- Speaker #0
Ce podcast parle de troubles en santé mentale et de situations réellement vécues. Les témoignages que vous allez entendre peuvent heurter la sensibilité de certaines personnes. Si vous êtes en détresse psychique ou avez des pensées suicidaires, si vous pensez qu'une personne de votre entourage est en situation de crise, vous devez contacter le 112, le 15, le 18 ou le 3114, le numéro national de prévention du suicide. C'est l'histoire de Julie qui a fait une tentative de suicide, de Pierre qui boit trop. C'est aussi l'histoire de Nathalie qui rêve chaque nuit de son accident de voiture. Vous aussi vous connaissez peut-être quelqu'un qui est concerné par un problème de santé mentale. Chez PSSM, Premier Secours en Santé Mentale, nous sommes convaincus qu'engager une conversation peut tout changer. Je m'appelle Oriana et je vous souhaite la bienvenue dans cette discussion où se mêlent témoignages, histoires de vie et conseils pour tous ensemble briser les tabous autour des troubles psychiques. Vous écoutez Apprendre à aider, le podcast sur le secourisme en santé mentale.
- Speaker #1
T'as un problème ? L'association d'idées c'est t'es fou, t'es folle, il y a quelque chose qui va pas chez toi, t'es dysfonctionnel en fait.
- Speaker #2
Nos capacités de résilience sont débordées.
- Speaker #3
J'étais pas forcément bien dans ma peau et tout ça a fait que j'étais vraiment vraiment mal et qu'au lycée je faisais plus rien.
- Speaker #4
La personne qu'il avait eue au bout du fil lui avait conseillé de poser directement la question à sa compagne si elle avait l'intention de mettre fin à ses jours.
- Speaker #1
On sort de la formation déjà avec des nouveaux outils, ça donne un cadre, c'est sécurisant parce qu'on se dit qu'on ne va pas faire n'importe quoi justement parce qu'on sait qu'on va trouver les bons mots la bonne manière.
- Speaker #0
Apprendre à aider, le podcast sur le secourisme en santé mentale. L'automutilation se caractérise par des blessures physiques, directes, plus ou moins sévères, qu'une personne s'inflige à elle-même, avec ou sans intention suicidaire. Ce comportement auto-agressif débute le plus souvent à l'adolescence, mais peut se poursuivre à l'âge adulte. Les personnes qui pratiquent l'automutilation ont 5 fois plus de risques d'être concernées par un trouble dépressif. En effet, l'auto-agression peut être perçue comme une forme d'exutoire pour soulager une souffrance émotionnelle trop grande. ainsi que des ressources limitées pour y faire face. Chez les personnes concernées, les automutilations sont donc une forme de régulation de la détresse émotionnelle. Elles peuvent également éviter le passage à l'acte, bien qu'il reste difficile de distinguer le caractère non-suicidaire de l'automutilation et la tentative de suicide avérée. Dans la population générale, la prévalence des comportements d'automutilation est estimée entre 1 et 4%. Celle-ci est d'autant plus marquée chez les jeunes. puisqu'on estime que la scarification ou autre comportement autopunitif pourrait concerner de 12 à 35% des jeunes. Fait inquiétant, un rapport de 2024 de la Direction de la Recherche des Études, de l'Évaluation et des Statistiques enregistre une augmentation notable des gestes et lésions auto-infligées chez les filles et les jeunes femmes. La formation PSSM traite de la question des automutilations et de la façon d'aider une personne concernée. À travers un plan d'action spécifique, Vous découvrirez comment approcher et questionner une personne concernée, l'assister et la mettre en sécurité si nécessaire. Vous serez formé pour l'encourager à aller voir des professionnels de façon à recevoir une aide adaptée. Bonjour Laurence.
- Speaker #2
Bonjour Oriana.
- Speaker #0
Vous êtes secouriste depuis deux ans. Est-ce que vous pouvez nous raconter l'intervention qui vous a le plus marqué ?
- Speaker #2
Alors celle à laquelle je pense naturellement, c'est un accompagnement d'une jeune fille que j'ai reçue un jour à mon cabinet, puisque moi je suis sophrologue depuis une vingtaine d'années maintenant. Et puis elle avait été envoyée ou orientée, ou en tout cas c'est sa maman qui avait pris rendez-vous. Et quand elle a pris rendez-vous, la maman avait pris le soin de m'appeler avant pour me dire spécifiquement que le problème qu'elle rencontrait depuis quelques semaines, c'était des scarifications, puisque quand elle était seule à la maison, elle se scarifiait. Et que la maman pensait que de voir quelqu'un et de consulter dans un premier temps une sophrologue, ça pouvait l'aider. Et avec l'idée qu'il faut qu'elle arrête. Alors évidemment, quand on reçoit une information comme celle-là, c'est pas rien, c'est aussi une certaine responsabilité. Donc avant même le rendez-vous, la question que j'ai posée par téléphone, c'était de savoir si elle avait vu un médecin. Rendez-vous qui avait été pris en fait la même journée où moi je devais la voir. Et l'objectif que je m'étais fixé avec cette jeune fille, c'était effectivement de, et en accord avec sa maman, puisque j'en avais parlé auparavant au téléphone avec elle, c'était de faire en sorte qu'elle accepte de voir un professionnel, puisqu'elle était quand même pas mal dans le déni. Ce que j'ai pu constater quand elle est arrivée, puisque comme souvent dans ce genre de situation, on était en plein été, elle avait un pull en cachemire avec des manches longues sur lesquelles elle ne cessait de tirer. Donc, c'est quelque chose qu'elle cachait et dont elle n'avait visiblement pas envie de parler. Donc, on a réussi à aborder la question. Et ce qui était peut-être le plus difficile au début, c'était de la mettre en confiance. C'est-à-dire que, puisque finalement, elle vient, elle a le choix de venir ou de ne pas venir et de parler ou de ne pas parler. C'était de réussir à la mettre en confiance. Et dès le départ, moi, j'ai donné deux informations. Donc, la première information que j'avais donnée à sa maman, puisqu'elle venait consulter... une sophrologue. Moi, je lui ai dit que j'étais scourrice en santé mentale et que pour le coup, c'était une compétence qui me permettait peut-être d'avoir un éclairage différent sur la situation. Et donc, ce que j'ai dit à cette jeune fille quand elle est arrivée, en lui disant, écoute, je pense qu'on ne va pas faire de sophrologie, mais on va plutôt parler ensemble de santé mentale. Et puis, la deuxième chose, c'est que je lui ai dit que j'étais au courant de ce qui se passait. Elle n'était pas forcément très décidée à en parler dès le départ. Et j'ai essayé de la mettre en confiance pour l'inciter à le faire, en lui disant que c'était quelque chose qui, même si ça lui apparaissait difficile, et que je comprenais bien qu'il y a des moments où elle culpabilisait de rentrer dans ces gestes d'automutilation, on pouvait absolument parler de tous les sujets. Il y avait l'idée d'une mise en confiance, et j'ai vu assez rapidement, c'est comme quand on évoque le suicide, une forme de soulagement. C'est-à-dire qu'à partir du moment où on peut en parler, c'est quelque chose qui est partagé. Elle est quelque part soulagée déjà de cette problématique avec laquelle elle vit toute seule depuis plusieurs jours ou sans doute plusieurs semaines. Et c'est vrai que d'avoir le cadre du plan d'action PSSM et d'AERÉ, ça m'a beaucoup aidée pour faire avancer étape par étape les différentes actions.
- Speaker #0
Et comment s'est-elle livrée à vous ? Comment avez-vous... réussit à gagner sa confiance ?
- Speaker #2
Alors souvent ce que je fais c'est que je prends d'autres exemples parce que je lui dis qu'elle n'est pas toute seule que ça arrive à d'autres adolescents puisque moi j'accompagne des adultes, des enfants et des adolescents depuis 20 ans et en prenant d'autres exemples, en gardant bien sûr la confidentialité et en changeant les prénoms elle a vu que c'était pas quelque chose de rarissime donc elle a pu s'autoriser à en parler et on était vraiment dans l'idée de trouver une solution et moi je voulais l'amener à trouver et quelque part à consentir à la solution qui lui conviendrait le mieux. Qu'elle puisse choisir pour elle. Alors, moi j'avais tendance à penser, je lui ai dit, il y avait plusieurs hypothèses. J'ai eu tendance à lui dire que les premiers professionnels, et peut-être naturellement, c'était de voir un médecin, puisqu'il fallait d'abord que sur le plan somatique et puis sur le plan de sa santé psychologique, les choses puissent être évaluées d'abord par un médecin. mais qu'il y avait d'autres types d'accompagnement qui étaient possibles, que par la suite, elle pouvait tout à fait voir un ou une psychologue si ça lui convenait, que nous, on se verrait certainement, mais après, plutôt dans les stratégies d'auto-aide. Et quelque chose qui m'a beaucoup aidée, alors elle y est venue progressivement, c'est-à-dire qu'effectivement, j'ai un peu levé au fur et à mesure les réticences qu'elle pouvait avoir, avec une réticence qui arrive souvent chez les adolescents, c'est... Ça va faire de la peine à papa ou à maman. C'est un grand classique. Je dois expliquer que les adultes sont solides, les adultes peuvent tout entendre, que les parents sont là pour assurer la sécurité, protéger leurs enfants quel que soit leur âge, et que maman est tout à fait capable de le supporter. La preuve, c'est qu'elle a déjà mis en place des choses et qu'au contraire, il ne faut pas que cette adolescente hésite à se confier et en parler. à des adultes, que ce soit d'abord à ses parents ou éventuellement un adulte en qui elle a confiance et éventuellement un professionnel de santé ou de la santé mentale.
- Speaker #0
Lui avez-vous posé des questions pour savoir d'où venait son mal-être ?
- Speaker #2
Oui, tout en sachant que ce n'était pas à moi de faire le diagnostic, ce qui est toujours important dans le secourisme. Mais dans la mesure où on était dans une relation de confiance, je pose quand même toujours la question du harcèlement. qui peut être le harcèlement à l'école et qui peut être aussi la question des violences intrafamiliales. Ça a été éludé très rapidement et là-dessus, je n'avais pas de doute sur le fait de la sincérité de sa réponse. Une autre chose qui a pu m'aider à ce moment-là, dans les ressources dont on dispose en tant que secouriste, c'est la fiche sur les automutilations. En attendant qu'elle puisse consulter, voir un professionnel et surtout que les actions... de soins puissent être mises en place. On a toutes les deux, on a regardé la fiche ensemble, on l'a lue ensemble, on l'a décortiquée ensemble et puis on a réfléchi, elle a réfléchi sur les stratégies qui étaient proposées dans cette fiche, à ce qu'elle pouvait faire pour déjà en partie se prendre en charge elle-même. En particulier, puisqu'on retrouvait toujours un peu les mêmes conditions, c'est-à-dire que c'était souvent quand elle rentrait du collège qu'elle était toute seule à la maison. qu'elle s'ennuyait, qu'elle avait un moment d'anxiété et où là effectivement les scarifications étaient le moyen qu'elle avait trouvé pour essayer d'échapper à ce mal-être mais tout en ayant après une culpabilité qui était importante. Donc on a regardé ensemble ce qui lui conviendrait, c'est elle aussi qui a identifié quelques activités qu'elle pourrait mettre en place à ce moment-là, ne serait-ce que pour s'occuper les mains et éviter que ça parte dans quelque chose qui était dommageable.
- Speaker #0
Elle avait poussé à trouver des alternatives finalement à ce geste ?
- Speaker #2
Oui, en réfléchissant avec elle, c'est-à-dire que c'était vraiment l'idée que ça soit quelque chose qui lui ressemble, pas quelque chose qu'on lui impose. Et puis de retrouver une certaine maîtrise, parce qu'on est dans un moment où il y a beaucoup de volonté de contrôle et de perte de contrôle. Le contrôle est toujours une utopie, c'est-à-dire que c'est l'idée qu'on peut agir sur des éléments extérieurs. Alors que la maîtrise, c'est vraiment tout ce qu'elle va pouvoir remettre en place et qui vient d'elle. Ce sont les actions qu'elle met en place par elle-même.
- Speaker #0
Et qu'est-elle trouvée comme alternative ?
- Speaker #1
Alors là, pour le coup, ce qui l'intéressait, parce qu'on avait regardé les loisirs créatifs, des choses comme ça, et donc elle m'a dit, moi j'aime bien cuisiner. Donc ce qu'elle a trouvé comme alternative, c'est de faire un gâteau, quelque chose en attendant pour le reste de sa famille, et ça lui permettait d'être occupée, de penser à autre chose, tout en écoutant de la musique, et puis de réaliser quelque chose et d'être plutôt dans une activité positive et qui occupait ses mains.
- Speaker #0
A-t-elle consulté un médecin et comment va-t-elle aujourd'hui ?
- Speaker #1
Oui, alors elle a consulté un médecin, c'est le même jour, elle avait vraiment rendez-vous. Donc elle a eu un traitement léger pour l'anxiété. Et puis surtout, elle a eu un suivi par une psychologue. Alors au début, la psychologue qu'elle a vue, ça n'accrochait pas. Donc il y a eu un petit retour en arrière. Alors c'est dans le plan d'action PCSM, c'est ça. C'est-à-dire que parfois il y a des retours en arrière, il faut être à nouveau dans l'écoute active et sans jugement. Parce que je l'ai revue quelques temps après, puis elle m'a dit mais non, ça marche pas, ça me convient pas Et on a convenu ensemble que c'était peut-être pas cette personne-là qui lui convenait, mais qu'en tout cas, il y avait d'autres professionnels qui seraient certainement plus en phase avec elle et ce qu'elle attendait, et qu'à ce moment-là, on allait regarder pour trouver une autre personne, et qu'elle puisse mettre en place une autre prise en charge psychologique.
- Speaker #0
Vous avez des nouvelles aujourd'hui ? Elle va comment ?
- Speaker #1
Elle va mieux. Alors il y a eu des... petites phases de rechute qu'elle arrive mieux à identifier parce qu'elle se rend bien compte maintenant que c'est aussi quelque chose qui est autour de la gestion des émotions. Donc quand il y a des gros pics émotionnels, c'est toujours encore un petit peu sensible. On parle d'une collégienne donc ça reste quand même des très jeunes mais c'est quand même déjà beaucoup moins fréquent et puis elle se sent beaucoup plus à l'aise pour en parler et puis le suivi psychologique est toujours en place.
- Speaker #0
Et sur cette intervention, et même bien plus au-delà, qu'est-ce que la formation PSSM vous a apporté ?
- Speaker #1
Je pense qu'avant, si elle ne me l'avait pas dit, bien j'avais l'information, puisque j'avais l'information de la part de sa mère, mais si elle ne me l'avait pas dit, au moment de ce qu'on appelle l'anamnèse, c'est-à-dire vraiment le début d'une séance où on pose la question à la personne de pourquoi elle est là, où elle a éludé assez rapidement, en gros, je dors mal, mais en fait ça n'avait rien à voir, j'aurais pas forcément osé... dire les choses aussi clairement. Et je pense qu'avoir un discours clair, non stigmatisant, avec des mots justes, ça permet beaucoup de gagner du temps. Moi, je trouve que ça m'a permis de gagner du temps. Sinon, on aurait tourné autour du pot pendant deux ou trois séances et ça n'aurait mené à rien.
- Speaker #0
Vous me parliez tout à l'heure de vocabulaire.
- Speaker #1
Oui, le fait d'avoir un vocabulaire précis, par exemple. Même de dire que c'est un sujet sérieux, c'est important, c'est mieux que de dire que c'est grave. où déjà il y a une connotation négative.
- Speaker #0
Les mots du sens.
- Speaker #1
Parce que dans sa famille, c'était le problème. Alors que moi, j'ai pu formuler avec elle le fait que ça ne reposait pas sur sa volonté, que ce comportement s'était mis en place pour remplacer autre chose, et qu'en tout cas, ça, c'était une souffrance qu'il fallait alléger, et non pas un problème qui pesait uniquement sur ses épaules.
- Speaker #0
Qu'est-ce que ça a changé dans votre regard sur les troubles psychiques ?
- Speaker #1
Alors dans mon propre regard, ça a continué, ça m'a renforcée dans le fait qu'effectivement la santé mentale fait d'abord pleinement partie de la santé. C'est des sujets dont on peut parler comme de n'importe quel autre sujet. En revanche, maintenant, je suis plus attentive dans la vie courante, je pense notamment dans les dîners, à reprendre les gens qui ont des vocabulaires, je pense à mes amis, qui peuvent avoir des mots très stigmatisants avec ce qu'on entend dans les médias. Un schizo, un bipolaire, un fou furieux, enfin tout ce qu'on veut, et à reformuler et à essayer de ne pas participer à la propagation de cette terminologie.
- Speaker #0
Pourquoi conseilleriez-vous cette formation, Laurence ?
- Speaker #1
Moi je la conseillerais parce que c'est extrêmement structuré, donc c'est très rassurant. Je la conseille beaucoup à ceux de mes collègues qui font des accompagnements humains, toute personne qui fait un accompagnement humain, parce que même si nous on a une technique, On a une pratique professionnelle, mais on rentre dans un champ beaucoup plus large dans lequel on reçoit des confidences. Et dans ces moments-là, on est la seule personne parfois à qui l'autre en a parlé, la personne qui souffre. Et dès lors que la confiance, elle s'installe, il faut pouvoir orienter rapidement. Moi, j'insiste beaucoup là-dessus, orienter rapidement. Parfois, en voulant bien faire, en voulant faire soi-même, on fait beaucoup de bêtises. Le cadre... Notre PSSM permet de voir à partir de quel moment on passe le relais, puisqu'on n'est jamais que dans l'intervention précoce, le soin va se passer ailleurs. On sera toujours dans le soutien émotionnel. Et puis, avoir accès à toutes les ressources, parce que ça, c'est extrêmement précieux. Le site de PSSM France, quand on est secouriste, regorge d'expériences, d'adresses. Moi, je trouve, par exemple, que le réseau associatif est extrêmement fourni, très dense, parce que souvent... On pense au secteur public et la chose que j'entends c'est qu'il n'y a pas de place, les rendez-vous en CMPP dans les grandes villes c'est entre 6 et 8 mois. Donc pour les situations d'urgence ce n'est pas forcément l'idéal mais par exemple il y a les maisons des adolescents, peu de gens le savent. La jeune fille dont je parlais, finalement on l'a orientée aussi vers la maison des adolescents où elle a pu avoir accès à d'autres professionnels. Et ça ce sont des ressources qui sont très très précieuses et c'est une banque de données irremplaçable.
- Speaker #0
Merci Laurence pour ce précieux témoignage.
- Speaker #1
Avec plaisir.
- Speaker #0
Bonjour Mario Speranza.
- Speaker #2
Bonjour.
- Speaker #0
Vous êtes psychiatre d'enfants et d'adolescents, chef du service de pédopsychiatrie de l'hôpital de Versailles. Est-ce que vous pouvez nous donner la définition de l'automutilation et des types d'automutilation qu'il existe ?
- Speaker #2
On peut définir l'automutilation comme une manière de s'infliger des blessures volontaires sur son corps, mais sans essayer de se tuer. Et ça c'est important, il n'y a pas la volonté de se donner la mort, mais tout un tas d'autres raisons qui amènent au geste. Il existe différents types d'automutilation. La plus fréquente, c'est se couper avec un objet. quelconque aiguë, une lame de rasoir ou tout autre objet tranchant. Mais il y a tout un ensemble d'automutilations possibles, comme se frapper, se mordre, se tirer les cheveux, se gratter des plaies, se tirer des peaux. Donc toute stratégie qui permet d'infliger volontairement une blessure au corps.
- Speaker #0
Et est-ce qu'il y a des tranches d'âge qui sont plus sujettes aux automutilations ?
- Speaker #2
Alors globalement, les automutilations apparaissent autour de 13 ou 14 ans, avec un pic autour de 18 ans. Mais on peut dire que globalement, les automutilisations sont observées dans la période entre 13 et 25 ans, 28 ans, globalement, pour être large. Il y a probablement ce pic entre 15 et 18 ans et concerne un groupe très important d'adolescents, parce qu'on est autour de 17 et 18 d'adolescents qui réalisent des automutilations.
- Speaker #0
Et quelles sont les raisons de ces automutilations ?
- Speaker #2
On peut imaginer... que justement parce qu'il ne s'agit pas de se donner la mort, mais d'infliger une blessure au corps, c'est pour des raisons qui pourraient être interpersonnelles ou intrapersonnelles, c'est-à-dire quelque chose qui permet au sujet de réguler l'expérience de soi, et en particulier pour soulager la douleur émotionnelle. C'est la raison la plus importante qu'on identifie. chez les adolescents qui se automutilent. Ces adolescents ont souvent une difficulté dans l'identification, la reconnaissance, la régulation des émotions. Et quand ils sont confrontés à des émotions très intenses, ils essayent de trouver une stratégie pour réguler au mieux cette expérience difficile. Donc on pourrait dire que c'est une stratégie positive, même si, évidemment, elle a des conséquences négatives à court et moyen terme. Il y a d'autres fonctions des automutilations. Par exemple, c'est de prévenir un geste suicidaire. Et là, c'est important de différencier, on l'a dit, les automutilations sont non-suicidaires, mais parfois, chez les mêmes sujets, il peut y avoir aussi des sujets suicidaires. Mais dans un certain nombre de situations, les automutilations protègent, permettent d'évacuer l'idée du suicide. C'est une plus petite partie de ces adolescents qui s'automutilent. Il y a aussi d'autres raisons parfois, comme par exemple le fait de se sentir vivant. C'est à travers la douleur, reprendre un peu conscience de soi, être à nouveau présent, alors que certains adolescents peuvent être dans un vécu un peu de... comme s'ils étaient un peu endormis ou détachés de leur corps, ou le terme qu'on utilise c'est dissocier dans certains cas de leur expérience émotionnelle. La raison pourrait être... tout simplement d'avoir un sentiment de ne pas être vu, compris, se sentir invisible par rapport aux autres. Et donc c'est une manière parfois de communiquer avec l'environnement et donc avoir des fonctions interpersonnelles, d'attirer d'une certaine manière l'attention des autres d'une manière toujours un peu extrême et non volontaire. Et puis dans un certain nombre de situations, c'est des stratégies d'évitement. Quand les situations deviennent difficiles, les adolescents... peuvent faire recours à ces comportements pour ne pas se confronter à une situation qui les stresse de façon excessive.
- Speaker #0
Est-ce qu'on peut revenir sur le lien qu'il y a entre l'automutilation et le suicide ? Est-ce qu'on peut considérer que c'est un facteur de risque de passage à l'acte suicidaire ?
- Speaker #2
C'est un sujet très complexe. Globalement, les facteurs de risque présents dans les automutilations sont quasiment les mêmes que ceux qui sont présents dans les comportements suicidaires, les stèles suicidaires. C'est une faible estime de soi, c'est des difficultés à réguler les émotions, c'est un sentiment parfois de désespoir. Une grande difficulté à trouver des solutions face à des problèmes qu'ils rencontrent, c'est une image du corps négative, avec un sentiment parfois de honte de son corps, ou un sentiment de culpabilité. Donc ces éléments sont souvent associés aux deux cas. Mais globalement, il faut être très clair sur le fait que les automutilations sont des stratégies pour réguler des émotions difficiles. Et donc ils ne sont pas associés à l'idée du mort. C'est chez certains sujets. il peut y avoir un parallèle des idées suicidaires, des pensées suicidaires qui peuvent aller vers des passages de l'acte. On sait quand même que globalement il existe une tendance à un passage qui parfois dure quelques mois entre les pensées autour des automutilations et les comportements d'automutilations elles-mêmes. Et de la même manière un passage entre des pensées suicidaires et des comportements suicidaires. Il y a probablement une certaine continuité entre les comportements suicidaires, les idées suicidaires et les passages à l'acte suicidaire, sur des parcours qui sont souvent sous des périodes de plusieurs mois. Mais il est important de différencier ces deux situations parce qu'elles peuvent être associées mais peuvent être totalement séparées. Et la plupart des adolescents qui... utilisent les automutilations, ne vont jamais faire des passages à actes suicidaires avec une vraie intentionnalité suicidaire, une vraie intentionnalité de se donner la mort.
- Speaker #0
Alors est-ce qu'on peut considérer que les automutilations sont une sorte d'appel à l'aide de la part de nos adolescents ?
- Speaker #2
Oui et non. Il faut faire attention à ne pas considérer les automutilations comme un comportement volontairement mis en place pour attirer l'attention, dans lequel on pourrait y voir une intention manipulative ou une intention négative. C'est plutôt une face à un certain, on pourrait dire, un alphabétisme émotionnel, une difficulté à gérer les émotions. Les adolescents ont recours à des stratégies un peu de cours, de survie extrême pour gérer ces émotions qui ont en effet d'appel à l'aide et de mobilisation de l'environnement. Mais c'est rarement volontairement mis en place pour ça. Il faut le voir plutôt comme une solution... non efficace et non délibérée qui a l'effet de mobiliser l'environnement.
- Speaker #0
Et quand on est secouriste en santé mentale, comment doit-on réagir face à quelqu'un qui s'automutile ? Que faut-il faire ?
- Speaker #2
Alors la première chose, je dirais, c'est réguler sa propre expérience de secouriste, c'est-à-dire garder un niveau émotionnel qui permette de ne pas être ni dans la surenchère, ni dans la banalisation. L'image qu'on a souvent dans la tête est celle du masque oxygène. Essayer d'avoir sa propre régulation pour aider quelqu'un d'autre. Comme dans l'avion, on nous conseille de mettre le masque oxygène avant de le donner à quelqu'un d'autre. Si on n'est pas nous-mêmes régulés, il est difficile de décalquer quelqu'un d'autre. Mais ce qui est très important, c'est la posture. La posture doit être une posture de curiosité, de s'intéresser à l'expérience que fait l'adolescent, avec beaucoup d'empathie. C'est-à-dire essayer de comprendre l'expérience que fait l'adolescent sans le juger, essayant d'aller à la rencontre de l'adolescent dans la manière qu'il a de vivre l'expérience et essayer d'explorer avec lui la fonction que ce comportement peut avoir.
- Speaker #0
On peut lui demander pourquoi il fait ça ?
- Speaker #2
Bien sûr, on peut lui demander, on peut plus souvent l'aider à comprendre pourquoi il le fait. Alors c'est parfois difficile pour l'adolescent de dire pourquoi. Et c'est plus facile... C'est plus intéressant d'essayer de travailler autour de ces émotions, des émotions qui amènent au comportement. Alors souvent, on sait que les adolescents, l'automutilation n'apparaît pas immédiatement. Il y a des émotions avant, émotions qui sont souvent chez ces adolescents difficiles à identifier. C'est souvent des émotions multiples. Il peut y avoir la tristesse, la colère, la honte mélangées, mais parfois il peut y avoir de l'anxiété, il peut y avoir du stress. Donc plein d'émotions qui montent progressivement. et qui commence à occuper l'esprit de l'adolescent. Et donc, si le geste lui-même est important, ce qui nous intéresse encore plus, c'est le chemin qui est amené au geste. Et c'est pour ça que souvent on pose la question autour de qu'est-ce qui s'est joué, qu'est-ce qui s'est passé, quels sont les éléments déclencheurs, quel est le contexte dans lequel ce comportement s'est mis en place. On pourrait dire globalement qu'on est moins intéressé à l'encendie, si on peut... définir ça, le comportement d'automutilisation, qui est l'étincelle qui déclenche l'incendie. Pourquoi c'est important ? Parce que ce genre de comportement a tendance à se répéter. Tout à l'heure, on disait qu'il y a environ 17-18% d'adolescents qui s'automutilent. Pour la moitié, ces comportements sont ponctuels, rares. Ça arrive quelques fois et puis ça s'arrête immédiatement. Chez d'autres, les comportements peuvent se répéter de façon de plus en plus importante jusqu'à devenir une sorte d'addiction. Parce qu'il y a un paradoxe que le geste de se produire de la douleur a un effet apaisant de la douleur émotionnelle. Et donc avec une tendance... Ça marche, quelque part. Et si ça marche, on a tendance, dans les mêmes situations, à reproduire le même comportement qui peut devenir un peu addictif. Ce qui est important, c'est d'arriver à comprendre et à travailler avec les adolescents tous les facteurs qui génèrent ce stress émotionnel qui va les amener de façon un peu automatique, au bout d'un certain temps, à utiliser cette stratégie. Et donc, s'occuper des émotions, du contexte, des vulnérabilités de l'adolescent, vulnérabilités qui sont multiples. Elles sont évidemment personnelles, mais elles sont également autour de l'environnement, autour de l'adolescent, avec souvent des contextes de conflits, conflits qui peuvent être plus ou moins banals à l'adolescence, mais qui prennent évidemment une intensité particulière chez certains adolescents. Et évidemment, quand on explore tout l'univers émotionnel des adolescents, on peut rencontrer, on peut identifier plus facilement des facteurs de risque plus importants, évidemment comme... un contexte de dépression, un contexte de troubles psychiatriques plus organisés. Et à ce moment-là, la démarche n'est pas tout à fait la même. Et c'est pour ça que c'est important, on voit que beaucoup d'adolescents commencent, font des expériences d'automutilation, c'est quasiment, on pourrait dire, des expériences d'adolescence initiatique, mais seulement une petite partie d'entre eux va devenir habituée à utiliser cette stratégie, et c'est souvent des adolescents qui ont plusieurs vulnérabilités. et souvent des troubles psychiatriques associés, ce qui reste dans des répétitions, qui rentrent dans des répétitions, qui peuvent se configurer dans des troubles plus organisés, que ce soit anxio-dépressives ou des troubles de la personnalité émergents, par exemple, ou des événements traumatiques, des expériences de stress post-traumatique ou des traumatismes répétés.
- Speaker #0
Le rôle du secouriste, c'est bien de toute façon de renvoyer ces adolescents vers des professionnels de santé.
- Speaker #2
Oui, c'est important que les secouristes puissent identifier les adolescents qui ont besoin d'aller vers des sous. soins et des soins plus organisés. Mais ils ont un rôle très important d'emblée. Déjà l'écoute, la position empathique, explorer avec l'adolescent l'univers dans lequel ces comportements se produisent est déjà en soi une intervention qui peut être efficace et montrer qu'il y a des adultes qui sont disponibles, avec qui ils peuvent partager des expériences émotionnelles difficiles. C'est une expérience en soi déjà importante. Dans certains cas, ces choristes peuvent aider l'adolescent à utiliser des stratégies pour essayer de réduire le recours à ces comportements. Alors, il y a des choses qui peuvent être assez simples, comme par exemple, on sait que quand la montée émotionnelle, quand l'émotion commence à monter, et l'envie de se faire du mal apparaît, c'est comme une période à risque, mais qui dure souvent 10-15 minutes. Et donc, une première, ça c'est ce qu'on appelle la règle des 15 minutes, c'est qu'il faut essayer de trouver des stratégies pour passer cette période aiguë. Et puis, ça passe, et puis il y a... on passe à autre chose. Donc c'est comme si c'était des vagues. Et donc aider l'adolescent à gérer cette période de haute intensité qui risque de l'amener à passer au comportement d'automutilation est très important. Et ça, on peut l'aider de plein de manières. Par exemple, se rappeler les moments où l'adolescent est arrivé à contrôler le comportement, à ne pas faire recours à l'automutilation. Il peut y avoir des stratégies qui sont des stratégies, par exemple, classiquement, de respiration pour essayer de... ralentir le rythme d'aspiration. Il peut y avoir des stratégies comme par exemple utiliser des expériences physiologiques comme mettre de la glace sur les bras par exemple ou mettre de l'eau sur le visage. Il y a une partie du visage qui est particulièrement sensible qui est celle autour des yeux et des sourcils. Mettre la tête par exemple dans une bassine d'eau, c'est quelque chose qui modifie radicalement l'état physiologique. fait activer le système parasympathique, ralentir le niveau cardiaque et faire passer ce cap d'intensité émotionnelle.
- Speaker #0
Et ces alternatives, on les trouve avec l'adolescent avec lequel on est en train de déchanger ?
- Speaker #2
On peut, si on a ces solutions, si on les connaît, on peut les proposer, les utiliser, même en direct avec l'adolescent. Il faut toujours, avec les adolescents, éviter d'être dans une position d'apprendre des stratégies un peu de manière cognitive. Leur dire, il faudrait faire comme ça. Non, il faut concrètement le faire avec eux.
- Speaker #0
Est-ce que tu veux essayer de plier les bras ?
- Speaker #2
Est-ce que tu veux commettre un peu, par exemple, de glace sous les bras ou de l'eau sous le visage, ou respirer ? Ou par exemple, faire appel à des stratégies comme se rappeler d'images positives. On peut avoir une sorte de kit de survie parfois avec des images positives ou des images dans la tête. Évidemment, il y a des lieux qui sont pour nous rassurants, mais aussi il y a tout un tas d'autres stratégies qui peuvent être écouter la musique, ça peut être faire de l'exercice intense par exemple quand le niveau émotionnel monte si on fait de l'exercice physique pour 5-10 minutes intense comme sauter sur soi ça fait passer ce cap ou par exemple tout simplement caresser un animal si on a un chat ou faire quelque chose de positif dessiner prendre des photographies ou écouter une musique qu'on aime regarder une série qu'on aime Aucune de ces stratégies, évidemment, est magique, mais en avoir tout un tas et les mobiliser au bon moment, quand c'est nécessaire, fait passer cette période aiguë de 15 minutes, pour simplifier, une fois que c'est passé, l'adolescent peut passer à autre chose et gagner l'idée qu'il peut arriver à gérer de lui-même ces moments aigus.
- Speaker #0
Merci pour toutes ces stratégies alternatives. À quel moment, justement, vous parlez de crise aiguë ? À quel moment demande-t-on une intervention d'urgence ?
- Speaker #2
Alors globalement, évidemment, si l'automutilisation a eu lieu, et elle est sévère en termes de risques de santé, si la copure est importante, là c'est nécessaire d'aller aux urgences pour des soins. Après, évidemment, dans l'exploration du contexte, on a évoqué l'idée que... Il peut y avoir un contexte de dépression, un contexte dans lequel les idées suicidaires sont bien présentes, l'idée de la mort est bien présente. À ce moment-là, c'est une situation qui, évidemment, peut être plus nécessitée, une mobilisation importante des systèmes de santé, avec une orientation vers les équipes ou les professionnels qui peuvent prendre en charge des comportements suicidaires ou des idées suicidaires. Alors évidemment, que ce soit les lignes téléphoniques spécifiques, comme le 31-14, mais après les urgences des hôpitaux quand c'est possible. Il est important de savoir que globalement, ces comportements ne sont pas rares. Et même pour la personne, le recours pourrait être assez régulier. Donc il faut faire attention à ne pas orienter trop rapidement un adolescent vers des soins aux urgences. Mais à chaque fois qu'on sent que la situation est suffisamment préoccupante, parce que l'adolescent est débordé, parce qu'il ne voit pas d'alternative, il n'a pas de ressources mobilisables personnelles ou dans son environnement, et que les idées suicidaires sont au premier plan, et la dépression, par exemple l'éteinte surdépressive, est importante. À ce moment-là, c'est important de faire recours à des services de soins spécialisés qui peuvent intervenir de façon plus pertinente par rapport à l'état de l'adolescent.
- Speaker #0
Merci beaucoup, merci pour cet éclairage.
- Speaker #2
Je vous remercie.
- Speaker #0
Aujourd'hui, nous accueillons au micro d'Apprendre à aider Bérangère, secouriste en santé mentale depuis 2024. Bonjour Bérangère.
- Speaker #3
Bonjour Arianna.
- Speaker #0
Et Sarah, qui a été secourue par Bérangère à l'été 2024. Bonjour Sarah.
- Speaker #4
Bonjour.
- Speaker #0
Sarah, pouvez-vous nous raconter l'intervention de Bérangère et le contexte dans lequel votre secours s'est déroulé ?
- Speaker #4
Alors c'était cet été, j'ai eu un trop plein d'émotions, j'ai eu un toc, ça m'a beaucoup frustrée, je me suis sentie complètement dépassée par la situation et j'ai fait une grosse crise où je voulais me faire du mal et m'auto-utiler. J'ai été dépassée par la situation et j'ai moi-même pas été capable d'appeler, ça a été ma mère qui a... qui était effrayée, qui a appelé Bérangère pour pouvoir qu'elle intervienne.
- Speaker #0
Sarah, histoire de vous connaître un petit peu plus, depuis combien de temps avez-vous des comportements d'automutilation ?
- Speaker #4
Depuis l'âge de 13 ans, j'en ai 31.
- Speaker #0
Et qu'est-ce qui s'est passé ce jour-là ? Du coup, votre maman a appelé Bérangère ?
- Speaker #4
Oui. Alors, moi, j'étais dans un état de détresse, donc je ne sais pas ce qui s'est dit. Ma mère m'a juste dit, elle arrive dans 15 minutes. Donc, j'ai essayé de me déconnecter un peu. Et j'ai attendu. Ça m'a rassurée de savoir qu'elle venait.
- Speaker #0
Bérangère, du coup, pour que l'on comprenne un petit peu, pouvez-vous nous raconter de votre point de vue comment vous avez assisté Sarah ce jour-là et puis quelles relations vous avez toutes les deux pour pouvoir arriver en un quart d'heure et aussi vite auprès d'elle en cas de crise ?
- Speaker #3
Oui, alors ce jour-là, je suis son éducatrice. Sarah, je la connais depuis à peu près un an, donc ça faisait 6-8 mois que je l'accompagnais régulièrement. Et j'étais pas très très loin, j'étais en visite à domicile, donc quand sa maman m'a appelée et que j'ai ressenti que vraiment là, c'était pas possible, et que j'étais juste à côté, j'ai fait cette proposition de venir, sachant que Sarah, en général, me fait confiance et qu'on a déjà... On avait déjà parcouru pas mal de crises ensemble, du coup Sarah s'en souvient plus, mais en fait sa maman m'a mis sur haut-parleur et je lui ai dit Sarah calme-toi, j'arrive, on va gérer ça ensemble, mais elle n'a pas entendu en fait. Donc voilà, je suis arrivée. Je suis arrivée et puis la première chose, Sarah elle a été prostrée sur son pouf, les yeux dans le vide. C'est très triste. Très, très tendue. Donc, la première chose que j'ai faite, c'est que je me suis mise à sa hauteur et je lui ai attrapé les mains pour qu'elle sente ma présence. Et je lui ai demandé de me regarder. Et en fait, j'ai recherché son regard. La première des choses, c'était de capter son attention. Et là, elle a eu un fou, un espèce de souffle comme ça, mais avec quand même toute cette inquiétude. Et puis, on a passé un petit moment à respirer. Donc je l'ai accompagnée physiquement dans la respiration. L'idée c'était vraiment de descendre le rythme cardiaque et de lui permettre de verbaliser. Parce que lorsque je suis arrivée, il n'y avait rien qui sortait. Et voilà, donc je lui ai demandé ce qui s'était passé. Puis c'est là qu'elle a commencé à m'expliquer que l'origine c'était un TOC. Et que du coup c'était monté en crise d'angoisse. Et que là, la seule solution qu'elle voyait, c'était de se faire du mal.
- Speaker #0
Sarah, qu'est-ce qui a déclenché, du coup, cette envie de vous faire du mal ce jour-là ?
- Speaker #4
C'était un toc, un toc qui a provoqué une surcharge émotionnelle. Je me suis sentie dépassée par la situation et j'ai explosé. Et pour moi, la seule manière de cesser et d'arrêter cette crise, c'était de me faire du mal, de me déconnecter de... De ce qui se passait psychiquement et il se passait quelque chose en me laissant, je sentais aussi la douleur du corps et pas que du psychique.
- Speaker #0
Ça vous ramenait à la réalité ?
- Speaker #4
Ça me ramenait un peu.
- Speaker #0
Qu'est-ce que ça vous faisait ?
- Speaker #4
Ça me défoulait aussi. Mais j'avais besoin que ça se calme. Sur le moment, j'avais besoin que ça se calme. Et même, parfois, je me disais... J'essayais de me rassurer en me disant... Je ne vais pas y aller fort parce qu'il m'arrive d'être en crise et de négocier avec ma mère, de lui dire laisse-moi me scarifier, je ne vais pas y aller fort, c'est aussi une addiction
- Speaker #0
C'est aussi une addiction, c'est compliqué.
- Speaker #1
Et bien Rangère, qu'avez-vous fait ce jour-là pour aider et accompagner Sarah ? Vous lui avez parlé calmement, vous lui avez pris les mains ?
- Speaker #2
Oui, l'idée c'était qu'elle puisse vraiment redescendre au niveau de sa tension et de sa pression, et qu'elle puisse verbaliser. On travaille beaucoup sur la verbalisation avec Sarah, qui élabore très très bien, et qui en plus a besoin d'élaborer, mettre des mots, sortir les mots. Et... Les déposer, en l'occurrence à moi, puisque c'est moi qui étais là, lui fait énormément de bien. Elle lui permet de relativiser un petit peu, de relativiser dans le sens où c'est impossible de faire autrement que de m'agresser. Il n'y a que ça qui peut me soulager. En mettant des mots, elle parvient à changer sa pensée et à accepter que peut-être qu'il y a d'autres solutions. Donc voilà, en étant dans l'échange, en étant dans le... Un début d'apaisement, ce qui fonctionne aussi avec Sarah, c'est de poser des mots. Et là, ce que je voulais, c'est qu'elle puisse poser des mots sur le TOC, puisque c'était l'origine et qu'il ne fallait pas que ça continue, parce qu'à un moment donné, j'allais partir. Donc, je lui ai demandé si elle était capable de se lever, d'aller dans sa chambre et d'aller voir son petit mur qu'on a préparé. Il y a un petit recoin dans la chambre où on a mis plein d'outils d'auto-aide. Il y a un coin caché volontairement parce qu'on n'a pas besoin d'auto-aide tout le temps et que l'idée ce n'est pas de voir à chaque fois qu'elle rentre dans sa chambre qu'elle a besoin d'être aidée. C'est plus quelque chose qu'elle va chercher, elle est obligée d'ouvrir sa porte et de la refermer pour voir. Et donc on s'est mis à lire tout ce qu'il y avait sur son petit kit de survie.
- Speaker #0
Avec des biais cognitifs.
- Speaker #2
Voilà, les biais cognitifs pour le TOC.
- Speaker #1
Je rappelle simplement à nos auditeurs qu'un TOC, c'est un trouble obsessionnel compulsif. Qu'y avait-il d'autre sur ce mur d'auto-aide ?
- Speaker #0
Alors, il y a les biais cognitifs, il y a la batterie.
- Speaker #1
Qu'est-ce que c'est que les biais cognitifs, Sarah ? Vous pouvez nous expliquer ?
- Speaker #0
C'est des automatismes et des mécanismes.
- Speaker #2
De la pensée.
- Speaker #0
De la pensée,
- Speaker #3
oui.
- Speaker #0
Mais d'ailleurs, même les auto-utilations, c'est un mécanisme. En fait, je pense que le but aussi de l'intervention de Bérangère, c'est de changer le mécanisme. Il dure depuis longtemps, c'est beaucoup plus facile de changer un mécanisme quand il n'est pas ancré, quand on sait qu'on peut faire autrement, mais au début on n'y croit pas.
- Speaker #2
C'est ce que dit Sarah, c'est problème égale réponse, automutilation. Et voilà, donc on travaille beaucoup là-dessus en allant identifier le problème et en allant chercher d'autres moyens de résoudre le problème. Donc en relisant justement les biais cognitifs, est-ce que c'est une croyance ? Je ne les ai pas tous en tête là. Donc remettre de la réalité, remettre du présent. Et puis sur ce mur d'auto-aide, il y a aussi vers quoi tu te tends. Je tends à être bien, je tends à être sereine, je tends à... Et après, il y a tout un espace où quels sont mes outils ? Qu'est-ce qui me fait du bien ? Donc voilà, sur ce mur, on a vraiment tout le... les outils qu'elle est censée pouvoir utiliser si elle arrive à identifier sa batterie interne. Et c'est bien le truc, en fait. On travaille énormément avec Sarah sur ne laisse pas te dépasser. Ne passe pas le point de non-retour parce qu'après, tu ne peux plus revenir. Et quand elle arrive à ces points de besoin d'auto-agression, c'est... Alors, ce n'est pas trop tard parce que là où c'est chouette, c'est qu'aujourd'hui, on... avec la maturité qu'elle a et avec le travail qu'elle fait, elle arrive à appeler à l'aide avant de passer à l'acte. Quand elle dit je négocie avec ma mère pour me faire juste une petite scarification, on est bien dans empêche-moi, enfin aide-moi. Donc ça, c'est super. Parce que du coup, ça l'empêche vraiment ces auto-arressions. Là, depuis le 17 novembre, c'est...
- Speaker #0
Et je pense que si j'appelle à l'aide, c'est que... Je sais, ce que je ne savais pas avant, c'est que j'en suis capable de dépasser ça autrement.
- Speaker #1
Comment s'est déroulée la suite de cette journée, Mérangère ? Une fois que la crise était passée, que vous aviez fait passer cette envie d'auto-agression, qu'avez-vous fait pour ne pas la laisser seule face à une envie qui pourrait peut-être revenir ?
- Speaker #2
Alors l'idée, c'était Sarah qui a proposé, quand je lui ai demandé ce qu'il fallait faire là pour dépasser ça, elle a tout de suite dit, c'est une mise en action. Voilà, il faut s'occuper, occuper l'espace de pensée. Une mise en action, j'ai dit ok. J'ai dit la première mise en action c'est que tu vas aller te laver. Je suis descendue parler à sa mère qui n'était pas bien du tout. Du coup Sarah est allée se préparer. Elle savait qu'en redescendant j'étais là. Et puis on a discuté de comment est-ce qu'on allait border la journée. Je lui ai dit que de toute façon je n'avais pas de rendez-vous et que je serais disponible, qu'elle pouvait m'appeler et que j'allais être là toute la journée jusqu'à ce que la journée passe et que ce serait une journée de gagné quoi qu'il en soit. Du coup, je vais me poser la question si je pouvais repartir. Elle m'a autorisé à repartir. Donc je suis repartie et puis après tous les 45 minutes à peu près, on faisait le point et je la coachais à distance. En fait, on avait des objectifs, des objectifs pas fous, mais d'action.
- Speaker #0
Plus ça avançait et plus je prenais confiance et plus je me disais, oui c'est réel, c'est en train de passer, je vais peut-être tenir.
- Speaker #2
Elle est passée du je vais peut-être tenir à autre chose finalement.
- Speaker #1
Et vous avez tenu ce jour-là, Sarah ?
- Speaker #0
Complètement. Après, par rapport aux automutilations, ça passe par le corps. Donc des fois, moi je vais répondre par exemple à la méditation, je vais répondre à me doucher, prendre un bain. En fait, des fois, vu que l'automutilation ça part par le corps, parfois agir sur le corps en faisant d'autres... choses comme se faire du bien, c'est-à-dire se doucher, méditer. Ça fait du bien et du coup, on se sent contenue. Mais d'ailleurs, je me suis aussi sentie contenue quand Bérangère est intervenue, qu'elle m'a pris les mains, qu'elle m'a regardée dans les yeux. Là, j'ai senti quelque chose de contenant. Et ça, ça m'a beaucoup aidée pour être capable de continuer la journée.
- Speaker #1
Et justement, Sarah, est-ce que l'intervention de Bérangère, ce jour-là,
- Speaker #3
vous a aidé ?
- Speaker #0
Oui, oui, et pas que pour ne pas m'automutiler, mais pour me dire que c'était possible de faire autrement. Je savais après que les mauvaises habitudes, elles restent, donc il fallait travailler sur ça. Je sais juste que c'est possible à ce moment-là. À force d'appliquer les choses, ça s'ancre, mais ça ne vient pas d'un coup, et ce n'est pas un déclic. Ce n'est pas du tout un déclic. On y arrive une fois, il faut le refaire à chaque fois et après ça va s'ancrer. Mais on ne guérit pas comme ça des automutilations, c'est comme une addiction.
- Speaker #1
Sarah, vous aviez connaissance de cette formation Premier secours en santé mentale ?
- Speaker #0
Non.
- Speaker #1
Et Bérangère, qu'est-ce que la formation PSSM vous a apporté ?
- Speaker #2
Ça fait 20 ans que je fais ce métier-là et le fait de passer cette formation, en fait, ça m'a confortée dans ce que je faisais. dans la méthode aérée. En fait, je ne me posais pas de mots dessus. C'est quelque chose qui est évident. Et oui, ça a renforcé cette idée que je n'étais pas déconnante dans mon action.
- Speaker #1
J'en déduis que vous conseilleriez cette formation.
- Speaker #2
Oui, je la conseille déjà. À qui, Vérangère ? À toute personne qui est déjà sensible et ou qui s'interroge. En vérité, j'en parle... J'en parle assez librement, que ce soit en tant que professionnelle, mais en tant que citoyenne, tout court.
- Speaker #1
Merci beaucoup Bérangère.
- Speaker #2
Merci à vous.
- Speaker #1
Merci Sarah. Merci. Merci d'être venue jusqu'à nous. Et merci pour ce témoignage.
- Speaker #2
Merci.
- Speaker #3
Vous l'avez compris dans cet épisode, on a été, on est, ou on sera peut-être tous concernés un jour par un proche qui ne va pas bien. Si vous êtes dans cette situation... Vous pouvez vous appuyer sur ces ressources. Le carnet du secouriste en santé mentale, mieux comprendre les automutilations non-suicidaires disponibles en téléchargement gratuit sur le site internet de PSSM France. Vous pouvez également appeler la ligne d'écoute gratuite et anonyme de la Croix-Rouge, accessible au 0800 858 858. Ou vous pouvez encore écouter l'émission Tribus, consacrée à l'automutilation, disponible sur le site de la RTS, dans la section Audio & Podcast. En plus de ces ressources, sachez que venir en aide à quelqu'un qui s'automutile, ça s'apprend. Sans pour autant se substituer au professionnel, sans pour autant devenir un soignant. Comment apporter son soutien ? Que faut-il dire ou au contraire ne pas dire ? Quelles sont les ressources ? et les professionnels vers qui orienter. Voici autant d'éléments qui sont abordés lors de la formation des premiers secours en santé mentale. Nous avons tous un rôle à jouer en tant que secouristes en santé mentale. Alors vous aussi, rejoignez cette démarche citoyenne et apprenez à aider en vous formant aux premiers secours en santé mentale. Pour cela, rien de plus simple. Rendez-vous sur le site internet de PSSM. C'était Apprendre à aider, le podcast sur le secourisme en santé mentale. Si vous avez aimé cet épisode, laissez-nous un commentaire. ou un like sur votre plateforme d'écoute. Rendez-vous dans un mois pour votre prochain épisode. Apprendre à aider est un podcast PSSM France produit par Plus de Sens. Ce podcast a été rendu possible grâce au Self-Esteem Club d'Herborian, partenaire de PSSM France. Présentation, Oriana Dobrometz. Direction éditoriale, Stéphanie Rojdix et Oriana Dobrometz. Direction de la production, Nicolas Pinault.