Speaker #0Easy Beats sont considérés comme les premières stars du rock australienne et vont avoir une influence cruciale sur toute la scène locale, à commencer par les deux jeunes frères de George. Avec son complice Harry, ils deviendront les producteurs à succès des premiers albums d'ACDC. Ce sont eux qui vont façonner le son brut d'ACDC, ils vont les guider dans l'industrie musicale, etc. Pour la petite histoire, la légende dit que les Harry et George mentionnés dans le titre « Seltons of Swing » de Dire Straits, eh bien il s'agit en réalité de George Young et Harry Vanda. Donc vous l'avez compris, George Young va prendre son frère Malcolm sous son aile alors qu'il est encore adolescent. Pour Malcolm, la musique est une passion, mais aussi et surtout un moyen de s'en sortir dans la vie. Parce qu'il faut bien comprendre que malgré des conditions meilleures qu'en Écosse, malgré le succès de George dans le milieu de la musique, la famille Young reste une famille prolétaire. Famille nombreuse, 8 enfants et une famille qui vit dans un quartier ouvrier. Angus l'évoquait dans plusieurs interviews, il dit que sa famille était une famille de déracinés qui vivaient dans un quartier avec uniquement d'autres immigrés, italiens, irlandais, grecs, etc. et qu'ils étaient vraiment loin de tous les endroits... « chic » de Sydney. On parle bien d'un ghetto, n'ayons pas peur des mots. Malcolm, initié à la guitare par son aîné George, va progressivement à son tour prendre sous son aile son petit frère Angus, qui va, comme ses autres frères, ses grands frères, lui aussi quitter l'école pour ensuite se consacrer à la musique. Angus, c'est le petit dernier, le huitième et dernier enfant de la famille Young. Après avoir pratiqué sur une vieille guitare acoustique qui traînait à la maison, Angus va se voir offrir sa première vraie guitare électrique par Malcolm, Malcolm qui l'emmène dans un magasin d'occasion et lui demande de choisir celle qu'il préfère. Angus se jette sur la désormais légendaire Gibson SG et après l'avoir testée, il la serre contre lui et dit « c'est celle-là que je veux, elle est faite pour moi » . Et il a répété dans plusieurs interviews à quel point il était aux anges lorsque son frère lui a offert cette guitare. Sympa, le vendeur leur fait un prix vraiment bas sans savoir qu'il vient de contribuer à créer une future légende du rock. C'est aussi Malcolm qui va offrir son premier ampli à Angus après avoir vu passer une petite annonce. Lorsqu'il va au rendez-vous pour acheter cet ampli... Il le teste en jouant quelques accords et le vendeur est impressionné par son talent. Le type lui dit « t'es vraiment fort, tu vas faire un malheur avec cet ampli » . Et Malcolm répond « non, non, c'est pas pour moi, je l'achète pour l'offrir à mon petit frère » . Et ce monsieur lui dit « et ton frangin, il joue aussi bien que toi ? » Et là, Malcolm lui dit « non, il joue mieux que moi » . Après plusieurs expériences dans différentes formations, Malcolm fonde son propre groupe en 1973. Et lorsqu'il leur manque un guitariste soliste, il n'a pas besoin d'aller chercher bien loin. Angus est déjà un virtuose et il n'a aucun mal à convaincre les autres membres du groupe. Et j'ai envie de vous dire, dans le cas contraire, c'était la même, parce qu'il faut savoir que Malcolm et Angus, sous leurs airs de déconneurs qui font moins d'un mètre soixante, sont des vrais duracuiens. Durant leur début en Australie, le groupe joue dans de vraies coupes-gorges où Angus n'hésite pas à plonger parfois parmi les spectateurs pour se bagarrer lorsqu'on lui manque de respect. En ce qui concerne Malcolm, je l'avais dit dans un précédent podcast consacré à Brian Johnson. Malcolm, c'est Joe Dalton. C'est le patron et vous comprendrez pourquoi plus tard dans cet épisode. Ce qui résume selon moi le mieux Malcolm Young, c'est la pochette de Highway to Hell. Quand on voit sa dégaine de canaille sur la photo, on comprend tout de suite à qui on a affaire. La suite vous la connaissez, ACDC va depuis l'Australie, l'autre bout du monde, conquérir la planète et devenir l'un des plus grands groupes de rock en seulement quelques années. Au cours de cette conquête, au sein du groupe, il n'y a pas vraiment de concurrence entre les membres, y compris entre les deux frangins. On est loin des frères Gallagher et Oasis par exemple. Pourquoi ? Et bien tout simplement parce que les rôles de chacun sont ultra définis et ne changent jamais. Malcolm, malgré son statut d'architecte musical, reste dans l'ombre. comme toute la section rythmique, c'est-à-dire le batteur et le bassiste. Et ensuite, au premier plan, on a le chanteur, Ben Scott, puis plus tard Brian Johnson, mais surtout Angus, en électron libre, qui font le spectacle. Je me souviens avoir lu une interview dans les années 90 dans laquelle Malcolm avait dit la chose suivante à un journaliste. « Angus Young est à CDC, ou au pire, 90% de celui-ci. » Au début, j'avais trouvé ça un peu déplacé pour les autres membres, surtout Brian, parce que pour moi, la voix de Brian, c'est vraiment... Aussi l'empreinte d'ACDC et puis plus tard j'ai compris. J'ai compris que Malcolm parlait surtout du symbole ACDC. C'est vrai qu'au cours des années 90, la silhouette d'Angus avec sa tenue d'écolier et sa guitare va vraiment devenir l'image du groupe. Et surtout je pense qu'il faut voir dans cette phrase de Malcolm une phrase de grand frère qui a consacré quasiment toute sa vie à faire briller son petit frère. Angus Young et Malcolm Young ont seulement... deux ans d'écart. Ça suffit à établir cette hiérarchie d'aîné et de cadet, mais ça n'empêche pas de créer une relation unique, proche de celle de jumeau, dont on dit parfois qu'ils possèdent un lien surnaturel. Pour illustrer cette histoire, je vais évoquer une anecdote magnifique qui a été racontée par Chris Slade, qui a été le batteur d'ACDC pendant plusieurs périodes. Chris Slade raconte qu'il rencontre Malcolm par des amis communs lors d'un concert et ACDC recherchant un nouveau batteur, c'est à la fin des années 80, il parvient à passer une audition. Lorsqu'il entre dans la salle, Cliff Williams, c'est le bassiste d'ACDC, se trouve dans un coin de la pièce et pareil pour Brian Johnson. Chris Lade s'installe derrière les fûts et là, Angus et Malcolm prennent chacun une chaise et s'assoient à 3 mètres de lui en le regardant droit dans les yeux. C'est évidemment pour voir s'il résiste à la pression. Là, Malcolm dit à Chris Lade « You counting ? » 1, 2, 3 Chris Leid enchaîne plusieurs morceaux et ce qui le frappe, c'est que le frère Young, Angus et Malcolm, ne parle pas. Ils ne prononcent pas un mot, ils échangent seulement un regard furtif, même pas une grimace, même pas un sourire, pas de geste de la main, rien. Juste un regard et ils savent exactement ce que pense l'autre. Durant toutes ces années au sein d'ACDC, Chris Slade constatera toujours cette même relation étrange. Certains diront surnaturelle, que ce soit en répétition, en studio ou en concert dans des stades avec 100 000 spectateurs. Dans plusieurs interviews, Chris Slade parle tout simplement de télépathie. Il dit c'est de la transmission de pensée. Il explique qu'il a dû s'habituer à cette manière de fonctionner assez dingue. ACDC, je l'ai dit tout à l'heure, connaît une rapide ascension au cours des années 70. L'apogée arrive au début des années 80 avec un nouveau chanteur, Brian Johnson, à qui j'ai consacré un épisode de 80 BPM. Puis il y a une petite baisse de régime avant de faire un retour en force et d'être définitivement un groupe culte au cours des années 90. Paradoxalement, c'est à partir de ce moment que le groupe va être plus rare dans les bacs. 5 ans entre la sortie de The Razzle's Age et Ballbreaker, puis à nouveau 5 ans avant Steve Uppeldeep, et enfin 8 ans d'attente avant la sortie de Black Ice. le 14e album du groupe. C'est au cours de l'écriture de cet album qu'il va se passer quelque chose d'anormal. Comme toujours depuis leur début, Angus et Malcolm se voient pour travailler ensemble sur les futurs titres du disque. Et là, pour la première fois, Angus va constater un comportement inhabituel chez son frère. Il dira plus tard dans une interview, « J'ai vu un Malcolm brouillon, perdu, désordonné, alors qu'il a toujours été une personne rigoureuse, méticuleuse, précise. » Et ça, tout le monde le dit. Malcolm est surnommé le métronome. Jamais un retard super discipliné. Bref, ça ne colle pas avec le bonhomme, mais sur le coup, Angus et les autres se disent que c'est pas sagé, que c'est peut-être dû à la fatigue ou à quelque chose dans le genre. Le groupe parvient à enregistrer l'album Black Ice et forcément, comme toujours, il y a une grosse tournée qui se prépare derrière. Donc ACDC prépare la setlist, puis se met à répéter. Et c'est là qu'au bout d'un moment, Malcolm dit à Angus « Écoute, il y a un problème, je ne me souviens plus de nos chansons. Malcolm poursuit et dit à son frère « Je ne sais pas ce qui m'arrive, mais je suis obligé de réapprendre des titres qu'on joue depuis 20 ans, 30 ans, voire plus. » Donc là, il commence à consulter et la question c'est « Quid de la tournée ? » Les enjeux sont colossaux et les tournées d'ACDC, c'est du très lourd. Concert de deux heures et plus, nombreuses dates dans les plus grandes salles du monde. Donc, Angus dit à son frère « Écoute, tu n'es pas obligé. Si tu ne le sens pas, tu te reposes, on ne prend pas de risque. » Mais Malcolm dit « Non, non, je veux le faire, on va le faire, je vais aller au bout, pas de problème. » Donc ce qu'on a su des années plus tard, c'est que Malcolm a dû travailler énormément pour être à la hauteur lors de la tournée Black Ice et qu'il était suivi médicalement avec un traitement quotidien, etc. Mais la maladie est déjà là et plusieurs personnes savent que Malcolm est en sursis, à commencer par Angus. Sur scène, le petit frère se retourne autrefois vers son aîné pour obtenir son approbation. Cette fois-ci, c'est pour vérifier s'il va bien, s'il n'est pas perdu, s'il tient le coup. 28 juin 2010, ACDC boucle le Black Ice World Tower avec un dernier concert en Espagne, à Bilbao. Les spectateurs présents ce jour-là ne le savent pas, mais ils viennent d'assister à la dernière prestation de Malcolm Young avec son groupe, ACDC. Très vite, la maladie gagne du terrain, une maladie neurodégénérative qui affecte la mémoire, le langage, la motricité. En 2011, Malcolm fait une de ses dernières apparitions avec le groupe. C'est lors d'un événement promotionnel qui est lié à la sortie du DVD live à River Plate. Il y a quelques vidéos de cet événement et on voit que Malcolm est, on va dire au minimum fatigué, mais on remarque surtout qu'il est bizarrement très discret, distant avec le groupe, comme s'il était déjà en retrait. Et on voit aussi à chaque fois qu'il cherche le regard d'Angus, comme s'il avait besoin de soutien, besoin d'être rassuré. Il y a un moment très touchant sur les images tournées où le groupe pose pour les photographes et on voit Malcolm hésitant. qui fixe Angus et là, son petit frère le prend par l'épaule pour le mettre au premier plan. Comme pour lui dire, tu es Malcolm Young, le fondateur et le patron d'ACDC. Tu es toujours avec nous, ne t'efface pas comme ça. Et là, on comprend que Angus est devenu en quelque sorte le grand frère de Malcolm. Que c'est lui désormais qui va le protéger, qui va veiller sur lui. Car Malcolm connaît durant cette période d'autres soucis de santé. Il est opéré d'un cancer des poumons, puis victime d'un AVC qui nécessite la pose d'un pacemaker. Fidèle à son côté espiègle. Le guitariste annonce la nouvelle à Brian Johnson sur le ton de l'humour. Il prend la main du chanteur, il la frappe sur sa poitrine comme pour imiter le son d'une grosse caisse et lui dit « Pessmaker, c'est top. Avec ça, je garde le rythme. » En 2014, un communiqué officiel met fin aux rumeurs pour informer les fans qu'après 40 ans d'activité, Malcolm Young quitte ACDC pour raisons de santé. Le groupe précise qu'il continuera à faire de la musique. en raison de la progression De sa maladie, Malcolm est hospitalisé dans un établissement spécialisé. Angus lui rend évidemment visite le plus souvent possible. Il joue de la guitare à son grand frère pour le divertir. Malcolm tente de suivre le rythme en tapant avec son pied. Son frère le reconnaît au début, puis forcément, ça devient plus compliqué. Mais Angus est certain d'une chose, Malcolm ressent toujours ce lien fort entre eux lorsqu'il regarde son petit frère dans les yeux. Le 18 novembre 2017, Malcolm Young, la légende Malcolm Young, décède des suites de sa maladie. Il était âgé de 64 ans. Moins d'un mois auparavant, son frère George avait perdu également la vie pour raison de santé. Les funérailles organisées à Sydney sont impressionnantes et mettent en exergue le statut de star acquis par ce petit immigré écossais arrivé en Australie il y a plus de 5 décennies. Sur les images, on aperçoit Angus en train de déposer une guitare sur le cercueil de son frère, la fameuse Gretsch. qui faisait sa marque de fabrique. Les Cornemuses qui ouvrent le cortège funéraire jouent le titre « It's a long way to the top if you want to rock and roll » , le titre qui a lancé la carrière du groupe. Un clin d'œil à l'enfant du pays pour lui dire « Cela a été long mais tu as atteint le sommet, tu peux partir en paix » . Malcolm Young, comme tous les autres membres de la CDC, n'a jamais été vraiment à l'aise avec la célébrité. Il ne faisait jamais parler de lui et cette discrétion explique en partie qu'il soit quelque part sous-coté. Pourtant, de très nombreux de ses pairs jurent qu'il est l'un des meilleurs guitaristes rythmiques de l'histoire. À la question de savoir s'il était le meilleur guitariste du monde, Angus a répondu un jour à un journaliste « Je ne suis même pas le meilleur guitariste d'ACDC » . Malcolm, je le répète, c'est l'architecte musical d'ACDC. C'est lui qui a créé la majeure partie des riffs les plus célèbres du groupe. « He's the brain » , disait de lui Bon Scott. Malcolm était le vrai boss du groupe, avec toutes les responsabilités que cela implique, comme celle de jouer le rôle du paratonnerre. Pour reprendre une image qui colle avec ACDC. À la mort tragique et soudaine de Bon Scott, c'est lui qui dit « Je vais prévenir les parents de Bon, c'est à moi de le faire » . C'est lui qui demande au groupe de poursuivre après avoir obtenu l'aval de la famille Scott. Quand il faut trouver un nouveau chanteur, c'est lui qui se charge de recruter Brian Johnson. Et quand il faut sortir quelqu'un qui risque d'emmener le groupe dans le mur, c'est aussi lui qui s'y colle. C'est arrivé notamment en 1983 avec Phil Rudd, le batteur historique du groupe. Phil Rudd, qui est un vrai bad boy, Allez voir sur Google ces mésaventures. Phil Wood était celui qui avait le plus de mal à se remettre de la mort de Bonne-Scott. Malgré les mises en garde du groupe, il avait de plus en plus de problèmes avec ses addictions et forcément ça se ressentait lors de ses prestations, que ce soit en studio ou sur scène. Un soir, Malcolm en a eu marre de l'entendre parler au fantôme de Bonne-Scott dans sa chambre d'hôtel. Il l'a collé contre le mur et lui a dit « Stop, on arrête là » . Il faut voir dans ce rôle de patron également un côté chef de famille qui veille sur l'unité des siens. A la fin des années 90, Brian Johnson avait dit à Malcolm, écoute, moi je termine la tournée et après basta, je me retire. Malcolm lui avait répondu, et tu crois qu'on va te laisser partir comme ça ? C'était une manière de lui dire, on a un pacte et on va aller jusqu'au bout, ensemble. En 2021, Angus Young et Brian Johnson ont accordé une interview à 60 Minutes Australia et, pour la première fois, Angus s'est exprimé publiquement sur la perte de son frère. Il explique que le déclin de Malcolm était bien sûr le plus difficile à vivre, mais il ajoute également une chose importante. Il dit, ouvrez les guillemets, « Jusqu'à la fin, à partir du moment où j'étais présent à ses côtés, Il avait un énorme sourire d'une oreille à l'autre. Il savait toujours que j'étais là. Et malgré son état, cela me procurait de la joie de le voir sourire. Un passage durant lequel Brian redresse la tête et ferme les yeux pour ne pas pleurer. En termes d'authenticité, de beauté sur le plan humain, c'est vraiment une interview qui vaut la peine d'être visionnée et d'être connue. À l'heure où j'enregistre ce podcast, ACDC joue ses derniers concerts en Europe avant de boucler sa tournée marathon en Australie, là où tout a commencé. Toutes les personnes qui ont vu leurs prestations s'accordent à dire qu'on a toujours en face de nous le plus grand groupe du monde, emmené par Angus, 70 ans, et Brian, 77 ans. A la mort de Malcolm, je me souviens qu'un des plus grands spécialistes français d'ACDC avait dit la chose suivante. Angus ne voudra pas en rester là. Et c'est exactement ce qui est en train de se passer. Angus continue à jouer du rock car c'est toute sa vie, mais il le fait aussi pour prolonger l'héritage de son frère Malcolm. En interview, il répète que son frère est toujours là, à ses côtés, tous les jours. Il sent sa présence et tente de communiquer avec lui. Les légendes sont immortelles et Malcolm, comme Angus, est une légende. Le titre avec lequel je vais conclure ce podcast, Through the Mist of Time, a été écrit par Angus Young. Magnifique hommage d'un petit frère à son grand frère. Bonne écoute et à très bientôt sur 80 BPM.