undefined cover
undefined cover
Ep. 28 Adapter les villes à un climat qui se réchauffe cover
Ep. 28 Adapter les villes à un climat qui se réchauffe cover
À la rencontre des doctorant·es

Ep. 28 Adapter les villes à un climat qui se réchauffe

Ep. 28 Adapter les villes à un climat qui se réchauffe

26min |08/09/2025
Play
undefined cover
undefined cover
Ep. 28 Adapter les villes à un climat qui se réchauffe cover
Ep. 28 Adapter les villes à un climat qui se réchauffe cover
À la rencontre des doctorant·es

Ep. 28 Adapter les villes à un climat qui se réchauffe

Ep. 28 Adapter les villes à un climat qui se réchauffe

26min |08/09/2025
Play

Description

Comment adapter les villes face à un climat qui se réchauffe pour garantir leur vivabilité ? C'est la question centrale que s'est posée Matteo Migliari durant ses années de thèse, réalisée entre le laboratoire Navier de l'École nationale des ponts et chaussées et l'atelier Franck Boutté, atelier d'ingénierie créative et de co-conception environnementale.

Dans ce podcast, Matteo nous parle de l'impact des trottoirs et autres surfaces en ville sur le confort thermique des habitants. Il y aborde des solutions parfois contre-intuitives, qui jouent sur la couleur d'une surface de revêtement, la végétation et bien plus encore, pour garantir une meilleure qualité de vie et rendre les espaces urbains plus agréables, notamment en été.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Adèle Mazurek (AM)

    Bienvenue sur le podcast à la rencontre des doctorants, podcast qui laisse la parole aux doctorantes et doctorants de l'École nationale des ponts et chaussées. Comment penser la ville pour qu'elle résiste à la chaleur ? Quel levier pour améliorer le confort thermique urbain ? On en parle aujourd'hui avec notre invité, Matteo Migliari, qui a réalisé sa thèse au laboratoire Navier et l'atelier Franck Boutté. Bonjour Matteo.

  • Matteo Migliari (MM)

    Bonjour Adèle.

  • Adèle Mazurek (AM)

    Pour commencer, présente-nous le contexte général de ta thèse. En quoi l'adaptation des villes au changement climatique est-elle un enjeu crucial aujourd'hui ?

  • Matteo Migliari (MM)

    Le contexte général de ma thèse, c'était réduire la surchauffe urbaine. Cette thèse est née en partenariat avec l'ADEME (Agence de la transition écologique), parce que c'était un appel à projet de l'ADEME qui avait notamment ce sujet. Mais en fait, il faut comprendre que cette question, de réduire la surchauffe urbaine est générique et elle peut s'articuler de différentes manières. Effectivement, on pourrait penser à la réduction, par exemple, de la température de la surface urbaine, ou bien à la réduction de la température de l'air dans les environnements urbains, ou bien à la réduction de la surchauffe des personnes qui se promènent dans la ville. L'idée, c'est surtout de comprendre pourquoi il faut réduire la surchauffe urbaine. Dans la réponse qu'on a donnée au cours de mon travail de thèse, c'était notamment pour permettre aux endroits urbains de pouvoir rester habitables avec les prospectives climatiques à venir. Du coup, on sait aujourd'hui que les vagues de chaleur sont en continuelle augmentation. En fait, il y a une sorte de boucle qui fait que si on n'est pas bien à l'extérieur, on a tendance à rentrer chez nous. On allume la clim parce que souvent les habitations ne sont pas adaptées non plus à donner un bon confort à l'intérieur. Du fait d'allumer la clim, on réjette de la chaleur à l'extérieur. C'est un boucle qui a tendance à devenir de pire en pire. Dans le cadre de mes recherches, on a individué les conforts thermiques comme levier clé pour casser cette boucle. Si on est bien à l'extérieur, on peut continuer à profiter des espaces publics. Et ça entraîne aussi d'autres mécanismes, tels que la réduction de la sédentarité, qui ont des effets positifs sur la santé.

  • Adèle Mazurek (AM)

    Alors, juste une petite parenthèse, on imagine très bien ce que c'est une vague de chaleur, on l'a tous plus ou moins expérimentée. Mais scientifiquement, comment on définit une vague de chaleur ?

  • Matteo Migliari (MM)

    Alors, la définition scientifique d'une vague de chaleur, eh bien, ça dépend. Déjà, on pourrait donner une définition générique qui l'identifie comme une période de plusieurs jours dans lesquels il fait très chaud la journée et la température ne baisse pas tellement que ça pendant la nuit. Mais notamment, la définition des vagues de chaleur dépend du lieu qu'on analyse. Par exemple, si on veut donner la définition pour Paris, eh bien cette durée, c'est au minimum 3 jours et la température de l'air doit dépasser 31°C alors que la nuit, on ne descend pas au-dessous des 21°C.

  • Adèle Mazurek (AM)

    Merci pour ces précisions. Quels sont les principaux leviers d'action qu'on peut mobiliser dans l'espace urbain pour s'adapter aux changements climatiques à l'heure actuelle ?

  • Matteo Migliari (MM)

    Alors, il y a différents leviers d'action pour pouvoir s'adapter aux changements climatiques. Déjà, c'est important de préciser que l'adaptation doit être suivie aussi de la mitigation. Ce sont deux concepts différents. La mitigation, c'est un peu l'atténuation des causes qui provoquent les changements climatiques, alors que l'adaptation, c'est en quelque sorte la manière de faire face à cette transformation qu'on est en train de vivre. Et du coup, effectivement, l'adaptation a un rôle crucial dans ma thèse. Il y a plusieurs stratégies pour adapter nos territoires. Notamment, il y a déjà les choix des bons indicateurs qu'on veut analyser. Comme on l'a vu précédemment, on pourrait considérer la surchauffe selon différents angles différents, comme température de l'air, température de surface ou bien confort thermique. Chacun de ces indicateurs implique des stratégies différentes pour pouvoir les réduire, qui ne sont pas forcément les mêmes. Et donc déjà, il faut bien savoir quel est notre objectif. On parle souvent d'îlot de chaleur urbain, alors que l'îlot de chaleur urbain, par exemple, c'est une différence de température entre les centres-villes et la campagne. Mais en vrai, l'important, c'est qu'il fasse bon dans la ville. Donc, c'était un indicateur que, au cours de mes travaux, on a identifié comme n'étant pas le plus pertinent pour adresser proprement la question de l'adaptation. Alors que le confort thermique était beaucoup plus précis comme indicateur, il pouvait s'appliquer aussi aux périodes hivernales parce qu'il ne faut pas oublier non plus qu'il y a des périodes froides qui vont rester. Jusqu'en 2050, on aura majoritairement besoin de réchauffer par rapport à climatiser. Et voilà, choix des indicateurs. Après, choix des matériaux. Il y a un impact crucial sur les matériaux que l'on met dans la ville. Ils peuvent avoir des effets réfléchissants, mais aussi stocker de la chaleur. Donc, en fonction de ce qu'on veut obtenir, il faut choisir les bons matériaux. Et il y a aussi un autre levier, qui est la ventilation. Et on peut aussi dire que le levier principal, c'est ombrager et planter des arbres. Il faut savoir, par contre, que ces leviers que j'ai nommé sont les leviers principaux pour pouvoir obtenir une ville qui est bien adaptée, mais ils sont également les leviers principaux pour obtenir une ville qui est mal adaptée. Si on utilise ces leviers de manière erronée, les résultats qu'on obtiendra ne seront pas ceux qu'on a espérés lorsqu'on les a mis en place.

  • Adèle Mazurek (AM)

    Est-ce que tu as par exemple une situation concrète pour nous illustrer cela ?

  • Matteo Migliari (MM)

    Alors j'ai plusieurs situations concrètes. La première qui me vient un peu à l'esprit, c'est la rue qu'il y a à côté de l'École des Ponts à Champs-sur-Marne pour venir dans cet établissement. En fait, au cours de ma thèse, cette rue a changé et c'était donc un exemple très intéressant pour mes études. Quel était le changement ? Eh bien, au départ, les trottoirs avaient un peu la même couleur que la chaussée en asphalte. Alors que maintenant Les trottoirs ont été bien éclaircis, donc ils sont devenus bien plus réfléchissants. Eh bien, ça c'est un peu la politique qui est en train d'être appliquée par différentes villes. On pourrait citer des villes d'Amérique, mais pour rester en France, Lyon a réalisé la même expérience. Il a éclairci avec un peinture blanche des trottoirs dans 100 mètres carrés de la ville. C'était une expérimentation pour voir si ça donnait les effets expérés. Eh bien ça n'a pas donné les effets espérés. Pourquoi ? Parce que déjà, l'objectif principal de cet éclaircissement des trottoirs, c'était l'atténuation des îlots de chaleur, mais dans une perspective de rendre la ville plus habitable, plus vivable pour ses citoyens. Alors avec des simulations microclimatiques, on a évalué ce type d'objet avec des chaussées sombres et des trottoirs clairs. Et on a constaté que si on avait fait tout l'opposé, à savoir des chaussées claires et des trottoirs sombres, ça aurait été beaucoup mieux. Pourquoi ? Parce qu'en réalité, les piétons dans la ville, ils se promènent notamment sur les trottoirs. Ils ne se déplacent pas au milieu de la chaussée parce qu'aujourd'hui, au moins, la chaussée est encore réservée aux voitures. Et donc, l'effet d'éclaircir ces trottoirs, il a augmenté la réflexion de la radiation solaire. Donc, oui, les trottoirs, ils stockent moins de chaleur. Par contre, la chaleur qui n'est pas stockée, la radiation qui n'est pas absorbée, elle est réfléchie contre les piétons. Et du coup, les piétons, ils ressentent un stress thermique qui est plus élevé, parce qu'ils ne reçoivent pas uniquement le soleil qui est en haut, ils reçoivent aussi un deuxième soleil qui vient du bas.

  • Adèle Mazurek (AM)

    Donc en termes de confort, on est loin de ce qu'on espérait.

  • Matteo Migliari (MM)

    Voilà, en termes de confort, ça devient bien pire. Donc, au contraire, si Lyon, par exemple, ou Champs-sur-Marne, avaient choisi d'éclaircir la chaussée plutôt que les trottoirs, là, ils auraient obtenu un effet qui serait plus bénéfique. Et donc voilà, on a fait des simulations microclimatiques de cet état existant et l'état juste opposé. Et on a trouvé que l'état opposé, c'était mieux à la fois en termes de température de l'air, donc réduction des îlots de chaleur, si on suppose que la température à la campagne ne bouge pas, et en termes de confort thermique. Donc c'était une solution gagnant-gagnant par rapport à ce qu'on a fait dans la réalité. Donc c'était un peu une étude exploratoire qui dit que par rapport à ce qu'on fait, il y a d'autres solutions qui sont strictement meilleures. J'ai fait d'autres exemples. Un exemple, c'est sur les vents. Aujourd'hui, on parle beaucoup de la nécessité de concevoir nos espaces urbains avec les vents pour ventiler notamment les tissus urbains et du coup avoir un effet positif sur le stress thermique pendant l'été. Effectivement, c'est vrai. Par contre, c'est un peu une stratégie qui risque de ne pas être aussi efficace qu'aujourd'hui. Bon, déjà, les vents ont un effet positif l'été, a priori, mais négatif l'hiver.

  • Adèle Mazurek (AM)

    Oui, ce qui va rafraîchir.

  • Matteo Migliari (MM)

    Exactement, ça augmente le stress thermique froid, donc la sensation de froid des personnes. Du coup, c'est important d'étudier la direction des vents lorsqu'on fait une opération d'aménagement parce que dans beaucoup de cas, les vents n'arrivent pas dans la même direction l'été et l'hiver. Et si c'est le cas, il faut peut-être concevoir des espaces dynamiques qui s'adaptent en fonction des saisons pour privilégier les vents l'été et les réduire pendant l'hiver. Mais notamment l'importance de ces espaces dynamiques, c'est parce qu'on a étudié avec des formules telles que le Universal Thermal Climate Index (UTCI) (l'Indice universel du climat thermique), qui est un des indicateurs de confort les plus renommés, et on s'est aperçu notamment que si on augmente la température de l'air, l'effet du vent va devenir négatif. Il y a certaines températures où le vent est encore beaucoup réfléchit. Après, si on monte à 38 degrés, par exemple, la tendance s'inverse. Et la ville de Paris, aujourd'hui est en train de publier des livrables qui s'intitulent, par exemple, Paris à 50 degrés. Eh bien, si on a une température de l'air qui, effectivement, atteindra à un certain moment dans le futur 50 degrés, augmenter la vitesse de cet air va dégrader notre confort thermique plutôt que l'améliorer. Donc, il faut bien profiter de ces avantages aujourd'hui, lorsqu'on peut encore. Mais il ne faut pas que les formes de la ville qu'on établit aujourd'hui, deviennent des pièges demain. Le dernier levier que je peux mentionner, ce sont les arbres. Aujourd'hui, tout le monde dit que végétaliser c'est bien. Et les arbres sont plutôt traités de manière quantitative et pas qualitative. Donc j'ai planté 1000 arbres, c'est bien. Déjà, il faut prendre en compte que les arbres ont des essences différentes et donc leur avantage en termes de rafraîchissement dépend du type de l'essence parce qu'ils ont des potentiels d'ombrage et d'évapotranspiration qui sont différents. Et de l'autre côté, leur avantage dépend beaucoup de la localisation où on met l'arbre. Et la chose la plus importante, c'est que l'arbre produira un avantage endant qu'il est vivant. Donc, planter des arbres, ok, mais il faut tout d'abord s'assurer que l'endroit des plantations soit correct pour pouvoir assurer la survie de l'essence végétale. Et de l'autre côté, il faut s'assurer qu'on aura dans le futur les ressources pour assurer cette survie à long terme.

  • Adèle Mazurek (AM)

    Je me permets de compléter également en faisant référence à des articles du laboratoire CEREA qu'il y a sur la revue Ingenius, sur des études notamment de l'effet des arbres sur la pollution aussi en ville. Voilà, c'est aussi une autre problématique à prendre en compte dans l'aménagement urbain.

  • Matteo Migliari (MM)

    Oui, tout à fait. Ce n'est pas mon sujet spécifique, mais notamment, j'ai vu que d'un côté, les arbres ont certaines capacités de captation de polluants, mais de l'autre côté, ils relèguent dans l'air d'autres composants volatiles biogéniques. Et en fonction de comment on met les arbres dans les rues, ils peuvent en fait piéger les polluants vers l'espace urbain. Du coup, effectivement, c'est tout un champ de sujets qu'il faut prendre en compte dans la localisation des arbres et dans le choix des essences.

  • Adèle Mazurek (AM)

    Revenons-en un petit peu à ta thèse. Le but était de développer des modèles informatiques capables de simuler et d'évaluer différentes manières de concevoir un quartier ou une ville pour répondre à plusieurs objectifs, dont l'amélioration du confort thermique dont on parle depuis tout à l'heure. Cela a commencé par une expérience grandeur réelle. Parle-nous-en un petit peu.

  • Matteo Migliari (MM)

    Oui, effectivement, on a réalisé une expérience de grandeur réelle dans le campus, voire plusieurs expériences de grandeur réelle. Celle que tu mentions notamment, c'était l'expérience réalisée dans la vague de chaleur de 2022, en partenariat avec Sense-City. Et du coup, l'idée, c'était un peu en lien avec le résultat des simulations microclimatiques qu'on a obtenues. On avu que des surfaces claires pouvaient avoir des effets négatifs sur le confort alors qu'un peu toutes les villes recommandent de systématiser l'éclaircissement des espaces. Par exemple, la ville de Paris également propose ce type d'approche, alors que nous, avec la lecture de confort thermique, on avait un résultat qui est un peu plus fin, qui est de dire qu'il faut tout d'abord étudier les espaces et leurs fonctions, et en fonction de cette fonction et de ces horaires de fréquentation, il faut trouver la stratégie adaptée. Et du coup, ça va un peu à contre-courant, et c'est pour ça que c'était nécessaire de pouvoir vérifier vraiment dans les terrains si ces résultats de simulation étaient bons.

  • Adèle Mazurek (AM)

    Alors concrètement, qu'est-ce que ces participants devaient faire dans cette expérience ?

  • Matteo Migliari (MM)

    Et du coup, on a effectivement amené 75 participants, qui étaient appelés à se promener sur des bâches de grande taille, avec des propriétés absorbantes et réfléchissantes très différentes. Il y avait de l'asphalte, donc aucun bâche, il y avait une bâche noir, il y avait une bâche blanche, et une bâche en aluminium qui a priori ça modélise un peu cet effet miroir. Donc, bien entendu, la température de surface des bâches changeait. Les bâches les plus sombres étaient les bâches les plus chaudes, alors que les bâches les plus claires ou les plus réfléchissantes étaient les plus fraîches, les plus fraîches en termes de température de surface. Mais on a constaté, avec le passage des personnes, que cet effet qu'on a sur la surface n'était pas le même que celui qui est perçu par la personne. Parce que, comme je l'expliquais, effectivement, plus on réfléchit la radiation solaire, plus la personne ressent un stress thermique élevé. Donc, pour ne pas mettre des biais, en fait, déjà dans la réponse des personnes, parce qu'on a fait passer un petit questionnaire avant, la majorité avait tendance à s'attendre à être mieux sur les couleurs claires par rapport aux couleurs sombres. Donc on a fait cette expérience avec les personnes qui avaient tout d'abord les yeux bandés.

  • Adèle Mazurek (AM)

    Oui, d'accord. Pour ne pas qu'ils voient sur quelle surface ils se trouvent.

  • Matteo Migliari (MM)

    Ils ne pouvaient pas savoir où ils étaient. Et donc la consigne, c'était juste de se concentrer sur leur confort thermique. Et donc on a pris un certain nombre de données de confort thermique pour chaque personne. Et on a constaté qu'effectivement, sur les bâches les plus claires, ils avaient tendance à percevoir un stress thermique qui était incrémenté. Et ça, ils l'ont confirmé eux-mêmes dans la deuxième étape de l'expérience, où ils ont refait les mêmes parcours, mais avec la vue. Et du coup, on a redonné les mêmes questionnaires à la fin et on a eu un renversement des tendances, à savoir la majorité, après l'expérience, ils disaient, ben, lors d'une vague de chaleur, je préférerais me promener plutôt sur un terrain qui est sombre, et pas sur un terrain qui est réfléchissant. Donc en fait, ça confirmait un peu les résultats qu'on avait obtenus dans nos simulations microclimatiques.

  • Adèle Mazurek (AM)

    Comment tes recherches peuvent-elles aider à prendre des décisions rapidement dans le cadre de projets opérationnels ?

  • Matteo Migliari (MM)

    Alors, il y a différentes méthodes qui ont été mises en place, notamment pour répondre à ce bout-là. Le premier article que j'ai publié, c'était la métamatrice du confort thermique. Et donc, l'idée de cette matrice était de classifier les différents indicateurs de confort pour permettre un choix rapide des indicateurs pertinents. Parce qu'il faut savoir qu'il n'y en a plus de 200 et a priori, chacun de ces indicateurs donne un résultat qui est différent. Et du coup, la validité de ces résultats dépend tout d'abord d'un choix approprié de l'indicateur. Donc, avant ma thèse, il fallait peut-être lire tous ces 200 articles pour comprendre quels étaient les bons indicateurs à mobiliser. Là, on a produit un matrice qui est un outil graphique qui permet, en fonction de la localisation de son projet et de l'objectif aussi de son projet, c'est important, de choisir des indicateurs de confort pertinents. Et du coup, dans le cadre de ma thèse, on a plutôt choisi l'UTCI, l'Universal Thermal Climate Index (Indice universel du climat thermique), que j'ai mentionné tout à l'heure. Pour nous, c'était l'indicateur pertinent vis-à-vis de nos objectifs, qui étaient d'étudier le confort thermique dans les périodes chaudes, mais aussi potentiellement dans les périodes froides, en se concentrant plutôt sur les leviers morphologiques de la ville et pas autant sur les leviers personnels de la personne. Mais voilà, en fonction des objectifs, cet indicateur pourrait se révéler inapproprié. Si par exemple, une étude veut comprendre l'impact des différentes manières de s'habiller sur le confort thermique, et bien l'UTCI ne sera pas un indicateur approprié, il faudra utiliser d'autres indices tels que les PET (Température Physiologique Équivalente). Après, on a mis en place des algorithmes pour compléter un peu les logiciels de simulation microclimatique les plus validés dans le milieu scientifique aujourd'hui qui s'appelle ENVI-met. ENVI-met a un peu des problèmes de temps de calcul mais aussi de temps de mise en place du modèle et du temps pour exploiter des résultats. Donc, c es algorithmes qu'on a produit ne peuvent pas toucher autant de calculs, mais en revanche, ils permettent d'économiser beaucoup de temps dans la création du modèle et dans l'exploitation des résultats. Cela permet notamment d'avoir des résultats très fins, très détaillés, avec des temps plus rapides. De l'autre côté, les choix des albedos, les simulations microclimatiques qu'on a faites en termes de matériaux, on a réalisé notamment un corpus de simulation qui compare différents types de complexes multicouches de sol, qui sont un peu les surfaces sur lesquelles on se promène dans la ville, par exemple un sol en asphalte, ou de la pelouse, ou un pavé granit, etc pour classifier leurs performances microclimatiques et biométrologiques. Donc, grâce à ce corpus de simulation, on peut savoir, si on met tel type de matière, quels seront les effets qu'on va obtenir. sur la surchauffe de l'air, par exemple, mais aussi sur le confort thermique. Du coup, ça pourrait permettre, en fonction des objectifs de chaque endroit, de choisir des matières appropriées. Donc, s'il y a des endroits à haute fréquentation, le confort thermique, ça sera plutôt à privilégier. Mais s'il y a des endroits qui ne sont pas fréquentés, ça ne sert à rien d'améliorer le confort thermique dans ces types d'endroit. Alors, on choisira plutôt des matières qui ont tendance à éviter la surchauffe de l'air, par exemple. Les deux derniers outils qu'on a produit, c'était d'un côté une charte bioclimatique de l'UTCI. C'était une sorte d'étude de la fonction UTCI, de cet indicateur de confort, pour comprendre en fait quel est l'impact des différents leviers sur le confort thermique. Lorsque je parle des leviers, ce sont par exemple la vitesse du vent, l'effet d'ombrage ou l'effet d'être sur une pelouse par rapport à une surface minérale. On a réalisé ce type de graphe qui permet de comprendre en amont, dans un certain climat, ce qu'on peut obtenir avec les différents types de stratégies. Et du coup, il permet de se concentrer sur la stratégie qui permet d'apporter le plus de bénéfices dans ces endroits spécifiques. Et enfin, on a produit un algorithme de morphogenèse des arbres qui est encore en train d'être développé. Mais du coup, l'idée à la base de cet algorithme, c'est de pouvoir choisir les essences et la localisation des arbres pour assurer d'un côté la survie des essences végétales et de l'autre côté, maximiser les bénéfices que ces essences végétales peuvent donner à l'espace urbain. Et un résultat assez intéressant, c'était que dans un cas type sur lequel on a fait tourner cet algorithme, eh bien la stratégie la plus performante, ce n'était pas celle avec la plus haute quantité d'arbres. Planter bien, c'est mieux que planter beaucoup.

  • Adèle Mazurek (AM)

    Très bien. Et donc tous ces résultats, est-ce que pendant ta thèse ou même maintenant que tu as ton doctorat, tu as pu les présenter aux professionnels qui sont potentiellement intéressés par toutes ces recherches ?

  • Matteo Migliari (MM)

    J'ai réalisé de nombreuses conférences durant ma thèse et aussi j'essaie en même temps de finaliser un peu la publication de certains éléments qui ne sont pas encore publiés. Il faut savoir qu'il y a encore beaucoup de chemins à faire. Donc effectivement, ce sont des stratégies très prometteuses, mais par exemple, pour l'algorithme de morphogénèse, idéalement, il faudrait une base de données très complète des essences végétales et de tous leurs besoins. En fait, je m'attendais à pouvoir trouver une telle base de données déjà existante et en place mais, ce n'est pas le cas. Donc, on est en train de travailler pour le construire, mais on s'aperçoit qu'il y a beaucoup de lacunes, effectivement, pour mener bien l'adaptation des territoires au changement climatique.

  • Adèle Mazurek (AM)

    Alors, pour terminer ce podcast, parce qu'on arrive quasiment à la fin, est-ce que tu peux nous expliquer ton parcours et qu'est-ce qui t'a amené à réaliser une thèse dans ce domaine ?

  • Matteo Migliari (MM)

    J'ai un double parcours d'ingénieur architecte au Politecnico di Milano (École polytechnique de Milan) et après à l'École des ponts et chaussées et dans ma formation, je m'étais déjà intéressé à l'étude des bâtiments mais c'était plutôt dans une optique qui à chaque fois est liée à l'intérieur. Lorsqu'on fait des conceptions des structures, c'est que pour son propre bâtiment ça tient lorsqu'on fait des études énergétiques du bâtiment, c'est pour être bien à l'intérieur du bâtiment. Et du coup, il y avait un peu ce spectre qui était limité au bâti, mais en particulier à l'environnement intérieur du bâti. Et du coup, cette thèse, ça m'a donné la très belle opportunité d'élargir mon spectre de compétences en m'intéressant à l'échelle urbaine.

  • Adèle Mazurek (AM)

    Et maintenant que tu as terminé ta thèse, qu'est-ce que tu fais ?

  • Matteo Migliari (MM)

    Actuellement, je suis expert référent sur les thématiques de la microclimatologie urbaine et de la biométrologie humaine à l'atelier Franck Boutté, dans lequel notamment j'ai réalisé ma thèse en partenariat avec le laboratoire Navier. Grâce à la thèse, j'ai un peu reformaté mon expérience, qui à la base était plutôt calcul des structures et conception des façades, pour pouvoir donner mon support d'expert sur ces thématiques du microclimat en ville et du confort thermique.

  • Adèle Mazurek (AM)

    Très bien, merci beaucoup Matteo d'avoir partagé toutes ces recherches avec nous.

  • Matteo Migliari (MM)

    Merci à toi.

  • Adèle Mazurek (AM)

    Et à nos auditeurs, je vous retrouve le mois prochain pour un nouvel épisode du podcast à la rencontre des doctorants à retrouver sur la revue numérique de l'École nationale des ponts et chaussées

Description

Comment adapter les villes face à un climat qui se réchauffe pour garantir leur vivabilité ? C'est la question centrale que s'est posée Matteo Migliari durant ses années de thèse, réalisée entre le laboratoire Navier de l'École nationale des ponts et chaussées et l'atelier Franck Boutté, atelier d'ingénierie créative et de co-conception environnementale.

Dans ce podcast, Matteo nous parle de l'impact des trottoirs et autres surfaces en ville sur le confort thermique des habitants. Il y aborde des solutions parfois contre-intuitives, qui jouent sur la couleur d'une surface de revêtement, la végétation et bien plus encore, pour garantir une meilleure qualité de vie et rendre les espaces urbains plus agréables, notamment en été.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Adèle Mazurek (AM)

    Bienvenue sur le podcast à la rencontre des doctorants, podcast qui laisse la parole aux doctorantes et doctorants de l'École nationale des ponts et chaussées. Comment penser la ville pour qu'elle résiste à la chaleur ? Quel levier pour améliorer le confort thermique urbain ? On en parle aujourd'hui avec notre invité, Matteo Migliari, qui a réalisé sa thèse au laboratoire Navier et l'atelier Franck Boutté. Bonjour Matteo.

  • Matteo Migliari (MM)

    Bonjour Adèle.

  • Adèle Mazurek (AM)

    Pour commencer, présente-nous le contexte général de ta thèse. En quoi l'adaptation des villes au changement climatique est-elle un enjeu crucial aujourd'hui ?

  • Matteo Migliari (MM)

    Le contexte général de ma thèse, c'était réduire la surchauffe urbaine. Cette thèse est née en partenariat avec l'ADEME (Agence de la transition écologique), parce que c'était un appel à projet de l'ADEME qui avait notamment ce sujet. Mais en fait, il faut comprendre que cette question, de réduire la surchauffe urbaine est générique et elle peut s'articuler de différentes manières. Effectivement, on pourrait penser à la réduction, par exemple, de la température de la surface urbaine, ou bien à la réduction de la température de l'air dans les environnements urbains, ou bien à la réduction de la surchauffe des personnes qui se promènent dans la ville. L'idée, c'est surtout de comprendre pourquoi il faut réduire la surchauffe urbaine. Dans la réponse qu'on a donnée au cours de mon travail de thèse, c'était notamment pour permettre aux endroits urbains de pouvoir rester habitables avec les prospectives climatiques à venir. Du coup, on sait aujourd'hui que les vagues de chaleur sont en continuelle augmentation. En fait, il y a une sorte de boucle qui fait que si on n'est pas bien à l'extérieur, on a tendance à rentrer chez nous. On allume la clim parce que souvent les habitations ne sont pas adaptées non plus à donner un bon confort à l'intérieur. Du fait d'allumer la clim, on réjette de la chaleur à l'extérieur. C'est un boucle qui a tendance à devenir de pire en pire. Dans le cadre de mes recherches, on a individué les conforts thermiques comme levier clé pour casser cette boucle. Si on est bien à l'extérieur, on peut continuer à profiter des espaces publics. Et ça entraîne aussi d'autres mécanismes, tels que la réduction de la sédentarité, qui ont des effets positifs sur la santé.

  • Adèle Mazurek (AM)

    Alors, juste une petite parenthèse, on imagine très bien ce que c'est une vague de chaleur, on l'a tous plus ou moins expérimentée. Mais scientifiquement, comment on définit une vague de chaleur ?

  • Matteo Migliari (MM)

    Alors, la définition scientifique d'une vague de chaleur, eh bien, ça dépend. Déjà, on pourrait donner une définition générique qui l'identifie comme une période de plusieurs jours dans lesquels il fait très chaud la journée et la température ne baisse pas tellement que ça pendant la nuit. Mais notamment, la définition des vagues de chaleur dépend du lieu qu'on analyse. Par exemple, si on veut donner la définition pour Paris, eh bien cette durée, c'est au minimum 3 jours et la température de l'air doit dépasser 31°C alors que la nuit, on ne descend pas au-dessous des 21°C.

  • Adèle Mazurek (AM)

    Merci pour ces précisions. Quels sont les principaux leviers d'action qu'on peut mobiliser dans l'espace urbain pour s'adapter aux changements climatiques à l'heure actuelle ?

  • Matteo Migliari (MM)

    Alors, il y a différents leviers d'action pour pouvoir s'adapter aux changements climatiques. Déjà, c'est important de préciser que l'adaptation doit être suivie aussi de la mitigation. Ce sont deux concepts différents. La mitigation, c'est un peu l'atténuation des causes qui provoquent les changements climatiques, alors que l'adaptation, c'est en quelque sorte la manière de faire face à cette transformation qu'on est en train de vivre. Et du coup, effectivement, l'adaptation a un rôle crucial dans ma thèse. Il y a plusieurs stratégies pour adapter nos territoires. Notamment, il y a déjà les choix des bons indicateurs qu'on veut analyser. Comme on l'a vu précédemment, on pourrait considérer la surchauffe selon différents angles différents, comme température de l'air, température de surface ou bien confort thermique. Chacun de ces indicateurs implique des stratégies différentes pour pouvoir les réduire, qui ne sont pas forcément les mêmes. Et donc déjà, il faut bien savoir quel est notre objectif. On parle souvent d'îlot de chaleur urbain, alors que l'îlot de chaleur urbain, par exemple, c'est une différence de température entre les centres-villes et la campagne. Mais en vrai, l'important, c'est qu'il fasse bon dans la ville. Donc, c'était un indicateur que, au cours de mes travaux, on a identifié comme n'étant pas le plus pertinent pour adresser proprement la question de l'adaptation. Alors que le confort thermique était beaucoup plus précis comme indicateur, il pouvait s'appliquer aussi aux périodes hivernales parce qu'il ne faut pas oublier non plus qu'il y a des périodes froides qui vont rester. Jusqu'en 2050, on aura majoritairement besoin de réchauffer par rapport à climatiser. Et voilà, choix des indicateurs. Après, choix des matériaux. Il y a un impact crucial sur les matériaux que l'on met dans la ville. Ils peuvent avoir des effets réfléchissants, mais aussi stocker de la chaleur. Donc, en fonction de ce qu'on veut obtenir, il faut choisir les bons matériaux. Et il y a aussi un autre levier, qui est la ventilation. Et on peut aussi dire que le levier principal, c'est ombrager et planter des arbres. Il faut savoir, par contre, que ces leviers que j'ai nommé sont les leviers principaux pour pouvoir obtenir une ville qui est bien adaptée, mais ils sont également les leviers principaux pour obtenir une ville qui est mal adaptée. Si on utilise ces leviers de manière erronée, les résultats qu'on obtiendra ne seront pas ceux qu'on a espérés lorsqu'on les a mis en place.

  • Adèle Mazurek (AM)

    Est-ce que tu as par exemple une situation concrète pour nous illustrer cela ?

  • Matteo Migliari (MM)

    Alors j'ai plusieurs situations concrètes. La première qui me vient un peu à l'esprit, c'est la rue qu'il y a à côté de l'École des Ponts à Champs-sur-Marne pour venir dans cet établissement. En fait, au cours de ma thèse, cette rue a changé et c'était donc un exemple très intéressant pour mes études. Quel était le changement ? Eh bien, au départ, les trottoirs avaient un peu la même couleur que la chaussée en asphalte. Alors que maintenant Les trottoirs ont été bien éclaircis, donc ils sont devenus bien plus réfléchissants. Eh bien, ça c'est un peu la politique qui est en train d'être appliquée par différentes villes. On pourrait citer des villes d'Amérique, mais pour rester en France, Lyon a réalisé la même expérience. Il a éclairci avec un peinture blanche des trottoirs dans 100 mètres carrés de la ville. C'était une expérimentation pour voir si ça donnait les effets expérés. Eh bien ça n'a pas donné les effets espérés. Pourquoi ? Parce que déjà, l'objectif principal de cet éclaircissement des trottoirs, c'était l'atténuation des îlots de chaleur, mais dans une perspective de rendre la ville plus habitable, plus vivable pour ses citoyens. Alors avec des simulations microclimatiques, on a évalué ce type d'objet avec des chaussées sombres et des trottoirs clairs. Et on a constaté que si on avait fait tout l'opposé, à savoir des chaussées claires et des trottoirs sombres, ça aurait été beaucoup mieux. Pourquoi ? Parce qu'en réalité, les piétons dans la ville, ils se promènent notamment sur les trottoirs. Ils ne se déplacent pas au milieu de la chaussée parce qu'aujourd'hui, au moins, la chaussée est encore réservée aux voitures. Et donc, l'effet d'éclaircir ces trottoirs, il a augmenté la réflexion de la radiation solaire. Donc, oui, les trottoirs, ils stockent moins de chaleur. Par contre, la chaleur qui n'est pas stockée, la radiation qui n'est pas absorbée, elle est réfléchie contre les piétons. Et du coup, les piétons, ils ressentent un stress thermique qui est plus élevé, parce qu'ils ne reçoivent pas uniquement le soleil qui est en haut, ils reçoivent aussi un deuxième soleil qui vient du bas.

  • Adèle Mazurek (AM)

    Donc en termes de confort, on est loin de ce qu'on espérait.

  • Matteo Migliari (MM)

    Voilà, en termes de confort, ça devient bien pire. Donc, au contraire, si Lyon, par exemple, ou Champs-sur-Marne, avaient choisi d'éclaircir la chaussée plutôt que les trottoirs, là, ils auraient obtenu un effet qui serait plus bénéfique. Et donc voilà, on a fait des simulations microclimatiques de cet état existant et l'état juste opposé. Et on a trouvé que l'état opposé, c'était mieux à la fois en termes de température de l'air, donc réduction des îlots de chaleur, si on suppose que la température à la campagne ne bouge pas, et en termes de confort thermique. Donc c'était une solution gagnant-gagnant par rapport à ce qu'on a fait dans la réalité. Donc c'était un peu une étude exploratoire qui dit que par rapport à ce qu'on fait, il y a d'autres solutions qui sont strictement meilleures. J'ai fait d'autres exemples. Un exemple, c'est sur les vents. Aujourd'hui, on parle beaucoup de la nécessité de concevoir nos espaces urbains avec les vents pour ventiler notamment les tissus urbains et du coup avoir un effet positif sur le stress thermique pendant l'été. Effectivement, c'est vrai. Par contre, c'est un peu une stratégie qui risque de ne pas être aussi efficace qu'aujourd'hui. Bon, déjà, les vents ont un effet positif l'été, a priori, mais négatif l'hiver.

  • Adèle Mazurek (AM)

    Oui, ce qui va rafraîchir.

  • Matteo Migliari (MM)

    Exactement, ça augmente le stress thermique froid, donc la sensation de froid des personnes. Du coup, c'est important d'étudier la direction des vents lorsqu'on fait une opération d'aménagement parce que dans beaucoup de cas, les vents n'arrivent pas dans la même direction l'été et l'hiver. Et si c'est le cas, il faut peut-être concevoir des espaces dynamiques qui s'adaptent en fonction des saisons pour privilégier les vents l'été et les réduire pendant l'hiver. Mais notamment l'importance de ces espaces dynamiques, c'est parce qu'on a étudié avec des formules telles que le Universal Thermal Climate Index (UTCI) (l'Indice universel du climat thermique), qui est un des indicateurs de confort les plus renommés, et on s'est aperçu notamment que si on augmente la température de l'air, l'effet du vent va devenir négatif. Il y a certaines températures où le vent est encore beaucoup réfléchit. Après, si on monte à 38 degrés, par exemple, la tendance s'inverse. Et la ville de Paris, aujourd'hui est en train de publier des livrables qui s'intitulent, par exemple, Paris à 50 degrés. Eh bien, si on a une température de l'air qui, effectivement, atteindra à un certain moment dans le futur 50 degrés, augmenter la vitesse de cet air va dégrader notre confort thermique plutôt que l'améliorer. Donc, il faut bien profiter de ces avantages aujourd'hui, lorsqu'on peut encore. Mais il ne faut pas que les formes de la ville qu'on établit aujourd'hui, deviennent des pièges demain. Le dernier levier que je peux mentionner, ce sont les arbres. Aujourd'hui, tout le monde dit que végétaliser c'est bien. Et les arbres sont plutôt traités de manière quantitative et pas qualitative. Donc j'ai planté 1000 arbres, c'est bien. Déjà, il faut prendre en compte que les arbres ont des essences différentes et donc leur avantage en termes de rafraîchissement dépend du type de l'essence parce qu'ils ont des potentiels d'ombrage et d'évapotranspiration qui sont différents. Et de l'autre côté, leur avantage dépend beaucoup de la localisation où on met l'arbre. Et la chose la plus importante, c'est que l'arbre produira un avantage endant qu'il est vivant. Donc, planter des arbres, ok, mais il faut tout d'abord s'assurer que l'endroit des plantations soit correct pour pouvoir assurer la survie de l'essence végétale. Et de l'autre côté, il faut s'assurer qu'on aura dans le futur les ressources pour assurer cette survie à long terme.

  • Adèle Mazurek (AM)

    Je me permets de compléter également en faisant référence à des articles du laboratoire CEREA qu'il y a sur la revue Ingenius, sur des études notamment de l'effet des arbres sur la pollution aussi en ville. Voilà, c'est aussi une autre problématique à prendre en compte dans l'aménagement urbain.

  • Matteo Migliari (MM)

    Oui, tout à fait. Ce n'est pas mon sujet spécifique, mais notamment, j'ai vu que d'un côté, les arbres ont certaines capacités de captation de polluants, mais de l'autre côté, ils relèguent dans l'air d'autres composants volatiles biogéniques. Et en fonction de comment on met les arbres dans les rues, ils peuvent en fait piéger les polluants vers l'espace urbain. Du coup, effectivement, c'est tout un champ de sujets qu'il faut prendre en compte dans la localisation des arbres et dans le choix des essences.

  • Adèle Mazurek (AM)

    Revenons-en un petit peu à ta thèse. Le but était de développer des modèles informatiques capables de simuler et d'évaluer différentes manières de concevoir un quartier ou une ville pour répondre à plusieurs objectifs, dont l'amélioration du confort thermique dont on parle depuis tout à l'heure. Cela a commencé par une expérience grandeur réelle. Parle-nous-en un petit peu.

  • Matteo Migliari (MM)

    Oui, effectivement, on a réalisé une expérience de grandeur réelle dans le campus, voire plusieurs expériences de grandeur réelle. Celle que tu mentions notamment, c'était l'expérience réalisée dans la vague de chaleur de 2022, en partenariat avec Sense-City. Et du coup, l'idée, c'était un peu en lien avec le résultat des simulations microclimatiques qu'on a obtenues. On avu que des surfaces claires pouvaient avoir des effets négatifs sur le confort alors qu'un peu toutes les villes recommandent de systématiser l'éclaircissement des espaces. Par exemple, la ville de Paris également propose ce type d'approche, alors que nous, avec la lecture de confort thermique, on avait un résultat qui est un peu plus fin, qui est de dire qu'il faut tout d'abord étudier les espaces et leurs fonctions, et en fonction de cette fonction et de ces horaires de fréquentation, il faut trouver la stratégie adaptée. Et du coup, ça va un peu à contre-courant, et c'est pour ça que c'était nécessaire de pouvoir vérifier vraiment dans les terrains si ces résultats de simulation étaient bons.

  • Adèle Mazurek (AM)

    Alors concrètement, qu'est-ce que ces participants devaient faire dans cette expérience ?

  • Matteo Migliari (MM)

    Et du coup, on a effectivement amené 75 participants, qui étaient appelés à se promener sur des bâches de grande taille, avec des propriétés absorbantes et réfléchissantes très différentes. Il y avait de l'asphalte, donc aucun bâche, il y avait une bâche noir, il y avait une bâche blanche, et une bâche en aluminium qui a priori ça modélise un peu cet effet miroir. Donc, bien entendu, la température de surface des bâches changeait. Les bâches les plus sombres étaient les bâches les plus chaudes, alors que les bâches les plus claires ou les plus réfléchissantes étaient les plus fraîches, les plus fraîches en termes de température de surface. Mais on a constaté, avec le passage des personnes, que cet effet qu'on a sur la surface n'était pas le même que celui qui est perçu par la personne. Parce que, comme je l'expliquais, effectivement, plus on réfléchit la radiation solaire, plus la personne ressent un stress thermique élevé. Donc, pour ne pas mettre des biais, en fait, déjà dans la réponse des personnes, parce qu'on a fait passer un petit questionnaire avant, la majorité avait tendance à s'attendre à être mieux sur les couleurs claires par rapport aux couleurs sombres. Donc on a fait cette expérience avec les personnes qui avaient tout d'abord les yeux bandés.

  • Adèle Mazurek (AM)

    Oui, d'accord. Pour ne pas qu'ils voient sur quelle surface ils se trouvent.

  • Matteo Migliari (MM)

    Ils ne pouvaient pas savoir où ils étaient. Et donc la consigne, c'était juste de se concentrer sur leur confort thermique. Et donc on a pris un certain nombre de données de confort thermique pour chaque personne. Et on a constaté qu'effectivement, sur les bâches les plus claires, ils avaient tendance à percevoir un stress thermique qui était incrémenté. Et ça, ils l'ont confirmé eux-mêmes dans la deuxième étape de l'expérience, où ils ont refait les mêmes parcours, mais avec la vue. Et du coup, on a redonné les mêmes questionnaires à la fin et on a eu un renversement des tendances, à savoir la majorité, après l'expérience, ils disaient, ben, lors d'une vague de chaleur, je préférerais me promener plutôt sur un terrain qui est sombre, et pas sur un terrain qui est réfléchissant. Donc en fait, ça confirmait un peu les résultats qu'on avait obtenus dans nos simulations microclimatiques.

  • Adèle Mazurek (AM)

    Comment tes recherches peuvent-elles aider à prendre des décisions rapidement dans le cadre de projets opérationnels ?

  • Matteo Migliari (MM)

    Alors, il y a différentes méthodes qui ont été mises en place, notamment pour répondre à ce bout-là. Le premier article que j'ai publié, c'était la métamatrice du confort thermique. Et donc, l'idée de cette matrice était de classifier les différents indicateurs de confort pour permettre un choix rapide des indicateurs pertinents. Parce qu'il faut savoir qu'il n'y en a plus de 200 et a priori, chacun de ces indicateurs donne un résultat qui est différent. Et du coup, la validité de ces résultats dépend tout d'abord d'un choix approprié de l'indicateur. Donc, avant ma thèse, il fallait peut-être lire tous ces 200 articles pour comprendre quels étaient les bons indicateurs à mobiliser. Là, on a produit un matrice qui est un outil graphique qui permet, en fonction de la localisation de son projet et de l'objectif aussi de son projet, c'est important, de choisir des indicateurs de confort pertinents. Et du coup, dans le cadre de ma thèse, on a plutôt choisi l'UTCI, l'Universal Thermal Climate Index (Indice universel du climat thermique), que j'ai mentionné tout à l'heure. Pour nous, c'était l'indicateur pertinent vis-à-vis de nos objectifs, qui étaient d'étudier le confort thermique dans les périodes chaudes, mais aussi potentiellement dans les périodes froides, en se concentrant plutôt sur les leviers morphologiques de la ville et pas autant sur les leviers personnels de la personne. Mais voilà, en fonction des objectifs, cet indicateur pourrait se révéler inapproprié. Si par exemple, une étude veut comprendre l'impact des différentes manières de s'habiller sur le confort thermique, et bien l'UTCI ne sera pas un indicateur approprié, il faudra utiliser d'autres indices tels que les PET (Température Physiologique Équivalente). Après, on a mis en place des algorithmes pour compléter un peu les logiciels de simulation microclimatique les plus validés dans le milieu scientifique aujourd'hui qui s'appelle ENVI-met. ENVI-met a un peu des problèmes de temps de calcul mais aussi de temps de mise en place du modèle et du temps pour exploiter des résultats. Donc, c es algorithmes qu'on a produit ne peuvent pas toucher autant de calculs, mais en revanche, ils permettent d'économiser beaucoup de temps dans la création du modèle et dans l'exploitation des résultats. Cela permet notamment d'avoir des résultats très fins, très détaillés, avec des temps plus rapides. De l'autre côté, les choix des albedos, les simulations microclimatiques qu'on a faites en termes de matériaux, on a réalisé notamment un corpus de simulation qui compare différents types de complexes multicouches de sol, qui sont un peu les surfaces sur lesquelles on se promène dans la ville, par exemple un sol en asphalte, ou de la pelouse, ou un pavé granit, etc pour classifier leurs performances microclimatiques et biométrologiques. Donc, grâce à ce corpus de simulation, on peut savoir, si on met tel type de matière, quels seront les effets qu'on va obtenir. sur la surchauffe de l'air, par exemple, mais aussi sur le confort thermique. Du coup, ça pourrait permettre, en fonction des objectifs de chaque endroit, de choisir des matières appropriées. Donc, s'il y a des endroits à haute fréquentation, le confort thermique, ça sera plutôt à privilégier. Mais s'il y a des endroits qui ne sont pas fréquentés, ça ne sert à rien d'améliorer le confort thermique dans ces types d'endroit. Alors, on choisira plutôt des matières qui ont tendance à éviter la surchauffe de l'air, par exemple. Les deux derniers outils qu'on a produit, c'était d'un côté une charte bioclimatique de l'UTCI. C'était une sorte d'étude de la fonction UTCI, de cet indicateur de confort, pour comprendre en fait quel est l'impact des différents leviers sur le confort thermique. Lorsque je parle des leviers, ce sont par exemple la vitesse du vent, l'effet d'ombrage ou l'effet d'être sur une pelouse par rapport à une surface minérale. On a réalisé ce type de graphe qui permet de comprendre en amont, dans un certain climat, ce qu'on peut obtenir avec les différents types de stratégies. Et du coup, il permet de se concentrer sur la stratégie qui permet d'apporter le plus de bénéfices dans ces endroits spécifiques. Et enfin, on a produit un algorithme de morphogenèse des arbres qui est encore en train d'être développé. Mais du coup, l'idée à la base de cet algorithme, c'est de pouvoir choisir les essences et la localisation des arbres pour assurer d'un côté la survie des essences végétales et de l'autre côté, maximiser les bénéfices que ces essences végétales peuvent donner à l'espace urbain. Et un résultat assez intéressant, c'était que dans un cas type sur lequel on a fait tourner cet algorithme, eh bien la stratégie la plus performante, ce n'était pas celle avec la plus haute quantité d'arbres. Planter bien, c'est mieux que planter beaucoup.

  • Adèle Mazurek (AM)

    Très bien. Et donc tous ces résultats, est-ce que pendant ta thèse ou même maintenant que tu as ton doctorat, tu as pu les présenter aux professionnels qui sont potentiellement intéressés par toutes ces recherches ?

  • Matteo Migliari (MM)

    J'ai réalisé de nombreuses conférences durant ma thèse et aussi j'essaie en même temps de finaliser un peu la publication de certains éléments qui ne sont pas encore publiés. Il faut savoir qu'il y a encore beaucoup de chemins à faire. Donc effectivement, ce sont des stratégies très prometteuses, mais par exemple, pour l'algorithme de morphogénèse, idéalement, il faudrait une base de données très complète des essences végétales et de tous leurs besoins. En fait, je m'attendais à pouvoir trouver une telle base de données déjà existante et en place mais, ce n'est pas le cas. Donc, on est en train de travailler pour le construire, mais on s'aperçoit qu'il y a beaucoup de lacunes, effectivement, pour mener bien l'adaptation des territoires au changement climatique.

  • Adèle Mazurek (AM)

    Alors, pour terminer ce podcast, parce qu'on arrive quasiment à la fin, est-ce que tu peux nous expliquer ton parcours et qu'est-ce qui t'a amené à réaliser une thèse dans ce domaine ?

  • Matteo Migliari (MM)

    J'ai un double parcours d'ingénieur architecte au Politecnico di Milano (École polytechnique de Milan) et après à l'École des ponts et chaussées et dans ma formation, je m'étais déjà intéressé à l'étude des bâtiments mais c'était plutôt dans une optique qui à chaque fois est liée à l'intérieur. Lorsqu'on fait des conceptions des structures, c'est que pour son propre bâtiment ça tient lorsqu'on fait des études énergétiques du bâtiment, c'est pour être bien à l'intérieur du bâtiment. Et du coup, il y avait un peu ce spectre qui était limité au bâti, mais en particulier à l'environnement intérieur du bâti. Et du coup, cette thèse, ça m'a donné la très belle opportunité d'élargir mon spectre de compétences en m'intéressant à l'échelle urbaine.

  • Adèle Mazurek (AM)

    Et maintenant que tu as terminé ta thèse, qu'est-ce que tu fais ?

  • Matteo Migliari (MM)

    Actuellement, je suis expert référent sur les thématiques de la microclimatologie urbaine et de la biométrologie humaine à l'atelier Franck Boutté, dans lequel notamment j'ai réalisé ma thèse en partenariat avec le laboratoire Navier. Grâce à la thèse, j'ai un peu reformaté mon expérience, qui à la base était plutôt calcul des structures et conception des façades, pour pouvoir donner mon support d'expert sur ces thématiques du microclimat en ville et du confort thermique.

  • Adèle Mazurek (AM)

    Très bien, merci beaucoup Matteo d'avoir partagé toutes ces recherches avec nous.

  • Matteo Migliari (MM)

    Merci à toi.

  • Adèle Mazurek (AM)

    Et à nos auditeurs, je vous retrouve le mois prochain pour un nouvel épisode du podcast à la rencontre des doctorants à retrouver sur la revue numérique de l'École nationale des ponts et chaussées

Share

Embed

You may also like

Description

Comment adapter les villes face à un climat qui se réchauffe pour garantir leur vivabilité ? C'est la question centrale que s'est posée Matteo Migliari durant ses années de thèse, réalisée entre le laboratoire Navier de l'École nationale des ponts et chaussées et l'atelier Franck Boutté, atelier d'ingénierie créative et de co-conception environnementale.

Dans ce podcast, Matteo nous parle de l'impact des trottoirs et autres surfaces en ville sur le confort thermique des habitants. Il y aborde des solutions parfois contre-intuitives, qui jouent sur la couleur d'une surface de revêtement, la végétation et bien plus encore, pour garantir une meilleure qualité de vie et rendre les espaces urbains plus agréables, notamment en été.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Adèle Mazurek (AM)

    Bienvenue sur le podcast à la rencontre des doctorants, podcast qui laisse la parole aux doctorantes et doctorants de l'École nationale des ponts et chaussées. Comment penser la ville pour qu'elle résiste à la chaleur ? Quel levier pour améliorer le confort thermique urbain ? On en parle aujourd'hui avec notre invité, Matteo Migliari, qui a réalisé sa thèse au laboratoire Navier et l'atelier Franck Boutté. Bonjour Matteo.

  • Matteo Migliari (MM)

    Bonjour Adèle.

  • Adèle Mazurek (AM)

    Pour commencer, présente-nous le contexte général de ta thèse. En quoi l'adaptation des villes au changement climatique est-elle un enjeu crucial aujourd'hui ?

  • Matteo Migliari (MM)

    Le contexte général de ma thèse, c'était réduire la surchauffe urbaine. Cette thèse est née en partenariat avec l'ADEME (Agence de la transition écologique), parce que c'était un appel à projet de l'ADEME qui avait notamment ce sujet. Mais en fait, il faut comprendre que cette question, de réduire la surchauffe urbaine est générique et elle peut s'articuler de différentes manières. Effectivement, on pourrait penser à la réduction, par exemple, de la température de la surface urbaine, ou bien à la réduction de la température de l'air dans les environnements urbains, ou bien à la réduction de la surchauffe des personnes qui se promènent dans la ville. L'idée, c'est surtout de comprendre pourquoi il faut réduire la surchauffe urbaine. Dans la réponse qu'on a donnée au cours de mon travail de thèse, c'était notamment pour permettre aux endroits urbains de pouvoir rester habitables avec les prospectives climatiques à venir. Du coup, on sait aujourd'hui que les vagues de chaleur sont en continuelle augmentation. En fait, il y a une sorte de boucle qui fait que si on n'est pas bien à l'extérieur, on a tendance à rentrer chez nous. On allume la clim parce que souvent les habitations ne sont pas adaptées non plus à donner un bon confort à l'intérieur. Du fait d'allumer la clim, on réjette de la chaleur à l'extérieur. C'est un boucle qui a tendance à devenir de pire en pire. Dans le cadre de mes recherches, on a individué les conforts thermiques comme levier clé pour casser cette boucle. Si on est bien à l'extérieur, on peut continuer à profiter des espaces publics. Et ça entraîne aussi d'autres mécanismes, tels que la réduction de la sédentarité, qui ont des effets positifs sur la santé.

  • Adèle Mazurek (AM)

    Alors, juste une petite parenthèse, on imagine très bien ce que c'est une vague de chaleur, on l'a tous plus ou moins expérimentée. Mais scientifiquement, comment on définit une vague de chaleur ?

  • Matteo Migliari (MM)

    Alors, la définition scientifique d'une vague de chaleur, eh bien, ça dépend. Déjà, on pourrait donner une définition générique qui l'identifie comme une période de plusieurs jours dans lesquels il fait très chaud la journée et la température ne baisse pas tellement que ça pendant la nuit. Mais notamment, la définition des vagues de chaleur dépend du lieu qu'on analyse. Par exemple, si on veut donner la définition pour Paris, eh bien cette durée, c'est au minimum 3 jours et la température de l'air doit dépasser 31°C alors que la nuit, on ne descend pas au-dessous des 21°C.

  • Adèle Mazurek (AM)

    Merci pour ces précisions. Quels sont les principaux leviers d'action qu'on peut mobiliser dans l'espace urbain pour s'adapter aux changements climatiques à l'heure actuelle ?

  • Matteo Migliari (MM)

    Alors, il y a différents leviers d'action pour pouvoir s'adapter aux changements climatiques. Déjà, c'est important de préciser que l'adaptation doit être suivie aussi de la mitigation. Ce sont deux concepts différents. La mitigation, c'est un peu l'atténuation des causes qui provoquent les changements climatiques, alors que l'adaptation, c'est en quelque sorte la manière de faire face à cette transformation qu'on est en train de vivre. Et du coup, effectivement, l'adaptation a un rôle crucial dans ma thèse. Il y a plusieurs stratégies pour adapter nos territoires. Notamment, il y a déjà les choix des bons indicateurs qu'on veut analyser. Comme on l'a vu précédemment, on pourrait considérer la surchauffe selon différents angles différents, comme température de l'air, température de surface ou bien confort thermique. Chacun de ces indicateurs implique des stratégies différentes pour pouvoir les réduire, qui ne sont pas forcément les mêmes. Et donc déjà, il faut bien savoir quel est notre objectif. On parle souvent d'îlot de chaleur urbain, alors que l'îlot de chaleur urbain, par exemple, c'est une différence de température entre les centres-villes et la campagne. Mais en vrai, l'important, c'est qu'il fasse bon dans la ville. Donc, c'était un indicateur que, au cours de mes travaux, on a identifié comme n'étant pas le plus pertinent pour adresser proprement la question de l'adaptation. Alors que le confort thermique était beaucoup plus précis comme indicateur, il pouvait s'appliquer aussi aux périodes hivernales parce qu'il ne faut pas oublier non plus qu'il y a des périodes froides qui vont rester. Jusqu'en 2050, on aura majoritairement besoin de réchauffer par rapport à climatiser. Et voilà, choix des indicateurs. Après, choix des matériaux. Il y a un impact crucial sur les matériaux que l'on met dans la ville. Ils peuvent avoir des effets réfléchissants, mais aussi stocker de la chaleur. Donc, en fonction de ce qu'on veut obtenir, il faut choisir les bons matériaux. Et il y a aussi un autre levier, qui est la ventilation. Et on peut aussi dire que le levier principal, c'est ombrager et planter des arbres. Il faut savoir, par contre, que ces leviers que j'ai nommé sont les leviers principaux pour pouvoir obtenir une ville qui est bien adaptée, mais ils sont également les leviers principaux pour obtenir une ville qui est mal adaptée. Si on utilise ces leviers de manière erronée, les résultats qu'on obtiendra ne seront pas ceux qu'on a espérés lorsqu'on les a mis en place.

  • Adèle Mazurek (AM)

    Est-ce que tu as par exemple une situation concrète pour nous illustrer cela ?

  • Matteo Migliari (MM)

    Alors j'ai plusieurs situations concrètes. La première qui me vient un peu à l'esprit, c'est la rue qu'il y a à côté de l'École des Ponts à Champs-sur-Marne pour venir dans cet établissement. En fait, au cours de ma thèse, cette rue a changé et c'était donc un exemple très intéressant pour mes études. Quel était le changement ? Eh bien, au départ, les trottoirs avaient un peu la même couleur que la chaussée en asphalte. Alors que maintenant Les trottoirs ont été bien éclaircis, donc ils sont devenus bien plus réfléchissants. Eh bien, ça c'est un peu la politique qui est en train d'être appliquée par différentes villes. On pourrait citer des villes d'Amérique, mais pour rester en France, Lyon a réalisé la même expérience. Il a éclairci avec un peinture blanche des trottoirs dans 100 mètres carrés de la ville. C'était une expérimentation pour voir si ça donnait les effets expérés. Eh bien ça n'a pas donné les effets espérés. Pourquoi ? Parce que déjà, l'objectif principal de cet éclaircissement des trottoirs, c'était l'atténuation des îlots de chaleur, mais dans une perspective de rendre la ville plus habitable, plus vivable pour ses citoyens. Alors avec des simulations microclimatiques, on a évalué ce type d'objet avec des chaussées sombres et des trottoirs clairs. Et on a constaté que si on avait fait tout l'opposé, à savoir des chaussées claires et des trottoirs sombres, ça aurait été beaucoup mieux. Pourquoi ? Parce qu'en réalité, les piétons dans la ville, ils se promènent notamment sur les trottoirs. Ils ne se déplacent pas au milieu de la chaussée parce qu'aujourd'hui, au moins, la chaussée est encore réservée aux voitures. Et donc, l'effet d'éclaircir ces trottoirs, il a augmenté la réflexion de la radiation solaire. Donc, oui, les trottoirs, ils stockent moins de chaleur. Par contre, la chaleur qui n'est pas stockée, la radiation qui n'est pas absorbée, elle est réfléchie contre les piétons. Et du coup, les piétons, ils ressentent un stress thermique qui est plus élevé, parce qu'ils ne reçoivent pas uniquement le soleil qui est en haut, ils reçoivent aussi un deuxième soleil qui vient du bas.

  • Adèle Mazurek (AM)

    Donc en termes de confort, on est loin de ce qu'on espérait.

  • Matteo Migliari (MM)

    Voilà, en termes de confort, ça devient bien pire. Donc, au contraire, si Lyon, par exemple, ou Champs-sur-Marne, avaient choisi d'éclaircir la chaussée plutôt que les trottoirs, là, ils auraient obtenu un effet qui serait plus bénéfique. Et donc voilà, on a fait des simulations microclimatiques de cet état existant et l'état juste opposé. Et on a trouvé que l'état opposé, c'était mieux à la fois en termes de température de l'air, donc réduction des îlots de chaleur, si on suppose que la température à la campagne ne bouge pas, et en termes de confort thermique. Donc c'était une solution gagnant-gagnant par rapport à ce qu'on a fait dans la réalité. Donc c'était un peu une étude exploratoire qui dit que par rapport à ce qu'on fait, il y a d'autres solutions qui sont strictement meilleures. J'ai fait d'autres exemples. Un exemple, c'est sur les vents. Aujourd'hui, on parle beaucoup de la nécessité de concevoir nos espaces urbains avec les vents pour ventiler notamment les tissus urbains et du coup avoir un effet positif sur le stress thermique pendant l'été. Effectivement, c'est vrai. Par contre, c'est un peu une stratégie qui risque de ne pas être aussi efficace qu'aujourd'hui. Bon, déjà, les vents ont un effet positif l'été, a priori, mais négatif l'hiver.

  • Adèle Mazurek (AM)

    Oui, ce qui va rafraîchir.

  • Matteo Migliari (MM)

    Exactement, ça augmente le stress thermique froid, donc la sensation de froid des personnes. Du coup, c'est important d'étudier la direction des vents lorsqu'on fait une opération d'aménagement parce que dans beaucoup de cas, les vents n'arrivent pas dans la même direction l'été et l'hiver. Et si c'est le cas, il faut peut-être concevoir des espaces dynamiques qui s'adaptent en fonction des saisons pour privilégier les vents l'été et les réduire pendant l'hiver. Mais notamment l'importance de ces espaces dynamiques, c'est parce qu'on a étudié avec des formules telles que le Universal Thermal Climate Index (UTCI) (l'Indice universel du climat thermique), qui est un des indicateurs de confort les plus renommés, et on s'est aperçu notamment que si on augmente la température de l'air, l'effet du vent va devenir négatif. Il y a certaines températures où le vent est encore beaucoup réfléchit. Après, si on monte à 38 degrés, par exemple, la tendance s'inverse. Et la ville de Paris, aujourd'hui est en train de publier des livrables qui s'intitulent, par exemple, Paris à 50 degrés. Eh bien, si on a une température de l'air qui, effectivement, atteindra à un certain moment dans le futur 50 degrés, augmenter la vitesse de cet air va dégrader notre confort thermique plutôt que l'améliorer. Donc, il faut bien profiter de ces avantages aujourd'hui, lorsqu'on peut encore. Mais il ne faut pas que les formes de la ville qu'on établit aujourd'hui, deviennent des pièges demain. Le dernier levier que je peux mentionner, ce sont les arbres. Aujourd'hui, tout le monde dit que végétaliser c'est bien. Et les arbres sont plutôt traités de manière quantitative et pas qualitative. Donc j'ai planté 1000 arbres, c'est bien. Déjà, il faut prendre en compte que les arbres ont des essences différentes et donc leur avantage en termes de rafraîchissement dépend du type de l'essence parce qu'ils ont des potentiels d'ombrage et d'évapotranspiration qui sont différents. Et de l'autre côté, leur avantage dépend beaucoup de la localisation où on met l'arbre. Et la chose la plus importante, c'est que l'arbre produira un avantage endant qu'il est vivant. Donc, planter des arbres, ok, mais il faut tout d'abord s'assurer que l'endroit des plantations soit correct pour pouvoir assurer la survie de l'essence végétale. Et de l'autre côté, il faut s'assurer qu'on aura dans le futur les ressources pour assurer cette survie à long terme.

  • Adèle Mazurek (AM)

    Je me permets de compléter également en faisant référence à des articles du laboratoire CEREA qu'il y a sur la revue Ingenius, sur des études notamment de l'effet des arbres sur la pollution aussi en ville. Voilà, c'est aussi une autre problématique à prendre en compte dans l'aménagement urbain.

  • Matteo Migliari (MM)

    Oui, tout à fait. Ce n'est pas mon sujet spécifique, mais notamment, j'ai vu que d'un côté, les arbres ont certaines capacités de captation de polluants, mais de l'autre côté, ils relèguent dans l'air d'autres composants volatiles biogéniques. Et en fonction de comment on met les arbres dans les rues, ils peuvent en fait piéger les polluants vers l'espace urbain. Du coup, effectivement, c'est tout un champ de sujets qu'il faut prendre en compte dans la localisation des arbres et dans le choix des essences.

  • Adèle Mazurek (AM)

    Revenons-en un petit peu à ta thèse. Le but était de développer des modèles informatiques capables de simuler et d'évaluer différentes manières de concevoir un quartier ou une ville pour répondre à plusieurs objectifs, dont l'amélioration du confort thermique dont on parle depuis tout à l'heure. Cela a commencé par une expérience grandeur réelle. Parle-nous-en un petit peu.

  • Matteo Migliari (MM)

    Oui, effectivement, on a réalisé une expérience de grandeur réelle dans le campus, voire plusieurs expériences de grandeur réelle. Celle que tu mentions notamment, c'était l'expérience réalisée dans la vague de chaleur de 2022, en partenariat avec Sense-City. Et du coup, l'idée, c'était un peu en lien avec le résultat des simulations microclimatiques qu'on a obtenues. On avu que des surfaces claires pouvaient avoir des effets négatifs sur le confort alors qu'un peu toutes les villes recommandent de systématiser l'éclaircissement des espaces. Par exemple, la ville de Paris également propose ce type d'approche, alors que nous, avec la lecture de confort thermique, on avait un résultat qui est un peu plus fin, qui est de dire qu'il faut tout d'abord étudier les espaces et leurs fonctions, et en fonction de cette fonction et de ces horaires de fréquentation, il faut trouver la stratégie adaptée. Et du coup, ça va un peu à contre-courant, et c'est pour ça que c'était nécessaire de pouvoir vérifier vraiment dans les terrains si ces résultats de simulation étaient bons.

  • Adèle Mazurek (AM)

    Alors concrètement, qu'est-ce que ces participants devaient faire dans cette expérience ?

  • Matteo Migliari (MM)

    Et du coup, on a effectivement amené 75 participants, qui étaient appelés à se promener sur des bâches de grande taille, avec des propriétés absorbantes et réfléchissantes très différentes. Il y avait de l'asphalte, donc aucun bâche, il y avait une bâche noir, il y avait une bâche blanche, et une bâche en aluminium qui a priori ça modélise un peu cet effet miroir. Donc, bien entendu, la température de surface des bâches changeait. Les bâches les plus sombres étaient les bâches les plus chaudes, alors que les bâches les plus claires ou les plus réfléchissantes étaient les plus fraîches, les plus fraîches en termes de température de surface. Mais on a constaté, avec le passage des personnes, que cet effet qu'on a sur la surface n'était pas le même que celui qui est perçu par la personne. Parce que, comme je l'expliquais, effectivement, plus on réfléchit la radiation solaire, plus la personne ressent un stress thermique élevé. Donc, pour ne pas mettre des biais, en fait, déjà dans la réponse des personnes, parce qu'on a fait passer un petit questionnaire avant, la majorité avait tendance à s'attendre à être mieux sur les couleurs claires par rapport aux couleurs sombres. Donc on a fait cette expérience avec les personnes qui avaient tout d'abord les yeux bandés.

  • Adèle Mazurek (AM)

    Oui, d'accord. Pour ne pas qu'ils voient sur quelle surface ils se trouvent.

  • Matteo Migliari (MM)

    Ils ne pouvaient pas savoir où ils étaient. Et donc la consigne, c'était juste de se concentrer sur leur confort thermique. Et donc on a pris un certain nombre de données de confort thermique pour chaque personne. Et on a constaté qu'effectivement, sur les bâches les plus claires, ils avaient tendance à percevoir un stress thermique qui était incrémenté. Et ça, ils l'ont confirmé eux-mêmes dans la deuxième étape de l'expérience, où ils ont refait les mêmes parcours, mais avec la vue. Et du coup, on a redonné les mêmes questionnaires à la fin et on a eu un renversement des tendances, à savoir la majorité, après l'expérience, ils disaient, ben, lors d'une vague de chaleur, je préférerais me promener plutôt sur un terrain qui est sombre, et pas sur un terrain qui est réfléchissant. Donc en fait, ça confirmait un peu les résultats qu'on avait obtenus dans nos simulations microclimatiques.

  • Adèle Mazurek (AM)

    Comment tes recherches peuvent-elles aider à prendre des décisions rapidement dans le cadre de projets opérationnels ?

  • Matteo Migliari (MM)

    Alors, il y a différentes méthodes qui ont été mises en place, notamment pour répondre à ce bout-là. Le premier article que j'ai publié, c'était la métamatrice du confort thermique. Et donc, l'idée de cette matrice était de classifier les différents indicateurs de confort pour permettre un choix rapide des indicateurs pertinents. Parce qu'il faut savoir qu'il n'y en a plus de 200 et a priori, chacun de ces indicateurs donne un résultat qui est différent. Et du coup, la validité de ces résultats dépend tout d'abord d'un choix approprié de l'indicateur. Donc, avant ma thèse, il fallait peut-être lire tous ces 200 articles pour comprendre quels étaient les bons indicateurs à mobiliser. Là, on a produit un matrice qui est un outil graphique qui permet, en fonction de la localisation de son projet et de l'objectif aussi de son projet, c'est important, de choisir des indicateurs de confort pertinents. Et du coup, dans le cadre de ma thèse, on a plutôt choisi l'UTCI, l'Universal Thermal Climate Index (Indice universel du climat thermique), que j'ai mentionné tout à l'heure. Pour nous, c'était l'indicateur pertinent vis-à-vis de nos objectifs, qui étaient d'étudier le confort thermique dans les périodes chaudes, mais aussi potentiellement dans les périodes froides, en se concentrant plutôt sur les leviers morphologiques de la ville et pas autant sur les leviers personnels de la personne. Mais voilà, en fonction des objectifs, cet indicateur pourrait se révéler inapproprié. Si par exemple, une étude veut comprendre l'impact des différentes manières de s'habiller sur le confort thermique, et bien l'UTCI ne sera pas un indicateur approprié, il faudra utiliser d'autres indices tels que les PET (Température Physiologique Équivalente). Après, on a mis en place des algorithmes pour compléter un peu les logiciels de simulation microclimatique les plus validés dans le milieu scientifique aujourd'hui qui s'appelle ENVI-met. ENVI-met a un peu des problèmes de temps de calcul mais aussi de temps de mise en place du modèle et du temps pour exploiter des résultats. Donc, c es algorithmes qu'on a produit ne peuvent pas toucher autant de calculs, mais en revanche, ils permettent d'économiser beaucoup de temps dans la création du modèle et dans l'exploitation des résultats. Cela permet notamment d'avoir des résultats très fins, très détaillés, avec des temps plus rapides. De l'autre côté, les choix des albedos, les simulations microclimatiques qu'on a faites en termes de matériaux, on a réalisé notamment un corpus de simulation qui compare différents types de complexes multicouches de sol, qui sont un peu les surfaces sur lesquelles on se promène dans la ville, par exemple un sol en asphalte, ou de la pelouse, ou un pavé granit, etc pour classifier leurs performances microclimatiques et biométrologiques. Donc, grâce à ce corpus de simulation, on peut savoir, si on met tel type de matière, quels seront les effets qu'on va obtenir. sur la surchauffe de l'air, par exemple, mais aussi sur le confort thermique. Du coup, ça pourrait permettre, en fonction des objectifs de chaque endroit, de choisir des matières appropriées. Donc, s'il y a des endroits à haute fréquentation, le confort thermique, ça sera plutôt à privilégier. Mais s'il y a des endroits qui ne sont pas fréquentés, ça ne sert à rien d'améliorer le confort thermique dans ces types d'endroit. Alors, on choisira plutôt des matières qui ont tendance à éviter la surchauffe de l'air, par exemple. Les deux derniers outils qu'on a produit, c'était d'un côté une charte bioclimatique de l'UTCI. C'était une sorte d'étude de la fonction UTCI, de cet indicateur de confort, pour comprendre en fait quel est l'impact des différents leviers sur le confort thermique. Lorsque je parle des leviers, ce sont par exemple la vitesse du vent, l'effet d'ombrage ou l'effet d'être sur une pelouse par rapport à une surface minérale. On a réalisé ce type de graphe qui permet de comprendre en amont, dans un certain climat, ce qu'on peut obtenir avec les différents types de stratégies. Et du coup, il permet de se concentrer sur la stratégie qui permet d'apporter le plus de bénéfices dans ces endroits spécifiques. Et enfin, on a produit un algorithme de morphogenèse des arbres qui est encore en train d'être développé. Mais du coup, l'idée à la base de cet algorithme, c'est de pouvoir choisir les essences et la localisation des arbres pour assurer d'un côté la survie des essences végétales et de l'autre côté, maximiser les bénéfices que ces essences végétales peuvent donner à l'espace urbain. Et un résultat assez intéressant, c'était que dans un cas type sur lequel on a fait tourner cet algorithme, eh bien la stratégie la plus performante, ce n'était pas celle avec la plus haute quantité d'arbres. Planter bien, c'est mieux que planter beaucoup.

  • Adèle Mazurek (AM)

    Très bien. Et donc tous ces résultats, est-ce que pendant ta thèse ou même maintenant que tu as ton doctorat, tu as pu les présenter aux professionnels qui sont potentiellement intéressés par toutes ces recherches ?

  • Matteo Migliari (MM)

    J'ai réalisé de nombreuses conférences durant ma thèse et aussi j'essaie en même temps de finaliser un peu la publication de certains éléments qui ne sont pas encore publiés. Il faut savoir qu'il y a encore beaucoup de chemins à faire. Donc effectivement, ce sont des stratégies très prometteuses, mais par exemple, pour l'algorithme de morphogénèse, idéalement, il faudrait une base de données très complète des essences végétales et de tous leurs besoins. En fait, je m'attendais à pouvoir trouver une telle base de données déjà existante et en place mais, ce n'est pas le cas. Donc, on est en train de travailler pour le construire, mais on s'aperçoit qu'il y a beaucoup de lacunes, effectivement, pour mener bien l'adaptation des territoires au changement climatique.

  • Adèle Mazurek (AM)

    Alors, pour terminer ce podcast, parce qu'on arrive quasiment à la fin, est-ce que tu peux nous expliquer ton parcours et qu'est-ce qui t'a amené à réaliser une thèse dans ce domaine ?

  • Matteo Migliari (MM)

    J'ai un double parcours d'ingénieur architecte au Politecnico di Milano (École polytechnique de Milan) et après à l'École des ponts et chaussées et dans ma formation, je m'étais déjà intéressé à l'étude des bâtiments mais c'était plutôt dans une optique qui à chaque fois est liée à l'intérieur. Lorsqu'on fait des conceptions des structures, c'est que pour son propre bâtiment ça tient lorsqu'on fait des études énergétiques du bâtiment, c'est pour être bien à l'intérieur du bâtiment. Et du coup, il y avait un peu ce spectre qui était limité au bâti, mais en particulier à l'environnement intérieur du bâti. Et du coup, cette thèse, ça m'a donné la très belle opportunité d'élargir mon spectre de compétences en m'intéressant à l'échelle urbaine.

  • Adèle Mazurek (AM)

    Et maintenant que tu as terminé ta thèse, qu'est-ce que tu fais ?

  • Matteo Migliari (MM)

    Actuellement, je suis expert référent sur les thématiques de la microclimatologie urbaine et de la biométrologie humaine à l'atelier Franck Boutté, dans lequel notamment j'ai réalisé ma thèse en partenariat avec le laboratoire Navier. Grâce à la thèse, j'ai un peu reformaté mon expérience, qui à la base était plutôt calcul des structures et conception des façades, pour pouvoir donner mon support d'expert sur ces thématiques du microclimat en ville et du confort thermique.

  • Adèle Mazurek (AM)

    Très bien, merci beaucoup Matteo d'avoir partagé toutes ces recherches avec nous.

  • Matteo Migliari (MM)

    Merci à toi.

  • Adèle Mazurek (AM)

    Et à nos auditeurs, je vous retrouve le mois prochain pour un nouvel épisode du podcast à la rencontre des doctorants à retrouver sur la revue numérique de l'École nationale des ponts et chaussées

Description

Comment adapter les villes face à un climat qui se réchauffe pour garantir leur vivabilité ? C'est la question centrale que s'est posée Matteo Migliari durant ses années de thèse, réalisée entre le laboratoire Navier de l'École nationale des ponts et chaussées et l'atelier Franck Boutté, atelier d'ingénierie créative et de co-conception environnementale.

Dans ce podcast, Matteo nous parle de l'impact des trottoirs et autres surfaces en ville sur le confort thermique des habitants. Il y aborde des solutions parfois contre-intuitives, qui jouent sur la couleur d'une surface de revêtement, la végétation et bien plus encore, pour garantir une meilleure qualité de vie et rendre les espaces urbains plus agréables, notamment en été.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Adèle Mazurek (AM)

    Bienvenue sur le podcast à la rencontre des doctorants, podcast qui laisse la parole aux doctorantes et doctorants de l'École nationale des ponts et chaussées. Comment penser la ville pour qu'elle résiste à la chaleur ? Quel levier pour améliorer le confort thermique urbain ? On en parle aujourd'hui avec notre invité, Matteo Migliari, qui a réalisé sa thèse au laboratoire Navier et l'atelier Franck Boutté. Bonjour Matteo.

  • Matteo Migliari (MM)

    Bonjour Adèle.

  • Adèle Mazurek (AM)

    Pour commencer, présente-nous le contexte général de ta thèse. En quoi l'adaptation des villes au changement climatique est-elle un enjeu crucial aujourd'hui ?

  • Matteo Migliari (MM)

    Le contexte général de ma thèse, c'était réduire la surchauffe urbaine. Cette thèse est née en partenariat avec l'ADEME (Agence de la transition écologique), parce que c'était un appel à projet de l'ADEME qui avait notamment ce sujet. Mais en fait, il faut comprendre que cette question, de réduire la surchauffe urbaine est générique et elle peut s'articuler de différentes manières. Effectivement, on pourrait penser à la réduction, par exemple, de la température de la surface urbaine, ou bien à la réduction de la température de l'air dans les environnements urbains, ou bien à la réduction de la surchauffe des personnes qui se promènent dans la ville. L'idée, c'est surtout de comprendre pourquoi il faut réduire la surchauffe urbaine. Dans la réponse qu'on a donnée au cours de mon travail de thèse, c'était notamment pour permettre aux endroits urbains de pouvoir rester habitables avec les prospectives climatiques à venir. Du coup, on sait aujourd'hui que les vagues de chaleur sont en continuelle augmentation. En fait, il y a une sorte de boucle qui fait que si on n'est pas bien à l'extérieur, on a tendance à rentrer chez nous. On allume la clim parce que souvent les habitations ne sont pas adaptées non plus à donner un bon confort à l'intérieur. Du fait d'allumer la clim, on réjette de la chaleur à l'extérieur. C'est un boucle qui a tendance à devenir de pire en pire. Dans le cadre de mes recherches, on a individué les conforts thermiques comme levier clé pour casser cette boucle. Si on est bien à l'extérieur, on peut continuer à profiter des espaces publics. Et ça entraîne aussi d'autres mécanismes, tels que la réduction de la sédentarité, qui ont des effets positifs sur la santé.

  • Adèle Mazurek (AM)

    Alors, juste une petite parenthèse, on imagine très bien ce que c'est une vague de chaleur, on l'a tous plus ou moins expérimentée. Mais scientifiquement, comment on définit une vague de chaleur ?

  • Matteo Migliari (MM)

    Alors, la définition scientifique d'une vague de chaleur, eh bien, ça dépend. Déjà, on pourrait donner une définition générique qui l'identifie comme une période de plusieurs jours dans lesquels il fait très chaud la journée et la température ne baisse pas tellement que ça pendant la nuit. Mais notamment, la définition des vagues de chaleur dépend du lieu qu'on analyse. Par exemple, si on veut donner la définition pour Paris, eh bien cette durée, c'est au minimum 3 jours et la température de l'air doit dépasser 31°C alors que la nuit, on ne descend pas au-dessous des 21°C.

  • Adèle Mazurek (AM)

    Merci pour ces précisions. Quels sont les principaux leviers d'action qu'on peut mobiliser dans l'espace urbain pour s'adapter aux changements climatiques à l'heure actuelle ?

  • Matteo Migliari (MM)

    Alors, il y a différents leviers d'action pour pouvoir s'adapter aux changements climatiques. Déjà, c'est important de préciser que l'adaptation doit être suivie aussi de la mitigation. Ce sont deux concepts différents. La mitigation, c'est un peu l'atténuation des causes qui provoquent les changements climatiques, alors que l'adaptation, c'est en quelque sorte la manière de faire face à cette transformation qu'on est en train de vivre. Et du coup, effectivement, l'adaptation a un rôle crucial dans ma thèse. Il y a plusieurs stratégies pour adapter nos territoires. Notamment, il y a déjà les choix des bons indicateurs qu'on veut analyser. Comme on l'a vu précédemment, on pourrait considérer la surchauffe selon différents angles différents, comme température de l'air, température de surface ou bien confort thermique. Chacun de ces indicateurs implique des stratégies différentes pour pouvoir les réduire, qui ne sont pas forcément les mêmes. Et donc déjà, il faut bien savoir quel est notre objectif. On parle souvent d'îlot de chaleur urbain, alors que l'îlot de chaleur urbain, par exemple, c'est une différence de température entre les centres-villes et la campagne. Mais en vrai, l'important, c'est qu'il fasse bon dans la ville. Donc, c'était un indicateur que, au cours de mes travaux, on a identifié comme n'étant pas le plus pertinent pour adresser proprement la question de l'adaptation. Alors que le confort thermique était beaucoup plus précis comme indicateur, il pouvait s'appliquer aussi aux périodes hivernales parce qu'il ne faut pas oublier non plus qu'il y a des périodes froides qui vont rester. Jusqu'en 2050, on aura majoritairement besoin de réchauffer par rapport à climatiser. Et voilà, choix des indicateurs. Après, choix des matériaux. Il y a un impact crucial sur les matériaux que l'on met dans la ville. Ils peuvent avoir des effets réfléchissants, mais aussi stocker de la chaleur. Donc, en fonction de ce qu'on veut obtenir, il faut choisir les bons matériaux. Et il y a aussi un autre levier, qui est la ventilation. Et on peut aussi dire que le levier principal, c'est ombrager et planter des arbres. Il faut savoir, par contre, que ces leviers que j'ai nommé sont les leviers principaux pour pouvoir obtenir une ville qui est bien adaptée, mais ils sont également les leviers principaux pour obtenir une ville qui est mal adaptée. Si on utilise ces leviers de manière erronée, les résultats qu'on obtiendra ne seront pas ceux qu'on a espérés lorsqu'on les a mis en place.

  • Adèle Mazurek (AM)

    Est-ce que tu as par exemple une situation concrète pour nous illustrer cela ?

  • Matteo Migliari (MM)

    Alors j'ai plusieurs situations concrètes. La première qui me vient un peu à l'esprit, c'est la rue qu'il y a à côté de l'École des Ponts à Champs-sur-Marne pour venir dans cet établissement. En fait, au cours de ma thèse, cette rue a changé et c'était donc un exemple très intéressant pour mes études. Quel était le changement ? Eh bien, au départ, les trottoirs avaient un peu la même couleur que la chaussée en asphalte. Alors que maintenant Les trottoirs ont été bien éclaircis, donc ils sont devenus bien plus réfléchissants. Eh bien, ça c'est un peu la politique qui est en train d'être appliquée par différentes villes. On pourrait citer des villes d'Amérique, mais pour rester en France, Lyon a réalisé la même expérience. Il a éclairci avec un peinture blanche des trottoirs dans 100 mètres carrés de la ville. C'était une expérimentation pour voir si ça donnait les effets expérés. Eh bien ça n'a pas donné les effets espérés. Pourquoi ? Parce que déjà, l'objectif principal de cet éclaircissement des trottoirs, c'était l'atténuation des îlots de chaleur, mais dans une perspective de rendre la ville plus habitable, plus vivable pour ses citoyens. Alors avec des simulations microclimatiques, on a évalué ce type d'objet avec des chaussées sombres et des trottoirs clairs. Et on a constaté que si on avait fait tout l'opposé, à savoir des chaussées claires et des trottoirs sombres, ça aurait été beaucoup mieux. Pourquoi ? Parce qu'en réalité, les piétons dans la ville, ils se promènent notamment sur les trottoirs. Ils ne se déplacent pas au milieu de la chaussée parce qu'aujourd'hui, au moins, la chaussée est encore réservée aux voitures. Et donc, l'effet d'éclaircir ces trottoirs, il a augmenté la réflexion de la radiation solaire. Donc, oui, les trottoirs, ils stockent moins de chaleur. Par contre, la chaleur qui n'est pas stockée, la radiation qui n'est pas absorbée, elle est réfléchie contre les piétons. Et du coup, les piétons, ils ressentent un stress thermique qui est plus élevé, parce qu'ils ne reçoivent pas uniquement le soleil qui est en haut, ils reçoivent aussi un deuxième soleil qui vient du bas.

  • Adèle Mazurek (AM)

    Donc en termes de confort, on est loin de ce qu'on espérait.

  • Matteo Migliari (MM)

    Voilà, en termes de confort, ça devient bien pire. Donc, au contraire, si Lyon, par exemple, ou Champs-sur-Marne, avaient choisi d'éclaircir la chaussée plutôt que les trottoirs, là, ils auraient obtenu un effet qui serait plus bénéfique. Et donc voilà, on a fait des simulations microclimatiques de cet état existant et l'état juste opposé. Et on a trouvé que l'état opposé, c'était mieux à la fois en termes de température de l'air, donc réduction des îlots de chaleur, si on suppose que la température à la campagne ne bouge pas, et en termes de confort thermique. Donc c'était une solution gagnant-gagnant par rapport à ce qu'on a fait dans la réalité. Donc c'était un peu une étude exploratoire qui dit que par rapport à ce qu'on fait, il y a d'autres solutions qui sont strictement meilleures. J'ai fait d'autres exemples. Un exemple, c'est sur les vents. Aujourd'hui, on parle beaucoup de la nécessité de concevoir nos espaces urbains avec les vents pour ventiler notamment les tissus urbains et du coup avoir un effet positif sur le stress thermique pendant l'été. Effectivement, c'est vrai. Par contre, c'est un peu une stratégie qui risque de ne pas être aussi efficace qu'aujourd'hui. Bon, déjà, les vents ont un effet positif l'été, a priori, mais négatif l'hiver.

  • Adèle Mazurek (AM)

    Oui, ce qui va rafraîchir.

  • Matteo Migliari (MM)

    Exactement, ça augmente le stress thermique froid, donc la sensation de froid des personnes. Du coup, c'est important d'étudier la direction des vents lorsqu'on fait une opération d'aménagement parce que dans beaucoup de cas, les vents n'arrivent pas dans la même direction l'été et l'hiver. Et si c'est le cas, il faut peut-être concevoir des espaces dynamiques qui s'adaptent en fonction des saisons pour privilégier les vents l'été et les réduire pendant l'hiver. Mais notamment l'importance de ces espaces dynamiques, c'est parce qu'on a étudié avec des formules telles que le Universal Thermal Climate Index (UTCI) (l'Indice universel du climat thermique), qui est un des indicateurs de confort les plus renommés, et on s'est aperçu notamment que si on augmente la température de l'air, l'effet du vent va devenir négatif. Il y a certaines températures où le vent est encore beaucoup réfléchit. Après, si on monte à 38 degrés, par exemple, la tendance s'inverse. Et la ville de Paris, aujourd'hui est en train de publier des livrables qui s'intitulent, par exemple, Paris à 50 degrés. Eh bien, si on a une température de l'air qui, effectivement, atteindra à un certain moment dans le futur 50 degrés, augmenter la vitesse de cet air va dégrader notre confort thermique plutôt que l'améliorer. Donc, il faut bien profiter de ces avantages aujourd'hui, lorsqu'on peut encore. Mais il ne faut pas que les formes de la ville qu'on établit aujourd'hui, deviennent des pièges demain. Le dernier levier que je peux mentionner, ce sont les arbres. Aujourd'hui, tout le monde dit que végétaliser c'est bien. Et les arbres sont plutôt traités de manière quantitative et pas qualitative. Donc j'ai planté 1000 arbres, c'est bien. Déjà, il faut prendre en compte que les arbres ont des essences différentes et donc leur avantage en termes de rafraîchissement dépend du type de l'essence parce qu'ils ont des potentiels d'ombrage et d'évapotranspiration qui sont différents. Et de l'autre côté, leur avantage dépend beaucoup de la localisation où on met l'arbre. Et la chose la plus importante, c'est que l'arbre produira un avantage endant qu'il est vivant. Donc, planter des arbres, ok, mais il faut tout d'abord s'assurer que l'endroit des plantations soit correct pour pouvoir assurer la survie de l'essence végétale. Et de l'autre côté, il faut s'assurer qu'on aura dans le futur les ressources pour assurer cette survie à long terme.

  • Adèle Mazurek (AM)

    Je me permets de compléter également en faisant référence à des articles du laboratoire CEREA qu'il y a sur la revue Ingenius, sur des études notamment de l'effet des arbres sur la pollution aussi en ville. Voilà, c'est aussi une autre problématique à prendre en compte dans l'aménagement urbain.

  • Matteo Migliari (MM)

    Oui, tout à fait. Ce n'est pas mon sujet spécifique, mais notamment, j'ai vu que d'un côté, les arbres ont certaines capacités de captation de polluants, mais de l'autre côté, ils relèguent dans l'air d'autres composants volatiles biogéniques. Et en fonction de comment on met les arbres dans les rues, ils peuvent en fait piéger les polluants vers l'espace urbain. Du coup, effectivement, c'est tout un champ de sujets qu'il faut prendre en compte dans la localisation des arbres et dans le choix des essences.

  • Adèle Mazurek (AM)

    Revenons-en un petit peu à ta thèse. Le but était de développer des modèles informatiques capables de simuler et d'évaluer différentes manières de concevoir un quartier ou une ville pour répondre à plusieurs objectifs, dont l'amélioration du confort thermique dont on parle depuis tout à l'heure. Cela a commencé par une expérience grandeur réelle. Parle-nous-en un petit peu.

  • Matteo Migliari (MM)

    Oui, effectivement, on a réalisé une expérience de grandeur réelle dans le campus, voire plusieurs expériences de grandeur réelle. Celle que tu mentions notamment, c'était l'expérience réalisée dans la vague de chaleur de 2022, en partenariat avec Sense-City. Et du coup, l'idée, c'était un peu en lien avec le résultat des simulations microclimatiques qu'on a obtenues. On avu que des surfaces claires pouvaient avoir des effets négatifs sur le confort alors qu'un peu toutes les villes recommandent de systématiser l'éclaircissement des espaces. Par exemple, la ville de Paris également propose ce type d'approche, alors que nous, avec la lecture de confort thermique, on avait un résultat qui est un peu plus fin, qui est de dire qu'il faut tout d'abord étudier les espaces et leurs fonctions, et en fonction de cette fonction et de ces horaires de fréquentation, il faut trouver la stratégie adaptée. Et du coup, ça va un peu à contre-courant, et c'est pour ça que c'était nécessaire de pouvoir vérifier vraiment dans les terrains si ces résultats de simulation étaient bons.

  • Adèle Mazurek (AM)

    Alors concrètement, qu'est-ce que ces participants devaient faire dans cette expérience ?

  • Matteo Migliari (MM)

    Et du coup, on a effectivement amené 75 participants, qui étaient appelés à se promener sur des bâches de grande taille, avec des propriétés absorbantes et réfléchissantes très différentes. Il y avait de l'asphalte, donc aucun bâche, il y avait une bâche noir, il y avait une bâche blanche, et une bâche en aluminium qui a priori ça modélise un peu cet effet miroir. Donc, bien entendu, la température de surface des bâches changeait. Les bâches les plus sombres étaient les bâches les plus chaudes, alors que les bâches les plus claires ou les plus réfléchissantes étaient les plus fraîches, les plus fraîches en termes de température de surface. Mais on a constaté, avec le passage des personnes, que cet effet qu'on a sur la surface n'était pas le même que celui qui est perçu par la personne. Parce que, comme je l'expliquais, effectivement, plus on réfléchit la radiation solaire, plus la personne ressent un stress thermique élevé. Donc, pour ne pas mettre des biais, en fait, déjà dans la réponse des personnes, parce qu'on a fait passer un petit questionnaire avant, la majorité avait tendance à s'attendre à être mieux sur les couleurs claires par rapport aux couleurs sombres. Donc on a fait cette expérience avec les personnes qui avaient tout d'abord les yeux bandés.

  • Adèle Mazurek (AM)

    Oui, d'accord. Pour ne pas qu'ils voient sur quelle surface ils se trouvent.

  • Matteo Migliari (MM)

    Ils ne pouvaient pas savoir où ils étaient. Et donc la consigne, c'était juste de se concentrer sur leur confort thermique. Et donc on a pris un certain nombre de données de confort thermique pour chaque personne. Et on a constaté qu'effectivement, sur les bâches les plus claires, ils avaient tendance à percevoir un stress thermique qui était incrémenté. Et ça, ils l'ont confirmé eux-mêmes dans la deuxième étape de l'expérience, où ils ont refait les mêmes parcours, mais avec la vue. Et du coup, on a redonné les mêmes questionnaires à la fin et on a eu un renversement des tendances, à savoir la majorité, après l'expérience, ils disaient, ben, lors d'une vague de chaleur, je préférerais me promener plutôt sur un terrain qui est sombre, et pas sur un terrain qui est réfléchissant. Donc en fait, ça confirmait un peu les résultats qu'on avait obtenus dans nos simulations microclimatiques.

  • Adèle Mazurek (AM)

    Comment tes recherches peuvent-elles aider à prendre des décisions rapidement dans le cadre de projets opérationnels ?

  • Matteo Migliari (MM)

    Alors, il y a différentes méthodes qui ont été mises en place, notamment pour répondre à ce bout-là. Le premier article que j'ai publié, c'était la métamatrice du confort thermique. Et donc, l'idée de cette matrice était de classifier les différents indicateurs de confort pour permettre un choix rapide des indicateurs pertinents. Parce qu'il faut savoir qu'il n'y en a plus de 200 et a priori, chacun de ces indicateurs donne un résultat qui est différent. Et du coup, la validité de ces résultats dépend tout d'abord d'un choix approprié de l'indicateur. Donc, avant ma thèse, il fallait peut-être lire tous ces 200 articles pour comprendre quels étaient les bons indicateurs à mobiliser. Là, on a produit un matrice qui est un outil graphique qui permet, en fonction de la localisation de son projet et de l'objectif aussi de son projet, c'est important, de choisir des indicateurs de confort pertinents. Et du coup, dans le cadre de ma thèse, on a plutôt choisi l'UTCI, l'Universal Thermal Climate Index (Indice universel du climat thermique), que j'ai mentionné tout à l'heure. Pour nous, c'était l'indicateur pertinent vis-à-vis de nos objectifs, qui étaient d'étudier le confort thermique dans les périodes chaudes, mais aussi potentiellement dans les périodes froides, en se concentrant plutôt sur les leviers morphologiques de la ville et pas autant sur les leviers personnels de la personne. Mais voilà, en fonction des objectifs, cet indicateur pourrait se révéler inapproprié. Si par exemple, une étude veut comprendre l'impact des différentes manières de s'habiller sur le confort thermique, et bien l'UTCI ne sera pas un indicateur approprié, il faudra utiliser d'autres indices tels que les PET (Température Physiologique Équivalente). Après, on a mis en place des algorithmes pour compléter un peu les logiciels de simulation microclimatique les plus validés dans le milieu scientifique aujourd'hui qui s'appelle ENVI-met. ENVI-met a un peu des problèmes de temps de calcul mais aussi de temps de mise en place du modèle et du temps pour exploiter des résultats. Donc, c es algorithmes qu'on a produit ne peuvent pas toucher autant de calculs, mais en revanche, ils permettent d'économiser beaucoup de temps dans la création du modèle et dans l'exploitation des résultats. Cela permet notamment d'avoir des résultats très fins, très détaillés, avec des temps plus rapides. De l'autre côté, les choix des albedos, les simulations microclimatiques qu'on a faites en termes de matériaux, on a réalisé notamment un corpus de simulation qui compare différents types de complexes multicouches de sol, qui sont un peu les surfaces sur lesquelles on se promène dans la ville, par exemple un sol en asphalte, ou de la pelouse, ou un pavé granit, etc pour classifier leurs performances microclimatiques et biométrologiques. Donc, grâce à ce corpus de simulation, on peut savoir, si on met tel type de matière, quels seront les effets qu'on va obtenir. sur la surchauffe de l'air, par exemple, mais aussi sur le confort thermique. Du coup, ça pourrait permettre, en fonction des objectifs de chaque endroit, de choisir des matières appropriées. Donc, s'il y a des endroits à haute fréquentation, le confort thermique, ça sera plutôt à privilégier. Mais s'il y a des endroits qui ne sont pas fréquentés, ça ne sert à rien d'améliorer le confort thermique dans ces types d'endroit. Alors, on choisira plutôt des matières qui ont tendance à éviter la surchauffe de l'air, par exemple. Les deux derniers outils qu'on a produit, c'était d'un côté une charte bioclimatique de l'UTCI. C'était une sorte d'étude de la fonction UTCI, de cet indicateur de confort, pour comprendre en fait quel est l'impact des différents leviers sur le confort thermique. Lorsque je parle des leviers, ce sont par exemple la vitesse du vent, l'effet d'ombrage ou l'effet d'être sur une pelouse par rapport à une surface minérale. On a réalisé ce type de graphe qui permet de comprendre en amont, dans un certain climat, ce qu'on peut obtenir avec les différents types de stratégies. Et du coup, il permet de se concentrer sur la stratégie qui permet d'apporter le plus de bénéfices dans ces endroits spécifiques. Et enfin, on a produit un algorithme de morphogenèse des arbres qui est encore en train d'être développé. Mais du coup, l'idée à la base de cet algorithme, c'est de pouvoir choisir les essences et la localisation des arbres pour assurer d'un côté la survie des essences végétales et de l'autre côté, maximiser les bénéfices que ces essences végétales peuvent donner à l'espace urbain. Et un résultat assez intéressant, c'était que dans un cas type sur lequel on a fait tourner cet algorithme, eh bien la stratégie la plus performante, ce n'était pas celle avec la plus haute quantité d'arbres. Planter bien, c'est mieux que planter beaucoup.

  • Adèle Mazurek (AM)

    Très bien. Et donc tous ces résultats, est-ce que pendant ta thèse ou même maintenant que tu as ton doctorat, tu as pu les présenter aux professionnels qui sont potentiellement intéressés par toutes ces recherches ?

  • Matteo Migliari (MM)

    J'ai réalisé de nombreuses conférences durant ma thèse et aussi j'essaie en même temps de finaliser un peu la publication de certains éléments qui ne sont pas encore publiés. Il faut savoir qu'il y a encore beaucoup de chemins à faire. Donc effectivement, ce sont des stratégies très prometteuses, mais par exemple, pour l'algorithme de morphogénèse, idéalement, il faudrait une base de données très complète des essences végétales et de tous leurs besoins. En fait, je m'attendais à pouvoir trouver une telle base de données déjà existante et en place mais, ce n'est pas le cas. Donc, on est en train de travailler pour le construire, mais on s'aperçoit qu'il y a beaucoup de lacunes, effectivement, pour mener bien l'adaptation des territoires au changement climatique.

  • Adèle Mazurek (AM)

    Alors, pour terminer ce podcast, parce qu'on arrive quasiment à la fin, est-ce que tu peux nous expliquer ton parcours et qu'est-ce qui t'a amené à réaliser une thèse dans ce domaine ?

  • Matteo Migliari (MM)

    J'ai un double parcours d'ingénieur architecte au Politecnico di Milano (École polytechnique de Milan) et après à l'École des ponts et chaussées et dans ma formation, je m'étais déjà intéressé à l'étude des bâtiments mais c'était plutôt dans une optique qui à chaque fois est liée à l'intérieur. Lorsqu'on fait des conceptions des structures, c'est que pour son propre bâtiment ça tient lorsqu'on fait des études énergétiques du bâtiment, c'est pour être bien à l'intérieur du bâtiment. Et du coup, il y avait un peu ce spectre qui était limité au bâti, mais en particulier à l'environnement intérieur du bâti. Et du coup, cette thèse, ça m'a donné la très belle opportunité d'élargir mon spectre de compétences en m'intéressant à l'échelle urbaine.

  • Adèle Mazurek (AM)

    Et maintenant que tu as terminé ta thèse, qu'est-ce que tu fais ?

  • Matteo Migliari (MM)

    Actuellement, je suis expert référent sur les thématiques de la microclimatologie urbaine et de la biométrologie humaine à l'atelier Franck Boutté, dans lequel notamment j'ai réalisé ma thèse en partenariat avec le laboratoire Navier. Grâce à la thèse, j'ai un peu reformaté mon expérience, qui à la base était plutôt calcul des structures et conception des façades, pour pouvoir donner mon support d'expert sur ces thématiques du microclimat en ville et du confort thermique.

  • Adèle Mazurek (AM)

    Très bien, merci beaucoup Matteo d'avoir partagé toutes ces recherches avec nous.

  • Matteo Migliari (MM)

    Merci à toi.

  • Adèle Mazurek (AM)

    Et à nos auditeurs, je vous retrouve le mois prochain pour un nouvel épisode du podcast à la rencontre des doctorants à retrouver sur la revue numérique de l'École nationale des ponts et chaussées

Share

Embed

You may also like