des trucs qu'on découvre quand on est ado ça donc à la fois je suis dans un moment de me dire ah c'est super, je vais reconstruire et en même temps je peux pas m'empêcher d'avoir ce truc de mais c'est trop tard, ça me saoule c'est trop tard, j'aurais dû le faire avant c'est très ambivalent, c'est très paradoxal et je suis toujours pas sortie de cette boucle là même si je dois dire que je me dirige vers quand même la voie de la découverte et de l'épanouissement et ça c'est cool Voilà mes petits choux, merci de m'avoir écouté. On se revoit très vite pour le procès, il arrive, je sors l'épisode bien plus rapidement que l'épisode 7, c'est promis. Je vous embrasse fort, prenez soin de vous, toujours les numéros dans la barre d'infos comme d'hab. Merci de m'écouter, je vous fais plein de gros bisous, ciao ! Et buvez de l'eau, je vous en supplie.

Description

YOYOYOY ICI OCTOBRE !


ENFIN L'EPISODE 7


Je tente de parler de mon marasme de l'attente.


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Transcription

  • Speaker #0

    Coucou, j'espère que vous allez bien ici octobre. Je suis ravie de vous revoir. J'ai actuellement le visage en sueur car il fait 40 degrés à Paris. Nous sommes en juillet 2025 et c'est la canicule et le début de la fin. Ah non, je suis déprimante. J'espère que vous allez bien. J'ai mis un petit bout de temps là avant de recommencer les tournages de Vicôtes parce que j'ai perdu mon intermittence et du coup je travaille à côté et du coup... et bien il y a beaucoup de temps que je passe à dormir pour récupérer et donc beaucoup moins de temps pour moi et donc beaucoup moins de temps pour le podcast. Aujourd'hui, nous allons attaquer l'épisode 7. J'ai cherché un titre, j'ai pas trouvé. Pour l'instant, tous les chapitres étaient très clairs parce que les événements se passaient de manière très claire, étape par étape. Et après la confrontation, après la rencontre avec Nicolas, tout est devenu un peu fou. C'était l'été, l'été 2020. J'avais prévu des vacances avec ma cousine, avec mes amis. et j'ai tout annulé parce que j'étais profondément en dépression. Mais c'est marrant, j'ai plus du tout, j'ai très peu de souvenirs de ce moment-là. C'est très flou dans ma mémoire, c'est comme si je vois des images, je ne sais plus exactement comment les jours étaient constitués, mais je sais qu'ils étaient longs, lourds et horriblement chiants. J'étais tout le temps dans mon lit, je ne sortais jamais de mon lit. Les seules fois où je suis sortie, c'était pour aller voir le psy, le psychologue et le psychiatre. Et encore, il fallait que je fasse de gros efforts pour me lever. C'est vraiment un moment dans le noir. Je n'ouvrais pas les volets en plus dans ma chambre, donc j'étais H24 dans le noir, tout le temps, tout le temps. Il y avait mon ordinateur allumé constamment, dans lequel je mettais une série, des séries drôles. Et puis des paquets de gâteaux partout autour de moi. Et c'est tout quoi, ma vie c'était ça. Un jour, mon père a essayé de me faire sortir du lit, ce qui était très compliqué, très dur physiquement. Comment expliquer la dépression pour ceux qui ne connaissent pas ? Mais... physiquement c'est impossible de se lever enfin vraiment tout est lourd tout est tout et j'ai l'impression de faire un effort suprême à chaque fois un effort physique suprême l'épreuve des poteaux de kolanta c'est à chaque fois qu'il faut se lever et je vous jure que je dis ça évidemment c'est un peu drôle mais c'est réellement la sensation je ne peux pas me lever c'est vraiment hors de ma portée Et donc un jour mon père m'a dit « Non mais il faut que tu te lèves, viens on va faire du roller au parc de la Tête d'Or » . Donc pour ceux qui sont lyonnais, qui connaissent le parc, non pas du tout, pas du tout le parc de la Tête d'Or, c'est le parc de Miribel. Parce que moi j'habite à Lyon, enfin à ce moment-là j'étais à Lyon chez mes parents, et je ne voulais pas aller au parc de la Tête d'Or justement parce qu'il y avait trop de 2% de chances que je croise quelqu'un que je connais et c'était hors de question que ça arrive. Et donc mon père me dit on va à Miribel, c'est à... 45 minutes en voiture de là où on habite donc c'est loin et à ce moment là j'avais pris beaucoup de poids parce que j'arrêtais pas de manger j'avais un rapport à la nourriture qui était vraiment très très chaotique et donc je détestais mon corps j'avais extrêmement honte donc je m'étais des déjà je ne me lavais pas parce que c'était au dessus de mes forces mais je restais qu'en pyjama et il faisait je sais pas 35 degrés j'étais en jogos et parce que je pouvais pas enlever le jogging pour mettre autre chose c'était hors de question que je monte mon corps ni même que je le touche ni enfin j'ai un rapport de dégoût extrêmement profond à à mon corps. Et donc, je me motive et j'avais acheté, mon Dieu, j'ai honte, j'avais acheté des poids qu'on peut attacher aux bras ou aux chevilles pour remuscler le corps. Et à ce moment-là, je me disais vraiment, c'est très important que tu te remuscles, etc. C'est la première chose à faire. Donc j'avais attaché ces poids. Non mais c'est hilarant quand même la métaphore. La fille est en dépression. Tout est lourd, tout est dur à faire et je me suis acheté des poids. Non parce que là, je vous parle mais je suis en train de réaliser. Je me suis acheté des poids que j'ai mis à mes chevilles. Genre littéralement pour sentir un poids physique. Non mais c'est hilarant. Donc je me traînais littéralement. Et donc mon père m'avait dit ouais on part au pas de mes rebelles jeune âge là. Donc c'est un espèce d'immense lac et on peut faire, on peut marcher autour et tout. Et mes parents s'étaient dit bah voilà on va faire un tour. Elle prendra ses rollers. Et donc j'avais mis mes poids au pied pour accentuer l'effort et tout. Que j'étais quand même dans un délire où il fallait que je perde le poids accumulé et tout. Enfin imaginez, imaginez genre une personne. avec un jogos XXXXL et un t-shirt XXXXL avec des énormes trous. Qui est profondément en dépression. Donc qui ne se lève plus depuis trois jours. Qui a les cheveux gras. J'ai les cheveux longs et gras. Enfin longs. Plus longs que maintenant. Donc au niveau de la nuque. Gras. Qui n'a pas dormi depuis des jours parce que je ne dormais pas non plus. Avec des poids aux chevilles et des rollers. Et vraiment où je... Putain, fou, j'aimerais mimer mes pieds. Ça faisait... Vroom, vroom. Ça c'était le rythme que j'avais sur le roller C'est à dire que c'était même pas un truc Vraiment je traînais mon pied, mon pied roulait Et je n'avais aucune force Donc j'étais complètement abattue Donc j'avais été tout douvoutée et tout Un vrai zombie Donc tout était supplice, marcher était un supplice, rouler était un supplice Tout était horrible À ce moment là de ma vie j'étais vraiment au bord du suicide Et là j'entends mon père qui fait Merci. Bonjour nanani nananani Et là je vois mes parents qui tapent leur meilleure discute avec des gens qu'ils ont reconnu des amis de la famille et à un moment donné j'ai vu mon père il s'était grave devant moi j'ai vu mon père se retourner me pointer du doigt et tout le monde qui me regardait et là je me suis dit mais qu'est ce qu'il doit voir une espèce de zombie par 35 degrés tout en mitoufler et du roller au ralenti Oh l'image devait être exceptionnelle Et je leur ai même pas dit bonjour, je les ai même pas approchés parce que je voulais voir personne, donc j'ai été vraiment odieuse. Mais c'était mon état, voilà, c'était le maximum de ce que je pouvais faire à ce moment-là. C'était terrible. Et puis mon avocate m'appelle et me dit qu'il faut que je rencontre la procureure au tribunal de Lyon pour faire une petite enquête. Enfin, petite enquête. Pour m'interroger, apparemment elle avait des questions, je sais pas comment ça s'appelle. Donc je me pointe, et là ça a été un des seuls moments que je me rappelle de mon état. dans tout ce marasme flou de noirceur. On est rentré dans le tribunal, j'étais très impressionnée, c'était la première fois que je voyais un tribunal. Le tribunal de Lyon il est grand, il est beau, enfin il est très moderne. Je rencontre mon avocate, elle m'amène dans le bureau de la procureure et donc là tout est vitrifié parce que c'était encore le Covid. Et là la dame me dit de but en blanc qu'elle a des questions à me poser et des questions qui ne me feront pas plaisir. Donc je me suis dit ah bon. mais qu'il fallait quand même que j'y réponde. Et donc elle m'explique qu'elle, elle cherche à comprendre la psychologie des victimes, qu'aujourd'hui, ils ont besoin de réponses sur des comportements qui se retrouvent chez toutes les victimes, et qu'elle va me poser des questions pas agréables, mais que c'est pour eux et elles leur permettre de comprendre un peu plus comment fonctionne une victime. Elle m'a fait ce petit discours-là, je me suis dit, ah tiens, marrant, ok, donc je vais faire du mieux que je peux. Elle a commencé à me re-raconter les faits qui se sont déroulés dans la colonie de vacances, et elle a repris tous les événements, toutes les agressions sexuelles. Notamment une, particulièrement, elle a beaucoup insisté sur celle-là. C'était un moment où j'étais... On avait fabriqué une tyrolienne, en fait, dans la maison de la colonie de vacances. Donc au premier étage, tous les enfants se mettaient sur la fenêtre et il y avait une tyrolienne qui avait été fabriquée qui descendait jusqu'en bas. Et donc il y avait des animateurs qui attendaient en bas pour récupérer les enfants. Et en haut, il y avait Nicolas, le directeur de la colonie de vacances, qui faisait partir les enfants. Et donc nous, on était à la Finlandienne. Et moi, il n'arrêtait pas de me dire, non, c'est pas... pas le moment pour toi, c'est pas le moment pour toi. Et en fait, je me rends compte au bout d'un moment que je vais être la dernière à passer. Et donc, à un moment, tous les enfants et tous les animateurs seront en bas et qu'on sera tout seul dans la maison à l'étage. Je le comprends très vite. Je suis complètement... Enfin, je cherche même pas à lutter, quoi. J'attends que ça se passe. Et puis, on arrive, le dernier enfant monte sur cette tyrolienne et descend. Et donc, je me retrouve effectivement toute seule avec Nicolas devant la fenêtre, puis dans cet étage. Et là, il m'attrape. Je sais plus bien comment. Je sais qu'il essayait de m'attraper et que je pars en courant. Je pars en courant dans l'étage et il me court après. Et déjà, le fait de courir m'avait demandé, je me rappelle, un effort suprême. Le fait de réactiver mon corps et de prendre mes jambes à mon cou, littéralement. Et chercher à gagner du temps parce que je me disais forcément qu'on est d'un moment, vu que tous les passages de la tyrolienne s'enchaînaient, il y a forcément quelqu'un qui va se dire « qu'est-ce qui se passe ? » et puis qui va monter. Donc je courais, mais je me souviens que je courais en rigolant. Je courais en rigolant. Et ça m'a longtemps perturbée de me dire, mais pourquoi t'es partie en fourrir à ce moment-là ? Et dans tous les moments que j'ai décrits à la procureure, aux policiers, à la police, il y a plein de moments où le comportement est hyper paradoxal. Je me disais, mais en fait, quand tu partais en courant, tu rigolais. Quand tu essayais de le repousser, tu rigolais. C'est tellement dur, tellement pour laisser exploser un état de peur, parce que moi, cet homme me faisait peur. Mais il me faisait peur, c'est pas la même peur que quelqu'un qui vous court dans la forêt avec un couteau. enfin je sais pas comment dire, c'était un homme que je voyais tous les jours et qu'il fallait... il y avait quand même un truc où je devais faire semblant que tout se passe bien tout le temps, je sais pas comment dire, je pouvais pas me permettre d'avoir véritablement peur et d'être triste, il fallait toujours que je fasse semblant, il fallait... et ça c'est hyper compliqué à expliquer et la procureure me pose la question mais pourquoi vous rigoliez à ce moment là ? Je disais bah parce que moi j'essayais de faire semblant de jouer en fait, j'essayais de... Elle me dit mais pourquoi faire semblant si vous étiez en train d'être agressé ? Et elle attendait une réponse très claire de pourquoi l'enfant de 12 ans que j'étais est parti en courant à fond de balle. Donc mon corps est parti en courant mais que je rigolais. Et j'étais incapable et tellement choquée qu'elle me pose la question. Mais qu'elle me pose la question au premier degré. C'est-à-dire que Elsa puisse lui dire c'est que t'en avais envie quoi. Et je me rappelle qu'il m'a rattrapée à un moment donné. Il m'a plaqué contre un mur. et à ce moment-là, moi, je le poussais toujours en... rigolant. C'est fou parce que tout mon corps indiquait non. Ma voix était en fourrir mais je pense parce que j'étais terrorisée, terrifiée, que je n'avais aucun moyen d'autre de réagir. Et effectivement, d'un moment mon plan a marché puisque quelqu'un est rentré à créer mon prénom. Et donc du coup là il s'est défait de moi comme si les amants dans le placard quoi qu'ils ne doivent pas se faire surprendre, c'était vraiment genre le truc de... Il se rhabille, enfin il ne s'était pas déshabillé mais... Je me rappelle le voir se rhabiller, se remettre les vêtements. Et je suis descendue et on m'a posé plein de questions. On m'a dit, ah, qu'est-ce qui s'est passé ? Pourquoi et tout ? Je bégayais, je bafouillais. Honnêtement, je ne sais plus du tout ce que je répondais. Et donc, la procureure me prend cette histoire, me la fait re-raconter dans tous les sens, plusieurs fois. Et là, elle me dit, écoutez, je ne comprends pas pourquoi vous n'avez pas dit non. Quoi ? Vous avez fui, mais vous avez ri. jusqu'à présent dans tout mon parcours, dans la confrontation, en la plainte, dans tout, même si je me suis sentie extrêmement seule, il y avait un endroit où je sentais quand même que j'avais raison de le faire et que j'étais une victime. Et là pour la première fois dans le parcours, je me suis sentie coupable. C'est à dire qu'elle me dit je comprends pas, vous avez 12 ans, vous êtes en mesure de parler, ne le prenez pas mal mais j'aimerais savoir pourquoi vous n'avez pas dit non. Et j'étais bouche bée. tellement c'était violent, je n'arrivais pas à répondre. En plus, il faut imaginer l'état psychologique dans lequel j'étais. Je le redis encore une fois, une vraie loque. Donc j'accusais le cou et je la regardais avec la bouche ouverte et j'étais en mode ben... J'ai juste pas réussi quoi, j'ai pas réussi. Elle me dit donc vous avez un adulte qui essaye de vous toucher et de vous embrasser en vous plaquant contre un mur et vous, vous le poussez en rigolant. Vous croyez que c'est suffisant ? J'étais bouche blée. C'était comme un couteau de... en plein coeur. Et après elle m'a répété, vous savez on essaye juste de comprendre mais ça m'a fait si mal et ça a réactivé instantanément toute la culpabilité que j'ai accumulée ces dernières années. C'était horrible tout le boulot que j'avais fait sur me reconnaître moi en tant que victime déjà de moi à moi ça s'est effacé en un claquement de doigts. Et j'avais même pas de colère j'avais même pas de force, j'avais même pas la présence d'esprit j'avais aucune... enfin C'est vraiment comme si elle parlait à un légume, quoi. J'avais aucun ressort, aucune énergie pour pouvoir dire quelque chose de cohérent. Et donc, je me sens un peu coupable auprès de toutes les victimes. Je ne sais pas si son prétexte de « on essaye de comprendre » est réel ou pas. Mais si elle a vraiment, à ce moment-là, avec moi, elle cherchait à comprendre, elle n'a pas dû bien comprendre, et je n'ai pas dû faire beaucoup avancer la cause des victimes. C'est pour ça que je fais ce podcast, finalement, aujourd'hui. C'est peut-être pour essayer de rétablir une forme de vérité, maintenant que je suis en mesure.

  • Speaker #1

    Et puis juste après, elle m'a posé la question fatidique de « est-ce que vous étiez amoureuse de cet homme ? » Et là, j'ai eu peur parce que je me suis dit « putain, c'est… » On est en train de me demander si potentiellement c'est moins grave que prévu, si potentiellement j'ai ma responsabilité. Je me disais, putain, la meuf en face de moi, qui mène l'enquête et qui va juger ce truc, me demande si je ne suis pas, au fond, si l'enfant de 12 ans que j'étais n'était pas un petit peu amoureuse de cet homme. Et donc, potentiellement, ces actes étaient amoindris et ou justifiés. Il faut savoir aussi qu'on m'a demandé des photos de moi à 12 ans pour le procès. Je n'ai pas trop compris pour moi. pourquoi je les ai fournies. Et mon avocate m'a expliqué que c'était pour évaluer le degré de pédophilie de cet homme, pour savoir si j'étais déjà formée, si je ressemblais déjà, si j'étais déjà une ado, si j'étais une adulte, si j'avais, par exemple, de la poitrine, ce qui pouvait expliquer son attirance physique. Et sur le coup, je m'étais dit, mais c'est une folie de se dire, oh, elle avait les seins qui poussaient, alors c'est qu'il n'est pas trop pédophile, en fait. C'était quand même déjà une femme. Du coup, elle est excitante. Déjà, c'est sexualisant et c'est... horrible, on est très très mal parti. Et donc la femme n'est juste qu'un objet de désir, premièrement. Et deuxièmement, déjà à 12 ans, je n'étais absolument pas formée et si ça avait été le cas, ça n'aurait pas eu son poids dans la balance. Et quand je revois des photos de moi à 12 ans, on voit un enfant, et même si on avait vu une femme de 48 ans, putain, il n'avait pas le droit. Donc elle me posait des questions et aussi en me posant la question de, est-ce que vous étiez amoureuse de lui ? Ça pose aussi la question de, est-ce que vous l'avez séduit ? Est-ce que vous avez cherché ça ? Et je crois vraiment que ce n'est pas une question à poser à... quelqu'un qui a été victime d'agression sexuelle. Parce que que la réponse soit oui ou soit non, si la personne porte plainte, fait un procès, c'est qu'elle sait qu'elle a été agressée. Donc, il n'y a pas à demander s'il y avait de l'amour, en fait. Les viols conjugaux, ça existe. Et pourtant, la femme aime son mari. Et en fait, c'est juste que le consentement et l'amour, mais il y a un gap déjà de ouf. On ne peut pas mélanger ça. On ne peut pas. Et en plus, j'avais 12 ans. Et lui, 27. Donc c'est une folie de penser qu'à 12 ans, on est capable... d'être amoureuse, d'avoir du désir, de vouloir une sexualité. C'est une folie. J'en ai longtemps parlé à mon psy parce que cette question-là, elle m'a traumatisée. Je lui disais, est-ce que c'est moi qui ai fait ça ? Est-ce que c'est moi qui ai lancé ça ? Il me disait, non, à 12 ans, le cerveau n'est pas formé pour rentrer dans des schémas comme ça de séduction, etc. C'est prouvé par la médecine et la psychologie que ça n'est pas possible. Pour revenir à cette question de l'amour, quand elle m'a posé cette question, dans ma tête, je n'ai pas eu le choix. Je me suis dit, si tu ne réponds pas non, que tu n'étais pas amoureuse de cet homme, c'est terminé. Il n'y a plus de procès, il n'y a plus rien. Donc j'ai répondu non, je ne suis pas amoureuse. Mais la vérité, je ne peux pas dire que j'étais amoureuse de lui. J'étais une petite fille de 12 ans qui était absolument fan de son moniteur. Je le trouvais trop beau, je le trouvais trop stylé, je le trouvais trop drôle. Il m'a accordé de l'attention au début. Il disait que j'étais sa chouchoute. Donc j'avais un statut privilégié, il me donnait confiance en moi, j'avais un peu d'estime de moi. Et oui, j'étais un peu en... Comment on peut dire ? Un petit crush comme on a quand on est petit. Mais ça ne justifie en rien et ça ne m'a jamais donné envie qu'il fasse ce qu'il a fait. Je veux dire, à partir du moment où il a posé sa main sur moi, c'était déjà terminé. Je ne savais même pas ce que c'était. Une main sur mon corps. Il m'a privée de... Pour moi, il m'a privée de toute sensation de liberté dans... et d'épanouissement dans une sexualité aujourd'hui, ou en tout cas, va falloir que je reconstruise. Je sais qu'à ce moment-là, j'ai eu la sensation d'avoir menti. Et je regrette. Et en même temps, je n'étais pas en mesure d'avoir ce discours-là. Je n'étais pas en mesure de leur dire, vous êtes une malade. Enfin, j'ai envie de lui dire, vous êtes une malade. Mais de lui dire, ce n'est pas que j'étais amoureuse, c'est que oui, j'avais un crush, je le trouvais incroyable. et de faire le distinguo et d'expliquer que c'est absolument pas valable, ni une justification, ni rien, et que ce n'est pas moi qui ai provoqué, et que je n'ai jamais été séduisante. Et que c'est normal, en fait, que les petites filles aient des crushs sur des adultes, et que c'est à l'adulte, en fait, de gérer ça. Et que c'est normal aussi que les petits garçons aient des crushs sur des adultes femmes et hommes.

  • Speaker #0

    Enfin, je veux dire, là, je prends un schéma hétérosexuel,

  • Speaker #1

    mais c'est valable dans toutes les sexualités possibles.

  • Speaker #0

    Elle m'a dit,

  • Speaker #1

    vous aviez 12 ans, vous étiez en mesure de dire... de vous exprimer dans un français convenable et correct, vous auriez pu dire non. Ce qu'elle ne sait pas,

  • Speaker #0

    c'est qu'aujourd'hui,

  • Speaker #1

    je suis largement majeure. J'ai toujours autant de difficultés à dire stop ou non quand je suis dans une situation intime. Et que parfois même, je dis oui alors que je pense non.

  • Speaker #0

    Je comprends qu'elle se pose des questions.

  • Speaker #1

    Je comprends.

  • Speaker #0

    Ce que je ne comprends pas, c'est pourquoi ça a été à moi de donner une réponse à elle sur des questionnements qu'elle présente comme des questionnements généraux. Je rappelle que ce n'est pas une interprétation de ma part que de dire qu'elle me posait des questions pour comprendre les victimes. Elle me l'a dit. Elle ne m'a pas dit « je voudrais élucider votre mystère, à vous votre cas personnel » . Elle a dit « je cherche à comprendre pourquoi vous, vous n'avez pas été en mesure de dire non, mais aussi pourquoi c'est quelque chose qui est récurrent chez les victimes » . Et je me dis « c'est fou, parce qu'il y a un milliard de bouquins qui sont écrits là-dessus, avec des gens qui donnent des réponses quand ils peuvent en donner » . dans un temps qui leur est propre, c'est-à-dire au moment où ils écrivent le livre, ils peuvent l'écrire, au moment où ils font un film, ils peuvent le faire,

  • Speaker #1

    ils ont un avis là-dessus.

  • Speaker #0

    Alors renseigne-toi. Moi, c'est impossible de répondre à ça à ce moment-là. Je ne suis même pas capable de me le pardonner à moi-même. Comment tu crois que je vais donner une réponse qui sera satisfaisante ? C'est fou, j'imagine un univers où vraiment à 10 ans je suis capable d'être posée face à un adulte qui m'agresse et qui dit « Non, je n'ai pas envie de ça ! » C'est une folie, excusez-moi, c'est une folie. Parce que, premier degré,

  • Speaker #1

    ça me met très en colère.

  • Speaker #0

    Il y a des polarités dans notre univers, certes,

  • Speaker #1

    mais il y a des choses bien plus complexes que ça.

  • Speaker #0

    Et notamment la relation entre une victime et un agresseur, ou une agresseuse. Parfois, elle est très claire et parfois, elle est complexe et obscure et incompréhensible pour des gens. Il existe le syndrome de Stockholm. que tout le monde connaît. Ça existe. On le sait qu'il peut se passer des choses comme ça, un petit peu paradoxales. Et moi, cet homme, ce moniteur, je l'aimais énormément. Et je ne comprenais pas ce qu'il faisait. Je n'aimais pas ce qu'il faisait. Mais je l'aimais bien. Et puis, il me faisait de la peine. Et puis, il m'avait dit de ne pas le dire. Et puis, il m'avait dit que ce n'était pas de sa faute, qu'il ne faisait pas exprès. Et c'est de la manipulation. Mais un enfant, il croit ça. Quand un adulte lui dit, écoute je te fais ça mais faut pas le dire, je te fais ça mais je fais pas exprès, mais tu sais moi je te fais ça mais je subis aussi. Et du coup rire, courir c'était ma seule option. Et rire c'était une manière de le protéger, de pas lui faire peur à lui, malgré toute la terreur qu'il me provoquait. Et c'est super triste en fait, c'est comme ça. Je crois pas que ça a été à aucun moment une forme d'autorisation. C'est pas que je crois pas, c'est que je le sais. Et qu'on puisse confondre ça... Après cette question-là, j'ai plus rien entendu. Je me rappelle pas ce qui s'est passé. Je me rappelle juste qu'il y a une dame qui m'a dit que j'avais pas été foutue de dire non et que j'étais assez grande pour le faire et que j'aurais dû. Et que mon comportement prêtait à confusion. C'est une dinguerie. C'est une dinguerie. Et je suis sortie de ce rendez-vous avec un mal-être encore plus grand que quand j'étais rentrée. C'est là que j'ai commencé à penser suicide. En l'occurrence, là, j'étais très, très suicidaire. J'avais très, très envie. J'habitais au 8e... J'habite, enfin, mes parents habitent au 8e étage. Et tous les jours, je pensais à sauter de la fenêtre. Et donc, ce qui me retenait, c'est que je me forçais à imaginer la chute. Je me forçais à tout visualiser. C'est-à-dire, je passe au-dessus du balcon, je saute. Et j'imagine la chute. Et je me disais... Et en fait, la seule chose qui m'arrêtait dans mon geste, c'était l'impact au sol. Je trouvais ça tellement violent, je trouvais ça tellement horrible comme mort que ça me retenait toujours un petit peu plus. Et puis aussi parce qu'on était l'été, enfin on approchait de l'été et qu'il y avait des anniversaires qui arrivaient, notamment celui de mon père et celui de mon neveu. Et que je me disais que je ne pouvais pas me permettre de me suicider sur ce moment-là. ma sœur m'en voudrait toute ma vie si je faisais une connerie aux alentours de l'anniversaire de son fils. Et pareil pour mon père. Je me disais que c'était vraiment dégueulasse, que je ne pouvais pas leur faire ça. Donc je m'accrochais à ces idées-là en me disant « Allez, on tient un peu plus, on tient un peu plus. » Et c'était vraiment du « au jour le jour » . C'était vraiment « Allez, aujourd'hui, je ne meurs pas » . Tous les matins, c'était « Aujourd'hui, je ne meurs pas » . Et ça a duré longtemps. Et tout l'été. Et en août, je devais reprendre le boulot. Mais à l'époque je travaillais dans plusieurs spectacles de théâtre. Et il a fallu revenir au boulot, apprendre des textes et pas sombrer quoi. Et à la fois le boulot ça m'a aidée, donc j'avais des tâches concrètes de tu apprends un texte, tu es en répétition, tu joues. Et en même temps, j'ai pas réussi à apprendre de plaisir à ce moment-là. Mais le fait est que ça m'a énormément occupé l'esprit en attendant mon procès. Car une fois que l'enquête de la procureur était finie, c'est-à-dire l'été 2020, je n'avais plus qu'à attendre le procès qui était censé arriver vite. Du coup, la dernière fois que j'ai vu la procureure, c'était l'été 2020. J'ai repris le travail fin août 2020. J'ai travaillé septembre, octobre, novembre, décembre. Et janvier 2021 a eu lieu le procès. Donc j'étais soulagée, mais il faut imaginer que je suis rentrée dans un cercle d'attente. C'est-à-dire que là, j'avais une date, j'ai attendu chaque jour qui avait passé de cet automne et de cet hiver. C'était un jour de plus pour arriver au procès. Je ne sais même plus ce que j'ai fait. Je sais que j'ai bossé, mais... Ou quand, comment, je sais plus, tout se mélange. Tout se mélange. Ouais. Ce qui était fou, dans ce moment d'attente, je me disais que j'avais eu le temps. Et en fait, c'est à la fois aller très lentement et à la fois très vite. Et quand je suis arrivée au procès, j'étais pas prête. Et alors, petite chose, Paul Dingo, c'est que quand on fait un procès, on est obligé de passer par un... On a un rendez-vous avec un psy. certifié par l'État pour que cette personne puisse faire un bilan de l'état psychologique de l'agresseur et de la victime, notamment pour savoir les préjudices moraux qu'a subi la victime, c'est-à-dire depuis l'agression, qu'est-ce que ça a changé dans ma vie. C'est pour pouvoir, au moment où il faut rendre un verdict et notamment savoir combien de temps il va être puni, on a besoin de savoir quel préjudice il a causé à la victime. pour pouvoir évaluer une peine de prison. ou un dédommagement financier, par exemple. Et donc, je me rappelle, j'ai ce petit rendez-vous avec cette psy. Donc moi, je voyais trois thérapeutes en même temps, une naturopathe, une psychologue et un psychiatre. Je suis obligée de faire les trois, parce que sinon, le psychiatre me fait aider mes docs, la psychologue, on essayait de faire une thérapie, et la naturopathe, elle me faisait des massages de pieds. Non, ça peut être un peu réducteur dit comme ça, mais je crois que c'était elle qui me faisait le plus de bien, en vrai. C'était la seule personne qui avait un contact physique avec mon corps et elle appuyait sur des points précis sur ma voûte plantaire, ça me faisait un bien fou. Et donc ces rendez-vous-là avec les psys se font en vidéo et je ne m'attendais à rien. Et donc je vois cette dame, elle prend mon dossier, elle commence à lire et elle commence à me poser des questions, et ça c'est très étrange. Elle commence à me poser des questions sur ma vie depuis mes 12 ans et des questions très précises sur ma sexualité, sur mon rapport aux hommes. sur mon rapport aux autres, sur... Mais elle pose des questions très précises. J'ai connu de la violence physique, si j'ai eu des maladies mentales, si j'ai des problèmes, je sais pas moi par exemple, avec la nourriture, de dépression, tout ça, tout ça. Et puis moi, je répondais assez banalement et je me suis rendue compte que d'un coup, on faisait un bilan, mes 12 ans, sur les 15 dernières années et que c'était, mais, atroce. J'étais en train de me rendre compte, autant présente devant cette dame, que tout Toutes mes relations, mais toutes mes relations ont été façonnées par les agressions de Nicolas. Mais toutes, mais sous plein d'aspects différents. Ma façon de communiquer, c'est pour ça que j'ai parlé dans l'épisode 1 de la communication d'une vicose, la façon de me tenir debout au monde, ma façon de respirer, ma façon de ne pas respirer, ma façon de dissocier, ma façon de... de laisser faire, ma façon de ne jamais dire non, ma façon d'accepter la violence comme étant quelque chose de normal, la violence physique et psychologique, de moi-même la reproduire. Mais c'était tellement vertigineux, je réalisais au fur et à mesure que je parlais que je n'avais pas d'identité propre, moi, qui existe sans l'agression. Je n'ai pas de version de moi en relation où il n'y a pas l'agression qui a teinté quelque chose. J'ai trouvé ça d'une violence, ça m'a mis absolument hors de moi, je me suis effondrée. Je me rappelle, je secouais mon écran, mais je collais ma gueule contre la caméra en disant à la psy « Mais est-ce que c'est possible de s'en sortir ? » Et elle me disait « Oui, je pense que vous êtes à la fin du chemin. » Je l'avais suppliée de devenir la psy, elle m'avait dit qu'elle n'avait pas le droit. Mais c'était insupportable et ça me hante encore. Et ce que moi, en tout cas ce sur quoi je travaille aujourd'hui, c'est d'être une personne à part entière, sans être teintée de tout ça. Et c'est très dur parce qu'il faut tout reconstruire. Et j'ai l'impression d'être un bébé cadome. Du coup, il faut que je recommence tout. C'est trop bizarre. Tout me semble hyper difficile. Même les moindres contacts physiques, ça me paraît. Comment, comment, où se situe le consentement chez moi ? J'en sais rien. Vu que j'ai toujours fermé les yeux. Et je l'ai toujours... En fait, je n'ai jamais... Je ne me suis jamais posé la question. Vu que j'étais construite sans ça. Donc maintenant, ça me fait extrêmement peur. Et ça me fait chier. Même parfois, je suis en colère. Des fois, je regrette la version ancienne de moi qui était un robot parce qu'il était rodé et que je savais quoi faire, comment faire. Et maintenant, ça me fait tellement peur d'aller visiter mes envies. Je ne parle pas du tout que sexuel, mais juste qui suis-je, qu'est-ce que moi j'aime faire, comment j'aime le faire. Tout ça, je ne suis jamais l'explorer. Ça a toujours été plus facile pour moi qu'on me dise quoi faire et qu'on m'impose les choses. Et je suis un parfait petit artisan. Mais d'un coup, je me suis dit putain, j'ai mon identité propre. Et c'est vertigineux et ça me fout les boules. et en plus ça me fout les boules de le découvrir tard c'est des trucs qu'on découvre quand on est ado ça donc à la fois je suis dans un moment de me dire ah c'est super, je vais reconstruire et en même temps je peux pas m'empêcher d'avoir ce truc de mais c'est trop tard, ça me saoule c'est trop tard, j'aurais dû le faire avant c'est très ambivalent, c'est très paradoxal et je suis toujours pas sortie de cette boucle là même si je dois dire que je me dirige vers quand même la voie de la découverte et de l'épanouissement et ça c'est cool Voilà mes petits choux, merci de m'avoir écouté. On se revoit très vite pour le procès, il arrive, je sors l'épisode bien plus rapidement que l'épisode 7, c'est promis. Je vous embrasse fort, prenez soin de vous, toujours les numéros dans la barre d'infos comme d'hab. Merci de m'écouter, je vous fais plein de gros bisous, ciao ! Et buvez de l'eau, je vous en supplie.

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