- Speaker #0
Bonjour à toutes et à tous et bienvenue sur le podcast de l'association Adrastia, l'heure du bilan, faire face. Nous sommes ravis que vous nous écoutiez. Nous allons parcourir ensemble les nouvelles pistes d'adaptation face aux altérations profondes et durables du milieu terrestre qui fragilisent tant nos sociétés que le vivant dans son ensemble. En 2024, la concentration en CO2 dans l'atmosphère continue d'augmenter. Les records de température, détendu des feux de forêt, de durée de sécheresse et de gravité des inondations tombent les uns après les autres. Les désordres écologiques, politiques et sociaux actuels ne sont pas des crises passagères, mais peut-être les premiers symptômes d'effondrement des sociétés industrielles mondialisées. Il est temps de faire le bilan de notre gestion collective des risques globaux et systémiques, parce que si sans maîtrise nous filons droit vers l'abîme, l'illusion de contrôle nous y précipiterait plus vite encore. Dans ce podcast, nous donnerons la parole au lanceur d'alerte aux scientifiques, aux acteurs de terrain, aux transitionneurs et aux penseurs de l'avenir écologique. L'heure du bilan nous confronte à la réalité à venir, la nécessité de l'adaptation, parfois radicale, au regard du risque d'échec ou d'insuffisance de la ténuation. Adrasia est une association de citoyens et de citoyennes qui informe et alerte depuis 2014 sur le risque d'effondrement de nos sociétés, dans le but d'éviter une dégradation trop importante ou brutale de leur structure vitale. et de préserver les meilleures conditions de vie possibles pour le plus grand nombre. Le podcast de l'association Adrasia est une production collective. L'intervieweur ou l'intervieweuse pourra être différent à chaque épisode, ne vous en étonnez pas. Les interviews sont disponibles sur les plateformes habituelles de diffusion. N'oubliez pas de vous abonner. Vous retrouverez également une page internet dédiée au podcast sur le site internet adrasia.org. Dans l'heure du bilan Fairface, nous explorons pendant 60 minutes... comment apprendre à nous adapter au monde tel qu'il est, non tel que nous voyons le maîtriser. Et maintenant, place à l'épisode. Bonne écoute !
- Speaker #1
Bonjour à toutes et à tous et bienvenue pour ce nouvel épisode de l'Heure du bilan, Faire face, le podcast de l'association Adrastia. Notre futur sera-t-il sobre et juste ? C'est la question que nous explorons aujourd'hui durant cet entretien. La transition énergétique est aujourd'hui au centre de toutes les attentions politiques, scientifiques et sociales. Pourtant, dans le brouhaha des promesses technologiques et de la croissance verte, certaines voies percent par leur clarté, leur rigueur et leur courage intellectuel. Celle de Yemina Saeb en fait partie. Docteur et ingénieure de formation, autrice principale du dernier rapport du GIEC sur l'atténuation du changement climatique, elle a fait entrer dans le champ des politiques climatiques internationales un mot. que beaucoup évitaient, sobriété. Une sobriété qu'elle ne défend ni comme une privation, ni comme une régression, mais comme un levier systémique, collectif et juste. Dans cet entretien, nous allons explorer avec elle les chemins d'une transition possible, à la fois matérielle et politique, en dehors des mirages technologiques. Yamina Sebb, bonjour.
- Speaker #2
Bonjour.
- Speaker #1
Merci de nous faire l'honneur de votre présence pour cette discussion.
- Speaker #2
Merci pour l'invitation.
- Speaker #1
Vous avez dit, sans sobriété, il n'y aura pas de transition possible. et averti que, quand on n'aura plus à manger, la sobriété s'imposera à nous. J'aimerais commencer cet échange en explorant cette tension entre sobriété choisie et sobriété subie. Selon vous, dans quel cadre... politique et culturel, pour vous, non encore espérer que la première précède la seconde ?
- Speaker #2
Alors, peut-être qu'il faut retourner un petit peu en arrière pour comprendre les origines du concept de la sobriété et pourquoi est-ce qu'elle est indispensable pour répondre à ce que j'appelle moi la métamorphose de nos sociétés et de nos économies qui s'imposent à nous en raison de la crise écologique, mais pas seulement aussi en raison ... de la crise sociale dont on ne parle pas beaucoup, de la crise économique et de la crise géopolitique en vérité. La sobriété n'est pas un concept nouveau. Par contre, on retrouve des traces du mot sobriété dans des écrits de l'époque grecque, romaine, etc. Par contre, ce qu'il y a de nouveau, c'est que depuis, si on reste dans le monde occidental, dans la civilisation occidentale, depuis la fin des années 80. Il y a des philosophes d'abord et puis des chercheurs dans d'autres disciplines scientifiques qui sont allés chercher qu'est-ce qu'il y a dans les livres d'histoire sur la sobriété. Et là, le texte fondateur en vérité, en anglais, sobriété, c'est sufficiency, mais pas dans le sens de suffisance. En fait, ça va beaucoup plus loin que juste suffisance, puisque certains traduisent ça par suffisance. Ils prennent le mot d'un point de vue juste linguistique. Donc, le texte fondateur en vérité du sobriétisme, en anglais, on parle de sobriétisme, quelque chose qu'on n'entend pas du tout en français. Donc, c'est moi qui traduis comme ça. C'est un texte de Harry Frankfurt. C'est un philosophe américain. qui a écrit un texte très important pour dire ce qui compte, ce n'est pas l'égalité, mais ce qui compte, c'est l'équité entre les humains. C'est que chacun d'entre nous ait suffisamment, ait un minimum pour vivre, pour bien vivre. Et ça, c'est un texte fondateur. La définition de la sobriété, en fait, elle vient de là. Ce minimum-là, cette idée d'avoir un minimum pour bien vivre, pour tout le monde, elle vient de là. Et il dit que... lui, il développe sa théorie à lui, c'est que le sobriétisme, c'est une théorie de justice distributive, pour garantir que chacun a suffisamment, a ce minimum. Bien sûr, comme c'est un philosophe, il ne nous dit pas où mettre le minimum. Et en philosophie, si je reste en philosophie, il a fallu attendre 2020 pour qu'un autre philosophe, anglais cette fois-ci, Liam Shields, dit que avoir le minimum, parce que Harry Frankfurt, lui, ce qu'il dit, il dit une fois que tout le monde a ce minimum-là, On s'en fout un peu de ce qui se passe au-dessus. Et on peut traduire ça dans le monde d'aujourd'hui. Donc, il n'y aurait pas de pauvres, mais on s'en fout qu'il y ait des ultra-riches, si vous voulez. Et en fait, ça, d'un point de vue économique, etc., ça ne va pas du tout. Et Liam Shields, lui, vient et il dit, en vérité, il faut ce minimum-là, mais il y a aussi un maximum à considérer. Alors, pareil, il ne dit pas où mettre ce maximum. Et lui, il explique ça. Si je vous donne un exemple qui doit parler à vos auditeurs, c'est par exemple, on a tous besoin d'un toit. Donc on a tous besoin d'une maison, d'un logement. Après, certains d'entre nous ont des résidences secondaires. La résidence secondaire, quand on l'acquiert, on ne l'acquiert pas pour les mêmes raisons. Ce n'est pas pour être à l'abri, on l'acquiert pour autre chose. Et donc lui, il dit que c'est important de considérer que pour... Pour garantir ce minimum-là pour tout le monde, c'est de définir comment on fait ce minimum et que les besoins essentiels des personnes soient... qu'il y ait une réponse aux besoins essentiels. Et par exemple, la résidence secondaire n'est pas nécessairement un besoin essentiel. La résidence secondaire en tant que propriétaire. Donc ça, c'est ce qui se passe du côté philosophique. Du côté de la science de la durabilité, et là, dans la science de la durabilité, il y a de tout. Il y a de la physique, de l'économie, la science du système Terre, etc. Et moi, je viens plutôt de cette partie-là de la science. Du côté de la science, de la durabilité, il faut savoir que la France, et c'est très intéressant, alors on ne sait pas exactement pourquoi, ça serait bien qu'il y ait des étudiants qui regardent ça de plus près. La France est le premier pays au monde à avoir connu un premier scénario de sobriété énergétique. Donc le débat en France a toujours porté sur la sobriété énergétique. Il a été développé en 1979. par des fonctionnaires qui travaillaient au Trésor. Vous imaginez les gens de Bercy qui développent un scénario de sobriété énergétique. 79. Et ce scénario-là n'a pas vu le jour. En fait, on n'est pas allé dans cette direction-là. Les gouvernements successifs ne sont pas allés dans cette direction-là parce qu'il se trouve que quand ils ont fini leur travail, c'était le moment où on avait lancé le parc nucléaire et donc on était sortis de la crise pétrolière. Et du coup... on avait considéré qu'on n'avait plus de problèmes énergétiques en France. Donc on était plutôt dans la logique qu'il fallait consommer le surplus d'électricité produite par le parc nucléaire, parce qu'à l'époque on n'avait pas les connexions intra-européennes que l'on a aujourd'hui. Ça c'est le premier scénario qui a été fait. Et ensuite, il a fallu attendre début des années 90, donc un peu de temps après Frankfurt, pour qu'on ait un premier article qui vient de Wolfgang Sachs, un chercheur allemand. ... qui travaillait sur la transition énergétique en Allemagne. Encore une fois, vous voyez, l'Allemagne et la France, ça fait partie des liens entre les deux pays. La sobriété a été surtout comprise jusqu'à présent comme étant énergétique seulement. Et donc, lui, il fait des calculs et il arrive à la conclusion que l'Allemagne, à l'époque, on parlait du facteur 4, je crois, dans ces années-là. On ne parlait pas de nitraïté carbone, etc. C'était dans une autre époque. Et donc lui, il dit que l'Allemagne, la transition énergétique allemande ne pourra pas se faire uniquement avec de l'efficacité et du renouvelable. Il faut autre chose et cette autre chose, il le définit comme « sufficiency » . Il utilise le mot, c'est le même mot juste avec un « z » entre l'allemand et l'anglais. Et ensuite, pour des raisons qu'on ne connaît pas, ça n'a pas volé haut en Allemagne, mais ça a traversé la frontière française et c'est tombé dans les oreilles de ceux qui ont créé l'association Negawatt. les fondateurs de la situation en mégawatts. Et eux ont fait, mais dix ans après, ils ont publié un manifeste. qui s'appelle le manifeste de Négawatt. Et dedans, ils parlent de la sobriété. Et puis, ils ont fait le premier scénario connu, parce que celui qui avait été fait par les collègues au Trésor n'a jamais été connu. Il est public, il n'a jamais été diffusé. Et donc, diffusé. Et ils ont porté le débat. En France, ils ont porté le débat sur la sobriété énergétique. Mais aujourd'hui, avec le recul que j'ai en retournant dans la littérature scientifique, Je me dis que la sobriété est arrivée chez nous par la plus mauvaise porte possible, qui est celle de la comptabilité des kWh. Alors que la sobriété en philosophie, c'est une théorie de justice distributive. Donc moi, quand les gens me disent « sobriété subie » ou des choses comme ça, ou alors les gens qui confondent sobriété et précarité, ça, ça existe dans des pays comme la France, parce que c'est arrivé par la mauvaise porte, par la comptabilité des kWh. Dans le reste, dans la littérature scientifique liée à la durabilité, Donc il y a eu beaucoup de discussions sur, on s'était rendu compte, beaucoup de chercheurs s'étaient rendu compte que l'efficacité toute seule, ce n'était pas suffisant pour réduire la demande et qu'il fallait autre chose. Et cette autre chose, donc il y avait d'autres personnes qui avaient trouvé que c'était la sobriété. Chose intéressante, c'est qu'en philosophie, on parle de sobriétisme comme concept théorique, comme philosophie, comme théorie philosophique. Dans la science de la durabilité, on n'utilise pas forcément le mot sobriété, encore moins le mot sobriétisme. Donc, on décrit cette chose-là et on dit qu'au lieu d'aller dans ce sens-là, il faut plutôt aller dans le sens d'éviter la demande dans toutes les ressources naturelles. Et en fonction des disciplines, on appelle ça d'une façon ou d'une autre, on traite la sobriété en vérité de façon différente. Donc, par exemple, en économie, ce qu'on retrouve, c'est qu'il faut protéger. Il y a toute une théorie pour protéger les communs. Il y a même eu un prix Nobel là-dessus. mais en fait il y a Récemment, dans les dernières années, il faut aller au-delà des communs qui étaient décrits avant. Et en fait, par exemple, l'information, ça fait partie des communs. L'éducation, ça fait partie des communs. Les limites planétaires, ça fait partie des communs. Le budget carbone, ça fait partie des communs. Tout ça, c'est des concepts qu'on n'avait pas autrefois. Et il y a aussi cette notion dans la question du bien-être. Donc, il y a eu des anthropologues. et après des psychologues qui ont travaillé sur la question des besoins et des bien-être des êtres humains. Donc les besoins sont les mêmes pour tous. La façon dont on les satisfait est différente, ou dont ils ont été satisfaits jusqu'à présent est différente. Et ce qu'on retrouve, ça c'est un chercheur chilien qui avait fait ça, et donc il est retourné dans les besoins, enfin il est retourné en... C'est un économiste, mais il est allé utiliser l'anthropologie, comment est-ce que les besoins sont définis. Et puis lui, il dit qu'il faut bien distinguer les besoins et comment ils sont satisfaits, les satisfailleurs. Et en fait, comme c'est un économiste, en gros, il explique que l'économie telle qu'on la connaît dans le monde moderne, elle focalise sur les flux, elle focalise sur la fin, alors qu'en vérité, elle ne regarde pas du tout le début. Par exemple, typiquement, La sobriété énergétique, ce sont des personnes qui travaillent sur les flux d'énergie et on oublie que pour que ces flux-là passent, il faut des infrastructures. Mais l'objectif, pourquoi est-ce qu'on a ces flux-là, c'est pour satisfaire les besoins des personnes. Lorsqu'on part des besoins des personnes, on se rend compte que dans le monde occidental par exemple, dans tous les pays de l'OCDE, les infrastructures que nous avons sont surdimensionnées par rapport à nos besoins. Et c'est pour ça, si je fais le lien avec la crise écologique, Aujourd'hui... Tout ce qui se fait sur la crise écologique concerne plutôt les flux. On essaye de gérer les flux, de réduire les flux, mais très peu de travaux existent sur la question des infrastructures. Et puis surtout, il n'y a pratiquement pas de travaux sur la question des besoins. Parce qu'en fait, on est toujours dans la fin et on doit retourner au début, en fait, partir des besoins. Les économistes ne partent pas de là, ils sont à la fin. Et c'est pour ça qu'on se retrouve... Toute la comptabilité que l'on fait, par exemple, tous les scénarios, par exemple, dits du GIEC et autres scénarios mondiaux et même nationaux, ils ne travaillent que sur les flux. Et les flux, tout a été modélisé ou tout a été réfléchi dans ce sens-là des flux. Et après les flux, donc c'est très facile à partir des flux de calculer une augmentation ou une baisse de PIB, etc. Alors que si vous partez du besoin et des bien-être des citoyens, vous serez dans une toute autre logique. Et en tout cas pour l'Occident, pour les pays de l'OCDE, on le sait, on est dans une situation de surdimensionnement des infrastructures. Et comme on n'intègre pas la question d'équité et de justice dans nos pratiques aujourd'hui, dans nos politiques, donc du coup on est en surdimensionnement, mais cela ne veut pas dire qu'on n'a pas de personnes pauvres en situation de précarité. On a des sans-logements et ça, ça ne devrait pas exister dans les pays de l'OCDE parce qu'on est en surdimensionnement en termes de logements. On a beaucoup trop de logements. On a plein de logements qui sont inoccupés, ou de mètres carrés, parce qu'il y a aussi les mètres carrés qui étaient utilisés pour le tertiaire, qui ne sont plus utilisés pour le tertiaire.
- Speaker #1
Merci pour tout ce cadrage, en fin de compte, et pour ces éléments sur lesquels on va peut-être, on va certainement revenir ensemble quand on parle d'équité, le fait de quantifier, de qualifier aussi les besoins essentiels de la population. Et justement, je ressens un petit peu cette critique, cette critique de cet état des lieux. j'aimerais savoir comment votre formation aujourd'hui historique d'ingénieur a fait... vous a fait évoluer vers cette forme de critique politique de ce modèle actuel que vous décrivez ? Et puis aussi une deuxième question qui est en relation avec ce que vous avez introduit. La critique sur les politiques centrées sur l'efficacité énergétique, l'effet rebond qui peut être aujourd'hui visualisé par rapport à cette analyse de flux qui est établie. avec cette plus de consommation pour les pays, je dirais, les pays bénéficiaires, les pays occidentaux. L'effet rebond est-il pris au sérieux aujourd'hui dans l'hypolitique climatique ? Et cette question, qu'est-ce qui a fait évoluer à un moment donné la rupture dans votre discours par rapport aux critiques que vous évoquez dans les modèles politiques mis en place aujourd'hui ?
- Speaker #2
Moi, j'ai été formée comme un ingénieur, je suis diplômée de l'école militaire, je suis un optimisateur. Mon cerveau avait appris à optimiser les systèmes, c'est ça que j'ai appris.
- Speaker #1
La quantification.
- Speaker #2
La quantification et l'optimisation des systèmes énergétiques et aquatiques. Dans la pratique, j'ai surtout travaillé sur les systèmes énergétiques et très peu sur les systèmes aquatiques. Et dès que j'ai commencé à travailler, j'ai d'abord travaillé pendant quatre ans après mon diplôme d'ingénieur, je me suis rendu compte qu'il y avait un truc qui tournait par an en fait, que l'humain n'était pas du tout pris en compte. Quand vous êtes ingénieur, Vous apprenez à construire des ponts ou des logements, moi je suis ingénieure en bâtiment, quel que soit le produit final, pour un humain type qui est décrit mais qui n'existe pas dans le monde réel en fait. Et l'humain réel n'est pas pris en compte. Donc ça c'était le premier gap entre ma formation et ce que j'ai vu sur le terrain. Et là je suis allée à l'école des hautes études en sciences sociales et c'est ça qui m'a transformée. En fait je me suis rendue compte que ma formation n'était pas suffisante, j'étais un calculateur. Et il me fallait une formation en sciences sociales. Et donc, je suis allée à l'école des études en sciences sociales. Et là, j'ai eu la chance à l'époque d'avoir des professeurs comme Ignacy Sachs, par exemple. Il était en fin de carrière, il était émérite, mais il venait encore en cours. Et là, vous buvez leurs paroles, ces gens-là. Donc, moi, j'ai eu Ignacy Sachs, j'ai eu Alain Jox sur les questions de la violence, l'histoire de la violence, etc. J'ai eu plein d'autres professeurs, le HESS, c'est ça qui m'a transformée. À l'époque, pour ma thèse de doctorat, il n'y avait pas de laboratoire interdisciplinaire. Moi, j'aurais aimé aller dans l'interdisciplinarité. Ça, ce n'était pas possible, donc j'ai dû retourner à la physique. C'était beaucoup plus facile pour moi d'être acceptée en physique, vu que j'avais fait une école d'ingénieur, que d'être acceptée en sciences sociales, sachant qu'il n'y avait rien pour l'interdisciplinarité. Donc, j'ai encore fait un modèle qui ignore l'humain, parce que c'est ça qu'on fait en fait. Soi-disant, c'est l'humain, mais c'est moi qui décide ce que cet humain-là... Je vais optimiser l'humain, un humain que je ne connais pas. Et ce qui était très intéressant dans mon travail de thèse, c'est que mon premier chapitre, je me souviens, il portait sur l'analyse des politiques d'efficacité énergétique. Et à l'époque, donc en 2000, on ne parlait que d'efficacité énergétique. On ne parlait pas du tout de sobriété. Et l'analyse des politiques de... d'efficacité énergétique parce que je savais que je voulais aller travailler sur les politiques. Je voulais travailler sur le changement et donc il fallait travailler sur les politiques. Et ensuite, le reste de ma thèse, c'est le modèle numérique que j'ai développé avec une analyse de données. Et ma directrice de thèse, à l'époque, avait refusé de lire et d'éditer mon chapitre 1 parce qu'elle le trouvait inutile. J'ai fait toute ma carrière sur le chapitre 1 de ma thèse. Mais pour être docteur, il a fallu que je fasse les trois autres chapitres. Et donc ça, c'est pour vous dire la difficulté qu'il y avait aujourd'hui. Ça a changé. Il n'y a toujours pas d'interdisciplinarité, pas vraiment. Mais ça a changé. Je ne pense pas que les doctorants aujourd'hui puissent subir ce genre de traitement. Alors pourquoi l'efficacité énergétique ? Quelle différence entre l'efficacité énergétique et la sobriété ? Donc là, il faut retourner à la physique. C'est quand même intéressant et très important d'avoir des notions de physique. Et d'ailleurs, je trouve que tout le monde devrait avoir des notions de physique. Le premier et le deuxième principe de la thermodynamique, je pense qu'il faut l'enseigner à tous les niveaux. Donc, le premier principe de la thermodynamique dit que rien ne se perd, rien ne se gagne, tout se transforme. C'est ça qui donne, par exemple, l'économie circulaire. Le deuxième principe dit, attention, oui, rien ne se perd, rien ne se gagne, tout se transforme. Seulement, quand vous transformez un produit A, vous n'allez pas obtenir le même produit A. On l'a connu avec le papier recyclé ou quel que soit ce que vous recyclez.
- Speaker #1
C'est le phénomène de la dégradation.
- Speaker #2
Voilà, le phénomène, c'est l'anthropie, la dégradation. En fait, la sobriété et l'efficacité, elle est basée principalement sur le principe 1. Et la sobriété est basée sur le deuxième principe. Et donc, prendre en compte comme ça se dégrade, donc si à cela se rajoute la crise écologique, donc il faut éviter dès le départ de prendre des ressources naturelles. Et toutes nos politiques aujourd'hui, alors comme la sobriété est basée sur le deuxième principe, donc moi ce que je dis, c'est que la sobriété s'attaque aux causes. de la situation actuelle, alors que l'efficacité travaille plutôt sur le symptôme. Je vous donne un exemple. Si je prends l'exemple de la mobilité, je pars du besoin, comme Manfred Maxfield le dit, je pars du besoin, nous citoyens, nous avons un besoin de mobilité. Mais dès qu'on parle mobilité, d'ailleurs on n'utilisait pas le mot mobilité jusqu'à récemment, on utilisait le mot transport, et donc les gens pensent voiture, et plutôt voiture individuelle. Bon, peut-être que dans Paris on va penser métro, mais... On pense plutôt voiture. Et donc, alors que moi, citoyenne, je n'ai pas besoin d'une voiture, moi, j'ai un besoin de mobilité. Mon besoin de mobilité, c'est d'aller d'un point A à un point B à un instant T. Moi, je ne vais pas discuter, ça, c'est la liberté de chacun d'entre nous de décider où est le point A, où est le point B, et quand est-ce qu'on va aller et pourquoi. Ça, c'est le business des gens. On ne va pas là-dedans, on ne va pas dans la bulle personnelle, mais Donc, si je pars du besoin, pour aller d'un point A à un point B, j'ai plusieurs options. Je pourrais, en théorie, je pourrais marcher, je pourrais prendre le vélo, je pourrais prendre les transports en commun. Et dans les transports en commun, j'ai plusieurs options. Je pourrais prendre la voiture. Lorsqu'on parle de la question de, par exemple, les émissions, etc., on ne regarde que la voiture. Qu'est-ce qu'on a fait à la voiture à l'époque où on ne parlait pas encore de la décarbonation comme aujourd'hui ? Donc, on a amélioré l'efficacité du moteur de la voiture. On l'a rendu. la consommation par kilomètre parcouru est devenue moindre. C'est ça qu'on a fait. C'est ça que l'industrie a fait. Et toutes les politiques portaient sur ça. Et puis après, avec la crise climatique, on est passé de l'amélioration de l'efficacité énergétique à la décarbonation. C'est l'exemple de la voiture électrique. Seulement, on n'a toujours pas répondu à la question de comment est-ce que je satisfais le besoin de la personne. Donc en fait, on a... ignoré toutes les autres façons de pouvoir satisfaire les besoins de mobilité des individus et on est passé uniquement, on a focalisé que sur la solution technologique qui existe. Si par exemple, bien sûr qu'on aura toujours besoin d'une mobilité motorisée, très probablement qu'on en aura toujours besoin, mais si par exemple on devait remplacer le stock des voitures électriques en Europe par des voitures qui existent aujourd'hui en Europe par un stock de voitures électriques, il n'y aurait pas suffisamment de ressources dans le monde pour construire nos voitures électriques. Et ça, c'est parce qu'on réfléchit à partir de la solution technologique qui existe, on essaye de l'améliorer parce qu'on est dans une logique d'efficacité. Et la logique d'efficacité, c'est une logique qui correspond très bien à des esprits d'ingénieurs et aux économistes. C'est ça qu'on comprend.
- Speaker #1
Comment, d'après vous, c'est un peu mon ressenti par rapport à ce propos, comment sort-on de cette logique un peu extractiviste, un peu de ce que vous, aujourd'hui, vous exprimez dans les différentes interventions, cette illusion de la... la croissance verte aujourd'hui, comment aujourd'hui vous la comptez, comment vous l'argumentez et comment fait-on aujourd'hui pour utiliser ce levier de la sobriété pour justement peut-être éviter de continuer à travailler sur un point qui est la quantification et non pas la qualité de la croissance. qu'est-ce qu'aujourd'hui ce besoin en fin de compte de la croissance verte, qui va demander potentiellement encore un extractivisme monstrueux, peut justement répondre et contrer ces enjeux d'optimisation des flux, d'augmentation des flux. Peut-être aussi encore de penser que le technosolutionnisme est encore une solution qui est aujourd'hui mise en avant dans le cadre de nos enjeux. de transition. Comment aujourd'hui vous voyez la chose ?
- Speaker #2
Alors je pense que j'essaie d'être positive par rapport à la crise climatique et je me dis qu'en fait on ne peut pas tricher avec la nature. Jusqu'à présent on a réussi à s'en sortir parce que c'était entre humains seulement. Donc on a dominé les autres, on a imposé au reste du monde notre modèle, etc. On est allé extraire les ressources ailleurs. Sauf que là, c'est un peu... c'est un peu comme quand le corps humain a de la fièvre, vous êtes obligé de vous reposer. Vous ne pouvez pas aller au-delà de ce que le corps humain peut faire. Et donc la nature, c'est un peu la même chose. Et ce qui se passe aujourd'hui, c'est que, si je prends l'exemple de la crise climatique, mais ça doit être certainement la même chose pour la question de la biodiversité, mais que je ne maîtrise pas, donc je ne vais pas en parler. Donc la question de la crise climatique, c'est quoi ? La crise climatique, elle est due à l'augmentation de la température sur Terre. Pourquoi ? Parce que les gaz à effet de serre, les gaz que l'on émet, ne peuvent plus sortir. Il y a un effet, ils ne peuvent pas. Et les puits existants, les puits naturels, comme l'océan, les forêts, etc., ne peuvent plus, jouent de moins en moins le rôle de puits de carbone naturel. Pourquoi ? Parce qu'il y a une limite à ce qu'on peut émettre sur la planète Terre. C'est pour ça que dans la définition de la sobriété, j'ai mis les limites planétaires. Et donc... L'une des limites, justement, pour la question du changement climatique, c'est par exemple le budget carbone qui nous reste. Le budget carbone, pour comprendre ce que c'est, c'est comme un gâteau. Et puis, on a déjà bouffé un peu plus des trois quarts. Il reste à peu près un quart jusqu'à la fin. À peu près un quart qu'on doit se partager entre tous. Ce quart-là, on ne peut pas décider qu'on va mettre des frontières européennes et on va le prendre au niveau européen ou au niveau des pays de l'OCDE et les autres n'auront rien du tout. Ça, on ne peut pas parce que c'est l'atmosphère. On ne peut pas contrôler ça. Et donc, on se retrouve dans une situation où on est pour la première fois dos au mur. C'est la première fois que ça se produit, que pour la première fois, la solution, elle doit être pour tout le monde ou alors pour personne. En fait, on a le choix entre soit on réfléchit, enfin, on se met à réfléchir comme étant ceux qui disent que la planète Terre, c'est un village, comme étant un petit groupe, quoi, parce que lorsqu'on regarde l'ensemble de la galaxie, c'est rien du tout la Terre. Et à ce moment-là, on se donne une chance de nous en sortir. Soit on continue dans le modèle actuel et on va parler de croissance verte, etc. Et à ce moment-là, c'est la fin pour tout le monde. Donc, pardon, je finis juste sur la question carbone. Donc, suite à la... Comment on va fêter les 10 ans de l'accord de Paris ? Quand l'accord de Paris sur le climat a été adopté en 2015, l'un des aspects positifs de l'accord de Paris, c'est que pour la première fois, on voit apparaître dans l'accord de Paris l'objectif d'être de pencher vers le 1,5, d'être en dessous de 2 degrés, ça, ça y était avant, mais avec l'objectif d'être autour du 1,5. Le 1,5, ce n'est pas un objectif politique. Le 1,5, c'est une contrainte physique de la planète. Ça se traduit par une contrainte physique de la planète. Et donc, ce que les pays ont fait, en particulier les pays de l'ECDE, mais après, certains émergents ont fait ça aussi, les émergents et quelques autres pays, c'est que la traduction de l'objectif du 1,5 dans la politique publique, dans les politiques publiques, c'est la fameuse neutralité carbone. La différence entre les deux, quand on parle de neutralité climatique, ça veut dire qu'on prend tous les gaz à effet de serre. C'est le cas de l'Union européenne. Et la neutralité climatique, comment est-ce qu'on l'a décidée pour 2050 ? On l'a décidée en ignorant le budget carbone qui reste. Donc on est parti, on a continué à faire comme avant, comme on avait appris avant. Donc on part de nos projections, de nos émissions actuelles. On fait des projections pour le futur pour qu'elles baissent et qu'on arrive en 2050 à zéro. Ou alors en négatif. D'ailleurs, c'est en négatif dans l'Union européenne. Et en fait, on a ignoré tout le passé. On a ignoré notre passé, mais surtout, on a ignoré qu'en fait, il n'y a pas de budget carbone pour ça. Il n'y a pas. En fait, c'est comme si vous décidiez de manger, si je reviens, le budget carbone, c'est un gâteau. Il ne reste plus qu'un quart. Mais nous, ce qu'on a fait, on a décidé de manger trois quarts. Alors qu'il ne reste qu'un quart. Ce n'est pas possible. Si on prenait en compte... le budget carbone et puis qu'on doit se partager de façon équitable, c'est quand même le minimum, c'est de penser qu'on doit se partager de façon équitable, juste soyons égoïstes vis-à-vis de nos enfants. À ce moment-là, l'Union européenne devrait être neutre en carbone autour de 2030.
- Speaker #1
Et c'est justement, je rebondis sur ce résiduel des gaz à effet de serre qui a peut-être été un oubli ou peut-être... un impensé de l'ensemble de ces acteurs. On se retrouve aujourd'hui avec des solutions, encore du technosolutionnisme, qui vont être ce qu'on appelle les activités de CCS, de capture carbon storage, de compensation carbone, de géo-ingénierie.
- Speaker #0
Quelles sont, selon vous, les fausses solutions les plus obimatiques ? Puisqu'aujourd'hui, on tend vers une accélération d'utilisation de ces outils-là parce qu'on est peut-être pris de vitesse. Qu'en pensez-vous et qu'est-ce que vous pouvez nous dire sur ce sujet ?
- Speaker #1
Le CCS, le captage et le stockage du carbone, c'est la plus grosse arnaque vis-à-vis de nos enfants qu'on ait pu penser. Ça a commencé dans les années 80, il me semble, ou un petit peu plus tard, où l'industrie... pétrolière dit que on a une solution pour les émissions, on va capter et stocker dans les sols. Mais en fait, ça n'a jamais marché à l'échelle. Jusqu'à présent, il y a eu beaucoup, beaucoup d'argent public. Et là, par exemple, dans le cadre de la neutralité carbone européenne, parce que la neutralité carbone, d'ailleurs, il faut quand même comprendre que quand ils ont inventé le mot neutralité, normalement, on doit viser le zéro émission. Eux, c'est pas le zéro émission qu'ils visent. Ils visent d'être neutres. Et d'être neutres, comment ? Ça veut dire qu'il va nous rester des émissions et on va prendre ces émissions-là et les enterrer. Sans avoir les technologies, mais bon, on a toujours été inventif et donc on va inventer les technologies pour faire fonctionner ce bazar-là. Dans le cadre de la mise en œuvre de la neutralité carbone européenne, les projets d'intérêt commun, c'est plus de 500 millions d'euros entre maintenant et 2050 d'argent public qui va aller. D'ailleurs, cette arnaque, vous savez ce que ça veut dire, l'histoire du budget carbone ? Quand je vous dis que normalement, on devrait être neutre en carbone autour de 2030 et que nous, on a un objectif de 2050, ça veut dire que nos enfants, on ne donne aucune chance à nos enfants de grandir et de vieillir sur Terre. mais même soyons juste des égoïstes pour nous, nous normalement on est censé être là autour de 2050 pour retraiter mais on est censé être là Eh bien, ça ne sera pas le cas en fait. Et on va partir de la planète Terre dans de très très mauvaises conditions. Les actifs d'aujourd'hui vont partir de la planète Terre dans de très mauvaises conditions avec cette histoire de neutralité carbone et du CCS. Et les enfants qui sont en train de naître là en ce moment, au moment où on parle, c'est des enfants qui n'ont aucune chance de pouvoir vivre sur la planète Terre, de passer peut-être même qu'ils n'arriveront même pas au collège ces enfants-là. Parce que ce qu'on fait entre temps, c'est que plus on a d'émissions de gaz à effet de serre, le changement climatique n'est pas dû uniquement aux émissions d'aujourd'hui, il est dû à l'accumulation des émissions depuis le début de l'ère industrielle. Et plus nous avons d'émissions, plus la température augmente, plus on détruit les écosystèmes, parce que quand la température augmente, les écosystèmes sur un panneau de terre qui nous permettent de vivre, on est en train de les détruire, et moins il y aura de chances pour que nos enfants puissent vivre sur terre. Moi aujourd'hui, ce que je dis tout le temps, ce que je dis souvent, c'est que je pose souvent la question quand j'interviens dans des conférences, est-ce que vous voulez être des ancêtres ? Alors qu'on est ou pas des enfants, en fait on ne peut pas s'imaginer ne pas être des ancêtres, ne pas transmettre. Et là en général c'est le silence, parce que tout le monde... On a grandi. Normalement, on est des ancêtres. L'histoire...
- Speaker #0
La construction culturelle fait que naturellement, la transmission des savoirs se fait...
- Speaker #1
...ou pas des enfants. Et après, quand j'explique mon fils qui est né en 2020, il a pratiquement aucune chance d'atteindre l'âge de sa grand-mère qui approche les 80 ans. et lorsque vous savez ça et ça s'applique à tous les autres enfants Et après, j'explique, bon, pour ceux qui sont super égoïstes, qui s'en foutent des enfants, là, vous, si vous faites partie des actifs, vous partirez de la planète Terre très, très tôt par rapport à nos parents et dans de très mauvaises conditions. Parce qu'il ne suffit pas de partir de la planète Terre. Ce n'est pas juste le fait de partir, c'est dans quelles conditions à partir de la planète Terre. Moi, je pense que ça, si tout le monde pouvait comprendre ça, c'est une claque quand vous voyez ça. Eh bien, je garde espoir que ça, ça va nous réveiller.
- Speaker #0
Oui. C'est plus un projet sociétal que vous nous proposez là, qu'une vraie stratégie climatique.
- Speaker #1
Non, en fait, la question climat aussi, parce que la question climat finalement, elle s'est traduite en question de décarbonation. Et la décarbonation, ça va très bien avec cette histoire de flux d'énergie, etc. Vous savez, tous ces fameux scénarios mondiaux, même ceux du GIEC, il n'y a pas de matière dedans. Il n'y a que l'énergie, il n'y a que les flux d'énergie.
- Speaker #0
Et comment pourrions-nous peut-être distinguer cette sobriété un peu authentique que vous proposez ? Et sur lequel vous travaillez ? A cette forme de verdissage qui est en train de se mettre en place, enfin qui est déjà à mettre en place et qui prend une place de plus en plus importante dans le cadre de nos économies actuelles et dans ces stratégies de pseudo-compensation comme vous le citez.
- Speaker #1
Alors effectivement, la sobriété en sociologie, ce qu'on retrouve en sociologie des organisations, la sobriété, elle est décrite comme étant un principe d'organisation de la société. Et c'est pour ça que quand certains me disent oui mais c'est la dictature la sobriété etc. Ben non, elle ne pourra advenir. que dans les sociétés démocratiques, parce que c'est un principe d'organisation de la société, donc il doit être discuté avec les citoyens. Et moi, je suis arrivée à la conclusion qu'en vérité, la sobriété, c'est une réappropriation de notre citoyenneté. Pourquoi ? Parce qu'en économie, ce qui s'est passé à partir de la crise de 1929, l'école, ce qu'on appelle l'école de Chicago, qui était sous l'influence de l'école autrichienne de l'époque.
- Speaker #0
Edmund et autres, théoriquement.
- Speaker #1
Et donc, cette école-là, en fait, ce qu'elle a fait, c'est qu'elle a gommé, elle a développé, elle est basée sur le fait de gommer le citoyen et de le remplacer par le consommateur et le consommateur souverain. Et aujourd'hui, il y a une grande confusion entre le consommateur souverain et... le citoyen n'existe plus. Le seul moment où on est vraiment citoyen, c'est le moment où on va mettre un butin dans l'urne. Un peu, quoi. Entre guillemets. C'est le seul moment. Le reste du temps, toute votre vie, vous réfléchissez, vous n'êtes qu'un consommateur. Autrefois, nous étions des usagers de la RATP. Aujourd'hui, nous sommes des clients de la RATP. C'est pas la même chose. Parce que quand on est usager, donc c'est de la citoyenneté, on le discute et on décide ensemble de nos droits et devoirs. Quand on est client, c'est la carte bancaire qui décide. Et c'est pour ça qu'on a accepté l'école néoclassique, le libéralisme et le néolibéralisme viennent de là. Et donc, ils ont transformé notre conception du vivre ensemble. Ça n'existe plus d'ailleurs, le vivre ensemble, en vérité. Et c'est uniquement si on revient, et on doit revenir au vivre ensemble, qu'on pourra discuter de la sobriété et dans quel monde voulons-nous vivre. Est-ce qu'on veut vivre dans un monde où on va voir les trottoirs de Paris, des morts janchées sur les trottoirs de Paris ? Est-ce que c'est ça ? Est-ce que c'est là-dedans qu'on veut vivre ? Aujourd'hui, les politiques actuelles, avec les technosolutionnistes, c'est là qu'ils vont nous amener. Mais vous voyez, il y a déjà beaucoup de choses qu'on accepte. Lorsque vous voyez, sous le périphérique ou dans certains quartiers de Paris, vous voyez des personnes qui habitent sous une tente, c'est quand même... Et on ne réagit pas. Est-ce que vous réagissez ? Bye ! Parce qu'il n'y a plus de moyens pour les citoyens pour réagir. Et on est pris dans notre quotidien, qui est un quotidien de consommateur, et qui n'est pas du tout un quotidien de citoyen. Et le fait qu'ils ont réussi à détacher les deux, ils ont réussi à imposer partout dans le monde ce modèle-là, eh bien, ça fait que, momentanément, ça marche. Sauf que, là, il y a la nature qui vient nous dire, ah ben non, ça, ça ne peut pas marcher.
- Speaker #0
Oui, on voit qu'il y a une sorte de rapport de force économique qui est assez prégnant actuellement. Vous militez pour différentes actions. Est-ce que vous pouvez à peu près nous les présenter ? Quelles sont pour vous les actions que vous proposez ? de sortir de ce verdissage, en fin de compte, de notre économie verte. Est-ce que vous pouvez à peu près nous présenter les actions que vous proposez dans les différentes étapes, les différents leviers clés qui vous semblent essentiels pour commencer à tendre vers cette véritable authenticité de sobriété ?
- Speaker #1
Alors, ce qui m'avait choqué à l'époque, quand je travaillais pour le rapport du GIEC, c'était de trouver qu'il n'y avait pas de définition sur la question de la sobriété. Elle est décrite différemment dans les différentes disciplines. Donc j'ai dû travailler la définition que j'ai réussi à introduire dans le rapport du GIEC. Et puis, à partir de ce moment-là, j'ai pensé qu'il faudrait faire remonter ce qu'il y a sur la sobriété dans la science et former autant d'ambassadeurs possibles de la sobriété. Et c'est pour ça que j'ai monté avec des collègues le Laboratoire mondial des sobriétés, qui a trois objectifs. formés Donc, vous pouvez poser, on va avoir bientôt, demain, on a une journée de démonstration, une soirée de démonstration grâce à Data for Good, qui nous développe un outil qui permettra de poser les questions sur la sobriété, qui va vous répondre, ce qui n'était pas le cas avant, parce que comme c'est interdisciplinaire, on n'utilise même pas le même mot partout. Ensuite, former les gens. Donc, normalement, toute personne curieuse devrait avoir une réponse. Former les gens et puis s'organiser. Donc, on lance la... communauté, ce que j'appelle Sufficiency First Coalition. Et là, ce qu'on va faire, en plus du laboratoire international, on va avoir des laboratoires nationaux. On a déjà le laboratoire suisse, c'est le plus avancé. Parce qu'en fait, la sobriété, il faut compter, contextualiser, il faut en discuter. C'est une question de démocratie. Ça ne va pas s'imposer par le haut. Et ça, les démocraties sont différentes, le fonctionnement des sociétés sont différents. Et le... Et notre objectif, en tout cas mon objectif à travers le laboratoire de sobriété, c'est de former autant d'ambassadeurs possibles de la sobriété dans le monde, partout, à tous les échelons. Et c'est pour ça qu'on rend tous ces outils-là disponibles, qu'on développe des outils. Moi, c'est sur ça que je travaille depuis deux ans, pour développer des outils qui feront que les citoyens vont s'approprier le concept et puis après, chacun va le mettre à sa sauce. et je pense que l'accélération de la crise crise écologique, et je crois qu'il vaut mieux parler de crise écologique que de crise climatique. C'est très très restreint quand on parle de la crise climatique. On se retrouve dans le carbone et on se retrouve dans les solutions que vous avez citées. La crise écologique, c'est plus large et lorsque, comme elle ne fera que s'accentuer cette crise-là, et pour la première fois, les cols blancs aussi seront touchés par cette crise parce que c'est aussi ça le pouvoir. Parce que jusqu'à présent, ceux qui étaient touchés par la crise, c'était les pays du Sud et même dans les pays du Sud, c'est les plus pauvres dans les pays du Sud. Mais maintenant, commence à être touché malheureusement chez nous et ça va s'accentuer et donc il faut il faut qu'on se prépare pour qu'on s'organise donc il faut former informé former s'organiser pour justement reprendre le pouvoir parce qu'en vérité le pouvoir c'est nous c'est les citoyens qui font le pouvoir aujourd'hui le système est organisé de façon à ce que nous n'ayons aucun pouvoir c'est le système financier international qui décide de tout et on le voit avec ce qui se passe en ce moment
- Speaker #0
Oui, c'est une forme d'anneau. Vous me direz si je me trompe, c'est une sorte d'ingénierie planifiée à la réduction, avec des propositions de politiques coordonnées dans le cadre de la définition que vous avez donnée de la sobriété, une sorte d'engagement et de militantisme, comme vous aviez pu aussi, vous aviez été, je pense, très actif aussi sur la sortie du TCE, du traité sur la charte de l'énergie. Vous le remarquez tout comme moi, notre environnement est un peu chahuté, un peu perturbé, dans un monde un peu malmené géopolitiquement. L'ensemble de ces propositions aujourd'hui demandent et engagent une rénovation du multilatéralisme au niveau des modèles de gouvernance, au niveau des différents états, une coopération internationale renforcée. renforcée. C'est ce que vous essayez de faire avec l'ensemble des laboratoires. avec lesquels vous travaillez, la formation des futurs ambassadeurs. Mais vous le constatez, c'est mon ressenti, que le contexte international est de plus en plus fragmenté, voire même instable, miné par des rapports de forces économiques, voire même militaires, lorsque la capacité réelle des États à coopérer dans un épris de justice planétaire est aujourd'hui... Plus qu'incertaines, à quelles conditions politiques et géopolitiques, les propositions qui sont faites par vous-même et le laboratoire que vous avez créé, pourraient-elles vraiment s'appliquer ? Parce que, et si, je pose la question, et si ces conditions ne sont pas réunies, que reste-t-il de tout cela ?
- Speaker #1
Alors, la sobriété, de mon point de vue, en fait, c'est un outil de géopolitique qui permet de répondre à la crise géopolitique que nous vivons aujourd'hui. Si je prends l'Union européenne, on a un rapport qui va sortir bientôt. Donc l'Union européenne, elle est obligée de faire plein de tractations à droite à gauche parce qu'elle est très dépendante en ressources. Par exemple, quand il y a eu la guerre en Ukraine, ce qu'on a fait, on n'a pas du tout réduit vraiment notre demande en gaz. Il y a eu de la précarité énergétique, il y a eu une augmentation de la précarité énergétique. Et puis on est passé du gaz russe au gaz de schiste américain. Oui,
- Speaker #0
au GNL américain.
- Speaker #1
Voilà, qui est une horreur. Et donc on fait ça parce que nous sommes très dépendants et parce qu'on pense que les flux, parce qu'on réfléchit que les flux, en fait. Et en vérité, lorsqu'on regarde dans le détail, on a regardé sur la base des scénarios de la Commission européenne pour l'intraité carbone, si on intégrait juste un peu de sobriété, ce n'est pas la métamorphose à laquelle j'appelle, juste un peu de sobriété, on réduirait nos besoins d'investissement dans ce qu'on appelle la transition de plus de 200 milliards par an jusqu'à 2050, pardon, et en plus, on réduirait notre dépendance notre dépendance aux ressources qui viendraient derrière, parce qu'on n'aurait plus besoin de ces ressources-là. Il faut garder en tête que nous sommes dans une situation de surdimensionnement, dans le cas des pays de l'OCDE. Et donc, on aurait besoin de moins de ressources. Et du coup, on aurait besoin de faire moins de tractations, parce qu'on serait plus libre, on serait enfin libre, en fait. Parce que ce que le néolibéralisme a fait, néolibéralisme, lorsqu'on regarde les textes fondateurs, ça vient de l'idée qu'il faut de la concurrence, donc il faut multiplier les acteurs pour avoir de la concurrence, etc. Mais dans la pratique, combien d'acteurs avez-vous pour l'information en ligne ? C'est des gars femmes. Il n'y a pas de concurrence. Combien d'acteurs vous avez pour la voiture électrique ? Il n'y a pas de concurrence. Combien d'acteurs vous avez pour le bâtiment ? Il n'y a pas de concurrence. Vous avez deux, trois Ausha. Ce n'est pas de la concurrence, là. Et l'autre argument du néolibéralisme, c'est que ça, ça rend... Parce qu'avec cette concurrence-là, le consommateur, on revient au concept de consommateur, devient libre. Est-ce que vous êtes libre, vous, d'aller d'un point A à un point B ? C'est vous qui décidez vraiment de comment vous allez d'un point A à un point B ? Ben non. Ce n'est pas vous qui décidez, ce sont les moyens qui existent, les infrastructures qui existent là où vous êtes, qui vont décider de quel type, de comment vous allez vous rendre d'un point A à un point B. Donc en fait, on a perdu en liberté. C'est pour ça que je dis qu'il faut retourner vers la citoyenneté, il faut qu'on se réapproprie notre citoyenneté. Donc moi, je pense que l'Union européenne, parce qu'elle est très dépendante, parce que d'abord, c'est une entité politique organisée avec plein de défauts, plein de dysfonctionnements dans l'Union européenne. mais on est quand même une entité. politique organisée, qui est riche, qui fait partie des plus riches. Et c'est des démocraties. Donc on peut débattre, même s'il y a plein de nos démocraties sans malades, mais ça reste des démocraties lorsqu'on compare au reste du monde. Et nous avons beaucoup de faiblesses. Et l'une de nos plus grandes faiblesses, c'est notre dépendance aux ressources naturelles que nous n'avons pas, que ce soit pour la vie aujourd'hui ou dans le cadre de la transition. Et parce qu'on réunit tous ces éléments-là, je pense que l'Union européenne... et le territoire où on pourrait avoir pour la première fois un shift vers des politiques de sobriété. Une métamorphose, mais cette métamorphose-là, elle passera, elle doit passer, sinon elle ne se fera pas, par la métamorphose de comment est-ce qu'on fait la politique. Aujourd'hui, la façon dont on fait la politique en Europe, c'est uniquement, on fait de la politique, nous, citoyens, uniquement le jour du vote. Le reste du temps, en vérité, tout ce qu'on fait, et pourtant tout ce qu'on fait dans la vie de tous les jours, c'est de la politique. Votre association, c'est de la politique. C'est une façon de faire de la politique. Faire de la politique, ça ne veut pas juste dire être élu ou être ministre. Faire de la politique, c'est participer à la vie de la cité. La démocratie, c'est ça. Et donc, tous les jours, on participe tous à la vie de la cité. Sauf que cette participation aujourd'hui, elle est sous un contrôle qu'il faudra casser. Il faut qu'on casse ce contrôle-là. Et l'Union européenne, pourquoi aussi c'est un territoire intéressant ? Parce qu'on est nombreux. En fait, c'est parce qu'il faut le nombre. Moi, je me souviens... Quand le maire de Paris, Delannoy, à l'époque, avait lancé le Vélib, et l'une des raisons du succès du Vélib, parce qu'après j'étais à Washington, j'ai organisé une visite à partir de Washington vers Paris, l'une des raisons du succès du Vélib, c'est qu'il y avait un nombre suffisant. Quand vous lancez le truc, le nombre est important. Et l'Union européenne, nous sommes nombreux. En fait, nous sommes nombreux, mais il faut qu'on se mette en marche en tant que citoyen pour casser ce qui existe. Vous avez fait référence au traité sur la charte de l'énergie. Quand j'avais commencé à travailler dessus en 2018, je me souviens que tout le monde me disait, d'ailleurs je me souviens en particulier de quelqu'un qui est aujourd'hui eurodéputé, qui m'avait dit à l'époque, mais c'est complètement foutu en idée, on n'est jamais sorti d'un traité multilatéral, on n'en sortira jamais. L'Union européenne, on est sorti. C'était la mobilisation des citoyens qui a fait ça. Donc ça n'a pas, si je devais le refaire, je ferais les choses autrement. Mais ça aboutit en fait. Il faut croire. en ce qu'on fait. Et moi, je crois dur comme fer que la vie sur Terre, c'est le plus beau cadeau que l'humanité a eu. Et ça, c'est un combat qui me motive. Je ne suis pas la seule à être motivée par ce combat-là. Nous sommes nombreux. Il faut trouver. Ce que je n'arrive pas encore à trouver, c'est... Je n'ai pas trouvé ça dans la littérature scientifique, mais peut-être que ça existe dans la littérature non scientifique. C'est comment fédérer tous ces mouvements-là qui existent, toutes ces petites initiatives à droite, à gauche. les fédérer pour en faire une qui changerait l'Union européenne.
- Speaker #0
C'est un peu une forme de planification et d'action immédiate que vous proposez. Qu'est-ce qu'on fait de nos infrastructures fossiles existantes, par exemple ? Comment on redirige concrètement les investissements publics et privés ? Quelles sont les secteurs prioritaires qui nous permettraient de pouvoir planifier cette sobriété en changeant l'offre plutôt qu'en cuppusant la demande, d'après vous ?
- Speaker #1
Il faut s'attaquer à tous les secteurs en même temps. C'est pour ça que ça passe par un débat démocratique. Et aujourd'hui, ce qui gêne, mais qui pourrait peut-être être une solution, ce qui se passe en ce moment avec Donald Trump aux États-Unis, il est en train de démanteler le système mondial tel qu'on l'a connu, nous, depuis la Seconde Guerre. Ça pourrait être positif. C'est pour ça que l'Union européenne a une carte très importante à jouer, à condition que les citoyens de l'Union mettent suffisamment la pression sur les dirigeants de l'Union pour que... Cette fois-ci, ils aillent dans la bonne direction. Et la première chose à faire, c'est par exemple, moi, quand j'entends parler de la crypto-monnaie, quand j'entends parler de certains trucs complètement stratosphériques, voyage, le tourisme dans l'espace, par exemple, il faudrait rediriger. On a les moyens dans l'Union de diriger nos investissements, de décider d'où est-ce qu'on met notre argent. On a cette possibilité-là. Mais on ne le fait pas pour le moment. On ne le fait pas parce que la pression citoyenne n'est pas suffisamment forte. C'est ça qu'il faut comprendre. Dans les démocraties, on a un pouvoir en tant que citoyen. Mais on ne se saisit pas de notre pouvoir parce que nous sommes enfermés dans le monde consumériste. Nous sommes tous, si vous regardez dans votre journée, si vous notez pendant une semaine ce que vous avez fait tous les jours, vous allez voir que vous aurez fait... en moins 90% de vos actions sont des actions de consumérisme. Et si vous avez 10% seulement, il faudra faire l'inverse, en fait. Et vous allez avoir autour des 10% ou un pourcentage très faible d'actions citoyennes, qui vont dans le sens de cette citoyenneté. Et il faudrait que tout le monde, qu'on fasse tous l'inverse. Parce que consommer, c'est accessoire.
- Speaker #0
Et pourtant... Oui. Les comportements, est-ce que nos comportements sont-ils vraiment libres sans alternatives structurelles ?
- Speaker #1
L'alternative structurelle, c'est nous qui allons la créer. Les comportements, la sobriété ne porte pas sur le comportement des individus. La sobriété en sciences sociales, c'est décrit, c'est les pratiques du quotidien. Les pratiques, c'est un peu ce que Bourdieu avait décrit. Les pratiques, nos pratiques à nous, nos pratiques par exemple de déplacement, si je reste dans l'exemple du déplacement, à Paris, avant d'avoir le Vélib, Avant d'avoir les pistes cyclables et le Vélib, les Parisiens n'utilisaient pas le vélo. Aujourd'hui, à 19h sur les grands boulevards parisiens où on a des pistes de vélo sécurisées, il faut faire la queue pour passer. Et donc ça, ce sont les infrastructures. Ces infrastructures-là, elles sont arrivées comment ? Elles sont arrivées par le politique. Elles sont arrivées comment ? Parce qu'il y a eu un changement de majorité. Et donc elles sont arrivées comment ? Par le citoyen. pas le citoyen, il ne faut pas le comportement, les gens qui parlent du comportement des individus, ce sont, en particulier quand c'est des politiques, ce sont des gens qui mettent la charge mentale sur des personnes, sur des individus qui sont enfermés dans des infrastructures qui sont déjà là. Vous ne pouvez rien faire en tant qu'individu si vous n'avez pas les infrastructures qu'il vous faut. Mais pour avoir les infrastructures, vous, individus, ce que vous pouvez faire, c'est d'aller voter et de bien voter. Il ne faut surtout pas se tromper quand on va voter. C'est ça le truc.
- Speaker #0
Beaucoup d'impermanence et d'incertitude sur le système remontant que vous écrivez.
- Speaker #1
Et donc, du coup, par exemple, là, en France et dans les pays de l'Union européenne, les politiques environnementales, ce sont des politiques européennes. Elles ne sont pas nationales. On se met d'accord au niveau de l'Union, puis après, on transpose au niveau national. Et qu'est-ce qu'on a fait ? Donc, la précédente mandature européenne, on avait tous les pays de l'Union. En fait, il y avait pour la première fois beaucoup d'élus. qui était plutôt pour une transition sans greenwashing. Cette fois-ci, on a raté. On a raté l'élection européenne. Nous sommes passés à côté. C'est l'élection la plus importante pour la continuité de la vie sur Terre pour nous. On l'a raté. La deuxième élection importante, c'est l'élection municipale qui va arriver. Pourquoi ? Parce qu'en fait, les politiques se décident au niveau de l'Union, transposées au niveau national, et puis après, elles sont mises en œuvre au niveau local. Donc, si vous avez des politiques au niveau local, Si, par exemple... Vous avez des politiques qui ne s'intéressent pas à la question de l'équité et de la justice sociale, et bien ça va augmenter les inégalités. Donc si on rate les élections municipales, et on a déjà raté les élections européennes, l'échelon national ne pourra pas faire grand-chose. Et donc du coup, il faut vraiment former, reformer, rappeler aux citoyens qu'ils ont un pouvoir, et que le pouvoir du citoyen dans une démocratie, ça passe par le vote. C'est vraiment un cadeau. Mais incroyable, mais on ne se rend pas compte. Dans les démocraties, moi et mes générations, elles ne se rendent pas compte de ce que ça signifie de vivre dans une démocratie. Le pouvoir que l'on a. Mais ce n'est pas un pouvoir d'un individu, c'est un pouvoir de l'ensemble. Et donc il faut aller mobiliser, il faut aller toquer à toutes les portes, réveiller les citoyens.
- Speaker #0
Dans cette forme de planification un peu démocratique que vous décrivez, c'est pour vous peut-être un retour à l'état stratège dans cette planification ? en cours.
- Speaker #1
Mais un État stratège qui prend en compte les limites planétaires, parce que l'État stratège tel qu'on l'a connu, c'est un État extractiviste.
- Speaker #0
Celui qu'il considère comme has-been.
- Speaker #1
Voilà. Et donc, c'est un État extractiviste. Mais la nouveauté, qui est en même temps un défi pour le politique d'aujourd'hui, c'est justement l'obligation morale, intellectuelle, que nous avons tous de prendre en compte la question des limites planétaires. Oui.
- Speaker #0
Donc c'est aussi cette démarche de remettre un peu la puissance publique au centre de la transition. Mais par rapport à la mise en place de ces mécaniques, de ces politiques de rupture que vous présentez, comment on peut éviter peut-être que cette sobriété acceptée ou voulue, choisie ou telle que vous l'avez décrite ou subie, ne soit pas, soit mal perçue ou soit considérée ou perçue comme punitive par ces formes de classes que l'on considère aujourd'hui qu'on classifie comme populaires ? Alors. Est-ce que ces risques-là sont pris en compte dans vos interrogations, dans vos recherches ?
- Speaker #1
La sobriété, en philosophie, c'est une théorie de justice distributive. Est-ce que vous pouvez imaginer des personnes qui habitent dans les quartiers populaires ou des personnes qui subissent l'injustice être contre la justice ? Ben non. Celles qui sont contre la justice, ce sont celles qui imposent l'injustice, en fait, directement ou indirectement. Donc c'est pour ça qu'on a le laboratoire des sobriétés pour former. à ce qu'est la sobriété. C'est pour ça qu'aujourd'hui, je dis que la sobriété est arrivée chez nous par la plus mauvaise porte possible. La sobriété, ce n'est pas la précarité. Si on avait eu des politiques de sobriété, on n'aurait pas eu de la précarité, qu'elle soit énergétique, alimentaire ou quoi que ce soit. On a de la précarité parce qu'on n'a pas eu ça, parce qu'on a oublié la justice, on a oublié qu'on vivait ensemble, en fait. Et donc, les premiers bénéficiaires, les premiers bénéficiaires de la sobriété, ce sont les personnes vulnérables, quel que soit le type de vulnérabilité. D'accord ? Et donc, du coup, ils ne peuvent pas être contre. Ceux qui seraient contre, ceux qui sont contre la sobriété, c'est les 1% les plus riches. Mais en gros, on s'en fout des 1% les plus riches. Il faut juste qu'on reprenne le pouvoir.
- Speaker #0
Oui, c'est peut-être l'une des problématiques majeures que vous allez rencontrer, que nous allons tous rencontrer. C'est sur la définition du mot, le lexique, en fin de compte, que représente la sobriété. Je l'évoque, qui pourrait se substituer aux termes habituels que désignent, pour une certaine partie des classes, de la pauvreté, la baisse d'un certain pouvoir d'achat. Et comment pourrions-nous éviter que ce langage de la sobriété remplace ou masque des réalités de pauvreté ou de précarité vécues déjà par une partie de plus en plus croissante de la population ? Est-ce que ce sont des choses que vous avez déjà ?
- Speaker #1
La sobriété, c'est quoi ? C'est une question de justice, donc d'équité, dans l'accès aux services essentiels pour tous. Si on avait eu des politiques de sobriété, on n'aurait pas eu des sans-logement, on n'aurait pas eu de précarité énergétique, des enfants qui vont à l'école sans le ventre vide, etc. C'est ça qu'il faut expliquer. La sobriété, ce n'est pas ce que les politiques nous ont expliqué jusqu'à présent, qui est de mettre un col roulé.
- Speaker #0
Vous voyez ? Et donc, ce qui s'est passé pendant...
- Speaker #1
Je me souviens de cette référence.
- Speaker #0
Donc, du coup, votre podcast va servir à ça. Pourquoi j'accepte d'aller faire des interviews, etc. ? C'est justement pour expliquer qu'on nous a trompés quand on nous a expliqué la sobriété. En fait, on a utilisé, comme toujours, ils utilisent, ils prennent un mot qui sonne bien et ils l'ont corrompu intellectuellement. Et donc, il faut sortir, il faut dénoncer cette corruption intellectuelle du terme sobriété. expliquer ce que c'est et puis donner des exemples de politiques. Si on avait eu des politiques de sobriété, on n'aurait pas de crise de logement parce qu'en vérité, on n'a pas de crise de mètre carré. On a les mètres carrés.
- Speaker #1
On a suffisamment. Mètre carré latent, disponible.
- Speaker #0
La crise, elle est où ? La crise, elle est dans la transformation et la mise de ces mètres carrés-là pour en faire du logement en fonction des besoins des gens et la mise à disposition de ces logements-là pour tout le monde. La crise, elle est là. Ce n'est pas la sobriété qui a fait ça. Ce sont les politiques néolibérales qui ont fait ça. Donc, si vous voulez, les ennemis de la sobriété, ce sont les néolibéraux et qui prennent pour certains le terme et ils le corrompent. Et il faut sortir de cette corruption intellectuelle des termes et il faut sortir aussi de l'association de termes que les gens n'ont pas compris, parce que c'est après que j'ai réalisé que les gens n'avaient pas compris ce qu'était la sobriété, avec les politiques actuelles. qui sont une horreur.
- Speaker #1
C'est tout notre questionnement. On s'en rend bien compte avec cette force politique un peu réactionnaire. Si ce n'est pas le cas, qu'est-ce que l'on fait, madame Yamina, sur comment éviter que ces citoyens et ces citoyennes se sentent un peu exclus de ce débat écologique et qui tendent à favoriser ces politiques conservatistes et réactionnaires qui, aujourd'hui, créent le flou et peut-être le désordre dans ... Dans la tête un peu des gens.
- Speaker #0
Alors moi cet été, j'ai eu l'opportunité de rédiger une préface pour un rapport qui a été publié par une association de Gattap. L'association Gattap, ils sont allés faire des interviews, une étude dans les quartiers populaires pour savoir comment est-ce que les personnes percevaient l'écologie, etc. Les questions écologiques. Et contrairement à ce qu'on lit dans d'autres études, eux, ils montrent que, bien sûr, qu'ils s'intéressent à la question écologique. Parce que si la question écologique, c'est la justice sociale, elle concerne d'abord ceux qui sont en situation de précarité, qui subissent l'injustice. Si la question écologique, c'est l'accès à une nourriture de qualité. Vous pensez que dans les quartiers populaires, les parents qui donnent à leurs enfants de la nourriture avec plein de pesticides, c'est parce qu'ils en ont envie ? C'est parce qu'ils n'ont pas le choix. Et si la question écologique, et en particulier la question de la sobriété, elle ferait l'inverse. Et donc du coup, il faut aller, je pense qu'il faut aller dans chaque village, chaque tour, chaque bourg de France et d'Europe, pour aller parler. Et c'est pour ça qu'on a besoin des ambassadeurs de la sobriété, pour aller parler aux gens et leur parler avec leur langage. C'est ce que montre le rapport de Gattap. La façon dont on pose les questions est très très importante. Et du coup, les mots qui sont utilisés, c'est très important. ... Et il n'est pas normal, moi j'avais toujours trouvé pas logique quand je lis des études ou lorsqu'on m'interpelle et on me dit « Oui mais vous savez madame, dans les quartiers populaires, les gens n'en ont rien à cirer de l'écologie. » C'est pas possible, parce que l'écologie c'est quoi ? L'écologie c'est bien vivre sur Terre.
- Speaker #1
Bien sûr.
- Speaker #0
Les gens qui vivent mal, ils ont envie de bien vivre, ils n'ont envie que de ça. Ceux qui n'en ont rien à cirer, c'est les autres qui vivent de la destruction de la vie sur Terre. Il faut changer ça. Il faut nommer, il faut utiliser. Vous savez, quand j'ai travaillé sur le traité de la charte de l'énergie, à la fin, j'avais utilisé le mot écocide. À l'époque, en 2018-2019, le mot écocide n'était pas très répandu et surtout, les scientifiques ne l'utilisaient pas. Je me souviens d'une grande amie, une grande scientifique qui m'avait dit, tu sais, le mot n'est pas défini, personne n'en parle, ton truc va tomber à l'eau. Je dis, c'est pas grave. Moi, je l'utilise parce que c'est un écocide. Je considère que c'est un crime, ce truc-là. Je dis, c'est quoi un écocide ? Je vais expliquer comment je le comprends. Ça tue et ce truc-là tue. Et donc, j'ai utilisé le mot. Quatre ans plus tard, le mot est devenu très utilisé. Vous voyez ? Donc, il faut oser. Il faut oser. Et quand je dis ça, c'est très difficile. Moi, quand j'ai osé dénoncer le traité sur la charte de l'énergie, j'ai perdu mon job. Je me suis retrouvée dans une situation de précarité. Parce qu'il n'y a rien, il n'y a pas de système autour pour aider les gens qui osent. Mais il faut que nous soyons nombreux à oser. Et plus nous serons nombreux, plus nous ferons boule de neige. C'est ça qu'il faut créer.
- Speaker #1
Oui, il y a toute cette prise en compte des actions en territoire local, une auto-organisation de territoire, prendre en compte et je dirais aller interviewer aussi ces différentes bifurcations locales, alternatives décentralisées, parce qu'ils sont nécessaires potentiellement si l'État, si on fait compte, les politiques aujourd'hui échouent. Et c'est l'une des questions que je me pose, voilà, si dans la condition où la puissance publique resterait impuissante, si nous arrivions à infléchir en fin de compte les politiques publiques en place, qu'est-ce qui nous resterait comme voie de sobriété non subie si toutes les actions que nous essaierions de mettre en place échouent ?
- Speaker #0
Alors on serait dans une situation de sobriété subie si et seulement si on échoue en fait. Donc, nous n'avons pas intérêt à échouer parce que cette fois-ci, si on échoue, c'est la vie sur Terre qui va être mise en question. Et dans un premier temps, ce qu'ils vont faire, si on continue comme ça, ils vont d'abord faire un tri. Je ne sais pas comment ils vont faire leur tri, mais dans l'histoire, on a déjà fait des tris entre les humains. Donc, ils vont faire un tri, ils vont trouver le moyen de faire un tri. Et donc, notre intérêt, nous, en tant que citoyens, c'est d'éviter d'arriver là. Et la puissance publique, en vérité, c'est politique. La puissance publique, c'est notre vote qui donne la puissance publique ou qui réduit l'effet de la puissance publique. Lorsque vous analysez les politiques publiques en France ou dans l'Union européenne, en fonction des majorités qui se sont constituées, on est plutôt allé vers plus de justice sociale et de questions environnementales que l'inverse. Et ça, les majorités se constituent en fonction des votes. Encore une fois, nous avons un pouvoir qui est celui du vote. qu'on n'utilise pas. Et ce qu'il faudrait, c'est qu'on utilise le pouvoir que nous avons. Et vous allez voir, on va les faire infléchir, mais à une condition, ce n'est pas mon vote à moi, en tant que citoyen seul, qui compte, mais c'est le vote de l'ensemble qui compte. Et il faut aller... Moi, j'ai vécu une expérience... Moi, j'ai toujours pensé que... J'avais compris ça quand il y a eu l'élection de Barack Obama aux États-Unis. Comment est-ce que c'est inimaginable en France d'avoir une personne de couleur qui serait élue ? Et comment est-ce que l'élection s'est produite ? Il y a des publications scientifiques là-dessus. C'est qu'ils ont constitué un noyau et ils sont allés toquer aux portes. Il faut qu'on aille toquer aux portes. Et j'ai toujours pensé qu'en allant toquer aux portes, en débattant avec les gens, et dans le langage que les uns et les autres utilisent, ça marcherait, ça débloquerait des choses. Et là, quand il y a eu la dissolution de l'Assemblée nationale, il s'est passé un phénomène similaire, mais on n'a eu que deux semaines, c'est pas dans le cadre de Barack Obama, il a eu plus de temps. En deux semaines, moi je connais des gens qui ont pris des cangés sans solde pour aller toquer aux portes. Vous avez vu le résultat ? Oui. Voilà. Donc, il faut qu'on aille le faire.
- Speaker #1
Il y a eu un ressaut démocratique. Voilà.
- Speaker #0
Après, ce que les politiques ont fait, c'est un désastre, ce qu'ils ont fait du résultat. Que ce soit le président de la République, mais aussi au niveau du Front populaire, etc. Ce qui s'est passé après, c'est un désastre. Donc, ce qu'il faudrait qu'on fasse cette fois-ci, c'est qu'il nous reste... Il y a l'élection municipale, qui est une élection très, très importante, parce que c'est là que se décide, en fait, comment on vit ensemble. Il ne faut pas rater celle-là. Mais aussi... Dans le cas de la France, l'élection présidentielle est très importante. Et donc, l'élection présidentielle, c'est dans deux ans. Il ne faut pas attendre janvier 2027 pour qu'on se réveille et qu'on aille toquer aux portes. Non, c'est maintenant. C'est dès maintenant qu'il faut qu'on s'organise. En fait, si vous dégagez une heure de votre temps par jour ou par semaine, vous allez voir que lorsque vous faites la somme de toutes ces heures-là, que ceux qui sont conscients du problème, qui veulent aller vers une solution, nous en sortir de ce bazar-là, ça fait beaucoup d'heures, en vérité, qu'on peut se dédier à se vivre ensemble. Parce qu'encore une fois, ce qu'on doit garder en tête, c'est soit on s'en sort tous, soit c'est rien. Ce n'est pas que les plus riches d'entre nous vont s'en sortir. Ça n'existe pas. Et ce n'est pas du tout que cette classe moyenne, dans nous faisant partie, va s'en sortir. Ça ne va pas exister. Parce que la crise écologique, c'est un phénomène incroyable. Les gens n'arrivent même pas à s'imaginer ça. Donc allons ! Toquer à toutes les portes, organise en nom, toutes les portes, dans tous les bourgs, tous les tours, tous les bâtiments de France. C'est ça que l'on doit faire.
- Speaker #1
Oui, c'est un peu pointer du doigt les limites, les limites de nos institutions de façon externe, de façon interne, parce que vous le savez tout comme moi, on a une certaine inertie, une technocratie en place, des conflits d'intérêts, certains délitements. Dans vos recherches, vous l'avez déjà évoqué sur le conflit. entre les transferts des flux entre le Nord et le Grand Sud. Et on le voit aujourd'hui au niveau de la partie afrique subsaharienne, par exemple, où pour l'instant, il n'y a aucune équité sociale qui se met en place volontairement de la plupart de la politique nationale, européenne ou internationale. C'est peut-être, je pense, le travail que vous souhaitez accomplir avec le World's Efficiency Lab. Voilà, aujourd'hui, c'est peut-être aussi une des caractéristiques, une partie de ces valeurs qui fait sens dans... Dans ce que vous mettez en place dans ce laboratoire, en termes de projections, de leviers, quelles sont les perspectives et quelle vision mobilisatrice que vous avez donnée, que vous avez décrite jusqu'à maintenant, vous proposez aujourd'hui avec ce laboratoire, de la suffisance et de la sobriété ?
- Speaker #0
Moi, à travers le laboratoire, je reste convaincue qu'une personne, j'ai toujours été convaincue de ça, mais on a eu la preuve avec la Convention citoyenne pour le climat, une personne qui comprend bien le problème. Un individu, tel qu'il soit, il a envie de bien vivre, quoi. Et il ne veut pas souffrir. Lui, ses enfants, même si on va être très égoïste, moi, mes enfants et peut-être mes neveux, etc. Je reste dans mon petit cercle. Et un individu bien informé, c'est un individu qui prend les décisions qui vont dans ce sens-là, dans son intérêt. Aujourd'hui, il y a des informations. Aujourd'hui, on parle de la désinformation avec ce qui se passe en politique, mais en fait, il y a... toujours eu des informations. On appelle ça l'assimétrie de l'information en économie. Donc, nous, citoyens, on n'a pas accès à toute l'information qu'il y a derrière, par exemple, la production de la nourriture ou de quoi que ce soit. Et donc, quand il y a eu la Convention citoyenne pour le climat, c'était la preuve, on a la preuve empirique que les citoyens bien informés sont des citoyens qui prennent des décisions qui vont dans le sens de leurs intérêts. Ces décisions-là... Elles sont contraires à l'intérêt des grandes entreprises. Il faut le dire. Il n'y a rien à attendre des entreprises du CAC 40. Rien. Les gens qui travaillent sur le reporting de ces entreprises-là, il n'y a rien à attendre. Ce n'est pas leur objectif. Ils n'ont rien à cirer, eux. Mais rien à cirer. Ils pensent, ils sont dans le déni. Ils pensent qu'ils peuvent, ils vont s'en sortir. Dans la crise écologique, leur fric va leur permettre de s'en sortir. Et donc... Partant de ce constat-là, le laboratoire est conçu comme un outil d'information et de formation et puis d'action. L'action va être différente, c'est pour ça qu'on aura les laboratoires nationaux, régionaux, etc. Parce que la sobriété en France ne va pas être la même chose que la sobriété au Sénégal. Pourtant, il faut de la sobriété partout, mais ça ne va pas du tout être la même chose. Et du coup, il faut contextualiser, il faut utiliser les mots des gens. C'est très important les mots qu'on utilise. Moi, je peux vous faire un discours sur la sobriété auquel pratiquement personne ne comprendra rien du tout.
- Speaker #1
Eh oui, ça peut soit culpabiliser, soit dépolitiser complètement l'individu. Et c'est quand même peut-être aussi une forme de mise en garde que l'on doit avoir par rapport à ça.
- Speaker #0
Et donc, du coup, il faut travailler avec les acteurs qui sont sur le terrain. Moi, il m'arrive d'aller dans des associations, etc. pour travailler avec les acteurs. Donc, moi, je leur explique ce que j'ai trouvé dans la théorie. Après, eux, ils reformulent ça à leur façon. Moi, je... Je ne pourrai jamais le formuler de cette façon-là, mais c'est très bien. L'important, c'est qu'ils se saisissent du concept, ils le formulent à leur façon, puis après, ils aillent diffuser. C'est ça l'objectif du laboratoire. C'est pour ça que je parle d'ambassadeurs de la sobriété. Après tout, les ambassadeurs, ils étaient là pour diffuser le rayonnement de nos pays, de nos cultures et de nos civilisations.
- Speaker #1
Ce sont des leviers d'action, les trois piliers que vous citiez du laboratoire, information, formation. actions sont pour vous les leviers les plus puissants ? Enfin, où pouvez-vous en citer d'autres aujourd'hui ?
- Speaker #0
Alors, par exemple, et après, on distingue différentes choses. Dans la formation, il y a la formation des citoyens, mais il y a aussi la formation des scientifiques, des chercheurs. Par exemple, lorsqu'on regarde comment est-ce qu'on modélise, lorsqu'on regarde les trajectoires carbone, etc., ça ne prend pas du tout en compte la question de l'équité. Donc, il faut aussi former les jeunes à intégrer la question de l'équité. Et le grand défi, c'est de nous déformer, d'enlever ce que nous on a appris, de ma génération, ce qu'on a appris, pour apprendre, pour laisser de l'espace et apprendre les nouvelles choses. Et retourner aux sources, à ce qu'on doit apprendre. Et ça, c'est peut-être le plus gros défi, en fait.
- Speaker #1
Ça vous donne de l'espoir ?
- Speaker #0
Moi, je suis de nature très positive. J'ai un petit garçon qui n'a pas encore 5 ans. Et j'aimerais bien que mon fils puisse un jour devenir jeune, vieillir sur Terre. Et donc, je me dis que j'aimerais déjà pouvoir répondre à la question. Il m'a posé la question il n'y a pas longtemps. Il m'a dit, maman, les humains vont être sur Terre pour combien de temps ? Et là, parce que si on prend en compte le budget carbone, on n'en a pas pour longtemps. Mais j'aimerais bien que mon fils soit adulte et que je puisse discuter avec lui et lui dire que c'était dur, mais qu'on a réussi.
- Speaker #1
Oui, on pourrait paraphraser Ivan Illich en citant le clair. La sobriété, c'est une forme de liberté retrouvée.
- Speaker #0
Oui, exactement.
- Speaker #1
Merci beaucoup, Yéminé Saël, pour le temps que vous nous avez accordé, pour cette authenticité et cet engagement que j'ai pu ressentir moi dans tous ces échanges. Et puis, en essaier peut-être de dire que cette sobriété n'est pas un retour en arrière, c'est un bond en avant vers une civilisation qui choisit de vivre au mieux, avec moins, pour dire ensemble. Merci à vous.
- Speaker #0
Merci.
- Speaker #2
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