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La Rus' de Kiev est-elle l'ancêtre de la Russie ?

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12min |01/06/2025|

92

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Description

L’ancienne Rus' de Kiev médiévale est-elle l'ancêtre de la Russie ? Derrière cette question, un enjeu important : la récupération et la déformation actuelles de l’histoire.

Sources : 

→ Iaroslav Lebedynsky, Ukraine : une histoire en questions, l’Harmattan, 2019
→ L’Histoire Magazine, N° 504, Dossier spécial Ukraine : questions d’histoire sur le retour de la guerre en Europe, février 2023
→ Alexandra Goujon, L’Ukraine, de l’indépendance à la guerre, Le cavalier bleu, 2021 : https://www.cairn.info/l-ukraine--9791031804798.htm

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Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour à toutes et à tous. En Russie, les manuels scolaires présentent le pays comme l'héritier direct de ce qu'on appelle la Russe de Kiev. Alors, la Russe de Kiev, ça a été un ensemble territorial qui existait du IXe siècle au XIIIe siècle et qui regroupait une partie de ce qui est maintenant l'Ukraine et la Russie. Russe, Russie, bon a priori, comme le royaume des Francs devenu la France, cette filiation paraît logique. Seulement, quand on sait que cet héritage revendiqué sert de prétexte et l'a toujours servi côté russe pour refuser l'indépendance de l'Ukraine et pour nier même son existence en tant que nation, là, on voit qu'il y a de quoi douter et que la question n'est pas si simple. Donc, on va se poser la question. La Russie, héritière de la rousse de Kiev, vrai ou faux ? Réalité historique ou mensonge ? Et si mensonge, pourquoi ? Avant qu'on commence, pensez à vous abonner au podcast pour être sûr de ne rien rater des prochains épisodes et d'en profiter à fond. Allez, on démarre ! Alors déjà, c'était quoi la rousse de Kiev ? Elle a été créée dans le contexte de la conquête viking. J'en profite pour faire un bref rappel de ce que la conquête viking a été. Les vikings étaient des scandinaves qui sont partis mener à partir du 8e siècle des missions d'exploration et de conquête. Les danois vont attaquer et envahir l'Angleterre, le royaume des francs, l'Irlande et aller jusqu'en Sicile. Les norvégiens eux vont explorer et coloniser l'Islande puis le Groenland. Il se peut même qu'ils soient allés jusqu'en Amérique du Nord. Les Suédois, eux, choisissent la route du Sud. Ils traversent la Baltique et à partir de là, ils partent chercher une route pour faire du commerce avec Constantinople. Et les territoires qu'ils traversent, les Suédois, ces territoires sont habités par des peuples slaves indépendants organisés en principauté. Et ces peuples slaves, ils vont appeler les explorateurs suédois les Roussons. Un nom qui vient peut-être d'un mot suédois qui veut dire « les rameurs » . référence au bateau dont se servaient les Suédois pour descendre les fleuves et les rivières, mais peut-être aussi que le nom de Russe était le terme par lequel se désignaient eux-mêmes certains peuples slaves. Là-dessus, entre les historiens, les avis sont partagés, on n'est sûr de rien. Par contre, ce qui est sûr, c'est que les explorateurs suédois ne vont pas se comporter qu'en explorateurs, justement. Ils jouent vite aux conquérants. Ils prennent progressivement le contrôle de plusieurs principautés slaves. dont celle de Kiev qui passe en 882 sous le contrôle du prince Oleg. Oleg va réunir Kiev et Novgorod pour former un ensemble territorial qui va s'appeler la Russe de Kiev, parce que Kiev en est le centre politique. Sachant que Novgorod se situe entre ce qui est maintenant Pétersbourg et Moscou, on voit que la Russe de Kiev était un ensemble territorial de grande taille, qui au fil des décennies des siècles suivants va encore continuer à s'agrandir, à gagner en puissance, en influence. L'année 988 va être une date importante car c'est cette année-là que le prince Vladimir de Kiev se convertit au christianisme. Pour être plus précis, à celui du rite byzantin, qui plus tard deviendra le christianisme orthodoxe. Vladimir de Kiev va même se marier avec la sœur de l'empereur de Constantinople, histoire de bien montrer son intégration au monde chrétien. Et cette intégration au monde chrétien renforce encore la puissance et l'influence des princes de Kiev. En 1051, le roi des Francs Henri Ier se marie même avec une princesse de la Russe, Anne de Kiev. Si on prend la définition de l'Europe au sens large, la Russe de Kiev en est alors un des plus grands ensembles territoriaux. Son territoire va de la Baltique à la mer Noire, des Carpathes à la Volga. Mais attention, j'ai bien dit que la Russe de Kiev était un ensemble territorial, pas du tout un état au sens où on l'entend maintenant, d'ensemble politique, uni et centralisé. Attention à ne pas avoir de vision anachronique des choses, je rappelle qu'on est dans l'Europe du Moyen-Âge. La Russe de Kiev est un ensemble de principautés autonomes qui ont chacune leur identité. La Russe, c'est aussi un espace multiculturel qui regroupe des peuples de langue slave, mais aussi balte, finnoise et russe. et même turques. Un centre territorial puissant, influent, mais qui a quand même une faiblesse. Des règles de succession qui, chez les rurikides, sont compliquées. Les rurikides, c'est le nom de la famille des princes de Kiev. Il y a entre eux de plus en plus de conflits pour le pouvoir. Du coup, leur autorité sur la rousse s'affaiblit. Les principautés qui forment la rousse prennent de plus en plus d'autonomie, pour ne pas dire d'indépendance. Progressivement, la rousse se délite. se disloque. En 1169, Kiev est même prise et pillée par le prince de Sousdal, qui fait pourtant partie de la Russe, donc qui, en théorie, est soumise à l'autorité de Kiev. La conquête mongole en 1240 donne le dernier coup de grâce. Les mongols envahissent la plus grande partie des principautés qui forment la Russe, dont Kiev et sa région. Mais pas toutes les principautés. Certains échappent à la conquête mongole, dont la principauté de Moscou. Principauté de Moscou qui, dans les décennies et les siècles qui vont suivre, va grandir en taille, en puissance, en influence. Et à partir du 15ème siècle, les princes de Moscou vont commencer à revendiquer l'héritage unique et exclusif de la rousse de Kiev. Plus le temps va passer, et plus les souverains de Moscou vont revendiquer pour leur compte l'héritage de la rousse de Kiev, jusqu'à ce que leur pays prenne le nom officiel de Russie, non héritée de la rousse, en 1721. Nom qui a gardé jusqu'à maintenant. Voilà ce que la rousse de Kiev a été, et voilà comment... la Russie a été amenée à s'en déclarer l'héritière. Alors c'est vrai que comme la région de Moscou a fait partie de la Rousse de Kiev, oui, il est vrai que la Russie est héritière de l'ancienne Rousse de Kiev. Elle en est issue indirectement, comme d'autres États. Je rappelle que le territoire de la Rousse de Kiev regroupait ce qui est maintenant une partie de la Russie, une partie de l'Ukraine, une partie de la Roumanie, une partie de la Pologne, une partie des États baltes, la Biélorussie, Donc, dans cette logique, chacun de ces États cités aurait autant de légitimité que la Russie à se déclarer l'héritier de la Russe de Kiev. Bien sûr, on pourrait me répondre, il y a quand même la continuité dans le nom. La Russe devenue la Russie, c'est un peu comme le Royaume des Francs devenu la France. Alors même cette continuité dans le nom, on peut la contester parce que, quand la Russie a pris son nom officiel de Russie au XVIIIe siècle, Ce nom était issu du nom de l'ancienne Russe, mais sous une forme littéraire empruntée aux grecs de l'empire byzantin, donc une forme réécrite, réinterprétée, modifiée. Mais avant que la Russie s'appelle la Russie, au Moyen-Âge, il existait déjà un terme pour désigner les peuples slaves orientaux entre la Pologne et la Russie, et la Russie actuelle. Ce nom, c'est les Rutens. Donc, la Russe de Kiev... on ferait mieux de l'appeler la Ruténie de Kiev. Pour des raisons historiques, culturelles, c'est beaucoup plus juste. Ça permet de mieux saisir, d'appréhender les énormes changements qu'il y a pu y avoir au niveau culturel, sociétal, territorial, entre l'ancienne Russe de Kiev et la Russie. Tout comme le royaume des Francs de l'an 1000 était très différent de la France même du XVIe siècle. On peut aussi faire une comparaison avec l'Angleterre qui tire. Son nom et sa langue des Angles, un peuple germanique, arrive au 5e siècle et pourtant les Anglais ne sont pas des Allemands. De même, la région Bourgogne tire son nom des Burgondes, autre peuple germanique, arrivé au 5e siècle. Et pour autant, les Bourguignons non plus ne sont pas des Allemands. Et là j'ai pris des exemples pour lesquels on a une continuité, même s'il y a une grande évolution, dans les noms des peuples, des territoires. Mais il n'y a même pas de continuité entre la Russie et la Russie. Après la conquête mongole de 1240, le nom de la Russe de Kiev a disparu. La principauté de Moscou n'a pas revendiqué pour son compte unique l'héritage de la Russe de Kiev. La principauté de Moscou a continué pendant très longtemps à s'appeler principauté de Moscou. Il a fallu attendre plus de deux siècles pour que les princes de Moscou se réveillent. pour qu'ils commencent à se rappeler qu'ils étaient les héritiers uniques et exclusifs de la Russe de Kiev. C'est Ivan III au XVe siècle qui était le premier à se déclarer souverain de toutes les Russies, une façon de faire référence à l'héritage de l'ancienne Russe, enfin, Ruténie. Qu'est-ce qui a fait que Ivan III est revenu à la mémoire ? Alors il faut savoir qu'en 1472, Ivan III s'était marié avec la nièce du dernier empereur de Constantinople. De là, Moscou a récupéré comme emblème l'aigle à deux têtes de l'Empire Byzantin. D'où rapidement la prétention, l'impression même chez les princes de Moscou d'être les héritiers de l'Empire Byzantin et donc indirectement de l'Empire Romain. Ça explique le titre de Tsar, dérivé de César, qui sera pris à partir du XVIe siècle par Ivan IV d'Île Terrible. Et ce sont ces prétentions impériales qui ont amené les tsars de Moscou à se déclarer héritiers de la Ruthénie de Kiev. Car en même temps qu'on se donne une image impériale grandiose, glorieuse, On cherche aussi à se donner des origines qui remontent le plus loin possible dans le temps, à se rattacher à l'héritage d'un centre territorial à la fois influent et puissant, donc la rue Téni de Kiev. Un héritage complètement artificiel, imaginé et construit a posteriori. Ceci en partie, en grande partie aussi, pour justifier les ambitions de conquête territoriale des tsars de Moscou. pour leur donner une légitimité. Et ça n'a jamais disparu des mentalités russes, puis soviétiques, puis à nouveau russes. En 2014, quand il parlait de la Russie et de l'Ukraine, le président russe Poutine déclarait, je cite, « Nous ne sommes pas simplement des voisins proches, nous sommes un même peuple. La rousse de Kiev ancienne est notre source commune et nous ne pouvons pas vivre l'un sans l'autre. » Sous-entendu, c'est l'Ukraine qui ne peut pas vivre sans la Russie. Voilà un bel exemple de déformation et de récupération historique. Heureusement maintenant que les historiens commencent à en prendre conscience. Heureusement qu'ils prennent leur distance de plus en plus avec l'histoire étatique officielle russe. Heureusement que, en même temps, les historiens redécouvrent l'histoire d'autres pays comme l'Ukraine. Histoire de l'Ukraine dont je vous reparlerai dans le prochain épisode. En attendant, j'espère que l'épisode d'aujourd'hui vous a pris quelque chose, qu'il vous a plu. Si c'est le cas, partagez-le à vos amis, à vos connaissances. Likez-le, notez-le, commentez-le. Faites-moi savoir ce que vous en avez pensé, faites-moi connaître vos remarques, vos suggestions. Pour ça, vous pouvez me contacter par mail. Si mon travail vous a plu, vous pouvez aussi me laisser un pourboire sur Tipeee. Pour ça, les liens sont dans la description. Et bien sûr, abonnez-vous au podcast pour être sûr de ne rien rater des prochains épisodes et d'en profiter à fond. Je vous dis à très bientôt. Ciao !

Chapters

  • Introduction

    00:00

Description

L’ancienne Rus' de Kiev médiévale est-elle l'ancêtre de la Russie ? Derrière cette question, un enjeu important : la récupération et la déformation actuelles de l’histoire.

Sources : 

→ Iaroslav Lebedynsky, Ukraine : une histoire en questions, l’Harmattan, 2019
→ L’Histoire Magazine, N° 504, Dossier spécial Ukraine : questions d’histoire sur le retour de la guerre en Europe, février 2023
→ Alexandra Goujon, L’Ukraine, de l’indépendance à la guerre, Le cavalier bleu, 2021 : https://www.cairn.info/l-ukraine--9791031804798.htm

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  • Speaker #0

    Bonjour à toutes et à tous. En Russie, les manuels scolaires présentent le pays comme l'héritier direct de ce qu'on appelle la Russe de Kiev. Alors, la Russe de Kiev, ça a été un ensemble territorial qui existait du IXe siècle au XIIIe siècle et qui regroupait une partie de ce qui est maintenant l'Ukraine et la Russie. Russe, Russie, bon a priori, comme le royaume des Francs devenu la France, cette filiation paraît logique. Seulement, quand on sait que cet héritage revendiqué sert de prétexte et l'a toujours servi côté russe pour refuser l'indépendance de l'Ukraine et pour nier même son existence en tant que nation, là, on voit qu'il y a de quoi douter et que la question n'est pas si simple. Donc, on va se poser la question. La Russie, héritière de la rousse de Kiev, vrai ou faux ? Réalité historique ou mensonge ? Et si mensonge, pourquoi ? Avant qu'on commence, pensez à vous abonner au podcast pour être sûr de ne rien rater des prochains épisodes et d'en profiter à fond. Allez, on démarre ! Alors déjà, c'était quoi la rousse de Kiev ? Elle a été créée dans le contexte de la conquête viking. J'en profite pour faire un bref rappel de ce que la conquête viking a été. Les vikings étaient des scandinaves qui sont partis mener à partir du 8e siècle des missions d'exploration et de conquête. Les danois vont attaquer et envahir l'Angleterre, le royaume des francs, l'Irlande et aller jusqu'en Sicile. Les norvégiens eux vont explorer et coloniser l'Islande puis le Groenland. Il se peut même qu'ils soient allés jusqu'en Amérique du Nord. Les Suédois, eux, choisissent la route du Sud. Ils traversent la Baltique et à partir de là, ils partent chercher une route pour faire du commerce avec Constantinople. Et les territoires qu'ils traversent, les Suédois, ces territoires sont habités par des peuples slaves indépendants organisés en principauté. Et ces peuples slaves, ils vont appeler les explorateurs suédois les Roussons. Un nom qui vient peut-être d'un mot suédois qui veut dire « les rameurs » . référence au bateau dont se servaient les Suédois pour descendre les fleuves et les rivières, mais peut-être aussi que le nom de Russe était le terme par lequel se désignaient eux-mêmes certains peuples slaves. Là-dessus, entre les historiens, les avis sont partagés, on n'est sûr de rien. Par contre, ce qui est sûr, c'est que les explorateurs suédois ne vont pas se comporter qu'en explorateurs, justement. Ils jouent vite aux conquérants. Ils prennent progressivement le contrôle de plusieurs principautés slaves. dont celle de Kiev qui passe en 882 sous le contrôle du prince Oleg. Oleg va réunir Kiev et Novgorod pour former un ensemble territorial qui va s'appeler la Russe de Kiev, parce que Kiev en est le centre politique. Sachant que Novgorod se situe entre ce qui est maintenant Pétersbourg et Moscou, on voit que la Russe de Kiev était un ensemble territorial de grande taille, qui au fil des décennies des siècles suivants va encore continuer à s'agrandir, à gagner en puissance, en influence. L'année 988 va être une date importante car c'est cette année-là que le prince Vladimir de Kiev se convertit au christianisme. Pour être plus précis, à celui du rite byzantin, qui plus tard deviendra le christianisme orthodoxe. Vladimir de Kiev va même se marier avec la sœur de l'empereur de Constantinople, histoire de bien montrer son intégration au monde chrétien. Et cette intégration au monde chrétien renforce encore la puissance et l'influence des princes de Kiev. En 1051, le roi des Francs Henri Ier se marie même avec une princesse de la Russe, Anne de Kiev. Si on prend la définition de l'Europe au sens large, la Russe de Kiev en est alors un des plus grands ensembles territoriaux. Son territoire va de la Baltique à la mer Noire, des Carpathes à la Volga. Mais attention, j'ai bien dit que la Russe de Kiev était un ensemble territorial, pas du tout un état au sens où on l'entend maintenant, d'ensemble politique, uni et centralisé. Attention à ne pas avoir de vision anachronique des choses, je rappelle qu'on est dans l'Europe du Moyen-Âge. La Russe de Kiev est un ensemble de principautés autonomes qui ont chacune leur identité. La Russe, c'est aussi un espace multiculturel qui regroupe des peuples de langue slave, mais aussi balte, finnoise et russe. et même turques. Un centre territorial puissant, influent, mais qui a quand même une faiblesse. Des règles de succession qui, chez les rurikides, sont compliquées. Les rurikides, c'est le nom de la famille des princes de Kiev. Il y a entre eux de plus en plus de conflits pour le pouvoir. Du coup, leur autorité sur la rousse s'affaiblit. Les principautés qui forment la rousse prennent de plus en plus d'autonomie, pour ne pas dire d'indépendance. Progressivement, la rousse se délite. se disloque. En 1169, Kiev est même prise et pillée par le prince de Sousdal, qui fait pourtant partie de la Russe, donc qui, en théorie, est soumise à l'autorité de Kiev. La conquête mongole en 1240 donne le dernier coup de grâce. Les mongols envahissent la plus grande partie des principautés qui forment la Russe, dont Kiev et sa région. Mais pas toutes les principautés. Certains échappent à la conquête mongole, dont la principauté de Moscou. Principauté de Moscou qui, dans les décennies et les siècles qui vont suivre, va grandir en taille, en puissance, en influence. Et à partir du 15ème siècle, les princes de Moscou vont commencer à revendiquer l'héritage unique et exclusif de la rousse de Kiev. Plus le temps va passer, et plus les souverains de Moscou vont revendiquer pour leur compte l'héritage de la rousse de Kiev, jusqu'à ce que leur pays prenne le nom officiel de Russie, non héritée de la rousse, en 1721. Nom qui a gardé jusqu'à maintenant. Voilà ce que la rousse de Kiev a été, et voilà comment... la Russie a été amenée à s'en déclarer l'héritière. Alors c'est vrai que comme la région de Moscou a fait partie de la Rousse de Kiev, oui, il est vrai que la Russie est héritière de l'ancienne Rousse de Kiev. Elle en est issue indirectement, comme d'autres États. Je rappelle que le territoire de la Rousse de Kiev regroupait ce qui est maintenant une partie de la Russie, une partie de l'Ukraine, une partie de la Roumanie, une partie de la Pologne, une partie des États baltes, la Biélorussie, Donc, dans cette logique, chacun de ces États cités aurait autant de légitimité que la Russie à se déclarer l'héritier de la Russe de Kiev. Bien sûr, on pourrait me répondre, il y a quand même la continuité dans le nom. La Russe devenue la Russie, c'est un peu comme le Royaume des Francs devenu la France. Alors même cette continuité dans le nom, on peut la contester parce que, quand la Russie a pris son nom officiel de Russie au XVIIIe siècle, Ce nom était issu du nom de l'ancienne Russe, mais sous une forme littéraire empruntée aux grecs de l'empire byzantin, donc une forme réécrite, réinterprétée, modifiée. Mais avant que la Russie s'appelle la Russie, au Moyen-Âge, il existait déjà un terme pour désigner les peuples slaves orientaux entre la Pologne et la Russie, et la Russie actuelle. Ce nom, c'est les Rutens. Donc, la Russe de Kiev... on ferait mieux de l'appeler la Ruténie de Kiev. Pour des raisons historiques, culturelles, c'est beaucoup plus juste. Ça permet de mieux saisir, d'appréhender les énormes changements qu'il y a pu y avoir au niveau culturel, sociétal, territorial, entre l'ancienne Russe de Kiev et la Russie. Tout comme le royaume des Francs de l'an 1000 était très différent de la France même du XVIe siècle. On peut aussi faire une comparaison avec l'Angleterre qui tire. Son nom et sa langue des Angles, un peuple germanique, arrive au 5e siècle et pourtant les Anglais ne sont pas des Allemands. De même, la région Bourgogne tire son nom des Burgondes, autre peuple germanique, arrivé au 5e siècle. Et pour autant, les Bourguignons non plus ne sont pas des Allemands. Et là j'ai pris des exemples pour lesquels on a une continuité, même s'il y a une grande évolution, dans les noms des peuples, des territoires. Mais il n'y a même pas de continuité entre la Russie et la Russie. Après la conquête mongole de 1240, le nom de la Russe de Kiev a disparu. La principauté de Moscou n'a pas revendiqué pour son compte unique l'héritage de la Russe de Kiev. La principauté de Moscou a continué pendant très longtemps à s'appeler principauté de Moscou. Il a fallu attendre plus de deux siècles pour que les princes de Moscou se réveillent. pour qu'ils commencent à se rappeler qu'ils étaient les héritiers uniques et exclusifs de la Russe de Kiev. C'est Ivan III au XVe siècle qui était le premier à se déclarer souverain de toutes les Russies, une façon de faire référence à l'héritage de l'ancienne Russe, enfin, Ruténie. Qu'est-ce qui a fait que Ivan III est revenu à la mémoire ? Alors il faut savoir qu'en 1472, Ivan III s'était marié avec la nièce du dernier empereur de Constantinople. De là, Moscou a récupéré comme emblème l'aigle à deux têtes de l'Empire Byzantin. D'où rapidement la prétention, l'impression même chez les princes de Moscou d'être les héritiers de l'Empire Byzantin et donc indirectement de l'Empire Romain. Ça explique le titre de Tsar, dérivé de César, qui sera pris à partir du XVIe siècle par Ivan IV d'Île Terrible. Et ce sont ces prétentions impériales qui ont amené les tsars de Moscou à se déclarer héritiers de la Ruthénie de Kiev. Car en même temps qu'on se donne une image impériale grandiose, glorieuse, On cherche aussi à se donner des origines qui remontent le plus loin possible dans le temps, à se rattacher à l'héritage d'un centre territorial à la fois influent et puissant, donc la rue Téni de Kiev. Un héritage complètement artificiel, imaginé et construit a posteriori. Ceci en partie, en grande partie aussi, pour justifier les ambitions de conquête territoriale des tsars de Moscou. pour leur donner une légitimité. Et ça n'a jamais disparu des mentalités russes, puis soviétiques, puis à nouveau russes. En 2014, quand il parlait de la Russie et de l'Ukraine, le président russe Poutine déclarait, je cite, « Nous ne sommes pas simplement des voisins proches, nous sommes un même peuple. La rousse de Kiev ancienne est notre source commune et nous ne pouvons pas vivre l'un sans l'autre. » Sous-entendu, c'est l'Ukraine qui ne peut pas vivre sans la Russie. Voilà un bel exemple de déformation et de récupération historique. Heureusement maintenant que les historiens commencent à en prendre conscience. Heureusement qu'ils prennent leur distance de plus en plus avec l'histoire étatique officielle russe. Heureusement que, en même temps, les historiens redécouvrent l'histoire d'autres pays comme l'Ukraine. Histoire de l'Ukraine dont je vous reparlerai dans le prochain épisode. En attendant, j'espère que l'épisode d'aujourd'hui vous a pris quelque chose, qu'il vous a plu. Si c'est le cas, partagez-le à vos amis, à vos connaissances. Likez-le, notez-le, commentez-le. Faites-moi savoir ce que vous en avez pensé, faites-moi connaître vos remarques, vos suggestions. Pour ça, vous pouvez me contacter par mail. Si mon travail vous a plu, vous pouvez aussi me laisser un pourboire sur Tipeee. Pour ça, les liens sont dans la description. Et bien sûr, abonnez-vous au podcast pour être sûr de ne rien rater des prochains épisodes et d'en profiter à fond. Je vous dis à très bientôt. Ciao !

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L’ancienne Rus' de Kiev médiévale est-elle l'ancêtre de la Russie ? Derrière cette question, un enjeu important : la récupération et la déformation actuelles de l’histoire.

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→ Iaroslav Lebedynsky, Ukraine : une histoire en questions, l’Harmattan, 2019
→ L’Histoire Magazine, N° 504, Dossier spécial Ukraine : questions d’histoire sur le retour de la guerre en Europe, février 2023
→ Alexandra Goujon, L’Ukraine, de l’indépendance à la guerre, Le cavalier bleu, 2021 : https://www.cairn.info/l-ukraine--9791031804798.htm

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    Bonjour à toutes et à tous. En Russie, les manuels scolaires présentent le pays comme l'héritier direct de ce qu'on appelle la Russe de Kiev. Alors, la Russe de Kiev, ça a été un ensemble territorial qui existait du IXe siècle au XIIIe siècle et qui regroupait une partie de ce qui est maintenant l'Ukraine et la Russie. Russe, Russie, bon a priori, comme le royaume des Francs devenu la France, cette filiation paraît logique. Seulement, quand on sait que cet héritage revendiqué sert de prétexte et l'a toujours servi côté russe pour refuser l'indépendance de l'Ukraine et pour nier même son existence en tant que nation, là, on voit qu'il y a de quoi douter et que la question n'est pas si simple. Donc, on va se poser la question. La Russie, héritière de la rousse de Kiev, vrai ou faux ? Réalité historique ou mensonge ? Et si mensonge, pourquoi ? Avant qu'on commence, pensez à vous abonner au podcast pour être sûr de ne rien rater des prochains épisodes et d'en profiter à fond. Allez, on démarre ! Alors déjà, c'était quoi la rousse de Kiev ? Elle a été créée dans le contexte de la conquête viking. J'en profite pour faire un bref rappel de ce que la conquête viking a été. Les vikings étaient des scandinaves qui sont partis mener à partir du 8e siècle des missions d'exploration et de conquête. Les danois vont attaquer et envahir l'Angleterre, le royaume des francs, l'Irlande et aller jusqu'en Sicile. Les norvégiens eux vont explorer et coloniser l'Islande puis le Groenland. Il se peut même qu'ils soient allés jusqu'en Amérique du Nord. Les Suédois, eux, choisissent la route du Sud. Ils traversent la Baltique et à partir de là, ils partent chercher une route pour faire du commerce avec Constantinople. Et les territoires qu'ils traversent, les Suédois, ces territoires sont habités par des peuples slaves indépendants organisés en principauté. Et ces peuples slaves, ils vont appeler les explorateurs suédois les Roussons. Un nom qui vient peut-être d'un mot suédois qui veut dire « les rameurs » . référence au bateau dont se servaient les Suédois pour descendre les fleuves et les rivières, mais peut-être aussi que le nom de Russe était le terme par lequel se désignaient eux-mêmes certains peuples slaves. Là-dessus, entre les historiens, les avis sont partagés, on n'est sûr de rien. Par contre, ce qui est sûr, c'est que les explorateurs suédois ne vont pas se comporter qu'en explorateurs, justement. Ils jouent vite aux conquérants. Ils prennent progressivement le contrôle de plusieurs principautés slaves. dont celle de Kiev qui passe en 882 sous le contrôle du prince Oleg. Oleg va réunir Kiev et Novgorod pour former un ensemble territorial qui va s'appeler la Russe de Kiev, parce que Kiev en est le centre politique. Sachant que Novgorod se situe entre ce qui est maintenant Pétersbourg et Moscou, on voit que la Russe de Kiev était un ensemble territorial de grande taille, qui au fil des décennies des siècles suivants va encore continuer à s'agrandir, à gagner en puissance, en influence. L'année 988 va être une date importante car c'est cette année-là que le prince Vladimir de Kiev se convertit au christianisme. Pour être plus précis, à celui du rite byzantin, qui plus tard deviendra le christianisme orthodoxe. Vladimir de Kiev va même se marier avec la sœur de l'empereur de Constantinople, histoire de bien montrer son intégration au monde chrétien. Et cette intégration au monde chrétien renforce encore la puissance et l'influence des princes de Kiev. En 1051, le roi des Francs Henri Ier se marie même avec une princesse de la Russe, Anne de Kiev. Si on prend la définition de l'Europe au sens large, la Russe de Kiev en est alors un des plus grands ensembles territoriaux. Son territoire va de la Baltique à la mer Noire, des Carpathes à la Volga. Mais attention, j'ai bien dit que la Russe de Kiev était un ensemble territorial, pas du tout un état au sens où on l'entend maintenant, d'ensemble politique, uni et centralisé. Attention à ne pas avoir de vision anachronique des choses, je rappelle qu'on est dans l'Europe du Moyen-Âge. La Russe de Kiev est un ensemble de principautés autonomes qui ont chacune leur identité. La Russe, c'est aussi un espace multiculturel qui regroupe des peuples de langue slave, mais aussi balte, finnoise et russe. et même turques. Un centre territorial puissant, influent, mais qui a quand même une faiblesse. Des règles de succession qui, chez les rurikides, sont compliquées. Les rurikides, c'est le nom de la famille des princes de Kiev. Il y a entre eux de plus en plus de conflits pour le pouvoir. Du coup, leur autorité sur la rousse s'affaiblit. Les principautés qui forment la rousse prennent de plus en plus d'autonomie, pour ne pas dire d'indépendance. Progressivement, la rousse se délite. se disloque. En 1169, Kiev est même prise et pillée par le prince de Sousdal, qui fait pourtant partie de la Russe, donc qui, en théorie, est soumise à l'autorité de Kiev. La conquête mongole en 1240 donne le dernier coup de grâce. Les mongols envahissent la plus grande partie des principautés qui forment la Russe, dont Kiev et sa région. Mais pas toutes les principautés. Certains échappent à la conquête mongole, dont la principauté de Moscou. Principauté de Moscou qui, dans les décennies et les siècles qui vont suivre, va grandir en taille, en puissance, en influence. Et à partir du 15ème siècle, les princes de Moscou vont commencer à revendiquer l'héritage unique et exclusif de la rousse de Kiev. Plus le temps va passer, et plus les souverains de Moscou vont revendiquer pour leur compte l'héritage de la rousse de Kiev, jusqu'à ce que leur pays prenne le nom officiel de Russie, non héritée de la rousse, en 1721. Nom qui a gardé jusqu'à maintenant. Voilà ce que la rousse de Kiev a été, et voilà comment... la Russie a été amenée à s'en déclarer l'héritière. Alors c'est vrai que comme la région de Moscou a fait partie de la Rousse de Kiev, oui, il est vrai que la Russie est héritière de l'ancienne Rousse de Kiev. Elle en est issue indirectement, comme d'autres États. Je rappelle que le territoire de la Rousse de Kiev regroupait ce qui est maintenant une partie de la Russie, une partie de l'Ukraine, une partie de la Roumanie, une partie de la Pologne, une partie des États baltes, la Biélorussie, Donc, dans cette logique, chacun de ces États cités aurait autant de légitimité que la Russie à se déclarer l'héritier de la Russe de Kiev. Bien sûr, on pourrait me répondre, il y a quand même la continuité dans le nom. La Russe devenue la Russie, c'est un peu comme le Royaume des Francs devenu la France. Alors même cette continuité dans le nom, on peut la contester parce que, quand la Russie a pris son nom officiel de Russie au XVIIIe siècle, Ce nom était issu du nom de l'ancienne Russe, mais sous une forme littéraire empruntée aux grecs de l'empire byzantin, donc une forme réécrite, réinterprétée, modifiée. Mais avant que la Russie s'appelle la Russie, au Moyen-Âge, il existait déjà un terme pour désigner les peuples slaves orientaux entre la Pologne et la Russie, et la Russie actuelle. Ce nom, c'est les Rutens. Donc, la Russe de Kiev... on ferait mieux de l'appeler la Ruténie de Kiev. Pour des raisons historiques, culturelles, c'est beaucoup plus juste. Ça permet de mieux saisir, d'appréhender les énormes changements qu'il y a pu y avoir au niveau culturel, sociétal, territorial, entre l'ancienne Russe de Kiev et la Russie. Tout comme le royaume des Francs de l'an 1000 était très différent de la France même du XVIe siècle. On peut aussi faire une comparaison avec l'Angleterre qui tire. Son nom et sa langue des Angles, un peuple germanique, arrive au 5e siècle et pourtant les Anglais ne sont pas des Allemands. De même, la région Bourgogne tire son nom des Burgondes, autre peuple germanique, arrivé au 5e siècle. Et pour autant, les Bourguignons non plus ne sont pas des Allemands. Et là j'ai pris des exemples pour lesquels on a une continuité, même s'il y a une grande évolution, dans les noms des peuples, des territoires. Mais il n'y a même pas de continuité entre la Russie et la Russie. Après la conquête mongole de 1240, le nom de la Russe de Kiev a disparu. La principauté de Moscou n'a pas revendiqué pour son compte unique l'héritage de la Russe de Kiev. La principauté de Moscou a continué pendant très longtemps à s'appeler principauté de Moscou. Il a fallu attendre plus de deux siècles pour que les princes de Moscou se réveillent. pour qu'ils commencent à se rappeler qu'ils étaient les héritiers uniques et exclusifs de la Russe de Kiev. C'est Ivan III au XVe siècle qui était le premier à se déclarer souverain de toutes les Russies, une façon de faire référence à l'héritage de l'ancienne Russe, enfin, Ruténie. Qu'est-ce qui a fait que Ivan III est revenu à la mémoire ? Alors il faut savoir qu'en 1472, Ivan III s'était marié avec la nièce du dernier empereur de Constantinople. De là, Moscou a récupéré comme emblème l'aigle à deux têtes de l'Empire Byzantin. D'où rapidement la prétention, l'impression même chez les princes de Moscou d'être les héritiers de l'Empire Byzantin et donc indirectement de l'Empire Romain. Ça explique le titre de Tsar, dérivé de César, qui sera pris à partir du XVIe siècle par Ivan IV d'Île Terrible. Et ce sont ces prétentions impériales qui ont amené les tsars de Moscou à se déclarer héritiers de la Ruthénie de Kiev. Car en même temps qu'on se donne une image impériale grandiose, glorieuse, On cherche aussi à se donner des origines qui remontent le plus loin possible dans le temps, à se rattacher à l'héritage d'un centre territorial à la fois influent et puissant, donc la rue Téni de Kiev. Un héritage complètement artificiel, imaginé et construit a posteriori. Ceci en partie, en grande partie aussi, pour justifier les ambitions de conquête territoriale des tsars de Moscou. pour leur donner une légitimité. Et ça n'a jamais disparu des mentalités russes, puis soviétiques, puis à nouveau russes. En 2014, quand il parlait de la Russie et de l'Ukraine, le président russe Poutine déclarait, je cite, « Nous ne sommes pas simplement des voisins proches, nous sommes un même peuple. La rousse de Kiev ancienne est notre source commune et nous ne pouvons pas vivre l'un sans l'autre. » Sous-entendu, c'est l'Ukraine qui ne peut pas vivre sans la Russie. Voilà un bel exemple de déformation et de récupération historique. Heureusement maintenant que les historiens commencent à en prendre conscience. Heureusement qu'ils prennent leur distance de plus en plus avec l'histoire étatique officielle russe. Heureusement que, en même temps, les historiens redécouvrent l'histoire d'autres pays comme l'Ukraine. Histoire de l'Ukraine dont je vous reparlerai dans le prochain épisode. En attendant, j'espère que l'épisode d'aujourd'hui vous a pris quelque chose, qu'il vous a plu. Si c'est le cas, partagez-le à vos amis, à vos connaissances. Likez-le, notez-le, commentez-le. Faites-moi savoir ce que vous en avez pensé, faites-moi connaître vos remarques, vos suggestions. Pour ça, vous pouvez me contacter par mail. Si mon travail vous a plu, vous pouvez aussi me laisser un pourboire sur Tipeee. Pour ça, les liens sont dans la description. Et bien sûr, abonnez-vous au podcast pour être sûr de ne rien rater des prochains épisodes et d'en profiter à fond. Je vous dis à très bientôt. Ciao !

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  • Introduction

    00:00

Description

L’ancienne Rus' de Kiev médiévale est-elle l'ancêtre de la Russie ? Derrière cette question, un enjeu important : la récupération et la déformation actuelles de l’histoire.

Sources : 

→ Iaroslav Lebedynsky, Ukraine : une histoire en questions, l’Harmattan, 2019
→ L’Histoire Magazine, N° 504, Dossier spécial Ukraine : questions d’histoire sur le retour de la guerre en Europe, février 2023
→ Alexandra Goujon, L’Ukraine, de l’indépendance à la guerre, Le cavalier bleu, 2021 : https://www.cairn.info/l-ukraine--9791031804798.htm

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Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour à toutes et à tous. En Russie, les manuels scolaires présentent le pays comme l'héritier direct de ce qu'on appelle la Russe de Kiev. Alors, la Russe de Kiev, ça a été un ensemble territorial qui existait du IXe siècle au XIIIe siècle et qui regroupait une partie de ce qui est maintenant l'Ukraine et la Russie. Russe, Russie, bon a priori, comme le royaume des Francs devenu la France, cette filiation paraît logique. Seulement, quand on sait que cet héritage revendiqué sert de prétexte et l'a toujours servi côté russe pour refuser l'indépendance de l'Ukraine et pour nier même son existence en tant que nation, là, on voit qu'il y a de quoi douter et que la question n'est pas si simple. Donc, on va se poser la question. La Russie, héritière de la rousse de Kiev, vrai ou faux ? Réalité historique ou mensonge ? Et si mensonge, pourquoi ? Avant qu'on commence, pensez à vous abonner au podcast pour être sûr de ne rien rater des prochains épisodes et d'en profiter à fond. Allez, on démarre ! Alors déjà, c'était quoi la rousse de Kiev ? Elle a été créée dans le contexte de la conquête viking. J'en profite pour faire un bref rappel de ce que la conquête viking a été. Les vikings étaient des scandinaves qui sont partis mener à partir du 8e siècle des missions d'exploration et de conquête. Les danois vont attaquer et envahir l'Angleterre, le royaume des francs, l'Irlande et aller jusqu'en Sicile. Les norvégiens eux vont explorer et coloniser l'Islande puis le Groenland. Il se peut même qu'ils soient allés jusqu'en Amérique du Nord. Les Suédois, eux, choisissent la route du Sud. Ils traversent la Baltique et à partir de là, ils partent chercher une route pour faire du commerce avec Constantinople. Et les territoires qu'ils traversent, les Suédois, ces territoires sont habités par des peuples slaves indépendants organisés en principauté. Et ces peuples slaves, ils vont appeler les explorateurs suédois les Roussons. Un nom qui vient peut-être d'un mot suédois qui veut dire « les rameurs » . référence au bateau dont se servaient les Suédois pour descendre les fleuves et les rivières, mais peut-être aussi que le nom de Russe était le terme par lequel se désignaient eux-mêmes certains peuples slaves. Là-dessus, entre les historiens, les avis sont partagés, on n'est sûr de rien. Par contre, ce qui est sûr, c'est que les explorateurs suédois ne vont pas se comporter qu'en explorateurs, justement. Ils jouent vite aux conquérants. Ils prennent progressivement le contrôle de plusieurs principautés slaves. dont celle de Kiev qui passe en 882 sous le contrôle du prince Oleg. Oleg va réunir Kiev et Novgorod pour former un ensemble territorial qui va s'appeler la Russe de Kiev, parce que Kiev en est le centre politique. Sachant que Novgorod se situe entre ce qui est maintenant Pétersbourg et Moscou, on voit que la Russe de Kiev était un ensemble territorial de grande taille, qui au fil des décennies des siècles suivants va encore continuer à s'agrandir, à gagner en puissance, en influence. L'année 988 va être une date importante car c'est cette année-là que le prince Vladimir de Kiev se convertit au christianisme. Pour être plus précis, à celui du rite byzantin, qui plus tard deviendra le christianisme orthodoxe. Vladimir de Kiev va même se marier avec la sœur de l'empereur de Constantinople, histoire de bien montrer son intégration au monde chrétien. Et cette intégration au monde chrétien renforce encore la puissance et l'influence des princes de Kiev. En 1051, le roi des Francs Henri Ier se marie même avec une princesse de la Russe, Anne de Kiev. Si on prend la définition de l'Europe au sens large, la Russe de Kiev en est alors un des plus grands ensembles territoriaux. Son territoire va de la Baltique à la mer Noire, des Carpathes à la Volga. Mais attention, j'ai bien dit que la Russe de Kiev était un ensemble territorial, pas du tout un état au sens où on l'entend maintenant, d'ensemble politique, uni et centralisé. Attention à ne pas avoir de vision anachronique des choses, je rappelle qu'on est dans l'Europe du Moyen-Âge. La Russe de Kiev est un ensemble de principautés autonomes qui ont chacune leur identité. La Russe, c'est aussi un espace multiculturel qui regroupe des peuples de langue slave, mais aussi balte, finnoise et russe. et même turques. Un centre territorial puissant, influent, mais qui a quand même une faiblesse. Des règles de succession qui, chez les rurikides, sont compliquées. Les rurikides, c'est le nom de la famille des princes de Kiev. Il y a entre eux de plus en plus de conflits pour le pouvoir. Du coup, leur autorité sur la rousse s'affaiblit. Les principautés qui forment la rousse prennent de plus en plus d'autonomie, pour ne pas dire d'indépendance. Progressivement, la rousse se délite. se disloque. En 1169, Kiev est même prise et pillée par le prince de Sousdal, qui fait pourtant partie de la Russe, donc qui, en théorie, est soumise à l'autorité de Kiev. La conquête mongole en 1240 donne le dernier coup de grâce. Les mongols envahissent la plus grande partie des principautés qui forment la Russe, dont Kiev et sa région. Mais pas toutes les principautés. Certains échappent à la conquête mongole, dont la principauté de Moscou. Principauté de Moscou qui, dans les décennies et les siècles qui vont suivre, va grandir en taille, en puissance, en influence. Et à partir du 15ème siècle, les princes de Moscou vont commencer à revendiquer l'héritage unique et exclusif de la rousse de Kiev. Plus le temps va passer, et plus les souverains de Moscou vont revendiquer pour leur compte l'héritage de la rousse de Kiev, jusqu'à ce que leur pays prenne le nom officiel de Russie, non héritée de la rousse, en 1721. Nom qui a gardé jusqu'à maintenant. Voilà ce que la rousse de Kiev a été, et voilà comment... la Russie a été amenée à s'en déclarer l'héritière. Alors c'est vrai que comme la région de Moscou a fait partie de la Rousse de Kiev, oui, il est vrai que la Russie est héritière de l'ancienne Rousse de Kiev. Elle en est issue indirectement, comme d'autres États. Je rappelle que le territoire de la Rousse de Kiev regroupait ce qui est maintenant une partie de la Russie, une partie de l'Ukraine, une partie de la Roumanie, une partie de la Pologne, une partie des États baltes, la Biélorussie, Donc, dans cette logique, chacun de ces États cités aurait autant de légitimité que la Russie à se déclarer l'héritier de la Russe de Kiev. Bien sûr, on pourrait me répondre, il y a quand même la continuité dans le nom. La Russe devenue la Russie, c'est un peu comme le Royaume des Francs devenu la France. Alors même cette continuité dans le nom, on peut la contester parce que, quand la Russie a pris son nom officiel de Russie au XVIIIe siècle, Ce nom était issu du nom de l'ancienne Russe, mais sous une forme littéraire empruntée aux grecs de l'empire byzantin, donc une forme réécrite, réinterprétée, modifiée. Mais avant que la Russie s'appelle la Russie, au Moyen-Âge, il existait déjà un terme pour désigner les peuples slaves orientaux entre la Pologne et la Russie, et la Russie actuelle. Ce nom, c'est les Rutens. Donc, la Russe de Kiev... on ferait mieux de l'appeler la Ruténie de Kiev. Pour des raisons historiques, culturelles, c'est beaucoup plus juste. Ça permet de mieux saisir, d'appréhender les énormes changements qu'il y a pu y avoir au niveau culturel, sociétal, territorial, entre l'ancienne Russe de Kiev et la Russie. Tout comme le royaume des Francs de l'an 1000 était très différent de la France même du XVIe siècle. On peut aussi faire une comparaison avec l'Angleterre qui tire. Son nom et sa langue des Angles, un peuple germanique, arrive au 5e siècle et pourtant les Anglais ne sont pas des Allemands. De même, la région Bourgogne tire son nom des Burgondes, autre peuple germanique, arrivé au 5e siècle. Et pour autant, les Bourguignons non plus ne sont pas des Allemands. Et là j'ai pris des exemples pour lesquels on a une continuité, même s'il y a une grande évolution, dans les noms des peuples, des territoires. Mais il n'y a même pas de continuité entre la Russie et la Russie. Après la conquête mongole de 1240, le nom de la Russe de Kiev a disparu. La principauté de Moscou n'a pas revendiqué pour son compte unique l'héritage de la Russe de Kiev. La principauté de Moscou a continué pendant très longtemps à s'appeler principauté de Moscou. Il a fallu attendre plus de deux siècles pour que les princes de Moscou se réveillent. pour qu'ils commencent à se rappeler qu'ils étaient les héritiers uniques et exclusifs de la Russe de Kiev. C'est Ivan III au XVe siècle qui était le premier à se déclarer souverain de toutes les Russies, une façon de faire référence à l'héritage de l'ancienne Russe, enfin, Ruténie. Qu'est-ce qui a fait que Ivan III est revenu à la mémoire ? Alors il faut savoir qu'en 1472, Ivan III s'était marié avec la nièce du dernier empereur de Constantinople. De là, Moscou a récupéré comme emblème l'aigle à deux têtes de l'Empire Byzantin. D'où rapidement la prétention, l'impression même chez les princes de Moscou d'être les héritiers de l'Empire Byzantin et donc indirectement de l'Empire Romain. Ça explique le titre de Tsar, dérivé de César, qui sera pris à partir du XVIe siècle par Ivan IV d'Île Terrible. Et ce sont ces prétentions impériales qui ont amené les tsars de Moscou à se déclarer héritiers de la Ruthénie de Kiev. Car en même temps qu'on se donne une image impériale grandiose, glorieuse, On cherche aussi à se donner des origines qui remontent le plus loin possible dans le temps, à se rattacher à l'héritage d'un centre territorial à la fois influent et puissant, donc la rue Téni de Kiev. Un héritage complètement artificiel, imaginé et construit a posteriori. Ceci en partie, en grande partie aussi, pour justifier les ambitions de conquête territoriale des tsars de Moscou. pour leur donner une légitimité. Et ça n'a jamais disparu des mentalités russes, puis soviétiques, puis à nouveau russes. En 2014, quand il parlait de la Russie et de l'Ukraine, le président russe Poutine déclarait, je cite, « Nous ne sommes pas simplement des voisins proches, nous sommes un même peuple. La rousse de Kiev ancienne est notre source commune et nous ne pouvons pas vivre l'un sans l'autre. » Sous-entendu, c'est l'Ukraine qui ne peut pas vivre sans la Russie. Voilà un bel exemple de déformation et de récupération historique. Heureusement maintenant que les historiens commencent à en prendre conscience. Heureusement qu'ils prennent leur distance de plus en plus avec l'histoire étatique officielle russe. Heureusement que, en même temps, les historiens redécouvrent l'histoire d'autres pays comme l'Ukraine. Histoire de l'Ukraine dont je vous reparlerai dans le prochain épisode. En attendant, j'espère que l'épisode d'aujourd'hui vous a pris quelque chose, qu'il vous a plu. Si c'est le cas, partagez-le à vos amis, à vos connaissances. Likez-le, notez-le, commentez-le. Faites-moi savoir ce que vous en avez pensé, faites-moi connaître vos remarques, vos suggestions. Pour ça, vous pouvez me contacter par mail. Si mon travail vous a plu, vous pouvez aussi me laisser un pourboire sur Tipeee. Pour ça, les liens sont dans la description. Et bien sûr, abonnez-vous au podcast pour être sûr de ne rien rater des prochains épisodes et d'en profiter à fond. Je vous dis à très bientôt. Ciao !

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