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L'heure du bilan : faire face

Ép. 2 - Marc-André Selosse : le sol s'effondre, avec nous

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1h03 |10/06/2025
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L'heure du bilan : faire face

Ép. 2 - Marc-André Selosse : le sol s'effondre, avec nous

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Description

Enregistré en septembre 2024, cet entretien avec le biologiste Marc-André Selosse résonne étrangement avec l’actualité brûlante de ce mois de juin 2025 : chute des revenus agricoles, pollution au cadmium, loi Duplomb, effondrement de la biodiversité.

Marc-André Selosse nous parle de ce que nous refusons de voir : le sol.
Cet écosystème vivant, complexe, nourricier, est aujourd’hui meurtri — compacté, empoisonné, stérilisé.
Et pourtant, c’est de là que pourrait renaître un futur.

Dans cet échange, il nous invite à écouter ce que la terre raconte de nos excès, de notre oubli du vivant et de notre obstination à bâtir sur du vide.
Ni optimisme naïf ni simple fatalisme, il invite à affronter la réalité brute — et à reconnaître ce qui pourrait survivre.
On y parle de mycorhizes, d’agriculture régénérative, de lien intergénérationnel, et de la nécessité d’un changement d’imaginaires.

Un épisode à écouter lentement, profondément.
Pour cesser de croire que la surface suffit.


Épisode animé par Bastien Roulot.


Pour en savoir plus sur Marc-André SELOSSE : 

Découvrez notamment ses livres : 

Et bien sûr, nous vous invitons à suivre et soutenir les actions de Fédération Biogée : https://www.biogee.org/index.php/a-propos-de/ 


Rejoignez et adhérez à l'association Adrastia :

https://www.adrastia.org/adherer-a-adrastia-fr134.html


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour à toutes et à tous et bienvenue sur le podcast de l'association Adrastia, l'heure du bilan, faire face. Nous sommes ravis que vous nous écoutiez. Nous allons parcourir ensemble les nouvelles pistes d'adaptation face aux altérations profondes et durables du milieu terrestre qui fragilisent tant nos sociétés que le vivant dans son ensemble. En 2024, la concentration en CO2 dans l'atmosphère continue d'augmenter. Les records de température, détendu des feux de forêt, de durée de sécheresse et de gravité des inondations tombent les uns après les autres. Les désordres écologiques, politiques et sociaux actuels ne sont pas des crises passagères, mais peut-être les premiers symptômes d'effondrement des sociétés industrielles mondialisées. Il est temps de faire le bilan de notre gestion collective des risques globaux et systémiques, parce que si sans maîtrise nous filons droit vers l'abîme, l'illusion de contrôle nous y précipiterait plus vite encore. Dans ce podcast, nous donnerons la parole au lanceur d'alerte aux scientifiques, aux acteurs de terrain, aux transitionneurs et aux penseurs de l'avenir écologique. L'heure du bilan nous confronte à la réalité à venir, la nécessité de l'adaptation, parfois radicale, au regard du risque d'échec ou d'insuffisance de la ténuation. Adrasia est une association de citoyens et de citoyennes qui informe et alerte depuis 2014 sur le risque d'effondrement de nos sociétés, dans le but d'éviter une dégradation trop importante ou brutale de leur structure vitale. et de préserver les meilleures conditions de vie possibles pour le plus grand nombre. Le podcast de l'association Adrasia est une production collective. L'intervieweur ou l'intervieweuse pourra être différent à chaque épisode. Ne vous en mettez pas. Les interviews sont disponibles sur les plateformes habituelles de diffusion. N'oubliez pas de vous abonner. Vous retrouverez également une page Internet dédiée au podcast sur le site internet adrasia.org. Dans l'heure du bilan Fairface, nous explorons pendant 60 minutes comment apprendre à nous adapter au monde tel qu'il est, non tel que nous voyons le maîtriser. Et maintenant, place à l'épisode. Bonne écoute !

  • Speaker #1

    Bonjour à tous et bienvenue dans cet épisode de l'heure du bilan, faire face. Aujourd'hui, nous vous avons le plaisir d'accueillir Marc-André Solos, biologiste et spécialiste des sols. Il est également professeur au Muséum d'histoire naturelle de Paris. Son travail a permis de mieux comprendre les interactions entre plantes et champignons et surtout l'importance vitale des sols pour les écosystèmes. En plus de ses recherches, il est un véritable passeur de savoir, toujours engagé pour rendre ses sujets accessibles à toutes et à tous. Marc-André Sélos, bonsoir.

  • Speaker #2

    Bonsoir.

  • Speaker #1

    Merci d'être avec nous. Vous avez déclaré un jour

  • Speaker #2

    « Le sol,

  • Speaker #1

    c'est le placenta de l'humanité » . Une phrase qui résume bien l'importance centrale du sol dans le maintien de la vie de la Terre. Pourtant, nos imaginaires collectifs semblent souvent tronquer, voire déconnecter cette réalité. Comment alors... Voyez-vous, et pouvons-nous réinventer nos visions du monde pour reconnaître et partager et protéger ce qui nous nourrit, nous soutient, mais que nous négligeons si souvent ?

  • Speaker #2

    Alors c'est vrai que beaucoup de nos représentations sont en fait coupées de la réalité. Et c'est bien problématique parce que c'est ça qui génère des crises sanitaires et environnementales. En l'occurrence, la vision que l'on peut avoir du sol, c'est celle d'un lien intime. profondément intime, qui justifie tout à fait de dire que c'est le placenta de l'immunité parce que c'est de là que vient la nourriture. Réfléchissez un peu et demandez-vous d'où vient votre phosphate, d'où vient votre potassium, d'où vient votre calcium, votre fer, vos oligo-éléments, tout ça. Un jour ou l'autre, c'était dans le sol, arraché à des pierres par des microbes, ou peut-être aussi dissous à partir de pierres, mais peut-être aussi arraché à partir de matière organique qui a été digérée par des microbes ou des choses comme ça. tout ça vient de choses qui traînaient dans le sol. Ces éléments qui vous composent maintenant ont été libérés, sont passés dans des plantes. Peut-être d'ailleurs de ces plantes sont-ils passés dans des animaux, mais le résultat c'est que finalement ils sont arrivés en vous, ils sont vous. Et même cette énergie vitale qui vous permet soit de m'écouter, soit de me poser des questions et qui me permet à moi de parler, quelque part elle n'est pas construite sans des organismes qui ont les racines dans le sol. En fait, c'est vraiment ce qui nous nourrit et bien plus que ce qui nous nourrit, c'est ce qui nous constitue. Et ne pas concevoir ça, c'est avoir une représentation, un imaginaire pourri, merdique, qui conduit par exemple à accepter qu'aujourd'hui les engrais minéraux contiennent du cadmium. Parce que c'est un contaminant du phosphate minier et le cadmium rentre lui aussi dans les aliments, ce qui va devenir vos aliments, dans des plantes et dans les animaux qui mangent ces plantes. Les français mangent 1,4 fois la dose de cadmium maximale recommandée par l'OMS. La moitié d'entre nous sont contaminés. Ça fait 30% probablement des cas d'ostéoporose parce que ça s'oppose à l'ossification. Ça fait plus 3% de cancer du pancréas par an en France. Ça fait des ennuis rénaux hépatiques. En fait, maintenant, il faut retourner la chaussette. Le sol, c'est nous. Bon, donc si on fout n'importe quoi dans le sol, bah non, il nous arrive n'importe quoi. Et retourner la chaussette, c'est se dire qu'en prenant soin des sols, c'est de l'homme qu'on prend soin. Et là, on commence à voir qu'il n'y a pas de différence entre l'humanité et la nature.

  • Speaker #1

    Merci pour cette introduction. Cela permet aussi d'avoir une définition préalable, un vocabulaire à peu près commun pour cet entretien. Pouvez-vous un peu nous rappeler, brièvement, pour comprendre un peu la complexité des sols en tant qu'écosystème, ce qu'ils recouvrent en termes de mycorhizes, quelque chose que vous employez très souvent dans vos différentes interventions, et en quoi cet élément est essentiel pour comprendre la santé des sols et des écosystèmes en général ?

  • Speaker #2

    Cet hélénisme, puisque mycorhizes c'est grec, c'est trahi un petit peu le naturel chez moi, parce que c'est là-dessus que travaillent mes équipes de recherche, autant à Paris. À Gdansk, en Pologne, on travaille sur ces associations entre des champignons du sol et les racines des plantes, qui pour 9-10e des plantes sont à la fois absolument incontournables pour leur capacité à se nourrir, car en réalité ce n'est pas elles mais ces champignons qui prénèvent de l'eau et des sels minéraux dans les sols, mais qui est aussi pour ces plantes-là quelque chose qui est très important dans leur santé parce que ces champignons-là limitent l'arrivée des maladies, ils n'évitent pas de... toutes les maladies venues du sol, mais il protège la racine contre des maladies. Évidemment, ce n'est pas gratuit. Ces champignons-là, dans la racine, prélèvent du sucre provenu de la photosynthèse et c'est donc un échange à bénéfice réciproque. C'est ce qu'on appelle du mutualisme. C'est un échange à bénéfice réciproque qui structure cette interaction. Et donc, les racines que vous voyez sont très souvent pleines de champignons. Ce ne sont donc pas exactement des racines, mais des mélanges de champignons, myco, et de racines, risa, d'où ce nom de mycorhize qu'on utilise techniquement. En réalité, Non seulement la fertilité du sol vient de la vie, qui a, je le disais à l'instant, arraché des minéraux aux roches, qui a également décomposé et recyclé les composants de la matière organique morte, qui d'ailleurs est aussi capable, cette vie du sol, de transformer, figurez-vous, l'azote atmosphérique en protéines. Et quand ça se dégrade, ça donne de l'azote utilisable par les autres organismes du sol, dont les racines des plantes. Donc non seulement les microbes, c'est eux qui font la fertilité, mais en plus, c'est des champignons, donc certains microbes. qui achemine cette fertilité vers les racines. C'est important parce qu'on ne le savait pas ou on avait négligé de comprendre l'importance. Mais ces mycorhizes, aujourd'hui, c'est elles qu'il nous faut entretenir. Et quand on laboure, on déchire les filaments de champignons. Quand on met certains pesticides, comme le glyphosate, on tue ces champignons. Quand on met des engrais minéraux, on conduit la plante à congédier ces champignons puisque la plante trouve suffisance d'azote et de phosphate ou de potassium dans le sol. Elle n'a plus besoin de payer les champignons. mais... on perd l'effet phytosanitaire, on perd l'effet protecteur. Aujourd'hui, on s'aperçoit qu'on aurait peut-être des auxiliaires à retrouver dans un fonctionnement des sols un peu plus intact, en tout cas un peu plus compatible avec la façon dont les plantes, depuis qu'elles sont plantes, parce que ça, ça dure depuis qu'il y a des plantes sur Terre, ça a 400 millions d'années, les fossiles nous le disent. Il faut qu'on retrouve ce qui, de tout temps, et avant même que l'homme mette une charrue ou des produits dans le sol, a construit la fertilité des plantes. et aussi leur alimentation.

  • Speaker #1

    Merci. Je vois comme une sorte de lien entre ce que vous venez de décrire sur les mycorhies, sur ces interactions, sur une notion de labour que peut-être nous reviendrons tout à l'heure, au niveau des impacts que ces activités puissent avoir sur la qualité des sols. Aujourd'hui, nous avons une sorte d'aggravation de la dégradation de nos sols. Quel regard portez-vous sur l'évolution de... de la santé des sols au cours des dernières décennies. Et vous constatez peut-être, voyez-vous, une aggravation en lien avec les pratiques agricoles actuelles et une certaine urbanisation croissante ? Est-ce qu'il y a des liens forts ?

  • Speaker #2

    Alors, il y a plusieurs problèmes qui se posent à nos sols. Effectivement, l'urbanisation ou la mise en place de plateformes logistiques, de zones industrielles, de zones pavillonnaires. artificialise les sols à un rythme assez inquiétant puisqu'en 50 ans, depuis les années 70, c'est 10% de la surface agricole utile qui a disparu. Et c'est tous les ans l'équivalent de la surface nourrissant pendant un an la ville du Havre qui disparaît. On dit 5 terrains de foot par heure, jour et nuit. Donc ça c'est complètement découplé de la démographie, c'est juste notre façon d'utiliser l'environnement qui est plus gourmand en espace et c'est dommage parce que le changement climatique ne nous assure pas que la production reste ce qu'elle est à l'hectare et on va avoir besoin d'hectares. Par ailleurs il y a les zones qui restent agricoles et là notre interventionnisme s'est exacerbé, on laboure plus profond, on laboure plus souvent parce que l'essence n'est pas chère, parce qu'on a mécanisé l'agriculture à outrance et on met à la fois... Ces engrais que je pointais du doigt comme étant par exemple des choses qui disruptent le lien entre ces champignons du sol et les racines des plantes, mais des engrais qui finissent aussi par passer dans l'eau et qui provoquent des proliférations d'algues qui ne sont pas toujours désirables pour les riverains. Parce que quand ça se décompose, ça émet du H2S et ça, ce n'est pas très bon pour la santé. Des pesticides aussi, le glyphosate par exemple, qui n'est pas très bon pour les champignons qui font des mycorhizes, qui n'est pas très bon pour les vers de terre, bref, qui est relativement incompatible avec la vie. Dans les sols, labours, engrais minéraux, pesticides, tout ça, ça fait un cocktail, ben, pesticides, c'est-à-dire tueurs, qui d'ailleurs n'est pas très bon pour l'homme non plus. On en retrouve dans les eaux, oui, parce que les eaux sont reçues par les sols, et quand les sols sont chargés de polluants, ils n'opèrent plus leur fonction de filtration, bien au contraire, ils cèdent une toute petite partie, mais une partie non négligeable quand même, de leurs polluants à l'eau qui passe dedans. Ça affecte jusque d'ailleurs à... à la composition de l'air. On se rend compte aujourd'hui que comme l'air circule entre le sol et l'atmosphère, l'air que nous respirons peut être pollué par les pesticides, y compris des pesticides interdits depuis une vingtaine d'années. Le lindane interdit depuis le 98, les PCB interdits depuis le 87. Ça affecte même la composition de l'air. Bref, ces pesticides ne sont pas très bons pour nous non plus. Parce qu'en fait, les sols, c'est nous. On y revient. Et c'est ce qu'on boit, c'est ce qu'on mange, c'est ce qu'on respire. Donc là, ça commence à faire beaucoup et il faut un peu réagir. Je pense que les gens qui ont mis en place cette agriculture... ne l'ont pas fait de mauvaise foi. Et ils ont d'ailleurs, ponctuellement, parce qu'à long terme ça se passe mal, mais à court terme, ils ont résolu le problème de la quantité. Tout en posant le problème de la qualité que nous percevons maintenant et pour lesquelles l'agroécologie nous fournit des pistes pour utiliser plus le vivant et moins les béquilles que sont ses intrants, pesticides, engrais minéraux ou les gestes techniques comme le labour. Aujourd'hui on a des alternatives à ça, on a des agricultures non labourées, on a des agricultures avec très peu de... ou pas de pesticides, c'est le bio par exemple, on a des alternatives et c'est leur développement qui tarde parce que nous qui achetons, nous collectivement, citoyens qui achetons, nous ne réalisons pas que ce que nous achetons a un sens pour l'avenir, a un sens pour notre santé. Quand on ne réalise pas ce sens, on achète n'importe quoi. Enfin, la part du bio, c'est 10% du marché, c'est une autre façon de dire qu'on achète n'importe quoi.

  • Speaker #1

    Ça reste, vous avez raison, des devis d'action sous-exploités. Justement, vous avez mentionné un peu ces pratiques agricoles comme le non-labour ou les couverts végétaux dans des pratiques différentes de l'agriculture conventionnelle. Pourquoi, selon vous, ces approches restent-elles sous-utilisées ? Alors qu'elles pourraient être des leviers importants pour restaurer les sols et limiter, en partant, le changement climatique ?

  • Speaker #2

    Ce n'est pas du tout un problème technique. Aujourd'hui, on a par exemple le marchinisme agricole qui va avec des sols non-labourés dans lesquels il faut des semoirs particuliers pour enterrer les graines. Aujourd'hui, on a un bon recul sur le bio, pour avoir des itinéraires techniques, et on commence même à avoir des variétés. Alors ça, c'est encore pas parfait. Des variétés adaptées à ce genre d'agriculture, il y a encore beaucoup à faire pour obtenir un plein rendement de ces méthodes agricoles. Parce qu'on travaille avec les variétés sélectionnées pour l'agriculture conventionnelle. Et faire de l'agriculture non labourée ou faire du bio avec les variétés de l'agriculture conventionnelle, c'est un peu danser le lac des signes en botte. C'est pas optimal. Mais néanmoins, ça marche déjà. Et notamment, l'agriculture dont on a bourré, elle permet de reconstituer les stocks de matière organique des sols, de protéger la vie des sols. Et donc, cette vie fait plus de porosité, donc elle permet de retenir plus d'eau et elle présente des intérêts marqués dans les étés secs qu'on a vécu ces dernières années en termes de réserve d'eau. Donc, il n'y a pas de problème technique, contrairement à ce qu'on dit. Et même, on sait que dans certaines pratiques, je pense par exemple au mélange de... céréales et de légumineuses dans le même champ où on produit sur un hectare ce qu'on produirait si on séparait les deux cultures en 0,6 hectares pour les légumineuses donc des pois, des pois chiches, des fèves et 0,8 hectares pour les céréales soit 1,4 hectares si on les sépare. Bon ce genre de pratique de mélange à la fois limite la propagation des maladies et en même temps augmente le rendement puisque en un hectare vous produisez ce que si vous séparer ces cultures, vous produisez sur 1,4 hectare. Donc il n'y a pas photo, il n'y a pas de problème technique, et contrairement à ce qu'on dit, le problème n'est pas de donner à l'humanité. Il est que l'humanité veuille bouffer de cette nourriture-là. Et le problème, en fait, il est celui de susciter un enthousiasme sociétal pour ces alternatives, des gestes de consommation, des votes qui aillent vers des politiques dont le programme est d'aider à la transition, parce qu'on l'a dit, il faut changer de semoire si on ne la bourre plus. Quand vous faites une conversion vers le bio, ça prend un certain temps, ça demande de l'aide. Nous, on ne met en fait en France que 60 millions d'euros par an sur la table pour la conversion en bio. C'est dérisoire. C'est très loin du milliard qu'on met sur la table quand on doit tuer tous les canards parce qu'il y a un problème sanitaire. Donc, en d'autres termes, le problème, le facteur limitant, c'est l'envie sociétale. Et c'est vraiment l'envie des citoyens et des consommateurs. Parce qu'on peut dire, oui, les politiques... Non, dans notre pays, les politiques font ce qu'on leur dit de faire. Ils ont une offre à la hauteur de ce qu'ils... pensent que les citoyens attendent. Et je crois qu'ils l'estiment assez bien. Aujourd'hui, c'est une volonté citoyenne de transition qui est le facteur limitant. Ce n'est plus un problème technique. Je suis désolé de dire que moi, je représente une corporation, celle des scientifiques, qui a fait tout ce qu'il fallait faire. Alors, je ne dis pas qu'il n'y a pas encore besoin de recherches appliquées dans certains bassins de production ou pour certaines cultures pour arriver à imaginer une autre agriculture. Mais l'agroécologie, aujourd'hui, il y a beaucoup de choses, beaucoup de belles au bois dormant qui attendent juste que la société les réveille.

  • Speaker #1

    Bien sûr, si ce n'est que vous soulevez beaucoup de paradoxes entre le fait que ce ne soit pas une problématique technique, qu'il y ait des solutions, qu'il y ait une envie d'une massification de la population à bien manger, à se nourrir, à faire un lien sur la santé. Comment aujourd'hui vous interprétez le fait que nous ayons des records de température, que nous continuons Une grande partie de la population a accentué notre empreinte écologique à travers des comportements comme l'augmentation des vols en avion, comme évidemment d'aller consommer de la nourriture transformée, sachant que cette information est disponible sur la plupart des médias. Comment peut-on aujourd'hui expliquer cette dissonance pour essayer de trouver les leviers permettant aux gens de bifurquer vers... vers des usages et des consommations beaucoup plus saines, beaucoup plus valorisantes. Avez-vous des pistes à nous proposer ?

  • Speaker #2

    Déjà, j'ai un nom pour ce diagnostic, c'est ce que j'appelle, c'est ce qu'on appelle classiquement l'acrasie, qui est le fait de se diriger à l'opposé de ce que le bon sens et les données disponibles suggèrent. Et la question, c'est pourquoi on fait ça ? Pourquoi sommes-nous acrasieux ? Alors, il y a une première réponse qui est de dire que les gens sont cons. Moi, je ne peux pas entendre ça. D'abord parce que quand je fais des conférences, quand j'encontre le public, je vois que les gens ne sont pas cons. Et en une heure d'exposé puis de questions, je me rappelle qu'on va très très loin. Il y a de réelles curiosités. Les gens ne sont pas cons. Ça, c'est faux. D'ailleurs peut-être par rapport aux sciences et notamment aux sciences du vivant, les enseignants ont-ils fait une erreur ? Avons-le, j'en suis, je crois beaucoup en l'enseignement, on va le voir dans la suite de ma réponse. Et je suis enseignant, donc on a peut-être fait une erreur en inspirant de la... terreur ou de l'inquiétude ou de l'humilité vis-à-vis de la science, alors que n'importe qui est capable de comprendre la science, n'importe qui n'est peut-être pas capable de l'expliquer. C'est peut-être ça le problème. Donc non, les gens ne sont pas cons, ce n'est pas ça le problème. Il y a des cons, bien sûr, mais j'en connais moins qu'aux gens qui sont capables d'aller beaucoup plus loin qu'ils ne l'imaginent. En tout cas, j'en rencontre beaucoup moins qu'aux gens qui sont capables d'aller beaucoup plus loin qu'ils ne l'imaginent. Non, non, le vrai problème, c'est comment sommes-nous fabriqués ? Par exemple, on n'a pas peur du chimique. Ben oui, on a tous des poils antéphales alors qu'on sait très bien que les PFA sont des choses extrêmement dangereuses pour la santé publique. Le coût en santé publique par rang de ces, les PFAS comme on les appelle, cet anglicisme merdique, disons les fluoroalkylés pour dire ce qu'ils sont, ces polluants éternels donc qui ne se dégradent pas et qui viennent à la fois de nos industries mais aussi des objets qui nous entourent, on sait que leur coût... En santé publique, il est estimé entre 50 et 90 milliards d'euros par an à terme. Et ils sont super dangereux, mais vous avez jeté votre poêle téfale, vous ?

  • Speaker #1

    Pour ma part, oui.

  • Speaker #2

    Bon, c'est bien. Vous voyez que les gens ne sont pas cons. Mais il y en a quand même qui, sans être cons, ne l'ont toujours pas jeté. Et on n'a pas peur du chimique, par contre. On a un peu peur du biologique, quoi. Notamment quand un aliment tombe par terre, on se dit « Oh là là, et quelles bactéries l'ont... » Alors en fait, le vrai problème... Quand un aliment tombe par terre, surtout s'il est un peu gras, c'est qu'est-ce qu'il est en train de solubiliser, de prendre en charge des produits chimiques qui ont servi à nettoyer, à donner un parfum aux produits nettoyants, à lui donner une couleur ou à tout ce qui s'est déposé sur ce sol. Le risque, il est chimique quand un aliment tombe par terre. Et nous, on y voit un risque biologique. Alors, pourquoi est-ce qu'on ne comprend pas certaines choses ? Moi, je pense qu'on comprend comment on est fait, comment on est formé. Et je pense que, je défends ça en tant que président de la fédération Bioge, B-I-O-G-E. Mais eux, il y a un site internet qui peut vous montrer ce qu'on fait, parce qu'on essaie de remettre de l'information positive et des explications qui permettent de trouver les issues de secours dans les mains des citoyens. Nous pensons à Biogé et nous essayons de nous battre pour remédier à cela, qu'il n'y a pas assez de formation aux sciences du vivant et de l'environnement. Et qu'en plus cette formation n'est pas assez interdisciplinaire parce que ces objets n'appartiennent pas qu'à la biologie. Entendons-nous, le climat ce n'est pas qu'un objet de la biologie, la sexualité ce n'est pas qu'un objet de la biologie, mais comme on n'a qu'une heure par semaine dans le secondaire et rien dans le primaire parce que ce n'est pas au programme, alors il y a des profs des écoles qui font des efforts, mais c'est individuel et ponctuel. Il y a des associations qui les aident, mais ce n'est pas dans les programmes. Comme il y a une pauvre heure qui traînasse, comme ça, dans le collège et dans le lycée, pour la sexualité, l'alimentation, la santé, l'environnement... En fait, on n'est pas à même de saisir les enjeux, on n'est pas à même de comprendre les choses. Ça explique que les gens deviennent anti-vax ou pro-vax. Ça me fait un peu sourire parce que les anti-vax disent « les vaccins tuent » et les pro-vax disent « les vaccins tuent pas » . En fait, la vérité est entre les deux. Le juste, le truc, c'est que les vaccins tuent moins que la maladie. Et on est dans une guerre de tranchées. Non, ça ne tue pas. Ben si, ça tue. Et en fait, on n'est pas préparé à la subtilité du vivant. Peut-être qu'on fait trop de maths, d'ailleurs. X égale 1, c'est vrai ou faux ? Faut-il se vacciner ou non ? Ce n'est pas vrai ou faux ? C'est probablement vrai ou probablement faux. mais vous voyez, le truc c'est qu'on est dans un monde complexe où rien n'est vrai ou faux c'est le monde vivant qu'on ne connaît pas assez bien pour pouvoir tout prédire, tout comprendre, mais il y a quand même des pistes, des pistes pour s'orienter dans le flou. Et c'est peut-être dans la formation, ce qui manque le plus, cette appréhension de vivant pour arriver quand même à utiliser un peu de science et de bon science pour s'orienter au mieux, c'est-à-dire dans la bonne direction, et donc ne pas faire d'acrasie.

  • Speaker #1

    Vous pointez du doigt une chose, qui est la partie éducation, la prévention.

  • Speaker #2

    Mais qu'est-ce qu'un professeur peut faire de plus ?

  • Speaker #1

    de pouvoir actionner des leviers au travers peut-être nos collégiens, nos lycéens, réinstaurer les sciences des vies de la Terre de façon plus importante.

  • Speaker #2

    Et interdisciplinaire. Et interdisciplinaire. Ce n'est pas que la lutte pour des heures, pour la bio.

  • Speaker #1

    La question c'est pourquoi ces politiques publiques Peinent à toucher un large public Et permettent à un moment donné D'avoir une prise de conscience Et une modification Je dirais des programmes Des programmes à destination De nos jeunes enfants Qu'est-ce qui bloque selon vous aujourd'hui Et comment pourrions-nous les uns et les autres, participer à ce que cette demande, cette envie, voire même à un moment donné peut-être se poser la question d'une obligation, à devoir militer pour introduire cette sensibilité, cette connaissance du vivant qui est indispensable aux mécaniques qui sont aujourd'hui en train d'être en œuvre. Quelle proposition vous... Vous pouvez mettre en place.

  • Speaker #2

    C'est peut-être moins les programmes. En tout cas, si les programmes ne sont pas bons, je suis responsable. Parce que j'ai toujours trempé dans les commissions de programmes. Je ne veux pas que j'esticule. mais oui On commençait à parler de sol, et le sol, il y a deux heures sur le sol en seconde, et puis on ne peut pas en mettre plus, parce qu'il y a trop d'autres choses à gérer sur la santé, la vie sexuelle, les choses comme ça. Donc oui, c'est insuffisant, c'est une question de durée, et puis aussi d'interdécidualité, parce que je le répète, les tas de gamins, le sol ou le vivant, ils ne vont pas être capables de l'aborder par le cours de bio. C'est peut-être le prof de français, ou le professeur de plastique qui peut le plus pour eux. donc pour revenir là dessus c'est une question de durée plus que de contenu, mais disons que pourquoi ça prend pas, pourquoi la prise de conscience ne se fait pas et pourquoi on ne change pas ça, c'est un peu la poule et l'oeuf, c'est parce qu'on n'a pas compris que c'est ça qui nous manquait, et il ne faut pas charger nos politiques bon bien sûr on peut les charger quand même, mais il ne faut pas charger nos politiques, parce qu'une fois de plus je pense qu'ils nous ressemblent, en fait leur métier c'est de nous ressembler assez pour nous inspirer de la confiance Quand j'entends que lors de la dernière présidentielle, on a passé 3% du temps à parler du climat ou 1% du temps à parler de la biodiversité, ce que j'entends par là, c'est que ça reflète ce que nous sommes collectivement. Alors peut-être pas ceux qui écoutent, mais ceux qui n'écoutent pas qu'on pense largement, et en nombre, et en indifférence. C'est ça l'histoire. L'histoire c'est qu'il faut vraiment qu'on arrive à casser ça. Et alors, l'éducation étant posée... Occupons-nous des vieux. Parce qu'il y a quand même une certaine urgence et on ne peut pas attendre que les nouveaux-nés aient 35 ans pour s'emparer des problèmes environnementaux et sanitaires dans lesquels nous sommes plongés. Je crois que là, en fait, les vulgarisateurs ne sont d'aucune utilité. Parce qu'ils vulgarisent depuis longtemps et ça ne fait rien. Donc si on voulait une preuve de ce que je dis, il suffit de regarder les 30 dernières années ou les 50 dernières années. Rachel Carson fait un livre superbe pour parler du printemps silencieux des années 60. Et on l'a toujours dans les fesses. 60 ans plus tard, rien n'a changé. Donc, moi, je pense... Alors, j'ai réfléchi beaucoup à ça. J'ai essayé d'en parler dans mon dernier livre, Nature et préjugés, parce que j'essaie, dans un des chapitres, d'expliquer pourquoi la science a son mot à dire sur notre lien à la nature et pourquoi, en même temps, elle n'arrive pas à le dire. Votre question, en fait, qui est une très bonne question. Moi, si j'avais la réponse, je serais le roi du pétrole, mais j'ai une idée, au moins. Alors vous allez me dire que c'est une idée infaisable parce qu'on a besoin d'argent pour ça. Alors l'argent, c'est ce qu'on ne trouve pas. Moi, par exemple, je n'arrive pas à trouver d'argent pour Biogé pour maintenir un poste permanent plus d'un an. Donc l'argent pour ça, vous voyez, c'est difficile. Mais voilà ce que je pense. On a besoin des publicitaires. Ils peuvent nous vendre des brosses à chiottes, des produits à récurer, des trucs incroyables. Ils peuvent, ils structurent nos envies. D'ailleurs aujourd'hui on sait très bien que... L'alimentation, la malbouffe, le budget qui est sur la table pour faire de la pub, pour ce qui n'est pas bon pour la santé, pour les aliments qui sont indésirables, elle est mille fois plus financée que les spots de publicité pour bien manger, manger des fruits et des légumes, manger équilibré, manger pas trop gras, faire des exercices et tout. Donc, on voit très bien qu'il y a une question d'argent. Mais derrière cette question d'argent, il y a des mercenaires, des publicitaires. Nous sommes tous des mercenaires d'ailleurs. Moi-même, scientifique, je fais de la recherche. sur des sujets pour lesquels il y a de l'argent pour faire de la recherche. Et ces publicitaires, je pense qu'on a besoin d'eux. Eux savent bâtir des imaginaires. Eux savent faire en sorte que certaines choses paraissent élégantes, riches, désirables, et d'autres ridicules au contraire, et négligeables. Et je pense qu'on a besoin de ce savoir-faire. Ce n'est pas le tout d'avoir une technique, on revient à ça. Ce qu'il faut, c'est convertir les gens. et là il y a des gens dont c'est le savoir-faire, c'est les publicitaires c'est les faiseurs d'opinion, moi je trouve qu'il y a des youtubeurs qui font un... Un boulot parfait. Tiens, je vais vous parler de Vince Canté que j'ai rencontré. C'est un type qui faisait de l'information. Il est merveilleux et généreux en plus. La personne est belle, mais au-delà de ça, ce n'est pas de la flagranterie. Il est en train d'aller réveiller des gens au fond de leur vie et pour les gens. Parce qu'en fait, ce réveil, cette prise de conscience, c'est une façon demain de consommer un peu mieux, même égoïstement et à court terme pour soi-même. Voilà, donc on a besoin de ces populations-là qui savent remuer l'opinion, ceux qui ne savent pas faire. Ceux qui ont les techniques.

  • Speaker #1

    Toute personne, toute classe confondue, a besoin de participer à ce grand jeu de transformation, de transformation des imaginaires.

  • Speaker #2

    On a tous quelque chose à améliorer dans nos vies. Oui,

  • Speaker #1

    complètement.

  • Speaker #2

    Pour autant,

  • Speaker #1

    est-ce que cela va suffisamment vite pour vous ? Sachant qu'on remarque aujourd'hui que vous êtes aussi enseignant-chercheur, vous avez aussi des activités par exemple en Pologne. L'Europe centrale a subi et subit des bouleversements terribles ces derniers jours et encore aujourd'hui. Des terres agricoles sont dévastées entièrement. On se rend compte que ces bouleversements nous prennent de vitesse et qu'elles ont un impact et qu'elles vont avoir un impact terrible sur peut-être notre dépendance alimentaire à l'échelle de la zone européenne. et on a peut-être ce sentiment que peut-être tout va bien et que pour l'instant nous n'avons pas besoin de réagir Nos États sont là pour nous accompagner et que l'action, le réveil des populations n'est pas encore là. Qu'est-ce que vous en pensez de cela, vous qui êtes en plus ?

  • Speaker #2

    Il y a des choses paniquantes et d'autres pas paniquantes. Par exemple, l'indépendance alimentaire, le fait de pouvoir manger. On sait que 33% de la nourriture finit à la poubelle dans tous les pays du monde. Chez nous, c'est une histoire de date limite de consommation et d'organisation. Donc, c'est simple. Vous achetez à manger, vous mangez pendant 4 jours, 5 jours et le reste de la semaine, si vous me permettez, vous fouillez dans la poubelle pour manger

  • Speaker #0

    Voilà. Aujourd'hui, on a trop de bouffe. Non, mais il faut le dire. De la même façon, on parlait des sols tout à l'heure. Les sols, en fait, les populations microbiennes et les populations d'organismes des sols sont en train de s'écrouler. Aujourd'hui, plus il y a d'interventions, je pense à l'agriculture en général, mais le maximum d'interventions, c'est viticulture conventionnelle, arboriculture conventionnelle, moins il y a d'individus de chaque espèce. Mais il n'y a pas forcément beaucoup d'espèces qui disparaissent. Et c'est pour ça qu'aujourd'hui, quand on cesse de labourer, on a une vie qui reprend en 2 à 3, 4, 5 ans. C'est très, très rapide, la reprise de vie des sols et la reprise de fonctionnement vertueux. Et je l'évoquais tout à l'heure, ces fameux sols qui stockent de l'eau, qui stockent de la matière organique, qui stockent du carbone, des puits de carbone. Donc, ça, ça peut bouger vite. Donc, il y a des marges sur certaines choses. Je pense à nos déchets, à ce que nous jetons à la poubelle et à ces aliments que nous jetons à la poubelle. Il y a des choses qui peuvent réagir vite. Après, il y a des choses, c'est foutu. Il y a des choses qui sont foutues. Les microplastiques, par exemple, qui ont été dispersés dans l'environnement et qui finissent de se fragmenter en libérant des perturbateurs endocriniens ou des molécules cancérigènes, ça, c'est là pour toujours. Donc, on a abîmé l'environnement avec ça, avec sans doute aussi les polluants internels. Et il y a des indicateurs de ça. Si vous comparez aux années 70, les cancers des 0 à 19 ans ont augmenté de 40%. C'est-à-dire que l'environnement est plus mutagène. La quantité de smatosoïdes produite par les occidentaux a été divisée par deux. C'est-à-dire que la concentration dans les éjaculats qui n'ont pas varié de volume est divisée par deux. Donc il y a des indices que le milieu est devenu... Bon ça c'est... On ne va pas aller retirer ça. Il y a des choses qui sont entre les deux. Entre le mal fait pour toujours et le mal fait mais mieux faisable. C'est le climat. On peut très bien faire mieux du jour au lendemain, on sent quand même que ça va être un peu dur. Il va falloir ramer. Donc tout n'est pas désastreux. Maintenant, peut-être que la façon dont on vulgarise, et ça c'est aussi un peu la faute des journalistes, montre peut-être le côté affreux et pas assez les portes de sortie qu'il y a. Parce qu'en organisant mieux nos vies, même dans un environnement dégradé par les polluants qu'on a mis, je pense qu'on doit pouvoir arriver... à maintenir l'espérance de vie en bonne santé au même niveau. Je pense. Enfin, 2022, c'est le dernier chiffre dont je dispose, et je serais ravi qu'on m'envoie rapidement le chiffre de 2023, parce que je ne le trouve pas. L'espérance de vie en bonne santé, c'est-à-dire sans gros problèmes majeurs et sans rien qui empêche de faire ce que l'on veut faire, abaissée en France. C'est pour la première fois depuis pas mal de temps. Donc, voilà. Moi, je ne suis pas complètement alarmiste, mais pour revenir à la question, ce qui m'alarme, c'est que plus on attend, moins ce que je viens de dire est vrai. Ou moins, ce que je viens de dire est facile. Et c'est vrai que c'est pour ça que je dis qu'on ne peut pas se contenter de faire une meilleure génération demain. Il faut aussi agir sur la génération en cours. Je trouve le temps de réaction du système lent. Et de fait, il n'est pas à la hauteur de la dégradation du système. Un exemple chiffré, vos impôts servent à replanter 3000 km de haies par an. On continue à en arracher 25 000 km. Alors ça a des fonctions contre l'érosion, contre l'assèchement en été. Ça a des fonctions pour stocker de la biodiversité, pour empêcher la propagation des maladies. s'est stocké. 100 tonnes de carbone par kilomètre. Ça permet de structurer le sol localement d'une façon qui permet à l'eau de s'infiltrer. On peut faire une longue liste. Les haies, ce n'est pas à nos anciens. S'ils avaient diminué la surface de champ cultivable, ce n'est pas pour rien. Pas juste pour faire beau. Pour terminer là-dessus, 25 000 km contre 3 000 km, on voit très bien qu'on n'y est pas, surtout qu'une jeune haie ne fonctionne pas aussi bien qu'une vieille haie. C'est vrai que c'est crispant, cette histoire de la vitesse. de changement. Ça, c'est... Il faut qu'on se bouge, là. C'est peut-être le cœur de l'inquiétude.

  • Speaker #1

    Comment, aujourd'hui, on fait passer des gens potentiellement à l'action ?

  • Speaker #0

    C'est en étant là ensemble, parler. Évidemment. Et pour ceux qui écoutent, s'ils pensent que c'est important, ils ont le cas de faire écouter d'autres gens.

  • Speaker #1

    Voilà le constat d'une dégradation de nos sols, de la qualité des sols, de la conséquence sur nos capacités à pouvoir...

  • Speaker #0

    Sinon même de leur existence d'ailleurs, parce que dans les Hauts-de-France, il y a tellement peu de matière organique que quand il pleut, il n'y a plus de liant. Il n'y a plus de liant. Il n'y a que des coulées de boue.

  • Speaker #1

    Les difficultés des budgets fléchés justement pour redonner un peu la matière organique à travers de ces sols, pour cette... On a cette sorte d'élitement un peu écologique qui est en cours. Et j'aimerais avoir aussi votre avis et votre ressenti sur à peu près les scénarios futurs qui peuvent se projeter sur les 10, 20, 30, 50 prochaines années. Et surtout, quelles étapes cruciales nous devons mettre en place et qui doivent être franchies pour éviter ce qu'on pourrait appeler cet effondrement écologique qui est déjà...

  • Speaker #0

    Moi, je n'ai pas le... Je ne peux pas vous parler avec finesse des modèles prédictifs que par exemple le GIEC propose. Ce n'est ni ma spécialité, ni quelque chose que je lis assez bien pour pouvoir vous répondre là-dessus. Ce que je dirais, c'est qu'il y a quelque chose qui peut nous sauver, et c'est ça en fait qui va déterminer si ça va continuer à se dégrader, au point que finalement la vie humaine va perdre de la dignité ou de la qualité, ou est-ce qu'on va pouvoir réagir. c'est le moment où on comprend comprendra que ces sciences du vivant, donc l'écologie, mais aussi les sciences de la santé, la compréhension du vivant, sont une solution, c'est-à-dire offrent des solutions, offrent des moyens de faire autrement, mais aussi bien par rapport à certains impératifs. Je pense par exemple à l'humanité. Le moment où on comprendra que cette génération qui a tout raté, ces générations qui ont tout raté, elles ont par contre... mis en place une boîte à outils colossale qui permet de soulever des montagnes avec l'écologie, la compréhension du vivant, voire même un tout un tas de choses en physique et en chimie. Le moment où on comprendra que la science n'est pas juste un outil de diagnostic de pourquoi ça ne va pas, mais contient des remèdes et des pistes alternatives et qu'il n'y a pas qu'une seule façon d'arriver à Rome. Parce qu'on nous dit tout le temps, non, on ne peut pas faire autrement. Je lisais un article, une interview d'une... bêtise abominable de quelqu'un qui commentait le futur de l'agriculture européenne en disant qu'elle ne deviendrait plus pure, elle ne nourrirait pas les Européens. Et tout cela suait l'ignorance, l'absence de lecture des travaux qui montrent que nous, on peut faire différemment et nourrir tout le monde. Donc, voilà. Cette boîte à outils, là, c'est si on l'ouvre, là, il y a de l'espoir. Si on continue à ne pas l'ouvrir, là, c'est difficile parce qu'on va continuer à faire comme d'hab. Et comme d'hab, ben ça va pas

  • Speaker #1

    Justement, cette boîte Woudi que vous nommez, ces dernières décennies nous ont permis d'avoir un corpus de connaissances phénoménales, et justement pousser les gens à des pratiques beaucoup plus sobres et beaucoup plus vertueuses, avec certainement des techniques prometteuses pour l'amélioration des conditions des sols, des écosystèmes de notre vie. A l'inverse... Est-ce que vous constatez, bien sûr, peut-être nous présenter un peu les actions, les différentes pratiques que vous connaissez, qui se doivent d'être maximisées, reconnues, accompagnées d'un point de vue financier en territoire, et puis celles à l'inverse que vous constatez aujourd'hui qui participent encore activement à cette érosion, à ce déclin de nos écosystèmes ?

  • Speaker #0

    Il est évident que la pratique agricole, comme elle intéresse 54% de la surface du territoire, elle est tout à fait décisive et aujourd'hui, elle n'a pas évolué. D'ailleurs, moi, je comprends les agriculteurs de ne pas vouloir changer parce que comme les citoyens ne suivent pas, on ne voit pas très bien pour quel marché ils travailleraient différemment.

  • Speaker #1

    Sachant que nous payons, nous partissons pour tous à une partie individuelle de la PAC.

  • Speaker #0

    130 euros par an et par citoyen. D'accord. Donc, ça fait un peu plus de 8 milliards d'euros. en France mobilisés pour une agriculture. Et on voudrait que ce soit moins conditionné par la surface que possède l'agriculteur, que par ce qu'il y fait. Mais moi, je pense qu'on doit payer plus. Parce que si on veut que l'agriculture fasse la santé, la qualité de l'air, la qualité de l'eau, en plus du paysage et de la quantité de nourriture, ça a un prix, tout ça. Donc, effectivement, il y a les activités agricoles et il y a certaines activités industrielles qui sont complètement incompatibles, finalement, avec... la qualité de notre environnement et la durabilité d'une terre et d'une biodiversité qui nous permet de vivre dignement, comme je le disais, et en bonne santé. Après, dans les gestes positifs, je vois plein de petits signaux. Alors le problème, c'est qu'effectivement, moi je ne vais pas être capable de vous convaincre qu'en termes de vitesse, leur croissance est intéressante. Mais je vois qu'aujourd'hui, dans les écoles de commerce, quand moi je fais des cours à HEC ou à l'EDEC, je m'aperçois qu'ils sont très concernés les étudiants. Après Qu'adviendra-t-il quand ils vieilliront ? Ils auront peut-être un pragmatisme. Mais il y a réellement une génération qui, alors même qu'elle n'est pas dans les sciences du vivant, elle se sent concernée et elle cherche des outils de sortie. Je vois que la finance, par exemple, je participe à des colloques de finance. Moi, je n'ai rien à dire sur la finance, je viens juste d'expliquer ce que c'est que la biodiversité et en quoi ça structure le monde qui nous entoure et la capacité à produire des choses variées. Je vois que ce monde la bouge. Donc il y a quelques bons signaux. Et comme toujours, il n'y a pas une seule profession qui soit complètement pourrie ou complètement vertueuse. Je dirais que, en fait, la vraie question du rythme cache celle du changement d'échelle. Ça reste pour l'instant des niches. Et la question, c'est comment on généralise ça ? Et je reviens à mon histoire de publicitaire et de vision du monde. Il faut qu'à un moment, certains réflexes deviennent ridicules. Ridicule parce que la compréhension qu'on a de ce qu'ils sous-tendent fait que c'est tout simplement multiplement inacceptable. Je vais vous dire par exemple, je me mets tout nu dans la rue, alors là tout le monde va être choqué, on va crier. Combien de personnes jettent sans que personne ne hurle autour un morceau de plastique dans la rue ou un mégot ? Ça, ça tue des gens. Ça va tuer des gens. Ça va faire des micro-plastiques, ça va faire des perturbations, ça tue des gens. C'est un crime. Oui, c'est un crime. Tout nu dans la rue, regardez bien, vous verrez, il est fait comme vous, comme votre partenaire sexuel, si vous êtes hétéro. Il n'y a pas de problème. C'est une banalité ordinaire et ça ne tue personne. On a des tabous mal foutus. Et c'est peut-être ça qu'il faut refaire.

  • Speaker #1

    Pourtant, on le constate, on soulève des problématiques de sens, de valeur et des communs sur ce lien que vous citiez tout à l'heure sur la partie éducative. Vous expliquez que dans certaines écoles de commerce, on commence à introduire une certaine sensibilité, un certain profil d'étudiant qui bénéficie de ses privilèges de pouvoir accéder à des études supérieures. Ah oui,

  • Speaker #0

    ça ne fait pas la masse des citoyens.

  • Speaker #1

    Ça ne fait pas la masse des citoyens. Cette, comment dire,

  • Speaker #0

    mais la masse est suiveuse.

  • Speaker #1

    J'ai l'impression, et je crois que je vous avais entendu citer cela, et ça m'avait marqué, j'ai l'impression qu'on se lance toutes et tous dans peut-être une guerre ou une fausse guerre. On embarque pas mal de monde peut-être dans cette guerre. Ne serions-nous pas un peu comme le général Pyrrhus que vous citiez ? assez régulièrement. Je trouve cette analogie très importante. J'ai l'impression qu'on se dirige vers une mauvaise guerre. On embarque un peu tout le monde dans cette bataille, cette fausse bataille, pardonnez-moi, mais qui, en fin de compte, ne nous fera peut-être pas faire gagner cette guerre.

  • Speaker #0

    Je ne sais pas... Bon... Les gestes que je fais, je les fais parce que moi, je crois sincèrement qu'ils sont utiles et qu'ils peuvent avancer. Donc, je me trompe peut-être, mais je ne suis pas à même de vous dire pourquoi je me trompe, puisque je suis convaincu. Quand je dis que la masse est suiveuse, on est tous suiveurs. À un moment, quand plein de gens font quelque chose, on se met à le faire aussi. Et puis, des fois, après, on réalise que, ah ben, oui, finalement, ce n'est pas une bonne idée quand on analyse des choses. Donc, moi, je pense qu'il y a une masse critique à atteindre pour que le système bascule. et je ne pense pas que... qui est de mauvaise guerre. Parce que, quelque part, même si on va tous dans des directions qui sont éventuellement des directions élémentaires limitées, on pousse collectivement l'idée que non seulement le système actuel ne peut plus continuer, mais en plus les systèmes alternatifs peuvent fonctionner. Je suis moi souvent pris dans une guerre fratricide entre les gens qui font de l'agriculture non labourée, mais du coup, comme ils ne labourent plus. Ils désherbent plus, donc ils utilisent du glyphosate pour désherber. Et les gens qui font de l'agriculture bio, qui donc n'utilisent pas de produits toxiques, et moi j'achète des produits bio parce que c'est génial pour la santé, mais au moment de désherber sur des grandes surfaces, ils ne peuvent pas le faire à la main, ils ne peuvent pas mettre du mulch,

  • Speaker #1

    donc ils labourent.

  • Speaker #0

    Et c'est une guerre, ils se battent entre eux. C'est ridicule parce qu'ils font un pas dans la bonne direction et c'est deux pas qui ne me paraissent pas devoir être opposés. Et au contraire, peut-être demain il faut préparer. peut-être encore un peu de recherche à faire, même si sur des petites surfaces, on commence à y arriver très bien. On va voir le mélange de la somme des deux. Mais on a des combats. Cela dit, il faudrait que les combats arrêtent, mais n'empêche que ces deux façons-là de dire, attendez, il y a des gestes bizarres dans l'agriculture conventionnelle. Et ça commence à faire, ça fait cœur. Ça ferait plus cœur, effectivement, s'il n'y avait pas de conflit sur la solution à donner.

  • Speaker #1

    On commence, à votre avis, à avoir quelques convergences, essayer d'avoir du compromis. Là,

  • Speaker #0

    on en a dans les agricultures de petites surfaces, en maraîchage, il y a des agricultures biologiques de conservation, A, B, C, et ils ne s'en vendent pas d'ailleurs, parce qu'il n'y a pas de label. Les gens s'en foutent de ce qu'on fait dans les sols. Le citoyen, il s'en moque assez. Mais néanmoins, il y a effectivement des gens qui commencent à faire la synthèse. Certains même y arrivent en grande culture. Mais honnêtement, il y a encore un petit peu de verrou technique à lever. Mais moi, j'ai confiance. C'est un petit peu comme si vous me disiez, non, on ne pourra pas voler, on arrête la recherche au XVIe siècle. Bon, ok, c'est vrai que voler aujourd'hui, vous l'avez évoqué dans une de vos questions, ce n'est peut-être pas la meilleure idée du monde en termes de climat. Mais les verrous techniques sont faits pour être levés. Moi, j'ai confiance dans l'évolution culturelle. Par contre, je n'ai pas confiance dans l'évolution culturelle qu'on ne pilote pas. ou qu'on ne maîtrise pas. Et c'est une façon de ne pas la maîtriser que de dire « Non, on ne pourra jamais nourrir l'humanité autrement que comme ça. » Vous savez, c'est un petit peu énervant, parce que je vois aujourd'hui plein de pratiques, notamment en médecine, mais aussi en agriculture, où les produits qui nous servent à lutter contre les indésirables, je pense aux antibiotiques, on les utilise mal. Le bilan, c'est qu'on ne fait que sélectionner les résistances. Alors qu'on sait très bien et qu'on l'a prouvé qu'il y a une façon d'utiliser les produits pour détruire un organisme dont on ne veut pas. qui l'empêche de trouver la solution évolutive. C'est les trithérapies. Une trithérapie, vous mettez plusieurs drogues en même temps, le bilan c'est que les mutants qui résistent à une drogue, de toute façon ils sont tués par les autres, le mutant qui résiste à la fois à toutes les drogues, sa probabilité d'exister est tellement affine que ça ne se produit pas, le bilan c'est que les gens vivent avec une trithérapie sans que le virus n'arrive à y survivre. La trithérapie en agriculture, c'est des cultures mélangées, des haies, des paysages où un parasite ne peut pas s'adapter au paysage. C'est tout le contraire de ce qu'on lui offre quand on offre... une variété unique dans un champ, voire même deux champs contigus avec la même variété, ou deux variétés proches. En d'autres termes, il existe aujourd'hui des façons d'agir en utilisant, disons-le, le moyen lâché, les sciences de l'évolution comme des outils pour parer à l'évolution et au contournement de ce qui nous emmerde. Emmerder, hein, c'est 100 000 personnes par an qui ont des problèmes de bactéries existantes aux antibiotiques et 7 500 morts par an. Ça tue, quoi ! Et demain, on pourrait très bien appliquer les antibiotiques par paire ou par triplette. Et en plus, comme il n'y aurait pas de résistance, savez-vous quoi ? On pourrait en mettre moins. Donc la toxicité, ou bien d'un pesticide, ou bien d'un médicament que l'on prend pour lutter contre un virus ou une bactérie, serait amoindrie. Il faut quand même se réveiller un peu là, il y a des solutions. Mais simplement, nous on continue à remporter des victoires à l'apyrus parce qu'on n'a pas compris comment ça marchait. Ou plutôt, ceux qui ont compris comment ça marchait et qui font par exemple des sciences de l'évolution, eh bien, c'est des spécialistes dans leur coin, tout le monde y croit, oui, oui, personne ne voit que c'est un outil, voilà. De nouveau, la boîte à outils n'est pas ouverte. Et c'est ulcérant parce qu'il y a des morts derrière.

  • Speaker #1

    Justement, est-ce qu'il faudrait-il peut-être parler de certaines... être un peu plus rigoriste, avoir une certaine radicalité dans certaines de nos actions, justement, pour pousser à ces compréhensions, ces actions, voilà, justement, qui permettent...

  • Speaker #0

    Alors, je ne sais pas si vous voulez me parler d'extinction-rébellion ou... de scientifiques en rébellion ? Parce que c'est vrai que c'est peut-être une des questions qui était derrière votre question tout à l'heure de l'accélération.

  • Speaker #1

    De l'accélération, puis surtout que dans une ancienne interview, je crois que vous aviez affirmé que la violence était condamnée, mais les actions violentes payent.

  • Speaker #0

    C'est l'horreur ! Moi, je regarde l'histoire.

  • Speaker #1

    Pensez-vous que ces actions radicales sont devenues...

  • Speaker #0

    J'ai lu André Assis-Malheur, comment saboter un pipeline. Et je retire quand même de ce livre non pas l'envie d'une action violente, moi je suis non-violent. Mais ce que dit ce livre, et c'est pas forcément la conclusion que tire toujours André Assemal, mais bon, c'est qu'à un moment, les non-violents alternatifs commencent à être écoutés parce qu'il commence à y avoir des violences. C'est comme ça que les progrès sociaux ont été obtenus. quand se développaient des anarchismes. C'est comme ça que les suffragettes sont devenues violentes avant que les suffragettes modérées soient plus écoutées. Moi, je n'aime pas cette idée-là. Je n'aime pas la violence et je sais très bien que toutes les révolutions, on met longtemps à se faire. à s'en remettre. Regardez par exemple la révolution française, on a une queue d'instabilité institutionnelle qui fait des révolutions et des morts, je parle de vie humaine aussi là, jusqu'à la troisième république, qui d'ailleurs commence très très mal. Moi je suis un parisien de souche, par un côté de ma famille, par un côté de ma mère, on est voir le mur défédéré. Le mur défédéré c'est un siècle plus tard le produit de la révolution qui n'est pas stabilisé. Donc la violence elle tue sur le coup et elle tue après. Du coup moi je n'aime pas cette idée de rébellion trop violente. Mais en même temps à un moment je vois que quand on commence à passer à la vitesse supérieure, quand Alizé s'attache à un filet à Roland Garros, C'est pas violent, hein ? Pourquoi c'est encore doux, là ? Eh ben moi, je passe à la télé le soir pour parler un peu de l'éducation aux sciences du vivant et pourquoi finalement les solutions du vivant, elles ne sont pas acceptées par les citoyens. Je n'arrive pas à passer à la télé, moi, pour dire qu'il faudrait enseigner plus de sciences du vivant et de la Terre. Eh ben, Alizé fait une connerie. Elle ose interrompre un match de tennis. Et là, on commence à se dire, tiens, oui... Alors, on n'est pas encore dans la violence, mais la question, c'est jusqu'où hausser le ton ? Alors moi, je suis professeur du muséum, je ne m'en prends pas la dent, je ne hausse pas le ton. J'utilise quelques gros mots pour réveiller mon auditoire, mais je suis un garçon bien poli, pop sur lui. Mais des fois, je vois que 55 ans à vivre comme ça n'ont pas vraiment révolutionné le monde. Qui suis-je pour empêcher la violence ?

  • Speaker #1

    Donc ces générations futures, justement, comment on leur parle ?

  • Speaker #0

    Déjà on leur dit de faire des enfants, parce que le truc de ne pas faire des enfants parce que ça va mal vous passer, si ceux qui sont conscients qu'il y a un risque que ça se passe mal ne font pas des enfants qui portent leur valeur, alors on est dans la merde.

  • Speaker #1

    Ça c'est votre conseil clé pour les générations futures ?

  • Speaker #0

    On peut ne pas faire des enfants, c'est un choix personnel. Moi j'ai longtemps pensé que j'en aurais pas, puis j'en ai un maintenant. J'avoue, c'est trop bien quoi. C'est très égoïste, mais en même temps je pense que... Sans être dans le malthusianisme, si on n'entend pas de repopuler la planète à deux, on peut faire des enfants et les former de façon à ce qu'ils portent des valeurs qui soutiennent la planète, mais de là, vous avez bien compris, qui soutiennent la vie. vivabilité de la planète pour l'homme et donc qui soutiennent l'homme. Donc moi je pense que il ne faut pas faire de malthusianisme. La vraie question de toute façon aujourd'hui ce n'est pas la démographie. La démographie est un sur-accident. C'est le mode de vie d'une toute petite partie de la planète. Alors c'est vrai que la démographie est un sur-accident parce que le reste de la planète veut commencer à vivre pareil et il y a de plus en plus de gens qui veulent rejoindre la classe moyenne au sens de la consommation un peu supérieure au besoin, voire très supérieure au besoin. Mais la démographie n'est qu'un sur-accident. La vraie question c'est comment on vit. Et d'ailleurs, la résolution de la crise qui consiste à dire « une bonne épidémie, ça va calmer le problème » , c'est pas vrai. Parce que la démographie reprendra, et avec elle, si ceux qui ont survécu ne se sont pas calmés dans leurs habitudes de consommation, demain encore, le jour du dépassement tombera en été. C'est con d'ailleurs, parce qu'en été, les gens n'écoutent pas les informations, donc on ne peut pas en parler beaucoup, le jour du dépassement. Mais c'est ça le truc. Moi, la France des années 80, quand j'étais petit, je n'étais pas malheureux quand j'étais petit, j'avais beaucoup moins de mails d'ailleurs. La France des années 80, son jour du dépassement, c'était le 31 décembre. C'est cool ça ! Je rappelle, c'est le moment où on a utilisé la planète de façon renouvelable. Et puis après, on peut utiliser plus, mais on abîme la capacité à produire et on endommage l'avenir. Pas de la planète, de l'homme. Enfin, on dit de la planète pour faire simple. évite de penser à l'homme trop. Moi, je vois que l'homme dans la planète est dans le vivant, alors j'ai du mal à dire ça comme ça, mais en tout cas, cette sorte de jour du dépassement, il y a quand même des tas de populations sur Terre dont le jour du dépassement est l'année suivante. Et donc voilà, revenons là-dessus. Déjà, je leur dis, faites des enfants, mais vivez-les bien et faites-les en nombre raisonnable. Première chose. Deuxième chose, je leur dis, ne blâmez pas trop la génération précédente. Elle a fait des conneries assez sincèrement. Je ne parle pas de Monsanto. Je ne parle pas d'ExxonMobil qui, dans les années 70, a des modèles climatiques qui prédisent que ça va se passer alors que le PDG d'ExxonMobil en 2000 dit encore on n'a pas de preuves que le climat change. Bon, donc je ne parle pas de ces salauds-là. Moi, je parle des consommateurs qui l'ont fait sincèrement, mais en même temps, de leurs impôts, ils ont dressé cette fameuse boîte à outils, ces sciences du vivant et de l'environnement qui aujourd'hui vous permettent de choisir d'autres options. ne pleurerai pas, vous allez bientôt voir les limites de ces options-là, elles auront éventuellement des conséquences négatives aussi. Vous savez, c'est ce que dit Lévi-Strauss, ce qu'on appelle le progrès, c'est juste la résolution des problèmes posés par ce qu'on a appelé auparavant le progrès. Mais en même temps, vous avez des pistes et puis vous avez aussi un équipement intellectuel derrière ces disciplines qui vous permet d'observer ce qui se passe et de ne pas aller trop loin dans une direction qui s'avérerait un peu vermouille ou moisie. Mais revenons là-dessus, il y a de l'espoir aussi. Voilà ce que je leur dis, il y a de l'espoir. Parce que rien d'irrémédiable n'a été commis. Mais on en revient à votre question sur la vitesse. Cet espoir n'est pas promis pour toujours.

  • Speaker #1

    C'est une de nos doigts d'espoir. Oui,

  • Speaker #0

    il faut se retirer des doigts du cul, il faut y aller maintenant.

  • Speaker #1

    C'est cela.

  • Speaker #0

    On est parti.

  • Speaker #1

    Donc cette fatalité qui pour vous, qui n'est pas inévitable. On a aujourd'hui encore pas mal de possibilités d'éviter le pire à travers ces actions concrètes, entre celles des valeurs et celles des enfants. Cette dégradation écologique et cet effondrement qui est en cours, lorsque vous en parlez, de cet effondrement de la société, est-ce que vous pensez que c'est... Une fatalité inévitable ou qu'il y a encore des possibilités d'éviter le pire à travers des actions concrètes sur les sols, sur les écosystèmes ?

  • Speaker #0

    Je pense qu'aujourd'hui, je l'ai un petit peu dit d'ailleurs, je pense qu'aujourd'hui c'est encore assez évitable. Mais ça n'est pas nécessairement évitable, c'est ça le truc. Je parle dans mon dernier livre de ma version du paradoxe de Fermi. Et j'ai découvert depuis qu'en fait, je n'étais pas le seul à avoir pensé à ça. Comme toujours, on croit découvrir des choses merveilleuses. En fait, elles sont si merveilleuses que d'autres y ont pensé. Paradoxe de Fermi, c'est pourquoi sommes-nous seuls dans l'univers ? Pourquoi on n'entend pas les autres civilisations ? Alors, il y a les histoires, qu'elles ne sont pas faites pareilles, qu'elles se cachent pour ne pas être emmerdées, que peut-être que la vie n'apparaît pas si souvent. Alors là, on sait maintenant qu'il y a des milliers d'exoplanètes et on se dit quand même que des formes de chimie structurées ne soient pas apparues et pas commencer à émettre des ondes, c'est bizarre. Ça, c'est intrinsèque. On a aussi cette idée qu'éventuellement, elles évoluent, ces civilisations, vers des conflits intrinsèques et qu'elles se détruisent. Ça, c'est ce qui a été inspiré par l'époque où on avait la guerre froide et cette menace de destruction nucléaire qui pesait sur la planète. D'ailleurs, je ne suis pas sûr qu'elles soient complètement exclues, mais c'est vrai qu'elles hantent moins les inquiétudes collectives. Moi, je propose autre chose. C'est que l'actualisation culturelle met en place plein de façons de vivre, plein de molécules nouvelles, plein de pratiques nouvelles. qui ne sont pas tout à fait compatibles avec nos vies. Et nous, on a du mal à s'adapter. De tout temps, l'évolution culturelle a généré de l'adaptation biologique. Si aujourd'hui, la plupart d'entre nous digèrent le lait à l'âge adulte, ce qui n'est pas le cas de la plupart des mammifères, enfin, de tous les mammifères, c'est qu'en fait, à force d'avoir des vaches et de l'étreire pour soit nourrir des nourrissons qui digèrent le lait, soit faire du fromage ou de lactose, qui est indigeste pour les adultes et détruit, à force d'avoir des âges du lait qui traînent dans notre environnement, on a sélectionné ceux qui étaient capables de digérer le lait à l'âge adulte. Et on voit très bien, on peut très bien extraire de l'ADN des os, qu'à partir du moment de la domestication des vaches en Europe, mais aussi dans d'autres régions en Afrique, où on a domestiqué des vaches et commencé à faire du lait, on a une augmentation en fréquence des individus capables de digérer du lait à l'âge adulte. C'est un trait culturel, avoir des vaches, les élever et les traire. Et ce trait culturel a sélectionné de la biologie. Mais là, on est en train de mettre en face de nous des tas de nouvelles molécules, des rythmes de vie différents. Regardez le burn-out, regardez votre boîte mail. Moi, la mienne, il y a 200 mails par jour. Pour moi, c'est un exercice quotidien qui prend 4 heures, qui nous résout ce problème. Il y en a, ils font banqueroute de mails. Donc, on est sur des rythmes et des environnements, notamment chimiques, mais il n'y a pas que l'environnement chimique, mais parlons de ça, qui sont créés par notre culture, qui ne sont pas forcément compatibles avec notre vie. Donc, le risque, c'est que la vitesse à laquelle l'évolution culturelle change les règles du jeu ne puisse pas être suivie par l'évolution biologique et qu'à la fin, nul d'entre nous ne soit adapté au monde que nous avons créé. y compris d'ailleurs au monde inorganique, au monde externe que nous aurons créé, je pense à la température, je pense à la chimie, je pense à la montée des eaux, je pense à plein de choses, et puis à la baisse de la quantité d'alimentation, et que finalement l'humanité disparaît, je ne crois pas, mais soit réduite à une poignée de types en rayon qui traînent en s'entretuant et avec la triste mémoire de l'époque de leur gloire. Bon, alors, donc le paradoxe de Fermi, c'est peut-être que quand... apparaît l'évolution culturelle, elle procède à une telle vitesse et de façon crescendo que l'évolution biologique ne peut pas suivre. C'est pour moi pas une fatalité, c'est un risque, une possibilité que nous devons avoir en tête. Et puis on s'en sort parce qu'en fait, si on réalise bien aussi ce qui se cache derrière cette histoire, c'est que l'évolution culturelle tout comme l'évolution biologique, dans mon dernier livre j'essaie vraiment de montrer que c'est la même chose, je ne suis pas le seul à avoir... Calvary Sforza et d'autres. Un auteur qui a écrit La symphonie inachevée de Darwin, j'ai oublié son nom, vous me pardonnerez, parle déjà de ça. L'évolution culturelle est une forme d'évolution biologique, mais elles ont en commun, notamment, d'être des générateurs perpétuels de nouveautés. Comment ne pas croire à l'avenir quand tout, pratiquement, est permis ? Vous prenez un pauvre chou imbouffable qui fait des rosettes de feuilles débiles et immachables et immangeables, et des pauvres petites... tiges avec des fleurs jaunes. Au bout de quelques temps, vous avez le chou fleur, vous avez le romanesco qui n'est pas du tout la même chose, vous avez le brocoli, vous avez le chou paumé, vous avez le chou rave, vous avez le chou d'ornement, vous avez le chou de Bruxelles. Non, mais en réalité, et ça, c'est une évolution biologique, mais c'est aussi une évolution culturelle, quelque part. C'est nous qui les avons faits de nos cultures, au sens de la culture intellectuelle, pas de la culture agricole, mais via la culture agricole quand même. Eh bien, moi, je pense qu'il faut croire dans le vivant. Et d'ailleurs, moi, je dis souvent que je crois en l'homme et que c'est une façon, parce que l'homme et le vivant, c'est la même chose. Et l'homme est tellement lié au vivant qu'il n'y a pas de vivant sans homme et pas d'homme sans vivant. Je crois... Aussi en l'homme et mon humanisme est aussi une façon de croire à cette capacité générative perpétuelle où tout est permis.

  • Speaker #1

    Vous pensez qu'on manque d'agriculteurs ? Vous pensez qu'il faut que l'humain redescende sur Terre ?

  • Speaker #0

    Oui, on manque aussi de médecins, on manque aussi de... Je veux dire par là, on manque de gens qui sont à l'interface avec les autres vivants, qui font l'interface entre la société et les autres vivants, parce que cette interface, elle a de toute façon existé. C'est ce qui pousse des gens comme Descola à dire qu'il n'y a pas de différence entre la... nature et la société, mais en réalité on peut dire qu'il y a un champ que nous isolons et qui ne gère pas bien, ce qu'on appelle la société, et qui ne gère pas bien ses liens au reste du vivant. Et les gens qui sont interfacés avec ça, aujourd'hui il faut leur redonner les outils sciences de l'évolution, sciences de l'écologie, tous ces outils conceptuels qui leur permettront d'exercer leur métier un petit peu mieux. Et on manque de gens effectivement dont le coeur de métier absorbe le vivant. Mais vous savez, quand vous gérez une cantine, D'une certaine façon, vous gérez les écosystèmes agricoles où vous achetez les choses, puisque vous, par votre achat, vous faites, vous justifiez les actions qui s'y passent, vous faites par procuration ce qui s'y passe, et vous êtes en train de nourrir les microbiotes des gens, donc les écosystèmes microbiens internes des gens qui sont en face. Assurez-vous d'y mettre assez de fibres et des fibres variées, 5 feuilles de légumes par jour, de 20 à 25 espèces de plantes différentes, céréales comprises, voilà la recette pour entretenir bien les microbes de son tube digestif. Qui fait ça ? Notamment dans les formations de diététique ou de cuisine. Pas grand monde. Donc on a plein de métiers aujourd'hui qui, sans le savoir, sont en fait aux avant-postes de la société devant la nature. Et il faut les réarmer. Et moi, je pense que l'évolution biologique et nos évolutions culturelles peuvent demain tout. Moi, je suis fondamentalement humaniste, c'est-à-dire positif. C'est vrai qu'il y a un certain nombre de gens... Keith Hofstein a essayé de me montrer que j'ai tort, mais vous savez, j'ai mes élèves, j'ai mes étudiants, j'ai mon fils et ses petits amis, et je ne peux pas m'empêcher de croire en l'homme quand je les vois.

  • Speaker #1

    Merci Marc-André Sélos. Merci. Vous êtes venu nous voir. Excellente fin de journée.

  • Speaker #0

    Merci. A vous aussi, et puis bon avenir aussi. C'est ce dont on parlait, non ?

  • Speaker #1

    Tout à fait. Merci à vous.

  • Speaker #2

    Vous venez d'écouter le podcast de l'association Adrastia, le podcast qui fait le bilan sur les risques globaux et les perspectives, afin de faire face tous ensemble. Retrouvez toutes les actualités du podcast et de l'association sur le site internet adrastia.org et sur l'ensemble des réseaux sociaux. L'heure du bilan, faire face. 60 minutes pour apprendre à nous adapter au monde tel qu'il est, non tel que nous croyons le maîtriser.

Description

Enregistré en septembre 2024, cet entretien avec le biologiste Marc-André Selosse résonne étrangement avec l’actualité brûlante de ce mois de juin 2025 : chute des revenus agricoles, pollution au cadmium, loi Duplomb, effondrement de la biodiversité.

Marc-André Selosse nous parle de ce que nous refusons de voir : le sol.
Cet écosystème vivant, complexe, nourricier, est aujourd’hui meurtri — compacté, empoisonné, stérilisé.
Et pourtant, c’est de là que pourrait renaître un futur.

Dans cet échange, il nous invite à écouter ce que la terre raconte de nos excès, de notre oubli du vivant et de notre obstination à bâtir sur du vide.
Ni optimisme naïf ni simple fatalisme, il invite à affronter la réalité brute — et à reconnaître ce qui pourrait survivre.
On y parle de mycorhizes, d’agriculture régénérative, de lien intergénérationnel, et de la nécessité d’un changement d’imaginaires.

Un épisode à écouter lentement, profondément.
Pour cesser de croire que la surface suffit.


Épisode animé par Bastien Roulot.


Pour en savoir plus sur Marc-André SELOSSE : 

Découvrez notamment ses livres : 

Et bien sûr, nous vous invitons à suivre et soutenir les actions de Fédération Biogée : https://www.biogee.org/index.php/a-propos-de/ 


Rejoignez et adhérez à l'association Adrastia :

https://www.adrastia.org/adherer-a-adrastia-fr134.html


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour à toutes et à tous et bienvenue sur le podcast de l'association Adrastia, l'heure du bilan, faire face. Nous sommes ravis que vous nous écoutiez. Nous allons parcourir ensemble les nouvelles pistes d'adaptation face aux altérations profondes et durables du milieu terrestre qui fragilisent tant nos sociétés que le vivant dans son ensemble. En 2024, la concentration en CO2 dans l'atmosphère continue d'augmenter. Les records de température, détendu des feux de forêt, de durée de sécheresse et de gravité des inondations tombent les uns après les autres. Les désordres écologiques, politiques et sociaux actuels ne sont pas des crises passagères, mais peut-être les premiers symptômes d'effondrement des sociétés industrielles mondialisées. Il est temps de faire le bilan de notre gestion collective des risques globaux et systémiques, parce que si sans maîtrise nous filons droit vers l'abîme, l'illusion de contrôle nous y précipiterait plus vite encore. Dans ce podcast, nous donnerons la parole au lanceur d'alerte aux scientifiques, aux acteurs de terrain, aux transitionneurs et aux penseurs de l'avenir écologique. L'heure du bilan nous confronte à la réalité à venir, la nécessité de l'adaptation, parfois radicale, au regard du risque d'échec ou d'insuffisance de la ténuation. Adrasia est une association de citoyens et de citoyennes qui informe et alerte depuis 2014 sur le risque d'effondrement de nos sociétés, dans le but d'éviter une dégradation trop importante ou brutale de leur structure vitale. et de préserver les meilleures conditions de vie possibles pour le plus grand nombre. Le podcast de l'association Adrasia est une production collective. L'intervieweur ou l'intervieweuse pourra être différent à chaque épisode. Ne vous en mettez pas. Les interviews sont disponibles sur les plateformes habituelles de diffusion. N'oubliez pas de vous abonner. Vous retrouverez également une page Internet dédiée au podcast sur le site internet adrasia.org. Dans l'heure du bilan Fairface, nous explorons pendant 60 minutes comment apprendre à nous adapter au monde tel qu'il est, non tel que nous voyons le maîtriser. Et maintenant, place à l'épisode. Bonne écoute !

  • Speaker #1

    Bonjour à tous et bienvenue dans cet épisode de l'heure du bilan, faire face. Aujourd'hui, nous vous avons le plaisir d'accueillir Marc-André Solos, biologiste et spécialiste des sols. Il est également professeur au Muséum d'histoire naturelle de Paris. Son travail a permis de mieux comprendre les interactions entre plantes et champignons et surtout l'importance vitale des sols pour les écosystèmes. En plus de ses recherches, il est un véritable passeur de savoir, toujours engagé pour rendre ses sujets accessibles à toutes et à tous. Marc-André Sélos, bonsoir.

  • Speaker #2

    Bonsoir.

  • Speaker #1

    Merci d'être avec nous. Vous avez déclaré un jour

  • Speaker #2

    « Le sol,

  • Speaker #1

    c'est le placenta de l'humanité » . Une phrase qui résume bien l'importance centrale du sol dans le maintien de la vie de la Terre. Pourtant, nos imaginaires collectifs semblent souvent tronquer, voire déconnecter cette réalité. Comment alors... Voyez-vous, et pouvons-nous réinventer nos visions du monde pour reconnaître et partager et protéger ce qui nous nourrit, nous soutient, mais que nous négligeons si souvent ?

  • Speaker #2

    Alors c'est vrai que beaucoup de nos représentations sont en fait coupées de la réalité. Et c'est bien problématique parce que c'est ça qui génère des crises sanitaires et environnementales. En l'occurrence, la vision que l'on peut avoir du sol, c'est celle d'un lien intime. profondément intime, qui justifie tout à fait de dire que c'est le placenta de l'immunité parce que c'est de là que vient la nourriture. Réfléchissez un peu et demandez-vous d'où vient votre phosphate, d'où vient votre potassium, d'où vient votre calcium, votre fer, vos oligo-éléments, tout ça. Un jour ou l'autre, c'était dans le sol, arraché à des pierres par des microbes, ou peut-être aussi dissous à partir de pierres, mais peut-être aussi arraché à partir de matière organique qui a été digérée par des microbes ou des choses comme ça. tout ça vient de choses qui traînaient dans le sol. Ces éléments qui vous composent maintenant ont été libérés, sont passés dans des plantes. Peut-être d'ailleurs de ces plantes sont-ils passés dans des animaux, mais le résultat c'est que finalement ils sont arrivés en vous, ils sont vous. Et même cette énergie vitale qui vous permet soit de m'écouter, soit de me poser des questions et qui me permet à moi de parler, quelque part elle n'est pas construite sans des organismes qui ont les racines dans le sol. En fait, c'est vraiment ce qui nous nourrit et bien plus que ce qui nous nourrit, c'est ce qui nous constitue. Et ne pas concevoir ça, c'est avoir une représentation, un imaginaire pourri, merdique, qui conduit par exemple à accepter qu'aujourd'hui les engrais minéraux contiennent du cadmium. Parce que c'est un contaminant du phosphate minier et le cadmium rentre lui aussi dans les aliments, ce qui va devenir vos aliments, dans des plantes et dans les animaux qui mangent ces plantes. Les français mangent 1,4 fois la dose de cadmium maximale recommandée par l'OMS. La moitié d'entre nous sont contaminés. Ça fait 30% probablement des cas d'ostéoporose parce que ça s'oppose à l'ossification. Ça fait plus 3% de cancer du pancréas par an en France. Ça fait des ennuis rénaux hépatiques. En fait, maintenant, il faut retourner la chaussette. Le sol, c'est nous. Bon, donc si on fout n'importe quoi dans le sol, bah non, il nous arrive n'importe quoi. Et retourner la chaussette, c'est se dire qu'en prenant soin des sols, c'est de l'homme qu'on prend soin. Et là, on commence à voir qu'il n'y a pas de différence entre l'humanité et la nature.

  • Speaker #1

    Merci pour cette introduction. Cela permet aussi d'avoir une définition préalable, un vocabulaire à peu près commun pour cet entretien. Pouvez-vous un peu nous rappeler, brièvement, pour comprendre un peu la complexité des sols en tant qu'écosystème, ce qu'ils recouvrent en termes de mycorhizes, quelque chose que vous employez très souvent dans vos différentes interventions, et en quoi cet élément est essentiel pour comprendre la santé des sols et des écosystèmes en général ?

  • Speaker #2

    Cet hélénisme, puisque mycorhizes c'est grec, c'est trahi un petit peu le naturel chez moi, parce que c'est là-dessus que travaillent mes équipes de recherche, autant à Paris. À Gdansk, en Pologne, on travaille sur ces associations entre des champignons du sol et les racines des plantes, qui pour 9-10e des plantes sont à la fois absolument incontournables pour leur capacité à se nourrir, car en réalité ce n'est pas elles mais ces champignons qui prénèvent de l'eau et des sels minéraux dans les sols, mais qui est aussi pour ces plantes-là quelque chose qui est très important dans leur santé parce que ces champignons-là limitent l'arrivée des maladies, ils n'évitent pas de... toutes les maladies venues du sol, mais il protège la racine contre des maladies. Évidemment, ce n'est pas gratuit. Ces champignons-là, dans la racine, prélèvent du sucre provenu de la photosynthèse et c'est donc un échange à bénéfice réciproque. C'est ce qu'on appelle du mutualisme. C'est un échange à bénéfice réciproque qui structure cette interaction. Et donc, les racines que vous voyez sont très souvent pleines de champignons. Ce ne sont donc pas exactement des racines, mais des mélanges de champignons, myco, et de racines, risa, d'où ce nom de mycorhize qu'on utilise techniquement. En réalité, Non seulement la fertilité du sol vient de la vie, qui a, je le disais à l'instant, arraché des minéraux aux roches, qui a également décomposé et recyclé les composants de la matière organique morte, qui d'ailleurs est aussi capable, cette vie du sol, de transformer, figurez-vous, l'azote atmosphérique en protéines. Et quand ça se dégrade, ça donne de l'azote utilisable par les autres organismes du sol, dont les racines des plantes. Donc non seulement les microbes, c'est eux qui font la fertilité, mais en plus, c'est des champignons, donc certains microbes. qui achemine cette fertilité vers les racines. C'est important parce qu'on ne le savait pas ou on avait négligé de comprendre l'importance. Mais ces mycorhizes, aujourd'hui, c'est elles qu'il nous faut entretenir. Et quand on laboure, on déchire les filaments de champignons. Quand on met certains pesticides, comme le glyphosate, on tue ces champignons. Quand on met des engrais minéraux, on conduit la plante à congédier ces champignons puisque la plante trouve suffisance d'azote et de phosphate ou de potassium dans le sol. Elle n'a plus besoin de payer les champignons. mais... on perd l'effet phytosanitaire, on perd l'effet protecteur. Aujourd'hui, on s'aperçoit qu'on aurait peut-être des auxiliaires à retrouver dans un fonctionnement des sols un peu plus intact, en tout cas un peu plus compatible avec la façon dont les plantes, depuis qu'elles sont plantes, parce que ça, ça dure depuis qu'il y a des plantes sur Terre, ça a 400 millions d'années, les fossiles nous le disent. Il faut qu'on retrouve ce qui, de tout temps, et avant même que l'homme mette une charrue ou des produits dans le sol, a construit la fertilité des plantes. et aussi leur alimentation.

  • Speaker #1

    Merci. Je vois comme une sorte de lien entre ce que vous venez de décrire sur les mycorhies, sur ces interactions, sur une notion de labour que peut-être nous reviendrons tout à l'heure, au niveau des impacts que ces activités puissent avoir sur la qualité des sols. Aujourd'hui, nous avons une sorte d'aggravation de la dégradation de nos sols. Quel regard portez-vous sur l'évolution de... de la santé des sols au cours des dernières décennies. Et vous constatez peut-être, voyez-vous, une aggravation en lien avec les pratiques agricoles actuelles et une certaine urbanisation croissante ? Est-ce qu'il y a des liens forts ?

  • Speaker #2

    Alors, il y a plusieurs problèmes qui se posent à nos sols. Effectivement, l'urbanisation ou la mise en place de plateformes logistiques, de zones industrielles, de zones pavillonnaires. artificialise les sols à un rythme assez inquiétant puisqu'en 50 ans, depuis les années 70, c'est 10% de la surface agricole utile qui a disparu. Et c'est tous les ans l'équivalent de la surface nourrissant pendant un an la ville du Havre qui disparaît. On dit 5 terrains de foot par heure, jour et nuit. Donc ça c'est complètement découplé de la démographie, c'est juste notre façon d'utiliser l'environnement qui est plus gourmand en espace et c'est dommage parce que le changement climatique ne nous assure pas que la production reste ce qu'elle est à l'hectare et on va avoir besoin d'hectares. Par ailleurs il y a les zones qui restent agricoles et là notre interventionnisme s'est exacerbé, on laboure plus profond, on laboure plus souvent parce que l'essence n'est pas chère, parce qu'on a mécanisé l'agriculture à outrance et on met à la fois... Ces engrais que je pointais du doigt comme étant par exemple des choses qui disruptent le lien entre ces champignons du sol et les racines des plantes, mais des engrais qui finissent aussi par passer dans l'eau et qui provoquent des proliférations d'algues qui ne sont pas toujours désirables pour les riverains. Parce que quand ça se décompose, ça émet du H2S et ça, ce n'est pas très bon pour la santé. Des pesticides aussi, le glyphosate par exemple, qui n'est pas très bon pour les champignons qui font des mycorhizes, qui n'est pas très bon pour les vers de terre, bref, qui est relativement incompatible avec la vie. Dans les sols, labours, engrais minéraux, pesticides, tout ça, ça fait un cocktail, ben, pesticides, c'est-à-dire tueurs, qui d'ailleurs n'est pas très bon pour l'homme non plus. On en retrouve dans les eaux, oui, parce que les eaux sont reçues par les sols, et quand les sols sont chargés de polluants, ils n'opèrent plus leur fonction de filtration, bien au contraire, ils cèdent une toute petite partie, mais une partie non négligeable quand même, de leurs polluants à l'eau qui passe dedans. Ça affecte jusque d'ailleurs à... à la composition de l'air. On se rend compte aujourd'hui que comme l'air circule entre le sol et l'atmosphère, l'air que nous respirons peut être pollué par les pesticides, y compris des pesticides interdits depuis une vingtaine d'années. Le lindane interdit depuis le 98, les PCB interdits depuis le 87. Ça affecte même la composition de l'air. Bref, ces pesticides ne sont pas très bons pour nous non plus. Parce qu'en fait, les sols, c'est nous. On y revient. Et c'est ce qu'on boit, c'est ce qu'on mange, c'est ce qu'on respire. Donc là, ça commence à faire beaucoup et il faut un peu réagir. Je pense que les gens qui ont mis en place cette agriculture... ne l'ont pas fait de mauvaise foi. Et ils ont d'ailleurs, ponctuellement, parce qu'à long terme ça se passe mal, mais à court terme, ils ont résolu le problème de la quantité. Tout en posant le problème de la qualité que nous percevons maintenant et pour lesquelles l'agroécologie nous fournit des pistes pour utiliser plus le vivant et moins les béquilles que sont ses intrants, pesticides, engrais minéraux ou les gestes techniques comme le labour. Aujourd'hui on a des alternatives à ça, on a des agricultures non labourées, on a des agricultures avec très peu de... ou pas de pesticides, c'est le bio par exemple, on a des alternatives et c'est leur développement qui tarde parce que nous qui achetons, nous collectivement, citoyens qui achetons, nous ne réalisons pas que ce que nous achetons a un sens pour l'avenir, a un sens pour notre santé. Quand on ne réalise pas ce sens, on achète n'importe quoi. Enfin, la part du bio, c'est 10% du marché, c'est une autre façon de dire qu'on achète n'importe quoi.

  • Speaker #1

    Ça reste, vous avez raison, des devis d'action sous-exploités. Justement, vous avez mentionné un peu ces pratiques agricoles comme le non-labour ou les couverts végétaux dans des pratiques différentes de l'agriculture conventionnelle. Pourquoi, selon vous, ces approches restent-elles sous-utilisées ? Alors qu'elles pourraient être des leviers importants pour restaurer les sols et limiter, en partant, le changement climatique ?

  • Speaker #2

    Ce n'est pas du tout un problème technique. Aujourd'hui, on a par exemple le marchinisme agricole qui va avec des sols non-labourés dans lesquels il faut des semoirs particuliers pour enterrer les graines. Aujourd'hui, on a un bon recul sur le bio, pour avoir des itinéraires techniques, et on commence même à avoir des variétés. Alors ça, c'est encore pas parfait. Des variétés adaptées à ce genre d'agriculture, il y a encore beaucoup à faire pour obtenir un plein rendement de ces méthodes agricoles. Parce qu'on travaille avec les variétés sélectionnées pour l'agriculture conventionnelle. Et faire de l'agriculture non labourée ou faire du bio avec les variétés de l'agriculture conventionnelle, c'est un peu danser le lac des signes en botte. C'est pas optimal. Mais néanmoins, ça marche déjà. Et notamment, l'agriculture dont on a bourré, elle permet de reconstituer les stocks de matière organique des sols, de protéger la vie des sols. Et donc, cette vie fait plus de porosité, donc elle permet de retenir plus d'eau et elle présente des intérêts marqués dans les étés secs qu'on a vécu ces dernières années en termes de réserve d'eau. Donc, il n'y a pas de problème technique, contrairement à ce qu'on dit. Et même, on sait que dans certaines pratiques, je pense par exemple au mélange de... céréales et de légumineuses dans le même champ où on produit sur un hectare ce qu'on produirait si on séparait les deux cultures en 0,6 hectares pour les légumineuses donc des pois, des pois chiches, des fèves et 0,8 hectares pour les céréales soit 1,4 hectares si on les sépare. Bon ce genre de pratique de mélange à la fois limite la propagation des maladies et en même temps augmente le rendement puisque en un hectare vous produisez ce que si vous séparer ces cultures, vous produisez sur 1,4 hectare. Donc il n'y a pas photo, il n'y a pas de problème technique, et contrairement à ce qu'on dit, le problème n'est pas de donner à l'humanité. Il est que l'humanité veuille bouffer de cette nourriture-là. Et le problème, en fait, il est celui de susciter un enthousiasme sociétal pour ces alternatives, des gestes de consommation, des votes qui aillent vers des politiques dont le programme est d'aider à la transition, parce qu'on l'a dit, il faut changer de semoire si on ne la bourre plus. Quand vous faites une conversion vers le bio, ça prend un certain temps, ça demande de l'aide. Nous, on ne met en fait en France que 60 millions d'euros par an sur la table pour la conversion en bio. C'est dérisoire. C'est très loin du milliard qu'on met sur la table quand on doit tuer tous les canards parce qu'il y a un problème sanitaire. Donc, en d'autres termes, le problème, le facteur limitant, c'est l'envie sociétale. Et c'est vraiment l'envie des citoyens et des consommateurs. Parce qu'on peut dire, oui, les politiques... Non, dans notre pays, les politiques font ce qu'on leur dit de faire. Ils ont une offre à la hauteur de ce qu'ils... pensent que les citoyens attendent. Et je crois qu'ils l'estiment assez bien. Aujourd'hui, c'est une volonté citoyenne de transition qui est le facteur limitant. Ce n'est plus un problème technique. Je suis désolé de dire que moi, je représente une corporation, celle des scientifiques, qui a fait tout ce qu'il fallait faire. Alors, je ne dis pas qu'il n'y a pas encore besoin de recherches appliquées dans certains bassins de production ou pour certaines cultures pour arriver à imaginer une autre agriculture. Mais l'agroécologie, aujourd'hui, il y a beaucoup de choses, beaucoup de belles au bois dormant qui attendent juste que la société les réveille.

  • Speaker #1

    Bien sûr, si ce n'est que vous soulevez beaucoup de paradoxes entre le fait que ce ne soit pas une problématique technique, qu'il y ait des solutions, qu'il y ait une envie d'une massification de la population à bien manger, à se nourrir, à faire un lien sur la santé. Comment aujourd'hui vous interprétez le fait que nous ayons des records de température, que nous continuons Une grande partie de la population a accentué notre empreinte écologique à travers des comportements comme l'augmentation des vols en avion, comme évidemment d'aller consommer de la nourriture transformée, sachant que cette information est disponible sur la plupart des médias. Comment peut-on aujourd'hui expliquer cette dissonance pour essayer de trouver les leviers permettant aux gens de bifurquer vers... vers des usages et des consommations beaucoup plus saines, beaucoup plus valorisantes. Avez-vous des pistes à nous proposer ?

  • Speaker #2

    Déjà, j'ai un nom pour ce diagnostic, c'est ce que j'appelle, c'est ce qu'on appelle classiquement l'acrasie, qui est le fait de se diriger à l'opposé de ce que le bon sens et les données disponibles suggèrent. Et la question, c'est pourquoi on fait ça ? Pourquoi sommes-nous acrasieux ? Alors, il y a une première réponse qui est de dire que les gens sont cons. Moi, je ne peux pas entendre ça. D'abord parce que quand je fais des conférences, quand j'encontre le public, je vois que les gens ne sont pas cons. Et en une heure d'exposé puis de questions, je me rappelle qu'on va très très loin. Il y a de réelles curiosités. Les gens ne sont pas cons. Ça, c'est faux. D'ailleurs peut-être par rapport aux sciences et notamment aux sciences du vivant, les enseignants ont-ils fait une erreur ? Avons-le, j'en suis, je crois beaucoup en l'enseignement, on va le voir dans la suite de ma réponse. Et je suis enseignant, donc on a peut-être fait une erreur en inspirant de la... terreur ou de l'inquiétude ou de l'humilité vis-à-vis de la science, alors que n'importe qui est capable de comprendre la science, n'importe qui n'est peut-être pas capable de l'expliquer. C'est peut-être ça le problème. Donc non, les gens ne sont pas cons, ce n'est pas ça le problème. Il y a des cons, bien sûr, mais j'en connais moins qu'aux gens qui sont capables d'aller beaucoup plus loin qu'ils ne l'imaginent. En tout cas, j'en rencontre beaucoup moins qu'aux gens qui sont capables d'aller beaucoup plus loin qu'ils ne l'imaginent. Non, non, le vrai problème, c'est comment sommes-nous fabriqués ? Par exemple, on n'a pas peur du chimique. Ben oui, on a tous des poils antéphales alors qu'on sait très bien que les PFA sont des choses extrêmement dangereuses pour la santé publique. Le coût en santé publique par rang de ces, les PFAS comme on les appelle, cet anglicisme merdique, disons les fluoroalkylés pour dire ce qu'ils sont, ces polluants éternels donc qui ne se dégradent pas et qui viennent à la fois de nos industries mais aussi des objets qui nous entourent, on sait que leur coût... En santé publique, il est estimé entre 50 et 90 milliards d'euros par an à terme. Et ils sont super dangereux, mais vous avez jeté votre poêle téfale, vous ?

  • Speaker #1

    Pour ma part, oui.

  • Speaker #2

    Bon, c'est bien. Vous voyez que les gens ne sont pas cons. Mais il y en a quand même qui, sans être cons, ne l'ont toujours pas jeté. Et on n'a pas peur du chimique, par contre. On a un peu peur du biologique, quoi. Notamment quand un aliment tombe par terre, on se dit « Oh là là, et quelles bactéries l'ont... » Alors en fait, le vrai problème... Quand un aliment tombe par terre, surtout s'il est un peu gras, c'est qu'est-ce qu'il est en train de solubiliser, de prendre en charge des produits chimiques qui ont servi à nettoyer, à donner un parfum aux produits nettoyants, à lui donner une couleur ou à tout ce qui s'est déposé sur ce sol. Le risque, il est chimique quand un aliment tombe par terre. Et nous, on y voit un risque biologique. Alors, pourquoi est-ce qu'on ne comprend pas certaines choses ? Moi, je pense qu'on comprend comment on est fait, comment on est formé. Et je pense que, je défends ça en tant que président de la fédération Bioge, B-I-O-G-E. Mais eux, il y a un site internet qui peut vous montrer ce qu'on fait, parce qu'on essaie de remettre de l'information positive et des explications qui permettent de trouver les issues de secours dans les mains des citoyens. Nous pensons à Biogé et nous essayons de nous battre pour remédier à cela, qu'il n'y a pas assez de formation aux sciences du vivant et de l'environnement. Et qu'en plus cette formation n'est pas assez interdisciplinaire parce que ces objets n'appartiennent pas qu'à la biologie. Entendons-nous, le climat ce n'est pas qu'un objet de la biologie, la sexualité ce n'est pas qu'un objet de la biologie, mais comme on n'a qu'une heure par semaine dans le secondaire et rien dans le primaire parce que ce n'est pas au programme, alors il y a des profs des écoles qui font des efforts, mais c'est individuel et ponctuel. Il y a des associations qui les aident, mais ce n'est pas dans les programmes. Comme il y a une pauvre heure qui traînasse, comme ça, dans le collège et dans le lycée, pour la sexualité, l'alimentation, la santé, l'environnement... En fait, on n'est pas à même de saisir les enjeux, on n'est pas à même de comprendre les choses. Ça explique que les gens deviennent anti-vax ou pro-vax. Ça me fait un peu sourire parce que les anti-vax disent « les vaccins tuent » et les pro-vax disent « les vaccins tuent pas » . En fait, la vérité est entre les deux. Le juste, le truc, c'est que les vaccins tuent moins que la maladie. Et on est dans une guerre de tranchées. Non, ça ne tue pas. Ben si, ça tue. Et en fait, on n'est pas préparé à la subtilité du vivant. Peut-être qu'on fait trop de maths, d'ailleurs. X égale 1, c'est vrai ou faux ? Faut-il se vacciner ou non ? Ce n'est pas vrai ou faux ? C'est probablement vrai ou probablement faux. mais vous voyez, le truc c'est qu'on est dans un monde complexe où rien n'est vrai ou faux c'est le monde vivant qu'on ne connaît pas assez bien pour pouvoir tout prédire, tout comprendre, mais il y a quand même des pistes, des pistes pour s'orienter dans le flou. Et c'est peut-être dans la formation, ce qui manque le plus, cette appréhension de vivant pour arriver quand même à utiliser un peu de science et de bon science pour s'orienter au mieux, c'est-à-dire dans la bonne direction, et donc ne pas faire d'acrasie.

  • Speaker #1

    Vous pointez du doigt une chose, qui est la partie éducation, la prévention.

  • Speaker #2

    Mais qu'est-ce qu'un professeur peut faire de plus ?

  • Speaker #1

    de pouvoir actionner des leviers au travers peut-être nos collégiens, nos lycéens, réinstaurer les sciences des vies de la Terre de façon plus importante.

  • Speaker #2

    Et interdisciplinaire. Et interdisciplinaire. Ce n'est pas que la lutte pour des heures, pour la bio.

  • Speaker #1

    La question c'est pourquoi ces politiques publiques Peinent à toucher un large public Et permettent à un moment donné D'avoir une prise de conscience Et une modification Je dirais des programmes Des programmes à destination De nos jeunes enfants Qu'est-ce qui bloque selon vous aujourd'hui Et comment pourrions-nous les uns et les autres, participer à ce que cette demande, cette envie, voire même à un moment donné peut-être se poser la question d'une obligation, à devoir militer pour introduire cette sensibilité, cette connaissance du vivant qui est indispensable aux mécaniques qui sont aujourd'hui en train d'être en œuvre. Quelle proposition vous... Vous pouvez mettre en place.

  • Speaker #2

    C'est peut-être moins les programmes. En tout cas, si les programmes ne sont pas bons, je suis responsable. Parce que j'ai toujours trempé dans les commissions de programmes. Je ne veux pas que j'esticule. mais oui On commençait à parler de sol, et le sol, il y a deux heures sur le sol en seconde, et puis on ne peut pas en mettre plus, parce qu'il y a trop d'autres choses à gérer sur la santé, la vie sexuelle, les choses comme ça. Donc oui, c'est insuffisant, c'est une question de durée, et puis aussi d'interdécidualité, parce que je le répète, les tas de gamins, le sol ou le vivant, ils ne vont pas être capables de l'aborder par le cours de bio. C'est peut-être le prof de français, ou le professeur de plastique qui peut le plus pour eux. donc pour revenir là dessus c'est une question de durée plus que de contenu, mais disons que pourquoi ça prend pas, pourquoi la prise de conscience ne se fait pas et pourquoi on ne change pas ça, c'est un peu la poule et l'oeuf, c'est parce qu'on n'a pas compris que c'est ça qui nous manquait, et il ne faut pas charger nos politiques bon bien sûr on peut les charger quand même, mais il ne faut pas charger nos politiques, parce qu'une fois de plus je pense qu'ils nous ressemblent, en fait leur métier c'est de nous ressembler assez pour nous inspirer de la confiance Quand j'entends que lors de la dernière présidentielle, on a passé 3% du temps à parler du climat ou 1% du temps à parler de la biodiversité, ce que j'entends par là, c'est que ça reflète ce que nous sommes collectivement. Alors peut-être pas ceux qui écoutent, mais ceux qui n'écoutent pas qu'on pense largement, et en nombre, et en indifférence. C'est ça l'histoire. L'histoire c'est qu'il faut vraiment qu'on arrive à casser ça. Et alors, l'éducation étant posée... Occupons-nous des vieux. Parce qu'il y a quand même une certaine urgence et on ne peut pas attendre que les nouveaux-nés aient 35 ans pour s'emparer des problèmes environnementaux et sanitaires dans lesquels nous sommes plongés. Je crois que là, en fait, les vulgarisateurs ne sont d'aucune utilité. Parce qu'ils vulgarisent depuis longtemps et ça ne fait rien. Donc si on voulait une preuve de ce que je dis, il suffit de regarder les 30 dernières années ou les 50 dernières années. Rachel Carson fait un livre superbe pour parler du printemps silencieux des années 60. Et on l'a toujours dans les fesses. 60 ans plus tard, rien n'a changé. Donc, moi, je pense... Alors, j'ai réfléchi beaucoup à ça. J'ai essayé d'en parler dans mon dernier livre, Nature et préjugés, parce que j'essaie, dans un des chapitres, d'expliquer pourquoi la science a son mot à dire sur notre lien à la nature et pourquoi, en même temps, elle n'arrive pas à le dire. Votre question, en fait, qui est une très bonne question. Moi, si j'avais la réponse, je serais le roi du pétrole, mais j'ai une idée, au moins. Alors vous allez me dire que c'est une idée infaisable parce qu'on a besoin d'argent pour ça. Alors l'argent, c'est ce qu'on ne trouve pas. Moi, par exemple, je n'arrive pas à trouver d'argent pour Biogé pour maintenir un poste permanent plus d'un an. Donc l'argent pour ça, vous voyez, c'est difficile. Mais voilà ce que je pense. On a besoin des publicitaires. Ils peuvent nous vendre des brosses à chiottes, des produits à récurer, des trucs incroyables. Ils peuvent, ils structurent nos envies. D'ailleurs aujourd'hui on sait très bien que... L'alimentation, la malbouffe, le budget qui est sur la table pour faire de la pub, pour ce qui n'est pas bon pour la santé, pour les aliments qui sont indésirables, elle est mille fois plus financée que les spots de publicité pour bien manger, manger des fruits et des légumes, manger équilibré, manger pas trop gras, faire des exercices et tout. Donc, on voit très bien qu'il y a une question d'argent. Mais derrière cette question d'argent, il y a des mercenaires, des publicitaires. Nous sommes tous des mercenaires d'ailleurs. Moi-même, scientifique, je fais de la recherche. sur des sujets pour lesquels il y a de l'argent pour faire de la recherche. Et ces publicitaires, je pense qu'on a besoin d'eux. Eux savent bâtir des imaginaires. Eux savent faire en sorte que certaines choses paraissent élégantes, riches, désirables, et d'autres ridicules au contraire, et négligeables. Et je pense qu'on a besoin de ce savoir-faire. Ce n'est pas le tout d'avoir une technique, on revient à ça. Ce qu'il faut, c'est convertir les gens. et là il y a des gens dont c'est le savoir-faire, c'est les publicitaires c'est les faiseurs d'opinion, moi je trouve qu'il y a des youtubeurs qui font un... Un boulot parfait. Tiens, je vais vous parler de Vince Canté que j'ai rencontré. C'est un type qui faisait de l'information. Il est merveilleux et généreux en plus. La personne est belle, mais au-delà de ça, ce n'est pas de la flagranterie. Il est en train d'aller réveiller des gens au fond de leur vie et pour les gens. Parce qu'en fait, ce réveil, cette prise de conscience, c'est une façon demain de consommer un peu mieux, même égoïstement et à court terme pour soi-même. Voilà, donc on a besoin de ces populations-là qui savent remuer l'opinion, ceux qui ne savent pas faire. Ceux qui ont les techniques.

  • Speaker #1

    Toute personne, toute classe confondue, a besoin de participer à ce grand jeu de transformation, de transformation des imaginaires.

  • Speaker #2

    On a tous quelque chose à améliorer dans nos vies. Oui,

  • Speaker #1

    complètement.

  • Speaker #2

    Pour autant,

  • Speaker #1

    est-ce que cela va suffisamment vite pour vous ? Sachant qu'on remarque aujourd'hui que vous êtes aussi enseignant-chercheur, vous avez aussi des activités par exemple en Pologne. L'Europe centrale a subi et subit des bouleversements terribles ces derniers jours et encore aujourd'hui. Des terres agricoles sont dévastées entièrement. On se rend compte que ces bouleversements nous prennent de vitesse et qu'elles ont un impact et qu'elles vont avoir un impact terrible sur peut-être notre dépendance alimentaire à l'échelle de la zone européenne. et on a peut-être ce sentiment que peut-être tout va bien et que pour l'instant nous n'avons pas besoin de réagir Nos États sont là pour nous accompagner et que l'action, le réveil des populations n'est pas encore là. Qu'est-ce que vous en pensez de cela, vous qui êtes en plus ?

  • Speaker #2

    Il y a des choses paniquantes et d'autres pas paniquantes. Par exemple, l'indépendance alimentaire, le fait de pouvoir manger. On sait que 33% de la nourriture finit à la poubelle dans tous les pays du monde. Chez nous, c'est une histoire de date limite de consommation et d'organisation. Donc, c'est simple. Vous achetez à manger, vous mangez pendant 4 jours, 5 jours et le reste de la semaine, si vous me permettez, vous fouillez dans la poubelle pour manger

  • Speaker #0

    Voilà. Aujourd'hui, on a trop de bouffe. Non, mais il faut le dire. De la même façon, on parlait des sols tout à l'heure. Les sols, en fait, les populations microbiennes et les populations d'organismes des sols sont en train de s'écrouler. Aujourd'hui, plus il y a d'interventions, je pense à l'agriculture en général, mais le maximum d'interventions, c'est viticulture conventionnelle, arboriculture conventionnelle, moins il y a d'individus de chaque espèce. Mais il n'y a pas forcément beaucoup d'espèces qui disparaissent. Et c'est pour ça qu'aujourd'hui, quand on cesse de labourer, on a une vie qui reprend en 2 à 3, 4, 5 ans. C'est très, très rapide, la reprise de vie des sols et la reprise de fonctionnement vertueux. Et je l'évoquais tout à l'heure, ces fameux sols qui stockent de l'eau, qui stockent de la matière organique, qui stockent du carbone, des puits de carbone. Donc, ça, ça peut bouger vite. Donc, il y a des marges sur certaines choses. Je pense à nos déchets, à ce que nous jetons à la poubelle et à ces aliments que nous jetons à la poubelle. Il y a des choses qui peuvent réagir vite. Après, il y a des choses, c'est foutu. Il y a des choses qui sont foutues. Les microplastiques, par exemple, qui ont été dispersés dans l'environnement et qui finissent de se fragmenter en libérant des perturbateurs endocriniens ou des molécules cancérigènes, ça, c'est là pour toujours. Donc, on a abîmé l'environnement avec ça, avec sans doute aussi les polluants internels. Et il y a des indicateurs de ça. Si vous comparez aux années 70, les cancers des 0 à 19 ans ont augmenté de 40%. C'est-à-dire que l'environnement est plus mutagène. La quantité de smatosoïdes produite par les occidentaux a été divisée par deux. C'est-à-dire que la concentration dans les éjaculats qui n'ont pas varié de volume est divisée par deux. Donc il y a des indices que le milieu est devenu... Bon ça c'est... On ne va pas aller retirer ça. Il y a des choses qui sont entre les deux. Entre le mal fait pour toujours et le mal fait mais mieux faisable. C'est le climat. On peut très bien faire mieux du jour au lendemain, on sent quand même que ça va être un peu dur. Il va falloir ramer. Donc tout n'est pas désastreux. Maintenant, peut-être que la façon dont on vulgarise, et ça c'est aussi un peu la faute des journalistes, montre peut-être le côté affreux et pas assez les portes de sortie qu'il y a. Parce qu'en organisant mieux nos vies, même dans un environnement dégradé par les polluants qu'on a mis, je pense qu'on doit pouvoir arriver... à maintenir l'espérance de vie en bonne santé au même niveau. Je pense. Enfin, 2022, c'est le dernier chiffre dont je dispose, et je serais ravi qu'on m'envoie rapidement le chiffre de 2023, parce que je ne le trouve pas. L'espérance de vie en bonne santé, c'est-à-dire sans gros problèmes majeurs et sans rien qui empêche de faire ce que l'on veut faire, abaissée en France. C'est pour la première fois depuis pas mal de temps. Donc, voilà. Moi, je ne suis pas complètement alarmiste, mais pour revenir à la question, ce qui m'alarme, c'est que plus on attend, moins ce que je viens de dire est vrai. Ou moins, ce que je viens de dire est facile. Et c'est vrai que c'est pour ça que je dis qu'on ne peut pas se contenter de faire une meilleure génération demain. Il faut aussi agir sur la génération en cours. Je trouve le temps de réaction du système lent. Et de fait, il n'est pas à la hauteur de la dégradation du système. Un exemple chiffré, vos impôts servent à replanter 3000 km de haies par an. On continue à en arracher 25 000 km. Alors ça a des fonctions contre l'érosion, contre l'assèchement en été. Ça a des fonctions pour stocker de la biodiversité, pour empêcher la propagation des maladies. s'est stocké. 100 tonnes de carbone par kilomètre. Ça permet de structurer le sol localement d'une façon qui permet à l'eau de s'infiltrer. On peut faire une longue liste. Les haies, ce n'est pas à nos anciens. S'ils avaient diminué la surface de champ cultivable, ce n'est pas pour rien. Pas juste pour faire beau. Pour terminer là-dessus, 25 000 km contre 3 000 km, on voit très bien qu'on n'y est pas, surtout qu'une jeune haie ne fonctionne pas aussi bien qu'une vieille haie. C'est vrai que c'est crispant, cette histoire de la vitesse. de changement. Ça, c'est... Il faut qu'on se bouge, là. C'est peut-être le cœur de l'inquiétude.

  • Speaker #1

    Comment, aujourd'hui, on fait passer des gens potentiellement à l'action ?

  • Speaker #0

    C'est en étant là ensemble, parler. Évidemment. Et pour ceux qui écoutent, s'ils pensent que c'est important, ils ont le cas de faire écouter d'autres gens.

  • Speaker #1

    Voilà le constat d'une dégradation de nos sols, de la qualité des sols, de la conséquence sur nos capacités à pouvoir...

  • Speaker #0

    Sinon même de leur existence d'ailleurs, parce que dans les Hauts-de-France, il y a tellement peu de matière organique que quand il pleut, il n'y a plus de liant. Il n'y a plus de liant. Il n'y a que des coulées de boue.

  • Speaker #1

    Les difficultés des budgets fléchés justement pour redonner un peu la matière organique à travers de ces sols, pour cette... On a cette sorte d'élitement un peu écologique qui est en cours. Et j'aimerais avoir aussi votre avis et votre ressenti sur à peu près les scénarios futurs qui peuvent se projeter sur les 10, 20, 30, 50 prochaines années. Et surtout, quelles étapes cruciales nous devons mettre en place et qui doivent être franchies pour éviter ce qu'on pourrait appeler cet effondrement écologique qui est déjà...

  • Speaker #0

    Moi, je n'ai pas le... Je ne peux pas vous parler avec finesse des modèles prédictifs que par exemple le GIEC propose. Ce n'est ni ma spécialité, ni quelque chose que je lis assez bien pour pouvoir vous répondre là-dessus. Ce que je dirais, c'est qu'il y a quelque chose qui peut nous sauver, et c'est ça en fait qui va déterminer si ça va continuer à se dégrader, au point que finalement la vie humaine va perdre de la dignité ou de la qualité, ou est-ce qu'on va pouvoir réagir. c'est le moment où on comprend comprendra que ces sciences du vivant, donc l'écologie, mais aussi les sciences de la santé, la compréhension du vivant, sont une solution, c'est-à-dire offrent des solutions, offrent des moyens de faire autrement, mais aussi bien par rapport à certains impératifs. Je pense par exemple à l'humanité. Le moment où on comprendra que cette génération qui a tout raté, ces générations qui ont tout raté, elles ont par contre... mis en place une boîte à outils colossale qui permet de soulever des montagnes avec l'écologie, la compréhension du vivant, voire même un tout un tas de choses en physique et en chimie. Le moment où on comprendra que la science n'est pas juste un outil de diagnostic de pourquoi ça ne va pas, mais contient des remèdes et des pistes alternatives et qu'il n'y a pas qu'une seule façon d'arriver à Rome. Parce qu'on nous dit tout le temps, non, on ne peut pas faire autrement. Je lisais un article, une interview d'une... bêtise abominable de quelqu'un qui commentait le futur de l'agriculture européenne en disant qu'elle ne deviendrait plus pure, elle ne nourrirait pas les Européens. Et tout cela suait l'ignorance, l'absence de lecture des travaux qui montrent que nous, on peut faire différemment et nourrir tout le monde. Donc, voilà. Cette boîte à outils, là, c'est si on l'ouvre, là, il y a de l'espoir. Si on continue à ne pas l'ouvrir, là, c'est difficile parce qu'on va continuer à faire comme d'hab. Et comme d'hab, ben ça va pas

  • Speaker #1

    Justement, cette boîte Woudi que vous nommez, ces dernières décennies nous ont permis d'avoir un corpus de connaissances phénoménales, et justement pousser les gens à des pratiques beaucoup plus sobres et beaucoup plus vertueuses, avec certainement des techniques prometteuses pour l'amélioration des conditions des sols, des écosystèmes de notre vie. A l'inverse... Est-ce que vous constatez, bien sûr, peut-être nous présenter un peu les actions, les différentes pratiques que vous connaissez, qui se doivent d'être maximisées, reconnues, accompagnées d'un point de vue financier en territoire, et puis celles à l'inverse que vous constatez aujourd'hui qui participent encore activement à cette érosion, à ce déclin de nos écosystèmes ?

  • Speaker #0

    Il est évident que la pratique agricole, comme elle intéresse 54% de la surface du territoire, elle est tout à fait décisive et aujourd'hui, elle n'a pas évolué. D'ailleurs, moi, je comprends les agriculteurs de ne pas vouloir changer parce que comme les citoyens ne suivent pas, on ne voit pas très bien pour quel marché ils travailleraient différemment.

  • Speaker #1

    Sachant que nous payons, nous partissons pour tous à une partie individuelle de la PAC.

  • Speaker #0

    130 euros par an et par citoyen. D'accord. Donc, ça fait un peu plus de 8 milliards d'euros. en France mobilisés pour une agriculture. Et on voudrait que ce soit moins conditionné par la surface que possède l'agriculteur, que par ce qu'il y fait. Mais moi, je pense qu'on doit payer plus. Parce que si on veut que l'agriculture fasse la santé, la qualité de l'air, la qualité de l'eau, en plus du paysage et de la quantité de nourriture, ça a un prix, tout ça. Donc, effectivement, il y a les activités agricoles et il y a certaines activités industrielles qui sont complètement incompatibles, finalement, avec... la qualité de notre environnement et la durabilité d'une terre et d'une biodiversité qui nous permet de vivre dignement, comme je le disais, et en bonne santé. Après, dans les gestes positifs, je vois plein de petits signaux. Alors le problème, c'est qu'effectivement, moi je ne vais pas être capable de vous convaincre qu'en termes de vitesse, leur croissance est intéressante. Mais je vois qu'aujourd'hui, dans les écoles de commerce, quand moi je fais des cours à HEC ou à l'EDEC, je m'aperçois qu'ils sont très concernés les étudiants. Après Qu'adviendra-t-il quand ils vieilliront ? Ils auront peut-être un pragmatisme. Mais il y a réellement une génération qui, alors même qu'elle n'est pas dans les sciences du vivant, elle se sent concernée et elle cherche des outils de sortie. Je vois que la finance, par exemple, je participe à des colloques de finance. Moi, je n'ai rien à dire sur la finance, je viens juste d'expliquer ce que c'est que la biodiversité et en quoi ça structure le monde qui nous entoure et la capacité à produire des choses variées. Je vois que ce monde la bouge. Donc il y a quelques bons signaux. Et comme toujours, il n'y a pas une seule profession qui soit complètement pourrie ou complètement vertueuse. Je dirais que, en fait, la vraie question du rythme cache celle du changement d'échelle. Ça reste pour l'instant des niches. Et la question, c'est comment on généralise ça ? Et je reviens à mon histoire de publicitaire et de vision du monde. Il faut qu'à un moment, certains réflexes deviennent ridicules. Ridicule parce que la compréhension qu'on a de ce qu'ils sous-tendent fait que c'est tout simplement multiplement inacceptable. Je vais vous dire par exemple, je me mets tout nu dans la rue, alors là tout le monde va être choqué, on va crier. Combien de personnes jettent sans que personne ne hurle autour un morceau de plastique dans la rue ou un mégot ? Ça, ça tue des gens. Ça va tuer des gens. Ça va faire des micro-plastiques, ça va faire des perturbations, ça tue des gens. C'est un crime. Oui, c'est un crime. Tout nu dans la rue, regardez bien, vous verrez, il est fait comme vous, comme votre partenaire sexuel, si vous êtes hétéro. Il n'y a pas de problème. C'est une banalité ordinaire et ça ne tue personne. On a des tabous mal foutus. Et c'est peut-être ça qu'il faut refaire.

  • Speaker #1

    Pourtant, on le constate, on soulève des problématiques de sens, de valeur et des communs sur ce lien que vous citiez tout à l'heure sur la partie éducative. Vous expliquez que dans certaines écoles de commerce, on commence à introduire une certaine sensibilité, un certain profil d'étudiant qui bénéficie de ses privilèges de pouvoir accéder à des études supérieures. Ah oui,

  • Speaker #0

    ça ne fait pas la masse des citoyens.

  • Speaker #1

    Ça ne fait pas la masse des citoyens. Cette, comment dire,

  • Speaker #0

    mais la masse est suiveuse.

  • Speaker #1

    J'ai l'impression, et je crois que je vous avais entendu citer cela, et ça m'avait marqué, j'ai l'impression qu'on se lance toutes et tous dans peut-être une guerre ou une fausse guerre. On embarque pas mal de monde peut-être dans cette guerre. Ne serions-nous pas un peu comme le général Pyrrhus que vous citiez ? assez régulièrement. Je trouve cette analogie très importante. J'ai l'impression qu'on se dirige vers une mauvaise guerre. On embarque un peu tout le monde dans cette bataille, cette fausse bataille, pardonnez-moi, mais qui, en fin de compte, ne nous fera peut-être pas faire gagner cette guerre.

  • Speaker #0

    Je ne sais pas... Bon... Les gestes que je fais, je les fais parce que moi, je crois sincèrement qu'ils sont utiles et qu'ils peuvent avancer. Donc, je me trompe peut-être, mais je ne suis pas à même de vous dire pourquoi je me trompe, puisque je suis convaincu. Quand je dis que la masse est suiveuse, on est tous suiveurs. À un moment, quand plein de gens font quelque chose, on se met à le faire aussi. Et puis, des fois, après, on réalise que, ah ben, oui, finalement, ce n'est pas une bonne idée quand on analyse des choses. Donc, moi, je pense qu'il y a une masse critique à atteindre pour que le système bascule. et je ne pense pas que... qui est de mauvaise guerre. Parce que, quelque part, même si on va tous dans des directions qui sont éventuellement des directions élémentaires limitées, on pousse collectivement l'idée que non seulement le système actuel ne peut plus continuer, mais en plus les systèmes alternatifs peuvent fonctionner. Je suis moi souvent pris dans une guerre fratricide entre les gens qui font de l'agriculture non labourée, mais du coup, comme ils ne labourent plus. Ils désherbent plus, donc ils utilisent du glyphosate pour désherber. Et les gens qui font de l'agriculture bio, qui donc n'utilisent pas de produits toxiques, et moi j'achète des produits bio parce que c'est génial pour la santé, mais au moment de désherber sur des grandes surfaces, ils ne peuvent pas le faire à la main, ils ne peuvent pas mettre du mulch,

  • Speaker #1

    donc ils labourent.

  • Speaker #0

    Et c'est une guerre, ils se battent entre eux. C'est ridicule parce qu'ils font un pas dans la bonne direction et c'est deux pas qui ne me paraissent pas devoir être opposés. Et au contraire, peut-être demain il faut préparer. peut-être encore un peu de recherche à faire, même si sur des petites surfaces, on commence à y arriver très bien. On va voir le mélange de la somme des deux. Mais on a des combats. Cela dit, il faudrait que les combats arrêtent, mais n'empêche que ces deux façons-là de dire, attendez, il y a des gestes bizarres dans l'agriculture conventionnelle. Et ça commence à faire, ça fait cœur. Ça ferait plus cœur, effectivement, s'il n'y avait pas de conflit sur la solution à donner.

  • Speaker #1

    On commence, à votre avis, à avoir quelques convergences, essayer d'avoir du compromis. Là,

  • Speaker #0

    on en a dans les agricultures de petites surfaces, en maraîchage, il y a des agricultures biologiques de conservation, A, B, C, et ils ne s'en vendent pas d'ailleurs, parce qu'il n'y a pas de label. Les gens s'en foutent de ce qu'on fait dans les sols. Le citoyen, il s'en moque assez. Mais néanmoins, il y a effectivement des gens qui commencent à faire la synthèse. Certains même y arrivent en grande culture. Mais honnêtement, il y a encore un petit peu de verrou technique à lever. Mais moi, j'ai confiance. C'est un petit peu comme si vous me disiez, non, on ne pourra pas voler, on arrête la recherche au XVIe siècle. Bon, ok, c'est vrai que voler aujourd'hui, vous l'avez évoqué dans une de vos questions, ce n'est peut-être pas la meilleure idée du monde en termes de climat. Mais les verrous techniques sont faits pour être levés. Moi, j'ai confiance dans l'évolution culturelle. Par contre, je n'ai pas confiance dans l'évolution culturelle qu'on ne pilote pas. ou qu'on ne maîtrise pas. Et c'est une façon de ne pas la maîtriser que de dire « Non, on ne pourra jamais nourrir l'humanité autrement que comme ça. » Vous savez, c'est un petit peu énervant, parce que je vois aujourd'hui plein de pratiques, notamment en médecine, mais aussi en agriculture, où les produits qui nous servent à lutter contre les indésirables, je pense aux antibiotiques, on les utilise mal. Le bilan, c'est qu'on ne fait que sélectionner les résistances. Alors qu'on sait très bien et qu'on l'a prouvé qu'il y a une façon d'utiliser les produits pour détruire un organisme dont on ne veut pas. qui l'empêche de trouver la solution évolutive. C'est les trithérapies. Une trithérapie, vous mettez plusieurs drogues en même temps, le bilan c'est que les mutants qui résistent à une drogue, de toute façon ils sont tués par les autres, le mutant qui résiste à la fois à toutes les drogues, sa probabilité d'exister est tellement affine que ça ne se produit pas, le bilan c'est que les gens vivent avec une trithérapie sans que le virus n'arrive à y survivre. La trithérapie en agriculture, c'est des cultures mélangées, des haies, des paysages où un parasite ne peut pas s'adapter au paysage. C'est tout le contraire de ce qu'on lui offre quand on offre... une variété unique dans un champ, voire même deux champs contigus avec la même variété, ou deux variétés proches. En d'autres termes, il existe aujourd'hui des façons d'agir en utilisant, disons-le, le moyen lâché, les sciences de l'évolution comme des outils pour parer à l'évolution et au contournement de ce qui nous emmerde. Emmerder, hein, c'est 100 000 personnes par an qui ont des problèmes de bactéries existantes aux antibiotiques et 7 500 morts par an. Ça tue, quoi ! Et demain, on pourrait très bien appliquer les antibiotiques par paire ou par triplette. Et en plus, comme il n'y aurait pas de résistance, savez-vous quoi ? On pourrait en mettre moins. Donc la toxicité, ou bien d'un pesticide, ou bien d'un médicament que l'on prend pour lutter contre un virus ou une bactérie, serait amoindrie. Il faut quand même se réveiller un peu là, il y a des solutions. Mais simplement, nous on continue à remporter des victoires à l'apyrus parce qu'on n'a pas compris comment ça marchait. Ou plutôt, ceux qui ont compris comment ça marchait et qui font par exemple des sciences de l'évolution, eh bien, c'est des spécialistes dans leur coin, tout le monde y croit, oui, oui, personne ne voit que c'est un outil, voilà. De nouveau, la boîte à outils n'est pas ouverte. Et c'est ulcérant parce qu'il y a des morts derrière.

  • Speaker #1

    Justement, est-ce qu'il faudrait-il peut-être parler de certaines... être un peu plus rigoriste, avoir une certaine radicalité dans certaines de nos actions, justement, pour pousser à ces compréhensions, ces actions, voilà, justement, qui permettent...

  • Speaker #0

    Alors, je ne sais pas si vous voulez me parler d'extinction-rébellion ou... de scientifiques en rébellion ? Parce que c'est vrai que c'est peut-être une des questions qui était derrière votre question tout à l'heure de l'accélération.

  • Speaker #1

    De l'accélération, puis surtout que dans une ancienne interview, je crois que vous aviez affirmé que la violence était condamnée, mais les actions violentes payent.

  • Speaker #0

    C'est l'horreur ! Moi, je regarde l'histoire.

  • Speaker #1

    Pensez-vous que ces actions radicales sont devenues...

  • Speaker #0

    J'ai lu André Assis-Malheur, comment saboter un pipeline. Et je retire quand même de ce livre non pas l'envie d'une action violente, moi je suis non-violent. Mais ce que dit ce livre, et c'est pas forcément la conclusion que tire toujours André Assemal, mais bon, c'est qu'à un moment, les non-violents alternatifs commencent à être écoutés parce qu'il commence à y avoir des violences. C'est comme ça que les progrès sociaux ont été obtenus. quand se développaient des anarchismes. C'est comme ça que les suffragettes sont devenues violentes avant que les suffragettes modérées soient plus écoutées. Moi, je n'aime pas cette idée-là. Je n'aime pas la violence et je sais très bien que toutes les révolutions, on met longtemps à se faire. à s'en remettre. Regardez par exemple la révolution française, on a une queue d'instabilité institutionnelle qui fait des révolutions et des morts, je parle de vie humaine aussi là, jusqu'à la troisième république, qui d'ailleurs commence très très mal. Moi je suis un parisien de souche, par un côté de ma famille, par un côté de ma mère, on est voir le mur défédéré. Le mur défédéré c'est un siècle plus tard le produit de la révolution qui n'est pas stabilisé. Donc la violence elle tue sur le coup et elle tue après. Du coup moi je n'aime pas cette idée de rébellion trop violente. Mais en même temps à un moment je vois que quand on commence à passer à la vitesse supérieure, quand Alizé s'attache à un filet à Roland Garros, C'est pas violent, hein ? Pourquoi c'est encore doux, là ? Eh ben moi, je passe à la télé le soir pour parler un peu de l'éducation aux sciences du vivant et pourquoi finalement les solutions du vivant, elles ne sont pas acceptées par les citoyens. Je n'arrive pas à passer à la télé, moi, pour dire qu'il faudrait enseigner plus de sciences du vivant et de la Terre. Eh ben, Alizé fait une connerie. Elle ose interrompre un match de tennis. Et là, on commence à se dire, tiens, oui... Alors, on n'est pas encore dans la violence, mais la question, c'est jusqu'où hausser le ton ? Alors moi, je suis professeur du muséum, je ne m'en prends pas la dent, je ne hausse pas le ton. J'utilise quelques gros mots pour réveiller mon auditoire, mais je suis un garçon bien poli, pop sur lui. Mais des fois, je vois que 55 ans à vivre comme ça n'ont pas vraiment révolutionné le monde. Qui suis-je pour empêcher la violence ?

  • Speaker #1

    Donc ces générations futures, justement, comment on leur parle ?

  • Speaker #0

    Déjà on leur dit de faire des enfants, parce que le truc de ne pas faire des enfants parce que ça va mal vous passer, si ceux qui sont conscients qu'il y a un risque que ça se passe mal ne font pas des enfants qui portent leur valeur, alors on est dans la merde.

  • Speaker #1

    Ça c'est votre conseil clé pour les générations futures ?

  • Speaker #0

    On peut ne pas faire des enfants, c'est un choix personnel. Moi j'ai longtemps pensé que j'en aurais pas, puis j'en ai un maintenant. J'avoue, c'est trop bien quoi. C'est très égoïste, mais en même temps je pense que... Sans être dans le malthusianisme, si on n'entend pas de repopuler la planète à deux, on peut faire des enfants et les former de façon à ce qu'ils portent des valeurs qui soutiennent la planète, mais de là, vous avez bien compris, qui soutiennent la vie. vivabilité de la planète pour l'homme et donc qui soutiennent l'homme. Donc moi je pense que il ne faut pas faire de malthusianisme. La vraie question de toute façon aujourd'hui ce n'est pas la démographie. La démographie est un sur-accident. C'est le mode de vie d'une toute petite partie de la planète. Alors c'est vrai que la démographie est un sur-accident parce que le reste de la planète veut commencer à vivre pareil et il y a de plus en plus de gens qui veulent rejoindre la classe moyenne au sens de la consommation un peu supérieure au besoin, voire très supérieure au besoin. Mais la démographie n'est qu'un sur-accident. La vraie question c'est comment on vit. Et d'ailleurs, la résolution de la crise qui consiste à dire « une bonne épidémie, ça va calmer le problème » , c'est pas vrai. Parce que la démographie reprendra, et avec elle, si ceux qui ont survécu ne se sont pas calmés dans leurs habitudes de consommation, demain encore, le jour du dépassement tombera en été. C'est con d'ailleurs, parce qu'en été, les gens n'écoutent pas les informations, donc on ne peut pas en parler beaucoup, le jour du dépassement. Mais c'est ça le truc. Moi, la France des années 80, quand j'étais petit, je n'étais pas malheureux quand j'étais petit, j'avais beaucoup moins de mails d'ailleurs. La France des années 80, son jour du dépassement, c'était le 31 décembre. C'est cool ça ! Je rappelle, c'est le moment où on a utilisé la planète de façon renouvelable. Et puis après, on peut utiliser plus, mais on abîme la capacité à produire et on endommage l'avenir. Pas de la planète, de l'homme. Enfin, on dit de la planète pour faire simple. évite de penser à l'homme trop. Moi, je vois que l'homme dans la planète est dans le vivant, alors j'ai du mal à dire ça comme ça, mais en tout cas, cette sorte de jour du dépassement, il y a quand même des tas de populations sur Terre dont le jour du dépassement est l'année suivante. Et donc voilà, revenons là-dessus. Déjà, je leur dis, faites des enfants, mais vivez-les bien et faites-les en nombre raisonnable. Première chose. Deuxième chose, je leur dis, ne blâmez pas trop la génération précédente. Elle a fait des conneries assez sincèrement. Je ne parle pas de Monsanto. Je ne parle pas d'ExxonMobil qui, dans les années 70, a des modèles climatiques qui prédisent que ça va se passer alors que le PDG d'ExxonMobil en 2000 dit encore on n'a pas de preuves que le climat change. Bon, donc je ne parle pas de ces salauds-là. Moi, je parle des consommateurs qui l'ont fait sincèrement, mais en même temps, de leurs impôts, ils ont dressé cette fameuse boîte à outils, ces sciences du vivant et de l'environnement qui aujourd'hui vous permettent de choisir d'autres options. ne pleurerai pas, vous allez bientôt voir les limites de ces options-là, elles auront éventuellement des conséquences négatives aussi. Vous savez, c'est ce que dit Lévi-Strauss, ce qu'on appelle le progrès, c'est juste la résolution des problèmes posés par ce qu'on a appelé auparavant le progrès. Mais en même temps, vous avez des pistes et puis vous avez aussi un équipement intellectuel derrière ces disciplines qui vous permet d'observer ce qui se passe et de ne pas aller trop loin dans une direction qui s'avérerait un peu vermouille ou moisie. Mais revenons là-dessus, il y a de l'espoir aussi. Voilà ce que je leur dis, il y a de l'espoir. Parce que rien d'irrémédiable n'a été commis. Mais on en revient à votre question sur la vitesse. Cet espoir n'est pas promis pour toujours.

  • Speaker #1

    C'est une de nos doigts d'espoir. Oui,

  • Speaker #0

    il faut se retirer des doigts du cul, il faut y aller maintenant.

  • Speaker #1

    C'est cela.

  • Speaker #0

    On est parti.

  • Speaker #1

    Donc cette fatalité qui pour vous, qui n'est pas inévitable. On a aujourd'hui encore pas mal de possibilités d'éviter le pire à travers ces actions concrètes, entre celles des valeurs et celles des enfants. Cette dégradation écologique et cet effondrement qui est en cours, lorsque vous en parlez, de cet effondrement de la société, est-ce que vous pensez que c'est... Une fatalité inévitable ou qu'il y a encore des possibilités d'éviter le pire à travers des actions concrètes sur les sols, sur les écosystèmes ?

  • Speaker #0

    Je pense qu'aujourd'hui, je l'ai un petit peu dit d'ailleurs, je pense qu'aujourd'hui c'est encore assez évitable. Mais ça n'est pas nécessairement évitable, c'est ça le truc. Je parle dans mon dernier livre de ma version du paradoxe de Fermi. Et j'ai découvert depuis qu'en fait, je n'étais pas le seul à avoir pensé à ça. Comme toujours, on croit découvrir des choses merveilleuses. En fait, elles sont si merveilleuses que d'autres y ont pensé. Paradoxe de Fermi, c'est pourquoi sommes-nous seuls dans l'univers ? Pourquoi on n'entend pas les autres civilisations ? Alors, il y a les histoires, qu'elles ne sont pas faites pareilles, qu'elles se cachent pour ne pas être emmerdées, que peut-être que la vie n'apparaît pas si souvent. Alors là, on sait maintenant qu'il y a des milliers d'exoplanètes et on se dit quand même que des formes de chimie structurées ne soient pas apparues et pas commencer à émettre des ondes, c'est bizarre. Ça, c'est intrinsèque. On a aussi cette idée qu'éventuellement, elles évoluent, ces civilisations, vers des conflits intrinsèques et qu'elles se détruisent. Ça, c'est ce qui a été inspiré par l'époque où on avait la guerre froide et cette menace de destruction nucléaire qui pesait sur la planète. D'ailleurs, je ne suis pas sûr qu'elles soient complètement exclues, mais c'est vrai qu'elles hantent moins les inquiétudes collectives. Moi, je propose autre chose. C'est que l'actualisation culturelle met en place plein de façons de vivre, plein de molécules nouvelles, plein de pratiques nouvelles. qui ne sont pas tout à fait compatibles avec nos vies. Et nous, on a du mal à s'adapter. De tout temps, l'évolution culturelle a généré de l'adaptation biologique. Si aujourd'hui, la plupart d'entre nous digèrent le lait à l'âge adulte, ce qui n'est pas le cas de la plupart des mammifères, enfin, de tous les mammifères, c'est qu'en fait, à force d'avoir des vaches et de l'étreire pour soit nourrir des nourrissons qui digèrent le lait, soit faire du fromage ou de lactose, qui est indigeste pour les adultes et détruit, à force d'avoir des âges du lait qui traînent dans notre environnement, on a sélectionné ceux qui étaient capables de digérer le lait à l'âge adulte. Et on voit très bien, on peut très bien extraire de l'ADN des os, qu'à partir du moment de la domestication des vaches en Europe, mais aussi dans d'autres régions en Afrique, où on a domestiqué des vaches et commencé à faire du lait, on a une augmentation en fréquence des individus capables de digérer du lait à l'âge adulte. C'est un trait culturel, avoir des vaches, les élever et les traire. Et ce trait culturel a sélectionné de la biologie. Mais là, on est en train de mettre en face de nous des tas de nouvelles molécules, des rythmes de vie différents. Regardez le burn-out, regardez votre boîte mail. Moi, la mienne, il y a 200 mails par jour. Pour moi, c'est un exercice quotidien qui prend 4 heures, qui nous résout ce problème. Il y en a, ils font banqueroute de mails. Donc, on est sur des rythmes et des environnements, notamment chimiques, mais il n'y a pas que l'environnement chimique, mais parlons de ça, qui sont créés par notre culture, qui ne sont pas forcément compatibles avec notre vie. Donc, le risque, c'est que la vitesse à laquelle l'évolution culturelle change les règles du jeu ne puisse pas être suivie par l'évolution biologique et qu'à la fin, nul d'entre nous ne soit adapté au monde que nous avons créé. y compris d'ailleurs au monde inorganique, au monde externe que nous aurons créé, je pense à la température, je pense à la chimie, je pense à la montée des eaux, je pense à plein de choses, et puis à la baisse de la quantité d'alimentation, et que finalement l'humanité disparaît, je ne crois pas, mais soit réduite à une poignée de types en rayon qui traînent en s'entretuant et avec la triste mémoire de l'époque de leur gloire. Bon, alors, donc le paradoxe de Fermi, c'est peut-être que quand... apparaît l'évolution culturelle, elle procède à une telle vitesse et de façon crescendo que l'évolution biologique ne peut pas suivre. C'est pour moi pas une fatalité, c'est un risque, une possibilité que nous devons avoir en tête. Et puis on s'en sort parce qu'en fait, si on réalise bien aussi ce qui se cache derrière cette histoire, c'est que l'évolution culturelle tout comme l'évolution biologique, dans mon dernier livre j'essaie vraiment de montrer que c'est la même chose, je ne suis pas le seul à avoir... Calvary Sforza et d'autres. Un auteur qui a écrit La symphonie inachevée de Darwin, j'ai oublié son nom, vous me pardonnerez, parle déjà de ça. L'évolution culturelle est une forme d'évolution biologique, mais elles ont en commun, notamment, d'être des générateurs perpétuels de nouveautés. Comment ne pas croire à l'avenir quand tout, pratiquement, est permis ? Vous prenez un pauvre chou imbouffable qui fait des rosettes de feuilles débiles et immachables et immangeables, et des pauvres petites... tiges avec des fleurs jaunes. Au bout de quelques temps, vous avez le chou fleur, vous avez le romanesco qui n'est pas du tout la même chose, vous avez le brocoli, vous avez le chou paumé, vous avez le chou rave, vous avez le chou d'ornement, vous avez le chou de Bruxelles. Non, mais en réalité, et ça, c'est une évolution biologique, mais c'est aussi une évolution culturelle, quelque part. C'est nous qui les avons faits de nos cultures, au sens de la culture intellectuelle, pas de la culture agricole, mais via la culture agricole quand même. Eh bien, moi, je pense qu'il faut croire dans le vivant. Et d'ailleurs, moi, je dis souvent que je crois en l'homme et que c'est une façon, parce que l'homme et le vivant, c'est la même chose. Et l'homme est tellement lié au vivant qu'il n'y a pas de vivant sans homme et pas d'homme sans vivant. Je crois... Aussi en l'homme et mon humanisme est aussi une façon de croire à cette capacité générative perpétuelle où tout est permis.

  • Speaker #1

    Vous pensez qu'on manque d'agriculteurs ? Vous pensez qu'il faut que l'humain redescende sur Terre ?

  • Speaker #0

    Oui, on manque aussi de médecins, on manque aussi de... Je veux dire par là, on manque de gens qui sont à l'interface avec les autres vivants, qui font l'interface entre la société et les autres vivants, parce que cette interface, elle a de toute façon existé. C'est ce qui pousse des gens comme Descola à dire qu'il n'y a pas de différence entre la... nature et la société, mais en réalité on peut dire qu'il y a un champ que nous isolons et qui ne gère pas bien, ce qu'on appelle la société, et qui ne gère pas bien ses liens au reste du vivant. Et les gens qui sont interfacés avec ça, aujourd'hui il faut leur redonner les outils sciences de l'évolution, sciences de l'écologie, tous ces outils conceptuels qui leur permettront d'exercer leur métier un petit peu mieux. Et on manque de gens effectivement dont le coeur de métier absorbe le vivant. Mais vous savez, quand vous gérez une cantine, D'une certaine façon, vous gérez les écosystèmes agricoles où vous achetez les choses, puisque vous, par votre achat, vous faites, vous justifiez les actions qui s'y passent, vous faites par procuration ce qui s'y passe, et vous êtes en train de nourrir les microbiotes des gens, donc les écosystèmes microbiens internes des gens qui sont en face. Assurez-vous d'y mettre assez de fibres et des fibres variées, 5 feuilles de légumes par jour, de 20 à 25 espèces de plantes différentes, céréales comprises, voilà la recette pour entretenir bien les microbes de son tube digestif. Qui fait ça ? Notamment dans les formations de diététique ou de cuisine. Pas grand monde. Donc on a plein de métiers aujourd'hui qui, sans le savoir, sont en fait aux avant-postes de la société devant la nature. Et il faut les réarmer. Et moi, je pense que l'évolution biologique et nos évolutions culturelles peuvent demain tout. Moi, je suis fondamentalement humaniste, c'est-à-dire positif. C'est vrai qu'il y a un certain nombre de gens... Keith Hofstein a essayé de me montrer que j'ai tort, mais vous savez, j'ai mes élèves, j'ai mes étudiants, j'ai mon fils et ses petits amis, et je ne peux pas m'empêcher de croire en l'homme quand je les vois.

  • Speaker #1

    Merci Marc-André Sélos. Merci. Vous êtes venu nous voir. Excellente fin de journée.

  • Speaker #0

    Merci. A vous aussi, et puis bon avenir aussi. C'est ce dont on parlait, non ?

  • Speaker #1

    Tout à fait. Merci à vous.

  • Speaker #2

    Vous venez d'écouter le podcast de l'association Adrastia, le podcast qui fait le bilan sur les risques globaux et les perspectives, afin de faire face tous ensemble. Retrouvez toutes les actualités du podcast et de l'association sur le site internet adrastia.org et sur l'ensemble des réseaux sociaux. L'heure du bilan, faire face. 60 minutes pour apprendre à nous adapter au monde tel qu'il est, non tel que nous croyons le maîtriser.

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Description

Enregistré en septembre 2024, cet entretien avec le biologiste Marc-André Selosse résonne étrangement avec l’actualité brûlante de ce mois de juin 2025 : chute des revenus agricoles, pollution au cadmium, loi Duplomb, effondrement de la biodiversité.

Marc-André Selosse nous parle de ce que nous refusons de voir : le sol.
Cet écosystème vivant, complexe, nourricier, est aujourd’hui meurtri — compacté, empoisonné, stérilisé.
Et pourtant, c’est de là que pourrait renaître un futur.

Dans cet échange, il nous invite à écouter ce que la terre raconte de nos excès, de notre oubli du vivant et de notre obstination à bâtir sur du vide.
Ni optimisme naïf ni simple fatalisme, il invite à affronter la réalité brute — et à reconnaître ce qui pourrait survivre.
On y parle de mycorhizes, d’agriculture régénérative, de lien intergénérationnel, et de la nécessité d’un changement d’imaginaires.

Un épisode à écouter lentement, profondément.
Pour cesser de croire que la surface suffit.


Épisode animé par Bastien Roulot.


Pour en savoir plus sur Marc-André SELOSSE : 

Découvrez notamment ses livres : 

Et bien sûr, nous vous invitons à suivre et soutenir les actions de Fédération Biogée : https://www.biogee.org/index.php/a-propos-de/ 


Rejoignez et adhérez à l'association Adrastia :

https://www.adrastia.org/adherer-a-adrastia-fr134.html


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour à toutes et à tous et bienvenue sur le podcast de l'association Adrastia, l'heure du bilan, faire face. Nous sommes ravis que vous nous écoutiez. Nous allons parcourir ensemble les nouvelles pistes d'adaptation face aux altérations profondes et durables du milieu terrestre qui fragilisent tant nos sociétés que le vivant dans son ensemble. En 2024, la concentration en CO2 dans l'atmosphère continue d'augmenter. Les records de température, détendu des feux de forêt, de durée de sécheresse et de gravité des inondations tombent les uns après les autres. Les désordres écologiques, politiques et sociaux actuels ne sont pas des crises passagères, mais peut-être les premiers symptômes d'effondrement des sociétés industrielles mondialisées. Il est temps de faire le bilan de notre gestion collective des risques globaux et systémiques, parce que si sans maîtrise nous filons droit vers l'abîme, l'illusion de contrôle nous y précipiterait plus vite encore. Dans ce podcast, nous donnerons la parole au lanceur d'alerte aux scientifiques, aux acteurs de terrain, aux transitionneurs et aux penseurs de l'avenir écologique. L'heure du bilan nous confronte à la réalité à venir, la nécessité de l'adaptation, parfois radicale, au regard du risque d'échec ou d'insuffisance de la ténuation. Adrasia est une association de citoyens et de citoyennes qui informe et alerte depuis 2014 sur le risque d'effondrement de nos sociétés, dans le but d'éviter une dégradation trop importante ou brutale de leur structure vitale. et de préserver les meilleures conditions de vie possibles pour le plus grand nombre. Le podcast de l'association Adrasia est une production collective. L'intervieweur ou l'intervieweuse pourra être différent à chaque épisode. Ne vous en mettez pas. Les interviews sont disponibles sur les plateformes habituelles de diffusion. N'oubliez pas de vous abonner. Vous retrouverez également une page Internet dédiée au podcast sur le site internet adrasia.org. Dans l'heure du bilan Fairface, nous explorons pendant 60 minutes comment apprendre à nous adapter au monde tel qu'il est, non tel que nous voyons le maîtriser. Et maintenant, place à l'épisode. Bonne écoute !

  • Speaker #1

    Bonjour à tous et bienvenue dans cet épisode de l'heure du bilan, faire face. Aujourd'hui, nous vous avons le plaisir d'accueillir Marc-André Solos, biologiste et spécialiste des sols. Il est également professeur au Muséum d'histoire naturelle de Paris. Son travail a permis de mieux comprendre les interactions entre plantes et champignons et surtout l'importance vitale des sols pour les écosystèmes. En plus de ses recherches, il est un véritable passeur de savoir, toujours engagé pour rendre ses sujets accessibles à toutes et à tous. Marc-André Sélos, bonsoir.

  • Speaker #2

    Bonsoir.

  • Speaker #1

    Merci d'être avec nous. Vous avez déclaré un jour

  • Speaker #2

    « Le sol,

  • Speaker #1

    c'est le placenta de l'humanité » . Une phrase qui résume bien l'importance centrale du sol dans le maintien de la vie de la Terre. Pourtant, nos imaginaires collectifs semblent souvent tronquer, voire déconnecter cette réalité. Comment alors... Voyez-vous, et pouvons-nous réinventer nos visions du monde pour reconnaître et partager et protéger ce qui nous nourrit, nous soutient, mais que nous négligeons si souvent ?

  • Speaker #2

    Alors c'est vrai que beaucoup de nos représentations sont en fait coupées de la réalité. Et c'est bien problématique parce que c'est ça qui génère des crises sanitaires et environnementales. En l'occurrence, la vision que l'on peut avoir du sol, c'est celle d'un lien intime. profondément intime, qui justifie tout à fait de dire que c'est le placenta de l'immunité parce que c'est de là que vient la nourriture. Réfléchissez un peu et demandez-vous d'où vient votre phosphate, d'où vient votre potassium, d'où vient votre calcium, votre fer, vos oligo-éléments, tout ça. Un jour ou l'autre, c'était dans le sol, arraché à des pierres par des microbes, ou peut-être aussi dissous à partir de pierres, mais peut-être aussi arraché à partir de matière organique qui a été digérée par des microbes ou des choses comme ça. tout ça vient de choses qui traînaient dans le sol. Ces éléments qui vous composent maintenant ont été libérés, sont passés dans des plantes. Peut-être d'ailleurs de ces plantes sont-ils passés dans des animaux, mais le résultat c'est que finalement ils sont arrivés en vous, ils sont vous. Et même cette énergie vitale qui vous permet soit de m'écouter, soit de me poser des questions et qui me permet à moi de parler, quelque part elle n'est pas construite sans des organismes qui ont les racines dans le sol. En fait, c'est vraiment ce qui nous nourrit et bien plus que ce qui nous nourrit, c'est ce qui nous constitue. Et ne pas concevoir ça, c'est avoir une représentation, un imaginaire pourri, merdique, qui conduit par exemple à accepter qu'aujourd'hui les engrais minéraux contiennent du cadmium. Parce que c'est un contaminant du phosphate minier et le cadmium rentre lui aussi dans les aliments, ce qui va devenir vos aliments, dans des plantes et dans les animaux qui mangent ces plantes. Les français mangent 1,4 fois la dose de cadmium maximale recommandée par l'OMS. La moitié d'entre nous sont contaminés. Ça fait 30% probablement des cas d'ostéoporose parce que ça s'oppose à l'ossification. Ça fait plus 3% de cancer du pancréas par an en France. Ça fait des ennuis rénaux hépatiques. En fait, maintenant, il faut retourner la chaussette. Le sol, c'est nous. Bon, donc si on fout n'importe quoi dans le sol, bah non, il nous arrive n'importe quoi. Et retourner la chaussette, c'est se dire qu'en prenant soin des sols, c'est de l'homme qu'on prend soin. Et là, on commence à voir qu'il n'y a pas de différence entre l'humanité et la nature.

  • Speaker #1

    Merci pour cette introduction. Cela permet aussi d'avoir une définition préalable, un vocabulaire à peu près commun pour cet entretien. Pouvez-vous un peu nous rappeler, brièvement, pour comprendre un peu la complexité des sols en tant qu'écosystème, ce qu'ils recouvrent en termes de mycorhizes, quelque chose que vous employez très souvent dans vos différentes interventions, et en quoi cet élément est essentiel pour comprendre la santé des sols et des écosystèmes en général ?

  • Speaker #2

    Cet hélénisme, puisque mycorhizes c'est grec, c'est trahi un petit peu le naturel chez moi, parce que c'est là-dessus que travaillent mes équipes de recherche, autant à Paris. À Gdansk, en Pologne, on travaille sur ces associations entre des champignons du sol et les racines des plantes, qui pour 9-10e des plantes sont à la fois absolument incontournables pour leur capacité à se nourrir, car en réalité ce n'est pas elles mais ces champignons qui prénèvent de l'eau et des sels minéraux dans les sols, mais qui est aussi pour ces plantes-là quelque chose qui est très important dans leur santé parce que ces champignons-là limitent l'arrivée des maladies, ils n'évitent pas de... toutes les maladies venues du sol, mais il protège la racine contre des maladies. Évidemment, ce n'est pas gratuit. Ces champignons-là, dans la racine, prélèvent du sucre provenu de la photosynthèse et c'est donc un échange à bénéfice réciproque. C'est ce qu'on appelle du mutualisme. C'est un échange à bénéfice réciproque qui structure cette interaction. Et donc, les racines que vous voyez sont très souvent pleines de champignons. Ce ne sont donc pas exactement des racines, mais des mélanges de champignons, myco, et de racines, risa, d'où ce nom de mycorhize qu'on utilise techniquement. En réalité, Non seulement la fertilité du sol vient de la vie, qui a, je le disais à l'instant, arraché des minéraux aux roches, qui a également décomposé et recyclé les composants de la matière organique morte, qui d'ailleurs est aussi capable, cette vie du sol, de transformer, figurez-vous, l'azote atmosphérique en protéines. Et quand ça se dégrade, ça donne de l'azote utilisable par les autres organismes du sol, dont les racines des plantes. Donc non seulement les microbes, c'est eux qui font la fertilité, mais en plus, c'est des champignons, donc certains microbes. qui achemine cette fertilité vers les racines. C'est important parce qu'on ne le savait pas ou on avait négligé de comprendre l'importance. Mais ces mycorhizes, aujourd'hui, c'est elles qu'il nous faut entretenir. Et quand on laboure, on déchire les filaments de champignons. Quand on met certains pesticides, comme le glyphosate, on tue ces champignons. Quand on met des engrais minéraux, on conduit la plante à congédier ces champignons puisque la plante trouve suffisance d'azote et de phosphate ou de potassium dans le sol. Elle n'a plus besoin de payer les champignons. mais... on perd l'effet phytosanitaire, on perd l'effet protecteur. Aujourd'hui, on s'aperçoit qu'on aurait peut-être des auxiliaires à retrouver dans un fonctionnement des sols un peu plus intact, en tout cas un peu plus compatible avec la façon dont les plantes, depuis qu'elles sont plantes, parce que ça, ça dure depuis qu'il y a des plantes sur Terre, ça a 400 millions d'années, les fossiles nous le disent. Il faut qu'on retrouve ce qui, de tout temps, et avant même que l'homme mette une charrue ou des produits dans le sol, a construit la fertilité des plantes. et aussi leur alimentation.

  • Speaker #1

    Merci. Je vois comme une sorte de lien entre ce que vous venez de décrire sur les mycorhies, sur ces interactions, sur une notion de labour que peut-être nous reviendrons tout à l'heure, au niveau des impacts que ces activités puissent avoir sur la qualité des sols. Aujourd'hui, nous avons une sorte d'aggravation de la dégradation de nos sols. Quel regard portez-vous sur l'évolution de... de la santé des sols au cours des dernières décennies. Et vous constatez peut-être, voyez-vous, une aggravation en lien avec les pratiques agricoles actuelles et une certaine urbanisation croissante ? Est-ce qu'il y a des liens forts ?

  • Speaker #2

    Alors, il y a plusieurs problèmes qui se posent à nos sols. Effectivement, l'urbanisation ou la mise en place de plateformes logistiques, de zones industrielles, de zones pavillonnaires. artificialise les sols à un rythme assez inquiétant puisqu'en 50 ans, depuis les années 70, c'est 10% de la surface agricole utile qui a disparu. Et c'est tous les ans l'équivalent de la surface nourrissant pendant un an la ville du Havre qui disparaît. On dit 5 terrains de foot par heure, jour et nuit. Donc ça c'est complètement découplé de la démographie, c'est juste notre façon d'utiliser l'environnement qui est plus gourmand en espace et c'est dommage parce que le changement climatique ne nous assure pas que la production reste ce qu'elle est à l'hectare et on va avoir besoin d'hectares. Par ailleurs il y a les zones qui restent agricoles et là notre interventionnisme s'est exacerbé, on laboure plus profond, on laboure plus souvent parce que l'essence n'est pas chère, parce qu'on a mécanisé l'agriculture à outrance et on met à la fois... Ces engrais que je pointais du doigt comme étant par exemple des choses qui disruptent le lien entre ces champignons du sol et les racines des plantes, mais des engrais qui finissent aussi par passer dans l'eau et qui provoquent des proliférations d'algues qui ne sont pas toujours désirables pour les riverains. Parce que quand ça se décompose, ça émet du H2S et ça, ce n'est pas très bon pour la santé. Des pesticides aussi, le glyphosate par exemple, qui n'est pas très bon pour les champignons qui font des mycorhizes, qui n'est pas très bon pour les vers de terre, bref, qui est relativement incompatible avec la vie. Dans les sols, labours, engrais minéraux, pesticides, tout ça, ça fait un cocktail, ben, pesticides, c'est-à-dire tueurs, qui d'ailleurs n'est pas très bon pour l'homme non plus. On en retrouve dans les eaux, oui, parce que les eaux sont reçues par les sols, et quand les sols sont chargés de polluants, ils n'opèrent plus leur fonction de filtration, bien au contraire, ils cèdent une toute petite partie, mais une partie non négligeable quand même, de leurs polluants à l'eau qui passe dedans. Ça affecte jusque d'ailleurs à... à la composition de l'air. On se rend compte aujourd'hui que comme l'air circule entre le sol et l'atmosphère, l'air que nous respirons peut être pollué par les pesticides, y compris des pesticides interdits depuis une vingtaine d'années. Le lindane interdit depuis le 98, les PCB interdits depuis le 87. Ça affecte même la composition de l'air. Bref, ces pesticides ne sont pas très bons pour nous non plus. Parce qu'en fait, les sols, c'est nous. On y revient. Et c'est ce qu'on boit, c'est ce qu'on mange, c'est ce qu'on respire. Donc là, ça commence à faire beaucoup et il faut un peu réagir. Je pense que les gens qui ont mis en place cette agriculture... ne l'ont pas fait de mauvaise foi. Et ils ont d'ailleurs, ponctuellement, parce qu'à long terme ça se passe mal, mais à court terme, ils ont résolu le problème de la quantité. Tout en posant le problème de la qualité que nous percevons maintenant et pour lesquelles l'agroécologie nous fournit des pistes pour utiliser plus le vivant et moins les béquilles que sont ses intrants, pesticides, engrais minéraux ou les gestes techniques comme le labour. Aujourd'hui on a des alternatives à ça, on a des agricultures non labourées, on a des agricultures avec très peu de... ou pas de pesticides, c'est le bio par exemple, on a des alternatives et c'est leur développement qui tarde parce que nous qui achetons, nous collectivement, citoyens qui achetons, nous ne réalisons pas que ce que nous achetons a un sens pour l'avenir, a un sens pour notre santé. Quand on ne réalise pas ce sens, on achète n'importe quoi. Enfin, la part du bio, c'est 10% du marché, c'est une autre façon de dire qu'on achète n'importe quoi.

  • Speaker #1

    Ça reste, vous avez raison, des devis d'action sous-exploités. Justement, vous avez mentionné un peu ces pratiques agricoles comme le non-labour ou les couverts végétaux dans des pratiques différentes de l'agriculture conventionnelle. Pourquoi, selon vous, ces approches restent-elles sous-utilisées ? Alors qu'elles pourraient être des leviers importants pour restaurer les sols et limiter, en partant, le changement climatique ?

  • Speaker #2

    Ce n'est pas du tout un problème technique. Aujourd'hui, on a par exemple le marchinisme agricole qui va avec des sols non-labourés dans lesquels il faut des semoirs particuliers pour enterrer les graines. Aujourd'hui, on a un bon recul sur le bio, pour avoir des itinéraires techniques, et on commence même à avoir des variétés. Alors ça, c'est encore pas parfait. Des variétés adaptées à ce genre d'agriculture, il y a encore beaucoup à faire pour obtenir un plein rendement de ces méthodes agricoles. Parce qu'on travaille avec les variétés sélectionnées pour l'agriculture conventionnelle. Et faire de l'agriculture non labourée ou faire du bio avec les variétés de l'agriculture conventionnelle, c'est un peu danser le lac des signes en botte. C'est pas optimal. Mais néanmoins, ça marche déjà. Et notamment, l'agriculture dont on a bourré, elle permet de reconstituer les stocks de matière organique des sols, de protéger la vie des sols. Et donc, cette vie fait plus de porosité, donc elle permet de retenir plus d'eau et elle présente des intérêts marqués dans les étés secs qu'on a vécu ces dernières années en termes de réserve d'eau. Donc, il n'y a pas de problème technique, contrairement à ce qu'on dit. Et même, on sait que dans certaines pratiques, je pense par exemple au mélange de... céréales et de légumineuses dans le même champ où on produit sur un hectare ce qu'on produirait si on séparait les deux cultures en 0,6 hectares pour les légumineuses donc des pois, des pois chiches, des fèves et 0,8 hectares pour les céréales soit 1,4 hectares si on les sépare. Bon ce genre de pratique de mélange à la fois limite la propagation des maladies et en même temps augmente le rendement puisque en un hectare vous produisez ce que si vous séparer ces cultures, vous produisez sur 1,4 hectare. Donc il n'y a pas photo, il n'y a pas de problème technique, et contrairement à ce qu'on dit, le problème n'est pas de donner à l'humanité. Il est que l'humanité veuille bouffer de cette nourriture-là. Et le problème, en fait, il est celui de susciter un enthousiasme sociétal pour ces alternatives, des gestes de consommation, des votes qui aillent vers des politiques dont le programme est d'aider à la transition, parce qu'on l'a dit, il faut changer de semoire si on ne la bourre plus. Quand vous faites une conversion vers le bio, ça prend un certain temps, ça demande de l'aide. Nous, on ne met en fait en France que 60 millions d'euros par an sur la table pour la conversion en bio. C'est dérisoire. C'est très loin du milliard qu'on met sur la table quand on doit tuer tous les canards parce qu'il y a un problème sanitaire. Donc, en d'autres termes, le problème, le facteur limitant, c'est l'envie sociétale. Et c'est vraiment l'envie des citoyens et des consommateurs. Parce qu'on peut dire, oui, les politiques... Non, dans notre pays, les politiques font ce qu'on leur dit de faire. Ils ont une offre à la hauteur de ce qu'ils... pensent que les citoyens attendent. Et je crois qu'ils l'estiment assez bien. Aujourd'hui, c'est une volonté citoyenne de transition qui est le facteur limitant. Ce n'est plus un problème technique. Je suis désolé de dire que moi, je représente une corporation, celle des scientifiques, qui a fait tout ce qu'il fallait faire. Alors, je ne dis pas qu'il n'y a pas encore besoin de recherches appliquées dans certains bassins de production ou pour certaines cultures pour arriver à imaginer une autre agriculture. Mais l'agroécologie, aujourd'hui, il y a beaucoup de choses, beaucoup de belles au bois dormant qui attendent juste que la société les réveille.

  • Speaker #1

    Bien sûr, si ce n'est que vous soulevez beaucoup de paradoxes entre le fait que ce ne soit pas une problématique technique, qu'il y ait des solutions, qu'il y ait une envie d'une massification de la population à bien manger, à se nourrir, à faire un lien sur la santé. Comment aujourd'hui vous interprétez le fait que nous ayons des records de température, que nous continuons Une grande partie de la population a accentué notre empreinte écologique à travers des comportements comme l'augmentation des vols en avion, comme évidemment d'aller consommer de la nourriture transformée, sachant que cette information est disponible sur la plupart des médias. Comment peut-on aujourd'hui expliquer cette dissonance pour essayer de trouver les leviers permettant aux gens de bifurquer vers... vers des usages et des consommations beaucoup plus saines, beaucoup plus valorisantes. Avez-vous des pistes à nous proposer ?

  • Speaker #2

    Déjà, j'ai un nom pour ce diagnostic, c'est ce que j'appelle, c'est ce qu'on appelle classiquement l'acrasie, qui est le fait de se diriger à l'opposé de ce que le bon sens et les données disponibles suggèrent. Et la question, c'est pourquoi on fait ça ? Pourquoi sommes-nous acrasieux ? Alors, il y a une première réponse qui est de dire que les gens sont cons. Moi, je ne peux pas entendre ça. D'abord parce que quand je fais des conférences, quand j'encontre le public, je vois que les gens ne sont pas cons. Et en une heure d'exposé puis de questions, je me rappelle qu'on va très très loin. Il y a de réelles curiosités. Les gens ne sont pas cons. Ça, c'est faux. D'ailleurs peut-être par rapport aux sciences et notamment aux sciences du vivant, les enseignants ont-ils fait une erreur ? Avons-le, j'en suis, je crois beaucoup en l'enseignement, on va le voir dans la suite de ma réponse. Et je suis enseignant, donc on a peut-être fait une erreur en inspirant de la... terreur ou de l'inquiétude ou de l'humilité vis-à-vis de la science, alors que n'importe qui est capable de comprendre la science, n'importe qui n'est peut-être pas capable de l'expliquer. C'est peut-être ça le problème. Donc non, les gens ne sont pas cons, ce n'est pas ça le problème. Il y a des cons, bien sûr, mais j'en connais moins qu'aux gens qui sont capables d'aller beaucoup plus loin qu'ils ne l'imaginent. En tout cas, j'en rencontre beaucoup moins qu'aux gens qui sont capables d'aller beaucoup plus loin qu'ils ne l'imaginent. Non, non, le vrai problème, c'est comment sommes-nous fabriqués ? Par exemple, on n'a pas peur du chimique. Ben oui, on a tous des poils antéphales alors qu'on sait très bien que les PFA sont des choses extrêmement dangereuses pour la santé publique. Le coût en santé publique par rang de ces, les PFAS comme on les appelle, cet anglicisme merdique, disons les fluoroalkylés pour dire ce qu'ils sont, ces polluants éternels donc qui ne se dégradent pas et qui viennent à la fois de nos industries mais aussi des objets qui nous entourent, on sait que leur coût... En santé publique, il est estimé entre 50 et 90 milliards d'euros par an à terme. Et ils sont super dangereux, mais vous avez jeté votre poêle téfale, vous ?

  • Speaker #1

    Pour ma part, oui.

  • Speaker #2

    Bon, c'est bien. Vous voyez que les gens ne sont pas cons. Mais il y en a quand même qui, sans être cons, ne l'ont toujours pas jeté. Et on n'a pas peur du chimique, par contre. On a un peu peur du biologique, quoi. Notamment quand un aliment tombe par terre, on se dit « Oh là là, et quelles bactéries l'ont... » Alors en fait, le vrai problème... Quand un aliment tombe par terre, surtout s'il est un peu gras, c'est qu'est-ce qu'il est en train de solubiliser, de prendre en charge des produits chimiques qui ont servi à nettoyer, à donner un parfum aux produits nettoyants, à lui donner une couleur ou à tout ce qui s'est déposé sur ce sol. Le risque, il est chimique quand un aliment tombe par terre. Et nous, on y voit un risque biologique. Alors, pourquoi est-ce qu'on ne comprend pas certaines choses ? Moi, je pense qu'on comprend comment on est fait, comment on est formé. Et je pense que, je défends ça en tant que président de la fédération Bioge, B-I-O-G-E. Mais eux, il y a un site internet qui peut vous montrer ce qu'on fait, parce qu'on essaie de remettre de l'information positive et des explications qui permettent de trouver les issues de secours dans les mains des citoyens. Nous pensons à Biogé et nous essayons de nous battre pour remédier à cela, qu'il n'y a pas assez de formation aux sciences du vivant et de l'environnement. Et qu'en plus cette formation n'est pas assez interdisciplinaire parce que ces objets n'appartiennent pas qu'à la biologie. Entendons-nous, le climat ce n'est pas qu'un objet de la biologie, la sexualité ce n'est pas qu'un objet de la biologie, mais comme on n'a qu'une heure par semaine dans le secondaire et rien dans le primaire parce que ce n'est pas au programme, alors il y a des profs des écoles qui font des efforts, mais c'est individuel et ponctuel. Il y a des associations qui les aident, mais ce n'est pas dans les programmes. Comme il y a une pauvre heure qui traînasse, comme ça, dans le collège et dans le lycée, pour la sexualité, l'alimentation, la santé, l'environnement... En fait, on n'est pas à même de saisir les enjeux, on n'est pas à même de comprendre les choses. Ça explique que les gens deviennent anti-vax ou pro-vax. Ça me fait un peu sourire parce que les anti-vax disent « les vaccins tuent » et les pro-vax disent « les vaccins tuent pas » . En fait, la vérité est entre les deux. Le juste, le truc, c'est que les vaccins tuent moins que la maladie. Et on est dans une guerre de tranchées. Non, ça ne tue pas. Ben si, ça tue. Et en fait, on n'est pas préparé à la subtilité du vivant. Peut-être qu'on fait trop de maths, d'ailleurs. X égale 1, c'est vrai ou faux ? Faut-il se vacciner ou non ? Ce n'est pas vrai ou faux ? C'est probablement vrai ou probablement faux. mais vous voyez, le truc c'est qu'on est dans un monde complexe où rien n'est vrai ou faux c'est le monde vivant qu'on ne connaît pas assez bien pour pouvoir tout prédire, tout comprendre, mais il y a quand même des pistes, des pistes pour s'orienter dans le flou. Et c'est peut-être dans la formation, ce qui manque le plus, cette appréhension de vivant pour arriver quand même à utiliser un peu de science et de bon science pour s'orienter au mieux, c'est-à-dire dans la bonne direction, et donc ne pas faire d'acrasie.

  • Speaker #1

    Vous pointez du doigt une chose, qui est la partie éducation, la prévention.

  • Speaker #2

    Mais qu'est-ce qu'un professeur peut faire de plus ?

  • Speaker #1

    de pouvoir actionner des leviers au travers peut-être nos collégiens, nos lycéens, réinstaurer les sciences des vies de la Terre de façon plus importante.

  • Speaker #2

    Et interdisciplinaire. Et interdisciplinaire. Ce n'est pas que la lutte pour des heures, pour la bio.

  • Speaker #1

    La question c'est pourquoi ces politiques publiques Peinent à toucher un large public Et permettent à un moment donné D'avoir une prise de conscience Et une modification Je dirais des programmes Des programmes à destination De nos jeunes enfants Qu'est-ce qui bloque selon vous aujourd'hui Et comment pourrions-nous les uns et les autres, participer à ce que cette demande, cette envie, voire même à un moment donné peut-être se poser la question d'une obligation, à devoir militer pour introduire cette sensibilité, cette connaissance du vivant qui est indispensable aux mécaniques qui sont aujourd'hui en train d'être en œuvre. Quelle proposition vous... Vous pouvez mettre en place.

  • Speaker #2

    C'est peut-être moins les programmes. En tout cas, si les programmes ne sont pas bons, je suis responsable. Parce que j'ai toujours trempé dans les commissions de programmes. Je ne veux pas que j'esticule. mais oui On commençait à parler de sol, et le sol, il y a deux heures sur le sol en seconde, et puis on ne peut pas en mettre plus, parce qu'il y a trop d'autres choses à gérer sur la santé, la vie sexuelle, les choses comme ça. Donc oui, c'est insuffisant, c'est une question de durée, et puis aussi d'interdécidualité, parce que je le répète, les tas de gamins, le sol ou le vivant, ils ne vont pas être capables de l'aborder par le cours de bio. C'est peut-être le prof de français, ou le professeur de plastique qui peut le plus pour eux. donc pour revenir là dessus c'est une question de durée plus que de contenu, mais disons que pourquoi ça prend pas, pourquoi la prise de conscience ne se fait pas et pourquoi on ne change pas ça, c'est un peu la poule et l'oeuf, c'est parce qu'on n'a pas compris que c'est ça qui nous manquait, et il ne faut pas charger nos politiques bon bien sûr on peut les charger quand même, mais il ne faut pas charger nos politiques, parce qu'une fois de plus je pense qu'ils nous ressemblent, en fait leur métier c'est de nous ressembler assez pour nous inspirer de la confiance Quand j'entends que lors de la dernière présidentielle, on a passé 3% du temps à parler du climat ou 1% du temps à parler de la biodiversité, ce que j'entends par là, c'est que ça reflète ce que nous sommes collectivement. Alors peut-être pas ceux qui écoutent, mais ceux qui n'écoutent pas qu'on pense largement, et en nombre, et en indifférence. C'est ça l'histoire. L'histoire c'est qu'il faut vraiment qu'on arrive à casser ça. Et alors, l'éducation étant posée... Occupons-nous des vieux. Parce qu'il y a quand même une certaine urgence et on ne peut pas attendre que les nouveaux-nés aient 35 ans pour s'emparer des problèmes environnementaux et sanitaires dans lesquels nous sommes plongés. Je crois que là, en fait, les vulgarisateurs ne sont d'aucune utilité. Parce qu'ils vulgarisent depuis longtemps et ça ne fait rien. Donc si on voulait une preuve de ce que je dis, il suffit de regarder les 30 dernières années ou les 50 dernières années. Rachel Carson fait un livre superbe pour parler du printemps silencieux des années 60. Et on l'a toujours dans les fesses. 60 ans plus tard, rien n'a changé. Donc, moi, je pense... Alors, j'ai réfléchi beaucoup à ça. J'ai essayé d'en parler dans mon dernier livre, Nature et préjugés, parce que j'essaie, dans un des chapitres, d'expliquer pourquoi la science a son mot à dire sur notre lien à la nature et pourquoi, en même temps, elle n'arrive pas à le dire. Votre question, en fait, qui est une très bonne question. Moi, si j'avais la réponse, je serais le roi du pétrole, mais j'ai une idée, au moins. Alors vous allez me dire que c'est une idée infaisable parce qu'on a besoin d'argent pour ça. Alors l'argent, c'est ce qu'on ne trouve pas. Moi, par exemple, je n'arrive pas à trouver d'argent pour Biogé pour maintenir un poste permanent plus d'un an. Donc l'argent pour ça, vous voyez, c'est difficile. Mais voilà ce que je pense. On a besoin des publicitaires. Ils peuvent nous vendre des brosses à chiottes, des produits à récurer, des trucs incroyables. Ils peuvent, ils structurent nos envies. D'ailleurs aujourd'hui on sait très bien que... L'alimentation, la malbouffe, le budget qui est sur la table pour faire de la pub, pour ce qui n'est pas bon pour la santé, pour les aliments qui sont indésirables, elle est mille fois plus financée que les spots de publicité pour bien manger, manger des fruits et des légumes, manger équilibré, manger pas trop gras, faire des exercices et tout. Donc, on voit très bien qu'il y a une question d'argent. Mais derrière cette question d'argent, il y a des mercenaires, des publicitaires. Nous sommes tous des mercenaires d'ailleurs. Moi-même, scientifique, je fais de la recherche. sur des sujets pour lesquels il y a de l'argent pour faire de la recherche. Et ces publicitaires, je pense qu'on a besoin d'eux. Eux savent bâtir des imaginaires. Eux savent faire en sorte que certaines choses paraissent élégantes, riches, désirables, et d'autres ridicules au contraire, et négligeables. Et je pense qu'on a besoin de ce savoir-faire. Ce n'est pas le tout d'avoir une technique, on revient à ça. Ce qu'il faut, c'est convertir les gens. et là il y a des gens dont c'est le savoir-faire, c'est les publicitaires c'est les faiseurs d'opinion, moi je trouve qu'il y a des youtubeurs qui font un... Un boulot parfait. Tiens, je vais vous parler de Vince Canté que j'ai rencontré. C'est un type qui faisait de l'information. Il est merveilleux et généreux en plus. La personne est belle, mais au-delà de ça, ce n'est pas de la flagranterie. Il est en train d'aller réveiller des gens au fond de leur vie et pour les gens. Parce qu'en fait, ce réveil, cette prise de conscience, c'est une façon demain de consommer un peu mieux, même égoïstement et à court terme pour soi-même. Voilà, donc on a besoin de ces populations-là qui savent remuer l'opinion, ceux qui ne savent pas faire. Ceux qui ont les techniques.

  • Speaker #1

    Toute personne, toute classe confondue, a besoin de participer à ce grand jeu de transformation, de transformation des imaginaires.

  • Speaker #2

    On a tous quelque chose à améliorer dans nos vies. Oui,

  • Speaker #1

    complètement.

  • Speaker #2

    Pour autant,

  • Speaker #1

    est-ce que cela va suffisamment vite pour vous ? Sachant qu'on remarque aujourd'hui que vous êtes aussi enseignant-chercheur, vous avez aussi des activités par exemple en Pologne. L'Europe centrale a subi et subit des bouleversements terribles ces derniers jours et encore aujourd'hui. Des terres agricoles sont dévastées entièrement. On se rend compte que ces bouleversements nous prennent de vitesse et qu'elles ont un impact et qu'elles vont avoir un impact terrible sur peut-être notre dépendance alimentaire à l'échelle de la zone européenne. et on a peut-être ce sentiment que peut-être tout va bien et que pour l'instant nous n'avons pas besoin de réagir Nos États sont là pour nous accompagner et que l'action, le réveil des populations n'est pas encore là. Qu'est-ce que vous en pensez de cela, vous qui êtes en plus ?

  • Speaker #2

    Il y a des choses paniquantes et d'autres pas paniquantes. Par exemple, l'indépendance alimentaire, le fait de pouvoir manger. On sait que 33% de la nourriture finit à la poubelle dans tous les pays du monde. Chez nous, c'est une histoire de date limite de consommation et d'organisation. Donc, c'est simple. Vous achetez à manger, vous mangez pendant 4 jours, 5 jours et le reste de la semaine, si vous me permettez, vous fouillez dans la poubelle pour manger

  • Speaker #0

    Voilà. Aujourd'hui, on a trop de bouffe. Non, mais il faut le dire. De la même façon, on parlait des sols tout à l'heure. Les sols, en fait, les populations microbiennes et les populations d'organismes des sols sont en train de s'écrouler. Aujourd'hui, plus il y a d'interventions, je pense à l'agriculture en général, mais le maximum d'interventions, c'est viticulture conventionnelle, arboriculture conventionnelle, moins il y a d'individus de chaque espèce. Mais il n'y a pas forcément beaucoup d'espèces qui disparaissent. Et c'est pour ça qu'aujourd'hui, quand on cesse de labourer, on a une vie qui reprend en 2 à 3, 4, 5 ans. C'est très, très rapide, la reprise de vie des sols et la reprise de fonctionnement vertueux. Et je l'évoquais tout à l'heure, ces fameux sols qui stockent de l'eau, qui stockent de la matière organique, qui stockent du carbone, des puits de carbone. Donc, ça, ça peut bouger vite. Donc, il y a des marges sur certaines choses. Je pense à nos déchets, à ce que nous jetons à la poubelle et à ces aliments que nous jetons à la poubelle. Il y a des choses qui peuvent réagir vite. Après, il y a des choses, c'est foutu. Il y a des choses qui sont foutues. Les microplastiques, par exemple, qui ont été dispersés dans l'environnement et qui finissent de se fragmenter en libérant des perturbateurs endocriniens ou des molécules cancérigènes, ça, c'est là pour toujours. Donc, on a abîmé l'environnement avec ça, avec sans doute aussi les polluants internels. Et il y a des indicateurs de ça. Si vous comparez aux années 70, les cancers des 0 à 19 ans ont augmenté de 40%. C'est-à-dire que l'environnement est plus mutagène. La quantité de smatosoïdes produite par les occidentaux a été divisée par deux. C'est-à-dire que la concentration dans les éjaculats qui n'ont pas varié de volume est divisée par deux. Donc il y a des indices que le milieu est devenu... Bon ça c'est... On ne va pas aller retirer ça. Il y a des choses qui sont entre les deux. Entre le mal fait pour toujours et le mal fait mais mieux faisable. C'est le climat. On peut très bien faire mieux du jour au lendemain, on sent quand même que ça va être un peu dur. Il va falloir ramer. Donc tout n'est pas désastreux. Maintenant, peut-être que la façon dont on vulgarise, et ça c'est aussi un peu la faute des journalistes, montre peut-être le côté affreux et pas assez les portes de sortie qu'il y a. Parce qu'en organisant mieux nos vies, même dans un environnement dégradé par les polluants qu'on a mis, je pense qu'on doit pouvoir arriver... à maintenir l'espérance de vie en bonne santé au même niveau. Je pense. Enfin, 2022, c'est le dernier chiffre dont je dispose, et je serais ravi qu'on m'envoie rapidement le chiffre de 2023, parce que je ne le trouve pas. L'espérance de vie en bonne santé, c'est-à-dire sans gros problèmes majeurs et sans rien qui empêche de faire ce que l'on veut faire, abaissée en France. C'est pour la première fois depuis pas mal de temps. Donc, voilà. Moi, je ne suis pas complètement alarmiste, mais pour revenir à la question, ce qui m'alarme, c'est que plus on attend, moins ce que je viens de dire est vrai. Ou moins, ce que je viens de dire est facile. Et c'est vrai que c'est pour ça que je dis qu'on ne peut pas se contenter de faire une meilleure génération demain. Il faut aussi agir sur la génération en cours. Je trouve le temps de réaction du système lent. Et de fait, il n'est pas à la hauteur de la dégradation du système. Un exemple chiffré, vos impôts servent à replanter 3000 km de haies par an. On continue à en arracher 25 000 km. Alors ça a des fonctions contre l'érosion, contre l'assèchement en été. Ça a des fonctions pour stocker de la biodiversité, pour empêcher la propagation des maladies. s'est stocké. 100 tonnes de carbone par kilomètre. Ça permet de structurer le sol localement d'une façon qui permet à l'eau de s'infiltrer. On peut faire une longue liste. Les haies, ce n'est pas à nos anciens. S'ils avaient diminué la surface de champ cultivable, ce n'est pas pour rien. Pas juste pour faire beau. Pour terminer là-dessus, 25 000 km contre 3 000 km, on voit très bien qu'on n'y est pas, surtout qu'une jeune haie ne fonctionne pas aussi bien qu'une vieille haie. C'est vrai que c'est crispant, cette histoire de la vitesse. de changement. Ça, c'est... Il faut qu'on se bouge, là. C'est peut-être le cœur de l'inquiétude.

  • Speaker #1

    Comment, aujourd'hui, on fait passer des gens potentiellement à l'action ?

  • Speaker #0

    C'est en étant là ensemble, parler. Évidemment. Et pour ceux qui écoutent, s'ils pensent que c'est important, ils ont le cas de faire écouter d'autres gens.

  • Speaker #1

    Voilà le constat d'une dégradation de nos sols, de la qualité des sols, de la conséquence sur nos capacités à pouvoir...

  • Speaker #0

    Sinon même de leur existence d'ailleurs, parce que dans les Hauts-de-France, il y a tellement peu de matière organique que quand il pleut, il n'y a plus de liant. Il n'y a plus de liant. Il n'y a que des coulées de boue.

  • Speaker #1

    Les difficultés des budgets fléchés justement pour redonner un peu la matière organique à travers de ces sols, pour cette... On a cette sorte d'élitement un peu écologique qui est en cours. Et j'aimerais avoir aussi votre avis et votre ressenti sur à peu près les scénarios futurs qui peuvent se projeter sur les 10, 20, 30, 50 prochaines années. Et surtout, quelles étapes cruciales nous devons mettre en place et qui doivent être franchies pour éviter ce qu'on pourrait appeler cet effondrement écologique qui est déjà...

  • Speaker #0

    Moi, je n'ai pas le... Je ne peux pas vous parler avec finesse des modèles prédictifs que par exemple le GIEC propose. Ce n'est ni ma spécialité, ni quelque chose que je lis assez bien pour pouvoir vous répondre là-dessus. Ce que je dirais, c'est qu'il y a quelque chose qui peut nous sauver, et c'est ça en fait qui va déterminer si ça va continuer à se dégrader, au point que finalement la vie humaine va perdre de la dignité ou de la qualité, ou est-ce qu'on va pouvoir réagir. c'est le moment où on comprend comprendra que ces sciences du vivant, donc l'écologie, mais aussi les sciences de la santé, la compréhension du vivant, sont une solution, c'est-à-dire offrent des solutions, offrent des moyens de faire autrement, mais aussi bien par rapport à certains impératifs. Je pense par exemple à l'humanité. Le moment où on comprendra que cette génération qui a tout raté, ces générations qui ont tout raté, elles ont par contre... mis en place une boîte à outils colossale qui permet de soulever des montagnes avec l'écologie, la compréhension du vivant, voire même un tout un tas de choses en physique et en chimie. Le moment où on comprendra que la science n'est pas juste un outil de diagnostic de pourquoi ça ne va pas, mais contient des remèdes et des pistes alternatives et qu'il n'y a pas qu'une seule façon d'arriver à Rome. Parce qu'on nous dit tout le temps, non, on ne peut pas faire autrement. Je lisais un article, une interview d'une... bêtise abominable de quelqu'un qui commentait le futur de l'agriculture européenne en disant qu'elle ne deviendrait plus pure, elle ne nourrirait pas les Européens. Et tout cela suait l'ignorance, l'absence de lecture des travaux qui montrent que nous, on peut faire différemment et nourrir tout le monde. Donc, voilà. Cette boîte à outils, là, c'est si on l'ouvre, là, il y a de l'espoir. Si on continue à ne pas l'ouvrir, là, c'est difficile parce qu'on va continuer à faire comme d'hab. Et comme d'hab, ben ça va pas

  • Speaker #1

    Justement, cette boîte Woudi que vous nommez, ces dernières décennies nous ont permis d'avoir un corpus de connaissances phénoménales, et justement pousser les gens à des pratiques beaucoup plus sobres et beaucoup plus vertueuses, avec certainement des techniques prometteuses pour l'amélioration des conditions des sols, des écosystèmes de notre vie. A l'inverse... Est-ce que vous constatez, bien sûr, peut-être nous présenter un peu les actions, les différentes pratiques que vous connaissez, qui se doivent d'être maximisées, reconnues, accompagnées d'un point de vue financier en territoire, et puis celles à l'inverse que vous constatez aujourd'hui qui participent encore activement à cette érosion, à ce déclin de nos écosystèmes ?

  • Speaker #0

    Il est évident que la pratique agricole, comme elle intéresse 54% de la surface du territoire, elle est tout à fait décisive et aujourd'hui, elle n'a pas évolué. D'ailleurs, moi, je comprends les agriculteurs de ne pas vouloir changer parce que comme les citoyens ne suivent pas, on ne voit pas très bien pour quel marché ils travailleraient différemment.

  • Speaker #1

    Sachant que nous payons, nous partissons pour tous à une partie individuelle de la PAC.

  • Speaker #0

    130 euros par an et par citoyen. D'accord. Donc, ça fait un peu plus de 8 milliards d'euros. en France mobilisés pour une agriculture. Et on voudrait que ce soit moins conditionné par la surface que possède l'agriculteur, que par ce qu'il y fait. Mais moi, je pense qu'on doit payer plus. Parce que si on veut que l'agriculture fasse la santé, la qualité de l'air, la qualité de l'eau, en plus du paysage et de la quantité de nourriture, ça a un prix, tout ça. Donc, effectivement, il y a les activités agricoles et il y a certaines activités industrielles qui sont complètement incompatibles, finalement, avec... la qualité de notre environnement et la durabilité d'une terre et d'une biodiversité qui nous permet de vivre dignement, comme je le disais, et en bonne santé. Après, dans les gestes positifs, je vois plein de petits signaux. Alors le problème, c'est qu'effectivement, moi je ne vais pas être capable de vous convaincre qu'en termes de vitesse, leur croissance est intéressante. Mais je vois qu'aujourd'hui, dans les écoles de commerce, quand moi je fais des cours à HEC ou à l'EDEC, je m'aperçois qu'ils sont très concernés les étudiants. Après Qu'adviendra-t-il quand ils vieilliront ? Ils auront peut-être un pragmatisme. Mais il y a réellement une génération qui, alors même qu'elle n'est pas dans les sciences du vivant, elle se sent concernée et elle cherche des outils de sortie. Je vois que la finance, par exemple, je participe à des colloques de finance. Moi, je n'ai rien à dire sur la finance, je viens juste d'expliquer ce que c'est que la biodiversité et en quoi ça structure le monde qui nous entoure et la capacité à produire des choses variées. Je vois que ce monde la bouge. Donc il y a quelques bons signaux. Et comme toujours, il n'y a pas une seule profession qui soit complètement pourrie ou complètement vertueuse. Je dirais que, en fait, la vraie question du rythme cache celle du changement d'échelle. Ça reste pour l'instant des niches. Et la question, c'est comment on généralise ça ? Et je reviens à mon histoire de publicitaire et de vision du monde. Il faut qu'à un moment, certains réflexes deviennent ridicules. Ridicule parce que la compréhension qu'on a de ce qu'ils sous-tendent fait que c'est tout simplement multiplement inacceptable. Je vais vous dire par exemple, je me mets tout nu dans la rue, alors là tout le monde va être choqué, on va crier. Combien de personnes jettent sans que personne ne hurle autour un morceau de plastique dans la rue ou un mégot ? Ça, ça tue des gens. Ça va tuer des gens. Ça va faire des micro-plastiques, ça va faire des perturbations, ça tue des gens. C'est un crime. Oui, c'est un crime. Tout nu dans la rue, regardez bien, vous verrez, il est fait comme vous, comme votre partenaire sexuel, si vous êtes hétéro. Il n'y a pas de problème. C'est une banalité ordinaire et ça ne tue personne. On a des tabous mal foutus. Et c'est peut-être ça qu'il faut refaire.

  • Speaker #1

    Pourtant, on le constate, on soulève des problématiques de sens, de valeur et des communs sur ce lien que vous citiez tout à l'heure sur la partie éducative. Vous expliquez que dans certaines écoles de commerce, on commence à introduire une certaine sensibilité, un certain profil d'étudiant qui bénéficie de ses privilèges de pouvoir accéder à des études supérieures. Ah oui,

  • Speaker #0

    ça ne fait pas la masse des citoyens.

  • Speaker #1

    Ça ne fait pas la masse des citoyens. Cette, comment dire,

  • Speaker #0

    mais la masse est suiveuse.

  • Speaker #1

    J'ai l'impression, et je crois que je vous avais entendu citer cela, et ça m'avait marqué, j'ai l'impression qu'on se lance toutes et tous dans peut-être une guerre ou une fausse guerre. On embarque pas mal de monde peut-être dans cette guerre. Ne serions-nous pas un peu comme le général Pyrrhus que vous citiez ? assez régulièrement. Je trouve cette analogie très importante. J'ai l'impression qu'on se dirige vers une mauvaise guerre. On embarque un peu tout le monde dans cette bataille, cette fausse bataille, pardonnez-moi, mais qui, en fin de compte, ne nous fera peut-être pas faire gagner cette guerre.

  • Speaker #0

    Je ne sais pas... Bon... Les gestes que je fais, je les fais parce que moi, je crois sincèrement qu'ils sont utiles et qu'ils peuvent avancer. Donc, je me trompe peut-être, mais je ne suis pas à même de vous dire pourquoi je me trompe, puisque je suis convaincu. Quand je dis que la masse est suiveuse, on est tous suiveurs. À un moment, quand plein de gens font quelque chose, on se met à le faire aussi. Et puis, des fois, après, on réalise que, ah ben, oui, finalement, ce n'est pas une bonne idée quand on analyse des choses. Donc, moi, je pense qu'il y a une masse critique à atteindre pour que le système bascule. et je ne pense pas que... qui est de mauvaise guerre. Parce que, quelque part, même si on va tous dans des directions qui sont éventuellement des directions élémentaires limitées, on pousse collectivement l'idée que non seulement le système actuel ne peut plus continuer, mais en plus les systèmes alternatifs peuvent fonctionner. Je suis moi souvent pris dans une guerre fratricide entre les gens qui font de l'agriculture non labourée, mais du coup, comme ils ne labourent plus. Ils désherbent plus, donc ils utilisent du glyphosate pour désherber. Et les gens qui font de l'agriculture bio, qui donc n'utilisent pas de produits toxiques, et moi j'achète des produits bio parce que c'est génial pour la santé, mais au moment de désherber sur des grandes surfaces, ils ne peuvent pas le faire à la main, ils ne peuvent pas mettre du mulch,

  • Speaker #1

    donc ils labourent.

  • Speaker #0

    Et c'est une guerre, ils se battent entre eux. C'est ridicule parce qu'ils font un pas dans la bonne direction et c'est deux pas qui ne me paraissent pas devoir être opposés. Et au contraire, peut-être demain il faut préparer. peut-être encore un peu de recherche à faire, même si sur des petites surfaces, on commence à y arriver très bien. On va voir le mélange de la somme des deux. Mais on a des combats. Cela dit, il faudrait que les combats arrêtent, mais n'empêche que ces deux façons-là de dire, attendez, il y a des gestes bizarres dans l'agriculture conventionnelle. Et ça commence à faire, ça fait cœur. Ça ferait plus cœur, effectivement, s'il n'y avait pas de conflit sur la solution à donner.

  • Speaker #1

    On commence, à votre avis, à avoir quelques convergences, essayer d'avoir du compromis. Là,

  • Speaker #0

    on en a dans les agricultures de petites surfaces, en maraîchage, il y a des agricultures biologiques de conservation, A, B, C, et ils ne s'en vendent pas d'ailleurs, parce qu'il n'y a pas de label. Les gens s'en foutent de ce qu'on fait dans les sols. Le citoyen, il s'en moque assez. Mais néanmoins, il y a effectivement des gens qui commencent à faire la synthèse. Certains même y arrivent en grande culture. Mais honnêtement, il y a encore un petit peu de verrou technique à lever. Mais moi, j'ai confiance. C'est un petit peu comme si vous me disiez, non, on ne pourra pas voler, on arrête la recherche au XVIe siècle. Bon, ok, c'est vrai que voler aujourd'hui, vous l'avez évoqué dans une de vos questions, ce n'est peut-être pas la meilleure idée du monde en termes de climat. Mais les verrous techniques sont faits pour être levés. Moi, j'ai confiance dans l'évolution culturelle. Par contre, je n'ai pas confiance dans l'évolution culturelle qu'on ne pilote pas. ou qu'on ne maîtrise pas. Et c'est une façon de ne pas la maîtriser que de dire « Non, on ne pourra jamais nourrir l'humanité autrement que comme ça. » Vous savez, c'est un petit peu énervant, parce que je vois aujourd'hui plein de pratiques, notamment en médecine, mais aussi en agriculture, où les produits qui nous servent à lutter contre les indésirables, je pense aux antibiotiques, on les utilise mal. Le bilan, c'est qu'on ne fait que sélectionner les résistances. Alors qu'on sait très bien et qu'on l'a prouvé qu'il y a une façon d'utiliser les produits pour détruire un organisme dont on ne veut pas. qui l'empêche de trouver la solution évolutive. C'est les trithérapies. Une trithérapie, vous mettez plusieurs drogues en même temps, le bilan c'est que les mutants qui résistent à une drogue, de toute façon ils sont tués par les autres, le mutant qui résiste à la fois à toutes les drogues, sa probabilité d'exister est tellement affine que ça ne se produit pas, le bilan c'est que les gens vivent avec une trithérapie sans que le virus n'arrive à y survivre. La trithérapie en agriculture, c'est des cultures mélangées, des haies, des paysages où un parasite ne peut pas s'adapter au paysage. C'est tout le contraire de ce qu'on lui offre quand on offre... une variété unique dans un champ, voire même deux champs contigus avec la même variété, ou deux variétés proches. En d'autres termes, il existe aujourd'hui des façons d'agir en utilisant, disons-le, le moyen lâché, les sciences de l'évolution comme des outils pour parer à l'évolution et au contournement de ce qui nous emmerde. Emmerder, hein, c'est 100 000 personnes par an qui ont des problèmes de bactéries existantes aux antibiotiques et 7 500 morts par an. Ça tue, quoi ! Et demain, on pourrait très bien appliquer les antibiotiques par paire ou par triplette. Et en plus, comme il n'y aurait pas de résistance, savez-vous quoi ? On pourrait en mettre moins. Donc la toxicité, ou bien d'un pesticide, ou bien d'un médicament que l'on prend pour lutter contre un virus ou une bactérie, serait amoindrie. Il faut quand même se réveiller un peu là, il y a des solutions. Mais simplement, nous on continue à remporter des victoires à l'apyrus parce qu'on n'a pas compris comment ça marchait. Ou plutôt, ceux qui ont compris comment ça marchait et qui font par exemple des sciences de l'évolution, eh bien, c'est des spécialistes dans leur coin, tout le monde y croit, oui, oui, personne ne voit que c'est un outil, voilà. De nouveau, la boîte à outils n'est pas ouverte. Et c'est ulcérant parce qu'il y a des morts derrière.

  • Speaker #1

    Justement, est-ce qu'il faudrait-il peut-être parler de certaines... être un peu plus rigoriste, avoir une certaine radicalité dans certaines de nos actions, justement, pour pousser à ces compréhensions, ces actions, voilà, justement, qui permettent...

  • Speaker #0

    Alors, je ne sais pas si vous voulez me parler d'extinction-rébellion ou... de scientifiques en rébellion ? Parce que c'est vrai que c'est peut-être une des questions qui était derrière votre question tout à l'heure de l'accélération.

  • Speaker #1

    De l'accélération, puis surtout que dans une ancienne interview, je crois que vous aviez affirmé que la violence était condamnée, mais les actions violentes payent.

  • Speaker #0

    C'est l'horreur ! Moi, je regarde l'histoire.

  • Speaker #1

    Pensez-vous que ces actions radicales sont devenues...

  • Speaker #0

    J'ai lu André Assis-Malheur, comment saboter un pipeline. Et je retire quand même de ce livre non pas l'envie d'une action violente, moi je suis non-violent. Mais ce que dit ce livre, et c'est pas forcément la conclusion que tire toujours André Assemal, mais bon, c'est qu'à un moment, les non-violents alternatifs commencent à être écoutés parce qu'il commence à y avoir des violences. C'est comme ça que les progrès sociaux ont été obtenus. quand se développaient des anarchismes. C'est comme ça que les suffragettes sont devenues violentes avant que les suffragettes modérées soient plus écoutées. Moi, je n'aime pas cette idée-là. Je n'aime pas la violence et je sais très bien que toutes les révolutions, on met longtemps à se faire. à s'en remettre. Regardez par exemple la révolution française, on a une queue d'instabilité institutionnelle qui fait des révolutions et des morts, je parle de vie humaine aussi là, jusqu'à la troisième république, qui d'ailleurs commence très très mal. Moi je suis un parisien de souche, par un côté de ma famille, par un côté de ma mère, on est voir le mur défédéré. Le mur défédéré c'est un siècle plus tard le produit de la révolution qui n'est pas stabilisé. Donc la violence elle tue sur le coup et elle tue après. Du coup moi je n'aime pas cette idée de rébellion trop violente. Mais en même temps à un moment je vois que quand on commence à passer à la vitesse supérieure, quand Alizé s'attache à un filet à Roland Garros, C'est pas violent, hein ? Pourquoi c'est encore doux, là ? Eh ben moi, je passe à la télé le soir pour parler un peu de l'éducation aux sciences du vivant et pourquoi finalement les solutions du vivant, elles ne sont pas acceptées par les citoyens. Je n'arrive pas à passer à la télé, moi, pour dire qu'il faudrait enseigner plus de sciences du vivant et de la Terre. Eh ben, Alizé fait une connerie. Elle ose interrompre un match de tennis. Et là, on commence à se dire, tiens, oui... Alors, on n'est pas encore dans la violence, mais la question, c'est jusqu'où hausser le ton ? Alors moi, je suis professeur du muséum, je ne m'en prends pas la dent, je ne hausse pas le ton. J'utilise quelques gros mots pour réveiller mon auditoire, mais je suis un garçon bien poli, pop sur lui. Mais des fois, je vois que 55 ans à vivre comme ça n'ont pas vraiment révolutionné le monde. Qui suis-je pour empêcher la violence ?

  • Speaker #1

    Donc ces générations futures, justement, comment on leur parle ?

  • Speaker #0

    Déjà on leur dit de faire des enfants, parce que le truc de ne pas faire des enfants parce que ça va mal vous passer, si ceux qui sont conscients qu'il y a un risque que ça se passe mal ne font pas des enfants qui portent leur valeur, alors on est dans la merde.

  • Speaker #1

    Ça c'est votre conseil clé pour les générations futures ?

  • Speaker #0

    On peut ne pas faire des enfants, c'est un choix personnel. Moi j'ai longtemps pensé que j'en aurais pas, puis j'en ai un maintenant. J'avoue, c'est trop bien quoi. C'est très égoïste, mais en même temps je pense que... Sans être dans le malthusianisme, si on n'entend pas de repopuler la planète à deux, on peut faire des enfants et les former de façon à ce qu'ils portent des valeurs qui soutiennent la planète, mais de là, vous avez bien compris, qui soutiennent la vie. vivabilité de la planète pour l'homme et donc qui soutiennent l'homme. Donc moi je pense que il ne faut pas faire de malthusianisme. La vraie question de toute façon aujourd'hui ce n'est pas la démographie. La démographie est un sur-accident. C'est le mode de vie d'une toute petite partie de la planète. Alors c'est vrai que la démographie est un sur-accident parce que le reste de la planète veut commencer à vivre pareil et il y a de plus en plus de gens qui veulent rejoindre la classe moyenne au sens de la consommation un peu supérieure au besoin, voire très supérieure au besoin. Mais la démographie n'est qu'un sur-accident. La vraie question c'est comment on vit. Et d'ailleurs, la résolution de la crise qui consiste à dire « une bonne épidémie, ça va calmer le problème » , c'est pas vrai. Parce que la démographie reprendra, et avec elle, si ceux qui ont survécu ne se sont pas calmés dans leurs habitudes de consommation, demain encore, le jour du dépassement tombera en été. C'est con d'ailleurs, parce qu'en été, les gens n'écoutent pas les informations, donc on ne peut pas en parler beaucoup, le jour du dépassement. Mais c'est ça le truc. Moi, la France des années 80, quand j'étais petit, je n'étais pas malheureux quand j'étais petit, j'avais beaucoup moins de mails d'ailleurs. La France des années 80, son jour du dépassement, c'était le 31 décembre. C'est cool ça ! Je rappelle, c'est le moment où on a utilisé la planète de façon renouvelable. Et puis après, on peut utiliser plus, mais on abîme la capacité à produire et on endommage l'avenir. Pas de la planète, de l'homme. Enfin, on dit de la planète pour faire simple. évite de penser à l'homme trop. Moi, je vois que l'homme dans la planète est dans le vivant, alors j'ai du mal à dire ça comme ça, mais en tout cas, cette sorte de jour du dépassement, il y a quand même des tas de populations sur Terre dont le jour du dépassement est l'année suivante. Et donc voilà, revenons là-dessus. Déjà, je leur dis, faites des enfants, mais vivez-les bien et faites-les en nombre raisonnable. Première chose. Deuxième chose, je leur dis, ne blâmez pas trop la génération précédente. Elle a fait des conneries assez sincèrement. Je ne parle pas de Monsanto. Je ne parle pas d'ExxonMobil qui, dans les années 70, a des modèles climatiques qui prédisent que ça va se passer alors que le PDG d'ExxonMobil en 2000 dit encore on n'a pas de preuves que le climat change. Bon, donc je ne parle pas de ces salauds-là. Moi, je parle des consommateurs qui l'ont fait sincèrement, mais en même temps, de leurs impôts, ils ont dressé cette fameuse boîte à outils, ces sciences du vivant et de l'environnement qui aujourd'hui vous permettent de choisir d'autres options. ne pleurerai pas, vous allez bientôt voir les limites de ces options-là, elles auront éventuellement des conséquences négatives aussi. Vous savez, c'est ce que dit Lévi-Strauss, ce qu'on appelle le progrès, c'est juste la résolution des problèmes posés par ce qu'on a appelé auparavant le progrès. Mais en même temps, vous avez des pistes et puis vous avez aussi un équipement intellectuel derrière ces disciplines qui vous permet d'observer ce qui se passe et de ne pas aller trop loin dans une direction qui s'avérerait un peu vermouille ou moisie. Mais revenons là-dessus, il y a de l'espoir aussi. Voilà ce que je leur dis, il y a de l'espoir. Parce que rien d'irrémédiable n'a été commis. Mais on en revient à votre question sur la vitesse. Cet espoir n'est pas promis pour toujours.

  • Speaker #1

    C'est une de nos doigts d'espoir. Oui,

  • Speaker #0

    il faut se retirer des doigts du cul, il faut y aller maintenant.

  • Speaker #1

    C'est cela.

  • Speaker #0

    On est parti.

  • Speaker #1

    Donc cette fatalité qui pour vous, qui n'est pas inévitable. On a aujourd'hui encore pas mal de possibilités d'éviter le pire à travers ces actions concrètes, entre celles des valeurs et celles des enfants. Cette dégradation écologique et cet effondrement qui est en cours, lorsque vous en parlez, de cet effondrement de la société, est-ce que vous pensez que c'est... Une fatalité inévitable ou qu'il y a encore des possibilités d'éviter le pire à travers des actions concrètes sur les sols, sur les écosystèmes ?

  • Speaker #0

    Je pense qu'aujourd'hui, je l'ai un petit peu dit d'ailleurs, je pense qu'aujourd'hui c'est encore assez évitable. Mais ça n'est pas nécessairement évitable, c'est ça le truc. Je parle dans mon dernier livre de ma version du paradoxe de Fermi. Et j'ai découvert depuis qu'en fait, je n'étais pas le seul à avoir pensé à ça. Comme toujours, on croit découvrir des choses merveilleuses. En fait, elles sont si merveilleuses que d'autres y ont pensé. Paradoxe de Fermi, c'est pourquoi sommes-nous seuls dans l'univers ? Pourquoi on n'entend pas les autres civilisations ? Alors, il y a les histoires, qu'elles ne sont pas faites pareilles, qu'elles se cachent pour ne pas être emmerdées, que peut-être que la vie n'apparaît pas si souvent. Alors là, on sait maintenant qu'il y a des milliers d'exoplanètes et on se dit quand même que des formes de chimie structurées ne soient pas apparues et pas commencer à émettre des ondes, c'est bizarre. Ça, c'est intrinsèque. On a aussi cette idée qu'éventuellement, elles évoluent, ces civilisations, vers des conflits intrinsèques et qu'elles se détruisent. Ça, c'est ce qui a été inspiré par l'époque où on avait la guerre froide et cette menace de destruction nucléaire qui pesait sur la planète. D'ailleurs, je ne suis pas sûr qu'elles soient complètement exclues, mais c'est vrai qu'elles hantent moins les inquiétudes collectives. Moi, je propose autre chose. C'est que l'actualisation culturelle met en place plein de façons de vivre, plein de molécules nouvelles, plein de pratiques nouvelles. qui ne sont pas tout à fait compatibles avec nos vies. Et nous, on a du mal à s'adapter. De tout temps, l'évolution culturelle a généré de l'adaptation biologique. Si aujourd'hui, la plupart d'entre nous digèrent le lait à l'âge adulte, ce qui n'est pas le cas de la plupart des mammifères, enfin, de tous les mammifères, c'est qu'en fait, à force d'avoir des vaches et de l'étreire pour soit nourrir des nourrissons qui digèrent le lait, soit faire du fromage ou de lactose, qui est indigeste pour les adultes et détruit, à force d'avoir des âges du lait qui traînent dans notre environnement, on a sélectionné ceux qui étaient capables de digérer le lait à l'âge adulte. Et on voit très bien, on peut très bien extraire de l'ADN des os, qu'à partir du moment de la domestication des vaches en Europe, mais aussi dans d'autres régions en Afrique, où on a domestiqué des vaches et commencé à faire du lait, on a une augmentation en fréquence des individus capables de digérer du lait à l'âge adulte. C'est un trait culturel, avoir des vaches, les élever et les traire. Et ce trait culturel a sélectionné de la biologie. Mais là, on est en train de mettre en face de nous des tas de nouvelles molécules, des rythmes de vie différents. Regardez le burn-out, regardez votre boîte mail. Moi, la mienne, il y a 200 mails par jour. Pour moi, c'est un exercice quotidien qui prend 4 heures, qui nous résout ce problème. Il y en a, ils font banqueroute de mails. Donc, on est sur des rythmes et des environnements, notamment chimiques, mais il n'y a pas que l'environnement chimique, mais parlons de ça, qui sont créés par notre culture, qui ne sont pas forcément compatibles avec notre vie. Donc, le risque, c'est que la vitesse à laquelle l'évolution culturelle change les règles du jeu ne puisse pas être suivie par l'évolution biologique et qu'à la fin, nul d'entre nous ne soit adapté au monde que nous avons créé. y compris d'ailleurs au monde inorganique, au monde externe que nous aurons créé, je pense à la température, je pense à la chimie, je pense à la montée des eaux, je pense à plein de choses, et puis à la baisse de la quantité d'alimentation, et que finalement l'humanité disparaît, je ne crois pas, mais soit réduite à une poignée de types en rayon qui traînent en s'entretuant et avec la triste mémoire de l'époque de leur gloire. Bon, alors, donc le paradoxe de Fermi, c'est peut-être que quand... apparaît l'évolution culturelle, elle procède à une telle vitesse et de façon crescendo que l'évolution biologique ne peut pas suivre. C'est pour moi pas une fatalité, c'est un risque, une possibilité que nous devons avoir en tête. Et puis on s'en sort parce qu'en fait, si on réalise bien aussi ce qui se cache derrière cette histoire, c'est que l'évolution culturelle tout comme l'évolution biologique, dans mon dernier livre j'essaie vraiment de montrer que c'est la même chose, je ne suis pas le seul à avoir... Calvary Sforza et d'autres. Un auteur qui a écrit La symphonie inachevée de Darwin, j'ai oublié son nom, vous me pardonnerez, parle déjà de ça. L'évolution culturelle est une forme d'évolution biologique, mais elles ont en commun, notamment, d'être des générateurs perpétuels de nouveautés. Comment ne pas croire à l'avenir quand tout, pratiquement, est permis ? Vous prenez un pauvre chou imbouffable qui fait des rosettes de feuilles débiles et immachables et immangeables, et des pauvres petites... tiges avec des fleurs jaunes. Au bout de quelques temps, vous avez le chou fleur, vous avez le romanesco qui n'est pas du tout la même chose, vous avez le brocoli, vous avez le chou paumé, vous avez le chou rave, vous avez le chou d'ornement, vous avez le chou de Bruxelles. Non, mais en réalité, et ça, c'est une évolution biologique, mais c'est aussi une évolution culturelle, quelque part. C'est nous qui les avons faits de nos cultures, au sens de la culture intellectuelle, pas de la culture agricole, mais via la culture agricole quand même. Eh bien, moi, je pense qu'il faut croire dans le vivant. Et d'ailleurs, moi, je dis souvent que je crois en l'homme et que c'est une façon, parce que l'homme et le vivant, c'est la même chose. Et l'homme est tellement lié au vivant qu'il n'y a pas de vivant sans homme et pas d'homme sans vivant. Je crois... Aussi en l'homme et mon humanisme est aussi une façon de croire à cette capacité générative perpétuelle où tout est permis.

  • Speaker #1

    Vous pensez qu'on manque d'agriculteurs ? Vous pensez qu'il faut que l'humain redescende sur Terre ?

  • Speaker #0

    Oui, on manque aussi de médecins, on manque aussi de... Je veux dire par là, on manque de gens qui sont à l'interface avec les autres vivants, qui font l'interface entre la société et les autres vivants, parce que cette interface, elle a de toute façon existé. C'est ce qui pousse des gens comme Descola à dire qu'il n'y a pas de différence entre la... nature et la société, mais en réalité on peut dire qu'il y a un champ que nous isolons et qui ne gère pas bien, ce qu'on appelle la société, et qui ne gère pas bien ses liens au reste du vivant. Et les gens qui sont interfacés avec ça, aujourd'hui il faut leur redonner les outils sciences de l'évolution, sciences de l'écologie, tous ces outils conceptuels qui leur permettront d'exercer leur métier un petit peu mieux. Et on manque de gens effectivement dont le coeur de métier absorbe le vivant. Mais vous savez, quand vous gérez une cantine, D'une certaine façon, vous gérez les écosystèmes agricoles où vous achetez les choses, puisque vous, par votre achat, vous faites, vous justifiez les actions qui s'y passent, vous faites par procuration ce qui s'y passe, et vous êtes en train de nourrir les microbiotes des gens, donc les écosystèmes microbiens internes des gens qui sont en face. Assurez-vous d'y mettre assez de fibres et des fibres variées, 5 feuilles de légumes par jour, de 20 à 25 espèces de plantes différentes, céréales comprises, voilà la recette pour entretenir bien les microbes de son tube digestif. Qui fait ça ? Notamment dans les formations de diététique ou de cuisine. Pas grand monde. Donc on a plein de métiers aujourd'hui qui, sans le savoir, sont en fait aux avant-postes de la société devant la nature. Et il faut les réarmer. Et moi, je pense que l'évolution biologique et nos évolutions culturelles peuvent demain tout. Moi, je suis fondamentalement humaniste, c'est-à-dire positif. C'est vrai qu'il y a un certain nombre de gens... Keith Hofstein a essayé de me montrer que j'ai tort, mais vous savez, j'ai mes élèves, j'ai mes étudiants, j'ai mon fils et ses petits amis, et je ne peux pas m'empêcher de croire en l'homme quand je les vois.

  • Speaker #1

    Merci Marc-André Sélos. Merci. Vous êtes venu nous voir. Excellente fin de journée.

  • Speaker #0

    Merci. A vous aussi, et puis bon avenir aussi. C'est ce dont on parlait, non ?

  • Speaker #1

    Tout à fait. Merci à vous.

  • Speaker #2

    Vous venez d'écouter le podcast de l'association Adrastia, le podcast qui fait le bilan sur les risques globaux et les perspectives, afin de faire face tous ensemble. Retrouvez toutes les actualités du podcast et de l'association sur le site internet adrastia.org et sur l'ensemble des réseaux sociaux. L'heure du bilan, faire face. 60 minutes pour apprendre à nous adapter au monde tel qu'il est, non tel que nous croyons le maîtriser.

Description

Enregistré en septembre 2024, cet entretien avec le biologiste Marc-André Selosse résonne étrangement avec l’actualité brûlante de ce mois de juin 2025 : chute des revenus agricoles, pollution au cadmium, loi Duplomb, effondrement de la biodiversité.

Marc-André Selosse nous parle de ce que nous refusons de voir : le sol.
Cet écosystème vivant, complexe, nourricier, est aujourd’hui meurtri — compacté, empoisonné, stérilisé.
Et pourtant, c’est de là que pourrait renaître un futur.

Dans cet échange, il nous invite à écouter ce que la terre raconte de nos excès, de notre oubli du vivant et de notre obstination à bâtir sur du vide.
Ni optimisme naïf ni simple fatalisme, il invite à affronter la réalité brute — et à reconnaître ce qui pourrait survivre.
On y parle de mycorhizes, d’agriculture régénérative, de lien intergénérationnel, et de la nécessité d’un changement d’imaginaires.

Un épisode à écouter lentement, profondément.
Pour cesser de croire que la surface suffit.


Épisode animé par Bastien Roulot.


Pour en savoir plus sur Marc-André SELOSSE : 

Découvrez notamment ses livres : 

Et bien sûr, nous vous invitons à suivre et soutenir les actions de Fédération Biogée : https://www.biogee.org/index.php/a-propos-de/ 


Rejoignez et adhérez à l'association Adrastia :

https://www.adrastia.org/adherer-a-adrastia-fr134.html


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour à toutes et à tous et bienvenue sur le podcast de l'association Adrastia, l'heure du bilan, faire face. Nous sommes ravis que vous nous écoutiez. Nous allons parcourir ensemble les nouvelles pistes d'adaptation face aux altérations profondes et durables du milieu terrestre qui fragilisent tant nos sociétés que le vivant dans son ensemble. En 2024, la concentration en CO2 dans l'atmosphère continue d'augmenter. Les records de température, détendu des feux de forêt, de durée de sécheresse et de gravité des inondations tombent les uns après les autres. Les désordres écologiques, politiques et sociaux actuels ne sont pas des crises passagères, mais peut-être les premiers symptômes d'effondrement des sociétés industrielles mondialisées. Il est temps de faire le bilan de notre gestion collective des risques globaux et systémiques, parce que si sans maîtrise nous filons droit vers l'abîme, l'illusion de contrôle nous y précipiterait plus vite encore. Dans ce podcast, nous donnerons la parole au lanceur d'alerte aux scientifiques, aux acteurs de terrain, aux transitionneurs et aux penseurs de l'avenir écologique. L'heure du bilan nous confronte à la réalité à venir, la nécessité de l'adaptation, parfois radicale, au regard du risque d'échec ou d'insuffisance de la ténuation. Adrasia est une association de citoyens et de citoyennes qui informe et alerte depuis 2014 sur le risque d'effondrement de nos sociétés, dans le but d'éviter une dégradation trop importante ou brutale de leur structure vitale. et de préserver les meilleures conditions de vie possibles pour le plus grand nombre. Le podcast de l'association Adrasia est une production collective. L'intervieweur ou l'intervieweuse pourra être différent à chaque épisode. Ne vous en mettez pas. Les interviews sont disponibles sur les plateformes habituelles de diffusion. N'oubliez pas de vous abonner. Vous retrouverez également une page Internet dédiée au podcast sur le site internet adrasia.org. Dans l'heure du bilan Fairface, nous explorons pendant 60 minutes comment apprendre à nous adapter au monde tel qu'il est, non tel que nous voyons le maîtriser. Et maintenant, place à l'épisode. Bonne écoute !

  • Speaker #1

    Bonjour à tous et bienvenue dans cet épisode de l'heure du bilan, faire face. Aujourd'hui, nous vous avons le plaisir d'accueillir Marc-André Solos, biologiste et spécialiste des sols. Il est également professeur au Muséum d'histoire naturelle de Paris. Son travail a permis de mieux comprendre les interactions entre plantes et champignons et surtout l'importance vitale des sols pour les écosystèmes. En plus de ses recherches, il est un véritable passeur de savoir, toujours engagé pour rendre ses sujets accessibles à toutes et à tous. Marc-André Sélos, bonsoir.

  • Speaker #2

    Bonsoir.

  • Speaker #1

    Merci d'être avec nous. Vous avez déclaré un jour

  • Speaker #2

    « Le sol,

  • Speaker #1

    c'est le placenta de l'humanité » . Une phrase qui résume bien l'importance centrale du sol dans le maintien de la vie de la Terre. Pourtant, nos imaginaires collectifs semblent souvent tronquer, voire déconnecter cette réalité. Comment alors... Voyez-vous, et pouvons-nous réinventer nos visions du monde pour reconnaître et partager et protéger ce qui nous nourrit, nous soutient, mais que nous négligeons si souvent ?

  • Speaker #2

    Alors c'est vrai que beaucoup de nos représentations sont en fait coupées de la réalité. Et c'est bien problématique parce que c'est ça qui génère des crises sanitaires et environnementales. En l'occurrence, la vision que l'on peut avoir du sol, c'est celle d'un lien intime. profondément intime, qui justifie tout à fait de dire que c'est le placenta de l'immunité parce que c'est de là que vient la nourriture. Réfléchissez un peu et demandez-vous d'où vient votre phosphate, d'où vient votre potassium, d'où vient votre calcium, votre fer, vos oligo-éléments, tout ça. Un jour ou l'autre, c'était dans le sol, arraché à des pierres par des microbes, ou peut-être aussi dissous à partir de pierres, mais peut-être aussi arraché à partir de matière organique qui a été digérée par des microbes ou des choses comme ça. tout ça vient de choses qui traînaient dans le sol. Ces éléments qui vous composent maintenant ont été libérés, sont passés dans des plantes. Peut-être d'ailleurs de ces plantes sont-ils passés dans des animaux, mais le résultat c'est que finalement ils sont arrivés en vous, ils sont vous. Et même cette énergie vitale qui vous permet soit de m'écouter, soit de me poser des questions et qui me permet à moi de parler, quelque part elle n'est pas construite sans des organismes qui ont les racines dans le sol. En fait, c'est vraiment ce qui nous nourrit et bien plus que ce qui nous nourrit, c'est ce qui nous constitue. Et ne pas concevoir ça, c'est avoir une représentation, un imaginaire pourri, merdique, qui conduit par exemple à accepter qu'aujourd'hui les engrais minéraux contiennent du cadmium. Parce que c'est un contaminant du phosphate minier et le cadmium rentre lui aussi dans les aliments, ce qui va devenir vos aliments, dans des plantes et dans les animaux qui mangent ces plantes. Les français mangent 1,4 fois la dose de cadmium maximale recommandée par l'OMS. La moitié d'entre nous sont contaminés. Ça fait 30% probablement des cas d'ostéoporose parce que ça s'oppose à l'ossification. Ça fait plus 3% de cancer du pancréas par an en France. Ça fait des ennuis rénaux hépatiques. En fait, maintenant, il faut retourner la chaussette. Le sol, c'est nous. Bon, donc si on fout n'importe quoi dans le sol, bah non, il nous arrive n'importe quoi. Et retourner la chaussette, c'est se dire qu'en prenant soin des sols, c'est de l'homme qu'on prend soin. Et là, on commence à voir qu'il n'y a pas de différence entre l'humanité et la nature.

  • Speaker #1

    Merci pour cette introduction. Cela permet aussi d'avoir une définition préalable, un vocabulaire à peu près commun pour cet entretien. Pouvez-vous un peu nous rappeler, brièvement, pour comprendre un peu la complexité des sols en tant qu'écosystème, ce qu'ils recouvrent en termes de mycorhizes, quelque chose que vous employez très souvent dans vos différentes interventions, et en quoi cet élément est essentiel pour comprendre la santé des sols et des écosystèmes en général ?

  • Speaker #2

    Cet hélénisme, puisque mycorhizes c'est grec, c'est trahi un petit peu le naturel chez moi, parce que c'est là-dessus que travaillent mes équipes de recherche, autant à Paris. À Gdansk, en Pologne, on travaille sur ces associations entre des champignons du sol et les racines des plantes, qui pour 9-10e des plantes sont à la fois absolument incontournables pour leur capacité à se nourrir, car en réalité ce n'est pas elles mais ces champignons qui prénèvent de l'eau et des sels minéraux dans les sols, mais qui est aussi pour ces plantes-là quelque chose qui est très important dans leur santé parce que ces champignons-là limitent l'arrivée des maladies, ils n'évitent pas de... toutes les maladies venues du sol, mais il protège la racine contre des maladies. Évidemment, ce n'est pas gratuit. Ces champignons-là, dans la racine, prélèvent du sucre provenu de la photosynthèse et c'est donc un échange à bénéfice réciproque. C'est ce qu'on appelle du mutualisme. C'est un échange à bénéfice réciproque qui structure cette interaction. Et donc, les racines que vous voyez sont très souvent pleines de champignons. Ce ne sont donc pas exactement des racines, mais des mélanges de champignons, myco, et de racines, risa, d'où ce nom de mycorhize qu'on utilise techniquement. En réalité, Non seulement la fertilité du sol vient de la vie, qui a, je le disais à l'instant, arraché des minéraux aux roches, qui a également décomposé et recyclé les composants de la matière organique morte, qui d'ailleurs est aussi capable, cette vie du sol, de transformer, figurez-vous, l'azote atmosphérique en protéines. Et quand ça se dégrade, ça donne de l'azote utilisable par les autres organismes du sol, dont les racines des plantes. Donc non seulement les microbes, c'est eux qui font la fertilité, mais en plus, c'est des champignons, donc certains microbes. qui achemine cette fertilité vers les racines. C'est important parce qu'on ne le savait pas ou on avait négligé de comprendre l'importance. Mais ces mycorhizes, aujourd'hui, c'est elles qu'il nous faut entretenir. Et quand on laboure, on déchire les filaments de champignons. Quand on met certains pesticides, comme le glyphosate, on tue ces champignons. Quand on met des engrais minéraux, on conduit la plante à congédier ces champignons puisque la plante trouve suffisance d'azote et de phosphate ou de potassium dans le sol. Elle n'a plus besoin de payer les champignons. mais... on perd l'effet phytosanitaire, on perd l'effet protecteur. Aujourd'hui, on s'aperçoit qu'on aurait peut-être des auxiliaires à retrouver dans un fonctionnement des sols un peu plus intact, en tout cas un peu plus compatible avec la façon dont les plantes, depuis qu'elles sont plantes, parce que ça, ça dure depuis qu'il y a des plantes sur Terre, ça a 400 millions d'années, les fossiles nous le disent. Il faut qu'on retrouve ce qui, de tout temps, et avant même que l'homme mette une charrue ou des produits dans le sol, a construit la fertilité des plantes. et aussi leur alimentation.

  • Speaker #1

    Merci. Je vois comme une sorte de lien entre ce que vous venez de décrire sur les mycorhies, sur ces interactions, sur une notion de labour que peut-être nous reviendrons tout à l'heure, au niveau des impacts que ces activités puissent avoir sur la qualité des sols. Aujourd'hui, nous avons une sorte d'aggravation de la dégradation de nos sols. Quel regard portez-vous sur l'évolution de... de la santé des sols au cours des dernières décennies. Et vous constatez peut-être, voyez-vous, une aggravation en lien avec les pratiques agricoles actuelles et une certaine urbanisation croissante ? Est-ce qu'il y a des liens forts ?

  • Speaker #2

    Alors, il y a plusieurs problèmes qui se posent à nos sols. Effectivement, l'urbanisation ou la mise en place de plateformes logistiques, de zones industrielles, de zones pavillonnaires. artificialise les sols à un rythme assez inquiétant puisqu'en 50 ans, depuis les années 70, c'est 10% de la surface agricole utile qui a disparu. Et c'est tous les ans l'équivalent de la surface nourrissant pendant un an la ville du Havre qui disparaît. On dit 5 terrains de foot par heure, jour et nuit. Donc ça c'est complètement découplé de la démographie, c'est juste notre façon d'utiliser l'environnement qui est plus gourmand en espace et c'est dommage parce que le changement climatique ne nous assure pas que la production reste ce qu'elle est à l'hectare et on va avoir besoin d'hectares. Par ailleurs il y a les zones qui restent agricoles et là notre interventionnisme s'est exacerbé, on laboure plus profond, on laboure plus souvent parce que l'essence n'est pas chère, parce qu'on a mécanisé l'agriculture à outrance et on met à la fois... Ces engrais que je pointais du doigt comme étant par exemple des choses qui disruptent le lien entre ces champignons du sol et les racines des plantes, mais des engrais qui finissent aussi par passer dans l'eau et qui provoquent des proliférations d'algues qui ne sont pas toujours désirables pour les riverains. Parce que quand ça se décompose, ça émet du H2S et ça, ce n'est pas très bon pour la santé. Des pesticides aussi, le glyphosate par exemple, qui n'est pas très bon pour les champignons qui font des mycorhizes, qui n'est pas très bon pour les vers de terre, bref, qui est relativement incompatible avec la vie. Dans les sols, labours, engrais minéraux, pesticides, tout ça, ça fait un cocktail, ben, pesticides, c'est-à-dire tueurs, qui d'ailleurs n'est pas très bon pour l'homme non plus. On en retrouve dans les eaux, oui, parce que les eaux sont reçues par les sols, et quand les sols sont chargés de polluants, ils n'opèrent plus leur fonction de filtration, bien au contraire, ils cèdent une toute petite partie, mais une partie non négligeable quand même, de leurs polluants à l'eau qui passe dedans. Ça affecte jusque d'ailleurs à... à la composition de l'air. On se rend compte aujourd'hui que comme l'air circule entre le sol et l'atmosphère, l'air que nous respirons peut être pollué par les pesticides, y compris des pesticides interdits depuis une vingtaine d'années. Le lindane interdit depuis le 98, les PCB interdits depuis le 87. Ça affecte même la composition de l'air. Bref, ces pesticides ne sont pas très bons pour nous non plus. Parce qu'en fait, les sols, c'est nous. On y revient. Et c'est ce qu'on boit, c'est ce qu'on mange, c'est ce qu'on respire. Donc là, ça commence à faire beaucoup et il faut un peu réagir. Je pense que les gens qui ont mis en place cette agriculture... ne l'ont pas fait de mauvaise foi. Et ils ont d'ailleurs, ponctuellement, parce qu'à long terme ça se passe mal, mais à court terme, ils ont résolu le problème de la quantité. Tout en posant le problème de la qualité que nous percevons maintenant et pour lesquelles l'agroécologie nous fournit des pistes pour utiliser plus le vivant et moins les béquilles que sont ses intrants, pesticides, engrais minéraux ou les gestes techniques comme le labour. Aujourd'hui on a des alternatives à ça, on a des agricultures non labourées, on a des agricultures avec très peu de... ou pas de pesticides, c'est le bio par exemple, on a des alternatives et c'est leur développement qui tarde parce que nous qui achetons, nous collectivement, citoyens qui achetons, nous ne réalisons pas que ce que nous achetons a un sens pour l'avenir, a un sens pour notre santé. Quand on ne réalise pas ce sens, on achète n'importe quoi. Enfin, la part du bio, c'est 10% du marché, c'est une autre façon de dire qu'on achète n'importe quoi.

  • Speaker #1

    Ça reste, vous avez raison, des devis d'action sous-exploités. Justement, vous avez mentionné un peu ces pratiques agricoles comme le non-labour ou les couverts végétaux dans des pratiques différentes de l'agriculture conventionnelle. Pourquoi, selon vous, ces approches restent-elles sous-utilisées ? Alors qu'elles pourraient être des leviers importants pour restaurer les sols et limiter, en partant, le changement climatique ?

  • Speaker #2

    Ce n'est pas du tout un problème technique. Aujourd'hui, on a par exemple le marchinisme agricole qui va avec des sols non-labourés dans lesquels il faut des semoirs particuliers pour enterrer les graines. Aujourd'hui, on a un bon recul sur le bio, pour avoir des itinéraires techniques, et on commence même à avoir des variétés. Alors ça, c'est encore pas parfait. Des variétés adaptées à ce genre d'agriculture, il y a encore beaucoup à faire pour obtenir un plein rendement de ces méthodes agricoles. Parce qu'on travaille avec les variétés sélectionnées pour l'agriculture conventionnelle. Et faire de l'agriculture non labourée ou faire du bio avec les variétés de l'agriculture conventionnelle, c'est un peu danser le lac des signes en botte. C'est pas optimal. Mais néanmoins, ça marche déjà. Et notamment, l'agriculture dont on a bourré, elle permet de reconstituer les stocks de matière organique des sols, de protéger la vie des sols. Et donc, cette vie fait plus de porosité, donc elle permet de retenir plus d'eau et elle présente des intérêts marqués dans les étés secs qu'on a vécu ces dernières années en termes de réserve d'eau. Donc, il n'y a pas de problème technique, contrairement à ce qu'on dit. Et même, on sait que dans certaines pratiques, je pense par exemple au mélange de... céréales et de légumineuses dans le même champ où on produit sur un hectare ce qu'on produirait si on séparait les deux cultures en 0,6 hectares pour les légumineuses donc des pois, des pois chiches, des fèves et 0,8 hectares pour les céréales soit 1,4 hectares si on les sépare. Bon ce genre de pratique de mélange à la fois limite la propagation des maladies et en même temps augmente le rendement puisque en un hectare vous produisez ce que si vous séparer ces cultures, vous produisez sur 1,4 hectare. Donc il n'y a pas photo, il n'y a pas de problème technique, et contrairement à ce qu'on dit, le problème n'est pas de donner à l'humanité. Il est que l'humanité veuille bouffer de cette nourriture-là. Et le problème, en fait, il est celui de susciter un enthousiasme sociétal pour ces alternatives, des gestes de consommation, des votes qui aillent vers des politiques dont le programme est d'aider à la transition, parce qu'on l'a dit, il faut changer de semoire si on ne la bourre plus. Quand vous faites une conversion vers le bio, ça prend un certain temps, ça demande de l'aide. Nous, on ne met en fait en France que 60 millions d'euros par an sur la table pour la conversion en bio. C'est dérisoire. C'est très loin du milliard qu'on met sur la table quand on doit tuer tous les canards parce qu'il y a un problème sanitaire. Donc, en d'autres termes, le problème, le facteur limitant, c'est l'envie sociétale. Et c'est vraiment l'envie des citoyens et des consommateurs. Parce qu'on peut dire, oui, les politiques... Non, dans notre pays, les politiques font ce qu'on leur dit de faire. Ils ont une offre à la hauteur de ce qu'ils... pensent que les citoyens attendent. Et je crois qu'ils l'estiment assez bien. Aujourd'hui, c'est une volonté citoyenne de transition qui est le facteur limitant. Ce n'est plus un problème technique. Je suis désolé de dire que moi, je représente une corporation, celle des scientifiques, qui a fait tout ce qu'il fallait faire. Alors, je ne dis pas qu'il n'y a pas encore besoin de recherches appliquées dans certains bassins de production ou pour certaines cultures pour arriver à imaginer une autre agriculture. Mais l'agroécologie, aujourd'hui, il y a beaucoup de choses, beaucoup de belles au bois dormant qui attendent juste que la société les réveille.

  • Speaker #1

    Bien sûr, si ce n'est que vous soulevez beaucoup de paradoxes entre le fait que ce ne soit pas une problématique technique, qu'il y ait des solutions, qu'il y ait une envie d'une massification de la population à bien manger, à se nourrir, à faire un lien sur la santé. Comment aujourd'hui vous interprétez le fait que nous ayons des records de température, que nous continuons Une grande partie de la population a accentué notre empreinte écologique à travers des comportements comme l'augmentation des vols en avion, comme évidemment d'aller consommer de la nourriture transformée, sachant que cette information est disponible sur la plupart des médias. Comment peut-on aujourd'hui expliquer cette dissonance pour essayer de trouver les leviers permettant aux gens de bifurquer vers... vers des usages et des consommations beaucoup plus saines, beaucoup plus valorisantes. Avez-vous des pistes à nous proposer ?

  • Speaker #2

    Déjà, j'ai un nom pour ce diagnostic, c'est ce que j'appelle, c'est ce qu'on appelle classiquement l'acrasie, qui est le fait de se diriger à l'opposé de ce que le bon sens et les données disponibles suggèrent. Et la question, c'est pourquoi on fait ça ? Pourquoi sommes-nous acrasieux ? Alors, il y a une première réponse qui est de dire que les gens sont cons. Moi, je ne peux pas entendre ça. D'abord parce que quand je fais des conférences, quand j'encontre le public, je vois que les gens ne sont pas cons. Et en une heure d'exposé puis de questions, je me rappelle qu'on va très très loin. Il y a de réelles curiosités. Les gens ne sont pas cons. Ça, c'est faux. D'ailleurs peut-être par rapport aux sciences et notamment aux sciences du vivant, les enseignants ont-ils fait une erreur ? Avons-le, j'en suis, je crois beaucoup en l'enseignement, on va le voir dans la suite de ma réponse. Et je suis enseignant, donc on a peut-être fait une erreur en inspirant de la... terreur ou de l'inquiétude ou de l'humilité vis-à-vis de la science, alors que n'importe qui est capable de comprendre la science, n'importe qui n'est peut-être pas capable de l'expliquer. C'est peut-être ça le problème. Donc non, les gens ne sont pas cons, ce n'est pas ça le problème. Il y a des cons, bien sûr, mais j'en connais moins qu'aux gens qui sont capables d'aller beaucoup plus loin qu'ils ne l'imaginent. En tout cas, j'en rencontre beaucoup moins qu'aux gens qui sont capables d'aller beaucoup plus loin qu'ils ne l'imaginent. Non, non, le vrai problème, c'est comment sommes-nous fabriqués ? Par exemple, on n'a pas peur du chimique. Ben oui, on a tous des poils antéphales alors qu'on sait très bien que les PFA sont des choses extrêmement dangereuses pour la santé publique. Le coût en santé publique par rang de ces, les PFAS comme on les appelle, cet anglicisme merdique, disons les fluoroalkylés pour dire ce qu'ils sont, ces polluants éternels donc qui ne se dégradent pas et qui viennent à la fois de nos industries mais aussi des objets qui nous entourent, on sait que leur coût... En santé publique, il est estimé entre 50 et 90 milliards d'euros par an à terme. Et ils sont super dangereux, mais vous avez jeté votre poêle téfale, vous ?

  • Speaker #1

    Pour ma part, oui.

  • Speaker #2

    Bon, c'est bien. Vous voyez que les gens ne sont pas cons. Mais il y en a quand même qui, sans être cons, ne l'ont toujours pas jeté. Et on n'a pas peur du chimique, par contre. On a un peu peur du biologique, quoi. Notamment quand un aliment tombe par terre, on se dit « Oh là là, et quelles bactéries l'ont... » Alors en fait, le vrai problème... Quand un aliment tombe par terre, surtout s'il est un peu gras, c'est qu'est-ce qu'il est en train de solubiliser, de prendre en charge des produits chimiques qui ont servi à nettoyer, à donner un parfum aux produits nettoyants, à lui donner une couleur ou à tout ce qui s'est déposé sur ce sol. Le risque, il est chimique quand un aliment tombe par terre. Et nous, on y voit un risque biologique. Alors, pourquoi est-ce qu'on ne comprend pas certaines choses ? Moi, je pense qu'on comprend comment on est fait, comment on est formé. Et je pense que, je défends ça en tant que président de la fédération Bioge, B-I-O-G-E. Mais eux, il y a un site internet qui peut vous montrer ce qu'on fait, parce qu'on essaie de remettre de l'information positive et des explications qui permettent de trouver les issues de secours dans les mains des citoyens. Nous pensons à Biogé et nous essayons de nous battre pour remédier à cela, qu'il n'y a pas assez de formation aux sciences du vivant et de l'environnement. Et qu'en plus cette formation n'est pas assez interdisciplinaire parce que ces objets n'appartiennent pas qu'à la biologie. Entendons-nous, le climat ce n'est pas qu'un objet de la biologie, la sexualité ce n'est pas qu'un objet de la biologie, mais comme on n'a qu'une heure par semaine dans le secondaire et rien dans le primaire parce que ce n'est pas au programme, alors il y a des profs des écoles qui font des efforts, mais c'est individuel et ponctuel. Il y a des associations qui les aident, mais ce n'est pas dans les programmes. Comme il y a une pauvre heure qui traînasse, comme ça, dans le collège et dans le lycée, pour la sexualité, l'alimentation, la santé, l'environnement... En fait, on n'est pas à même de saisir les enjeux, on n'est pas à même de comprendre les choses. Ça explique que les gens deviennent anti-vax ou pro-vax. Ça me fait un peu sourire parce que les anti-vax disent « les vaccins tuent » et les pro-vax disent « les vaccins tuent pas » . En fait, la vérité est entre les deux. Le juste, le truc, c'est que les vaccins tuent moins que la maladie. Et on est dans une guerre de tranchées. Non, ça ne tue pas. Ben si, ça tue. Et en fait, on n'est pas préparé à la subtilité du vivant. Peut-être qu'on fait trop de maths, d'ailleurs. X égale 1, c'est vrai ou faux ? Faut-il se vacciner ou non ? Ce n'est pas vrai ou faux ? C'est probablement vrai ou probablement faux. mais vous voyez, le truc c'est qu'on est dans un monde complexe où rien n'est vrai ou faux c'est le monde vivant qu'on ne connaît pas assez bien pour pouvoir tout prédire, tout comprendre, mais il y a quand même des pistes, des pistes pour s'orienter dans le flou. Et c'est peut-être dans la formation, ce qui manque le plus, cette appréhension de vivant pour arriver quand même à utiliser un peu de science et de bon science pour s'orienter au mieux, c'est-à-dire dans la bonne direction, et donc ne pas faire d'acrasie.

  • Speaker #1

    Vous pointez du doigt une chose, qui est la partie éducation, la prévention.

  • Speaker #2

    Mais qu'est-ce qu'un professeur peut faire de plus ?

  • Speaker #1

    de pouvoir actionner des leviers au travers peut-être nos collégiens, nos lycéens, réinstaurer les sciences des vies de la Terre de façon plus importante.

  • Speaker #2

    Et interdisciplinaire. Et interdisciplinaire. Ce n'est pas que la lutte pour des heures, pour la bio.

  • Speaker #1

    La question c'est pourquoi ces politiques publiques Peinent à toucher un large public Et permettent à un moment donné D'avoir une prise de conscience Et une modification Je dirais des programmes Des programmes à destination De nos jeunes enfants Qu'est-ce qui bloque selon vous aujourd'hui Et comment pourrions-nous les uns et les autres, participer à ce que cette demande, cette envie, voire même à un moment donné peut-être se poser la question d'une obligation, à devoir militer pour introduire cette sensibilité, cette connaissance du vivant qui est indispensable aux mécaniques qui sont aujourd'hui en train d'être en œuvre. Quelle proposition vous... Vous pouvez mettre en place.

  • Speaker #2

    C'est peut-être moins les programmes. En tout cas, si les programmes ne sont pas bons, je suis responsable. Parce que j'ai toujours trempé dans les commissions de programmes. Je ne veux pas que j'esticule. mais oui On commençait à parler de sol, et le sol, il y a deux heures sur le sol en seconde, et puis on ne peut pas en mettre plus, parce qu'il y a trop d'autres choses à gérer sur la santé, la vie sexuelle, les choses comme ça. Donc oui, c'est insuffisant, c'est une question de durée, et puis aussi d'interdécidualité, parce que je le répète, les tas de gamins, le sol ou le vivant, ils ne vont pas être capables de l'aborder par le cours de bio. C'est peut-être le prof de français, ou le professeur de plastique qui peut le plus pour eux. donc pour revenir là dessus c'est une question de durée plus que de contenu, mais disons que pourquoi ça prend pas, pourquoi la prise de conscience ne se fait pas et pourquoi on ne change pas ça, c'est un peu la poule et l'oeuf, c'est parce qu'on n'a pas compris que c'est ça qui nous manquait, et il ne faut pas charger nos politiques bon bien sûr on peut les charger quand même, mais il ne faut pas charger nos politiques, parce qu'une fois de plus je pense qu'ils nous ressemblent, en fait leur métier c'est de nous ressembler assez pour nous inspirer de la confiance Quand j'entends que lors de la dernière présidentielle, on a passé 3% du temps à parler du climat ou 1% du temps à parler de la biodiversité, ce que j'entends par là, c'est que ça reflète ce que nous sommes collectivement. Alors peut-être pas ceux qui écoutent, mais ceux qui n'écoutent pas qu'on pense largement, et en nombre, et en indifférence. C'est ça l'histoire. L'histoire c'est qu'il faut vraiment qu'on arrive à casser ça. Et alors, l'éducation étant posée... Occupons-nous des vieux. Parce qu'il y a quand même une certaine urgence et on ne peut pas attendre que les nouveaux-nés aient 35 ans pour s'emparer des problèmes environnementaux et sanitaires dans lesquels nous sommes plongés. Je crois que là, en fait, les vulgarisateurs ne sont d'aucune utilité. Parce qu'ils vulgarisent depuis longtemps et ça ne fait rien. Donc si on voulait une preuve de ce que je dis, il suffit de regarder les 30 dernières années ou les 50 dernières années. Rachel Carson fait un livre superbe pour parler du printemps silencieux des années 60. Et on l'a toujours dans les fesses. 60 ans plus tard, rien n'a changé. Donc, moi, je pense... Alors, j'ai réfléchi beaucoup à ça. J'ai essayé d'en parler dans mon dernier livre, Nature et préjugés, parce que j'essaie, dans un des chapitres, d'expliquer pourquoi la science a son mot à dire sur notre lien à la nature et pourquoi, en même temps, elle n'arrive pas à le dire. Votre question, en fait, qui est une très bonne question. Moi, si j'avais la réponse, je serais le roi du pétrole, mais j'ai une idée, au moins. Alors vous allez me dire que c'est une idée infaisable parce qu'on a besoin d'argent pour ça. Alors l'argent, c'est ce qu'on ne trouve pas. Moi, par exemple, je n'arrive pas à trouver d'argent pour Biogé pour maintenir un poste permanent plus d'un an. Donc l'argent pour ça, vous voyez, c'est difficile. Mais voilà ce que je pense. On a besoin des publicitaires. Ils peuvent nous vendre des brosses à chiottes, des produits à récurer, des trucs incroyables. Ils peuvent, ils structurent nos envies. D'ailleurs aujourd'hui on sait très bien que... L'alimentation, la malbouffe, le budget qui est sur la table pour faire de la pub, pour ce qui n'est pas bon pour la santé, pour les aliments qui sont indésirables, elle est mille fois plus financée que les spots de publicité pour bien manger, manger des fruits et des légumes, manger équilibré, manger pas trop gras, faire des exercices et tout. Donc, on voit très bien qu'il y a une question d'argent. Mais derrière cette question d'argent, il y a des mercenaires, des publicitaires. Nous sommes tous des mercenaires d'ailleurs. Moi-même, scientifique, je fais de la recherche. sur des sujets pour lesquels il y a de l'argent pour faire de la recherche. Et ces publicitaires, je pense qu'on a besoin d'eux. Eux savent bâtir des imaginaires. Eux savent faire en sorte que certaines choses paraissent élégantes, riches, désirables, et d'autres ridicules au contraire, et négligeables. Et je pense qu'on a besoin de ce savoir-faire. Ce n'est pas le tout d'avoir une technique, on revient à ça. Ce qu'il faut, c'est convertir les gens. et là il y a des gens dont c'est le savoir-faire, c'est les publicitaires c'est les faiseurs d'opinion, moi je trouve qu'il y a des youtubeurs qui font un... Un boulot parfait. Tiens, je vais vous parler de Vince Canté que j'ai rencontré. C'est un type qui faisait de l'information. Il est merveilleux et généreux en plus. La personne est belle, mais au-delà de ça, ce n'est pas de la flagranterie. Il est en train d'aller réveiller des gens au fond de leur vie et pour les gens. Parce qu'en fait, ce réveil, cette prise de conscience, c'est une façon demain de consommer un peu mieux, même égoïstement et à court terme pour soi-même. Voilà, donc on a besoin de ces populations-là qui savent remuer l'opinion, ceux qui ne savent pas faire. Ceux qui ont les techniques.

  • Speaker #1

    Toute personne, toute classe confondue, a besoin de participer à ce grand jeu de transformation, de transformation des imaginaires.

  • Speaker #2

    On a tous quelque chose à améliorer dans nos vies. Oui,

  • Speaker #1

    complètement.

  • Speaker #2

    Pour autant,

  • Speaker #1

    est-ce que cela va suffisamment vite pour vous ? Sachant qu'on remarque aujourd'hui que vous êtes aussi enseignant-chercheur, vous avez aussi des activités par exemple en Pologne. L'Europe centrale a subi et subit des bouleversements terribles ces derniers jours et encore aujourd'hui. Des terres agricoles sont dévastées entièrement. On se rend compte que ces bouleversements nous prennent de vitesse et qu'elles ont un impact et qu'elles vont avoir un impact terrible sur peut-être notre dépendance alimentaire à l'échelle de la zone européenne. et on a peut-être ce sentiment que peut-être tout va bien et que pour l'instant nous n'avons pas besoin de réagir Nos États sont là pour nous accompagner et que l'action, le réveil des populations n'est pas encore là. Qu'est-ce que vous en pensez de cela, vous qui êtes en plus ?

  • Speaker #2

    Il y a des choses paniquantes et d'autres pas paniquantes. Par exemple, l'indépendance alimentaire, le fait de pouvoir manger. On sait que 33% de la nourriture finit à la poubelle dans tous les pays du monde. Chez nous, c'est une histoire de date limite de consommation et d'organisation. Donc, c'est simple. Vous achetez à manger, vous mangez pendant 4 jours, 5 jours et le reste de la semaine, si vous me permettez, vous fouillez dans la poubelle pour manger

  • Speaker #0

    Voilà. Aujourd'hui, on a trop de bouffe. Non, mais il faut le dire. De la même façon, on parlait des sols tout à l'heure. Les sols, en fait, les populations microbiennes et les populations d'organismes des sols sont en train de s'écrouler. Aujourd'hui, plus il y a d'interventions, je pense à l'agriculture en général, mais le maximum d'interventions, c'est viticulture conventionnelle, arboriculture conventionnelle, moins il y a d'individus de chaque espèce. Mais il n'y a pas forcément beaucoup d'espèces qui disparaissent. Et c'est pour ça qu'aujourd'hui, quand on cesse de labourer, on a une vie qui reprend en 2 à 3, 4, 5 ans. C'est très, très rapide, la reprise de vie des sols et la reprise de fonctionnement vertueux. Et je l'évoquais tout à l'heure, ces fameux sols qui stockent de l'eau, qui stockent de la matière organique, qui stockent du carbone, des puits de carbone. Donc, ça, ça peut bouger vite. Donc, il y a des marges sur certaines choses. Je pense à nos déchets, à ce que nous jetons à la poubelle et à ces aliments que nous jetons à la poubelle. Il y a des choses qui peuvent réagir vite. Après, il y a des choses, c'est foutu. Il y a des choses qui sont foutues. Les microplastiques, par exemple, qui ont été dispersés dans l'environnement et qui finissent de se fragmenter en libérant des perturbateurs endocriniens ou des molécules cancérigènes, ça, c'est là pour toujours. Donc, on a abîmé l'environnement avec ça, avec sans doute aussi les polluants internels. Et il y a des indicateurs de ça. Si vous comparez aux années 70, les cancers des 0 à 19 ans ont augmenté de 40%. C'est-à-dire que l'environnement est plus mutagène. La quantité de smatosoïdes produite par les occidentaux a été divisée par deux. C'est-à-dire que la concentration dans les éjaculats qui n'ont pas varié de volume est divisée par deux. Donc il y a des indices que le milieu est devenu... Bon ça c'est... On ne va pas aller retirer ça. Il y a des choses qui sont entre les deux. Entre le mal fait pour toujours et le mal fait mais mieux faisable. C'est le climat. On peut très bien faire mieux du jour au lendemain, on sent quand même que ça va être un peu dur. Il va falloir ramer. Donc tout n'est pas désastreux. Maintenant, peut-être que la façon dont on vulgarise, et ça c'est aussi un peu la faute des journalistes, montre peut-être le côté affreux et pas assez les portes de sortie qu'il y a. Parce qu'en organisant mieux nos vies, même dans un environnement dégradé par les polluants qu'on a mis, je pense qu'on doit pouvoir arriver... à maintenir l'espérance de vie en bonne santé au même niveau. Je pense. Enfin, 2022, c'est le dernier chiffre dont je dispose, et je serais ravi qu'on m'envoie rapidement le chiffre de 2023, parce que je ne le trouve pas. L'espérance de vie en bonne santé, c'est-à-dire sans gros problèmes majeurs et sans rien qui empêche de faire ce que l'on veut faire, abaissée en France. C'est pour la première fois depuis pas mal de temps. Donc, voilà. Moi, je ne suis pas complètement alarmiste, mais pour revenir à la question, ce qui m'alarme, c'est que plus on attend, moins ce que je viens de dire est vrai. Ou moins, ce que je viens de dire est facile. Et c'est vrai que c'est pour ça que je dis qu'on ne peut pas se contenter de faire une meilleure génération demain. Il faut aussi agir sur la génération en cours. Je trouve le temps de réaction du système lent. Et de fait, il n'est pas à la hauteur de la dégradation du système. Un exemple chiffré, vos impôts servent à replanter 3000 km de haies par an. On continue à en arracher 25 000 km. Alors ça a des fonctions contre l'érosion, contre l'assèchement en été. Ça a des fonctions pour stocker de la biodiversité, pour empêcher la propagation des maladies. s'est stocké. 100 tonnes de carbone par kilomètre. Ça permet de structurer le sol localement d'une façon qui permet à l'eau de s'infiltrer. On peut faire une longue liste. Les haies, ce n'est pas à nos anciens. S'ils avaient diminué la surface de champ cultivable, ce n'est pas pour rien. Pas juste pour faire beau. Pour terminer là-dessus, 25 000 km contre 3 000 km, on voit très bien qu'on n'y est pas, surtout qu'une jeune haie ne fonctionne pas aussi bien qu'une vieille haie. C'est vrai que c'est crispant, cette histoire de la vitesse. de changement. Ça, c'est... Il faut qu'on se bouge, là. C'est peut-être le cœur de l'inquiétude.

  • Speaker #1

    Comment, aujourd'hui, on fait passer des gens potentiellement à l'action ?

  • Speaker #0

    C'est en étant là ensemble, parler. Évidemment. Et pour ceux qui écoutent, s'ils pensent que c'est important, ils ont le cas de faire écouter d'autres gens.

  • Speaker #1

    Voilà le constat d'une dégradation de nos sols, de la qualité des sols, de la conséquence sur nos capacités à pouvoir...

  • Speaker #0

    Sinon même de leur existence d'ailleurs, parce que dans les Hauts-de-France, il y a tellement peu de matière organique que quand il pleut, il n'y a plus de liant. Il n'y a plus de liant. Il n'y a que des coulées de boue.

  • Speaker #1

    Les difficultés des budgets fléchés justement pour redonner un peu la matière organique à travers de ces sols, pour cette... On a cette sorte d'élitement un peu écologique qui est en cours. Et j'aimerais avoir aussi votre avis et votre ressenti sur à peu près les scénarios futurs qui peuvent se projeter sur les 10, 20, 30, 50 prochaines années. Et surtout, quelles étapes cruciales nous devons mettre en place et qui doivent être franchies pour éviter ce qu'on pourrait appeler cet effondrement écologique qui est déjà...

  • Speaker #0

    Moi, je n'ai pas le... Je ne peux pas vous parler avec finesse des modèles prédictifs que par exemple le GIEC propose. Ce n'est ni ma spécialité, ni quelque chose que je lis assez bien pour pouvoir vous répondre là-dessus. Ce que je dirais, c'est qu'il y a quelque chose qui peut nous sauver, et c'est ça en fait qui va déterminer si ça va continuer à se dégrader, au point que finalement la vie humaine va perdre de la dignité ou de la qualité, ou est-ce qu'on va pouvoir réagir. c'est le moment où on comprend comprendra que ces sciences du vivant, donc l'écologie, mais aussi les sciences de la santé, la compréhension du vivant, sont une solution, c'est-à-dire offrent des solutions, offrent des moyens de faire autrement, mais aussi bien par rapport à certains impératifs. Je pense par exemple à l'humanité. Le moment où on comprendra que cette génération qui a tout raté, ces générations qui ont tout raté, elles ont par contre... mis en place une boîte à outils colossale qui permet de soulever des montagnes avec l'écologie, la compréhension du vivant, voire même un tout un tas de choses en physique et en chimie. Le moment où on comprendra que la science n'est pas juste un outil de diagnostic de pourquoi ça ne va pas, mais contient des remèdes et des pistes alternatives et qu'il n'y a pas qu'une seule façon d'arriver à Rome. Parce qu'on nous dit tout le temps, non, on ne peut pas faire autrement. Je lisais un article, une interview d'une... bêtise abominable de quelqu'un qui commentait le futur de l'agriculture européenne en disant qu'elle ne deviendrait plus pure, elle ne nourrirait pas les Européens. Et tout cela suait l'ignorance, l'absence de lecture des travaux qui montrent que nous, on peut faire différemment et nourrir tout le monde. Donc, voilà. Cette boîte à outils, là, c'est si on l'ouvre, là, il y a de l'espoir. Si on continue à ne pas l'ouvrir, là, c'est difficile parce qu'on va continuer à faire comme d'hab. Et comme d'hab, ben ça va pas

  • Speaker #1

    Justement, cette boîte Woudi que vous nommez, ces dernières décennies nous ont permis d'avoir un corpus de connaissances phénoménales, et justement pousser les gens à des pratiques beaucoup plus sobres et beaucoup plus vertueuses, avec certainement des techniques prometteuses pour l'amélioration des conditions des sols, des écosystèmes de notre vie. A l'inverse... Est-ce que vous constatez, bien sûr, peut-être nous présenter un peu les actions, les différentes pratiques que vous connaissez, qui se doivent d'être maximisées, reconnues, accompagnées d'un point de vue financier en territoire, et puis celles à l'inverse que vous constatez aujourd'hui qui participent encore activement à cette érosion, à ce déclin de nos écosystèmes ?

  • Speaker #0

    Il est évident que la pratique agricole, comme elle intéresse 54% de la surface du territoire, elle est tout à fait décisive et aujourd'hui, elle n'a pas évolué. D'ailleurs, moi, je comprends les agriculteurs de ne pas vouloir changer parce que comme les citoyens ne suivent pas, on ne voit pas très bien pour quel marché ils travailleraient différemment.

  • Speaker #1

    Sachant que nous payons, nous partissons pour tous à une partie individuelle de la PAC.

  • Speaker #0

    130 euros par an et par citoyen. D'accord. Donc, ça fait un peu plus de 8 milliards d'euros. en France mobilisés pour une agriculture. Et on voudrait que ce soit moins conditionné par la surface que possède l'agriculteur, que par ce qu'il y fait. Mais moi, je pense qu'on doit payer plus. Parce que si on veut que l'agriculture fasse la santé, la qualité de l'air, la qualité de l'eau, en plus du paysage et de la quantité de nourriture, ça a un prix, tout ça. Donc, effectivement, il y a les activités agricoles et il y a certaines activités industrielles qui sont complètement incompatibles, finalement, avec... la qualité de notre environnement et la durabilité d'une terre et d'une biodiversité qui nous permet de vivre dignement, comme je le disais, et en bonne santé. Après, dans les gestes positifs, je vois plein de petits signaux. Alors le problème, c'est qu'effectivement, moi je ne vais pas être capable de vous convaincre qu'en termes de vitesse, leur croissance est intéressante. Mais je vois qu'aujourd'hui, dans les écoles de commerce, quand moi je fais des cours à HEC ou à l'EDEC, je m'aperçois qu'ils sont très concernés les étudiants. Après Qu'adviendra-t-il quand ils vieilliront ? Ils auront peut-être un pragmatisme. Mais il y a réellement une génération qui, alors même qu'elle n'est pas dans les sciences du vivant, elle se sent concernée et elle cherche des outils de sortie. Je vois que la finance, par exemple, je participe à des colloques de finance. Moi, je n'ai rien à dire sur la finance, je viens juste d'expliquer ce que c'est que la biodiversité et en quoi ça structure le monde qui nous entoure et la capacité à produire des choses variées. Je vois que ce monde la bouge. Donc il y a quelques bons signaux. Et comme toujours, il n'y a pas une seule profession qui soit complètement pourrie ou complètement vertueuse. Je dirais que, en fait, la vraie question du rythme cache celle du changement d'échelle. Ça reste pour l'instant des niches. Et la question, c'est comment on généralise ça ? Et je reviens à mon histoire de publicitaire et de vision du monde. Il faut qu'à un moment, certains réflexes deviennent ridicules. Ridicule parce que la compréhension qu'on a de ce qu'ils sous-tendent fait que c'est tout simplement multiplement inacceptable. Je vais vous dire par exemple, je me mets tout nu dans la rue, alors là tout le monde va être choqué, on va crier. Combien de personnes jettent sans que personne ne hurle autour un morceau de plastique dans la rue ou un mégot ? Ça, ça tue des gens. Ça va tuer des gens. Ça va faire des micro-plastiques, ça va faire des perturbations, ça tue des gens. C'est un crime. Oui, c'est un crime. Tout nu dans la rue, regardez bien, vous verrez, il est fait comme vous, comme votre partenaire sexuel, si vous êtes hétéro. Il n'y a pas de problème. C'est une banalité ordinaire et ça ne tue personne. On a des tabous mal foutus. Et c'est peut-être ça qu'il faut refaire.

  • Speaker #1

    Pourtant, on le constate, on soulève des problématiques de sens, de valeur et des communs sur ce lien que vous citiez tout à l'heure sur la partie éducative. Vous expliquez que dans certaines écoles de commerce, on commence à introduire une certaine sensibilité, un certain profil d'étudiant qui bénéficie de ses privilèges de pouvoir accéder à des études supérieures. Ah oui,

  • Speaker #0

    ça ne fait pas la masse des citoyens.

  • Speaker #1

    Ça ne fait pas la masse des citoyens. Cette, comment dire,

  • Speaker #0

    mais la masse est suiveuse.

  • Speaker #1

    J'ai l'impression, et je crois que je vous avais entendu citer cela, et ça m'avait marqué, j'ai l'impression qu'on se lance toutes et tous dans peut-être une guerre ou une fausse guerre. On embarque pas mal de monde peut-être dans cette guerre. Ne serions-nous pas un peu comme le général Pyrrhus que vous citiez ? assez régulièrement. Je trouve cette analogie très importante. J'ai l'impression qu'on se dirige vers une mauvaise guerre. On embarque un peu tout le monde dans cette bataille, cette fausse bataille, pardonnez-moi, mais qui, en fin de compte, ne nous fera peut-être pas faire gagner cette guerre.

  • Speaker #0

    Je ne sais pas... Bon... Les gestes que je fais, je les fais parce que moi, je crois sincèrement qu'ils sont utiles et qu'ils peuvent avancer. Donc, je me trompe peut-être, mais je ne suis pas à même de vous dire pourquoi je me trompe, puisque je suis convaincu. Quand je dis que la masse est suiveuse, on est tous suiveurs. À un moment, quand plein de gens font quelque chose, on se met à le faire aussi. Et puis, des fois, après, on réalise que, ah ben, oui, finalement, ce n'est pas une bonne idée quand on analyse des choses. Donc, moi, je pense qu'il y a une masse critique à atteindre pour que le système bascule. et je ne pense pas que... qui est de mauvaise guerre. Parce que, quelque part, même si on va tous dans des directions qui sont éventuellement des directions élémentaires limitées, on pousse collectivement l'idée que non seulement le système actuel ne peut plus continuer, mais en plus les systèmes alternatifs peuvent fonctionner. Je suis moi souvent pris dans une guerre fratricide entre les gens qui font de l'agriculture non labourée, mais du coup, comme ils ne labourent plus. Ils désherbent plus, donc ils utilisent du glyphosate pour désherber. Et les gens qui font de l'agriculture bio, qui donc n'utilisent pas de produits toxiques, et moi j'achète des produits bio parce que c'est génial pour la santé, mais au moment de désherber sur des grandes surfaces, ils ne peuvent pas le faire à la main, ils ne peuvent pas mettre du mulch,

  • Speaker #1

    donc ils labourent.

  • Speaker #0

    Et c'est une guerre, ils se battent entre eux. C'est ridicule parce qu'ils font un pas dans la bonne direction et c'est deux pas qui ne me paraissent pas devoir être opposés. Et au contraire, peut-être demain il faut préparer. peut-être encore un peu de recherche à faire, même si sur des petites surfaces, on commence à y arriver très bien. On va voir le mélange de la somme des deux. Mais on a des combats. Cela dit, il faudrait que les combats arrêtent, mais n'empêche que ces deux façons-là de dire, attendez, il y a des gestes bizarres dans l'agriculture conventionnelle. Et ça commence à faire, ça fait cœur. Ça ferait plus cœur, effectivement, s'il n'y avait pas de conflit sur la solution à donner.

  • Speaker #1

    On commence, à votre avis, à avoir quelques convergences, essayer d'avoir du compromis. Là,

  • Speaker #0

    on en a dans les agricultures de petites surfaces, en maraîchage, il y a des agricultures biologiques de conservation, A, B, C, et ils ne s'en vendent pas d'ailleurs, parce qu'il n'y a pas de label. Les gens s'en foutent de ce qu'on fait dans les sols. Le citoyen, il s'en moque assez. Mais néanmoins, il y a effectivement des gens qui commencent à faire la synthèse. Certains même y arrivent en grande culture. Mais honnêtement, il y a encore un petit peu de verrou technique à lever. Mais moi, j'ai confiance. C'est un petit peu comme si vous me disiez, non, on ne pourra pas voler, on arrête la recherche au XVIe siècle. Bon, ok, c'est vrai que voler aujourd'hui, vous l'avez évoqué dans une de vos questions, ce n'est peut-être pas la meilleure idée du monde en termes de climat. Mais les verrous techniques sont faits pour être levés. Moi, j'ai confiance dans l'évolution culturelle. Par contre, je n'ai pas confiance dans l'évolution culturelle qu'on ne pilote pas. ou qu'on ne maîtrise pas. Et c'est une façon de ne pas la maîtriser que de dire « Non, on ne pourra jamais nourrir l'humanité autrement que comme ça. » Vous savez, c'est un petit peu énervant, parce que je vois aujourd'hui plein de pratiques, notamment en médecine, mais aussi en agriculture, où les produits qui nous servent à lutter contre les indésirables, je pense aux antibiotiques, on les utilise mal. Le bilan, c'est qu'on ne fait que sélectionner les résistances. Alors qu'on sait très bien et qu'on l'a prouvé qu'il y a une façon d'utiliser les produits pour détruire un organisme dont on ne veut pas. qui l'empêche de trouver la solution évolutive. C'est les trithérapies. Une trithérapie, vous mettez plusieurs drogues en même temps, le bilan c'est que les mutants qui résistent à une drogue, de toute façon ils sont tués par les autres, le mutant qui résiste à la fois à toutes les drogues, sa probabilité d'exister est tellement affine que ça ne se produit pas, le bilan c'est que les gens vivent avec une trithérapie sans que le virus n'arrive à y survivre. La trithérapie en agriculture, c'est des cultures mélangées, des haies, des paysages où un parasite ne peut pas s'adapter au paysage. C'est tout le contraire de ce qu'on lui offre quand on offre... une variété unique dans un champ, voire même deux champs contigus avec la même variété, ou deux variétés proches. En d'autres termes, il existe aujourd'hui des façons d'agir en utilisant, disons-le, le moyen lâché, les sciences de l'évolution comme des outils pour parer à l'évolution et au contournement de ce qui nous emmerde. Emmerder, hein, c'est 100 000 personnes par an qui ont des problèmes de bactéries existantes aux antibiotiques et 7 500 morts par an. Ça tue, quoi ! Et demain, on pourrait très bien appliquer les antibiotiques par paire ou par triplette. Et en plus, comme il n'y aurait pas de résistance, savez-vous quoi ? On pourrait en mettre moins. Donc la toxicité, ou bien d'un pesticide, ou bien d'un médicament que l'on prend pour lutter contre un virus ou une bactérie, serait amoindrie. Il faut quand même se réveiller un peu là, il y a des solutions. Mais simplement, nous on continue à remporter des victoires à l'apyrus parce qu'on n'a pas compris comment ça marchait. Ou plutôt, ceux qui ont compris comment ça marchait et qui font par exemple des sciences de l'évolution, eh bien, c'est des spécialistes dans leur coin, tout le monde y croit, oui, oui, personne ne voit que c'est un outil, voilà. De nouveau, la boîte à outils n'est pas ouverte. Et c'est ulcérant parce qu'il y a des morts derrière.

  • Speaker #1

    Justement, est-ce qu'il faudrait-il peut-être parler de certaines... être un peu plus rigoriste, avoir une certaine radicalité dans certaines de nos actions, justement, pour pousser à ces compréhensions, ces actions, voilà, justement, qui permettent...

  • Speaker #0

    Alors, je ne sais pas si vous voulez me parler d'extinction-rébellion ou... de scientifiques en rébellion ? Parce que c'est vrai que c'est peut-être une des questions qui était derrière votre question tout à l'heure de l'accélération.

  • Speaker #1

    De l'accélération, puis surtout que dans une ancienne interview, je crois que vous aviez affirmé que la violence était condamnée, mais les actions violentes payent.

  • Speaker #0

    C'est l'horreur ! Moi, je regarde l'histoire.

  • Speaker #1

    Pensez-vous que ces actions radicales sont devenues...

  • Speaker #0

    J'ai lu André Assis-Malheur, comment saboter un pipeline. Et je retire quand même de ce livre non pas l'envie d'une action violente, moi je suis non-violent. Mais ce que dit ce livre, et c'est pas forcément la conclusion que tire toujours André Assemal, mais bon, c'est qu'à un moment, les non-violents alternatifs commencent à être écoutés parce qu'il commence à y avoir des violences. C'est comme ça que les progrès sociaux ont été obtenus. quand se développaient des anarchismes. C'est comme ça que les suffragettes sont devenues violentes avant que les suffragettes modérées soient plus écoutées. Moi, je n'aime pas cette idée-là. Je n'aime pas la violence et je sais très bien que toutes les révolutions, on met longtemps à se faire. à s'en remettre. Regardez par exemple la révolution française, on a une queue d'instabilité institutionnelle qui fait des révolutions et des morts, je parle de vie humaine aussi là, jusqu'à la troisième république, qui d'ailleurs commence très très mal. Moi je suis un parisien de souche, par un côté de ma famille, par un côté de ma mère, on est voir le mur défédéré. Le mur défédéré c'est un siècle plus tard le produit de la révolution qui n'est pas stabilisé. Donc la violence elle tue sur le coup et elle tue après. Du coup moi je n'aime pas cette idée de rébellion trop violente. Mais en même temps à un moment je vois que quand on commence à passer à la vitesse supérieure, quand Alizé s'attache à un filet à Roland Garros, C'est pas violent, hein ? Pourquoi c'est encore doux, là ? Eh ben moi, je passe à la télé le soir pour parler un peu de l'éducation aux sciences du vivant et pourquoi finalement les solutions du vivant, elles ne sont pas acceptées par les citoyens. Je n'arrive pas à passer à la télé, moi, pour dire qu'il faudrait enseigner plus de sciences du vivant et de la Terre. Eh ben, Alizé fait une connerie. Elle ose interrompre un match de tennis. Et là, on commence à se dire, tiens, oui... Alors, on n'est pas encore dans la violence, mais la question, c'est jusqu'où hausser le ton ? Alors moi, je suis professeur du muséum, je ne m'en prends pas la dent, je ne hausse pas le ton. J'utilise quelques gros mots pour réveiller mon auditoire, mais je suis un garçon bien poli, pop sur lui. Mais des fois, je vois que 55 ans à vivre comme ça n'ont pas vraiment révolutionné le monde. Qui suis-je pour empêcher la violence ?

  • Speaker #1

    Donc ces générations futures, justement, comment on leur parle ?

  • Speaker #0

    Déjà on leur dit de faire des enfants, parce que le truc de ne pas faire des enfants parce que ça va mal vous passer, si ceux qui sont conscients qu'il y a un risque que ça se passe mal ne font pas des enfants qui portent leur valeur, alors on est dans la merde.

  • Speaker #1

    Ça c'est votre conseil clé pour les générations futures ?

  • Speaker #0

    On peut ne pas faire des enfants, c'est un choix personnel. Moi j'ai longtemps pensé que j'en aurais pas, puis j'en ai un maintenant. J'avoue, c'est trop bien quoi. C'est très égoïste, mais en même temps je pense que... Sans être dans le malthusianisme, si on n'entend pas de repopuler la planète à deux, on peut faire des enfants et les former de façon à ce qu'ils portent des valeurs qui soutiennent la planète, mais de là, vous avez bien compris, qui soutiennent la vie. vivabilité de la planète pour l'homme et donc qui soutiennent l'homme. Donc moi je pense que il ne faut pas faire de malthusianisme. La vraie question de toute façon aujourd'hui ce n'est pas la démographie. La démographie est un sur-accident. C'est le mode de vie d'une toute petite partie de la planète. Alors c'est vrai que la démographie est un sur-accident parce que le reste de la planète veut commencer à vivre pareil et il y a de plus en plus de gens qui veulent rejoindre la classe moyenne au sens de la consommation un peu supérieure au besoin, voire très supérieure au besoin. Mais la démographie n'est qu'un sur-accident. La vraie question c'est comment on vit. Et d'ailleurs, la résolution de la crise qui consiste à dire « une bonne épidémie, ça va calmer le problème » , c'est pas vrai. Parce que la démographie reprendra, et avec elle, si ceux qui ont survécu ne se sont pas calmés dans leurs habitudes de consommation, demain encore, le jour du dépassement tombera en été. C'est con d'ailleurs, parce qu'en été, les gens n'écoutent pas les informations, donc on ne peut pas en parler beaucoup, le jour du dépassement. Mais c'est ça le truc. Moi, la France des années 80, quand j'étais petit, je n'étais pas malheureux quand j'étais petit, j'avais beaucoup moins de mails d'ailleurs. La France des années 80, son jour du dépassement, c'était le 31 décembre. C'est cool ça ! Je rappelle, c'est le moment où on a utilisé la planète de façon renouvelable. Et puis après, on peut utiliser plus, mais on abîme la capacité à produire et on endommage l'avenir. Pas de la planète, de l'homme. Enfin, on dit de la planète pour faire simple. évite de penser à l'homme trop. Moi, je vois que l'homme dans la planète est dans le vivant, alors j'ai du mal à dire ça comme ça, mais en tout cas, cette sorte de jour du dépassement, il y a quand même des tas de populations sur Terre dont le jour du dépassement est l'année suivante. Et donc voilà, revenons là-dessus. Déjà, je leur dis, faites des enfants, mais vivez-les bien et faites-les en nombre raisonnable. Première chose. Deuxième chose, je leur dis, ne blâmez pas trop la génération précédente. Elle a fait des conneries assez sincèrement. Je ne parle pas de Monsanto. Je ne parle pas d'ExxonMobil qui, dans les années 70, a des modèles climatiques qui prédisent que ça va se passer alors que le PDG d'ExxonMobil en 2000 dit encore on n'a pas de preuves que le climat change. Bon, donc je ne parle pas de ces salauds-là. Moi, je parle des consommateurs qui l'ont fait sincèrement, mais en même temps, de leurs impôts, ils ont dressé cette fameuse boîte à outils, ces sciences du vivant et de l'environnement qui aujourd'hui vous permettent de choisir d'autres options. ne pleurerai pas, vous allez bientôt voir les limites de ces options-là, elles auront éventuellement des conséquences négatives aussi. Vous savez, c'est ce que dit Lévi-Strauss, ce qu'on appelle le progrès, c'est juste la résolution des problèmes posés par ce qu'on a appelé auparavant le progrès. Mais en même temps, vous avez des pistes et puis vous avez aussi un équipement intellectuel derrière ces disciplines qui vous permet d'observer ce qui se passe et de ne pas aller trop loin dans une direction qui s'avérerait un peu vermouille ou moisie. Mais revenons là-dessus, il y a de l'espoir aussi. Voilà ce que je leur dis, il y a de l'espoir. Parce que rien d'irrémédiable n'a été commis. Mais on en revient à votre question sur la vitesse. Cet espoir n'est pas promis pour toujours.

  • Speaker #1

    C'est une de nos doigts d'espoir. Oui,

  • Speaker #0

    il faut se retirer des doigts du cul, il faut y aller maintenant.

  • Speaker #1

    C'est cela.

  • Speaker #0

    On est parti.

  • Speaker #1

    Donc cette fatalité qui pour vous, qui n'est pas inévitable. On a aujourd'hui encore pas mal de possibilités d'éviter le pire à travers ces actions concrètes, entre celles des valeurs et celles des enfants. Cette dégradation écologique et cet effondrement qui est en cours, lorsque vous en parlez, de cet effondrement de la société, est-ce que vous pensez que c'est... Une fatalité inévitable ou qu'il y a encore des possibilités d'éviter le pire à travers des actions concrètes sur les sols, sur les écosystèmes ?

  • Speaker #0

    Je pense qu'aujourd'hui, je l'ai un petit peu dit d'ailleurs, je pense qu'aujourd'hui c'est encore assez évitable. Mais ça n'est pas nécessairement évitable, c'est ça le truc. Je parle dans mon dernier livre de ma version du paradoxe de Fermi. Et j'ai découvert depuis qu'en fait, je n'étais pas le seul à avoir pensé à ça. Comme toujours, on croit découvrir des choses merveilleuses. En fait, elles sont si merveilleuses que d'autres y ont pensé. Paradoxe de Fermi, c'est pourquoi sommes-nous seuls dans l'univers ? Pourquoi on n'entend pas les autres civilisations ? Alors, il y a les histoires, qu'elles ne sont pas faites pareilles, qu'elles se cachent pour ne pas être emmerdées, que peut-être que la vie n'apparaît pas si souvent. Alors là, on sait maintenant qu'il y a des milliers d'exoplanètes et on se dit quand même que des formes de chimie structurées ne soient pas apparues et pas commencer à émettre des ondes, c'est bizarre. Ça, c'est intrinsèque. On a aussi cette idée qu'éventuellement, elles évoluent, ces civilisations, vers des conflits intrinsèques et qu'elles se détruisent. Ça, c'est ce qui a été inspiré par l'époque où on avait la guerre froide et cette menace de destruction nucléaire qui pesait sur la planète. D'ailleurs, je ne suis pas sûr qu'elles soient complètement exclues, mais c'est vrai qu'elles hantent moins les inquiétudes collectives. Moi, je propose autre chose. C'est que l'actualisation culturelle met en place plein de façons de vivre, plein de molécules nouvelles, plein de pratiques nouvelles. qui ne sont pas tout à fait compatibles avec nos vies. Et nous, on a du mal à s'adapter. De tout temps, l'évolution culturelle a généré de l'adaptation biologique. Si aujourd'hui, la plupart d'entre nous digèrent le lait à l'âge adulte, ce qui n'est pas le cas de la plupart des mammifères, enfin, de tous les mammifères, c'est qu'en fait, à force d'avoir des vaches et de l'étreire pour soit nourrir des nourrissons qui digèrent le lait, soit faire du fromage ou de lactose, qui est indigeste pour les adultes et détruit, à force d'avoir des âges du lait qui traînent dans notre environnement, on a sélectionné ceux qui étaient capables de digérer le lait à l'âge adulte. Et on voit très bien, on peut très bien extraire de l'ADN des os, qu'à partir du moment de la domestication des vaches en Europe, mais aussi dans d'autres régions en Afrique, où on a domestiqué des vaches et commencé à faire du lait, on a une augmentation en fréquence des individus capables de digérer du lait à l'âge adulte. C'est un trait culturel, avoir des vaches, les élever et les traire. Et ce trait culturel a sélectionné de la biologie. Mais là, on est en train de mettre en face de nous des tas de nouvelles molécules, des rythmes de vie différents. Regardez le burn-out, regardez votre boîte mail. Moi, la mienne, il y a 200 mails par jour. Pour moi, c'est un exercice quotidien qui prend 4 heures, qui nous résout ce problème. Il y en a, ils font banqueroute de mails. Donc, on est sur des rythmes et des environnements, notamment chimiques, mais il n'y a pas que l'environnement chimique, mais parlons de ça, qui sont créés par notre culture, qui ne sont pas forcément compatibles avec notre vie. Donc, le risque, c'est que la vitesse à laquelle l'évolution culturelle change les règles du jeu ne puisse pas être suivie par l'évolution biologique et qu'à la fin, nul d'entre nous ne soit adapté au monde que nous avons créé. y compris d'ailleurs au monde inorganique, au monde externe que nous aurons créé, je pense à la température, je pense à la chimie, je pense à la montée des eaux, je pense à plein de choses, et puis à la baisse de la quantité d'alimentation, et que finalement l'humanité disparaît, je ne crois pas, mais soit réduite à une poignée de types en rayon qui traînent en s'entretuant et avec la triste mémoire de l'époque de leur gloire. Bon, alors, donc le paradoxe de Fermi, c'est peut-être que quand... apparaît l'évolution culturelle, elle procède à une telle vitesse et de façon crescendo que l'évolution biologique ne peut pas suivre. C'est pour moi pas une fatalité, c'est un risque, une possibilité que nous devons avoir en tête. Et puis on s'en sort parce qu'en fait, si on réalise bien aussi ce qui se cache derrière cette histoire, c'est que l'évolution culturelle tout comme l'évolution biologique, dans mon dernier livre j'essaie vraiment de montrer que c'est la même chose, je ne suis pas le seul à avoir... Calvary Sforza et d'autres. Un auteur qui a écrit La symphonie inachevée de Darwin, j'ai oublié son nom, vous me pardonnerez, parle déjà de ça. L'évolution culturelle est une forme d'évolution biologique, mais elles ont en commun, notamment, d'être des générateurs perpétuels de nouveautés. Comment ne pas croire à l'avenir quand tout, pratiquement, est permis ? Vous prenez un pauvre chou imbouffable qui fait des rosettes de feuilles débiles et immachables et immangeables, et des pauvres petites... tiges avec des fleurs jaunes. Au bout de quelques temps, vous avez le chou fleur, vous avez le romanesco qui n'est pas du tout la même chose, vous avez le brocoli, vous avez le chou paumé, vous avez le chou rave, vous avez le chou d'ornement, vous avez le chou de Bruxelles. Non, mais en réalité, et ça, c'est une évolution biologique, mais c'est aussi une évolution culturelle, quelque part. C'est nous qui les avons faits de nos cultures, au sens de la culture intellectuelle, pas de la culture agricole, mais via la culture agricole quand même. Eh bien, moi, je pense qu'il faut croire dans le vivant. Et d'ailleurs, moi, je dis souvent que je crois en l'homme et que c'est une façon, parce que l'homme et le vivant, c'est la même chose. Et l'homme est tellement lié au vivant qu'il n'y a pas de vivant sans homme et pas d'homme sans vivant. Je crois... Aussi en l'homme et mon humanisme est aussi une façon de croire à cette capacité générative perpétuelle où tout est permis.

  • Speaker #1

    Vous pensez qu'on manque d'agriculteurs ? Vous pensez qu'il faut que l'humain redescende sur Terre ?

  • Speaker #0

    Oui, on manque aussi de médecins, on manque aussi de... Je veux dire par là, on manque de gens qui sont à l'interface avec les autres vivants, qui font l'interface entre la société et les autres vivants, parce que cette interface, elle a de toute façon existé. C'est ce qui pousse des gens comme Descola à dire qu'il n'y a pas de différence entre la... nature et la société, mais en réalité on peut dire qu'il y a un champ que nous isolons et qui ne gère pas bien, ce qu'on appelle la société, et qui ne gère pas bien ses liens au reste du vivant. Et les gens qui sont interfacés avec ça, aujourd'hui il faut leur redonner les outils sciences de l'évolution, sciences de l'écologie, tous ces outils conceptuels qui leur permettront d'exercer leur métier un petit peu mieux. Et on manque de gens effectivement dont le coeur de métier absorbe le vivant. Mais vous savez, quand vous gérez une cantine, D'une certaine façon, vous gérez les écosystèmes agricoles où vous achetez les choses, puisque vous, par votre achat, vous faites, vous justifiez les actions qui s'y passent, vous faites par procuration ce qui s'y passe, et vous êtes en train de nourrir les microbiotes des gens, donc les écosystèmes microbiens internes des gens qui sont en face. Assurez-vous d'y mettre assez de fibres et des fibres variées, 5 feuilles de légumes par jour, de 20 à 25 espèces de plantes différentes, céréales comprises, voilà la recette pour entretenir bien les microbes de son tube digestif. Qui fait ça ? Notamment dans les formations de diététique ou de cuisine. Pas grand monde. Donc on a plein de métiers aujourd'hui qui, sans le savoir, sont en fait aux avant-postes de la société devant la nature. Et il faut les réarmer. Et moi, je pense que l'évolution biologique et nos évolutions culturelles peuvent demain tout. Moi, je suis fondamentalement humaniste, c'est-à-dire positif. C'est vrai qu'il y a un certain nombre de gens... Keith Hofstein a essayé de me montrer que j'ai tort, mais vous savez, j'ai mes élèves, j'ai mes étudiants, j'ai mon fils et ses petits amis, et je ne peux pas m'empêcher de croire en l'homme quand je les vois.

  • Speaker #1

    Merci Marc-André Sélos. Merci. Vous êtes venu nous voir. Excellente fin de journée.

  • Speaker #0

    Merci. A vous aussi, et puis bon avenir aussi. C'est ce dont on parlait, non ?

  • Speaker #1

    Tout à fait. Merci à vous.

  • Speaker #2

    Vous venez d'écouter le podcast de l'association Adrastia, le podcast qui fait le bilan sur les risques globaux et les perspectives, afin de faire face tous ensemble. Retrouvez toutes les actualités du podcast et de l'association sur le site internet adrastia.org et sur l'ensemble des réseaux sociaux. L'heure du bilan, faire face. 60 minutes pour apprendre à nous adapter au monde tel qu'il est, non tel que nous croyons le maîtriser.

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