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80 BPM

"Chroniques franco-DZ : né un 1er novembre" (Partie 2)

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15min |09/10/2025
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"Chroniques franco-DZ : né un 1er novembre" (Partie 2)

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15min |09/10/2025
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Description

Deuxième partie de la chronique franco-DZ « Né un 1er novembre ».


À travers un voyage en Algérie et le récit bouleversant d’un drame vécu par un membre de ma famille pendant la guerre d’indépendance, cet épisode interroge la transmission, le trauma et l’identité.


Comment aborder ces questions avec les jeunes générations de Franco-Algériens ? Et comment réagir face aux nouvelles offensives des nostalgiques de l’Algérie française ?


Mon neveu, étudiant fraîchement diplômé, m’a un jour demandé si je me sentais chez moi en France.
Je lui ai répondu avec le cœur : je ne sais pas…


Et dans ce podcast, je vous explique pourquoi.


🎧 Bonne écoute.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Deuxième partie de cet épisode de 80 BPM intitulé « Né un 1er novembre » . On s'était quitté sur une première histoire destinée à illustrer le fait que la guerre d'Algérie suit les franco-algériens quasiment toute leur vie. Et bien à présent, je vais vous raconter une deuxième histoire. Cette deuxième histoire est liée à un séjour en Algérie que j'ai fait récemment avec ma petite famille. Depuis la fin de la décennie noire, il y a un « nouveau rapport » qui s'installe progressivement. entre l'Algérie et sa diaspora, notamment sa diaspora en France. Donc il y a beaucoup ce côté retour aux sources pour des familles françaises d'ascendance algérienne. Je dis ascendance algérienne au sens large puisqu'on voit aussi des petits-enfants de pieds noirs ou de juifs algériens qui font des séjours sur place dans un pays qui se développe de manière assez impressionnante. C'est donc un phénomène vraiment très intéressant. Donc moi, depuis quelques années, j'y vais. plus souvent et j'y vais surtout pour faire découvrir ce pays à mes enfants. J'en parlerai dans un instant, mais je ne m'attendais pas à découvrir moi-même autant de choses à propos de ma famille et de la guerre d'Algérie. C'est en rendant visite à l'une de mes tantes que j'ai été particulièrement choqué. Donc, je passe un peu de temps avec elle. Ma tante, elle est assez âgée, mais toujours dans la rigolade. Ça, je vous l'ai dit, cette famille. Et je remarque qu'elle prend des médicaments. Lorsque je demande à mon cousin si elle va bien. est-ce qu'elle a des soucis de santé, il m'explique qu'en fait elle fait des épisodes dépressifs. Et ces épisodes dépressifs nécessitent une prise en charge, un traitement. J'en demande pas plus par politesse, mais je m'en reçois plus tard, notamment auprès de ma mère, sa sœur, et je découvre que ces épisodes dépressifs sont liés à ce qu'on appelle communément un stress post-traumatique, après une expérience terrible vécue, vous l'avez deviné, pendant la guerre d'Algérie. Je tiens à prévenir les personnes sensibles que ce que je vais évoquer dans un instant est particulièrement violent. Donc si vous voulez arrêter l'écoute ou faire avance rapide, c'est maintenant. On est donc pendant la guerre d'Algérie, ma tante. jeune marié et chez sa belle famille à Palestro. Palestro, c'est une ville qui s'appelle aujourd'hui Lardalia. J'en ai déjà parlé dans un précédent podcast. Une ville à environ 70 km d'Alger qui est connue pour avoir été le théâtre de ce qu'on appelle l'embuscade de Palestro qui a eu lieu en 1956. Une embuscade durant laquelle toute une unité française a été décimée par les révolutionnaires algériens. Donc, vous imaginez le contexte explosif. Ma tante est chez sa belle-mère, qui est également ma grand-mère, durant... Une séquence où les soldats français harcèlent quotidiennement les familles car elles recherchent un instituteur algérien qui fournit selon eux des vivres aux combattants de la LN, l'armée de libération nationale. En dehors des meurtres, tortures et autres violences commises par les français, ce que toutes les femmes algériennes redoutent particulièrement, c'est le viol. C'est encore trop peu évoqué selon moi aujourd'hui, mais durant la guerre d'Algérie, le viol était une arme massivement utilisée par l'armée française. Pour protéger les jeunes filles, les jeunes algériennes, les mères faisaient tout pour les rendre repoussantes. Et l'une des techniques les plus utilisées, c'était de leur enduire la peau d'un mélange d'eau et d'excréments d'animaux. Dès qu'on savait que les soldats français étaient dans le secteur, on leur appliquait ce mélange pour tenter de les protéger, tout simplement. Donc arrive ce jour où les soldats débarquent chez ma grand-mère, mon grand-père n'est pas là, et ils se mettent à poser des questions pour obtenir des informations sur ce fameux instituteur. Quand on lui demande qui sont les jeunes femmes présentes à la maison, ma grand-mère, de peur qu'on les traite différemment, dit « ce sont toutes mes filles, y compris ma tante » . Les soldats discutent entre eux, mais ce qu'ils ne savent pas, c'est que ma tante, contrairement à ses belles-sœurs, est une Algéroise et elle comprend parfaitement le français. Et lorsque l'un d'entre eux a des propos qui terrorisent ma tante, je ne sais pas lesquels, mais ma tante est trahie par ses émotions puisqu'elle a une espèce de tressaillement. Elle sursaute brusquement. L'officier qui dirige les soldats ce jour-là, qui était visiblement redoutable, remarque la réaction de ma tante. Il fait appeler ma grand-mère, il désigne ma tante du doigt et il dit Tu m'as menti, elle, elle n'est pas d'ici. C'est une Algéroise, ça se voit. Elle comprend ce qu'on dit depuis tout à l'heure. L'officier insiste et se dit, pourquoi cacher la véritable identité de cette jeune fille ? Il a fallu tout le talent de rhétoricienne, on va dire, de ma grand-mère pour les embrouiller et les convaincre de lâcher l'affaire. Les soldats repartent mais disent qu'il se passe quelque chose de louche dans ce douar. C'est comme ça qu'on appelle un groupement d'habitation milieu rural, dans la montagne. Donc pour eux, l'instituteur n'est pas loin. Ils répètent qu'ils vont le trouver et quand ce sera fait, ça va mal se terminer. Et en effet, peu après, ils retrouvent ce monsieur. Une fois capturé, ce qu'ils font, c'est qu'ils vont défoncer toutes les portes des maisons. pour ramener de force toutes les familles, enfants, tout le monde sur la place principale du village. Là, ils attachent l'instituteur pour procéder à l'exécution. Tout de suite, pas d'interrogatoire, pas de procès, rien. Les soldats braquent leurs armes en direction des habitants et leur demandent de regarder l'exécution. Quand ma tante essaye de détourner le regard pour ne pas assister à l'exécution, un soldat l'attrape violemment avec une main, il lui tire les cheveux pour lui relever la tête et avec l'autre, il la saisit fortement par la mâchoire pour la maintenir. et lui dit « Tu vas regarder jusqu'au bout. » Au soldat qui procède à l'exécution, on donne l'ordre de tirer dans la gorge. Et ma tante raconte en effet avoir été obligée de voir cet instituteur, la gorge transpercée par plusieurs balles, le sang qui gicle abondamment, et ils vont être obligés de le regarder, agonisé comme ça, attaché à un arbre. Voilà, c'était ça la guerre d'Algérie. Des histoires comme ça, toutes les familles algériennes en ont, et aujourd'hui encore, on n'en finit plus de découvrir l'ampleur. l'horreur de ce qu'on a appelé la colonisation. Mais même si ça m'a secoué, je suis évidemment plus armé à mon âge pour entendre ce récit que lorsque j'avais 15 ou 20 ans. Donc tu te dis comment tu gères cet héritage quand tu es un enfant ? Et comment tu fais avec tes propres enfants ? Comment tu fais pour gérer cette histoire douloureuse entre tes deux cultures qui sont très marquées ? Parfois beaucoup plus qu'on ne le croit. Si toi, né en France, dans le Berry comme moi, à Paris ou en Alsace, t'es français, limite franchouillard, T'imagines la génération suivante. Perso, moi, sans jamais avoir poussé le délire patriote français, parfois, je suis un peu perdu au niveau de mes enfants. Moi, par exemple, mon fils, il doit avoir 5 ans. On va avoir le feu d'artifice le 14 juillet. Il est sur mes épaules. Juste après le feu d'artifice, il se met à gueuler. Vive la France ! La France fait mieux que tout le monde, etc. Tout le monde nous regarde. Je me demandais, mais qu'est-ce qui t'arrive ? Ma fille, pareil. Quand elle était plus petite, je l'emmenais au manège. Elle choisissait toujours un avion. un avion genre à l'ancienne, avion à réaction. Et un jour, je lui dis, pourquoi celui-là ? Pourquoi tu choisis toujours le même avion ? Et elle me dit, parce qu'il y a le drapeau bleu-blanc-rouge sur une aile. Et je regarde, en effet, il y avait un petit drapeau français sur une aile. Voilà, c'est comme ça. Bon, depuis, comme je vous l'ai dit, ils sont allés en Algérie, donc là, je ne vous cache pas que le gène des aides a fait une remontada assez spectaculaire. Je me souviens, après un voyage en Algérie, on rentre en France. Peu de temps après, mon fils, vraiment, il s'assoit à côté de moi, sur le canapé, et il me dit, tu peux Tu peux mettre des buts de l'équipe d'Algérie sur YouTube. Coupe d'Afrique 2019. Coup franc de maresse dans les arrêts de jeu. La totale. Et je lui ai dit, oui, ok, c'est normal. C'est la base. Pareil pour ma fille. On vient de rentrer et elle voulait aller à l'école en robe cabile. Récemment, je discutais avec l'un de mes neveux qui voulait faire un séjour en Algérie. Il est adulte, il a fini ses études. J'ai essayé de le guider en lui disant d'aller dans tel endroit, de faire comme ça pour l'hébergement, etc. Et je ne sais pas pourquoi, au bout d'un moment, je lui dis tu vas voir, tu vas adorer. Et puis quand même, ce qui est top, c'est que tu te sens chez toi. Et là, tout de suite, il me dit tu te sens chez toi en France. Et moi, je lui réponds je ne sais pas. Et à son tour, il me dit moi aussi, je ne sais pas. Donc lui, ce sont ses grands-parents qui sont venus s'installer en France. Et moi, je le répète, franchement, je ne sais pas. Je sais que je suis chez moi, que c'est chez moi, mais est-ce que je me sens chez moi ? C'est une autre question. Je ne sais pas si je me sens chez moi et c'est la stricte vérité. À Vienzon, oui, je me sens chez moi, pour des raisons que j'ai évoquées dans un précédent podcast, mais ailleurs en France, ça dépend. Il y a des jours avec, il y a des jours sans. Il y a quelques mois, je pense qu'on était très nombreux au niveau des franco-algériens à se demander ce qu'on faisait finalement en France et si on avait un avenir ici. La virulence, l'ampleur de la campagne médiatique et politique contre les Algériens était tellement dingue qu'on se posait la question que j'évoquais au début de ce podcast. Est-ce que notre présence ici n'est pas contre nature ? Sous prétexte de crise des OQTF, d'Affaires Sans Salle et autres tensions diplomatiques, on a eu une vague d'algérophobie. Je pense qu'il faut utiliser ce mot. Une vague d'algérophobie qui était certainement le fruit d'une concertation entre plusieurs acteurs. Le nombre de débats organisés, de une des médias, d'affaires parfois bancales qu'on brandissait pour taper sur les Algériens, c'est quand même très difficile de croire à un concours de circonstances. Et c'est là qu'on en vient à cette histoire de transmission. Dans tous ceux qu'on peut appeler les nostalgiques de l'Algérie française et qui ont vécu la guerre d'Algérie, certains sont toujours parmi nous, Ils sont encore actifs, mais surtout, ils ont transmis leurs idées, leurs récits mythologiques, parfois leur haine, à leurs descendants. Et à leur tour, on voit que ces derniers sont très actifs sur le sujet, en politique, dans les médias, etc. On sent que cette frange de la population a une espèce de volonté de revanche concernant la guerre d'Algérie. D'après des estimations, si on compte descendants d'Algériens, pieds noirs, juifs d'Algérie, anciens soldats et leurs descendants, on sait qu'on parle en millions. Récemment, certains ont même avancé le chiffre. de 25% de la population française qui aurait un lien avec l'Algérie. C'est pour ça qu'à chaque fois qu'une personne s'exprime dans un média, dans un livre ou autre sur l'Algérie, on devrait savoir d'où cette personne parle. Et le ou la journaliste qui invite ces personnes devrait évoquer cette filiation. C'est quand même assez malhonnête intellectuellement de laisser quelqu'un balancer des choses complètement délirantes sur l'Algérie et les Algériens, sans préciser que lui ou elle ou sa famille étaient fortement impliqués dans la défense de l'Algérie française. voire même carrément lié à l'OAS, l'organisation de l'armée secrète qui a fait un carnage pendant la guerre d'Algérie. Ça peut arriver, mais en général, si vous êtes attentif et si vous vous renseignez, vous verrez qu'on invite rarement des personnes neutres pour parler de l'Algérie. Il y a toujours derrière une histoire personnelle avec l'Algérie. Alors maintenant, pour avancer sur cette question de la présence des Algériens en France. Quand j'y réfléchis, je cherche des comparaisons. Je me dis, les tensions entre la France et l'Allemagne ont eu un rôle central dans le déclenchement de deux guerres mondiales. Et pourtant, les Français et les Allemands ont fini par faire la paix et tourner la page. Mais pour ça, il a fallu reconnaître ce qui s'est passé, notamment ce que les Allemands ont fait aux Français pendant la Seconde Guerre mondiale. On pourrait aussi évoquer le sort des Juifs français. Est-ce qu'on peut, lorsqu'on est Juif, et plus particulièrement un Juif français, vivre en France après la collaboration ? On a beau avoir détruit le Veldiv, les traces sont là. Il n'y a pas une semaine sans que je marche dans Paris et que je m'attarde sur une plaque, sur un bâtiment qui dit que tant d'hommes, tant de femmes, tant d'enfants juifs ont été raflés ici. notamment dans des écoles. Et pourtant, les Juifs français sont toujours là, y compris les descendants de ceux qui ont connu les camps de la mort, parce qu'il y a eu reconnaissance de ce crime. Pour ce qui est des 132 ans de colonisation en Algérie, la reconnaissance officielle des crimes commis par la France finira par arriver. C'est inéluctable. C'est le sens de l'histoire. La question, c'est quand ? Si vous pouvez compter, pouvez-vous le dégager ? Pouvez-vous le dégager ? Pouvez-vous le dégager ? Pour titiller les défenseurs du concept de français de souche et autres suprémacistes, je dis souvent que je suis aussi français que le général de Gaulle. Je suis français de naissance. Français de naissance, pourquoi ? Parce que, comme des millions de franco-algériens, je suis né en France de parents nés en Algérie avant la dépendance. Donc sur le sol français. Puisqu'à l'époque, l'Algérie, c'était la France. Personne n'a forcé ma famille à venir s'installer en France, mais ma famille n'est pas entrée en force. Je suis né un 1er novembre, comme tous les franco-algériens finalement. Parce qu'on porte tous en nous le poids de cette histoire et qu'on a appris à vivre avec. Malgré les obstacles et malgré les semeurs de haine qui continuent de nier que le colonialisme, Comme le disait Fanon, et la violence à l'état de nature. Pour finir, je dirais que, à chaque fois que je ne me sens pas chez moi en France, je me dis, rappelle-toi que pour faire de la radio et pour faire ce podcast, tu travailles ta diction pour masquer ton accent bérichon. Merci de m'avoir écouté et à très bientôt sur 80BPM. Adieu la France, bonjour l'Algérie Quand je t'ai quitté, combien j'ai pleuré Fini souffrant Fini l'indifférence Bientôt je serai avec toi ma chérie Réunis ta bonne ou ta belle J'ai eu...

Description

Deuxième partie de la chronique franco-DZ « Né un 1er novembre ».


À travers un voyage en Algérie et le récit bouleversant d’un drame vécu par un membre de ma famille pendant la guerre d’indépendance, cet épisode interroge la transmission, le trauma et l’identité.


Comment aborder ces questions avec les jeunes générations de Franco-Algériens ? Et comment réagir face aux nouvelles offensives des nostalgiques de l’Algérie française ?


Mon neveu, étudiant fraîchement diplômé, m’a un jour demandé si je me sentais chez moi en France.
Je lui ai répondu avec le cœur : je ne sais pas…


Et dans ce podcast, je vous explique pourquoi.


🎧 Bonne écoute.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Deuxième partie de cet épisode de 80 BPM intitulé « Né un 1er novembre » . On s'était quitté sur une première histoire destinée à illustrer le fait que la guerre d'Algérie suit les franco-algériens quasiment toute leur vie. Et bien à présent, je vais vous raconter une deuxième histoire. Cette deuxième histoire est liée à un séjour en Algérie que j'ai fait récemment avec ma petite famille. Depuis la fin de la décennie noire, il y a un « nouveau rapport » qui s'installe progressivement. entre l'Algérie et sa diaspora, notamment sa diaspora en France. Donc il y a beaucoup ce côté retour aux sources pour des familles françaises d'ascendance algérienne. Je dis ascendance algérienne au sens large puisqu'on voit aussi des petits-enfants de pieds noirs ou de juifs algériens qui font des séjours sur place dans un pays qui se développe de manière assez impressionnante. C'est donc un phénomène vraiment très intéressant. Donc moi, depuis quelques années, j'y vais. plus souvent et j'y vais surtout pour faire découvrir ce pays à mes enfants. J'en parlerai dans un instant, mais je ne m'attendais pas à découvrir moi-même autant de choses à propos de ma famille et de la guerre d'Algérie. C'est en rendant visite à l'une de mes tantes que j'ai été particulièrement choqué. Donc, je passe un peu de temps avec elle. Ma tante, elle est assez âgée, mais toujours dans la rigolade. Ça, je vous l'ai dit, cette famille. Et je remarque qu'elle prend des médicaments. Lorsque je demande à mon cousin si elle va bien. est-ce qu'elle a des soucis de santé, il m'explique qu'en fait elle fait des épisodes dépressifs. Et ces épisodes dépressifs nécessitent une prise en charge, un traitement. J'en demande pas plus par politesse, mais je m'en reçois plus tard, notamment auprès de ma mère, sa sœur, et je découvre que ces épisodes dépressifs sont liés à ce qu'on appelle communément un stress post-traumatique, après une expérience terrible vécue, vous l'avez deviné, pendant la guerre d'Algérie. Je tiens à prévenir les personnes sensibles que ce que je vais évoquer dans un instant est particulièrement violent. Donc si vous voulez arrêter l'écoute ou faire avance rapide, c'est maintenant. On est donc pendant la guerre d'Algérie, ma tante. jeune marié et chez sa belle famille à Palestro. Palestro, c'est une ville qui s'appelle aujourd'hui Lardalia. J'en ai déjà parlé dans un précédent podcast. Une ville à environ 70 km d'Alger qui est connue pour avoir été le théâtre de ce qu'on appelle l'embuscade de Palestro qui a eu lieu en 1956. Une embuscade durant laquelle toute une unité française a été décimée par les révolutionnaires algériens. Donc, vous imaginez le contexte explosif. Ma tante est chez sa belle-mère, qui est également ma grand-mère, durant... Une séquence où les soldats français harcèlent quotidiennement les familles car elles recherchent un instituteur algérien qui fournit selon eux des vivres aux combattants de la LN, l'armée de libération nationale. En dehors des meurtres, tortures et autres violences commises par les français, ce que toutes les femmes algériennes redoutent particulièrement, c'est le viol. C'est encore trop peu évoqué selon moi aujourd'hui, mais durant la guerre d'Algérie, le viol était une arme massivement utilisée par l'armée française. Pour protéger les jeunes filles, les jeunes algériennes, les mères faisaient tout pour les rendre repoussantes. Et l'une des techniques les plus utilisées, c'était de leur enduire la peau d'un mélange d'eau et d'excréments d'animaux. Dès qu'on savait que les soldats français étaient dans le secteur, on leur appliquait ce mélange pour tenter de les protéger, tout simplement. Donc arrive ce jour où les soldats débarquent chez ma grand-mère, mon grand-père n'est pas là, et ils se mettent à poser des questions pour obtenir des informations sur ce fameux instituteur. Quand on lui demande qui sont les jeunes femmes présentes à la maison, ma grand-mère, de peur qu'on les traite différemment, dit « ce sont toutes mes filles, y compris ma tante » . Les soldats discutent entre eux, mais ce qu'ils ne savent pas, c'est que ma tante, contrairement à ses belles-sœurs, est une Algéroise et elle comprend parfaitement le français. Et lorsque l'un d'entre eux a des propos qui terrorisent ma tante, je ne sais pas lesquels, mais ma tante est trahie par ses émotions puisqu'elle a une espèce de tressaillement. Elle sursaute brusquement. L'officier qui dirige les soldats ce jour-là, qui était visiblement redoutable, remarque la réaction de ma tante. Il fait appeler ma grand-mère, il désigne ma tante du doigt et il dit Tu m'as menti, elle, elle n'est pas d'ici. C'est une Algéroise, ça se voit. Elle comprend ce qu'on dit depuis tout à l'heure. L'officier insiste et se dit, pourquoi cacher la véritable identité de cette jeune fille ? Il a fallu tout le talent de rhétoricienne, on va dire, de ma grand-mère pour les embrouiller et les convaincre de lâcher l'affaire. Les soldats repartent mais disent qu'il se passe quelque chose de louche dans ce douar. C'est comme ça qu'on appelle un groupement d'habitation milieu rural, dans la montagne. Donc pour eux, l'instituteur n'est pas loin. Ils répètent qu'ils vont le trouver et quand ce sera fait, ça va mal se terminer. Et en effet, peu après, ils retrouvent ce monsieur. Une fois capturé, ce qu'ils font, c'est qu'ils vont défoncer toutes les portes des maisons. pour ramener de force toutes les familles, enfants, tout le monde sur la place principale du village. Là, ils attachent l'instituteur pour procéder à l'exécution. Tout de suite, pas d'interrogatoire, pas de procès, rien. Les soldats braquent leurs armes en direction des habitants et leur demandent de regarder l'exécution. Quand ma tante essaye de détourner le regard pour ne pas assister à l'exécution, un soldat l'attrape violemment avec une main, il lui tire les cheveux pour lui relever la tête et avec l'autre, il la saisit fortement par la mâchoire pour la maintenir. et lui dit « Tu vas regarder jusqu'au bout. » Au soldat qui procède à l'exécution, on donne l'ordre de tirer dans la gorge. Et ma tante raconte en effet avoir été obligée de voir cet instituteur, la gorge transpercée par plusieurs balles, le sang qui gicle abondamment, et ils vont être obligés de le regarder, agonisé comme ça, attaché à un arbre. Voilà, c'était ça la guerre d'Algérie. Des histoires comme ça, toutes les familles algériennes en ont, et aujourd'hui encore, on n'en finit plus de découvrir l'ampleur. l'horreur de ce qu'on a appelé la colonisation. Mais même si ça m'a secoué, je suis évidemment plus armé à mon âge pour entendre ce récit que lorsque j'avais 15 ou 20 ans. Donc tu te dis comment tu gères cet héritage quand tu es un enfant ? Et comment tu fais avec tes propres enfants ? Comment tu fais pour gérer cette histoire douloureuse entre tes deux cultures qui sont très marquées ? Parfois beaucoup plus qu'on ne le croit. Si toi, né en France, dans le Berry comme moi, à Paris ou en Alsace, t'es français, limite franchouillard, T'imagines la génération suivante. Perso, moi, sans jamais avoir poussé le délire patriote français, parfois, je suis un peu perdu au niveau de mes enfants. Moi, par exemple, mon fils, il doit avoir 5 ans. On va avoir le feu d'artifice le 14 juillet. Il est sur mes épaules. Juste après le feu d'artifice, il se met à gueuler. Vive la France ! La France fait mieux que tout le monde, etc. Tout le monde nous regarde. Je me demandais, mais qu'est-ce qui t'arrive ? Ma fille, pareil. Quand elle était plus petite, je l'emmenais au manège. Elle choisissait toujours un avion. un avion genre à l'ancienne, avion à réaction. Et un jour, je lui dis, pourquoi celui-là ? Pourquoi tu choisis toujours le même avion ? Et elle me dit, parce qu'il y a le drapeau bleu-blanc-rouge sur une aile. Et je regarde, en effet, il y avait un petit drapeau français sur une aile. Voilà, c'est comme ça. Bon, depuis, comme je vous l'ai dit, ils sont allés en Algérie, donc là, je ne vous cache pas que le gène des aides a fait une remontada assez spectaculaire. Je me souviens, après un voyage en Algérie, on rentre en France. Peu de temps après, mon fils, vraiment, il s'assoit à côté de moi, sur le canapé, et il me dit, tu peux Tu peux mettre des buts de l'équipe d'Algérie sur YouTube. Coupe d'Afrique 2019. Coup franc de maresse dans les arrêts de jeu. La totale. Et je lui ai dit, oui, ok, c'est normal. C'est la base. Pareil pour ma fille. On vient de rentrer et elle voulait aller à l'école en robe cabile. Récemment, je discutais avec l'un de mes neveux qui voulait faire un séjour en Algérie. Il est adulte, il a fini ses études. J'ai essayé de le guider en lui disant d'aller dans tel endroit, de faire comme ça pour l'hébergement, etc. Et je ne sais pas pourquoi, au bout d'un moment, je lui dis tu vas voir, tu vas adorer. Et puis quand même, ce qui est top, c'est que tu te sens chez toi. Et là, tout de suite, il me dit tu te sens chez toi en France. Et moi, je lui réponds je ne sais pas. Et à son tour, il me dit moi aussi, je ne sais pas. Donc lui, ce sont ses grands-parents qui sont venus s'installer en France. Et moi, je le répète, franchement, je ne sais pas. Je sais que je suis chez moi, que c'est chez moi, mais est-ce que je me sens chez moi ? C'est une autre question. Je ne sais pas si je me sens chez moi et c'est la stricte vérité. À Vienzon, oui, je me sens chez moi, pour des raisons que j'ai évoquées dans un précédent podcast, mais ailleurs en France, ça dépend. Il y a des jours avec, il y a des jours sans. Il y a quelques mois, je pense qu'on était très nombreux au niveau des franco-algériens à se demander ce qu'on faisait finalement en France et si on avait un avenir ici. La virulence, l'ampleur de la campagne médiatique et politique contre les Algériens était tellement dingue qu'on se posait la question que j'évoquais au début de ce podcast. Est-ce que notre présence ici n'est pas contre nature ? Sous prétexte de crise des OQTF, d'Affaires Sans Salle et autres tensions diplomatiques, on a eu une vague d'algérophobie. Je pense qu'il faut utiliser ce mot. Une vague d'algérophobie qui était certainement le fruit d'une concertation entre plusieurs acteurs. Le nombre de débats organisés, de une des médias, d'affaires parfois bancales qu'on brandissait pour taper sur les Algériens, c'est quand même très difficile de croire à un concours de circonstances. Et c'est là qu'on en vient à cette histoire de transmission. Dans tous ceux qu'on peut appeler les nostalgiques de l'Algérie française et qui ont vécu la guerre d'Algérie, certains sont toujours parmi nous, Ils sont encore actifs, mais surtout, ils ont transmis leurs idées, leurs récits mythologiques, parfois leur haine, à leurs descendants. Et à leur tour, on voit que ces derniers sont très actifs sur le sujet, en politique, dans les médias, etc. On sent que cette frange de la population a une espèce de volonté de revanche concernant la guerre d'Algérie. D'après des estimations, si on compte descendants d'Algériens, pieds noirs, juifs d'Algérie, anciens soldats et leurs descendants, on sait qu'on parle en millions. Récemment, certains ont même avancé le chiffre. de 25% de la population française qui aurait un lien avec l'Algérie. C'est pour ça qu'à chaque fois qu'une personne s'exprime dans un média, dans un livre ou autre sur l'Algérie, on devrait savoir d'où cette personne parle. Et le ou la journaliste qui invite ces personnes devrait évoquer cette filiation. C'est quand même assez malhonnête intellectuellement de laisser quelqu'un balancer des choses complètement délirantes sur l'Algérie et les Algériens, sans préciser que lui ou elle ou sa famille étaient fortement impliqués dans la défense de l'Algérie française. voire même carrément lié à l'OAS, l'organisation de l'armée secrète qui a fait un carnage pendant la guerre d'Algérie. Ça peut arriver, mais en général, si vous êtes attentif et si vous vous renseignez, vous verrez qu'on invite rarement des personnes neutres pour parler de l'Algérie. Il y a toujours derrière une histoire personnelle avec l'Algérie. Alors maintenant, pour avancer sur cette question de la présence des Algériens en France. Quand j'y réfléchis, je cherche des comparaisons. Je me dis, les tensions entre la France et l'Allemagne ont eu un rôle central dans le déclenchement de deux guerres mondiales. Et pourtant, les Français et les Allemands ont fini par faire la paix et tourner la page. Mais pour ça, il a fallu reconnaître ce qui s'est passé, notamment ce que les Allemands ont fait aux Français pendant la Seconde Guerre mondiale. On pourrait aussi évoquer le sort des Juifs français. Est-ce qu'on peut, lorsqu'on est Juif, et plus particulièrement un Juif français, vivre en France après la collaboration ? On a beau avoir détruit le Veldiv, les traces sont là. Il n'y a pas une semaine sans que je marche dans Paris et que je m'attarde sur une plaque, sur un bâtiment qui dit que tant d'hommes, tant de femmes, tant d'enfants juifs ont été raflés ici. notamment dans des écoles. Et pourtant, les Juifs français sont toujours là, y compris les descendants de ceux qui ont connu les camps de la mort, parce qu'il y a eu reconnaissance de ce crime. Pour ce qui est des 132 ans de colonisation en Algérie, la reconnaissance officielle des crimes commis par la France finira par arriver. C'est inéluctable. C'est le sens de l'histoire. La question, c'est quand ? Si vous pouvez compter, pouvez-vous le dégager ? Pouvez-vous le dégager ? Pouvez-vous le dégager ? Pour titiller les défenseurs du concept de français de souche et autres suprémacistes, je dis souvent que je suis aussi français que le général de Gaulle. Je suis français de naissance. Français de naissance, pourquoi ? Parce que, comme des millions de franco-algériens, je suis né en France de parents nés en Algérie avant la dépendance. Donc sur le sol français. Puisqu'à l'époque, l'Algérie, c'était la France. Personne n'a forcé ma famille à venir s'installer en France, mais ma famille n'est pas entrée en force. Je suis né un 1er novembre, comme tous les franco-algériens finalement. Parce qu'on porte tous en nous le poids de cette histoire et qu'on a appris à vivre avec. Malgré les obstacles et malgré les semeurs de haine qui continuent de nier que le colonialisme, Comme le disait Fanon, et la violence à l'état de nature. Pour finir, je dirais que, à chaque fois que je ne me sens pas chez moi en France, je me dis, rappelle-toi que pour faire de la radio et pour faire ce podcast, tu travailles ta diction pour masquer ton accent bérichon. Merci de m'avoir écouté et à très bientôt sur 80BPM. Adieu la France, bonjour l'Algérie Quand je t'ai quitté, combien j'ai pleuré Fini souffrant Fini l'indifférence Bientôt je serai avec toi ma chérie Réunis ta bonne ou ta belle J'ai eu...

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Deuxième partie de la chronique franco-DZ « Né un 1er novembre ».


À travers un voyage en Algérie et le récit bouleversant d’un drame vécu par un membre de ma famille pendant la guerre d’indépendance, cet épisode interroge la transmission, le trauma et l’identité.


Comment aborder ces questions avec les jeunes générations de Franco-Algériens ? Et comment réagir face aux nouvelles offensives des nostalgiques de l’Algérie française ?


Mon neveu, étudiant fraîchement diplômé, m’a un jour demandé si je me sentais chez moi en France.
Je lui ai répondu avec le cœur : je ne sais pas…


Et dans ce podcast, je vous explique pourquoi.


🎧 Bonne écoute.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Deuxième partie de cet épisode de 80 BPM intitulé « Né un 1er novembre » . On s'était quitté sur une première histoire destinée à illustrer le fait que la guerre d'Algérie suit les franco-algériens quasiment toute leur vie. Et bien à présent, je vais vous raconter une deuxième histoire. Cette deuxième histoire est liée à un séjour en Algérie que j'ai fait récemment avec ma petite famille. Depuis la fin de la décennie noire, il y a un « nouveau rapport » qui s'installe progressivement. entre l'Algérie et sa diaspora, notamment sa diaspora en France. Donc il y a beaucoup ce côté retour aux sources pour des familles françaises d'ascendance algérienne. Je dis ascendance algérienne au sens large puisqu'on voit aussi des petits-enfants de pieds noirs ou de juifs algériens qui font des séjours sur place dans un pays qui se développe de manière assez impressionnante. C'est donc un phénomène vraiment très intéressant. Donc moi, depuis quelques années, j'y vais. plus souvent et j'y vais surtout pour faire découvrir ce pays à mes enfants. J'en parlerai dans un instant, mais je ne m'attendais pas à découvrir moi-même autant de choses à propos de ma famille et de la guerre d'Algérie. C'est en rendant visite à l'une de mes tantes que j'ai été particulièrement choqué. Donc, je passe un peu de temps avec elle. Ma tante, elle est assez âgée, mais toujours dans la rigolade. Ça, je vous l'ai dit, cette famille. Et je remarque qu'elle prend des médicaments. Lorsque je demande à mon cousin si elle va bien. est-ce qu'elle a des soucis de santé, il m'explique qu'en fait elle fait des épisodes dépressifs. Et ces épisodes dépressifs nécessitent une prise en charge, un traitement. J'en demande pas plus par politesse, mais je m'en reçois plus tard, notamment auprès de ma mère, sa sœur, et je découvre que ces épisodes dépressifs sont liés à ce qu'on appelle communément un stress post-traumatique, après une expérience terrible vécue, vous l'avez deviné, pendant la guerre d'Algérie. Je tiens à prévenir les personnes sensibles que ce que je vais évoquer dans un instant est particulièrement violent. Donc si vous voulez arrêter l'écoute ou faire avance rapide, c'est maintenant. On est donc pendant la guerre d'Algérie, ma tante. jeune marié et chez sa belle famille à Palestro. Palestro, c'est une ville qui s'appelle aujourd'hui Lardalia. J'en ai déjà parlé dans un précédent podcast. Une ville à environ 70 km d'Alger qui est connue pour avoir été le théâtre de ce qu'on appelle l'embuscade de Palestro qui a eu lieu en 1956. Une embuscade durant laquelle toute une unité française a été décimée par les révolutionnaires algériens. Donc, vous imaginez le contexte explosif. Ma tante est chez sa belle-mère, qui est également ma grand-mère, durant... Une séquence où les soldats français harcèlent quotidiennement les familles car elles recherchent un instituteur algérien qui fournit selon eux des vivres aux combattants de la LN, l'armée de libération nationale. En dehors des meurtres, tortures et autres violences commises par les français, ce que toutes les femmes algériennes redoutent particulièrement, c'est le viol. C'est encore trop peu évoqué selon moi aujourd'hui, mais durant la guerre d'Algérie, le viol était une arme massivement utilisée par l'armée française. Pour protéger les jeunes filles, les jeunes algériennes, les mères faisaient tout pour les rendre repoussantes. Et l'une des techniques les plus utilisées, c'était de leur enduire la peau d'un mélange d'eau et d'excréments d'animaux. Dès qu'on savait que les soldats français étaient dans le secteur, on leur appliquait ce mélange pour tenter de les protéger, tout simplement. Donc arrive ce jour où les soldats débarquent chez ma grand-mère, mon grand-père n'est pas là, et ils se mettent à poser des questions pour obtenir des informations sur ce fameux instituteur. Quand on lui demande qui sont les jeunes femmes présentes à la maison, ma grand-mère, de peur qu'on les traite différemment, dit « ce sont toutes mes filles, y compris ma tante » . Les soldats discutent entre eux, mais ce qu'ils ne savent pas, c'est que ma tante, contrairement à ses belles-sœurs, est une Algéroise et elle comprend parfaitement le français. Et lorsque l'un d'entre eux a des propos qui terrorisent ma tante, je ne sais pas lesquels, mais ma tante est trahie par ses émotions puisqu'elle a une espèce de tressaillement. Elle sursaute brusquement. L'officier qui dirige les soldats ce jour-là, qui était visiblement redoutable, remarque la réaction de ma tante. Il fait appeler ma grand-mère, il désigne ma tante du doigt et il dit Tu m'as menti, elle, elle n'est pas d'ici. C'est une Algéroise, ça se voit. Elle comprend ce qu'on dit depuis tout à l'heure. L'officier insiste et se dit, pourquoi cacher la véritable identité de cette jeune fille ? Il a fallu tout le talent de rhétoricienne, on va dire, de ma grand-mère pour les embrouiller et les convaincre de lâcher l'affaire. Les soldats repartent mais disent qu'il se passe quelque chose de louche dans ce douar. C'est comme ça qu'on appelle un groupement d'habitation milieu rural, dans la montagne. Donc pour eux, l'instituteur n'est pas loin. Ils répètent qu'ils vont le trouver et quand ce sera fait, ça va mal se terminer. Et en effet, peu après, ils retrouvent ce monsieur. Une fois capturé, ce qu'ils font, c'est qu'ils vont défoncer toutes les portes des maisons. pour ramener de force toutes les familles, enfants, tout le monde sur la place principale du village. Là, ils attachent l'instituteur pour procéder à l'exécution. Tout de suite, pas d'interrogatoire, pas de procès, rien. Les soldats braquent leurs armes en direction des habitants et leur demandent de regarder l'exécution. Quand ma tante essaye de détourner le regard pour ne pas assister à l'exécution, un soldat l'attrape violemment avec une main, il lui tire les cheveux pour lui relever la tête et avec l'autre, il la saisit fortement par la mâchoire pour la maintenir. et lui dit « Tu vas regarder jusqu'au bout. » Au soldat qui procède à l'exécution, on donne l'ordre de tirer dans la gorge. Et ma tante raconte en effet avoir été obligée de voir cet instituteur, la gorge transpercée par plusieurs balles, le sang qui gicle abondamment, et ils vont être obligés de le regarder, agonisé comme ça, attaché à un arbre. Voilà, c'était ça la guerre d'Algérie. Des histoires comme ça, toutes les familles algériennes en ont, et aujourd'hui encore, on n'en finit plus de découvrir l'ampleur. l'horreur de ce qu'on a appelé la colonisation. Mais même si ça m'a secoué, je suis évidemment plus armé à mon âge pour entendre ce récit que lorsque j'avais 15 ou 20 ans. Donc tu te dis comment tu gères cet héritage quand tu es un enfant ? Et comment tu fais avec tes propres enfants ? Comment tu fais pour gérer cette histoire douloureuse entre tes deux cultures qui sont très marquées ? Parfois beaucoup plus qu'on ne le croit. Si toi, né en France, dans le Berry comme moi, à Paris ou en Alsace, t'es français, limite franchouillard, T'imagines la génération suivante. Perso, moi, sans jamais avoir poussé le délire patriote français, parfois, je suis un peu perdu au niveau de mes enfants. Moi, par exemple, mon fils, il doit avoir 5 ans. On va avoir le feu d'artifice le 14 juillet. Il est sur mes épaules. Juste après le feu d'artifice, il se met à gueuler. Vive la France ! La France fait mieux que tout le monde, etc. Tout le monde nous regarde. Je me demandais, mais qu'est-ce qui t'arrive ? Ma fille, pareil. Quand elle était plus petite, je l'emmenais au manège. Elle choisissait toujours un avion. un avion genre à l'ancienne, avion à réaction. Et un jour, je lui dis, pourquoi celui-là ? Pourquoi tu choisis toujours le même avion ? Et elle me dit, parce qu'il y a le drapeau bleu-blanc-rouge sur une aile. Et je regarde, en effet, il y avait un petit drapeau français sur une aile. Voilà, c'est comme ça. Bon, depuis, comme je vous l'ai dit, ils sont allés en Algérie, donc là, je ne vous cache pas que le gène des aides a fait une remontada assez spectaculaire. Je me souviens, après un voyage en Algérie, on rentre en France. Peu de temps après, mon fils, vraiment, il s'assoit à côté de moi, sur le canapé, et il me dit, tu peux Tu peux mettre des buts de l'équipe d'Algérie sur YouTube. Coupe d'Afrique 2019. Coup franc de maresse dans les arrêts de jeu. La totale. Et je lui ai dit, oui, ok, c'est normal. C'est la base. Pareil pour ma fille. On vient de rentrer et elle voulait aller à l'école en robe cabile. Récemment, je discutais avec l'un de mes neveux qui voulait faire un séjour en Algérie. Il est adulte, il a fini ses études. J'ai essayé de le guider en lui disant d'aller dans tel endroit, de faire comme ça pour l'hébergement, etc. Et je ne sais pas pourquoi, au bout d'un moment, je lui dis tu vas voir, tu vas adorer. Et puis quand même, ce qui est top, c'est que tu te sens chez toi. Et là, tout de suite, il me dit tu te sens chez toi en France. Et moi, je lui réponds je ne sais pas. Et à son tour, il me dit moi aussi, je ne sais pas. Donc lui, ce sont ses grands-parents qui sont venus s'installer en France. Et moi, je le répète, franchement, je ne sais pas. Je sais que je suis chez moi, que c'est chez moi, mais est-ce que je me sens chez moi ? C'est une autre question. Je ne sais pas si je me sens chez moi et c'est la stricte vérité. À Vienzon, oui, je me sens chez moi, pour des raisons que j'ai évoquées dans un précédent podcast, mais ailleurs en France, ça dépend. Il y a des jours avec, il y a des jours sans. Il y a quelques mois, je pense qu'on était très nombreux au niveau des franco-algériens à se demander ce qu'on faisait finalement en France et si on avait un avenir ici. La virulence, l'ampleur de la campagne médiatique et politique contre les Algériens était tellement dingue qu'on se posait la question que j'évoquais au début de ce podcast. Est-ce que notre présence ici n'est pas contre nature ? Sous prétexte de crise des OQTF, d'Affaires Sans Salle et autres tensions diplomatiques, on a eu une vague d'algérophobie. Je pense qu'il faut utiliser ce mot. Une vague d'algérophobie qui était certainement le fruit d'une concertation entre plusieurs acteurs. Le nombre de débats organisés, de une des médias, d'affaires parfois bancales qu'on brandissait pour taper sur les Algériens, c'est quand même très difficile de croire à un concours de circonstances. Et c'est là qu'on en vient à cette histoire de transmission. Dans tous ceux qu'on peut appeler les nostalgiques de l'Algérie française et qui ont vécu la guerre d'Algérie, certains sont toujours parmi nous, Ils sont encore actifs, mais surtout, ils ont transmis leurs idées, leurs récits mythologiques, parfois leur haine, à leurs descendants. Et à leur tour, on voit que ces derniers sont très actifs sur le sujet, en politique, dans les médias, etc. On sent que cette frange de la population a une espèce de volonté de revanche concernant la guerre d'Algérie. D'après des estimations, si on compte descendants d'Algériens, pieds noirs, juifs d'Algérie, anciens soldats et leurs descendants, on sait qu'on parle en millions. Récemment, certains ont même avancé le chiffre. de 25% de la population française qui aurait un lien avec l'Algérie. C'est pour ça qu'à chaque fois qu'une personne s'exprime dans un média, dans un livre ou autre sur l'Algérie, on devrait savoir d'où cette personne parle. Et le ou la journaliste qui invite ces personnes devrait évoquer cette filiation. C'est quand même assez malhonnête intellectuellement de laisser quelqu'un balancer des choses complètement délirantes sur l'Algérie et les Algériens, sans préciser que lui ou elle ou sa famille étaient fortement impliqués dans la défense de l'Algérie française. voire même carrément lié à l'OAS, l'organisation de l'armée secrète qui a fait un carnage pendant la guerre d'Algérie. Ça peut arriver, mais en général, si vous êtes attentif et si vous vous renseignez, vous verrez qu'on invite rarement des personnes neutres pour parler de l'Algérie. Il y a toujours derrière une histoire personnelle avec l'Algérie. Alors maintenant, pour avancer sur cette question de la présence des Algériens en France. Quand j'y réfléchis, je cherche des comparaisons. Je me dis, les tensions entre la France et l'Allemagne ont eu un rôle central dans le déclenchement de deux guerres mondiales. Et pourtant, les Français et les Allemands ont fini par faire la paix et tourner la page. Mais pour ça, il a fallu reconnaître ce qui s'est passé, notamment ce que les Allemands ont fait aux Français pendant la Seconde Guerre mondiale. On pourrait aussi évoquer le sort des Juifs français. Est-ce qu'on peut, lorsqu'on est Juif, et plus particulièrement un Juif français, vivre en France après la collaboration ? On a beau avoir détruit le Veldiv, les traces sont là. Il n'y a pas une semaine sans que je marche dans Paris et que je m'attarde sur une plaque, sur un bâtiment qui dit que tant d'hommes, tant de femmes, tant d'enfants juifs ont été raflés ici. notamment dans des écoles. Et pourtant, les Juifs français sont toujours là, y compris les descendants de ceux qui ont connu les camps de la mort, parce qu'il y a eu reconnaissance de ce crime. Pour ce qui est des 132 ans de colonisation en Algérie, la reconnaissance officielle des crimes commis par la France finira par arriver. C'est inéluctable. C'est le sens de l'histoire. La question, c'est quand ? Si vous pouvez compter, pouvez-vous le dégager ? Pouvez-vous le dégager ? Pouvez-vous le dégager ? Pour titiller les défenseurs du concept de français de souche et autres suprémacistes, je dis souvent que je suis aussi français que le général de Gaulle. Je suis français de naissance. Français de naissance, pourquoi ? Parce que, comme des millions de franco-algériens, je suis né en France de parents nés en Algérie avant la dépendance. Donc sur le sol français. Puisqu'à l'époque, l'Algérie, c'était la France. Personne n'a forcé ma famille à venir s'installer en France, mais ma famille n'est pas entrée en force. Je suis né un 1er novembre, comme tous les franco-algériens finalement. Parce qu'on porte tous en nous le poids de cette histoire et qu'on a appris à vivre avec. Malgré les obstacles et malgré les semeurs de haine qui continuent de nier que le colonialisme, Comme le disait Fanon, et la violence à l'état de nature. Pour finir, je dirais que, à chaque fois que je ne me sens pas chez moi en France, je me dis, rappelle-toi que pour faire de la radio et pour faire ce podcast, tu travailles ta diction pour masquer ton accent bérichon. Merci de m'avoir écouté et à très bientôt sur 80BPM. Adieu la France, bonjour l'Algérie Quand je t'ai quitté, combien j'ai pleuré Fini souffrant Fini l'indifférence Bientôt je serai avec toi ma chérie Réunis ta bonne ou ta belle J'ai eu...

Description

Deuxième partie de la chronique franco-DZ « Né un 1er novembre ».


À travers un voyage en Algérie et le récit bouleversant d’un drame vécu par un membre de ma famille pendant la guerre d’indépendance, cet épisode interroge la transmission, le trauma et l’identité.


Comment aborder ces questions avec les jeunes générations de Franco-Algériens ? Et comment réagir face aux nouvelles offensives des nostalgiques de l’Algérie française ?


Mon neveu, étudiant fraîchement diplômé, m’a un jour demandé si je me sentais chez moi en France.
Je lui ai répondu avec le cœur : je ne sais pas…


Et dans ce podcast, je vous explique pourquoi.


🎧 Bonne écoute.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Deuxième partie de cet épisode de 80 BPM intitulé « Né un 1er novembre » . On s'était quitté sur une première histoire destinée à illustrer le fait que la guerre d'Algérie suit les franco-algériens quasiment toute leur vie. Et bien à présent, je vais vous raconter une deuxième histoire. Cette deuxième histoire est liée à un séjour en Algérie que j'ai fait récemment avec ma petite famille. Depuis la fin de la décennie noire, il y a un « nouveau rapport » qui s'installe progressivement. entre l'Algérie et sa diaspora, notamment sa diaspora en France. Donc il y a beaucoup ce côté retour aux sources pour des familles françaises d'ascendance algérienne. Je dis ascendance algérienne au sens large puisqu'on voit aussi des petits-enfants de pieds noirs ou de juifs algériens qui font des séjours sur place dans un pays qui se développe de manière assez impressionnante. C'est donc un phénomène vraiment très intéressant. Donc moi, depuis quelques années, j'y vais. plus souvent et j'y vais surtout pour faire découvrir ce pays à mes enfants. J'en parlerai dans un instant, mais je ne m'attendais pas à découvrir moi-même autant de choses à propos de ma famille et de la guerre d'Algérie. C'est en rendant visite à l'une de mes tantes que j'ai été particulièrement choqué. Donc, je passe un peu de temps avec elle. Ma tante, elle est assez âgée, mais toujours dans la rigolade. Ça, je vous l'ai dit, cette famille. Et je remarque qu'elle prend des médicaments. Lorsque je demande à mon cousin si elle va bien. est-ce qu'elle a des soucis de santé, il m'explique qu'en fait elle fait des épisodes dépressifs. Et ces épisodes dépressifs nécessitent une prise en charge, un traitement. J'en demande pas plus par politesse, mais je m'en reçois plus tard, notamment auprès de ma mère, sa sœur, et je découvre que ces épisodes dépressifs sont liés à ce qu'on appelle communément un stress post-traumatique, après une expérience terrible vécue, vous l'avez deviné, pendant la guerre d'Algérie. Je tiens à prévenir les personnes sensibles que ce que je vais évoquer dans un instant est particulièrement violent. Donc si vous voulez arrêter l'écoute ou faire avance rapide, c'est maintenant. On est donc pendant la guerre d'Algérie, ma tante. jeune marié et chez sa belle famille à Palestro. Palestro, c'est une ville qui s'appelle aujourd'hui Lardalia. J'en ai déjà parlé dans un précédent podcast. Une ville à environ 70 km d'Alger qui est connue pour avoir été le théâtre de ce qu'on appelle l'embuscade de Palestro qui a eu lieu en 1956. Une embuscade durant laquelle toute une unité française a été décimée par les révolutionnaires algériens. Donc, vous imaginez le contexte explosif. Ma tante est chez sa belle-mère, qui est également ma grand-mère, durant... Une séquence où les soldats français harcèlent quotidiennement les familles car elles recherchent un instituteur algérien qui fournit selon eux des vivres aux combattants de la LN, l'armée de libération nationale. En dehors des meurtres, tortures et autres violences commises par les français, ce que toutes les femmes algériennes redoutent particulièrement, c'est le viol. C'est encore trop peu évoqué selon moi aujourd'hui, mais durant la guerre d'Algérie, le viol était une arme massivement utilisée par l'armée française. Pour protéger les jeunes filles, les jeunes algériennes, les mères faisaient tout pour les rendre repoussantes. Et l'une des techniques les plus utilisées, c'était de leur enduire la peau d'un mélange d'eau et d'excréments d'animaux. Dès qu'on savait que les soldats français étaient dans le secteur, on leur appliquait ce mélange pour tenter de les protéger, tout simplement. Donc arrive ce jour où les soldats débarquent chez ma grand-mère, mon grand-père n'est pas là, et ils se mettent à poser des questions pour obtenir des informations sur ce fameux instituteur. Quand on lui demande qui sont les jeunes femmes présentes à la maison, ma grand-mère, de peur qu'on les traite différemment, dit « ce sont toutes mes filles, y compris ma tante » . Les soldats discutent entre eux, mais ce qu'ils ne savent pas, c'est que ma tante, contrairement à ses belles-sœurs, est une Algéroise et elle comprend parfaitement le français. Et lorsque l'un d'entre eux a des propos qui terrorisent ma tante, je ne sais pas lesquels, mais ma tante est trahie par ses émotions puisqu'elle a une espèce de tressaillement. Elle sursaute brusquement. L'officier qui dirige les soldats ce jour-là, qui était visiblement redoutable, remarque la réaction de ma tante. Il fait appeler ma grand-mère, il désigne ma tante du doigt et il dit Tu m'as menti, elle, elle n'est pas d'ici. C'est une Algéroise, ça se voit. Elle comprend ce qu'on dit depuis tout à l'heure. L'officier insiste et se dit, pourquoi cacher la véritable identité de cette jeune fille ? Il a fallu tout le talent de rhétoricienne, on va dire, de ma grand-mère pour les embrouiller et les convaincre de lâcher l'affaire. Les soldats repartent mais disent qu'il se passe quelque chose de louche dans ce douar. C'est comme ça qu'on appelle un groupement d'habitation milieu rural, dans la montagne. Donc pour eux, l'instituteur n'est pas loin. Ils répètent qu'ils vont le trouver et quand ce sera fait, ça va mal se terminer. Et en effet, peu après, ils retrouvent ce monsieur. Une fois capturé, ce qu'ils font, c'est qu'ils vont défoncer toutes les portes des maisons. pour ramener de force toutes les familles, enfants, tout le monde sur la place principale du village. Là, ils attachent l'instituteur pour procéder à l'exécution. Tout de suite, pas d'interrogatoire, pas de procès, rien. Les soldats braquent leurs armes en direction des habitants et leur demandent de regarder l'exécution. Quand ma tante essaye de détourner le regard pour ne pas assister à l'exécution, un soldat l'attrape violemment avec une main, il lui tire les cheveux pour lui relever la tête et avec l'autre, il la saisit fortement par la mâchoire pour la maintenir. et lui dit « Tu vas regarder jusqu'au bout. » Au soldat qui procède à l'exécution, on donne l'ordre de tirer dans la gorge. Et ma tante raconte en effet avoir été obligée de voir cet instituteur, la gorge transpercée par plusieurs balles, le sang qui gicle abondamment, et ils vont être obligés de le regarder, agonisé comme ça, attaché à un arbre. Voilà, c'était ça la guerre d'Algérie. Des histoires comme ça, toutes les familles algériennes en ont, et aujourd'hui encore, on n'en finit plus de découvrir l'ampleur. l'horreur de ce qu'on a appelé la colonisation. Mais même si ça m'a secoué, je suis évidemment plus armé à mon âge pour entendre ce récit que lorsque j'avais 15 ou 20 ans. Donc tu te dis comment tu gères cet héritage quand tu es un enfant ? Et comment tu fais avec tes propres enfants ? Comment tu fais pour gérer cette histoire douloureuse entre tes deux cultures qui sont très marquées ? Parfois beaucoup plus qu'on ne le croit. Si toi, né en France, dans le Berry comme moi, à Paris ou en Alsace, t'es français, limite franchouillard, T'imagines la génération suivante. Perso, moi, sans jamais avoir poussé le délire patriote français, parfois, je suis un peu perdu au niveau de mes enfants. Moi, par exemple, mon fils, il doit avoir 5 ans. On va avoir le feu d'artifice le 14 juillet. Il est sur mes épaules. Juste après le feu d'artifice, il se met à gueuler. Vive la France ! La France fait mieux que tout le monde, etc. Tout le monde nous regarde. Je me demandais, mais qu'est-ce qui t'arrive ? Ma fille, pareil. Quand elle était plus petite, je l'emmenais au manège. Elle choisissait toujours un avion. un avion genre à l'ancienne, avion à réaction. Et un jour, je lui dis, pourquoi celui-là ? Pourquoi tu choisis toujours le même avion ? Et elle me dit, parce qu'il y a le drapeau bleu-blanc-rouge sur une aile. Et je regarde, en effet, il y avait un petit drapeau français sur une aile. Voilà, c'est comme ça. Bon, depuis, comme je vous l'ai dit, ils sont allés en Algérie, donc là, je ne vous cache pas que le gène des aides a fait une remontada assez spectaculaire. Je me souviens, après un voyage en Algérie, on rentre en France. Peu de temps après, mon fils, vraiment, il s'assoit à côté de moi, sur le canapé, et il me dit, tu peux Tu peux mettre des buts de l'équipe d'Algérie sur YouTube. Coupe d'Afrique 2019. Coup franc de maresse dans les arrêts de jeu. La totale. Et je lui ai dit, oui, ok, c'est normal. C'est la base. Pareil pour ma fille. On vient de rentrer et elle voulait aller à l'école en robe cabile. Récemment, je discutais avec l'un de mes neveux qui voulait faire un séjour en Algérie. Il est adulte, il a fini ses études. J'ai essayé de le guider en lui disant d'aller dans tel endroit, de faire comme ça pour l'hébergement, etc. Et je ne sais pas pourquoi, au bout d'un moment, je lui dis tu vas voir, tu vas adorer. Et puis quand même, ce qui est top, c'est que tu te sens chez toi. Et là, tout de suite, il me dit tu te sens chez toi en France. Et moi, je lui réponds je ne sais pas. Et à son tour, il me dit moi aussi, je ne sais pas. Donc lui, ce sont ses grands-parents qui sont venus s'installer en France. Et moi, je le répète, franchement, je ne sais pas. Je sais que je suis chez moi, que c'est chez moi, mais est-ce que je me sens chez moi ? C'est une autre question. Je ne sais pas si je me sens chez moi et c'est la stricte vérité. À Vienzon, oui, je me sens chez moi, pour des raisons que j'ai évoquées dans un précédent podcast, mais ailleurs en France, ça dépend. Il y a des jours avec, il y a des jours sans. Il y a quelques mois, je pense qu'on était très nombreux au niveau des franco-algériens à se demander ce qu'on faisait finalement en France et si on avait un avenir ici. La virulence, l'ampleur de la campagne médiatique et politique contre les Algériens était tellement dingue qu'on se posait la question que j'évoquais au début de ce podcast. Est-ce que notre présence ici n'est pas contre nature ? Sous prétexte de crise des OQTF, d'Affaires Sans Salle et autres tensions diplomatiques, on a eu une vague d'algérophobie. Je pense qu'il faut utiliser ce mot. Une vague d'algérophobie qui était certainement le fruit d'une concertation entre plusieurs acteurs. Le nombre de débats organisés, de une des médias, d'affaires parfois bancales qu'on brandissait pour taper sur les Algériens, c'est quand même très difficile de croire à un concours de circonstances. Et c'est là qu'on en vient à cette histoire de transmission. Dans tous ceux qu'on peut appeler les nostalgiques de l'Algérie française et qui ont vécu la guerre d'Algérie, certains sont toujours parmi nous, Ils sont encore actifs, mais surtout, ils ont transmis leurs idées, leurs récits mythologiques, parfois leur haine, à leurs descendants. Et à leur tour, on voit que ces derniers sont très actifs sur le sujet, en politique, dans les médias, etc. On sent que cette frange de la population a une espèce de volonté de revanche concernant la guerre d'Algérie. D'après des estimations, si on compte descendants d'Algériens, pieds noirs, juifs d'Algérie, anciens soldats et leurs descendants, on sait qu'on parle en millions. Récemment, certains ont même avancé le chiffre. de 25% de la population française qui aurait un lien avec l'Algérie. C'est pour ça qu'à chaque fois qu'une personne s'exprime dans un média, dans un livre ou autre sur l'Algérie, on devrait savoir d'où cette personne parle. Et le ou la journaliste qui invite ces personnes devrait évoquer cette filiation. C'est quand même assez malhonnête intellectuellement de laisser quelqu'un balancer des choses complètement délirantes sur l'Algérie et les Algériens, sans préciser que lui ou elle ou sa famille étaient fortement impliqués dans la défense de l'Algérie française. voire même carrément lié à l'OAS, l'organisation de l'armée secrète qui a fait un carnage pendant la guerre d'Algérie. Ça peut arriver, mais en général, si vous êtes attentif et si vous vous renseignez, vous verrez qu'on invite rarement des personnes neutres pour parler de l'Algérie. Il y a toujours derrière une histoire personnelle avec l'Algérie. Alors maintenant, pour avancer sur cette question de la présence des Algériens en France. Quand j'y réfléchis, je cherche des comparaisons. Je me dis, les tensions entre la France et l'Allemagne ont eu un rôle central dans le déclenchement de deux guerres mondiales. Et pourtant, les Français et les Allemands ont fini par faire la paix et tourner la page. Mais pour ça, il a fallu reconnaître ce qui s'est passé, notamment ce que les Allemands ont fait aux Français pendant la Seconde Guerre mondiale. On pourrait aussi évoquer le sort des Juifs français. Est-ce qu'on peut, lorsqu'on est Juif, et plus particulièrement un Juif français, vivre en France après la collaboration ? On a beau avoir détruit le Veldiv, les traces sont là. Il n'y a pas une semaine sans que je marche dans Paris et que je m'attarde sur une plaque, sur un bâtiment qui dit que tant d'hommes, tant de femmes, tant d'enfants juifs ont été raflés ici. notamment dans des écoles. Et pourtant, les Juifs français sont toujours là, y compris les descendants de ceux qui ont connu les camps de la mort, parce qu'il y a eu reconnaissance de ce crime. Pour ce qui est des 132 ans de colonisation en Algérie, la reconnaissance officielle des crimes commis par la France finira par arriver. C'est inéluctable. C'est le sens de l'histoire. La question, c'est quand ? Si vous pouvez compter, pouvez-vous le dégager ? Pouvez-vous le dégager ? Pouvez-vous le dégager ? Pour titiller les défenseurs du concept de français de souche et autres suprémacistes, je dis souvent que je suis aussi français que le général de Gaulle. Je suis français de naissance. Français de naissance, pourquoi ? Parce que, comme des millions de franco-algériens, je suis né en France de parents nés en Algérie avant la dépendance. Donc sur le sol français. Puisqu'à l'époque, l'Algérie, c'était la France. Personne n'a forcé ma famille à venir s'installer en France, mais ma famille n'est pas entrée en force. Je suis né un 1er novembre, comme tous les franco-algériens finalement. Parce qu'on porte tous en nous le poids de cette histoire et qu'on a appris à vivre avec. Malgré les obstacles et malgré les semeurs de haine qui continuent de nier que le colonialisme, Comme le disait Fanon, et la violence à l'état de nature. Pour finir, je dirais que, à chaque fois que je ne me sens pas chez moi en France, je me dis, rappelle-toi que pour faire de la radio et pour faire ce podcast, tu travailles ta diction pour masquer ton accent bérichon. Merci de m'avoir écouté et à très bientôt sur 80BPM. Adieu la France, bonjour l'Algérie Quand je t'ai quitté, combien j'ai pleuré Fini souffrant Fini l'indifférence Bientôt je serai avec toi ma chérie Réunis ta bonne ou ta belle J'ai eu...

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