undefined cover
undefined cover
L’Harmonie des Genres avec Noémie de Lattre cover
L’Harmonie des Genres avec Noémie de Lattre cover
À part Égale

L’Harmonie des Genres avec Noémie de Lattre

L’Harmonie des Genres avec Noémie de Lattre

27min |24/06/2025
Play
undefined cover
undefined cover
L’Harmonie des Genres avec Noémie de Lattre cover
L’Harmonie des Genres avec Noémie de Lattre cover
À part Égale

L’Harmonie des Genres avec Noémie de Lattre

L’Harmonie des Genres avec Noémie de Lattre

27min |24/06/2025
Play

Description

Ne manquez pas notre dernier épisode avec Noémie de Lattre, actrice, dramaturge, autrice et figure emblématique du féminisme en France. 🌟


A travers son spectacle "L'Harmonie des Genres" et son livre "Féministe pour Homme", elle fait passer des messages et vulgarise ces sujets pour les rendre accessibles à toutes et tous. Noémie aborde les stéréotypes de genre, la communication entre les femmes et les hommes, et réfléchit sur ces problématiques avec philosophie.


Elle fait référence à l'histoire et nous parle de l'importance de la langue française et de son influence sur les stéréotypes et la parité. Écoutez maintenant cet échange inspirant ! 💬


« À part égale » une série de podcast animée par Aurore Mayer, directrice du Réseau Parité Un Une du groupe La Poste qui inspire, fait réfléchir et avancer la parité pour un monde plus juste.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Aurore Mayer

    Bienvenue à l'émission À part égale, l'émission du réseau Parité 1-1 du groupe La Poste. Et aujourd'hui, j'ai la grande joie d'accueillir parmi nous Noémie De Lattre.

  • Noémie de Lattre

    Bonjour.

  • Aurore Mayer

    Bonjour Noémie, et merci d'être avec nous aujourd'hui. Donc Noémie, vous êtes actrice, metteuse en scène, vous êtes autrice, et vous êtes clairement engagée. Et pour vous, la sororité n'est pas un vain mot, je pense qu'on peut le dire comme ça. Vous avez écrit et monté le spectacle Féministe pour Hommes. Vous étiez avant-gardiste en 2017. Les hommes féministes, on n'en parlait pas tant que ça.

  • Noémie de Lattre

    Pas tant que ça. Et surtout, la première du spectacle a eu lieu trois semaines avant l'affaire Weinstein, avant que MeToo explique.

  • Aurore Mayer

    C'est vrai.

  • Noémie de Lattre

    À une époque où ce n'était pas du tout un sujet d'actualité, le féminisme. C'était encore un gros mot. Et quand j'ai annoncé à mon équipe que c'était le titre, tout le monde m'a dit « mais c'est un suicide médiatique. Personne ne va venir voir ce spectacle avec écrit « féministe » dans le titre. C'est mort ! » T'es folle quoi. En fait, j'ai appelé Féministe pour Hommes avec une majuscule à Hommes, et pour mettre en avant, parce qu'effectivement, il y a écrit Féministe pour Hommes, et tout le monde me dit « Ah, c'est pour les hommes » . Et dans le même temps, à chaque fois que je dis « Est-ce qu'on pourrait dire humain au lieu d'homme, droit du matin on me dit mais d'une majuscule En vrai, la majuscule, on ne l'entend pas, personne ne la voit. Et quand on voit homme, on lit homme. Et on pense à un homme, on pense à un mâle, on ne pense pas à une femme. Donc, j'ai voulu m'offrir le luxe à chaque fois qu'on me posait la question, de dire mais ce n'est pas féministe pour homme, c'est féministe pour humain. Car Aurore, toi et moi, nous sommes des hommes.

  • Aurore Mayer

    Bien sûr.

  • Noémie de Lattre

    Avec un grand H. Mais quand même des hommes.

  • Aurore Mayer

    Et quand même des hommes. Et en 2023, 2024, vous lancez un nouveau spectacle, l'Harmonie des genres. Vous jouez, vous chantez, vous philosophez. Oui. On peut dire ça. Et selon vous, est-ce qu'on parvient à faire plus passer des messages sous couvert de l'art ?

  • Noémie de Lattre

    Je pense que ça c'est sûr. L'art, et j'irais même plus loin avec l'humour. Moi je suis très inspirée par des personnalités comme Beyoncé, c'est-à-dire avec un féminisme populaire. Je me suis rendu compte, moi, au bout d'un moment, que... Je faisais plein de colloques, d'attente générale, j'étais invitée à... J'étais sur France Inter à une époque où c'était moins populaire que maintenant, mais bref, et je parlais de féminisme avec que des gens qui étaient déjà convaincus. Et je n'arrivais pas à m'adresser vraiment au grand public. Et c'est ça qui m'a donné l'idée de faire ce tout premier spectacle, Féministe pour Hommes, qui était un spectacle vraiment drôle, avec du cabaret, du burlesque, il y avait des numéros de défeuillage et tout, en me disant, ok, alors qu'est-ce que les gens veulent voir ? Des femmes à poil, ils veulent rigoler, ils veulent acheter. Ok, je leur donne tout ça et bim ! Je peux passer les messages. Et là, le deuxième, il est encore plus fédérateur puisqu'il s'adresse vraiment aux hommes et aux femmes complètement. Et puis, il parle de cet endroit où les hommes et les femmes hétéros se rencontrent, c'est-à-dire l'amour, le sexe, le couple. Donc, ça intéresse tout le monde, forcément.

  • Aurore Mayer

    Et c'est vrai que votre public a changé parce que je crois que c'était plutôt à la base avec les féministes des femmes, puis un public plutôt... tout gay c'est ça ? Oui ça. Maintenant il y a des hétéros, des hommes qui viennent.

  • Noémie de Lattre

    Beaucoup même. Maintenant c'est vraiment, j'ai même des salles parfois, je pense vraiment mixtes en termes de genre, homme-femme et d'ordre sexuel, je ne sais pas, ce n'est pas écrit sur un visage, mais oui j'ai l'impression que j'ai un public beaucoup plus classique. Alors qu'avant j'avais un public vraiment essentiellement queer.

  • Aurore Mayer

    Et quand vous écrivez, moi j'ai votre livre, qui reprend vos spectacles, et dedans quand on le lit, on voit que vous faites référence à votre... votre cheminement de pensée qui a évolué. Je trouve ça très intéressant. Vous en êtes où aujourd'hui, justement, de cette réflexion d'élargir, d'aller chercher des hommes et hétéros, que le féminisme s'adresse à toutes et à tous, finalement ?

  • Noémie de Lattre

    Exactement.

  • Aurore Mayer

    Qu'est-ce qui vous a fait bouger ?

  • Noémie de Lattre

    La vie est vraiment merveilleuse, parce qu'au moment où je commence à vraiment me poser la question du rapport homme-femme, que ce soit dans l'espace public, la société, l'amitié ou encore une fois l'intime, et de me dire, ok, on a fait la révolution, on a fait MeToo, etc. On veut des droits et on a bien raison, mais concrètement, comment on fait pour interagir, enfin comment on fait quand une femme est héro, pour interagir avec un homme alors qu'on a été dressé, et lui, et nous, pour subir des rapports, enfin pour vivre des rapports de domination ?

  • Aurore Mayer

    Dresser, c'est fort comme mot. Oui,

  • Noémie de Lattre

    je l'emploie à deux sens

  • Aurore Mayer

    C'est pas éduquer, c'est dresser.

  • Noémie de Lattre

    Parce que je pense que c'est vraiment de ça dont il s'agit. Je pense que c'est quelque chose qui n'est pas du tout fait pour notre bien, ni les hommes, ni les femmes. Il y a plein de mecs qui en ont marre de faire... Enfin, tu vois, je pense que c'est vraiment... C'est bénéfique pour personne, en fait, ces stéréotypes de genre dans lesquels on est obligé de rentrer parfois aux forceps et qui sont très figés et très... Oui, et très dictatoriaux, quoi. Et donc au moment pile où je suis en train de me poser toutes ces questions-là, et je me dis quand même ça serait bien s'il y avait un mec avec qui je pouvais échanger. Sauf que tous les mecs de mon entourage avec qui je peux échanger sont gays, donc voilà on est d'accord et on fait « ah bah t'es d'accord, bah bah oui, bon ça n'avance pas » . Et les hommes hétéros etc. avec qui j'ai pu relationner, pas du tout assez évolués dans la pensée pour réfléchir avec moi. C'est-à-dire que la moindre question que je leur pose c'était « euh… » .

  • Aurore Mayer

    Ils ne t'étaient pas posé la question ? Non. C'est ça.

  • Noémie de Lattre

    Et je ne le renvoie pas. Il y a plein de questions. J'ai mis 40 ans à me poser la question de ma couleur de peau. J'ai mis 45 ans à me poser la question de mon statut social. Je ne juge pas du tout. Mais n'empêche que c'était le cas. L'univers étant merveilleux, qu'est-ce qu'il fait l'univers ? Il me fait rencontrer un homme dont je suis tombée perdue, ma amoureuse. Et qui est exactement à cet endroit-là. qui est un homme à la fois... hyper masculin, et qui embrasse ces codes-là parce que ça lui plaît. Il aime conduire sa grosse moto, faire de l'escalade, du parapente, il est très musclé, il a son blouson à cuir, il est comme ça, il aime être viril, ça lui plaît, c'est son iconographie. Mais à côté de ça, il est bi, il a vécu des années avec un homme, il est dans une vraie recherche d'équité. de puissance et non pas de domination. C'est un vrai allié féministe, enfin il n'aime pas ce mot justement, parce que c'est allié ça donne l'impression qu'il y a une guerre. Oui,

  • Aurore Mayer

    c'est un peu comme ça, parce qu'on parle beaucoup d'allié effectivement, comment embarquer les hommes en tant qu'allié, alors qu'est-ce qu'on pourrait dire plutôt ?

  • Noémie de Lattre

    Je ne sais pas, parce que moi je l'aimais bien ce mot, moi je l'aime bien. Au début je disais féministe tout court, et après il y a plein de féministes qui m'ont dit « non on ne peut pas dire ça, ça c'est que pour nous, c'est que pour les minorités de genre, Les hommes cis n'ont pas le droit à... ce titre là bon d'accord à lyon d'y aller alors d'accord allié puis là j'ai des hommes eux mêmes qui veulent faire ce trajet et qui veulent pas ce mot là donc je questionne et je trouve ça intéressant parce que vous avez dit les minorités de genre mais on n'est pas minoritaire en fait il ya une marque de fringues s'appelle meuf meuf paris j'avais acheté un t-shirt qui disait minorité majoritaire. On n'est plus de la moitié de la population et on est quand même considéré comme une minorité.

  • Aurore Mayer

    On n'est plus la moitié de la population. Nous, dans le groupe La Poste, on est 52% de femmes. On représente la société, on est un groupe de 50 000 personnes, 52% de femmes. On représente vraiment la société. Et malgré tout, on sent qu'il y a des endroits où il faut encore, même si on est un groupe plutôt exemplaire, où il faut encore agir pour que des femmes prennent des postes, notamment les plus hauts. Il y a une question de pouvoir derrière. Est-ce que c'est ça les enjeux ? C'est les endroits où il y a le pouvoir ?

  • Noémie de Lattre

    Ça, c'est sûr que c'est ça qui, à la fois, est cause et conséquence. Mais en même temps, je pense que ça... Quand vous disiez qu'on est 52% de femmes, je suis sûre que toutes les communications, internes ou externes, sont au masculin.

  • Aurore Mayer

    On essaye de ne plus le faire. Même dans les fiches de poste, on féminise. Par exemple, un maître recherche une directrice ou un directeur, et on inverse,

  • Noémie de Lattre

    on insiste.

  • Aurore Mayer

    ou une assistante,

  • Noémie de Lattre

    enfin on va un petit tiller c'est vénéreux parce que ça change en fait il y a des femmes qui possèdent mais bien sûr c'est important la langue vous en parlez beaucoup aussi dans votre spectacle j'en parle beaucoup c'est mon cheval de bataille pour une raison simple qui est que la langue c'est l'outil de la pensée on ne peut pas penser un monde juste avec des mots injustes et d'ailleurs toutes les dictatures la première chose qu'elles font c'est changer le langage c'est enlever les outils ... de rébellion, les outils de compréhension, c'est la première chose qu'elles font toutes. Et que ce soit les dictatures fictives, comme la novlangue, ou les dictatures réelles, on n'est plus des machins, on est des camarades, tout est à chaque fois, c'est ça qui se passe. Et d'ailleurs, le français, je ne sais pas si vous savez ça, mais... En fait, on a tendance à penser que, bah oui, un tabouret, une chaise, c'est comme ça, c'est un hasard. Pas du tout. Ah oui ? Non, et que le masculin l'emporte, c'est pas du tout...

  • Aurore Mayer

    Ouais, ça, je savais ça.

  • Noémie de Lattre

    Voilà, c'est très récent. Pas très récent, on regarde...

  • Aurore Mayer

    Le masculin l'emporte, ça veut dire... Enfin, c'est moi, cette phrase, elle m'étonne toujours. Parce que le masculin l'emporte, bah ça... Inconsciemment, ça emporte d'autres choses que la langue.

  • Noémie de Lattre

    Mais c'est tellement évident. Ouais. C'est tellement évident que des milliers de petites filles à qui on a dit le masculin l'emporte, à entendre le masculin en porte. L'homme a le droit de m'emporter, je suis... C'est terrible. Et surtout, déjà, les effets délétères sur la pensée, la construction mentale des individus, ils ne sont plus approuvés. Il suffit de lire Eliane Viennot, n'importe quel linguiste, historien, historienne, etc. C'est prouvé. Mais en plus, ce qui est intéressant, c'est de voir pourquoi ça a été créé. Et de voir que ça a été créé pour des raisons absolument politiques et sexistes. C'est-à-dire que c'était délibérément pour empêcher les femmes d'accéder aux droits de vote. au poste de pouvoir pour en revient à ce que vous voulez, c'est pour ça que j'ai fait ce petit long retour de la suite de la vidéo, parce que par exemple actrice, donc une idiote en robe qui fait comme ça, on a laissé le mot et autrice on l'a enlevé C'est vrai. Alors que c'est la même construction, actrice, autrice, voilà. Et non, on dit auteur, auteureux si vous voulez. Oui, ça ne s'entend pas. Non, le mot c'est autrice qui a toujours existé et qui n'est même pas un dérivé de auteur. C'est actrice, enfin bref. C'est pareil, boulangère, on n'a pas de problème. Comtesse, on n'a pas de problème, parce que pareil, c'est des idiotes en robe. Enfin, pas la boulangère, mais la comtesse. Mais en revanche, capitainesse, non. Médecienne, non. Rectrice, non. C'est-à-dire, avocate, non.

  • Aurore Mayer

    Oui,

  • Noémie de Lattre

    c'est vrai. Et même, c'est quand même fou, par exemple maîtresse, maître-maîtresse. Donc on a le droit de dire maître d'école, maîtresse d'école. En revanche, selon l'Académie française, on dit maître de conférence, maître de conférence. Ah oui, c'est vrai. Voilà, directeur de thèse, directrice, directeur de thèse, directeur d'école, directrice d'école. Donc tout ce qui est un petit peu comme ça, c'est bon, mais dès qu'il y a du prestige, du pouvoir, etc., c'est niet. Et c'était vraiment pour étouffer les femmes.

  • Aurore Mayer

    Ce que je trouve intéressant, vous avez parlé de votre compagnon, donc je me permets.

  • Noémie de Lattre

    Bien sûr.

  • Aurore Mayer

    Effectivement, on vous voit, peut-être que les personnes qui nous regardent, qui nous écoutent, en tout cas si elles ne nous connaissent pas, je les invite à aller voir. Vous faites des petits posts dans votre baignoire avec des invités, ou même des fois dans votre intimité. Et parfois, vous questionnez tous les deux. Et vous nous faites réfléchir, c'est pour ça qu'il y a un côté philosophique aussi, sur des choses très basiques, ce qu'on ne prend pas conscience du quotidien qu'on vit. Même vous-même.

  • Noémie de Lattre

    Des fois,

  • Aurore Mayer

    vous dites, tiens, j'ai remarqué ça et ça me questionne.

  • Noémie de Lattre

    Pardon. Je me rends compte que j'avais lâché la rampe, mais vous m'aviez demandé où en était ma pensée. Justement, c'est pour ça que je parlais de lui. Elle en est là. C'est-à-dire que là, maintenant, comme j'ai la chance de l'avoir rencontrée, au-delà de mon bonheur personnel, j'ai rencontré mon vrai partenaire, mon vrai sparring partner. C'est-à-dire qu'on se questionne avec une authenticité parfois un peu dangereuse, enfin parfois un peu inquiétante en tout cas, sur la vérité de ce qu'on ressent. Sur les questions de genre, on se dit tout. C'est-à-dire y compris... on est capable de se dire... En fait, on se rend compte à quel point le genre, à plein d'endroits, genre, là, j'ai gagné un peu plus d'argent, moi, j'ai gagné un peu plus d'argent, je paye le restant. Et en fait, on se rend compte que, et lui et moi, ça nous met mal à l'aise. Moi, je me sens pas du tout féminine en faisant ça. J'ai l'impression d'un coup d'être une grosse dame kaki dégueulasse. Et lui, il a l'impression d'être émasculé. Et en fait, ça ne nous convient pas. Alors que, intellectuellement, évidemment, on est d'accord avec ça. Ça ne correspond à rien. Donc... Mais sauf que du coup, on le débusque. C'est-à-dire qu'au lieu de trouver un subterfuge, genre non, non, mais pas du tout, et lui va me mentir, j'ai les moyens, et se mettre dans la merde. Au lieu de ça, ou alors au lieu d'accepter ce truc, mais d'être mal à l'aise et que ça abîme notre lien érotique aussi, là maintenant on se voit l'un l'une et tout, à chaque fois on essaie de vraiment mettre le nez dedans, en disant pourquoi ça nous fait ça, à quoi ça nous renvoie, c'est quoi la blessure, qu'est-ce qu'il faut aller réparer pour qu'on puisse. s'inviter comme on veut au restaurant sans avoir à se poser ces questions. Et en fait on s'est rendu compte que c'est partout tout le temps. Partout tout le temps. Moi je me suis rendu compte, et c'était pas du tout de la faute des hommes avec qui j'étais, eux m'ont rien imposé, mais que avec la plupart des hommes avec qui j'étais, je me limitais délibérément dans mon succès, ma carrière, mes revenus, pour surtout pas les dépasser. Parce que ça risquait de mettre en péril l'équilibre amoureux de l'homme fort, fort, muscle, muscle, et la femme douce, douce, disponible, disponible.

  • Aurore Mayer

    Et ça, c'est intéressant parce qu'effectivement, moi qui parle aussi avec beaucoup de femmes qui ont des hauts postes, souvent, ça fragilise l'équilibre personnel pour ces raisons-là que vous évoquez. Et donc, des femmes effectivement se limitent. aussi de crainte de déséquilibrer le couple même si à la base il n'y a pas de sujet que tout le monde est ok avec la chose et que c'est plutôt des personnes qui sont ouverts à l'égalité et bien malgré tout il arrive un moment quand ça bascule où ce équilibre est pas...

  • Noémie de Lattre

    C'est pourquoi je disais dresser parce que je pense vraiment quelque chose qui est ancré au fond nous dont on a plus ou moins conscience et en tout cas beaucoup de mal à... sur lequel on a énormément de mal à agir quoi C'est vraiment un dressage, un formatage, un conditionnement.

  • Aurore Mayer

    Il faut aller prendre les jeunes, accompagner dans les écoles. Comment on peut changer ça ? Parce que c'est compliqué. Nous, on essaye de sensibiliser.

  • Noémie de Lattre

    Oui, bien sûr, mais c'est super.

  • Aurore Mayer

    Et on a des hommes engagés aussi. Est-ce qu'ils sont alliés ? Est-ce qu'ils sont intimement ? Parce que parfois, les hommes aussi ont intérêt à ce que ça bouge. Certains ont peur et d'autres ont intérêt, parce qu'ils peuvent prendre des congés paternités, s'employer du temps pour leurs enfants, sans se culpabiliser ou sans être dans ce modèle. Mais malgré tout, on sent qu'il y a ce frein côté homme dans cet équilibre et que parfois ça va toucher d'ailleurs à d'autres choses, à l'organisation du travail, l'équilibre familial. Comment on arrive, notamment avec des adultes, à gérer ces changements ?

  • Noémie de Lattre

    Je crois énormément au bienfait du modèle, au bienfait de l'inspiration. Je pense qu'il y a une grande responsabilité artistique, mais c'est aussi une fondamentale, parce que c'est aussi les subventions publiques, les chaînes publiques de télé, etc. Qu'est-ce qu'on montre aux gens dès leur plus jeune âge ? Est-ce qu'on leur montre en permanence des histoires ? où... maman garde l'enfant pendant que papa travaille, ou 50 nuances de grès, où il est là, il est riche, et elle, c'est la petite secrétaire. Tant qu'on nous montrera ça, on fantasmera là-dessus et on aura du mal à se créer d'autres repères. Donc, je pense que vraiment, les artistes ont une immense responsabilité dans le fait de véhiculer des modèles qui soient... nouveau et voilà et où d'un coup on va trouver le jour où brad pitt incarnera un peu vieux mais je sais pas lequel je sais pas quel beau gosse hollywoodien hyper sexy hyper badass le jour où il incarne ce mec qui se bat voilà et qui garde son enfant pour que sa femme travaille qui les fous d'admiration pour elle et que ça l'excite faut pas avoir peur de non ça doit être érotique, ça doit... Parce que sinon, dès que notre cerveau reptilien va prendre le dessus, on ne peut rien contre les fantasmes.

  • Aurore Mayer

    Alors le combat, c'est un combat aussi quelque part, il est quand même toujours difficile, et on le voit bien avec tout ce qu'on entend dans le monde, on le voit bien avec le dernier rapport qui vient de sortir, sur la haute autorité et l'égalité entre les hommes et les femmes, que les jeunes aussi, en fait, ne sont malgré toutes les paroles, tout ce qu'il y a pu y avoir. Dans la société, on n'arrive pas encore à faire bouger vraiment les lignes ?

  • Noémie de Lattre

    Mais en vrai, moi je ne suis pas du tout étonnée. Les politiques gouvernementales sont totalement sexistes. Les décisions qui sont prises, les prises de parole publiques sont sexistes. Les violeurs ne sont pas condamnés. Les agresseurs sexuels ne sont pas condamnés. pas condamnés. On peut dire sur des plateaux télé des choses totalement homophobes et sexistes sans aucun problème. Il y a une impunité totale. Bien sûr que ça n'évolue pas. Enfin, je veux dire, pour moi, il n'y a pas de mystère. C'est pas « mais je comprends pas comment... » Non, c'est bien sûr que ça n'évolue pas. Rien n'est fait pour que ça n'évolue. Rien. Quand on voit... Pareil, même autour du procès Pénicaud, ce qui a été autorisé comme parole dans un truc... Alors que là, vraiment, c'est fini. les gars donc c'est quoi votre problème filmé on le voit la dame ronfle est ce que enfin qu'est ce qu'il vous faut de plus et malgré ça il continue il continue d'avoir un discours qui dit mais pas du tout elle a voulu les femmes se cibler d'accord donc en fait Et tant que ça c'est mis en valeur, c'est entendu, alors que la parole contraire, elle, est totalement silenciée, parce que c'est ça aussi, c'est que ce qu'on ne sait pas, c'est quand on entend, oui, tel mec, tel homme a fait un procès en diffamation contre telle femme. Donc ça, on le voit toujours, c'est la lune des journaux. Ce qu'on ne sait jamais, c'est que systématiquement après, en fait, il retire sa plainte, parce qu'il sait bien qu'il va perdre. et qui ne fait pas ce procès en diffamation, mais que nous on n'a pas l'information. Nous, grand public, on a juste vu procès en diffamation, donc ah bah oui c'est une menteuse. Et puis comme c'est ce qu'on nous raconte depuis toujours. Tu regardes Larousse, il y a écrit définition menteur-menteuse, la petite fille a menti, machin, etc. de courageux-courageuse, le petit garçon courageux. Les exemples, tout le plan qu'on nous donne à l'école, dans la culture populaire ou les institutions sont ceux-là.

  • Aurore Mayer

    Sont stéréotypés.

  • Noémie de Lattre

    Totalement stéréotypés et en défaveur totale des femmes.

  • Aurore Mayer

    Pour les femmes.

  • Noémie de Lattre

    Donc moi, je suis très en colère et très triste que ça n'avance pas, mais je suis malheureusement pas du tout surprise. Et en même temps, ça me donne un espoir, parce que je me dis, pour l'instant, on n'a encore rien fait, puisqu'on ne fait rien. Donc ça veut dire que le jour où je serai présidente de la République, en 2047… Très bien !

  • Aurore Mayer

    Quelle fierté d'avoir reçu la République !

  • Noémie de Lattre

    Tu ne pourrais pas te réveiller avec vous !

  • Aurore Mayer

    Elle a créé un statut de part égale.

  • Noémie de Lattre

    C'est-à-dire que ce n'est pas comme s'il n'y avait rien à faire, en fait.

  • Aurore Mayer

    Il y a quand même des lois aujourd'hui. Il y a la loi Rixin qui oblige d'avoir des quotas de femmes, notamment dans les postes de dirigeants. Alors, beaucoup ont pu dire, mais les quotas ne servent à rien. Vous pensez quoi, vous,

  • Noémie de Lattre

    de ça ? C'est absolument nécessaire. Enfin, c'est l'enfer. J'aimerais un monde sans quotas, évidemment. Voilà. Mais vu la situation, on n'a pas le choix. C'est absolument nécessaire. D'abord, pour laisser l'opportunité à ces femmes et puis pour, justement, créer des modèles, créer des précédents, ouvrir la voie, etc. Et puis, ces femmes vont... Après, c'est pas qu'elles vont... Enfin, le sexisme n'est pas l'apanage des hommes. Loin de là. Parce que... Avec qui je discutais ? Justement, on préparait des formations sur l'équité professionnelle avec une coach, c'est Julie Comarmand, et donc on était en train de revoir les objectifs. Elle me dit, l'objectif, ça serait parité absolue 50-50 dans les entreprises. Je lui dis, non, parce que, encore une fois, tant qu'on n'aura pas modifié les mentalités, on peut avoir 50% de femmes, toutes aussi sexistes, et rien ne change. Et voilà, en fait, ce n'est pas 50% de femmes qu'il faut, c'est 50% de personnes non sexistes, de personnes formées. Donc c'est vraiment... Et les quotas,

  • Aurore Mayer

    il faudrait ça. Il faudrait même 100% de personnes mixtes.

  • Noémie de Lattre

    Et 50%

  • Aurore Mayer

    en tout cas d'avoir une diversité de profils. Et que chacun garde ses profils. C'est peut-être ça... C'est formidable. C'est ça. Quand on dit la performance, elle arrive...

  • Noémie de Lattre

    Elle arrive par la mixité.

  • Aurore Mayer

    Elle arrive par des profils différents.

  • Noémie de Lattre

    Mais maintenant on le sait en plus, c'est ça qu'il faut. On le sait.

  • Aurore Mayer

    Il y a des études.

  • Noémie de Lattre

    Je sais, moi je l'ai brandi.

  • Aurore Mayer

    Oui,

  • Noémie de Lattre

    oui. Je sais. Vous les chantez. Je les chante, voilà. On sait maintenant qu'effectivement la mixité, la diversité... c'est concurrentiel en fait, il n'y a pas de problème, c'est bénéfique même si on n'arrive pas à convaincre des dirigeants et des dirigeantes que c'est bien de le faire, que c'est bien en termes de morale, d'éthique, on peut leur dire que c'est profitable, c'est rentable réellement. Donc tout le monde a intérêt à…

  • Aurore Mayer

    De quoi ils ont peur alors ?

  • Noémie de Lattre

    De l'inconnu je pense, déjà de manière globale et après plus précisément de perdre leurs privilèges. Mais encore une fois, ce que je comprends, puisqu'on leur dit qu'il va falloir rendre ce qu'on vous a donné. Et puis surtout, un homme naît, un petit garçon, il naît et tout, et puis il arrive dès la maternelle, l'école et tout, et on lui dit « tu dois être, tu dois pas pleurer, maîtriser tes émotions, tu dois être le plus fort, tu dois avoir un gros zizi, un gros salaire, une grosse voiture » donc en fonction en fonction de ses capacités de départ, soit c'est facile pour lui de faire tout ça, soit c'est dur. Et donc il passe sa vie à lutter pour obtenir ça. Et d'un coup, il a 45 ans, ça fait 45 ans qu'il se bat, il a enfin réussi. Il a une femme, un chien, deux enfants, un 4x4, un machin, et d'un coup il lui dit, rends, rends tout ce que t'as déconstruit toi. Et le mec, il dit « Les gars, non, non, non. J'ai mis 45 ans à construire ça, au prix de ma santé, au prix de mes voyages, au prix de voir mes enfants, au prix de ma sensibilité, au prix de plein de trucs. Et maintenant, vous me dites juste qu'il faut que j'arrête ? C'est vrai. Et que je sois quoi ? Du coup, je suis qui ? » C'est comme la crise en France qu'il y a eu quand les mines ont fermé. En fait, il y avait une espèce d'honneur ouvrier. Le jour où on a dit « C'est des métiers de merde, ouvriers, c'est des prolos » , tous ces gars-là, ils étaient « Ah, mais je suis qui ? » Dépourvue de buts. sens, des produits d'identité.

  • Aurore Mayer

    C'est intéressant, ça.

  • Noémie de Lattre

    Je pense qu'il faut d'abord proposer, avec eux, c'est pas nous deux, mais je pense que la société entière doit proposer, réfléchir à un nouveau modèle d'humanité, que ce soit pour les hommes ou pour les femmes, et d'interaction entre les deux, de manière à ce que... que les hommes disent « Ah oui, ça, ça me plaît. D'accord. Ok. Et c'est pas « Je perds ça. C'est pas « J'abandonne mes privilèges. » C'est « Non, en fait, je change de braquet. » Et je me dis que cet horizon-là, je le trouve plus rayonnant, je le trouve plus attractif. Je me reconnais plus dans cet homme-là. Cet homme qui sera puissant et non pas dominateur. Cet homme qui sera libre et non pas sclérosé dans ses stéréotypes. Cet homme qui pourra profiter de ses enfants et avoir un travail épanouissant.

  • Aurore Mayer

    C'est ce que disait Maxime Rivneski, qu'on avait reçu, il dit finalement, on s'interroge sur le privilège, c'est quoi le privilège ? Est-ce que c'est vraiment de travailler, de passer à côté peut-être de ses enfants quand on en a ? Chacun ses choix, mais en tout cas que ses envies on puisse combler et ne pas être complètement happé par des injonctions. avec lesquelles on n'est pas en accord. C'est un peu ça. Et ça permettrait effectivement à des hommes d'oser aussi aller sur des choses sur lesquelles ils ne sont pas. En tout cas, nous, c'est ce qu'on essaye de faire dans le groupe, dans notre réseau, dans le réseau Parité, c'est que chacun ou chacune puisse être à l'endroit où elle a envie d'être, alignée, et du coup, être performant, et avec les compétences qui vont bien. Souvent, on entend, oui, ma compétence égale, mais les femmes ont quand même des compétences, même pour être à des postes de direction, a priori. Voilà. Je ne sais pas si ça vous évoque quelque chose. Il y a une part de responsabilité, je pense, en tout cas, on y croit, de l'entreprise, de la société, de l'éducation. Vous parliez d'art. Il y a beaucoup d'actrices aujourd'hui, des réalisatrices qui vont un peu sur des... Je pense à... On a vu Demi Moore, etc., qui vont sur des sujets où on ne les attend pas forcément. Des femmes de 50, 60 ans qui s'affirment. Il y a beaucoup de films aussi portés par des réalisatrices qui vont sur des choses un peu trash, d'ailleurs. Est-ce que ça, ça permet de changer le regard ?

  • Noémie de Lattre

    Je parlais de Beyoncé en début d'entretien, mais oui, bien sûr, ça change tout. Ça change tout d'avoir des mimours qui disent « le sexisme, c'est pas contre les mecs, c'est contre les connards » . C'est bizarre. « Ok, ben voilà ! » Oui, oui, ça change tout. Je pense que le modèle, l'inspiration, je pense que c'est vraiment décisif. En tout cas, je vois moi ce que ça me fait. Quand je vois des hommes, des femmes, selon les domaines, c'est « ah, c'est possible ! » Ah d'accord, je trouve ça tellement fort. Je vous vois d'ailleurs avec l'écologie. Moi, j'ai mis vachement de temps à faire la transition parce que tous les discours, je les trouvais, moi, trop culpabilisants, j'entendais pas, je voyais juste tout ce que j'allais perdre. Et en fait, il a fallu que des militants et des militantes fassent ce que moi je fais avec le féminisme, c'est-à-dire s'emparent du truc pour... en faire quelque chose de positif, de gay, d'accessible, d'abordable, et qui fasse rêver de voir certaines militantes féministes. Je dis « Ah, wow, ok, ok, allez, moi aussi, d'accord, ça, ça me dit quelque chose. » Et je pense que ces hommes-là, ces changements-là, il faut qu'on l'incarne, il faut qu'on le modélise.

  • Aurore Mayer

    Et ça me fait penser aussi au rôle modèle. Est-ce que vous, vous avez un rôle modèle ? plusieurs Noémie, qui vous inspire ?

  • Noémie de Lattre

    Oui, en fait, il est un peu composite. Il y a beaucoup de femmes, il y a beaucoup de penseuses et d'écrivaines. Je lis beaucoup, beaucoup de femmes qui me nourrissent, qui me font évoluer, etc. Mais pour l'instant, et c'est d'ailleurs, vraiment, ça ne peut pas être très prétentieux, mais j'ai l'impression que c'est ma place. C'est-à-dire que pour l'instant, je vois beaucoup de penseuses brillantes mais qui n'ont pas de visage, qui n'ont pas de corps, parce que c'est pas leur métier. Donc elles se cachent, on ne les voit pas, on ne sait pas à quoi elles ressemblent, on ne connaît pas leur vie. Et puis après, il y a des figures dont on voit des actrices qui sont connues, et qui peuvent avoir aussi un discours intelligent, mais qui va être moins mis en avant, moins audible, que je ne vais pas forcément connaître. Et c'est vrai que du fait que je suis actrice et autrice, et que j'ai ces deux casquettes, c'est ça que j'aimerais faire. j'aimerais pouvoir être un un visage populaire puisque sur les réseaux sociaux je suis suivie par des centaines de milliers de gens et puis je fais de la vulgarisation, mes sketchs ils sont faciles, c'est facile et abordable Ils sont accessibles,

  • Aurore Mayer

    mais ils ne sont pas faciles Merci, merci beaucoup,

  • Noémie de Lattre

    c'est vrai, merci Ils sont accessibles et c'est effectivement le travail que je fais d'essayer de rendre accessible et gai et joyeux des prises de conscience qui ne sont pas... Mais c'est vrai, il y en a forcément, mais là, tout de suite...

  • Aurore Mayer

    C'est pas mal pour une future présidente de la République, d'être jeune et de sereine, le modèle pour les autres, c'est assez inspirant.

  • Noémie de Lattre

    Ça sera une réponse d'humilité que je leur ai fait avant. Moi, présidente...

  • Aurore Mayer

    Merci beaucoup Noémie de Lattre,

  • Noémie de Lattre

    merci pour cet échange.

  • Aurore Mayer

    Et puis je vous donne rendez-vous le mois prochain pour une prochaine émission d'À Part Égale.

Description

Ne manquez pas notre dernier épisode avec Noémie de Lattre, actrice, dramaturge, autrice et figure emblématique du féminisme en France. 🌟


A travers son spectacle "L'Harmonie des Genres" et son livre "Féministe pour Homme", elle fait passer des messages et vulgarise ces sujets pour les rendre accessibles à toutes et tous. Noémie aborde les stéréotypes de genre, la communication entre les femmes et les hommes, et réfléchit sur ces problématiques avec philosophie.


Elle fait référence à l'histoire et nous parle de l'importance de la langue française et de son influence sur les stéréotypes et la parité. Écoutez maintenant cet échange inspirant ! 💬


« À part égale » une série de podcast animée par Aurore Mayer, directrice du Réseau Parité Un Une du groupe La Poste qui inspire, fait réfléchir et avancer la parité pour un monde plus juste.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Aurore Mayer

    Bienvenue à l'émission À part égale, l'émission du réseau Parité 1-1 du groupe La Poste. Et aujourd'hui, j'ai la grande joie d'accueillir parmi nous Noémie De Lattre.

  • Noémie de Lattre

    Bonjour.

  • Aurore Mayer

    Bonjour Noémie, et merci d'être avec nous aujourd'hui. Donc Noémie, vous êtes actrice, metteuse en scène, vous êtes autrice, et vous êtes clairement engagée. Et pour vous, la sororité n'est pas un vain mot, je pense qu'on peut le dire comme ça. Vous avez écrit et monté le spectacle Féministe pour Hommes. Vous étiez avant-gardiste en 2017. Les hommes féministes, on n'en parlait pas tant que ça.

  • Noémie de Lattre

    Pas tant que ça. Et surtout, la première du spectacle a eu lieu trois semaines avant l'affaire Weinstein, avant que MeToo explique.

  • Aurore Mayer

    C'est vrai.

  • Noémie de Lattre

    À une époque où ce n'était pas du tout un sujet d'actualité, le féminisme. C'était encore un gros mot. Et quand j'ai annoncé à mon équipe que c'était le titre, tout le monde m'a dit « mais c'est un suicide médiatique. Personne ne va venir voir ce spectacle avec écrit « féministe » dans le titre. C'est mort ! » T'es folle quoi. En fait, j'ai appelé Féministe pour Hommes avec une majuscule à Hommes, et pour mettre en avant, parce qu'effectivement, il y a écrit Féministe pour Hommes, et tout le monde me dit « Ah, c'est pour les hommes » . Et dans le même temps, à chaque fois que je dis « Est-ce qu'on pourrait dire humain au lieu d'homme, droit du matin on me dit mais d'une majuscule En vrai, la majuscule, on ne l'entend pas, personne ne la voit. Et quand on voit homme, on lit homme. Et on pense à un homme, on pense à un mâle, on ne pense pas à une femme. Donc, j'ai voulu m'offrir le luxe à chaque fois qu'on me posait la question, de dire mais ce n'est pas féministe pour homme, c'est féministe pour humain. Car Aurore, toi et moi, nous sommes des hommes.

  • Aurore Mayer

    Bien sûr.

  • Noémie de Lattre

    Avec un grand H. Mais quand même des hommes.

  • Aurore Mayer

    Et quand même des hommes. Et en 2023, 2024, vous lancez un nouveau spectacle, l'Harmonie des genres. Vous jouez, vous chantez, vous philosophez. Oui. On peut dire ça. Et selon vous, est-ce qu'on parvient à faire plus passer des messages sous couvert de l'art ?

  • Noémie de Lattre

    Je pense que ça c'est sûr. L'art, et j'irais même plus loin avec l'humour. Moi je suis très inspirée par des personnalités comme Beyoncé, c'est-à-dire avec un féminisme populaire. Je me suis rendu compte, moi, au bout d'un moment, que... Je faisais plein de colloques, d'attente générale, j'étais invitée à... J'étais sur France Inter à une époque où c'était moins populaire que maintenant, mais bref, et je parlais de féminisme avec que des gens qui étaient déjà convaincus. Et je n'arrivais pas à m'adresser vraiment au grand public. Et c'est ça qui m'a donné l'idée de faire ce tout premier spectacle, Féministe pour Hommes, qui était un spectacle vraiment drôle, avec du cabaret, du burlesque, il y avait des numéros de défeuillage et tout, en me disant, ok, alors qu'est-ce que les gens veulent voir ? Des femmes à poil, ils veulent rigoler, ils veulent acheter. Ok, je leur donne tout ça et bim ! Je peux passer les messages. Et là, le deuxième, il est encore plus fédérateur puisqu'il s'adresse vraiment aux hommes et aux femmes complètement. Et puis, il parle de cet endroit où les hommes et les femmes hétéros se rencontrent, c'est-à-dire l'amour, le sexe, le couple. Donc, ça intéresse tout le monde, forcément.

  • Aurore Mayer

    Et c'est vrai que votre public a changé parce que je crois que c'était plutôt à la base avec les féministes des femmes, puis un public plutôt... tout gay c'est ça ? Oui ça. Maintenant il y a des hétéros, des hommes qui viennent.

  • Noémie de Lattre

    Beaucoup même. Maintenant c'est vraiment, j'ai même des salles parfois, je pense vraiment mixtes en termes de genre, homme-femme et d'ordre sexuel, je ne sais pas, ce n'est pas écrit sur un visage, mais oui j'ai l'impression que j'ai un public beaucoup plus classique. Alors qu'avant j'avais un public vraiment essentiellement queer.

  • Aurore Mayer

    Et quand vous écrivez, moi j'ai votre livre, qui reprend vos spectacles, et dedans quand on le lit, on voit que vous faites référence à votre... votre cheminement de pensée qui a évolué. Je trouve ça très intéressant. Vous en êtes où aujourd'hui, justement, de cette réflexion d'élargir, d'aller chercher des hommes et hétéros, que le féminisme s'adresse à toutes et à tous, finalement ?

  • Noémie de Lattre

    Exactement.

  • Aurore Mayer

    Qu'est-ce qui vous a fait bouger ?

  • Noémie de Lattre

    La vie est vraiment merveilleuse, parce qu'au moment où je commence à vraiment me poser la question du rapport homme-femme, que ce soit dans l'espace public, la société, l'amitié ou encore une fois l'intime, et de me dire, ok, on a fait la révolution, on a fait MeToo, etc. On veut des droits et on a bien raison, mais concrètement, comment on fait pour interagir, enfin comment on fait quand une femme est héro, pour interagir avec un homme alors qu'on a été dressé, et lui, et nous, pour subir des rapports, enfin pour vivre des rapports de domination ?

  • Aurore Mayer

    Dresser, c'est fort comme mot. Oui,

  • Noémie de Lattre

    je l'emploie à deux sens

  • Aurore Mayer

    C'est pas éduquer, c'est dresser.

  • Noémie de Lattre

    Parce que je pense que c'est vraiment de ça dont il s'agit. Je pense que c'est quelque chose qui n'est pas du tout fait pour notre bien, ni les hommes, ni les femmes. Il y a plein de mecs qui en ont marre de faire... Enfin, tu vois, je pense que c'est vraiment... C'est bénéfique pour personne, en fait, ces stéréotypes de genre dans lesquels on est obligé de rentrer parfois aux forceps et qui sont très figés et très... Oui, et très dictatoriaux, quoi. Et donc au moment pile où je suis en train de me poser toutes ces questions-là, et je me dis quand même ça serait bien s'il y avait un mec avec qui je pouvais échanger. Sauf que tous les mecs de mon entourage avec qui je peux échanger sont gays, donc voilà on est d'accord et on fait « ah bah t'es d'accord, bah bah oui, bon ça n'avance pas » . Et les hommes hétéros etc. avec qui j'ai pu relationner, pas du tout assez évolués dans la pensée pour réfléchir avec moi. C'est-à-dire que la moindre question que je leur pose c'était « euh… » .

  • Aurore Mayer

    Ils ne t'étaient pas posé la question ? Non. C'est ça.

  • Noémie de Lattre

    Et je ne le renvoie pas. Il y a plein de questions. J'ai mis 40 ans à me poser la question de ma couleur de peau. J'ai mis 45 ans à me poser la question de mon statut social. Je ne juge pas du tout. Mais n'empêche que c'était le cas. L'univers étant merveilleux, qu'est-ce qu'il fait l'univers ? Il me fait rencontrer un homme dont je suis tombée perdue, ma amoureuse. Et qui est exactement à cet endroit-là. qui est un homme à la fois... hyper masculin, et qui embrasse ces codes-là parce que ça lui plaît. Il aime conduire sa grosse moto, faire de l'escalade, du parapente, il est très musclé, il a son blouson à cuir, il est comme ça, il aime être viril, ça lui plaît, c'est son iconographie. Mais à côté de ça, il est bi, il a vécu des années avec un homme, il est dans une vraie recherche d'équité. de puissance et non pas de domination. C'est un vrai allié féministe, enfin il n'aime pas ce mot justement, parce que c'est allié ça donne l'impression qu'il y a une guerre. Oui,

  • Aurore Mayer

    c'est un peu comme ça, parce qu'on parle beaucoup d'allié effectivement, comment embarquer les hommes en tant qu'allié, alors qu'est-ce qu'on pourrait dire plutôt ?

  • Noémie de Lattre

    Je ne sais pas, parce que moi je l'aimais bien ce mot, moi je l'aime bien. Au début je disais féministe tout court, et après il y a plein de féministes qui m'ont dit « non on ne peut pas dire ça, ça c'est que pour nous, c'est que pour les minorités de genre, Les hommes cis n'ont pas le droit à... ce titre là bon d'accord à lyon d'y aller alors d'accord allié puis là j'ai des hommes eux mêmes qui veulent faire ce trajet et qui veulent pas ce mot là donc je questionne et je trouve ça intéressant parce que vous avez dit les minorités de genre mais on n'est pas minoritaire en fait il ya une marque de fringues s'appelle meuf meuf paris j'avais acheté un t-shirt qui disait minorité majoritaire. On n'est plus de la moitié de la population et on est quand même considéré comme une minorité.

  • Aurore Mayer

    On n'est plus la moitié de la population. Nous, dans le groupe La Poste, on est 52% de femmes. On représente la société, on est un groupe de 50 000 personnes, 52% de femmes. On représente vraiment la société. Et malgré tout, on sent qu'il y a des endroits où il faut encore, même si on est un groupe plutôt exemplaire, où il faut encore agir pour que des femmes prennent des postes, notamment les plus hauts. Il y a une question de pouvoir derrière. Est-ce que c'est ça les enjeux ? C'est les endroits où il y a le pouvoir ?

  • Noémie de Lattre

    Ça, c'est sûr que c'est ça qui, à la fois, est cause et conséquence. Mais en même temps, je pense que ça... Quand vous disiez qu'on est 52% de femmes, je suis sûre que toutes les communications, internes ou externes, sont au masculin.

  • Aurore Mayer

    On essaye de ne plus le faire. Même dans les fiches de poste, on féminise. Par exemple, un maître recherche une directrice ou un directeur, et on inverse,

  • Noémie de Lattre

    on insiste.

  • Aurore Mayer

    ou une assistante,

  • Noémie de Lattre

    enfin on va un petit tiller c'est vénéreux parce que ça change en fait il y a des femmes qui possèdent mais bien sûr c'est important la langue vous en parlez beaucoup aussi dans votre spectacle j'en parle beaucoup c'est mon cheval de bataille pour une raison simple qui est que la langue c'est l'outil de la pensée on ne peut pas penser un monde juste avec des mots injustes et d'ailleurs toutes les dictatures la première chose qu'elles font c'est changer le langage c'est enlever les outils ... de rébellion, les outils de compréhension, c'est la première chose qu'elles font toutes. Et que ce soit les dictatures fictives, comme la novlangue, ou les dictatures réelles, on n'est plus des machins, on est des camarades, tout est à chaque fois, c'est ça qui se passe. Et d'ailleurs, le français, je ne sais pas si vous savez ça, mais... En fait, on a tendance à penser que, bah oui, un tabouret, une chaise, c'est comme ça, c'est un hasard. Pas du tout. Ah oui ? Non, et que le masculin l'emporte, c'est pas du tout...

  • Aurore Mayer

    Ouais, ça, je savais ça.

  • Noémie de Lattre

    Voilà, c'est très récent. Pas très récent, on regarde...

  • Aurore Mayer

    Le masculin l'emporte, ça veut dire... Enfin, c'est moi, cette phrase, elle m'étonne toujours. Parce que le masculin l'emporte, bah ça... Inconsciemment, ça emporte d'autres choses que la langue.

  • Noémie de Lattre

    Mais c'est tellement évident. Ouais. C'est tellement évident que des milliers de petites filles à qui on a dit le masculin l'emporte, à entendre le masculin en porte. L'homme a le droit de m'emporter, je suis... C'est terrible. Et surtout, déjà, les effets délétères sur la pensée, la construction mentale des individus, ils ne sont plus approuvés. Il suffit de lire Eliane Viennot, n'importe quel linguiste, historien, historienne, etc. C'est prouvé. Mais en plus, ce qui est intéressant, c'est de voir pourquoi ça a été créé. Et de voir que ça a été créé pour des raisons absolument politiques et sexistes. C'est-à-dire que c'était délibérément pour empêcher les femmes d'accéder aux droits de vote. au poste de pouvoir pour en revient à ce que vous voulez, c'est pour ça que j'ai fait ce petit long retour de la suite de la vidéo, parce que par exemple actrice, donc une idiote en robe qui fait comme ça, on a laissé le mot et autrice on l'a enlevé C'est vrai. Alors que c'est la même construction, actrice, autrice, voilà. Et non, on dit auteur, auteureux si vous voulez. Oui, ça ne s'entend pas. Non, le mot c'est autrice qui a toujours existé et qui n'est même pas un dérivé de auteur. C'est actrice, enfin bref. C'est pareil, boulangère, on n'a pas de problème. Comtesse, on n'a pas de problème, parce que pareil, c'est des idiotes en robe. Enfin, pas la boulangère, mais la comtesse. Mais en revanche, capitainesse, non. Médecienne, non. Rectrice, non. C'est-à-dire, avocate, non.

  • Aurore Mayer

    Oui,

  • Noémie de Lattre

    c'est vrai. Et même, c'est quand même fou, par exemple maîtresse, maître-maîtresse. Donc on a le droit de dire maître d'école, maîtresse d'école. En revanche, selon l'Académie française, on dit maître de conférence, maître de conférence. Ah oui, c'est vrai. Voilà, directeur de thèse, directrice, directeur de thèse, directeur d'école, directrice d'école. Donc tout ce qui est un petit peu comme ça, c'est bon, mais dès qu'il y a du prestige, du pouvoir, etc., c'est niet. Et c'était vraiment pour étouffer les femmes.

  • Aurore Mayer

    Ce que je trouve intéressant, vous avez parlé de votre compagnon, donc je me permets.

  • Noémie de Lattre

    Bien sûr.

  • Aurore Mayer

    Effectivement, on vous voit, peut-être que les personnes qui nous regardent, qui nous écoutent, en tout cas si elles ne nous connaissent pas, je les invite à aller voir. Vous faites des petits posts dans votre baignoire avec des invités, ou même des fois dans votre intimité. Et parfois, vous questionnez tous les deux. Et vous nous faites réfléchir, c'est pour ça qu'il y a un côté philosophique aussi, sur des choses très basiques, ce qu'on ne prend pas conscience du quotidien qu'on vit. Même vous-même.

  • Noémie de Lattre

    Des fois,

  • Aurore Mayer

    vous dites, tiens, j'ai remarqué ça et ça me questionne.

  • Noémie de Lattre

    Pardon. Je me rends compte que j'avais lâché la rampe, mais vous m'aviez demandé où en était ma pensée. Justement, c'est pour ça que je parlais de lui. Elle en est là. C'est-à-dire que là, maintenant, comme j'ai la chance de l'avoir rencontrée, au-delà de mon bonheur personnel, j'ai rencontré mon vrai partenaire, mon vrai sparring partner. C'est-à-dire qu'on se questionne avec une authenticité parfois un peu dangereuse, enfin parfois un peu inquiétante en tout cas, sur la vérité de ce qu'on ressent. Sur les questions de genre, on se dit tout. C'est-à-dire y compris... on est capable de se dire... En fait, on se rend compte à quel point le genre, à plein d'endroits, genre, là, j'ai gagné un peu plus d'argent, moi, j'ai gagné un peu plus d'argent, je paye le restant. Et en fait, on se rend compte que, et lui et moi, ça nous met mal à l'aise. Moi, je me sens pas du tout féminine en faisant ça. J'ai l'impression d'un coup d'être une grosse dame kaki dégueulasse. Et lui, il a l'impression d'être émasculé. Et en fait, ça ne nous convient pas. Alors que, intellectuellement, évidemment, on est d'accord avec ça. Ça ne correspond à rien. Donc... Mais sauf que du coup, on le débusque. C'est-à-dire qu'au lieu de trouver un subterfuge, genre non, non, mais pas du tout, et lui va me mentir, j'ai les moyens, et se mettre dans la merde. Au lieu de ça, ou alors au lieu d'accepter ce truc, mais d'être mal à l'aise et que ça abîme notre lien érotique aussi, là maintenant on se voit l'un l'une et tout, à chaque fois on essaie de vraiment mettre le nez dedans, en disant pourquoi ça nous fait ça, à quoi ça nous renvoie, c'est quoi la blessure, qu'est-ce qu'il faut aller réparer pour qu'on puisse. s'inviter comme on veut au restaurant sans avoir à se poser ces questions. Et en fait on s'est rendu compte que c'est partout tout le temps. Partout tout le temps. Moi je me suis rendu compte, et c'était pas du tout de la faute des hommes avec qui j'étais, eux m'ont rien imposé, mais que avec la plupart des hommes avec qui j'étais, je me limitais délibérément dans mon succès, ma carrière, mes revenus, pour surtout pas les dépasser. Parce que ça risquait de mettre en péril l'équilibre amoureux de l'homme fort, fort, muscle, muscle, et la femme douce, douce, disponible, disponible.

  • Aurore Mayer

    Et ça, c'est intéressant parce qu'effectivement, moi qui parle aussi avec beaucoup de femmes qui ont des hauts postes, souvent, ça fragilise l'équilibre personnel pour ces raisons-là que vous évoquez. Et donc, des femmes effectivement se limitent. aussi de crainte de déséquilibrer le couple même si à la base il n'y a pas de sujet que tout le monde est ok avec la chose et que c'est plutôt des personnes qui sont ouverts à l'égalité et bien malgré tout il arrive un moment quand ça bascule où ce équilibre est pas...

  • Noémie de Lattre

    C'est pourquoi je disais dresser parce que je pense vraiment quelque chose qui est ancré au fond nous dont on a plus ou moins conscience et en tout cas beaucoup de mal à... sur lequel on a énormément de mal à agir quoi C'est vraiment un dressage, un formatage, un conditionnement.

  • Aurore Mayer

    Il faut aller prendre les jeunes, accompagner dans les écoles. Comment on peut changer ça ? Parce que c'est compliqué. Nous, on essaye de sensibiliser.

  • Noémie de Lattre

    Oui, bien sûr, mais c'est super.

  • Aurore Mayer

    Et on a des hommes engagés aussi. Est-ce qu'ils sont alliés ? Est-ce qu'ils sont intimement ? Parce que parfois, les hommes aussi ont intérêt à ce que ça bouge. Certains ont peur et d'autres ont intérêt, parce qu'ils peuvent prendre des congés paternités, s'employer du temps pour leurs enfants, sans se culpabiliser ou sans être dans ce modèle. Mais malgré tout, on sent qu'il y a ce frein côté homme dans cet équilibre et que parfois ça va toucher d'ailleurs à d'autres choses, à l'organisation du travail, l'équilibre familial. Comment on arrive, notamment avec des adultes, à gérer ces changements ?

  • Noémie de Lattre

    Je crois énormément au bienfait du modèle, au bienfait de l'inspiration. Je pense qu'il y a une grande responsabilité artistique, mais c'est aussi une fondamentale, parce que c'est aussi les subventions publiques, les chaînes publiques de télé, etc. Qu'est-ce qu'on montre aux gens dès leur plus jeune âge ? Est-ce qu'on leur montre en permanence des histoires ? où... maman garde l'enfant pendant que papa travaille, ou 50 nuances de grès, où il est là, il est riche, et elle, c'est la petite secrétaire. Tant qu'on nous montrera ça, on fantasmera là-dessus et on aura du mal à se créer d'autres repères. Donc, je pense que vraiment, les artistes ont une immense responsabilité dans le fait de véhiculer des modèles qui soient... nouveau et voilà et où d'un coup on va trouver le jour où brad pitt incarnera un peu vieux mais je sais pas lequel je sais pas quel beau gosse hollywoodien hyper sexy hyper badass le jour où il incarne ce mec qui se bat voilà et qui garde son enfant pour que sa femme travaille qui les fous d'admiration pour elle et que ça l'excite faut pas avoir peur de non ça doit être érotique, ça doit... Parce que sinon, dès que notre cerveau reptilien va prendre le dessus, on ne peut rien contre les fantasmes.

  • Aurore Mayer

    Alors le combat, c'est un combat aussi quelque part, il est quand même toujours difficile, et on le voit bien avec tout ce qu'on entend dans le monde, on le voit bien avec le dernier rapport qui vient de sortir, sur la haute autorité et l'égalité entre les hommes et les femmes, que les jeunes aussi, en fait, ne sont malgré toutes les paroles, tout ce qu'il y a pu y avoir. Dans la société, on n'arrive pas encore à faire bouger vraiment les lignes ?

  • Noémie de Lattre

    Mais en vrai, moi je ne suis pas du tout étonnée. Les politiques gouvernementales sont totalement sexistes. Les décisions qui sont prises, les prises de parole publiques sont sexistes. Les violeurs ne sont pas condamnés. Les agresseurs sexuels ne sont pas condamnés. pas condamnés. On peut dire sur des plateaux télé des choses totalement homophobes et sexistes sans aucun problème. Il y a une impunité totale. Bien sûr que ça n'évolue pas. Enfin, je veux dire, pour moi, il n'y a pas de mystère. C'est pas « mais je comprends pas comment... » Non, c'est bien sûr que ça n'évolue pas. Rien n'est fait pour que ça n'évolue. Rien. Quand on voit... Pareil, même autour du procès Pénicaud, ce qui a été autorisé comme parole dans un truc... Alors que là, vraiment, c'est fini. les gars donc c'est quoi votre problème filmé on le voit la dame ronfle est ce que enfin qu'est ce qu'il vous faut de plus et malgré ça il continue il continue d'avoir un discours qui dit mais pas du tout elle a voulu les femmes se cibler d'accord donc en fait Et tant que ça c'est mis en valeur, c'est entendu, alors que la parole contraire, elle, est totalement silenciée, parce que c'est ça aussi, c'est que ce qu'on ne sait pas, c'est quand on entend, oui, tel mec, tel homme a fait un procès en diffamation contre telle femme. Donc ça, on le voit toujours, c'est la lune des journaux. Ce qu'on ne sait jamais, c'est que systématiquement après, en fait, il retire sa plainte, parce qu'il sait bien qu'il va perdre. et qui ne fait pas ce procès en diffamation, mais que nous on n'a pas l'information. Nous, grand public, on a juste vu procès en diffamation, donc ah bah oui c'est une menteuse. Et puis comme c'est ce qu'on nous raconte depuis toujours. Tu regardes Larousse, il y a écrit définition menteur-menteuse, la petite fille a menti, machin, etc. de courageux-courageuse, le petit garçon courageux. Les exemples, tout le plan qu'on nous donne à l'école, dans la culture populaire ou les institutions sont ceux-là.

  • Aurore Mayer

    Sont stéréotypés.

  • Noémie de Lattre

    Totalement stéréotypés et en défaveur totale des femmes.

  • Aurore Mayer

    Pour les femmes.

  • Noémie de Lattre

    Donc moi, je suis très en colère et très triste que ça n'avance pas, mais je suis malheureusement pas du tout surprise. Et en même temps, ça me donne un espoir, parce que je me dis, pour l'instant, on n'a encore rien fait, puisqu'on ne fait rien. Donc ça veut dire que le jour où je serai présidente de la République, en 2047… Très bien !

  • Aurore Mayer

    Quelle fierté d'avoir reçu la République !

  • Noémie de Lattre

    Tu ne pourrais pas te réveiller avec vous !

  • Aurore Mayer

    Elle a créé un statut de part égale.

  • Noémie de Lattre

    C'est-à-dire que ce n'est pas comme s'il n'y avait rien à faire, en fait.

  • Aurore Mayer

    Il y a quand même des lois aujourd'hui. Il y a la loi Rixin qui oblige d'avoir des quotas de femmes, notamment dans les postes de dirigeants. Alors, beaucoup ont pu dire, mais les quotas ne servent à rien. Vous pensez quoi, vous,

  • Noémie de Lattre

    de ça ? C'est absolument nécessaire. Enfin, c'est l'enfer. J'aimerais un monde sans quotas, évidemment. Voilà. Mais vu la situation, on n'a pas le choix. C'est absolument nécessaire. D'abord, pour laisser l'opportunité à ces femmes et puis pour, justement, créer des modèles, créer des précédents, ouvrir la voie, etc. Et puis, ces femmes vont... Après, c'est pas qu'elles vont... Enfin, le sexisme n'est pas l'apanage des hommes. Loin de là. Parce que... Avec qui je discutais ? Justement, on préparait des formations sur l'équité professionnelle avec une coach, c'est Julie Comarmand, et donc on était en train de revoir les objectifs. Elle me dit, l'objectif, ça serait parité absolue 50-50 dans les entreprises. Je lui dis, non, parce que, encore une fois, tant qu'on n'aura pas modifié les mentalités, on peut avoir 50% de femmes, toutes aussi sexistes, et rien ne change. Et voilà, en fait, ce n'est pas 50% de femmes qu'il faut, c'est 50% de personnes non sexistes, de personnes formées. Donc c'est vraiment... Et les quotas,

  • Aurore Mayer

    il faudrait ça. Il faudrait même 100% de personnes mixtes.

  • Noémie de Lattre

    Et 50%

  • Aurore Mayer

    en tout cas d'avoir une diversité de profils. Et que chacun garde ses profils. C'est peut-être ça... C'est formidable. C'est ça. Quand on dit la performance, elle arrive...

  • Noémie de Lattre

    Elle arrive par la mixité.

  • Aurore Mayer

    Elle arrive par des profils différents.

  • Noémie de Lattre

    Mais maintenant on le sait en plus, c'est ça qu'il faut. On le sait.

  • Aurore Mayer

    Il y a des études.

  • Noémie de Lattre

    Je sais, moi je l'ai brandi.

  • Aurore Mayer

    Oui,

  • Noémie de Lattre

    oui. Je sais. Vous les chantez. Je les chante, voilà. On sait maintenant qu'effectivement la mixité, la diversité... c'est concurrentiel en fait, il n'y a pas de problème, c'est bénéfique même si on n'arrive pas à convaincre des dirigeants et des dirigeantes que c'est bien de le faire, que c'est bien en termes de morale, d'éthique, on peut leur dire que c'est profitable, c'est rentable réellement. Donc tout le monde a intérêt à…

  • Aurore Mayer

    De quoi ils ont peur alors ?

  • Noémie de Lattre

    De l'inconnu je pense, déjà de manière globale et après plus précisément de perdre leurs privilèges. Mais encore une fois, ce que je comprends, puisqu'on leur dit qu'il va falloir rendre ce qu'on vous a donné. Et puis surtout, un homme naît, un petit garçon, il naît et tout, et puis il arrive dès la maternelle, l'école et tout, et on lui dit « tu dois être, tu dois pas pleurer, maîtriser tes émotions, tu dois être le plus fort, tu dois avoir un gros zizi, un gros salaire, une grosse voiture » donc en fonction en fonction de ses capacités de départ, soit c'est facile pour lui de faire tout ça, soit c'est dur. Et donc il passe sa vie à lutter pour obtenir ça. Et d'un coup, il a 45 ans, ça fait 45 ans qu'il se bat, il a enfin réussi. Il a une femme, un chien, deux enfants, un 4x4, un machin, et d'un coup il lui dit, rends, rends tout ce que t'as déconstruit toi. Et le mec, il dit « Les gars, non, non, non. J'ai mis 45 ans à construire ça, au prix de ma santé, au prix de mes voyages, au prix de voir mes enfants, au prix de ma sensibilité, au prix de plein de trucs. Et maintenant, vous me dites juste qu'il faut que j'arrête ? C'est vrai. Et que je sois quoi ? Du coup, je suis qui ? » C'est comme la crise en France qu'il y a eu quand les mines ont fermé. En fait, il y avait une espèce d'honneur ouvrier. Le jour où on a dit « C'est des métiers de merde, ouvriers, c'est des prolos » , tous ces gars-là, ils étaient « Ah, mais je suis qui ? » Dépourvue de buts. sens, des produits d'identité.

  • Aurore Mayer

    C'est intéressant, ça.

  • Noémie de Lattre

    Je pense qu'il faut d'abord proposer, avec eux, c'est pas nous deux, mais je pense que la société entière doit proposer, réfléchir à un nouveau modèle d'humanité, que ce soit pour les hommes ou pour les femmes, et d'interaction entre les deux, de manière à ce que... que les hommes disent « Ah oui, ça, ça me plaît. D'accord. Ok. Et c'est pas « Je perds ça. C'est pas « J'abandonne mes privilèges. » C'est « Non, en fait, je change de braquet. » Et je me dis que cet horizon-là, je le trouve plus rayonnant, je le trouve plus attractif. Je me reconnais plus dans cet homme-là. Cet homme qui sera puissant et non pas dominateur. Cet homme qui sera libre et non pas sclérosé dans ses stéréotypes. Cet homme qui pourra profiter de ses enfants et avoir un travail épanouissant.

  • Aurore Mayer

    C'est ce que disait Maxime Rivneski, qu'on avait reçu, il dit finalement, on s'interroge sur le privilège, c'est quoi le privilège ? Est-ce que c'est vraiment de travailler, de passer à côté peut-être de ses enfants quand on en a ? Chacun ses choix, mais en tout cas que ses envies on puisse combler et ne pas être complètement happé par des injonctions. avec lesquelles on n'est pas en accord. C'est un peu ça. Et ça permettrait effectivement à des hommes d'oser aussi aller sur des choses sur lesquelles ils ne sont pas. En tout cas, nous, c'est ce qu'on essaye de faire dans le groupe, dans notre réseau, dans le réseau Parité, c'est que chacun ou chacune puisse être à l'endroit où elle a envie d'être, alignée, et du coup, être performant, et avec les compétences qui vont bien. Souvent, on entend, oui, ma compétence égale, mais les femmes ont quand même des compétences, même pour être à des postes de direction, a priori. Voilà. Je ne sais pas si ça vous évoque quelque chose. Il y a une part de responsabilité, je pense, en tout cas, on y croit, de l'entreprise, de la société, de l'éducation. Vous parliez d'art. Il y a beaucoup d'actrices aujourd'hui, des réalisatrices qui vont un peu sur des... Je pense à... On a vu Demi Moore, etc., qui vont sur des sujets où on ne les attend pas forcément. Des femmes de 50, 60 ans qui s'affirment. Il y a beaucoup de films aussi portés par des réalisatrices qui vont sur des choses un peu trash, d'ailleurs. Est-ce que ça, ça permet de changer le regard ?

  • Noémie de Lattre

    Je parlais de Beyoncé en début d'entretien, mais oui, bien sûr, ça change tout. Ça change tout d'avoir des mimours qui disent « le sexisme, c'est pas contre les mecs, c'est contre les connards » . C'est bizarre. « Ok, ben voilà ! » Oui, oui, ça change tout. Je pense que le modèle, l'inspiration, je pense que c'est vraiment décisif. En tout cas, je vois moi ce que ça me fait. Quand je vois des hommes, des femmes, selon les domaines, c'est « ah, c'est possible ! » Ah d'accord, je trouve ça tellement fort. Je vous vois d'ailleurs avec l'écologie. Moi, j'ai mis vachement de temps à faire la transition parce que tous les discours, je les trouvais, moi, trop culpabilisants, j'entendais pas, je voyais juste tout ce que j'allais perdre. Et en fait, il a fallu que des militants et des militantes fassent ce que moi je fais avec le féminisme, c'est-à-dire s'emparent du truc pour... en faire quelque chose de positif, de gay, d'accessible, d'abordable, et qui fasse rêver de voir certaines militantes féministes. Je dis « Ah, wow, ok, ok, allez, moi aussi, d'accord, ça, ça me dit quelque chose. » Et je pense que ces hommes-là, ces changements-là, il faut qu'on l'incarne, il faut qu'on le modélise.

  • Aurore Mayer

    Et ça me fait penser aussi au rôle modèle. Est-ce que vous, vous avez un rôle modèle ? plusieurs Noémie, qui vous inspire ?

  • Noémie de Lattre

    Oui, en fait, il est un peu composite. Il y a beaucoup de femmes, il y a beaucoup de penseuses et d'écrivaines. Je lis beaucoup, beaucoup de femmes qui me nourrissent, qui me font évoluer, etc. Mais pour l'instant, et c'est d'ailleurs, vraiment, ça ne peut pas être très prétentieux, mais j'ai l'impression que c'est ma place. C'est-à-dire que pour l'instant, je vois beaucoup de penseuses brillantes mais qui n'ont pas de visage, qui n'ont pas de corps, parce que c'est pas leur métier. Donc elles se cachent, on ne les voit pas, on ne sait pas à quoi elles ressemblent, on ne connaît pas leur vie. Et puis après, il y a des figures dont on voit des actrices qui sont connues, et qui peuvent avoir aussi un discours intelligent, mais qui va être moins mis en avant, moins audible, que je ne vais pas forcément connaître. Et c'est vrai que du fait que je suis actrice et autrice, et que j'ai ces deux casquettes, c'est ça que j'aimerais faire. j'aimerais pouvoir être un un visage populaire puisque sur les réseaux sociaux je suis suivie par des centaines de milliers de gens et puis je fais de la vulgarisation, mes sketchs ils sont faciles, c'est facile et abordable Ils sont accessibles,

  • Aurore Mayer

    mais ils ne sont pas faciles Merci, merci beaucoup,

  • Noémie de Lattre

    c'est vrai, merci Ils sont accessibles et c'est effectivement le travail que je fais d'essayer de rendre accessible et gai et joyeux des prises de conscience qui ne sont pas... Mais c'est vrai, il y en a forcément, mais là, tout de suite...

  • Aurore Mayer

    C'est pas mal pour une future présidente de la République, d'être jeune et de sereine, le modèle pour les autres, c'est assez inspirant.

  • Noémie de Lattre

    Ça sera une réponse d'humilité que je leur ai fait avant. Moi, présidente...

  • Aurore Mayer

    Merci beaucoup Noémie de Lattre,

  • Noémie de Lattre

    merci pour cet échange.

  • Aurore Mayer

    Et puis je vous donne rendez-vous le mois prochain pour une prochaine émission d'À Part Égale.

Share

Embed

You may also like

Description

Ne manquez pas notre dernier épisode avec Noémie de Lattre, actrice, dramaturge, autrice et figure emblématique du féminisme en France. 🌟


A travers son spectacle "L'Harmonie des Genres" et son livre "Féministe pour Homme", elle fait passer des messages et vulgarise ces sujets pour les rendre accessibles à toutes et tous. Noémie aborde les stéréotypes de genre, la communication entre les femmes et les hommes, et réfléchit sur ces problématiques avec philosophie.


Elle fait référence à l'histoire et nous parle de l'importance de la langue française et de son influence sur les stéréotypes et la parité. Écoutez maintenant cet échange inspirant ! 💬


« À part égale » une série de podcast animée par Aurore Mayer, directrice du Réseau Parité Un Une du groupe La Poste qui inspire, fait réfléchir et avancer la parité pour un monde plus juste.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Aurore Mayer

    Bienvenue à l'émission À part égale, l'émission du réseau Parité 1-1 du groupe La Poste. Et aujourd'hui, j'ai la grande joie d'accueillir parmi nous Noémie De Lattre.

  • Noémie de Lattre

    Bonjour.

  • Aurore Mayer

    Bonjour Noémie, et merci d'être avec nous aujourd'hui. Donc Noémie, vous êtes actrice, metteuse en scène, vous êtes autrice, et vous êtes clairement engagée. Et pour vous, la sororité n'est pas un vain mot, je pense qu'on peut le dire comme ça. Vous avez écrit et monté le spectacle Féministe pour Hommes. Vous étiez avant-gardiste en 2017. Les hommes féministes, on n'en parlait pas tant que ça.

  • Noémie de Lattre

    Pas tant que ça. Et surtout, la première du spectacle a eu lieu trois semaines avant l'affaire Weinstein, avant que MeToo explique.

  • Aurore Mayer

    C'est vrai.

  • Noémie de Lattre

    À une époque où ce n'était pas du tout un sujet d'actualité, le féminisme. C'était encore un gros mot. Et quand j'ai annoncé à mon équipe que c'était le titre, tout le monde m'a dit « mais c'est un suicide médiatique. Personne ne va venir voir ce spectacle avec écrit « féministe » dans le titre. C'est mort ! » T'es folle quoi. En fait, j'ai appelé Féministe pour Hommes avec une majuscule à Hommes, et pour mettre en avant, parce qu'effectivement, il y a écrit Féministe pour Hommes, et tout le monde me dit « Ah, c'est pour les hommes » . Et dans le même temps, à chaque fois que je dis « Est-ce qu'on pourrait dire humain au lieu d'homme, droit du matin on me dit mais d'une majuscule En vrai, la majuscule, on ne l'entend pas, personne ne la voit. Et quand on voit homme, on lit homme. Et on pense à un homme, on pense à un mâle, on ne pense pas à une femme. Donc, j'ai voulu m'offrir le luxe à chaque fois qu'on me posait la question, de dire mais ce n'est pas féministe pour homme, c'est féministe pour humain. Car Aurore, toi et moi, nous sommes des hommes.

  • Aurore Mayer

    Bien sûr.

  • Noémie de Lattre

    Avec un grand H. Mais quand même des hommes.

  • Aurore Mayer

    Et quand même des hommes. Et en 2023, 2024, vous lancez un nouveau spectacle, l'Harmonie des genres. Vous jouez, vous chantez, vous philosophez. Oui. On peut dire ça. Et selon vous, est-ce qu'on parvient à faire plus passer des messages sous couvert de l'art ?

  • Noémie de Lattre

    Je pense que ça c'est sûr. L'art, et j'irais même plus loin avec l'humour. Moi je suis très inspirée par des personnalités comme Beyoncé, c'est-à-dire avec un féminisme populaire. Je me suis rendu compte, moi, au bout d'un moment, que... Je faisais plein de colloques, d'attente générale, j'étais invitée à... J'étais sur France Inter à une époque où c'était moins populaire que maintenant, mais bref, et je parlais de féminisme avec que des gens qui étaient déjà convaincus. Et je n'arrivais pas à m'adresser vraiment au grand public. Et c'est ça qui m'a donné l'idée de faire ce tout premier spectacle, Féministe pour Hommes, qui était un spectacle vraiment drôle, avec du cabaret, du burlesque, il y avait des numéros de défeuillage et tout, en me disant, ok, alors qu'est-ce que les gens veulent voir ? Des femmes à poil, ils veulent rigoler, ils veulent acheter. Ok, je leur donne tout ça et bim ! Je peux passer les messages. Et là, le deuxième, il est encore plus fédérateur puisqu'il s'adresse vraiment aux hommes et aux femmes complètement. Et puis, il parle de cet endroit où les hommes et les femmes hétéros se rencontrent, c'est-à-dire l'amour, le sexe, le couple. Donc, ça intéresse tout le monde, forcément.

  • Aurore Mayer

    Et c'est vrai que votre public a changé parce que je crois que c'était plutôt à la base avec les féministes des femmes, puis un public plutôt... tout gay c'est ça ? Oui ça. Maintenant il y a des hétéros, des hommes qui viennent.

  • Noémie de Lattre

    Beaucoup même. Maintenant c'est vraiment, j'ai même des salles parfois, je pense vraiment mixtes en termes de genre, homme-femme et d'ordre sexuel, je ne sais pas, ce n'est pas écrit sur un visage, mais oui j'ai l'impression que j'ai un public beaucoup plus classique. Alors qu'avant j'avais un public vraiment essentiellement queer.

  • Aurore Mayer

    Et quand vous écrivez, moi j'ai votre livre, qui reprend vos spectacles, et dedans quand on le lit, on voit que vous faites référence à votre... votre cheminement de pensée qui a évolué. Je trouve ça très intéressant. Vous en êtes où aujourd'hui, justement, de cette réflexion d'élargir, d'aller chercher des hommes et hétéros, que le féminisme s'adresse à toutes et à tous, finalement ?

  • Noémie de Lattre

    Exactement.

  • Aurore Mayer

    Qu'est-ce qui vous a fait bouger ?

  • Noémie de Lattre

    La vie est vraiment merveilleuse, parce qu'au moment où je commence à vraiment me poser la question du rapport homme-femme, que ce soit dans l'espace public, la société, l'amitié ou encore une fois l'intime, et de me dire, ok, on a fait la révolution, on a fait MeToo, etc. On veut des droits et on a bien raison, mais concrètement, comment on fait pour interagir, enfin comment on fait quand une femme est héro, pour interagir avec un homme alors qu'on a été dressé, et lui, et nous, pour subir des rapports, enfin pour vivre des rapports de domination ?

  • Aurore Mayer

    Dresser, c'est fort comme mot. Oui,

  • Noémie de Lattre

    je l'emploie à deux sens

  • Aurore Mayer

    C'est pas éduquer, c'est dresser.

  • Noémie de Lattre

    Parce que je pense que c'est vraiment de ça dont il s'agit. Je pense que c'est quelque chose qui n'est pas du tout fait pour notre bien, ni les hommes, ni les femmes. Il y a plein de mecs qui en ont marre de faire... Enfin, tu vois, je pense que c'est vraiment... C'est bénéfique pour personne, en fait, ces stéréotypes de genre dans lesquels on est obligé de rentrer parfois aux forceps et qui sont très figés et très... Oui, et très dictatoriaux, quoi. Et donc au moment pile où je suis en train de me poser toutes ces questions-là, et je me dis quand même ça serait bien s'il y avait un mec avec qui je pouvais échanger. Sauf que tous les mecs de mon entourage avec qui je peux échanger sont gays, donc voilà on est d'accord et on fait « ah bah t'es d'accord, bah bah oui, bon ça n'avance pas » . Et les hommes hétéros etc. avec qui j'ai pu relationner, pas du tout assez évolués dans la pensée pour réfléchir avec moi. C'est-à-dire que la moindre question que je leur pose c'était « euh… » .

  • Aurore Mayer

    Ils ne t'étaient pas posé la question ? Non. C'est ça.

  • Noémie de Lattre

    Et je ne le renvoie pas. Il y a plein de questions. J'ai mis 40 ans à me poser la question de ma couleur de peau. J'ai mis 45 ans à me poser la question de mon statut social. Je ne juge pas du tout. Mais n'empêche que c'était le cas. L'univers étant merveilleux, qu'est-ce qu'il fait l'univers ? Il me fait rencontrer un homme dont je suis tombée perdue, ma amoureuse. Et qui est exactement à cet endroit-là. qui est un homme à la fois... hyper masculin, et qui embrasse ces codes-là parce que ça lui plaît. Il aime conduire sa grosse moto, faire de l'escalade, du parapente, il est très musclé, il a son blouson à cuir, il est comme ça, il aime être viril, ça lui plaît, c'est son iconographie. Mais à côté de ça, il est bi, il a vécu des années avec un homme, il est dans une vraie recherche d'équité. de puissance et non pas de domination. C'est un vrai allié féministe, enfin il n'aime pas ce mot justement, parce que c'est allié ça donne l'impression qu'il y a une guerre. Oui,

  • Aurore Mayer

    c'est un peu comme ça, parce qu'on parle beaucoup d'allié effectivement, comment embarquer les hommes en tant qu'allié, alors qu'est-ce qu'on pourrait dire plutôt ?

  • Noémie de Lattre

    Je ne sais pas, parce que moi je l'aimais bien ce mot, moi je l'aime bien. Au début je disais féministe tout court, et après il y a plein de féministes qui m'ont dit « non on ne peut pas dire ça, ça c'est que pour nous, c'est que pour les minorités de genre, Les hommes cis n'ont pas le droit à... ce titre là bon d'accord à lyon d'y aller alors d'accord allié puis là j'ai des hommes eux mêmes qui veulent faire ce trajet et qui veulent pas ce mot là donc je questionne et je trouve ça intéressant parce que vous avez dit les minorités de genre mais on n'est pas minoritaire en fait il ya une marque de fringues s'appelle meuf meuf paris j'avais acheté un t-shirt qui disait minorité majoritaire. On n'est plus de la moitié de la population et on est quand même considéré comme une minorité.

  • Aurore Mayer

    On n'est plus la moitié de la population. Nous, dans le groupe La Poste, on est 52% de femmes. On représente la société, on est un groupe de 50 000 personnes, 52% de femmes. On représente vraiment la société. Et malgré tout, on sent qu'il y a des endroits où il faut encore, même si on est un groupe plutôt exemplaire, où il faut encore agir pour que des femmes prennent des postes, notamment les plus hauts. Il y a une question de pouvoir derrière. Est-ce que c'est ça les enjeux ? C'est les endroits où il y a le pouvoir ?

  • Noémie de Lattre

    Ça, c'est sûr que c'est ça qui, à la fois, est cause et conséquence. Mais en même temps, je pense que ça... Quand vous disiez qu'on est 52% de femmes, je suis sûre que toutes les communications, internes ou externes, sont au masculin.

  • Aurore Mayer

    On essaye de ne plus le faire. Même dans les fiches de poste, on féminise. Par exemple, un maître recherche une directrice ou un directeur, et on inverse,

  • Noémie de Lattre

    on insiste.

  • Aurore Mayer

    ou une assistante,

  • Noémie de Lattre

    enfin on va un petit tiller c'est vénéreux parce que ça change en fait il y a des femmes qui possèdent mais bien sûr c'est important la langue vous en parlez beaucoup aussi dans votre spectacle j'en parle beaucoup c'est mon cheval de bataille pour une raison simple qui est que la langue c'est l'outil de la pensée on ne peut pas penser un monde juste avec des mots injustes et d'ailleurs toutes les dictatures la première chose qu'elles font c'est changer le langage c'est enlever les outils ... de rébellion, les outils de compréhension, c'est la première chose qu'elles font toutes. Et que ce soit les dictatures fictives, comme la novlangue, ou les dictatures réelles, on n'est plus des machins, on est des camarades, tout est à chaque fois, c'est ça qui se passe. Et d'ailleurs, le français, je ne sais pas si vous savez ça, mais... En fait, on a tendance à penser que, bah oui, un tabouret, une chaise, c'est comme ça, c'est un hasard. Pas du tout. Ah oui ? Non, et que le masculin l'emporte, c'est pas du tout...

  • Aurore Mayer

    Ouais, ça, je savais ça.

  • Noémie de Lattre

    Voilà, c'est très récent. Pas très récent, on regarde...

  • Aurore Mayer

    Le masculin l'emporte, ça veut dire... Enfin, c'est moi, cette phrase, elle m'étonne toujours. Parce que le masculin l'emporte, bah ça... Inconsciemment, ça emporte d'autres choses que la langue.

  • Noémie de Lattre

    Mais c'est tellement évident. Ouais. C'est tellement évident que des milliers de petites filles à qui on a dit le masculin l'emporte, à entendre le masculin en porte. L'homme a le droit de m'emporter, je suis... C'est terrible. Et surtout, déjà, les effets délétères sur la pensée, la construction mentale des individus, ils ne sont plus approuvés. Il suffit de lire Eliane Viennot, n'importe quel linguiste, historien, historienne, etc. C'est prouvé. Mais en plus, ce qui est intéressant, c'est de voir pourquoi ça a été créé. Et de voir que ça a été créé pour des raisons absolument politiques et sexistes. C'est-à-dire que c'était délibérément pour empêcher les femmes d'accéder aux droits de vote. au poste de pouvoir pour en revient à ce que vous voulez, c'est pour ça que j'ai fait ce petit long retour de la suite de la vidéo, parce que par exemple actrice, donc une idiote en robe qui fait comme ça, on a laissé le mot et autrice on l'a enlevé C'est vrai. Alors que c'est la même construction, actrice, autrice, voilà. Et non, on dit auteur, auteureux si vous voulez. Oui, ça ne s'entend pas. Non, le mot c'est autrice qui a toujours existé et qui n'est même pas un dérivé de auteur. C'est actrice, enfin bref. C'est pareil, boulangère, on n'a pas de problème. Comtesse, on n'a pas de problème, parce que pareil, c'est des idiotes en robe. Enfin, pas la boulangère, mais la comtesse. Mais en revanche, capitainesse, non. Médecienne, non. Rectrice, non. C'est-à-dire, avocate, non.

  • Aurore Mayer

    Oui,

  • Noémie de Lattre

    c'est vrai. Et même, c'est quand même fou, par exemple maîtresse, maître-maîtresse. Donc on a le droit de dire maître d'école, maîtresse d'école. En revanche, selon l'Académie française, on dit maître de conférence, maître de conférence. Ah oui, c'est vrai. Voilà, directeur de thèse, directrice, directeur de thèse, directeur d'école, directrice d'école. Donc tout ce qui est un petit peu comme ça, c'est bon, mais dès qu'il y a du prestige, du pouvoir, etc., c'est niet. Et c'était vraiment pour étouffer les femmes.

  • Aurore Mayer

    Ce que je trouve intéressant, vous avez parlé de votre compagnon, donc je me permets.

  • Noémie de Lattre

    Bien sûr.

  • Aurore Mayer

    Effectivement, on vous voit, peut-être que les personnes qui nous regardent, qui nous écoutent, en tout cas si elles ne nous connaissent pas, je les invite à aller voir. Vous faites des petits posts dans votre baignoire avec des invités, ou même des fois dans votre intimité. Et parfois, vous questionnez tous les deux. Et vous nous faites réfléchir, c'est pour ça qu'il y a un côté philosophique aussi, sur des choses très basiques, ce qu'on ne prend pas conscience du quotidien qu'on vit. Même vous-même.

  • Noémie de Lattre

    Des fois,

  • Aurore Mayer

    vous dites, tiens, j'ai remarqué ça et ça me questionne.

  • Noémie de Lattre

    Pardon. Je me rends compte que j'avais lâché la rampe, mais vous m'aviez demandé où en était ma pensée. Justement, c'est pour ça que je parlais de lui. Elle en est là. C'est-à-dire que là, maintenant, comme j'ai la chance de l'avoir rencontrée, au-delà de mon bonheur personnel, j'ai rencontré mon vrai partenaire, mon vrai sparring partner. C'est-à-dire qu'on se questionne avec une authenticité parfois un peu dangereuse, enfin parfois un peu inquiétante en tout cas, sur la vérité de ce qu'on ressent. Sur les questions de genre, on se dit tout. C'est-à-dire y compris... on est capable de se dire... En fait, on se rend compte à quel point le genre, à plein d'endroits, genre, là, j'ai gagné un peu plus d'argent, moi, j'ai gagné un peu plus d'argent, je paye le restant. Et en fait, on se rend compte que, et lui et moi, ça nous met mal à l'aise. Moi, je me sens pas du tout féminine en faisant ça. J'ai l'impression d'un coup d'être une grosse dame kaki dégueulasse. Et lui, il a l'impression d'être émasculé. Et en fait, ça ne nous convient pas. Alors que, intellectuellement, évidemment, on est d'accord avec ça. Ça ne correspond à rien. Donc... Mais sauf que du coup, on le débusque. C'est-à-dire qu'au lieu de trouver un subterfuge, genre non, non, mais pas du tout, et lui va me mentir, j'ai les moyens, et se mettre dans la merde. Au lieu de ça, ou alors au lieu d'accepter ce truc, mais d'être mal à l'aise et que ça abîme notre lien érotique aussi, là maintenant on se voit l'un l'une et tout, à chaque fois on essaie de vraiment mettre le nez dedans, en disant pourquoi ça nous fait ça, à quoi ça nous renvoie, c'est quoi la blessure, qu'est-ce qu'il faut aller réparer pour qu'on puisse. s'inviter comme on veut au restaurant sans avoir à se poser ces questions. Et en fait on s'est rendu compte que c'est partout tout le temps. Partout tout le temps. Moi je me suis rendu compte, et c'était pas du tout de la faute des hommes avec qui j'étais, eux m'ont rien imposé, mais que avec la plupart des hommes avec qui j'étais, je me limitais délibérément dans mon succès, ma carrière, mes revenus, pour surtout pas les dépasser. Parce que ça risquait de mettre en péril l'équilibre amoureux de l'homme fort, fort, muscle, muscle, et la femme douce, douce, disponible, disponible.

  • Aurore Mayer

    Et ça, c'est intéressant parce qu'effectivement, moi qui parle aussi avec beaucoup de femmes qui ont des hauts postes, souvent, ça fragilise l'équilibre personnel pour ces raisons-là que vous évoquez. Et donc, des femmes effectivement se limitent. aussi de crainte de déséquilibrer le couple même si à la base il n'y a pas de sujet que tout le monde est ok avec la chose et que c'est plutôt des personnes qui sont ouverts à l'égalité et bien malgré tout il arrive un moment quand ça bascule où ce équilibre est pas...

  • Noémie de Lattre

    C'est pourquoi je disais dresser parce que je pense vraiment quelque chose qui est ancré au fond nous dont on a plus ou moins conscience et en tout cas beaucoup de mal à... sur lequel on a énormément de mal à agir quoi C'est vraiment un dressage, un formatage, un conditionnement.

  • Aurore Mayer

    Il faut aller prendre les jeunes, accompagner dans les écoles. Comment on peut changer ça ? Parce que c'est compliqué. Nous, on essaye de sensibiliser.

  • Noémie de Lattre

    Oui, bien sûr, mais c'est super.

  • Aurore Mayer

    Et on a des hommes engagés aussi. Est-ce qu'ils sont alliés ? Est-ce qu'ils sont intimement ? Parce que parfois, les hommes aussi ont intérêt à ce que ça bouge. Certains ont peur et d'autres ont intérêt, parce qu'ils peuvent prendre des congés paternités, s'employer du temps pour leurs enfants, sans se culpabiliser ou sans être dans ce modèle. Mais malgré tout, on sent qu'il y a ce frein côté homme dans cet équilibre et que parfois ça va toucher d'ailleurs à d'autres choses, à l'organisation du travail, l'équilibre familial. Comment on arrive, notamment avec des adultes, à gérer ces changements ?

  • Noémie de Lattre

    Je crois énormément au bienfait du modèle, au bienfait de l'inspiration. Je pense qu'il y a une grande responsabilité artistique, mais c'est aussi une fondamentale, parce que c'est aussi les subventions publiques, les chaînes publiques de télé, etc. Qu'est-ce qu'on montre aux gens dès leur plus jeune âge ? Est-ce qu'on leur montre en permanence des histoires ? où... maman garde l'enfant pendant que papa travaille, ou 50 nuances de grès, où il est là, il est riche, et elle, c'est la petite secrétaire. Tant qu'on nous montrera ça, on fantasmera là-dessus et on aura du mal à se créer d'autres repères. Donc, je pense que vraiment, les artistes ont une immense responsabilité dans le fait de véhiculer des modèles qui soient... nouveau et voilà et où d'un coup on va trouver le jour où brad pitt incarnera un peu vieux mais je sais pas lequel je sais pas quel beau gosse hollywoodien hyper sexy hyper badass le jour où il incarne ce mec qui se bat voilà et qui garde son enfant pour que sa femme travaille qui les fous d'admiration pour elle et que ça l'excite faut pas avoir peur de non ça doit être érotique, ça doit... Parce que sinon, dès que notre cerveau reptilien va prendre le dessus, on ne peut rien contre les fantasmes.

  • Aurore Mayer

    Alors le combat, c'est un combat aussi quelque part, il est quand même toujours difficile, et on le voit bien avec tout ce qu'on entend dans le monde, on le voit bien avec le dernier rapport qui vient de sortir, sur la haute autorité et l'égalité entre les hommes et les femmes, que les jeunes aussi, en fait, ne sont malgré toutes les paroles, tout ce qu'il y a pu y avoir. Dans la société, on n'arrive pas encore à faire bouger vraiment les lignes ?

  • Noémie de Lattre

    Mais en vrai, moi je ne suis pas du tout étonnée. Les politiques gouvernementales sont totalement sexistes. Les décisions qui sont prises, les prises de parole publiques sont sexistes. Les violeurs ne sont pas condamnés. Les agresseurs sexuels ne sont pas condamnés. pas condamnés. On peut dire sur des plateaux télé des choses totalement homophobes et sexistes sans aucun problème. Il y a une impunité totale. Bien sûr que ça n'évolue pas. Enfin, je veux dire, pour moi, il n'y a pas de mystère. C'est pas « mais je comprends pas comment... » Non, c'est bien sûr que ça n'évolue pas. Rien n'est fait pour que ça n'évolue. Rien. Quand on voit... Pareil, même autour du procès Pénicaud, ce qui a été autorisé comme parole dans un truc... Alors que là, vraiment, c'est fini. les gars donc c'est quoi votre problème filmé on le voit la dame ronfle est ce que enfin qu'est ce qu'il vous faut de plus et malgré ça il continue il continue d'avoir un discours qui dit mais pas du tout elle a voulu les femmes se cibler d'accord donc en fait Et tant que ça c'est mis en valeur, c'est entendu, alors que la parole contraire, elle, est totalement silenciée, parce que c'est ça aussi, c'est que ce qu'on ne sait pas, c'est quand on entend, oui, tel mec, tel homme a fait un procès en diffamation contre telle femme. Donc ça, on le voit toujours, c'est la lune des journaux. Ce qu'on ne sait jamais, c'est que systématiquement après, en fait, il retire sa plainte, parce qu'il sait bien qu'il va perdre. et qui ne fait pas ce procès en diffamation, mais que nous on n'a pas l'information. Nous, grand public, on a juste vu procès en diffamation, donc ah bah oui c'est une menteuse. Et puis comme c'est ce qu'on nous raconte depuis toujours. Tu regardes Larousse, il y a écrit définition menteur-menteuse, la petite fille a menti, machin, etc. de courageux-courageuse, le petit garçon courageux. Les exemples, tout le plan qu'on nous donne à l'école, dans la culture populaire ou les institutions sont ceux-là.

  • Aurore Mayer

    Sont stéréotypés.

  • Noémie de Lattre

    Totalement stéréotypés et en défaveur totale des femmes.

  • Aurore Mayer

    Pour les femmes.

  • Noémie de Lattre

    Donc moi, je suis très en colère et très triste que ça n'avance pas, mais je suis malheureusement pas du tout surprise. Et en même temps, ça me donne un espoir, parce que je me dis, pour l'instant, on n'a encore rien fait, puisqu'on ne fait rien. Donc ça veut dire que le jour où je serai présidente de la République, en 2047… Très bien !

  • Aurore Mayer

    Quelle fierté d'avoir reçu la République !

  • Noémie de Lattre

    Tu ne pourrais pas te réveiller avec vous !

  • Aurore Mayer

    Elle a créé un statut de part égale.

  • Noémie de Lattre

    C'est-à-dire que ce n'est pas comme s'il n'y avait rien à faire, en fait.

  • Aurore Mayer

    Il y a quand même des lois aujourd'hui. Il y a la loi Rixin qui oblige d'avoir des quotas de femmes, notamment dans les postes de dirigeants. Alors, beaucoup ont pu dire, mais les quotas ne servent à rien. Vous pensez quoi, vous,

  • Noémie de Lattre

    de ça ? C'est absolument nécessaire. Enfin, c'est l'enfer. J'aimerais un monde sans quotas, évidemment. Voilà. Mais vu la situation, on n'a pas le choix. C'est absolument nécessaire. D'abord, pour laisser l'opportunité à ces femmes et puis pour, justement, créer des modèles, créer des précédents, ouvrir la voie, etc. Et puis, ces femmes vont... Après, c'est pas qu'elles vont... Enfin, le sexisme n'est pas l'apanage des hommes. Loin de là. Parce que... Avec qui je discutais ? Justement, on préparait des formations sur l'équité professionnelle avec une coach, c'est Julie Comarmand, et donc on était en train de revoir les objectifs. Elle me dit, l'objectif, ça serait parité absolue 50-50 dans les entreprises. Je lui dis, non, parce que, encore une fois, tant qu'on n'aura pas modifié les mentalités, on peut avoir 50% de femmes, toutes aussi sexistes, et rien ne change. Et voilà, en fait, ce n'est pas 50% de femmes qu'il faut, c'est 50% de personnes non sexistes, de personnes formées. Donc c'est vraiment... Et les quotas,

  • Aurore Mayer

    il faudrait ça. Il faudrait même 100% de personnes mixtes.

  • Noémie de Lattre

    Et 50%

  • Aurore Mayer

    en tout cas d'avoir une diversité de profils. Et que chacun garde ses profils. C'est peut-être ça... C'est formidable. C'est ça. Quand on dit la performance, elle arrive...

  • Noémie de Lattre

    Elle arrive par la mixité.

  • Aurore Mayer

    Elle arrive par des profils différents.

  • Noémie de Lattre

    Mais maintenant on le sait en plus, c'est ça qu'il faut. On le sait.

  • Aurore Mayer

    Il y a des études.

  • Noémie de Lattre

    Je sais, moi je l'ai brandi.

  • Aurore Mayer

    Oui,

  • Noémie de Lattre

    oui. Je sais. Vous les chantez. Je les chante, voilà. On sait maintenant qu'effectivement la mixité, la diversité... c'est concurrentiel en fait, il n'y a pas de problème, c'est bénéfique même si on n'arrive pas à convaincre des dirigeants et des dirigeantes que c'est bien de le faire, que c'est bien en termes de morale, d'éthique, on peut leur dire que c'est profitable, c'est rentable réellement. Donc tout le monde a intérêt à…

  • Aurore Mayer

    De quoi ils ont peur alors ?

  • Noémie de Lattre

    De l'inconnu je pense, déjà de manière globale et après plus précisément de perdre leurs privilèges. Mais encore une fois, ce que je comprends, puisqu'on leur dit qu'il va falloir rendre ce qu'on vous a donné. Et puis surtout, un homme naît, un petit garçon, il naît et tout, et puis il arrive dès la maternelle, l'école et tout, et on lui dit « tu dois être, tu dois pas pleurer, maîtriser tes émotions, tu dois être le plus fort, tu dois avoir un gros zizi, un gros salaire, une grosse voiture » donc en fonction en fonction de ses capacités de départ, soit c'est facile pour lui de faire tout ça, soit c'est dur. Et donc il passe sa vie à lutter pour obtenir ça. Et d'un coup, il a 45 ans, ça fait 45 ans qu'il se bat, il a enfin réussi. Il a une femme, un chien, deux enfants, un 4x4, un machin, et d'un coup il lui dit, rends, rends tout ce que t'as déconstruit toi. Et le mec, il dit « Les gars, non, non, non. J'ai mis 45 ans à construire ça, au prix de ma santé, au prix de mes voyages, au prix de voir mes enfants, au prix de ma sensibilité, au prix de plein de trucs. Et maintenant, vous me dites juste qu'il faut que j'arrête ? C'est vrai. Et que je sois quoi ? Du coup, je suis qui ? » C'est comme la crise en France qu'il y a eu quand les mines ont fermé. En fait, il y avait une espèce d'honneur ouvrier. Le jour où on a dit « C'est des métiers de merde, ouvriers, c'est des prolos » , tous ces gars-là, ils étaient « Ah, mais je suis qui ? » Dépourvue de buts. sens, des produits d'identité.

  • Aurore Mayer

    C'est intéressant, ça.

  • Noémie de Lattre

    Je pense qu'il faut d'abord proposer, avec eux, c'est pas nous deux, mais je pense que la société entière doit proposer, réfléchir à un nouveau modèle d'humanité, que ce soit pour les hommes ou pour les femmes, et d'interaction entre les deux, de manière à ce que... que les hommes disent « Ah oui, ça, ça me plaît. D'accord. Ok. Et c'est pas « Je perds ça. C'est pas « J'abandonne mes privilèges. » C'est « Non, en fait, je change de braquet. » Et je me dis que cet horizon-là, je le trouve plus rayonnant, je le trouve plus attractif. Je me reconnais plus dans cet homme-là. Cet homme qui sera puissant et non pas dominateur. Cet homme qui sera libre et non pas sclérosé dans ses stéréotypes. Cet homme qui pourra profiter de ses enfants et avoir un travail épanouissant.

  • Aurore Mayer

    C'est ce que disait Maxime Rivneski, qu'on avait reçu, il dit finalement, on s'interroge sur le privilège, c'est quoi le privilège ? Est-ce que c'est vraiment de travailler, de passer à côté peut-être de ses enfants quand on en a ? Chacun ses choix, mais en tout cas que ses envies on puisse combler et ne pas être complètement happé par des injonctions. avec lesquelles on n'est pas en accord. C'est un peu ça. Et ça permettrait effectivement à des hommes d'oser aussi aller sur des choses sur lesquelles ils ne sont pas. En tout cas, nous, c'est ce qu'on essaye de faire dans le groupe, dans notre réseau, dans le réseau Parité, c'est que chacun ou chacune puisse être à l'endroit où elle a envie d'être, alignée, et du coup, être performant, et avec les compétences qui vont bien. Souvent, on entend, oui, ma compétence égale, mais les femmes ont quand même des compétences, même pour être à des postes de direction, a priori. Voilà. Je ne sais pas si ça vous évoque quelque chose. Il y a une part de responsabilité, je pense, en tout cas, on y croit, de l'entreprise, de la société, de l'éducation. Vous parliez d'art. Il y a beaucoup d'actrices aujourd'hui, des réalisatrices qui vont un peu sur des... Je pense à... On a vu Demi Moore, etc., qui vont sur des sujets où on ne les attend pas forcément. Des femmes de 50, 60 ans qui s'affirment. Il y a beaucoup de films aussi portés par des réalisatrices qui vont sur des choses un peu trash, d'ailleurs. Est-ce que ça, ça permet de changer le regard ?

  • Noémie de Lattre

    Je parlais de Beyoncé en début d'entretien, mais oui, bien sûr, ça change tout. Ça change tout d'avoir des mimours qui disent « le sexisme, c'est pas contre les mecs, c'est contre les connards » . C'est bizarre. « Ok, ben voilà ! » Oui, oui, ça change tout. Je pense que le modèle, l'inspiration, je pense que c'est vraiment décisif. En tout cas, je vois moi ce que ça me fait. Quand je vois des hommes, des femmes, selon les domaines, c'est « ah, c'est possible ! » Ah d'accord, je trouve ça tellement fort. Je vous vois d'ailleurs avec l'écologie. Moi, j'ai mis vachement de temps à faire la transition parce que tous les discours, je les trouvais, moi, trop culpabilisants, j'entendais pas, je voyais juste tout ce que j'allais perdre. Et en fait, il a fallu que des militants et des militantes fassent ce que moi je fais avec le féminisme, c'est-à-dire s'emparent du truc pour... en faire quelque chose de positif, de gay, d'accessible, d'abordable, et qui fasse rêver de voir certaines militantes féministes. Je dis « Ah, wow, ok, ok, allez, moi aussi, d'accord, ça, ça me dit quelque chose. » Et je pense que ces hommes-là, ces changements-là, il faut qu'on l'incarne, il faut qu'on le modélise.

  • Aurore Mayer

    Et ça me fait penser aussi au rôle modèle. Est-ce que vous, vous avez un rôle modèle ? plusieurs Noémie, qui vous inspire ?

  • Noémie de Lattre

    Oui, en fait, il est un peu composite. Il y a beaucoup de femmes, il y a beaucoup de penseuses et d'écrivaines. Je lis beaucoup, beaucoup de femmes qui me nourrissent, qui me font évoluer, etc. Mais pour l'instant, et c'est d'ailleurs, vraiment, ça ne peut pas être très prétentieux, mais j'ai l'impression que c'est ma place. C'est-à-dire que pour l'instant, je vois beaucoup de penseuses brillantes mais qui n'ont pas de visage, qui n'ont pas de corps, parce que c'est pas leur métier. Donc elles se cachent, on ne les voit pas, on ne sait pas à quoi elles ressemblent, on ne connaît pas leur vie. Et puis après, il y a des figures dont on voit des actrices qui sont connues, et qui peuvent avoir aussi un discours intelligent, mais qui va être moins mis en avant, moins audible, que je ne vais pas forcément connaître. Et c'est vrai que du fait que je suis actrice et autrice, et que j'ai ces deux casquettes, c'est ça que j'aimerais faire. j'aimerais pouvoir être un un visage populaire puisque sur les réseaux sociaux je suis suivie par des centaines de milliers de gens et puis je fais de la vulgarisation, mes sketchs ils sont faciles, c'est facile et abordable Ils sont accessibles,

  • Aurore Mayer

    mais ils ne sont pas faciles Merci, merci beaucoup,

  • Noémie de Lattre

    c'est vrai, merci Ils sont accessibles et c'est effectivement le travail que je fais d'essayer de rendre accessible et gai et joyeux des prises de conscience qui ne sont pas... Mais c'est vrai, il y en a forcément, mais là, tout de suite...

  • Aurore Mayer

    C'est pas mal pour une future présidente de la République, d'être jeune et de sereine, le modèle pour les autres, c'est assez inspirant.

  • Noémie de Lattre

    Ça sera une réponse d'humilité que je leur ai fait avant. Moi, présidente...

  • Aurore Mayer

    Merci beaucoup Noémie de Lattre,

  • Noémie de Lattre

    merci pour cet échange.

  • Aurore Mayer

    Et puis je vous donne rendez-vous le mois prochain pour une prochaine émission d'À Part Égale.

Description

Ne manquez pas notre dernier épisode avec Noémie de Lattre, actrice, dramaturge, autrice et figure emblématique du féminisme en France. 🌟


A travers son spectacle "L'Harmonie des Genres" et son livre "Féministe pour Homme", elle fait passer des messages et vulgarise ces sujets pour les rendre accessibles à toutes et tous. Noémie aborde les stéréotypes de genre, la communication entre les femmes et les hommes, et réfléchit sur ces problématiques avec philosophie.


Elle fait référence à l'histoire et nous parle de l'importance de la langue française et de son influence sur les stéréotypes et la parité. Écoutez maintenant cet échange inspirant ! 💬


« À part égale » une série de podcast animée par Aurore Mayer, directrice du Réseau Parité Un Une du groupe La Poste qui inspire, fait réfléchir et avancer la parité pour un monde plus juste.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Aurore Mayer

    Bienvenue à l'émission À part égale, l'émission du réseau Parité 1-1 du groupe La Poste. Et aujourd'hui, j'ai la grande joie d'accueillir parmi nous Noémie De Lattre.

  • Noémie de Lattre

    Bonjour.

  • Aurore Mayer

    Bonjour Noémie, et merci d'être avec nous aujourd'hui. Donc Noémie, vous êtes actrice, metteuse en scène, vous êtes autrice, et vous êtes clairement engagée. Et pour vous, la sororité n'est pas un vain mot, je pense qu'on peut le dire comme ça. Vous avez écrit et monté le spectacle Féministe pour Hommes. Vous étiez avant-gardiste en 2017. Les hommes féministes, on n'en parlait pas tant que ça.

  • Noémie de Lattre

    Pas tant que ça. Et surtout, la première du spectacle a eu lieu trois semaines avant l'affaire Weinstein, avant que MeToo explique.

  • Aurore Mayer

    C'est vrai.

  • Noémie de Lattre

    À une époque où ce n'était pas du tout un sujet d'actualité, le féminisme. C'était encore un gros mot. Et quand j'ai annoncé à mon équipe que c'était le titre, tout le monde m'a dit « mais c'est un suicide médiatique. Personne ne va venir voir ce spectacle avec écrit « féministe » dans le titre. C'est mort ! » T'es folle quoi. En fait, j'ai appelé Féministe pour Hommes avec une majuscule à Hommes, et pour mettre en avant, parce qu'effectivement, il y a écrit Féministe pour Hommes, et tout le monde me dit « Ah, c'est pour les hommes » . Et dans le même temps, à chaque fois que je dis « Est-ce qu'on pourrait dire humain au lieu d'homme, droit du matin on me dit mais d'une majuscule En vrai, la majuscule, on ne l'entend pas, personne ne la voit. Et quand on voit homme, on lit homme. Et on pense à un homme, on pense à un mâle, on ne pense pas à une femme. Donc, j'ai voulu m'offrir le luxe à chaque fois qu'on me posait la question, de dire mais ce n'est pas féministe pour homme, c'est féministe pour humain. Car Aurore, toi et moi, nous sommes des hommes.

  • Aurore Mayer

    Bien sûr.

  • Noémie de Lattre

    Avec un grand H. Mais quand même des hommes.

  • Aurore Mayer

    Et quand même des hommes. Et en 2023, 2024, vous lancez un nouveau spectacle, l'Harmonie des genres. Vous jouez, vous chantez, vous philosophez. Oui. On peut dire ça. Et selon vous, est-ce qu'on parvient à faire plus passer des messages sous couvert de l'art ?

  • Noémie de Lattre

    Je pense que ça c'est sûr. L'art, et j'irais même plus loin avec l'humour. Moi je suis très inspirée par des personnalités comme Beyoncé, c'est-à-dire avec un féminisme populaire. Je me suis rendu compte, moi, au bout d'un moment, que... Je faisais plein de colloques, d'attente générale, j'étais invitée à... J'étais sur France Inter à une époque où c'était moins populaire que maintenant, mais bref, et je parlais de féminisme avec que des gens qui étaient déjà convaincus. Et je n'arrivais pas à m'adresser vraiment au grand public. Et c'est ça qui m'a donné l'idée de faire ce tout premier spectacle, Féministe pour Hommes, qui était un spectacle vraiment drôle, avec du cabaret, du burlesque, il y avait des numéros de défeuillage et tout, en me disant, ok, alors qu'est-ce que les gens veulent voir ? Des femmes à poil, ils veulent rigoler, ils veulent acheter. Ok, je leur donne tout ça et bim ! Je peux passer les messages. Et là, le deuxième, il est encore plus fédérateur puisqu'il s'adresse vraiment aux hommes et aux femmes complètement. Et puis, il parle de cet endroit où les hommes et les femmes hétéros se rencontrent, c'est-à-dire l'amour, le sexe, le couple. Donc, ça intéresse tout le monde, forcément.

  • Aurore Mayer

    Et c'est vrai que votre public a changé parce que je crois que c'était plutôt à la base avec les féministes des femmes, puis un public plutôt... tout gay c'est ça ? Oui ça. Maintenant il y a des hétéros, des hommes qui viennent.

  • Noémie de Lattre

    Beaucoup même. Maintenant c'est vraiment, j'ai même des salles parfois, je pense vraiment mixtes en termes de genre, homme-femme et d'ordre sexuel, je ne sais pas, ce n'est pas écrit sur un visage, mais oui j'ai l'impression que j'ai un public beaucoup plus classique. Alors qu'avant j'avais un public vraiment essentiellement queer.

  • Aurore Mayer

    Et quand vous écrivez, moi j'ai votre livre, qui reprend vos spectacles, et dedans quand on le lit, on voit que vous faites référence à votre... votre cheminement de pensée qui a évolué. Je trouve ça très intéressant. Vous en êtes où aujourd'hui, justement, de cette réflexion d'élargir, d'aller chercher des hommes et hétéros, que le féminisme s'adresse à toutes et à tous, finalement ?

  • Noémie de Lattre

    Exactement.

  • Aurore Mayer

    Qu'est-ce qui vous a fait bouger ?

  • Noémie de Lattre

    La vie est vraiment merveilleuse, parce qu'au moment où je commence à vraiment me poser la question du rapport homme-femme, que ce soit dans l'espace public, la société, l'amitié ou encore une fois l'intime, et de me dire, ok, on a fait la révolution, on a fait MeToo, etc. On veut des droits et on a bien raison, mais concrètement, comment on fait pour interagir, enfin comment on fait quand une femme est héro, pour interagir avec un homme alors qu'on a été dressé, et lui, et nous, pour subir des rapports, enfin pour vivre des rapports de domination ?

  • Aurore Mayer

    Dresser, c'est fort comme mot. Oui,

  • Noémie de Lattre

    je l'emploie à deux sens

  • Aurore Mayer

    C'est pas éduquer, c'est dresser.

  • Noémie de Lattre

    Parce que je pense que c'est vraiment de ça dont il s'agit. Je pense que c'est quelque chose qui n'est pas du tout fait pour notre bien, ni les hommes, ni les femmes. Il y a plein de mecs qui en ont marre de faire... Enfin, tu vois, je pense que c'est vraiment... C'est bénéfique pour personne, en fait, ces stéréotypes de genre dans lesquels on est obligé de rentrer parfois aux forceps et qui sont très figés et très... Oui, et très dictatoriaux, quoi. Et donc au moment pile où je suis en train de me poser toutes ces questions-là, et je me dis quand même ça serait bien s'il y avait un mec avec qui je pouvais échanger. Sauf que tous les mecs de mon entourage avec qui je peux échanger sont gays, donc voilà on est d'accord et on fait « ah bah t'es d'accord, bah bah oui, bon ça n'avance pas » . Et les hommes hétéros etc. avec qui j'ai pu relationner, pas du tout assez évolués dans la pensée pour réfléchir avec moi. C'est-à-dire que la moindre question que je leur pose c'était « euh… » .

  • Aurore Mayer

    Ils ne t'étaient pas posé la question ? Non. C'est ça.

  • Noémie de Lattre

    Et je ne le renvoie pas. Il y a plein de questions. J'ai mis 40 ans à me poser la question de ma couleur de peau. J'ai mis 45 ans à me poser la question de mon statut social. Je ne juge pas du tout. Mais n'empêche que c'était le cas. L'univers étant merveilleux, qu'est-ce qu'il fait l'univers ? Il me fait rencontrer un homme dont je suis tombée perdue, ma amoureuse. Et qui est exactement à cet endroit-là. qui est un homme à la fois... hyper masculin, et qui embrasse ces codes-là parce que ça lui plaît. Il aime conduire sa grosse moto, faire de l'escalade, du parapente, il est très musclé, il a son blouson à cuir, il est comme ça, il aime être viril, ça lui plaît, c'est son iconographie. Mais à côté de ça, il est bi, il a vécu des années avec un homme, il est dans une vraie recherche d'équité. de puissance et non pas de domination. C'est un vrai allié féministe, enfin il n'aime pas ce mot justement, parce que c'est allié ça donne l'impression qu'il y a une guerre. Oui,

  • Aurore Mayer

    c'est un peu comme ça, parce qu'on parle beaucoup d'allié effectivement, comment embarquer les hommes en tant qu'allié, alors qu'est-ce qu'on pourrait dire plutôt ?

  • Noémie de Lattre

    Je ne sais pas, parce que moi je l'aimais bien ce mot, moi je l'aime bien. Au début je disais féministe tout court, et après il y a plein de féministes qui m'ont dit « non on ne peut pas dire ça, ça c'est que pour nous, c'est que pour les minorités de genre, Les hommes cis n'ont pas le droit à... ce titre là bon d'accord à lyon d'y aller alors d'accord allié puis là j'ai des hommes eux mêmes qui veulent faire ce trajet et qui veulent pas ce mot là donc je questionne et je trouve ça intéressant parce que vous avez dit les minorités de genre mais on n'est pas minoritaire en fait il ya une marque de fringues s'appelle meuf meuf paris j'avais acheté un t-shirt qui disait minorité majoritaire. On n'est plus de la moitié de la population et on est quand même considéré comme une minorité.

  • Aurore Mayer

    On n'est plus la moitié de la population. Nous, dans le groupe La Poste, on est 52% de femmes. On représente la société, on est un groupe de 50 000 personnes, 52% de femmes. On représente vraiment la société. Et malgré tout, on sent qu'il y a des endroits où il faut encore, même si on est un groupe plutôt exemplaire, où il faut encore agir pour que des femmes prennent des postes, notamment les plus hauts. Il y a une question de pouvoir derrière. Est-ce que c'est ça les enjeux ? C'est les endroits où il y a le pouvoir ?

  • Noémie de Lattre

    Ça, c'est sûr que c'est ça qui, à la fois, est cause et conséquence. Mais en même temps, je pense que ça... Quand vous disiez qu'on est 52% de femmes, je suis sûre que toutes les communications, internes ou externes, sont au masculin.

  • Aurore Mayer

    On essaye de ne plus le faire. Même dans les fiches de poste, on féminise. Par exemple, un maître recherche une directrice ou un directeur, et on inverse,

  • Noémie de Lattre

    on insiste.

  • Aurore Mayer

    ou une assistante,

  • Noémie de Lattre

    enfin on va un petit tiller c'est vénéreux parce que ça change en fait il y a des femmes qui possèdent mais bien sûr c'est important la langue vous en parlez beaucoup aussi dans votre spectacle j'en parle beaucoup c'est mon cheval de bataille pour une raison simple qui est que la langue c'est l'outil de la pensée on ne peut pas penser un monde juste avec des mots injustes et d'ailleurs toutes les dictatures la première chose qu'elles font c'est changer le langage c'est enlever les outils ... de rébellion, les outils de compréhension, c'est la première chose qu'elles font toutes. Et que ce soit les dictatures fictives, comme la novlangue, ou les dictatures réelles, on n'est plus des machins, on est des camarades, tout est à chaque fois, c'est ça qui se passe. Et d'ailleurs, le français, je ne sais pas si vous savez ça, mais... En fait, on a tendance à penser que, bah oui, un tabouret, une chaise, c'est comme ça, c'est un hasard. Pas du tout. Ah oui ? Non, et que le masculin l'emporte, c'est pas du tout...

  • Aurore Mayer

    Ouais, ça, je savais ça.

  • Noémie de Lattre

    Voilà, c'est très récent. Pas très récent, on regarde...

  • Aurore Mayer

    Le masculin l'emporte, ça veut dire... Enfin, c'est moi, cette phrase, elle m'étonne toujours. Parce que le masculin l'emporte, bah ça... Inconsciemment, ça emporte d'autres choses que la langue.

  • Noémie de Lattre

    Mais c'est tellement évident. Ouais. C'est tellement évident que des milliers de petites filles à qui on a dit le masculin l'emporte, à entendre le masculin en porte. L'homme a le droit de m'emporter, je suis... C'est terrible. Et surtout, déjà, les effets délétères sur la pensée, la construction mentale des individus, ils ne sont plus approuvés. Il suffit de lire Eliane Viennot, n'importe quel linguiste, historien, historienne, etc. C'est prouvé. Mais en plus, ce qui est intéressant, c'est de voir pourquoi ça a été créé. Et de voir que ça a été créé pour des raisons absolument politiques et sexistes. C'est-à-dire que c'était délibérément pour empêcher les femmes d'accéder aux droits de vote. au poste de pouvoir pour en revient à ce que vous voulez, c'est pour ça que j'ai fait ce petit long retour de la suite de la vidéo, parce que par exemple actrice, donc une idiote en robe qui fait comme ça, on a laissé le mot et autrice on l'a enlevé C'est vrai. Alors que c'est la même construction, actrice, autrice, voilà. Et non, on dit auteur, auteureux si vous voulez. Oui, ça ne s'entend pas. Non, le mot c'est autrice qui a toujours existé et qui n'est même pas un dérivé de auteur. C'est actrice, enfin bref. C'est pareil, boulangère, on n'a pas de problème. Comtesse, on n'a pas de problème, parce que pareil, c'est des idiotes en robe. Enfin, pas la boulangère, mais la comtesse. Mais en revanche, capitainesse, non. Médecienne, non. Rectrice, non. C'est-à-dire, avocate, non.

  • Aurore Mayer

    Oui,

  • Noémie de Lattre

    c'est vrai. Et même, c'est quand même fou, par exemple maîtresse, maître-maîtresse. Donc on a le droit de dire maître d'école, maîtresse d'école. En revanche, selon l'Académie française, on dit maître de conférence, maître de conférence. Ah oui, c'est vrai. Voilà, directeur de thèse, directrice, directeur de thèse, directeur d'école, directrice d'école. Donc tout ce qui est un petit peu comme ça, c'est bon, mais dès qu'il y a du prestige, du pouvoir, etc., c'est niet. Et c'était vraiment pour étouffer les femmes.

  • Aurore Mayer

    Ce que je trouve intéressant, vous avez parlé de votre compagnon, donc je me permets.

  • Noémie de Lattre

    Bien sûr.

  • Aurore Mayer

    Effectivement, on vous voit, peut-être que les personnes qui nous regardent, qui nous écoutent, en tout cas si elles ne nous connaissent pas, je les invite à aller voir. Vous faites des petits posts dans votre baignoire avec des invités, ou même des fois dans votre intimité. Et parfois, vous questionnez tous les deux. Et vous nous faites réfléchir, c'est pour ça qu'il y a un côté philosophique aussi, sur des choses très basiques, ce qu'on ne prend pas conscience du quotidien qu'on vit. Même vous-même.

  • Noémie de Lattre

    Des fois,

  • Aurore Mayer

    vous dites, tiens, j'ai remarqué ça et ça me questionne.

  • Noémie de Lattre

    Pardon. Je me rends compte que j'avais lâché la rampe, mais vous m'aviez demandé où en était ma pensée. Justement, c'est pour ça que je parlais de lui. Elle en est là. C'est-à-dire que là, maintenant, comme j'ai la chance de l'avoir rencontrée, au-delà de mon bonheur personnel, j'ai rencontré mon vrai partenaire, mon vrai sparring partner. C'est-à-dire qu'on se questionne avec une authenticité parfois un peu dangereuse, enfin parfois un peu inquiétante en tout cas, sur la vérité de ce qu'on ressent. Sur les questions de genre, on se dit tout. C'est-à-dire y compris... on est capable de se dire... En fait, on se rend compte à quel point le genre, à plein d'endroits, genre, là, j'ai gagné un peu plus d'argent, moi, j'ai gagné un peu plus d'argent, je paye le restant. Et en fait, on se rend compte que, et lui et moi, ça nous met mal à l'aise. Moi, je me sens pas du tout féminine en faisant ça. J'ai l'impression d'un coup d'être une grosse dame kaki dégueulasse. Et lui, il a l'impression d'être émasculé. Et en fait, ça ne nous convient pas. Alors que, intellectuellement, évidemment, on est d'accord avec ça. Ça ne correspond à rien. Donc... Mais sauf que du coup, on le débusque. C'est-à-dire qu'au lieu de trouver un subterfuge, genre non, non, mais pas du tout, et lui va me mentir, j'ai les moyens, et se mettre dans la merde. Au lieu de ça, ou alors au lieu d'accepter ce truc, mais d'être mal à l'aise et que ça abîme notre lien érotique aussi, là maintenant on se voit l'un l'une et tout, à chaque fois on essaie de vraiment mettre le nez dedans, en disant pourquoi ça nous fait ça, à quoi ça nous renvoie, c'est quoi la blessure, qu'est-ce qu'il faut aller réparer pour qu'on puisse. s'inviter comme on veut au restaurant sans avoir à se poser ces questions. Et en fait on s'est rendu compte que c'est partout tout le temps. Partout tout le temps. Moi je me suis rendu compte, et c'était pas du tout de la faute des hommes avec qui j'étais, eux m'ont rien imposé, mais que avec la plupart des hommes avec qui j'étais, je me limitais délibérément dans mon succès, ma carrière, mes revenus, pour surtout pas les dépasser. Parce que ça risquait de mettre en péril l'équilibre amoureux de l'homme fort, fort, muscle, muscle, et la femme douce, douce, disponible, disponible.

  • Aurore Mayer

    Et ça, c'est intéressant parce qu'effectivement, moi qui parle aussi avec beaucoup de femmes qui ont des hauts postes, souvent, ça fragilise l'équilibre personnel pour ces raisons-là que vous évoquez. Et donc, des femmes effectivement se limitent. aussi de crainte de déséquilibrer le couple même si à la base il n'y a pas de sujet que tout le monde est ok avec la chose et que c'est plutôt des personnes qui sont ouverts à l'égalité et bien malgré tout il arrive un moment quand ça bascule où ce équilibre est pas...

  • Noémie de Lattre

    C'est pourquoi je disais dresser parce que je pense vraiment quelque chose qui est ancré au fond nous dont on a plus ou moins conscience et en tout cas beaucoup de mal à... sur lequel on a énormément de mal à agir quoi C'est vraiment un dressage, un formatage, un conditionnement.

  • Aurore Mayer

    Il faut aller prendre les jeunes, accompagner dans les écoles. Comment on peut changer ça ? Parce que c'est compliqué. Nous, on essaye de sensibiliser.

  • Noémie de Lattre

    Oui, bien sûr, mais c'est super.

  • Aurore Mayer

    Et on a des hommes engagés aussi. Est-ce qu'ils sont alliés ? Est-ce qu'ils sont intimement ? Parce que parfois, les hommes aussi ont intérêt à ce que ça bouge. Certains ont peur et d'autres ont intérêt, parce qu'ils peuvent prendre des congés paternités, s'employer du temps pour leurs enfants, sans se culpabiliser ou sans être dans ce modèle. Mais malgré tout, on sent qu'il y a ce frein côté homme dans cet équilibre et que parfois ça va toucher d'ailleurs à d'autres choses, à l'organisation du travail, l'équilibre familial. Comment on arrive, notamment avec des adultes, à gérer ces changements ?

  • Noémie de Lattre

    Je crois énormément au bienfait du modèle, au bienfait de l'inspiration. Je pense qu'il y a une grande responsabilité artistique, mais c'est aussi une fondamentale, parce que c'est aussi les subventions publiques, les chaînes publiques de télé, etc. Qu'est-ce qu'on montre aux gens dès leur plus jeune âge ? Est-ce qu'on leur montre en permanence des histoires ? où... maman garde l'enfant pendant que papa travaille, ou 50 nuances de grès, où il est là, il est riche, et elle, c'est la petite secrétaire. Tant qu'on nous montrera ça, on fantasmera là-dessus et on aura du mal à se créer d'autres repères. Donc, je pense que vraiment, les artistes ont une immense responsabilité dans le fait de véhiculer des modèles qui soient... nouveau et voilà et où d'un coup on va trouver le jour où brad pitt incarnera un peu vieux mais je sais pas lequel je sais pas quel beau gosse hollywoodien hyper sexy hyper badass le jour où il incarne ce mec qui se bat voilà et qui garde son enfant pour que sa femme travaille qui les fous d'admiration pour elle et que ça l'excite faut pas avoir peur de non ça doit être érotique, ça doit... Parce que sinon, dès que notre cerveau reptilien va prendre le dessus, on ne peut rien contre les fantasmes.

  • Aurore Mayer

    Alors le combat, c'est un combat aussi quelque part, il est quand même toujours difficile, et on le voit bien avec tout ce qu'on entend dans le monde, on le voit bien avec le dernier rapport qui vient de sortir, sur la haute autorité et l'égalité entre les hommes et les femmes, que les jeunes aussi, en fait, ne sont malgré toutes les paroles, tout ce qu'il y a pu y avoir. Dans la société, on n'arrive pas encore à faire bouger vraiment les lignes ?

  • Noémie de Lattre

    Mais en vrai, moi je ne suis pas du tout étonnée. Les politiques gouvernementales sont totalement sexistes. Les décisions qui sont prises, les prises de parole publiques sont sexistes. Les violeurs ne sont pas condamnés. Les agresseurs sexuels ne sont pas condamnés. pas condamnés. On peut dire sur des plateaux télé des choses totalement homophobes et sexistes sans aucun problème. Il y a une impunité totale. Bien sûr que ça n'évolue pas. Enfin, je veux dire, pour moi, il n'y a pas de mystère. C'est pas « mais je comprends pas comment... » Non, c'est bien sûr que ça n'évolue pas. Rien n'est fait pour que ça n'évolue. Rien. Quand on voit... Pareil, même autour du procès Pénicaud, ce qui a été autorisé comme parole dans un truc... Alors que là, vraiment, c'est fini. les gars donc c'est quoi votre problème filmé on le voit la dame ronfle est ce que enfin qu'est ce qu'il vous faut de plus et malgré ça il continue il continue d'avoir un discours qui dit mais pas du tout elle a voulu les femmes se cibler d'accord donc en fait Et tant que ça c'est mis en valeur, c'est entendu, alors que la parole contraire, elle, est totalement silenciée, parce que c'est ça aussi, c'est que ce qu'on ne sait pas, c'est quand on entend, oui, tel mec, tel homme a fait un procès en diffamation contre telle femme. Donc ça, on le voit toujours, c'est la lune des journaux. Ce qu'on ne sait jamais, c'est que systématiquement après, en fait, il retire sa plainte, parce qu'il sait bien qu'il va perdre. et qui ne fait pas ce procès en diffamation, mais que nous on n'a pas l'information. Nous, grand public, on a juste vu procès en diffamation, donc ah bah oui c'est une menteuse. Et puis comme c'est ce qu'on nous raconte depuis toujours. Tu regardes Larousse, il y a écrit définition menteur-menteuse, la petite fille a menti, machin, etc. de courageux-courageuse, le petit garçon courageux. Les exemples, tout le plan qu'on nous donne à l'école, dans la culture populaire ou les institutions sont ceux-là.

  • Aurore Mayer

    Sont stéréotypés.

  • Noémie de Lattre

    Totalement stéréotypés et en défaveur totale des femmes.

  • Aurore Mayer

    Pour les femmes.

  • Noémie de Lattre

    Donc moi, je suis très en colère et très triste que ça n'avance pas, mais je suis malheureusement pas du tout surprise. Et en même temps, ça me donne un espoir, parce que je me dis, pour l'instant, on n'a encore rien fait, puisqu'on ne fait rien. Donc ça veut dire que le jour où je serai présidente de la République, en 2047… Très bien !

  • Aurore Mayer

    Quelle fierté d'avoir reçu la République !

  • Noémie de Lattre

    Tu ne pourrais pas te réveiller avec vous !

  • Aurore Mayer

    Elle a créé un statut de part égale.

  • Noémie de Lattre

    C'est-à-dire que ce n'est pas comme s'il n'y avait rien à faire, en fait.

  • Aurore Mayer

    Il y a quand même des lois aujourd'hui. Il y a la loi Rixin qui oblige d'avoir des quotas de femmes, notamment dans les postes de dirigeants. Alors, beaucoup ont pu dire, mais les quotas ne servent à rien. Vous pensez quoi, vous,

  • Noémie de Lattre

    de ça ? C'est absolument nécessaire. Enfin, c'est l'enfer. J'aimerais un monde sans quotas, évidemment. Voilà. Mais vu la situation, on n'a pas le choix. C'est absolument nécessaire. D'abord, pour laisser l'opportunité à ces femmes et puis pour, justement, créer des modèles, créer des précédents, ouvrir la voie, etc. Et puis, ces femmes vont... Après, c'est pas qu'elles vont... Enfin, le sexisme n'est pas l'apanage des hommes. Loin de là. Parce que... Avec qui je discutais ? Justement, on préparait des formations sur l'équité professionnelle avec une coach, c'est Julie Comarmand, et donc on était en train de revoir les objectifs. Elle me dit, l'objectif, ça serait parité absolue 50-50 dans les entreprises. Je lui dis, non, parce que, encore une fois, tant qu'on n'aura pas modifié les mentalités, on peut avoir 50% de femmes, toutes aussi sexistes, et rien ne change. Et voilà, en fait, ce n'est pas 50% de femmes qu'il faut, c'est 50% de personnes non sexistes, de personnes formées. Donc c'est vraiment... Et les quotas,

  • Aurore Mayer

    il faudrait ça. Il faudrait même 100% de personnes mixtes.

  • Noémie de Lattre

    Et 50%

  • Aurore Mayer

    en tout cas d'avoir une diversité de profils. Et que chacun garde ses profils. C'est peut-être ça... C'est formidable. C'est ça. Quand on dit la performance, elle arrive...

  • Noémie de Lattre

    Elle arrive par la mixité.

  • Aurore Mayer

    Elle arrive par des profils différents.

  • Noémie de Lattre

    Mais maintenant on le sait en plus, c'est ça qu'il faut. On le sait.

  • Aurore Mayer

    Il y a des études.

  • Noémie de Lattre

    Je sais, moi je l'ai brandi.

  • Aurore Mayer

    Oui,

  • Noémie de Lattre

    oui. Je sais. Vous les chantez. Je les chante, voilà. On sait maintenant qu'effectivement la mixité, la diversité... c'est concurrentiel en fait, il n'y a pas de problème, c'est bénéfique même si on n'arrive pas à convaincre des dirigeants et des dirigeantes que c'est bien de le faire, que c'est bien en termes de morale, d'éthique, on peut leur dire que c'est profitable, c'est rentable réellement. Donc tout le monde a intérêt à…

  • Aurore Mayer

    De quoi ils ont peur alors ?

  • Noémie de Lattre

    De l'inconnu je pense, déjà de manière globale et après plus précisément de perdre leurs privilèges. Mais encore une fois, ce que je comprends, puisqu'on leur dit qu'il va falloir rendre ce qu'on vous a donné. Et puis surtout, un homme naît, un petit garçon, il naît et tout, et puis il arrive dès la maternelle, l'école et tout, et on lui dit « tu dois être, tu dois pas pleurer, maîtriser tes émotions, tu dois être le plus fort, tu dois avoir un gros zizi, un gros salaire, une grosse voiture » donc en fonction en fonction de ses capacités de départ, soit c'est facile pour lui de faire tout ça, soit c'est dur. Et donc il passe sa vie à lutter pour obtenir ça. Et d'un coup, il a 45 ans, ça fait 45 ans qu'il se bat, il a enfin réussi. Il a une femme, un chien, deux enfants, un 4x4, un machin, et d'un coup il lui dit, rends, rends tout ce que t'as déconstruit toi. Et le mec, il dit « Les gars, non, non, non. J'ai mis 45 ans à construire ça, au prix de ma santé, au prix de mes voyages, au prix de voir mes enfants, au prix de ma sensibilité, au prix de plein de trucs. Et maintenant, vous me dites juste qu'il faut que j'arrête ? C'est vrai. Et que je sois quoi ? Du coup, je suis qui ? » C'est comme la crise en France qu'il y a eu quand les mines ont fermé. En fait, il y avait une espèce d'honneur ouvrier. Le jour où on a dit « C'est des métiers de merde, ouvriers, c'est des prolos » , tous ces gars-là, ils étaient « Ah, mais je suis qui ? » Dépourvue de buts. sens, des produits d'identité.

  • Aurore Mayer

    C'est intéressant, ça.

  • Noémie de Lattre

    Je pense qu'il faut d'abord proposer, avec eux, c'est pas nous deux, mais je pense que la société entière doit proposer, réfléchir à un nouveau modèle d'humanité, que ce soit pour les hommes ou pour les femmes, et d'interaction entre les deux, de manière à ce que... que les hommes disent « Ah oui, ça, ça me plaît. D'accord. Ok. Et c'est pas « Je perds ça. C'est pas « J'abandonne mes privilèges. » C'est « Non, en fait, je change de braquet. » Et je me dis que cet horizon-là, je le trouve plus rayonnant, je le trouve plus attractif. Je me reconnais plus dans cet homme-là. Cet homme qui sera puissant et non pas dominateur. Cet homme qui sera libre et non pas sclérosé dans ses stéréotypes. Cet homme qui pourra profiter de ses enfants et avoir un travail épanouissant.

  • Aurore Mayer

    C'est ce que disait Maxime Rivneski, qu'on avait reçu, il dit finalement, on s'interroge sur le privilège, c'est quoi le privilège ? Est-ce que c'est vraiment de travailler, de passer à côté peut-être de ses enfants quand on en a ? Chacun ses choix, mais en tout cas que ses envies on puisse combler et ne pas être complètement happé par des injonctions. avec lesquelles on n'est pas en accord. C'est un peu ça. Et ça permettrait effectivement à des hommes d'oser aussi aller sur des choses sur lesquelles ils ne sont pas. En tout cas, nous, c'est ce qu'on essaye de faire dans le groupe, dans notre réseau, dans le réseau Parité, c'est que chacun ou chacune puisse être à l'endroit où elle a envie d'être, alignée, et du coup, être performant, et avec les compétences qui vont bien. Souvent, on entend, oui, ma compétence égale, mais les femmes ont quand même des compétences, même pour être à des postes de direction, a priori. Voilà. Je ne sais pas si ça vous évoque quelque chose. Il y a une part de responsabilité, je pense, en tout cas, on y croit, de l'entreprise, de la société, de l'éducation. Vous parliez d'art. Il y a beaucoup d'actrices aujourd'hui, des réalisatrices qui vont un peu sur des... Je pense à... On a vu Demi Moore, etc., qui vont sur des sujets où on ne les attend pas forcément. Des femmes de 50, 60 ans qui s'affirment. Il y a beaucoup de films aussi portés par des réalisatrices qui vont sur des choses un peu trash, d'ailleurs. Est-ce que ça, ça permet de changer le regard ?

  • Noémie de Lattre

    Je parlais de Beyoncé en début d'entretien, mais oui, bien sûr, ça change tout. Ça change tout d'avoir des mimours qui disent « le sexisme, c'est pas contre les mecs, c'est contre les connards » . C'est bizarre. « Ok, ben voilà ! » Oui, oui, ça change tout. Je pense que le modèle, l'inspiration, je pense que c'est vraiment décisif. En tout cas, je vois moi ce que ça me fait. Quand je vois des hommes, des femmes, selon les domaines, c'est « ah, c'est possible ! » Ah d'accord, je trouve ça tellement fort. Je vous vois d'ailleurs avec l'écologie. Moi, j'ai mis vachement de temps à faire la transition parce que tous les discours, je les trouvais, moi, trop culpabilisants, j'entendais pas, je voyais juste tout ce que j'allais perdre. Et en fait, il a fallu que des militants et des militantes fassent ce que moi je fais avec le féminisme, c'est-à-dire s'emparent du truc pour... en faire quelque chose de positif, de gay, d'accessible, d'abordable, et qui fasse rêver de voir certaines militantes féministes. Je dis « Ah, wow, ok, ok, allez, moi aussi, d'accord, ça, ça me dit quelque chose. » Et je pense que ces hommes-là, ces changements-là, il faut qu'on l'incarne, il faut qu'on le modélise.

  • Aurore Mayer

    Et ça me fait penser aussi au rôle modèle. Est-ce que vous, vous avez un rôle modèle ? plusieurs Noémie, qui vous inspire ?

  • Noémie de Lattre

    Oui, en fait, il est un peu composite. Il y a beaucoup de femmes, il y a beaucoup de penseuses et d'écrivaines. Je lis beaucoup, beaucoup de femmes qui me nourrissent, qui me font évoluer, etc. Mais pour l'instant, et c'est d'ailleurs, vraiment, ça ne peut pas être très prétentieux, mais j'ai l'impression que c'est ma place. C'est-à-dire que pour l'instant, je vois beaucoup de penseuses brillantes mais qui n'ont pas de visage, qui n'ont pas de corps, parce que c'est pas leur métier. Donc elles se cachent, on ne les voit pas, on ne sait pas à quoi elles ressemblent, on ne connaît pas leur vie. Et puis après, il y a des figures dont on voit des actrices qui sont connues, et qui peuvent avoir aussi un discours intelligent, mais qui va être moins mis en avant, moins audible, que je ne vais pas forcément connaître. Et c'est vrai que du fait que je suis actrice et autrice, et que j'ai ces deux casquettes, c'est ça que j'aimerais faire. j'aimerais pouvoir être un un visage populaire puisque sur les réseaux sociaux je suis suivie par des centaines de milliers de gens et puis je fais de la vulgarisation, mes sketchs ils sont faciles, c'est facile et abordable Ils sont accessibles,

  • Aurore Mayer

    mais ils ne sont pas faciles Merci, merci beaucoup,

  • Noémie de Lattre

    c'est vrai, merci Ils sont accessibles et c'est effectivement le travail que je fais d'essayer de rendre accessible et gai et joyeux des prises de conscience qui ne sont pas... Mais c'est vrai, il y en a forcément, mais là, tout de suite...

  • Aurore Mayer

    C'est pas mal pour une future présidente de la République, d'être jeune et de sereine, le modèle pour les autres, c'est assez inspirant.

  • Noémie de Lattre

    Ça sera une réponse d'humilité que je leur ai fait avant. Moi, présidente...

  • Aurore Mayer

    Merci beaucoup Noémie de Lattre,

  • Noémie de Lattre

    merci pour cet échange.

  • Aurore Mayer

    Et puis je vous donne rendez-vous le mois prochain pour une prochaine émission d'À Part Égale.

Share

Embed

You may also like

undefined cover
undefined cover