- Speaker #0
Bienvenue à À part égale, l'émission du réseau parité 1-1 du groupe La Poste. Et aujourd'hui, j'ai la grande joie d'accueillir parmi nous Marie Loa.
- Speaker #1
Bonjour Aura.
- Speaker #0
Bonjour Marie. Marie, vous êtes fondatrice de Bouge ta boîte et de Femmes des territoires et autrice du livre Les femmes sauveront-elles le monde aux éditions Erol. Marie, dans votre livre et notamment dans vos discours, souvent vous inversez les chiffres. Si le monde était dirigé par plus de 90% de femmes à la tête des États, à la tête d'entreprises, et ça choque un peu tout le monde, qu'est-ce que vous pourriez nous dire là-dessus ?
- Speaker #1
En fait, j'adore faire ça. Je fais ça dans mes conférences depuis longtemps. Parce que déjà, les gens se disent « Mais de quoi elle me parle ? » Parce que j'en dis « Écoutez les vrais chiffres de l'égalité » . Donc j'en dis « 89% des chefs d'État sont des femmes, 94% des présidents d'entreprises » . sont des femmes. 98% des dirigeants de banque sont des femmes, 92% des maires de grandes villes sont des femmes. Et en fait, ils réalisent que ce sont les vrais chiffres, mais en miroir inversé. Et il y a trois choses quand on parle des chiffres inversés. On se rend compte d'une part que si c'était le cas, on serait tous dans la rue pour dire que c'est inacceptable pour les hommes. Deuxième chose... Est-ce que les hommes, on leur poserait tout le temps la question de « est-ce que vous vous sentez légitime ? » et « Monsieur, il faut oser » . Évidemment qu'on ne peut pas se sentir légitime quand on n'est pas représenté, ça c'est une évidence. Et troisième chose, est-ce que le monde pourrait bien fonctionner s'il était ainsi ? Évidemment que non, et c'est ce qu'on vit aujourd'hui en fait, cet inverse-là.
- Speaker #0
Ça c'est vraiment intéressant parce qu'en fait ça fait prendre conscience vraiment de ce déséquilibre j'ai envie de dire, et aussi ce que vous dites. notamment, c'est que s'il y a un déséquilibre derrière ce déséquilibre, entraîne un déséquilibre économique, politique, et qu'on a une vision partielle du monde, mais que ça n'a pas toujours été le cas.
- Speaker #1
En fait, les premières sociétés dans la vieille Europe, elles étaient égalitaires. Et ensuite, au néolithique, avec la sédentarisation, on a commencé à avoir une domination sur les femmes et moins de droits pour les femmes. Puis ça n'a fait que s'accentuer. C'est vraiment le fil rouge de l'histoire. C'est l'exclusion des femmes des cercles de pouvoir, de visibilité et d'argent. Et ça s'est renforcé au moment de l'industrialisation. On a vraiment partagé les tâches, scindé les tâches en deux. Donc aux hommes, le pouvoir, la visibilité, le profit, l'argent, l'économie. Et aux femmes, le foyer, le care au sens large, donc le soin aux enfants, aux malades, aux plus vulnérables, etc. et sans avoir la possibilité d'avoir de voix, de paroles. Et en fait, ce qui fait que les femmes ont été en charge de tous les enjeux essentiels de l'humanité, c'est-à-dire pour la survie de notre espèce, les enfants, les malades, etc. En plus, elles ont été en charge de l'alimentation, de l'eau potable massivement dans le monde entier. Et donc, elles voient le lien avec un environnement sain ou un environnement dégradé. Et donc elles agissent, mais elles n'ont pas de voix. Et les hommes ont été déconnectés massivement aussi, alors beaucoup moins aujourd'hui, mais quand même massivement. Moi j'ai échangé avec un dirigeant de 70 ans qui me disait « moi j'ai jamais pris un bébé dans mes bras » . Alors aujourd'hui c'est plus le cas, évidemment, mais ça veut dire que pendant des siècles, ils ont été déconnectés des enjeux du cœur. Et ce qui fait que les priorités du monde ont été décidées par les sphères de pouvoir dont étaient exclus les femmes, et donc on a été déconnectés des vrais enjeux pour l'humanité que sont l'humain, le vivant, c'est-à-dire l'environnement. et la paix. Et on se rend compte que dans les sociétés égalitaires, à la fois dans l'histoire et à la fois dans le monde, c'est ce qui est au centre. Quand on est à égalité femmes et hommes, au centre, c'est bien l'humain, le vivant et la paix. Et aujourd'hui, ce n'est pas ça qui nous dirige. Ce qui nous dirige, c'est le PIB, c'est la croissance, c'est le profit, c'est la tech, c'est ça qui nous dirige. Mais ce n'est pas ça qui va nous sauver.
- Speaker #0
Et vous qui êtes justement dans Femmes des Territoires, les femmes qui créent, elles sont plutôt sur ces sujets d'environnement, de faire attention aux autres, d'avoir du sens, c'est ce que vous retrouvez largement ?
- Speaker #1
Ah mais totalement, totalement. Alors beaucoup d'hommes aussi, évidemment. Sauf que les femmes sont absentes des tables de décision. Quand on voit les chiffres que j'ai donnés tout à l'heure, on n'est pas à la table des décisions. Alors si on était tout autant, ce serait idéal. Évidemment, juste je fais une précision, tout ce que je dis... C'est pour la mixité. Parce que dès que je parle du mot femme, on se dit « Mon Dieu, elle va parler contre les hommes » . Alors non, pas du tout, évidemment. Puis dans le réseau, vous avez l'habitude. Mais quand on parle des femmes, on a toujours cette peur-là qui est ancrée. Quand on parle des autres catégories de la population, on n'a jamais cette peur qui peut être là. Par exemple, si on parle des jeunes, ou si on fait des programmes pour les jeunes, ou pour les seniors, ou pour les talents des quartiers, on n'a jamais peur que quand on parle des jeunes, on va parler contre les seniors. Et pour les femmes, on a toujours peur que ça soit contre les hommes. Donc nous, quand on parle des femmes et qu'on investit sur les femmes, C'est pour les femmes, c'est pour la mixité, c'est pour la communauté entière. Tout le monde en bénéficie.
- Speaker #0
Il y a des femmes aussi qui, aujourd'hui, n'adhèrent pas ou ne comprennent pas le sujet, ou sont un peu réfractaires, ou disent « mais moi je ne suis pas concernée » . Qu'est-ce que vous avez à leur dire ?
- Speaker #1
Mais pareil chez les hommes en fait.
- Speaker #0
Pareil chez les hommes.
- Speaker #1
Et c'est quelque chose qui est dans notre inconscient collectif. Ça a été façonné par notre histoire, par notre culture, par les médias, par les films. On a appris que c'était normal. C'était normal qu'il y ait 89% de chefs d'État qui soient des hommes et que c'est tous les chiffres que j'ai donnés. ça nous paraît acceptable. Et du coup, on a l'impression que si on veut aller vers l'égalité, on franchit des lignes rouges. Et qu'on va toujours agir contre les hommes. C'est ça vraiment qui nous freine. C'est vraiment ce tabou-là. Et j'ai retrouvé votre question, c'était est-ce que les femmes effectivement, quand elles créent leur entreprise, elles sont davantage dans le sens ? Oui, c'est global. Vraiment, c'est 95% d'entre elles. L'entrepreneuriat des femmes, c'est de la reconversion. C'est entre 42 et 44 ans et c'est pour du sens. Et souvent c'est sans le formaliser, sans le formuler, mais c'est toujours avec quelque chose de différent. Je vais vous donner un exemple. L'autre jour j'étais dans une ville et je les interrogeais sur quel est votre impact à travers votre entreprise. Elles nous disaient, nous on n'en a pas en fait, on est des petites entreprises, mais pas du tout. La fleuriste, on se rend compte qu'elle a quitté son grand groupe. pour faire des fleurs locales et de saison. Celle qui a une imprimerie, elle fait avec des encres végétales. Celle qui va être avocate, elle est formée à la communication non-violente parce qu'elle est en droit de la famille, pour apaiser les conflits. Donc, il y a toujours ce twist en plus. Mais par contre, les femmes ne sont pas représentées et pas présentes au table des décisions.
- Speaker #0
On avait reçu Hortense Aran qui fait fleur d'ici, c'est vraiment ça. C'est dans la même logique. Voilà, c'est dans la même logique. Et elle nous disait les mêmes choses que vous. Et malgré tout, on se rend compte, en tout cas c'est ce qu'on entend souvent, que les femmes ont plus de mal à avoir des fonds, des financements, justement pour leur développement, et que l'égalité elle est aussi importante quand on arrive à avoir cette égalité économique, cette autonomie autonomie. Qu'est-ce que vous avez à nous dire là-dessus ?
- Speaker #1
Oui, en fait c'est comme ça qu'on y arrivera, c'est par l'égalité économique. Donc ça passe par des fonds pour les entrepreneurs, ça passe aussi par une égale répartition des charges domestiques et parentales, qu'on soit salarié ou entrepreneur. Aujourd'hui j'ai calculé à l'heure à la louche dans mon livre, mais en me basant sur les chiffres de l'INSEE. En moyenne, sur une vie active, c'est 12 ans de plus pour les femmes sur ces charges-là domestiques et parentales. Donc c'est 12 ans de carrière en moins, c'est 12 ans d'économie en moins, c'est 12 ans de loisirs en moins. Et pour les hommes, c'est 12 ans de lien avec le care et les enfants et les personnes proches en moins aussi. Donc tout le monde a intérêt à rééquilibrer ça. Et du coup, si on a un vrai congé deuxième par an digne de ce nom en France, comme dans les pays du Nord, où là, ça peut être six mois pour la femme, six mois pour le père ou le deuxième parent, et six mois à partager, et bien là, on se rend compte que... Dans les entreprises, ça devient aussi casse-pieds de recruter ou de promouvoir un homme qu'une femme. Et du coup, il y a beaucoup moins de discrimination. Et puis les enfants, ils grandissent avec une vision égale des hommes et des femmes. Donc ça change tout. Donc oui, ça passe par l'égalité économique. Ça passe par... Aujourd'hui, il y a 42% d'écart de salaire au sein d'un couple hétérosexuel. Oui, c'est sûr. C'est énorme. C'est la même chose pour les retraites. C'est 42% d'écart.
- Speaker #0
C'est énorme. mais c'est vrai qu'on voit bien qu'on a du mal à arriver à cette... Entre guillemets, vraie mixité. Alors, vous l'avez déjà dit, pourquoi c'était primordial. Est-ce que vous pensez que cet équilibre changera vraiment aussi des priorités sur notre rapport au monde ? Tout !
- Speaker #1
Ça change tout, parce que des fois, on me dit, oui, c'est pas parce qu'on mettra trois femmes de plus au Comex que ça va changer le monde. Mais si, en fait, c'est pas les trois femmes, c'est de la vraie mixité, c'est la mixité. partout plus de femmes dans la tête mais aussi plus d'hommes dans le coeur c'est de la mixité à tous les échelons et on se rend compte et ça s'est prouvé par de multiples études c'est pour ça que je ne comprends pas ce qu'on vit aujourd'hui et les priorités du monde aujourd'hui ne sont pas logiques on se rend compte que les études disent que plus il ya de mixité plus il ya de protection de l'environnement à l'heure où la planète brûle je ne comprends pas qu'on investisse pas sur la mixité c'est le critère le plus déterminant pour protéger l'environnement c'est qu'il y ait de la mixité pour la paix c'est pareil La paix, on sait que plus il y a de mixité, plus la paix est durable et signée rapidement. Aujourd'hui, c'est 4% de femmes dans les négociations de paix. Je ne comprends pas. C'est illogique. Moi non plus. Et c'est pareil pour l'économie. Plus il y a de mixité, plus l'économie est performante, régénératrice. Tout ça va ensemble, en fait. Et maintenant, il faut aller vers cette mixité.
- Speaker #0
Et pourquoi il y a cette résistance si tout le monde a gagné finalement ?
- Speaker #1
Parce qu'il y a une résistance au changement. L'inconscient collectif, c'est ce qu'il y a de plus difficile à changer. Donc il faut énormément sensibiliser. Et puis, vous le disiez tout à l'heure, les femmes ne s'emparent pas forcément du sujet, mais les hommes non plus. J'ai échangé avec un jeune de 17 ans, j'étais sur Twitch avec eux, et il me disait « alors moi je ne suis pas tellement légitime pour parler de ce sujet » . Je dis « mais tu rigoles ou quoi ? » L'égalité, c'est l'apanage de tout le monde. Ce n'est pas que des femmes, c'est des femmes et des hommes. et c'est bénéfique pour tout le monde, c'est prouvé aussi. Les pays qui sont les plus égalitaires sont aussi les pays où les habitants femmes et hommes sont les plus heureux et où l'environnement est forcément le plus protégé.
- Speaker #0
Une fois, vous parliez aussi des sociétés matriarcales qui ne sont pas du tout des sociétés où il n'y a que des femmes qui dirigent et qui prennent le dessus sur des hommes.
- Speaker #1
Ça n'a rien à voir. Alors expliquez-nous justement. En fait, la mixité, ça change tout le rapport au pouvoir et à l'argent aussi. Et donc, on a étudié les sociétés matriarcales. Souvent, c'était des hommes qui étudiaient avec des lunettes d'hommes et qui n'interrogeaient que les hommes. Donc, on avait une fausse vision de ces sociétés-là. Et il y a une anthropologue qui a fait énormément de recherches là-dessus, qui s'appelle Heidi Rotner. Je ne vais pas dire son nom parce que c'est un nom allemand impossible. Mais il est dans mon livre. Et en fait, elle, elle a interviewé les femmes. Et on se rend compte que dans une société matriarcale, c'est pas pyramidal, c'est pas les femmes qui sont au-dessus des hommes, c'est pour ça que moi je les appelle plutôt des sociétés égalitaires dans leur fonctionnement. Les femmes et les hommes sont ensemble, représentent la société de manière égale dans tous les domaines, politiques, culturels, etc. Il y a une répartition équitable des ressources, l'accumulation est vraiment très mal vue. Dès qu'il y a violence, tout le monde se réunit et on résout le conflit. Il doit y avoir un consensus pour prendre une décision. Le viol... n'existent pas, l'absence de consentement n'existe pas non plus dans ces sociétés-là. Et évidemment, au cœur, c'est l'humain et c'est l'environnement. Donc ce sont des sociétés qui sont vraiment très intéressantes à étudier sur la mixité. Et c'est pareil dans les pays égalitaires, parce que l'Islande en est un merveilleux exemple. Et on se rend compte que c'est le même fonctionnement.
- Speaker #0
Et les entreprises auraient tout à gagner aussi à avoir ces modes de fonctionnement, finalement. Tout le monde. Alors, en ce moment, on entend quand même quelque chose qui est assez perturbant. on dit Il y a les féministes et les masculinistes. Est-ce que, enfin moi j'ai ma propre pensée, mais j'aimerais vous entendre là-dessus, parce que souvent on m'en pendant, et moi j'entends des femmes qui me disent, moi je suis pour l'égalité, mais par contre je ne suis pas féministe. Alors, qu'est-ce qu'on peut leur dire ?
- Speaker #1
Oui, entre-temps j'ai retrouvé le nom de l'anthropologue, c'est Edegoten Rabendroth, voilà. Oui, en fait, ça, c'est assez catastrophique parce qu'on se rend compte que, notamment, chez les jeunes générations, et on me dit tout le temps, les jeunes générations, ça va aller, elles vont, il y aura l'égalité avec elles, ça va mieux quand même, etc. Non, pas du tout, parce qu'en fait, on se rend compte qu'il y a une scission. Les femmes sont de plus en plus conscientes de la nécessité de l'égalité des droits. Et les jeunes hommes, par contre, vont vers des mouvements de plus en plus masculins, c'est-à-dire de domination et d'oppression des femmes. Féministe, un mot qui a été extrêmement mal traité et malmené par l'histoire, mais ça veut dire donner tout autant de chance aux femmes qu'aux hommes. C'est l'égalité des chances, c'est ça le féminisme. C'est faire en sorte qu'on reconnaisse tout autant la puissance des femmes que celle des hommes. Ce n'est pas contre, mais malheureusement, dans l'imaginaire des gens, dès qu'on dit féministe, on a l'impression que c'est contre les hommes. Donc encore une fois, non, c'est pour aller ensemble.
- Speaker #0
Marie-Éloi, on fait tous ce constat. Qu'est-ce qu'on peut faire maintenant pour vraiment changer les choses là où on en est ? Comment on peut agir à notre niveau, nous entreprises, et peut-être individuellement ? Qu'est-ce qu'il faut faire ?
- Speaker #1
J'ai un plan. Au-delà de mettre en place l'égalité économique, parce qu'évidemment ça passera par là. Il y a les quotas, il y a le congé de deuxième parent, il y a l'égal conditionnalité, c'est-à-dire conditionner chaque financement public à la mise en place par l'organisation qui reçoit les fonds d'un plan. en faveur de l'égalité. Donc, il y a plein d'outils qui fonctionnent, qui sont efficaces, éprouvés, juste qu'ils ne sont pas mis en place. Donc, voilà. Donc, ceux-là, ils existent. Et après, il y a un point... Alors,
- Speaker #0
est-ce qu'il faut des... Pardon, juste sur ça, est-ce qu'il faut aller plus, par exemple, la loi Rixin, être sur vraiment des quotas, voire même un moment sanctionné ? Ou est-ce qu'il faut aller jusque-là ?
- Speaker #1
En fait, tout le monde a peur d'un contrôle fiscal ou d'un contrôle de l'URSSAF. Tout le monde. d'un contrôle sur l'égalité, personne. Donc si on veut vraiment instaurer la mixité, ça veut dire qu'il faut mettre en face les moyens. les outils sont connus, les résultats sont prouvés. Maintenant, oui, il faut aller vers ça. En tout cas, si on veut vraiment aller vers la mixité, oui, il faut aller vers ça. Mais aujourd'hui, il n'y a aucun moyen qui est mis sur la mixité. Aucun moyen et aucun contrôle.
- Speaker #0
Alors, je suis d'accord avec vous, on est tous légitimes et concernés. Nous, au réseau, en tout cas, c'est en quoi on croit dans le groupe LAPA. C'est qu'il y a évidemment une ligne, une politique, il y a des accords égalitaires qui sont signés, il y a un cadre, et on a de la chance d'être dans ça. On fait beaucoup de choses. Mais il faut quand même que le changement passera par chacune et chacun qui agira, si je recrute, si je suis manager, en tant que femme je vais aller sur des terrains où on ne m'attend pas peut-être, en tant que homme j'autorise, etc. Une fois qu'on dit ça, comment on peut agir ? Est-ce qu'il faut un action coup de poing ? Est-ce qu'il faut agir tous ensemble ? Vous voyez où je veux vous emmener Marie ?
- Speaker #1
Vous avez raison, en fait il y a une multitude d'actions, ce n'est pas une action. Que ce soit dans l'entreprise ou dans la société en général, il n'y a pas un sauveur qui va arriver et qui va faire en sorte de sauver l'environnement, la paix et l'économie. Ça ne va pas arriver. Il n'y a pas un héros, une héroïne, il n'y a pas des start-up qui vont changer le monde. Ce n'est pas vrai, ça va venir de nous. de chacun et chacune de nous. C'est pour ça que sur la couverture de mon livre, il y a une petite goutte d'eau. Oui, on est toutes et tous des gouttes d'eau, mais ensemble, on est extrêmement puissants. Et ça, on a un peu perdu notre capacité d'agir. On a un peu oublié qu'elle est présente et qu'on est capables ensemble de dire non à ce qui se passe et de changer le monde. Et donc, il y a un plan qui m'inspire énormément. C'est l'exemple de l'Islande. En 1975, l'Islande, ce n'était pas du tout un pays égalitaire. Il y avait 4 % de femmes députées. Et les femmes ont dit stop. Elles sont descendues dans la rue, 90% d'entre elles. C'est un petit pays, mais ce qu'on fait à la petite échelle, on est capable de le reproduire à plus grande échelle. Et pendant une journée, tout s'est arrêté. Donc c'était il y a longtemps, en 1975. Il n'y avait même pas de liaison téléphonique. Les enfants ont mangé des bonbons et des saucisses toute la journée. Le pays a été complètement stoppé. Et ça a porté ses fruits. Parce que quelques mois après a été votée une loi en faveur de l'égalité. Cinq ans après a été élue la première femme chef d'État au monde, l'Islande est aujourd'hui le pays le plus égalitaire au monde 50 ans après. C'est vrai. Les pays aussi où les habitants sont parmi les plus heureux et l'environnement le plus protégé, parce que comme j'ai dit, ça va ensemble. Et donc moi je me pose la question, si on est convaincu, et vraiment les études le prouvent, que le monde est plus heureux, l'environnement est plus protégé, la paix est là quand il y a de la mixité, si les femmes, avec tous les hommes engagés, convaincus, s'arrête pendant une journée de tout faire au niveau professionnel et personnel. Qu'est-ce qui se passe ? Alors des fois, je dis ça dans les conférences, il y a des gens qui disent « ça serait le chaos » , il y en a d'autres qui disent « c'est la fin du monde » , il y en a qui disent « c'est la fin de ce monde » .
- Speaker #0
C'est intéressant quand même.
- Speaker #1
Alors nous, en tout cas, nous qui sommes livres, qui ne risquons pas notre vie, est-ce qu'on est capable de prendre cette journée ? Est-ce qu'il y aurait un avant et un après cette journée ?
- Speaker #0
C'est une bonne question, mais en tout cas, ça...
- Speaker #1
Est-ce qu'on verrait le poids de l'anicité ? On verrait le poids, à quel point ça change tout et à quel point... Le monde est aussi porté par les femmes et ce serait juste qu'il y ait une égale répartition à la table des décisions entre femmes et hommes. La seule vraie question, c'est comment organiser ça ? Quelle est la date à trouver ? C'est ça le plus difficile. Parfois, il y a des gens qui me disent « oui, mais comment on va s'organiser ? » Je dis « mais en fait, au Nigeria, dans les années 1900, les femmes commerçantes et artisanes, l'État colonial avait voulu leur imposer des taxes supplémentaires juste pour elles. Et dans les différents villages du Nigeria, elles ont échangé entre elles avec des feuilles de palmiers. Donc nous... Elles ont réussi, elles ont gagné. À l'heure des réseaux sociaux, est-ce que nous on est capable de s'organiser ? Oui !
- Speaker #0
Oui, c'est sûr.
- Speaker #1
Et en plus, il ne faut pas tellement de gens que ça. Parce que, ça a été prouvé, tous les mouvements pacifiques qui ont comporté 3,5% de la population ont renversé un système. Ça n'a jamais échoué.
- Speaker #0
Ça donne de l'espoir.
- Speaker #1
Donc on est capable. Il y a énormément d'hommes qui nous soutiennent.
- Speaker #0
Il y a beaucoup d'hommes qui nous soutiennent, bien sûr. Nous, on le voit dans notre réseau, il y a de plus en plus d'hommes qui nous soutiennent et qui ont bien compris en fait.
- Speaker #1
Mais bien sûr, ils n'ont pas envie de ça, ils n'ont pas envie de ce mode pyramidal, ils ont envie de collaboratif, ils ont un autre rapport à la réussite, un autre rapport à l'argent, ils ont un autre rapport au sens, ils ont un autre rapport à l'environnement, mais comme nous.
- Speaker #0
Et vivre ensemble, moi ça me fait, là ce que vous dites, ça me fait vraiment penser qu'il y a des moments un peu autour, par exemple les JO, des moments festifs de sport, des moments... Fédérateur, en fait, les hommes et les femmes se retrouvent ensemble de manière même intergénérationnelle. Mais bien sûr,
- Speaker #1
c'est ça qui est beau dans la vie.
- Speaker #0
Et les gens sont heureux.
- Speaker #1
Mais oui.
- Speaker #0
Et aussi, je m'interroge quand même sur ces résistances, parce qu'en fait, on a tous à y gagner. On le voit bien, c'est prouvé, c'est... C'est archi-prouvé. Tout le monde a y gagné sur le bien-être global. Et je ne comprends pas ces résistances, à part si peut-être qu'il y a des gens qui ont du pouvoir et qu'on a envie de le partager.
- Speaker #1
C'est peut-être ça. C'est parce qu'on est habitué à vivre comme ça.
- Speaker #0
Donc on a peur du changement.
- Speaker #1
Moi je me rappelle, ma fille, quand elle avait 9 ans, elle m'a dit « Maman, tu peux me donner les noms des présidentes en France ? » Je dis « Mais tu sais ma chérie, il n'y a jamais eu de présidente. » Et en fait, elle était quasiment en larmes. Elle m'a dit « Mais c'est pas possible qu'il n'y ait jamais eu de présidente ! » Et pour elle, les enfants, ils voient ça. Ils voient que c'est incohérent. Et nous, en fait, on est dans notre routine, dans nos soucis, dans tout ce qu'on a apporté déjà. Donc c'est difficile de remettre en question.
- Speaker #0
Je ne sais plus qui a fait ça, mais oui, il montre, je ne sais pas si vous l'avez vu, ça m'échappe. Et peu importe, le message était intéressant, c'est qu'il demande à... Plusieurs petits garçons et plusieurs petites filles sont en... Un petit garçon et une petite fille, de remplir des tubes avec des boules de couleur, vous connaissez ? Voilà. Et en fait, ils font la même chose, et à la fin, ils donnent un paquet de bonbons comme ça aux garçons et un paquet comme ça à la petite fille. Et donc, ils se regardent et ils disent, mais comment ça se fait ? Et ils leur expliquent que dans la vie, quand ils vont travailler, il n'y a pas le... Et les petits garçons sont très choqués en disant, mais pourquoi j'ai plus de bonbons qu'elle alors qu'elle fait le même travail ? Et rééquilibre.
- Speaker #1
Mais dans la vie réelle, c'est comme ça, dans la nature, tout est équilibre et nous, on a perdu cet équilibre. C'est pour ça que les priorités ont dérivé et puis il y a aussi cet effet golem qui est très puissant. Donc l'effet golem, c'est quand on prend une catégorie de personnes et qu'on leur dit depuis toujours que pour elles, ça va être plus dur et qu'en plus, elles n'osent pas et que ce n'est pas leur place. Et quand en parallèle, on ne les met pas en position de pouvoir et de visibilité, cette catégorie, elle sous-performe, c'est prouvé. Tu prends la même catégorie de personnes tu lui dis mais vous êtes fort, vous prenez des risques, vous allez y arriver, vous les mettez en position de pouvoir et de visibilité, elles surperforment. Nous les femmes, ça s'appelle l'effet Pygmalion, et ça l'effet Golem. Nous les femmes, il faut qu'on passe de l'effet Golem à l'effet Pygmalion et qu'on avance ensemble. Donc c'est de l'inconscient collectif, c'est pour ça que ça passe par la sensibilisation et aussi par retrouver notre capacité d'agir. On a oublié qu'on est capable de beaucoup de choses et qu'on est capable de beaucoup de choses ensemble. Ça,
- Speaker #0
c'est hyper intéressant parce que bien souvent, et moi, plus j'avance sur le sujet, plus je rencontre du monde dans l'entreprise, etc., je suis assez réservée sur le fait de dire les femmes manquent de confiance, manquent de ci, manquent de ça. Donc, on veille à sensibiliser tout le monde et pas que mettre la responsabilité sur les femmes.
- Speaker #1
Ah, donc, étiez.
- Speaker #0
Je vois moins les jeunes filles. Moi aussi, j'ai une jeune, une ado, etc. Et avec ses copines, les jeunes filles avec qui je parle et les jeunes femmes, elles n'ont pas de manque de confiance en elles. Elles n'ont pas de réserve. Mais à force de dire « vous n'êtes pas comme ci, vous n'êtes pas comme ça » , ça finit par arriver. Et même des gens qui ont fait des parcours incroyables finissent par douter. Et donc je vous rejoins, et ça je trouve ça hyper intéressant.
- Speaker #1
Nous les femmes, on est très puissantes, mais tout nous a été interdit dans la vie. Tout. D'aller à l'école, de voter, de conduire, d'entreprendre, de se réunir entre femmes. Ça a été interdit par la loi. Tout a été interdit aux femmes, même de porter des pantalons. Donc en fait, on a tout ce poids-là. Les hommes ont été habitués à ce que ça soit comme ça, donc c'est pas volontaire. Et puis c'est très récent qu'on ouvre les yeux, ça fait pas longtemps qu'on est tous en train d'ouvrir les yeux. Donc moi souvent je dis, il n'y a pas à culpabiliser ni les hommes ni les femmes, parce qu'on leur dit, les femmes vous n'avez qu'à oser et les hommes vous n'avez qu'à ouvrir les portes. Mais en fait c'est récent tout ça, on se rend compte de tout ça depuis peu de temps. Par contre, une fois qu'on est sensibilisé, on a le devoir d'agir, on est responsabilisé. Et là oui, on doit agir chacun, chacune. Vous disiez tout à l'heure, oser aller candidater à un poste, quand on est sensibilisé, on se dit, mais oui, mais ça, c'est mes biais qui m'empêchent de faire ça. Ou alors un manager ou une manager de dire, ah oui, mais attention, il y a des biais. Donc, je vais pousser cette personne. Avoir conscience de ses biais, ça permet de changer les choses. Mais il faut en avoir conscience. Et je vais donner un exemple pour montrer un peu notre puissance. Est-ce que vous vous souvenez de la guerre au Libéria dans les années 90, qui a été atroce, qui a fait 250 000 morts ? Pendant des années, on a dit aux femmes, ce n'est pas... pas votre affaire, c'est une affaire d'hommes. Et au bout d'un moment, les femmes se sont dit, en fait, si, ça nous concerne. Nos maris ont été tués, nous-mêmes on a été violés, nos enfants ont été enrôlés comme enfants soldats. Elles n'étaient pas nombreuses à se dire ça, et elles ont commencé à se fédérer, et elles n'étaient que 200. Et lors des énièmes négociations de paix, parce qu'ils n'arrivaient jamais à les conclure, elles se sont réunies au palais présidentiel du Ghana, le pays voisin là où se déroulaient les négociations de paix. Elles ont bloqué toutes les issues, les portes, les fenêtres. Elles ont dit maintenant vous signez l'accord de paix. Les hommes ont rechigné. Donc elles ont commencé à se déshabiller. Et dans cette culture-là, voir une femme mariée se déshabiller, c'est signe d'une énorme malédiction. Ça a été radical. L'accord de paix a été signé. Et un an après a été élue la première femme chef d'État du continent africain, Ellen Johnson Sirleaf. On a cette puissance.
- Speaker #0
Oui, c'est sûr.
- Speaker #1
Et quand on est avec les hommes engagés, on est inarrêtable. Donc on a la possibilité, là on fonce vers une dystopie. C'est tous les films qui nous ont marqués depuis qu'on est jeunes. C'est-à-dire une terre... une planète sans nature, avec vie de nature, avec de la tech, des robots, de la conquête spatiale, de la surveillance. C'est ça dans notre imaginaire. Donc on va vers ça et c'est ce qu'on finance. Mais on peut dire non et choisir un autre futur. Mais pour ça, il faut qu'on soit unis,
- Speaker #0
qu'on soit ensemble.
- Speaker #1
Choisir un futur où on vit bien ensemble et un futur de nature. Et ce n'est pas utopique bisounours. C'est prouvé par des études et on est capable de le faire. Par contre, c'est important d'être optimiste. C'est beaucoup plus facile d'être cynique et pessimiste. C'est très facile de critiquer et de ne pas agir. Par contre, l'optimisme, ça a été le plus grand moteur de toutes les transformations de l'histoire. Donc, on se doit d'être optimiste et d'agir ensemble.
- Speaker #0
Nous, c'est ce qu'on essaye de faire. Notamment, on essaye de travailler sur les biais, de prendre conscience. Effectivement, déjà, ça, je trouve que c'est un pas énorme.
- Speaker #1
Moi, j'en prends conscience tous les jours. Moi-même, je suis... pétri de biais, mais c'est lié à... C'est comme ça, on... C'est tellement insidieux, c'est tellement partout.
- Speaker #0
Un moment aussi, je vous ai entendu dans une émission dire que en fait, la démocratie, on n'avait pas le droit de vote jusqu'en... En 1956, les femmes n'avaient pas le droit de vote, mais on parlait de démocratie. Est-ce que c'était vraiment une démocratie ? C'est hyper intéressant ça.
- Speaker #1
Parce qu'en écrivant le livre, je me disais, la démocratie, ça date de quand ? Selon les personnes, ils vont répondre 1789 ou 1870. Mais en fait, une démocratie, c'est bien quand tout le monde a le droit de vote.
- Speaker #0
C'est hyper intéressant ça.
- Speaker #1
Et en fait, nous c'est 1944. En Suisse, le dernier canton, c'est 1990. C'est très récent, ça fait pas longtemps qu'on est... qu'on vit en démocratie, nous les pays démocratiques, c'est très récent et jamais on s'est posé, avec toutes les parties prenantes, c'est-à-dire les femmes, les hommes, jamais on s'est posé en disant, mais quel monde veut qu'on se voie ensemble maintenant qu'on est à égalité de droit, mais pas de fait.
- Speaker #0
Hyper intéressant. Marie, je pose souvent cette question, est-ce que vous, vous avez un rôle modèle, une personne qui vous a inspirée ou plusieurs ?
- Speaker #1
Alors, toutes les femmes, parce que forcément, avec les réseaux féminins, j'ai initié des centaines de cercles de femmes en France, d'entrepreneuses. Toutes, elles m'apportent quelque chose et c'est une énergie circulaire et on se fait grandir ensemble en s'entraidant. Il y en a une particulièrement qui me porte beaucoup, c'est Yacine Darderne, l'ancienne première ministre de Nouvelle-Zélande, qui a vraiment incarné une autre forme de pouvoir, empathique, collaboratif. Elle a fait un truc incroyable dans son pays. Elle a dégommé le PIB, elle l'a relégué en seconde place. Donc le PIB, c'est un indicateur qui dirige tous nos pays et qui est fondé sur... qui pour moi est à la fois sexiste et anti-écologique. C'est-à-dire qu'il ne prend pas en compte le soin, par exemple, tout le travail non rémunéré envers les enfants, les malades, les personnes âgées, ce n'est pas pris en compte, ou très peu. Par contre, si on coupe une forêt, ça s'est pris en compte. La guerre s'est pris en compte pour le PIB, donc le PIB est un indicateur totalement obsolète qu'il faut dégommer. Et elle, elle a mis en premier des indicateurs de bien-être, donc l'environnement, la santé. l'éducation, c'est vraiment ça qui devrait nous diriger. Elle a été pionnière là-dessus et vraiment très, très inspirante.
- Speaker #0
C'est vrai, et puis il faut y aller toute seule un peu.
- Speaker #1
Il faut du courage.
- Speaker #0
Il faut du courage.
- Speaker #1
Mais on n'en manque pas.
- Speaker #0
On n'en manque pas. On ne manque pas de courage, on ne manque pas d'optimisme. Donc j'ai envie un peu de rester sur ça parce que c'est tellement… Moi, j'ai la patate là. Donc merci beaucoup Marie-Éloi. Et puis on sera tous ensemble et on va faire un monde bien meilleur, ça c'est sûr. Et je vous donne rendez-vous dans un prochain épisode d'Aparegal, le mois prochain. Merci Marie.
- Speaker #1
Merci.