- Speaker #0
Faut-il encore acheter ses vins de Bordeaux en plumeur ? Pourquoi le système s'est déréglé ? Comment sortir de la crise ? Pour en débattre, j'ai le plaisir d'accueillir Wine Up de Bordeaux, deux figures du monde viticole bordelais. A ma droite, Laurent Fortin, qui a un pied dans la vigne puisqu'il dirige Château d'Ozac, 5e grand cru classé en appellation Marco, et le domaine de l'Abegude en appellation Mandol, et un pied dans le Négos puisqu'il est à la tête de Maison Montagnac et Delta Négos. A ma gauche, Jean-Baptiste Duken, propriétaire de Château Casbonne dans le sud des Graves. et fondateur du collectif Bordeaux Piran. Je m'appelle Philippe Hermé, bienvenue dans Vindivin. Bonjour Jean-Baptiste.
- Speaker #1
Bonjour.
- Speaker #0
Bonjour Laurent. Bonjour. Avant de commencer peut-être par parler des primeurs, juste un petit rappel quand même sur la production 2024 dans le Bordeaux-Laye qui a été faible, relativement faible, puisque je crois que c'est la deuxième plus faible depuis 1991, c'est ça ? Tout à fait. J'imagine que ça, ça a un impact aussi sur le jeu de l'offre et de la demande.
- Speaker #2
Ça a un impact économique, ça a un impact économique au niveau des propriétés, mais également au niveau des vins qui sont mis en marché, parce que généralement, on mettait, là je parle de façon traditionnelle, en primeur jusqu'à 100% pour certains de leur production. Cette année, il y en a qui vont hésiter à mettre en primeur la totalité de leur production. Étant donné que c'est une petite production, certains vont vouloir valoriser cette production dans les années à venir. Donc on est face, je pense, à des mises en marché primeurs qui vont être beaucoup plus restreintes.
- Speaker #0
D'accord. Alors on rappelle quand même que les primeurs, ça existe depuis déjà très longtemps, puisque au 18e, on achetait sur pied de vigne, je crois.
- Speaker #2
Les primeurs, pour simple ambition. la Genèse, tout au début, de pouvoir acheter les produits phytosanitaires pour l'année suivante. Et c'est comme ça que ça a commencé.
- Speaker #1
Donc, de quelle époque ?
- Speaker #2
Ça, c'était 1800 et quelques, juste avant le phylloxéra. Phylloxéra, c'est 1867 sur l'appellation Margot.
- Speaker #1
Au début de l'appellation du Mille-Dieu à Bordeaux.
- Speaker #2
Exactement. Donc, il fallait impérativement avoir de quoi financer l'achat des produits phytosanitaires de la bouillie bordelaise.
- Speaker #1
J'ai retrouvé de la littérature du 19ème siècle que ça pouvait représenter 10-15% du coût de production à l'époque. Et c'était assez coûteux parce qu'on était au début de l'extraction industrielle du soufre, du cuivre et du coup c'était un coût important pour les pétroliers.
- Speaker #2
La fameuse bouillie bordelaise qui a été inventée. Où ça cher monsieur ? Je te remercie 10-15% de toi. La trêve de plaisanterie, c'était principalement pour acheter les produits phytosanitaires, parce que les vins, bien évidemment, se vendaient à l'époque en barrique, barrique de 225 litres, était expédiée sur le quai des Chartrons auprès des négociants qui élevaient les vins dans leur cave et après les vendaient. Donc, on avait déjà une campagne primeur, voilà, 19e siècle.
- Speaker #0
Très bien. Et donc, en tout cas, ça s'est fortement développé. C'est ce qui a fait un petit peu aussi le succès de la place de Bordeaux. Intérêt pour le consommateur, c'est de pouvoir avoir accès... à certaines allocations, à certains châteaux qui sont rares. Et puis, en tout cas au début, c'était quand même de payer moins cher que la mise sur le marché.
- Speaker #2
Très clairement, à l'époque, tu achetais, moi je me souviens de mon grand-père, qui achetait deux caisses de moutons Rothschild, on ne parle pas des prix qui sont aujourd'hui, mais deux caisses de premier Grand Cru Classé, il en revendait une et ça lui payait sa caisse. Donc il buvait une caisse de Grand Cru Classé, Lafite, Mouton, peu importe, gratuitement. Ça, c'était l'offre. Et c'est devenu de plus en plus un produit spéculatif, mais je ne vais pas m'emballer, on en parlera je pense dans quelques instants.
- Speaker #1
Et puis je peux rajouter qu'en termes d'intérêt des primeurs, dans notre métier qui est le vin, on doit défendre une marque. Une marque elle se défend si on défend son positionnement prix. Donc globalement la promotion dans ce métier du vin, on n'en veut pas parce que vendre son vin en promotion 6 plus 6 ou au moins 30% c'est détruire la valeur de la marque. Et la vente en primeur est un moyen, puisqu'il y a un décalage dans le temps avec la livraison, est un moyen d'octroyer au consommateur final une promotion, sans qu'elle s'appelle promotion, puisque le vin n'est pas comparable, parce qu'il n'est pas sur le marché au même moment. Et du coup, pour nous, c'est un outil commercial important qui peut permettre d'écouler du volume avec ce levier de la promotion, sans détruire sa marque en termes d'image.
- Speaker #2
Ce qui était la réalité historiquement, ce qui ne l'est plus depuis maintenant trois ans.
- Speaker #0
Qu'est-ce qui a grippé un peu ce système des primeurs ? Est-ce que ce n'est pas justement la grande distribution ? Puisqu'aujourd'hui, en fait, clairement, sur certains châteaux, sur certains domaines, en fort au vin, on peut avoir des prix qui sont sensiblement les mêmes que ceux qu'on aurait eu en primeur.
- Speaker #2
Ce qui a grippé les primeurs, deux choses. Comme je l'expliquais tout à l'heure, le particulier s'achetait deux caisses de Grand Cru Classé. Il en revendait une et avec la caisse revendue, il se payait les deux, ça lui permet de boire gratuitement. Donc c'était une bonne affaire, quelque part tu avais tes vins à 50% moins cher, c'est un petit peu ça l'histoire. Et bien ça c'est fini, parce que beaucoup de négociants ont transformé les primeurs en produits financiers, en oubliant qu'à la fin, il y a quand même quelqu'un qui doit ouvrir la bouteille pour qu'il y ait une pérennité dans le flux des affaires. Et on ne gagne plus d'argent avec les primeurs, ou tellement peu, l'argent est devenu de plus en plus cher. Et les Bordelais, je vais faire un peu l'historique, les Bordelais n'ont pas connu la crise de 2008. Pourquoi ? La crise de 2008 où les financiers ont pris des bouillons incroyables, nous on a tout de suite connu le départ de la Chine. 2009, 2010, 2011, 2000. Donc la crise de 2008 s'est passée au-dessus de Bordeaux. Donc on a continué à croire que notre système des primeurs et la valorisation de nos vins en primeurs étaient pérennes. Ce qui n'est pas le cas et ça n'est pas pérenne depuis de très très nombreuses années. Comme tu le disais fort justement tout à l'heure, on trouve aujourd'hui des vins livrables moins chers que les primeurs d'aujourd'hui. On va prendre d'exemple, un premier Grand Cru classé Pauillacquet peut se trouver aujourd'hui moins cher en livrable qu'il n'est en primeur. En primeur, si j'achète une caisse, j'immobilise ma trésorerie pendant deux ans.
- Speaker #0
Oui,
- Speaker #2
bien sûr. Donc en termes purement financiers, il n'y a pas d'intérêt.
- Speaker #1
Moi j'ai une autre clé de lecture qui est sur le profil du vin. Dans la mesure où, pour que le vin de Bordeaux puisse prendre de la valeur, il faut qu'il puisse durer dans le temps. Donc Bordeaux a construit une typicité de ses vins autour de la garde qui justifie le fait que dans 10 ans, dans 20 ans, dans 30 ans, le vin sera excellent à boire. Et du coup, en termes de positionnement, la perception du consommateur aujourd'hui, c'est « je ne peux pas boire mon Bordeaux aujourd'hui » . Et il est en confrontation avec un consommateur qui est dans l'instantanéité. Et étant dans l'instantanéité, l'argument des primeurs qui est de prise des valeurs est décalé par rapport aux besoins des consommateurs d'acheter une bouteille et de se faire plaisir à la boire tous ce soir. Je pense que c'est un écueil qui n'a pas vécu la Bourgogne, parce que l'image du Bourgogne... Dans sa jeunesse, on ne lui donne pas la même connotation de non-buvabilité. Du coup, le Bourgogne a plus de facilité à valoriser son vin et de trouver derrière un consommateur qui va le boire, parce que je pense que c'est l'essentiel. Dans notre métier, ce n'est pas tout que le vin ait de la valeur. Il faut qu'il soit bu, sorti de la cave, et il faut inviter ses amis et boire la bouteille. Je pense que là, il y a un travers d'image du vin de Bordeaux que nous, sur des propriétés, moi je suis dans les graves, Mais on doit corriger ça parce que nous, dans le marché, sur des vins qui vont entre 10 et 30 euros la bouteille, sur ce marché-là, nous, il faut que les gens les boivent.
- Speaker #0
Aujourd'hui, si on se place d'un point de vue du négoce, puisque Laurent, tu es le patron de Maison de Négoce, Maison Montagnard, comment en fait les maisons de négoce aujourd'hui vivent ce retournement de marché ? Puisqu'on sait que vous avez quand même beaucoup acheté. Beaucoup stockés aujourd'hui. Vous êtes un peu confronté à un déséquilibre de la demande et de l'offre, non ?
- Speaker #2
Oui, on a beaucoup stocké. C'est un euphémisme. On a énormément stocké. Quelque part, on a suivi le jeu de la place de Bordeaux pendant de nombreuses années. Chez nous, ça s'est arrêté il y a environ trois ans. Très clairement, aujourd'hui, nous achetons en primeur ce que nous sommes capables de vendre. C'est-à-dire que compte tenu du coût de l'argent qui a augmenté, Compte tenu des surfaces de stockage, le coût des surfaces de stockage qui a augmenté. Aujourd'hui, si un client achète une caisse ou dix caisses de Château-Tartampion, moi j'achète une caisse ou dix caisses de Château-Tartampion. Alors que l'historique, un négociant, achetait son allocation sans même se poser la question et la stockait et la vendait 5, 10, 15 ans plus tard. Ça n'est plus du tout le cas aujourd'hui. Aujourd'hui, on achète uniquement ce que l'on a vendu. auprès de nos clients à travers le monde.
- Speaker #0
Quitte à perdre certaines allocations.
- Speaker #2
Quitte à perdre certaines allocations, mais aujourd'hui, très clairement, tout le monde a besoin de vendre son vin. Donc, je ne me fais pas trop de mourons.
- Speaker #0
Très bien. Et comment déstocker alors demain ?
- Speaker #2
Alors, tout dépend du stock en question. Aujourd'hui, Maison Montagnac, c'est 65 pays. Donc, c'est quand même très large. On arrive à avoir des clients qui veulent des vins matures, qui sont plus attirés par le Petrus, les Grands Crus de Margaux, les Saint-Émilion, etc. On a le monde, nous, comme terrain de jeu. Notre objectif est de ne jamais... tuer la marque parce qu'on pourrait déstocker comme malheureusement certains fonds sous nos prix d'achat en moyennant les prix et en cassant une marque c'est pas dans le jeu de maison montagnac et c'est pas dans la philosophie de for wine and more d'accord donc le terrain de jeu il est mondial mais justement le terrain de jeu comme il est mondial aujourd'hui
- Speaker #0
il est un petit peu sous la contrainte des bonasses tarifaires tu parles des états unis mais il n'y a pas que les états dans le monde bien sûr mais les états unis ça passerait ça va se répercuter sur les autres. Donc on est quand même dans un cercle un petit peu compliqué pour l'export. Je pense notamment à Château d'Osa qui exporte, je crois, 85 ou 87% de sa production.
- Speaker #2
87 dans 39 pays.
- Speaker #0
Voilà. Donc en fait, et j'imagine que les pays importants sont les États-Unis, la Chine, le UK et d'autres. Dans ce contexte-là, ça devient un peu compliqué, non ?
- Speaker #2
Alors déjà, on va chercher de nouveaux pays. Nous, on a identifié des pays d'Asie. qui sont des pays qui ont encore un fort potentiel, des pays d'Europe centrale qui ont des ressources minières et des ressources pétrolières importantes, qui sont devenus des clients importants pour nous. Quelque part, si tout le monde va aux États-Unis, si tout le monde va en Chine, tu sais, nous, on est verticalement intégrés. Dans Fort Wine, j'ai 12 magasins en Chine. Moi, je n'ai pas de souci pour vendre mes vins, parce que quelque part, j'ai... pas de concurrence, je maîtrise ma distribution.
- Speaker #0
D'accord.
- Speaker #2
Donc c'est pas un gros sujet, mais il faut aller au plus près du consommateur, il faut aller prêcher la bonne parole, il faut pas vendre en primeur, fermer les portes du château et en attendant que ça se passe. Il y a un travail de marketing, et ça a été un gros mot pendant très longtemps à Bordeaux, il y a un travail d'accompagnement à faire et il y a un travail de prospection à faire. Et je sais que nos équipes font un travail de prospection, on a une commerciale qui passe son temps justement en en Asie, en Europe centrale, etc., pour aller chercher de nouveaux marchés ?
- Speaker #1
Je suis 100% d'accord. Il faut reprendre la relation au consommateur. Il faut que le château reparle à son client. Il faut que le château réinvestisse dans la fonction marketing et la fonction commerciale parce que notre marque, elle passe par là. Elle se fait d'une relation humaine avec notre client. Moi aussi, dans ma petite propriété, j'ai embauché une commerciale à temps plat. qui passe 5000 coups de fil par an pour parler à nos clients, nos prospects, voir comment ça se passe avec les vins qu'on a vendus, récupérer des feedbacks. J'ai 26 cuvées en termes de propriété à ma gamme, parce que c'est 26 expériences pour le client, et c'est 26 expériences pour que je sache si j'ai raison dans ces 26 expériences. Il faut que je les confronte à un marché, parce que quand je fais un vin de macération sur un blanc, s'ils ne se vendent pas, j'ai tort.
- Speaker #2
Aujourd'hui, il faut que le négoce, c'est ce qu'on essaye de faire à Delta Négoce et à Maison Montagnac, reprenne, comme tu le disais, contact avec le consommateur et redevienne prescripteur. L'époque où on travaillait un petit peu en salle de marché, ce qui est le cas encore chez certains négociants, en se référant à la note par cœur, à la note de Pierre, de Paul, de Jacques et du commentaire de dégustation, quelque part c'est fini. Je vais prendre un exemple. Moi, je suis le premier à être sorti en primeur à Château d'Ausac cette année. Aucune note n'était sortie. Le deuxième, c'était Pontécané. Aucune note n'est sortie. Tu prends les grands notateurs, que ce soit Suckling, ils ne sont pas encore sortis. Ils font leur travail de critique, que j'admire et que je respecte, mais on n'a pas, quelque part, besoin d'eux. Ce n'est pas à eux de nous dire quel vin est bon. C'est aux négociants d'aller voir son client qui est à l'autre bout du monde en disant « Tiens, j'ai goûté tel cru, c'est fabuleux, fais-moi confiance, je t'envoie un échantillon, vas-y » . Ça, ça ne se faisait plus à Bordeaux, on avait la facilité d'attendre pendant de nombreuses années les notes par caire et ou les notes d'autres. Maintenant, il faut qu'on redevienne prescripteur.
- Speaker #1
Et moi, en tant que propriété des graves dans le sud de Gironde, j'ai à contre-courant lancé mes primeurs depuis deux ans, parce que je pense que c'est essentiel de prendre la relation au client, même si dans le sud des graves, dans l'entre-deux-mer, ce n'est pas une tradition de vendre un primeur. mais je pense que c'est une opportunité commerciale pour mon client de payer à moins 30, moins 35% une bouteille de vin. Et pour ça, je fais un événement à Paris pour inviter tous ces clients particuliers à goûter mes vins. Je les invite à propriété pour venir goûter les vins et pour leur défendre ma vision du Mésime 2024, qui est ma vision qui est contraire à ce que j'entends de certains critiques qui disent que les vins rouges sont un peu herbacés, pas mûrs, manquent de matière. Moi, je trouve que c'est un Mésime. qui a un fruit incroyable, qui a une fraîcheur incroyable, qu'on a en vinification adaptée à cela, c'est-à-dire qu'on a infusé, on n'a pas extrait, on a fait des vrais vins plaisir. Et je trouve que c'est un millésime formidable dans ce nouveau Bordeaux qu'on doit inventer, qui est un Bordeaux qui est proche du consommateur, c'est-à-dire un Bordeaux qu'on va boire.
- Speaker #2
Tout à fait, ça a été une année compliquée, le mille-doux, comme on le sait, mais le millésime est très hétérogène, mais tu as des terroirs qui ont très bien fonctionné. très bien fonctionner. Donc, il ne faut pas faire une généralité du 24 en disant « c'est moyen, il n'a plus... » Non. Il y a des vignerons qui...
- Speaker #0
Ça dépend du travail du vigneron. Donc, comme tu viens de le dire, c'est intéressant. Toi, tu réinventes un peu les primeurs, puisque tu donnes vraiment un avantage financier aux personnes qui vont t'acheter à l'avance les vins qui seront, je le rappelle, livrés en 2027, pour le millésime 2024. Et en plus, tu organises une sorte de fête populaire à Paris.
- Speaker #1
Je ne les réinvente pas. J'ai une force. parce que je ne travaille pas ou très peu avec les négoces, c'est de pouvoir maîtriser mon prix de vente. Le prix qui est affiché sur mon site internet est le prix à un euro près sur lequel on va avoir la bouteille de vin chez n'importe lequel de mes distributeurs. Quand je vends une bouteille à 20 euros, elle va peut-être être à 21 euros chez le Caviz, mais elle ne sera pas plus chère. Et à partir du moment où on peut tenir cette promesse, tenir cette création de valeur, Eh bien on va la partager avec les gens avec qui on travaille.
- Speaker #2
Comme tu le dis, comme tu l'as dit fort justement, et c'est ce que je m'attache à faire au sein de Château d'Ausac, tu dois maîtriser ta distribution afin de faire cela. Si tu donnes ta distribution à un tiers, il fait ce qu'il veut avec le prix. Il peut spéculer ou, à contrario, il peut très bien diminuer le prix de ton vin pour se faire du cash. Et c'est là le gros problème. C'est une des raisons pour lesquelles moi, depuis 2017, j'ai un système hybride. Et je maîtrise une grande partie de ma distribution au sein de Château d'Ausac.
- Speaker #0
Alors, on va parler un tout petit peu prix. Aujourd'hui, le Château d'Ausac en primeur, il sera à combien ?
- Speaker #2
26 euros. Nous, on est des vins de consommation. On sait qu'en compte tenu du travail qui est fait à la vigne et au chai, nous ne descendrons jamais en primeur en dessous de 25 euros.
- Speaker #0
D'accord.
- Speaker #2
En livrable, on est à 35 euros.
- Speaker #0
D'accord.
- Speaker #2
Je parle hors taxe départ.
- Speaker #0
Hors taxe départ, d'accord. Sur les premiers prix que j'ai vus, grand public, TTC, etc. On reste quand même à des niveaux assez élevés pour les très très très grands crus. Je vois que Château-Cheval Blanc, par exemple, est à presque 400 euros. Château-Lafitte-Rothschild, 400 euros aussi. On n'a pas l'impression en fait qu'il y a une crise et qu'il y a une baisse des prix finalement, dont on parlait tout à l'heure.
- Speaker #2
Pour des vins comme ça, on parle de vins iconiques, de vins qui sont principalement en Asie. Tu fais allusion à Lafitte, c'est 100% Chine quasiment. Maintenant, c'est à eux de gérer leur distribution. Je n'ai pas de commentaire à faire. Cheval Blanc, je pense que compte tenu du cru, c'est peut-être un petit peu cher, mais ça fait partie de l'aura du cru. C'est une toute petite production à Saint-Emilion.
- Speaker #0
D'accord, mais on a quand même aussi, si on regarde la Chine, justement, parce que tu en parlais, c'est moins 17% quand même en termes d'exploitation. En 2024, je crois. Donc, ça aura un impact forcément sur ces grands châteaux qui sont dépendants de ce marché.
- Speaker #2
La Chine achète. peu en primeur en réalité. La Chine s'est fait brûler les doigts sur les primeurs 2009, 2010, 2011, un petit peu 2012, ils ont commencé à arrêter, à acheter, vraiment se positionner sur le primeur. Je parle des grands faiseurs, genre Kofco, JDDeck.com, etc. Maintenant, ils préfèrent acheter en livrable, un vin dont ils sont sûrs de la qualité, qu'ils sont sûrs de recevoir. La Chine, oui, il y a une baisse d'exportation. Mais il n'y a pas nécessairement une baisse de consommation, parce qu'ils ont leurs propres vins là-bas, qui parfois sont aussi bons que les nôtres. Mais nous, on le voit, encore une fois, on a 12 magasins en Chine, on s'aperçoit qu'ils continuent à boire des grands crus classés de Bordeaux, ils continuent à boire des vins comme les tiens. Mais quelque part, on arrive à une clientèle qui devient de plus en plus mature en termes de connaissance des vins. Donc on ne peut plus leur vendre tout et n'importe quoi, ce qui est une excellente chose.
- Speaker #0
Tu disais tout à l'heure avant cette interview que tu... pensaient que la crise durerait au moins 5 ans. Donc là, on a jusqu'à quand alors ?
- Speaker #1
J'espère que c'est 5 ans en comptant les deux années qu'on vient de vivre.
- Speaker #2
Oui, parce que toi, tu es un optimiste. Je pense, je suis d'accord avec toi, je plaisante, je suis d'accord avec toi. Je pense qu'on est sur une crise quinquennale. On a vécu deux ans. On va vraiment voir, comme je le disais en montant les marches pour te rejoindre, on va voir le creux de la vague, je pense, cet été. Quand certains crus vont s'apercevoir que la campagne primeur a été catastrophique et qu'il va falloir quand même vendre du vin pour payer les collaborateurs, pour payer les investissements, pour payer les banques, je pense qu'on va avoir des vins qui vont être vendus, livrables, à des prix défiant toute concurrence. Donc le temps que tout cela s'assainisse, on a encore trois ans à tenir.
- Speaker #1
Je pense qu'on va souffrir parce que... Moi, j'ai entendu il y a 15 jours un cru bourgeois de Loumédoc qui a 7 millésimes en stock et qui sort sur le marché tous ses millésimes à 2 euros hors taxe. Donc, sur le marché, peu importe la qualité du vin, l'image... de l'importateur entre une bouteille qui lui aurait proposé à 2 euros, j'espère qu'il y a un négociant entre les deux qui va rajouter 2 euros, mais entre ce que nous on propose à prix honnête, qui nous permet de gagner notre vie, et ce vin qui sera à 2 euros, forcément que l'importateur, ça lui pose une vraie réflexion concurrentielle, parce que s'il n'achète pas ce vin à 2 euros hors taxe, son voisin va l'acheter, et il va se retrouver dans une concurrence sur un marché en distribution. Donc ça va faire des dégâts. Tant que ces vins sont toujours disponibles sur le marché par des gens qui vont casser les prix pour des raisons financières et pour trouver de la trésorerie à court terme, le marché va être délétère. Donc il faut être droit dans ses bottes, tenir sa stratégie, ne surtout pas céder à ses sirènes. Tant pis si le chiffre d'affaires est difficile pendant un an ou deux.
- Speaker #0
Il faut avoir les rangs solides pour faire ça.
- Speaker #1
Moi je suis sur un prix moyen de vente à 7,50 euros. Et je préfère vendre 50 000 boutiques. bouteilles à 7,50 euros que 100 000 à 3,50 euros. Moi, je suis fier de mes vins, je suis fier du prix auquel je les vends et je ne veux pas négocier ce paramètre.
- Speaker #2
Tu as tout à fait raison, mais tu vois, je reprends l'exemple que tu as donné de ce cru bourgeois du Médoc à 2 euros. Sa marque est morte parce que le nouveau benchmark de sa marque sera 2 euros. Et ça, c'est de la trésorerie à court terme qui va avoir un impact négatif sur la valorisation de la marque à long terme.
- Speaker #0
Peut-être qu'il était asphyxié financièrement.
- Speaker #2
Oui, mais il y a, je pense, des solutions qui sont différentes. Il y a des marques distributeurs. Tu peux aller voir, on parlait de la grande distribution. Tu vas en marque masquée sur la grande distribution. Même la grande distribution internationale, tu vas voir des White Rose, des Mark & Spencer, des choses comme ça. Ils savent très bien faire. Si le crew bourgeois est bon, ils vont te l'acheter à 2 euros, mais ils vont mettre une étiquette dessus qui n'impactera pas négativement ta marque. Et c'est quand même... Quand tu as un storytelling, tu le disais fort justement, lorsque tu as un storytelling, c'est ta marque, il faut la valoriser. Tu ne valorises pas une marque que tu as vendue 2 euros.
- Speaker #1
Entièrement d'accord.
- Speaker #0
Est-ce qu'on ne pourrait pas organiser des primeurs qui soient d'abord le fait de faire goûter les millésimes par les consommateurs ou par un échantillon de consommateurs avant de le faire goûter par les professionnels par exemple ?
- Speaker #2
Toute idée est bonne, mais goûter un vin primeur, ça demande quand même une certaine connaissance, éducation de ce qu'est un vin. Tu fais goûter des vins primeurs à une clientèle ou même des grands amateurs qui ne sont pas éclairés à déguster un primeur, c'est quand même très très très compliqué.
- Speaker #1
Par contre l'idée est clairement applicable aux livrables. Et là c'est vrai que Bordeaux manque d'une fête populaire. Il y a Bordeaux Fête Levin, mais Bordeaux manque d'une fête populaire qualitative. Je pense à, moi, mon modèle, c'est la polée de Meursault. L'excellence de ce que font les bourguignons avec une polée de Meursault, où le vigneron invite ses amis, ses importateurs, à venir passer le temps d'un repas et ouvrir des bouteilles livrables. C'est une expérience populaire, et c'est vraiment populaire dans le bon sens du terme, qui est exceptionnelle.
- Speaker #2
Je suis d'accord avec vous deux, mais ce qui serait intéressant... C'est de faire déguster un vin primeur et un vin livrable côte à côte pour montrer quel est le potentiel de cette propriété. De façon à ce que le consommateur se dise, un vin primeur c'est quand même compliqué à déguster. Ben oui c'est compliqué à déguster, effectivement, t'as les dents toutes rouges au bout de dix. Mais quand tu goûtes un vin livrable de la même propriété à côté, tu te dis, ben voilà ce que ça peut devenir. Et je pense que là, on devrait le faire, mais on devrait le faire également pour les particuliers, mais pour les professionnels qui viennent nous voir durant la semaine des primeurs.
- Speaker #0
Alors un caviste m'a dit un jour que les vins qui étaient distribués en foire aux vins n'étaient pas les mêmes que ceux qui étaient achetés en primeur. C'est un peu du bullshit ça non ?
- Speaker #1
Pas rentrer dans ce genre de polémiques complotistes. Il y a peut-être trois propriétés qui ont fait n'importe quoi, on n'en sait rien, on n'est pas là dans la mise en bouteille. Mais si on commence à accepter ce genre de propos, on détruit la confiance de la marque Bordeaux. Moi, je ne peux pas entendre ça. Je ne vends pas en grande distribution, mais je ne peux pas entendre ça.
- Speaker #0
C'est un caviste.
- Speaker #1
C'est pour ça que le caviste a sa position. Il défend sa chapelle. Mais moi, je ne peux pas entendre ce propos. Et pourtant, je ne suis pas ni en GD, ni sur ces marchés de grands crus.
- Speaker #2
Alors nous, on est présent au foire au vin et notre mise en bouteille est faite pour l'ensemble du millésime en même temps. Donc dire qu'il y a une dichotomie entre le vin qui va partir... aux Etats-Unis, celui qui va partir en grande distribution, celui qui va partir dans la restauration, même moi je suis incapable de te dire quelle bouteille va partir où. On n'a pas le temps de jouer à mettre 120 bouteilles pour tel cavis. Non, ça ne se passe pas du tout comme ça. C'est du complot.
- Speaker #0
On arrive au terme de cette émission. Est-ce qu'il y a un point qu'on n'a pas abordé, que vous souhaiteriez mettre en avant, par rapport justement à cette actualité des primeurs ?
- Speaker #2
Je vais reprendre ce que tu disais, Bordeaux a des terroirs exceptionnels, un savoir-faire exceptionnel. Et quelle que soit l'appellation, que ce soit rive gauche, rive droite, que ce soit toi dans les graves, je pense que la marque Bordeaux, on va parler de marque Bordeaux, a un vrai potentiel. Maintenant, il faut défendre la marque Bordeaux et défendre notre savoir-faire bordelais.
- Speaker #1
Et moi, je conclurai sur le 2024. qui est un immense millésime de plaisir. Et je vous dis, jetez-vous sur ce business 2024, sur la propriété que vous aimez, parce que vous allez vous régaler, vous allez pouvoir les ouvrir dans les deux ans, les trois ans, et vous allez avoir des vins délicieux.
- Speaker #0
En tout cas, merci beaucoup d'avoir accepté le jeu de cette interview simultanée.
- Speaker #2
Merci de nous avoir invités.
- Speaker #0
Merci beaucoup et à bientôt.
- Speaker #2
Merci à toi.
- Speaker #0
Merci d'avoir pris le temps de nous écouter et de nous être fidèles. Vous êtes aujourd'hui plus de 16 000 à écouter ce podcast ou à nous suivre sur les réseaux sociaux. Si vous avez apprécié ce contenu, Partagez-le autour de vous, abonnez-vous à Vindivin et rejoignez les clubs sur vindivin.fr. Ce contenu a été créé avec le soutien de Alma, société de conseil en croissance digitale qui accompagne les marques dans leur transformation digitale et leur développement commercial. Pour ma part, je vous donne rendez-vous dans quelques semaines pour un nouvel épisode de Vindivin. En attendant, portez-vous bien !