- Speaker #0
Ce podcast parle de troubles en santé mentale et de situations réellement vécues. Les témoignages que vous allez entendre peuvent heurter la sensibilité de certaines personnes. Si vous êtes en détresse psychique ou avez des pensées suicidaires, si vous pensez qu'une personne de votre entourage est en situation de crise, vous devez contacter le 112, le 15, le 18 ou le 3114, le numéro national de prévention du suicide. C'est l'histoire de Julie qui a fait une tentative de suicide, de Pierre qui boit trop. C'est aussi l'histoire de Nathalie qui rêve chaque nuit de son accident de voiture. Vous aussi vous connaissez peut-être quelqu'un qui est concerné par un problème de santé mentale. Chez PSSM, Premier Secours en Santé Mentale, nous sommes convaincus qu'engager une conversation peut tout changer. Je m'appelle Oriana et je vous souhaite la bienvenue dans cette discussion où se mêlent témoignages, histoires de vie et conseils pour tous ensemble briser les tabous autour des troubles psychiques. Vous écoutez Apprendre à aider, le podcast sur le secourisme en santé mentale.
- Speaker #1
T'as un problème ? L'association d'idées c'est t'es fou, t'es folle, il y a quelque chose qui va pas chez toi, t'es dysfonctionnel en fait.
- Speaker #2
Nos capacités de résilience sont débordées. J'étais pas forcément bien dans ma peau et tout ça a fait que j'étais vraiment vraiment mal et qu'au lycée je faisais plus rien.
- Speaker #0
La personne qu'il avait eue au bout du fil lui avait conseillé de poser directement la question à sa compagne si elle avait l'intention de mettre fin à ses jours.
- Speaker #1
On sort de la formation déjà avec des nouveaux outils, ça donne un cadre, c'est sécurisant parce qu'on se dit qu'on ne va pas faire n'importe quoi justement parce qu'on sait qu'on va trouver les bons mots la bonne manière.
- Speaker #3
Apprendre à aider,
- Speaker #0
le podcast sur le secourisme en santé mentale.
- Speaker #3
Un événement est considéré à potentiel traumatique lorsqu'il expose directement une personne à la mort effective, à la peur de mourir. à une menace de mort, à de graves blessures ou encore à la menace de son intégrité physique ou de celle d'une tierce personne. Cet événement est le plus souvent à l'origine d'une détresse intense, d'un sentiment d'impuissance, d'horreur ou encore d'un mal-être physique et ou psychologique. Les actes de violences interpersonnelles, les accidents, les événements massifs comme les guerres, les attentats, les actes de torture ou encore les catastrophes naturelles sont autant d'événements traumatiques. Un trouble de stress post-traumatique, aussi appelé TSPT, peut parfois apparaître chez les individus concernés. Ce dernier se caractérise par des réactions intenses, désagréables et dysfonctionnelles, telles que des symptômes d'évitement, d'hypervigilance ou encore des ruminations associées à des changements rapides et importants de l'humeur. Selon l'Organisation mondiale de la santé, 70% des personnes dans le monde vivent un événement potentiellement traumatisant au cours de leur existence. Parmi ces personnes, environ 4% sont susceptibles de développer un TSPT à un moment donné de leur vie. La probabilité de développer un trouble de stress post-traumatique varie en fonction du genre, mais aussi du type de psychotrauma vécu. Le TSPT s'accompagne plus souvent d'une dérégulation émotionnelle, de troubles anxio-dépressifs ou de troubles liés à l'usage de substances. Un rétablissement s'avère le plus souvent possible si la prise en charge et les thérapeutiques proposées sont adaptées. La formation PSSM donne des clés de compréhension permettant de repérer et d'approcher une personne victime d'un psychotrauma ou encore d'un trouble de stress post-traumatique. Cette formation vous apporte également les outils pour accompagner la personne concernée vers une prise en charge adaptée et personnalisée.
- Speaker #2
Bonjour Fabienne ! Bonjour Oriana,
- Speaker #0
vous êtes secouriste en santé mentale depuis novembre 2024 et vous êtes avec nous aujourd'hui pour nous raconter votre aide auprès d'une personne ayant vécu un événement traumatique.
- Speaker #2
Tout à fait.
- Speaker #0
Est-ce que vous pouvez nous décrire l'expérience qui vous a le plus marqué ?
- Speaker #2
Bien sûr, juste pour vous rappeler au départ, effectivement, je suis donc assistante sociale, j'interviens donc dans certaines administrations de l'État pour des agents qui exercent des métiers assez différents les uns des autres. Notamment pour une catégorie de publics, qui sont les agents des routes, qui interviennent sur des routes départementales et nationales, et qui sont confrontés, comme tous les agents qui interviennent sur route, notamment autoroute, à des comportements parfois d'usagers pas très corrects, et qui de par leur mission, effectivement, peuvent être en risque de danger sur la route. et qui aussi sont confrontés à être témoins et parfois même victimes malheureusement d'événements qui peuvent être traumatisants. Dans le service dans lequel moi j'interviens, au niveau d'une administration qui est régionale, on a ce service social qui par convention a mis en œuvre une procédure pour essayer de soutenir les directions sur ce qu'on appelle l'état de stress post-traumatique. En fait, nous intervenons avec... avec plusieurs collègues, soit seuls, soit en binôme, auprès d'agents qui ont vécu des événements effectivement douloureux, parce qu'ils ont vu, parce qu'ils ont été confrontés dans les missions qu'ils ont à remplir sur route, à faire des choses au moment d'un accident notamment mortel. Nous les prenons en charge dans ce qu'on appelle le « debriefing » . Donc c'est une intervention où, effectivement, on les accueille dans une salle. Je dis on les accueille parce qu'ils peuvent être plusieurs à ce moment-là, parce qu'ils sont intervenus à plusieurs. On essaye de les coucouner un peu, c'est-à-dire on les met dans un lieu rassurant, sécurisant. On essaye de voir avec eux s'ils sont prêts à ce moment-là à parler, à exprimer des choses. Et puis on le fait aussi pour tous les collègues qui constituent leur équipe, parce que ça permet aussi de rappeler un petit peu ce que c'est que l'état de stress post-traumatique, et rappeler aussi à des agents qui sont majoritairement masculins. que l'émotionnel peut aussi les envahir à un moment donné et que ça peut les mettre aussi, eux, en insécurité sur route. Donc voilà, dans le contexte où moi j'interviens. Et effectivement, il m'est arrivé, il y a quelques mois en arrière, d'intervenir auprès de deux agents qui ont été confrontés à une victime morte sur la route, qui ont vu des choses qui n'étaient pas très agréables, qui pouvaient effectivement les bousculer émotionnellement. Et où leur chef d'équipe m'avait interpellée en me disant, voilà, est-ce que tu peux en tous les cas le faire assez rapidement ? Parce que je sens qu'il y en a un des deux. Le premier parlait déjà assez facilement de ce qu'il avait vu, mais le deuxième me semble un petit peu en retrait, un peu isolé. Donc moi, quand c'est comme ça, j'interviens sur les sites. Donc je me déplace. J'ai proposé aux deux personnes concernées, effectivement, de prendre un temps avec elles deux. Donc quand c'est comme ça... Je me mets dans un lieu, ce qu'on appelle nous un petit box. Je les accueille et je leur explique pourquoi je suis là. Et l'intérêt aussi pour eux, effectivement, de prendre ce temps avec moi avant de retourner sur le lieu de leur travail. Donc voilà, j'ai mené cet entretien avec ces deux personnes. Avec le premier, il n'y a pas eu de difficultés particulières à l'expression de ce qu'il avait ressenti, de ce qu'il avait vu, et puis comment il se sentait ce jour-là.
- Speaker #0
Oui, vous avez senti qu'il n'avait aucune difficulté à verbaliser les choses.
- Speaker #2
Tout à fait. Oui, et de manière assez facile, assez, j'allais dire, assez... Spontanée. Fluide, effectivement. Donc, voilà, on a déroulé avec lui les choses, ce qui peut être effectivement des images, des flashs, ce que ça peut provoquer aussi pour lui, c'est-à-dire problèmes de sommeil, ça peut être aussi au niveau social, dans ses relations avec sa famille, avec ses collègues. Et puis ensuite dérouler ce que nous on appelle aussi l'orientation auprès d'un psychologue, s'il le souhaitait, ce qui s'est fait d'ailleurs pour lui. Pour l'autre personne, ça a été beaucoup plus difficile et beaucoup plus compliqué. Quand son collègue a quitté la pièce, moi quand c'est comme ça, je leur dis, le temps est libre, vous restez, vous repartez, vous pouvez prendre le temps dont vous avez besoin. Donc cet agent a quitté la pièce puisqu'il avait eu la réponse. aux questions qu'il se posait et aux besoins qu'il avait exprimés. Par contre, je suis restée seule avec son collègue qui, lui, était mutique. Et malheureusement, sur ce temps-là, ça ne s'est pas produit. C'est-à-dire que le silence a duré, donc j'ai proposé à la personne qu'on allait se revoir et que ce n'était peut-être pas le bon moment. Mais qu'en tous les cas, moi, je pouvais me mettre à sa disposition au moment où lui le sentirait. Ce temps possible et réalisable.
- Speaker #0
Au bout de combien de temps il est revenu vers vous ? Ou est-ce vous, peut-être, qui êtes venu vers lui ?
- Speaker #2
Tout à fait, Oriana. C'est plutôt moi. En fait, quelques jours après, son responsable, chef d'équipe, m'a appelée en me disant « Écoute, Fabienne, moi, je sens que ça ne va pas bien pour lui. » Quand il est avec ses collègues, on sent qu'il s'isole, qu'il est un peu à... part ou alors contrairement à ce qu'il peut être habituellement il s'irrite facilement il a du mal à retourner aussi sur le lieu parce qu'en fait il ya ça aussi un l'événement traumatique il est marqué donc quand les agents retournent sur le lieu où s'est produit cet événement c'est compliqué pour eux également donc du coup j'ai proposé aux chefs de centre de repasser On a bu le café ensemble avec son chef qui, du coup, on a profité aussi pour lui rappeler un petit peu le pourquoi c'était important de parler avec l'assistante sociale de cet événement traumatique. Mais j'ai senti que du coup, ça allait un peu trop loin à ce moment-là. Ça le mettait presque en insécurité qu'on lui reparle de ça. Donc, j'ai demandé au chef de centre de quitter la salle de repos, de repas, pour être seule donc avec l'agent. Et là, j'ai reparlé effectivement de ce qu'était un état de stress post-traumatique. Mais j'ai reparlé aussi beaucoup de la manière dont on a besoin parfois aussi d'être rassuré, d'être entouré, enveloppé, pour pouvoir aussi s'autoriser, s'accorder à parler de ses émotions. Ce qui est difficile, moi, dans les publics que je côtoie, c'est que ce sont des hommes. Alors attention, je ne dis pas que c'est... compliqué naturellement et de manière innée à parler de soi, mais en tous les cas, c'est des métiers où on leur demande, au niveau technique aussi, d'être opérationnel. On ne parle pas d'émotion. Donc c'est difficile, quand on n'est pas habitué, de parler de soi et de ce qu'on ressent. Et puis il y a un côté un peu honteux, un peu gênant, de dire qu'on a pu être bousculé par quelque chose qu'on a vu, même qu'on a senti et qu'on a entendu. Je lui ai rappelé ça et je lui ai posé la question, est-ce que vous êtes prêt à ce qu'on se mette dans un box, un bureau à part, et que vous puissiez vous aussi exprimer ce que vous avez ressenti ce jour-là et comment vous allez aujourd'hui ? Comment vous vous sentez émotionnellement aussi ? Qu'est-ce qui vous passe dans la tête quand vous parlez de cet événement ? Qu'est-ce qui peut être encore compliqué aujourd'hui pour vous à vivre ? Eh bien, ce n'était pas encore le moment. C'est compliqué quand c'est comme ça. Il faut faire preuve de patience. Oui, mais je ne suis pas tellement habituée non plus à ça. Même si, moi je ne vous le cache pas, on a parfois des entretiens qui prennent énormément de temps pour amener la personne à se confier, qui ont besoin d'être vraiment en confiance pour s'autoriser à se livrer. Mais c'est assez rare quand la personne le refuse. C'est-à-dire qu'à un moment donné, dans nos techniques, on arrive toujours à la toucher, à l'approcher. Il m'aura fallu une troisième fois. Jamais deux sans trois, parfois on dit. Et donc, j'ai laissé le temps à cette personne en lui disant que, malgré tout, je lui apporterai quand même quelques informations sur l'orientation. Parce qu'il y a un moment donné, si ça ne passe pas par moi, La personne n'est pas contrainte, effectivement, ni dans l'obligation de se livrer à moi personnellement, enfin, dans le cadre professionnel, mais dans cette relation personnelle. Donc du coup, je lui ai quand même donné, avant de la laisser, quelques informations sur vers qui elle pouvait se tourner, parce que je ne suis pas la seule à pouvoir l'entendre et l'écouter. Donc je lui ai redonné quand même quelques pistes, notamment les plateformes téléphoniques qu'elle peut... solliciter, des ressources, effectivement, des lieux, des lieux et des personnes. Parce que si ce n'est pas le moment aujourd'hui, ça peut l'être au moment où moi je vais partir, ça peut être le lendemain, ça peut être dans le week-end. Dans le week-end, on n'est pas là. Donc voilà, j'ai préféré sur ce deuxième temps, contrairement au premier. Sur ce deuxième temps, au moins de pouvoir dérouler l'orientation, c'est-à-dire, voilà, où est-ce que vous pouvez vous retourner si vous aviez besoin à ce moment-là, parce que ça va se réveiller à un moment donné.
- Speaker #0
Vous êtes parvenue à la renseigner avant qu'elle ne le demande ?
- Speaker #2
Oui, parce que je trouvais que c'était important. La première fois, ça ne m'a pas effleurée. Parce que je me suis dit, ce n'est pas grave, je reviendrai. Mais la deuxième fois, quand j'ai senti qu'il n'était pas prêt, je me suis dit, il faut au moins que je lui donne ces informations. Oui,
- Speaker #0
il y avait une notion d'urgence à pouvoir renseigner la personne qui était en face de vous.
- Speaker #2
Oui, tout à fait. Parce que si quelque chose devait se passer ensuite, il fallait pour moi en tous les cas qu'il ait ces pistes-là. Un peu ce plan d'action pour lui, qu'il puisse effectivement tirer la sonnette qui lui conviendra à ce moment-là.
- Speaker #0
Et comment s'est passé ce troisième rendez-vous, Fabienne ?
- Speaker #2
J'avais ce qu'on appelle sur un site autre, une permanence. C'est-à-dire que je suis à disposition des publics pour lesquels on intervient. Et où les gens... Voilà. viennent me rencontrer quand ils ont besoin d'informations, de précisions, poser des questions, parler de leurs conditions de travail, etc. Et bien ce jour-là, cet agent s'est présenté.
- Speaker #0
Ah,
- Speaker #2
c'est lui qui est venu à vous ? Oui, il était prêt à en parler parce que depuis quelque temps, j'allais dire que malheureusement, dans ce qu'il ressentait émotionnellement, les choses étaient beaucoup plus marquées. On lui renvoyait qu'il était irritable, qu'il avait des moments où il s'isolait, qu'il était... peut-être moins présents chez lui également. Il y avait aussi les cauchemars. Les cauchemars qui, alors ça faisait, j'allais dire, au niveau du temps, entre le premier et le troisième moment où on s'est vus, il y a quand même eu pas loin d'un mois. Donc c'est vrai que quand on parle de cauchemars sur des semaines comme ça, on est d'autant plus vigilant parce qu'on sent bien que les choses ne s'apaisent pas, ne diminuent pas. Et que là, on peut être confronté effectivement à un état de stress post-traumatique assez important. Et qu'il est temps de faire quelque chose. Donc voilà, il était prêt. J'ai donc accueilli les émotions de cette personne qui a pris du temps. Et ce temps-là, en fait, moi je l'ai requestionné grâce à la formation. Parce que quand cet agent a commencé à parler de ce qu'il ressentait et comment il avait vécu l'événement, Il a fallu effectivement prendre cette notion de temps différente de celle que moi j'avais l'habitude de pratiquer, avec vraiment des temps de pause importants, des moments où même physiquement, il avait besoin qu'on lui laisse ce temps-là. Et même à se surprendre lui-même aussi d'émotions qu'il pouvait livrer. Donc il y avait vraiment un moment assez particulier. Peut-être qu'à ce moment-là, moi aussi, je suis... Mon attitude et ma façon d'accueillir son émotion et ses émotions, ce temps-là, pour moi, avait plus de qualité que précédemment. Ça a été un temps... Assez intense, déjà pour lui, parce que parler de soi, livrer ses fragilités, quand on est habitué à intervenir sur route, quand on fait des choses, parce que c'est un job, c'est un métier, on remplit des missions, on fait ce qu'on a à faire, on ne se questionne pas plus. C'est difficile de revenir à l'aspect humain. Dans les ressentis, ce n'est pas toujours simple. Et là, l'écoute était différente. Là, le temps de l'écoute a été différent. Et certainement d'une autre qualité. Alors, je ne dis pas que la qualité n'y était pas précédemment, mais pour moi, ça a changé la manière d'accueillir, d'approcher, d'écouter et de rassurer également. Parce que dans son attitude à lui, physiquement, il y avait la parole bien sûr, il parle, il exprime, pas de souci de ce côté-là. Mais il y avait son attitude également, son attitude physique. C'est-à-dire quelqu'un vraiment très alourdi par le ressenti, par la honte aussi, par la gêne. De parler effectivement de ses fragilités, de ce qu'on ressent, parce qu'on n'est pas habitué à parler de ça. Surtout pas entre eux, d'ailleurs en équipe, ils ne le font pas. Ils en rigolent, ils se piquent, ils se chamaillent, mais ils ne parlent pas de leurs émotions. Donc voilà, c'était un temps très particulier. Moi, ça m'a permis après de vraiment cibler ce dont il avait besoin pour pouvoir être pris en charge. Parce qu'à un moment donné, moi je suis aussi dans la limite de ce qu'on peut... à porter dans la posture effectivement des dents.
- Speaker #0
Vous n'êtes pas une professionnelle de santé, donc forcément, il faut passer le relais à un moment.
- Speaker #2
Oui. Mais ça c'est important aussi je trouve. C'est aussi de prendre conscience qu'à un moment donné on est à la limite de ce qu'on peut apporter à l'autre. Et là, avec cette personne-là, à ce moment-là, la limite elle était là.
- Speaker #0
Est-ce que vous êtes venue compléter les ressources dont vous lui aviez parlé lors du second rendez-vous ?
- Speaker #2
Parce que les émotions qu'il a livrées, les douleurs qu'il ressentait. les moments où c'était compliqué pour lui, ça m'a permis effectivement, moi, d'affiner vers qui je pouvais l'orienter. Quel professionnel, en tous les cas, pouvait l'accompagner là-dessus.
- Speaker #0
Comment va cet agent aujourd'hui, Fabienne ? Est-ce que vous avez des nouvelles ? Est-ce que vous avez eu l'occasion de le recroiser ?
- Speaker #2
Je l'ai recroisé il n'y a pas longtemps parce que j'intervenais pour un autre de ses collègues. Et en fait cet agent m'a remercié parce que nous avions fait la démarche ensemble de contacter un centre médico-psychologique, mais avec une spécialité événement post-traumatique. Donc il m'a remercié et nous avons pris un temps tous les deux pour reparler effectivement de se dérouler un petit peu. des rendez-vous entre guillemets que nous avions eu tous les deux durant ces quelques semaines. Et oui, c'était vraiment important, autant pour lui que pour moi d'ailleurs. Et moi je l'ai remercié, comme je le fais souvent avec les personnes que je reçois, je l'ai remercié pour avoir accepté en tous les cas de me livrer ça aussi. Parce que ce n'est pas simple de m'avoir fait confiance dans le moment où nous étions tous les deux. Et puis en lui disant qu'on allait aussi se revoir pour prendre des nouvelles d'ici quelques mois.
- Speaker #0
Sur la base de cette expérience, Fabienne, est-ce qu'il y a quelque chose que vous feriez différemment en tant que secouriste en santé mentale ?
- Speaker #2
Différemment, je pense que je l'ai déjà fait grâce à, enfin grâce, avec cette expérience-là, mais parce que la formation a été faite aussi juste avant malheureusement l'événement aussi qui s'est produit. La chose différente, c'est vraiment l'approche. Mais l'approche dans le cas justement de ces troubles aussi. qui sont des souffrances aussi pour les personnes qui sont difficiles à exprimer. Mon approche est complètement différente. En fait, elle s'est enrichie de ce temps de pause, de ce temps d'écoute, et surtout de laisser le temps à la personne. Il y a le temps qu'on laisse entre deux phrases, entre l'expression d'une émotion, quelqu'un pleure, on lui laisse le temps. Mais il y a aussi cette notion de temps, moi, dans les trois moments où je l'ai rencontré, en fait, il s'est passé du temps. Et ce temps, en fait, il a fallu le laisser. Parce que sinon, je pense que je passais effectivement à côté de lui.
- Speaker #0
Qu'est-ce que la formation PSSM vous a apporté, Fabienne ?
- Speaker #2
J'étais vraiment dans l'attente des choses à faire, mais surtout de ce qu'il ne faut pas faire. Et peut-être aussi des choses à retravailler, à requestionner. Parce que moi, dans ma pratique, on fait beaucoup de choses, par habitude, par réflexe. Et je me suis dit, ah ! Il y a peut-être à un moment donné quand même à prendre de la hauteur, à se requestionner, à réfléchir un petit peu à nos pratiques. Et voilà, moi par curiosité aussi, j'y suis allée en me disant tiens, qu'est-ce que ça va revêtir ? Et en fait vraiment ce que j'en garde, c'est cette notion du temps et surtout de laisser à l'autre la possibilité ou pas de dire ou de ne pas dire. J'ai trouvé ça vraiment important.
- Speaker #0
Est-ce que j'ose vous demander si vous conseilleriez cette formation ? Mais oui,
- Speaker #2
moi j'en ai déjà parlé dans mon service, j'en parle à des collègues, j'en ai parlé aussi à mes filles. Voilà, parce qu'elles peuvent être aussi confrontées, effectivement, à être, comme pour les gestes qui sauvent, confrontées avec une amie, avec quelqu'un de son entourage, ou même, voilà, dans le cadre public, à être face à quelqu'un qui ne va pas bien, et comment on fait, qu'est-ce qui est bon de faire, et surtout de ne pas faire, de ne pas dire. Enfin voilà, j'en parle beaucoup.
- Speaker #0
Merci Fabienne.
- Speaker #2
Merci Auriane.
- Speaker #0
Merci pour votre témoignage. Vous dégagez beaucoup de bienveillance.
- Speaker #2
Merci.
- Speaker #0
De douceur et de non-jugement.
- Speaker #2
Merci beaucoup.
- Speaker #0
Merci à vous. Jean-Michel Delisle, bonjour.
- Speaker #4
Bonjour.
- Speaker #0
Vous êtes président de la Fédération Addiction et psychiatre. Et aujourd'hui, nous nous rencontrons pour parler ensemble des événements traumatiques. Expliquez-nous ce qu'est un événement traumatique, s'il vous plaît.
- Speaker #4
Un événement traumatique au sens d'un événement qui va pouvoir déclencher un état de stress post-traumatique, c'est un événement extrêmement intense, douloureux, où on a eu peur pour sa vie. Il faut vraiment une situation de risque immédiat, majeur, ou une agression sexuelle, un viol, des événements absolument intenses et où on a craint que cette fois-ci c'était la fin, on s'est senti complètement impuissant, démuni. Et ces événements-là surviennent et peuvent déclencher ensuite non seulement des conséquences immédiates. en termes de stress aigu dans les jours ou les semaines qui suivent, mais parfois, hélas, entraîner à distance un état qui va se chroniciser, qu'on appelle l'état de stress post-traumatique.
- Speaker #0
Alors justement, expliquez-nous quelle est la différence entre le stress aigu et le syndrome de stress post-traumatique.
- Speaker #4
Disons que le stress aigu est une réaction adaptative, donc c'est une réaction totalement normale. Elle est prévue quand on est confronté à un danger, ce qui peut arriver, nos ancêtres quand ils rencontraient une bête sauvage, etc. Il y a le cœur qui s'accélère, le sang qui irrigue profondément les muscles, de façon à ce qu'on soit extrêmement tonique, réactif, et donc on va pouvoir avoir un état de tension, d'hypervigilance. où on va avoir un regard acéré, etc. Tout ça, c'est des mécanismes de défense. Donc c'est parfaitement adaptatif face à un stress aigu, c'est-à-dire une situation où on a été en danger. Alors dans certains cas, en revanche, cette situation va avoir tendance à durer, et au lieu de s'apaiser une fois que le danger a disparu, et qu'on a survécu, où ça s'est, entre guillemets, pas trop mal terminé, normalement la pression finit par redescendre, et en quelques jours, parfois en quelques semaines, les choses vont revenir à peu près à la normale. Et hélas, dans certains cas, certaines personnes... pour différentes raisons, à la fois des vulnérabilités génétiques sans doute, mais aussi des antécédents peut-être de traumatismes quand on était enfant, parce qu'on avait été un peu négligé, parce qu'on avait été abusé aussi quand on était enfant, font que ce stress aigu chez l'adulte va avoir un effet de réactivation de stress plus ancien, ce qui à ce moment-là va pouvoir déboucher sur un trouble chronique qui parfois lui va durer en tout cas plusieurs mois et même parfois s'installer durablement et qui peut survenir parfois à distance, même parfois pas. plusieurs mois après, parfois un an après, l'événement traumatisant, ce qu'on appelle l'état de stress post-traumatique, c'est-à-dire un stress qui, au lieu d'être aigu, va s'installer dans la durée, dans la distance.
- Speaker #0
Et quels sont les événements qui peuvent conduire à un état de stress post-traumatique ?
- Speaker #4
Eh bien, initialement, les états de stress post-traumatique ont été décrits en psychiatrie militaire. Typiquement, on sait qu'en situation de conflit, les soldats, mais aussi les civils éventuellement, vont être confrontés à des situations où ils sont en danger par rapport à... À leur propre vie, ils ont l'impression qu'ils risquent mourir d'un moment à l'autre. Et c'est typiquement des événements qui peuvent déclencher ce type d'état de stress. Néanmoins, il y a deux autres portes d'entrée dans l'état de stress post-traumatique. L'une, c'est d'être non seulement victime, mais d'être simplement témoin, si j'ose dire. Et le fait d'être témoin, un témoin impuissant, est une grande porte d'entrée. Parce que finalement, tant qu'on peut réagir, tant qu'on est dans l'action, souvent on résiste mieux au trauma. Et on se rendait compte en psychiatrie militaire, mais c'est ce qu'on voit aussi sur les survivants du Bataclan, que les taux de stress post-traumatique sont plus importants finalement chez les gens qui ont été témoins de l'attaque des terroristes, sans en être directement victimes, que chez les gens qui ont été victimes avec des impacts de balles, des choses comme ça, et qui ont été survivants. Et puis c'est important d'ailleurs cette histoire de témoins à prendre en compte par rapport aux états de stress post-traumatique qu'on peut rencontrer chez des enfants. C'est-à-dire les enfants traumatisés, ce n'est pas simplement des enfants qui ont été victimes de violences, c'est des enfants qui peuvent avoir été témoins des violences entre leurs parents. Et on sait que ces violences-là vont avoir un impact neuropsychique et tout à fait décisif. Puis il y a une troisième porte d'entrée, mais qui est plus rare, qu'on voyait en psychiatrie militaire, mais qui est moins courante, c'est d'être auteur de violences. Et à terme, effectivement, on peut avoir des retours, des retours traumatiques. Donc c'est les trois grosses portes d'entrée, essentiellement victimes, témoins, et accessoirement auteurs de violences.
- Speaker #0
Qu'est-ce qu'un événement de revivissance traumatique ?
- Speaker #1
La particularité des états de stress post-traumatique, c'est qu'un des symptômes finalement les plus douloureux, c'est les intrusions. C'est-à-dire, c'est des flashbacks, un moment où sans qu'on s'y attende, on est dans le bus, ou dans un tram, ou dans un métro, et tout d'un coup, on va revivre la situation, on a été agressé sexuellement. Par exemple, tout simplement, on se rendra compte après coup, c'est parmi les choses à décrypter quand on essaye d'aider ces personnes. Parce qu'on a croisé le regard d'un homme avec des lunettes, alors qu'on avait été agressé par un homme avec des lunettes. Ce qui fait qu'à un moment où on n'avait vraiment aucun lien, ça va refaire intrusion, on va revivre la scène, mais on va la revivre, y compris physiquement, avec le cœur qui s'accélère. Enfin, la même situation que celle qu'on décrivait en stress aigu, sauf qu'il n'y a aucune raison objective. Donc c'est d'autant plus paniquant qu'il n'y a pas de raison objective, justement. Donc ça déclenche à ce moment-là des mécanismes secondaires, au-delà de l'intrusion, qui sont des mécanismes d'évitement. C'est-à-dire que c'est tellement douloureux de vivre ces expériences que souvent, une partie des personnes en tout cas qui sont soumises à ces réintrusions, à ces flashbacks, vont avoir tendance à s'isoler, à ne plus prendre des transports en commun qui pourraient les réexposer, à ne plus aller dans le quartier où s'était passée la scène douloureuse, à éviter tel ou tel objet ou telle ou telle date. Vous imaginez une date anniversaire, c'est pratiquement inévitable pour le coup, à essayer de contourner. ces obstacles et on se rend compte que chez des gens qui ont des stress post-traumatiques sévères, ça peut les conduire à un isolement social complet, où ils évitent toute relation avec des personnes parce que tout va les réactiver, tout regard qu'on peut avoir dans la rue, parfois un regard moyennement sympathique, sur lequel nous on passera, enfin c'est pas agréable, mais on se dit qu'est-ce qu'il me veut, etc. Chez des personnes qui sont en hyper-vigilance anxieuse, qui ont toujours l'impression que... ça va leur retomber dessus, qu'ils vont être agressés, qu'ils se méfient, qu'ils regardent derrière. Ça devient absolument invivable et à ce moment-là, il y a des positions de retrait. Donc schématiquement, ce qui est vraiment douloureux, c'est les intrusions et ce qui peut amener, du fait de l'hypervigilance anxieuse, à éviter de sortir, à éviter de bouger. Puis il y a un autre mécanisme qui est vraiment très important, qui est toujours du côté de l'intrusion, c'est au moment où on ne peut pas éviter, c'est-à-dire quand on dort. Quand on dort, le cauchemar va réamener la scène traumatique. Je me souviens d'un jeune militaire qui me racontait comment, lors de sa première mission en Bosnie, il avait 20 ans, sa première mission avait été de déterrer des charniers de corps humains à la pelleteuse. Et plusieurs années après, les odeurs du charnier le reprenaient dès qu'il trouvait le sommeil. Ce qui fait que ça l'avait amené secondairement à s'abrutir à grands coups de morphine et d'alcool pour avoir un sommeil anesthétique.
- Speaker #0
Si je suis secouriste en santé mentale, comment je peux aider une personne suite à un événement traumatique ? Comment on agit face à quelqu'un qui revit un événement ?
- Speaker #1
Alors quand on est secouriste, là ce qui est vraiment absolument décisif, c'est d'essayer de recréer, autant que faire se peut, un climat de sécurité et d'apaisement, c'est la clé. Arriver à convaincre la personne que dans le cadre dans lequel elle le rencontre, ça dépend si c'est à distance de l'événement ou si c'est à la suite immédiate de l'événement, mais en tout cas, essayer de garantir que l'échange qu'on va pouvoir avoir soit dans un espace de sécurité. Le deuxième élément qui est vraiment important, c'est comme toujours de se placer sur un terrain non jugeant, sur un terrain de parité, pas un terrain d'experts, mais un terrain plutôt de quelqu'un qui prend soin de l'autre, qui est empathique, qui essaye d'aider, et d'essayer surtout de convaincre la personne qu'elle n'a pas à se sentir coupable de ce qui s'est passé, ou honteuse d'ailleurs. Mais c'est souvent la culpabilité, les sentiments de malaise. par rapport à ce qui s'est passé, où on a survécu, où on s'en est sorti, pas d'autres, etc. qui font que c'est extrêmement difficile à vivre. Et à ce moment-là, accompagner vraiment cette dimension-là chez la personne pour essayer de la mener vraiment sur la pente du fait qu'elle est une personne tout à fait respectable, qu'elle a été confrontée à une situation douloureuse, absolument improbable, impossible à vivre et que finalement elle est toujours là avec nous, qu'elle est toujours vivante et qu'on est là pour essayer de l'accompagner. Un autre élément sans doute qui est important quand on a affaire à des reviviscences, comme c'était dit tout à l'heure, c'est d'introduire très gentiment le doute, c'est-à-dire rappeler à la personne, oui mais le monsieur avait des lunettes que tu as croisées dans le tram ou dans le métro, ce n'est pas celui du tout que vous avez vu il y a quelques années. C'est-à-dire essayer progressivement d'amener la personne à essayer de faire la part des choses. entre la réalité du moment où elle a survécu, en fait, elle a réussi à triompher de cet épisode, et le moment où elle était, au contraire, complètement soumise à l'agresseur, à la violence de l'agresseur, et en essayant de l'aider à voir que, justement, ce n'est pas la même situation, qu'il y a une différence, que maintenant, on est présent, on est là, on est aujourd'hui et maintenant, et qu'on a réussi à avancer, et qu'il faut continuer à avancer, que la plupart des personnes qui traversent des épisodes aussi douloureux, maintenant, trouvent des moyens de s'en sortir et de retrouver une vie plus paisible.
- Speaker #0
Et justement, quels sont ces moyens ? Quelle thérapie spécifique pour la prise en charge de ce syndrome de stress post-traumatique ?
- Speaker #1
Pour les états de stress post-traumatique, ce qui a beaucoup été développé ces dernières années, il y a vraiment eu d'énormes avancées à vrai dire, ce sont des thérapies dites d'exposition prolongée. C'est-à-dire que contrairement à ce qu'on faisait au départ, où on hésitait finalement à revenir sur le souvenir traumatique, parce qu'on avait le sentiment que c'était très douloureux pour la personne, et que finalement ça ne débouchait pas sur grand-chose à part la faire souffrir à nouveau, maintenant on sait qu'il y a des techniques qui peuvent permettre d'aider la personne à se remémorer le souvenir traumatique, mais en assortissant cette exposition mémorielle de différentes techniques qui vont faire baisser la pression. Alors ça peut être avec des médicaments. avec la méthode Brunet, par exemple, avec le cardi, des bêtas bloquants. Ça peut être avec des techniques psychothérapeutiques, comme le MDR, les balancements des yeux, l'ICV, enfin, il y a différentes techniques. Mais toujours éthique, actuellement, on développe même aux États-Unis une expérimentation actuelle avec des nouvelles molécules, comme la MDMA, etc. Le tout est de permettre à la personne de faire l'expérience qu'elle peut évoquer le souvenir, sans avoir les symptômes physiques de perte de contrôle et de panique. Ce qui fait que petit à petit, ça lui permet de se déconditionner en quelque sorte et de désamorcer le couplage entre la remémoration et l'invasion panique. Voilà, et la souffrance. Et plus on y arrive, et généralement ça va relativement vite, plus on arrive à soulager ces personnes-là, où ça restera évidemment un très mauvais souvenir, mais un souvenir. C'est-à-dire pour l'on se le remémorer. péniblement, mais sans être de nouveau envahie de panique, sans avoir besoin de trembler, enfermée chez elle pour éviter tout contact avec l'extérieur.
- Speaker #0
Merci docteur, merci pour cet éclairage.
- Speaker #1
Merci.
- Speaker #0
Bonjour Laurine.
- Speaker #2
Bonjour Arianna.
- Speaker #0
Vous êtes secouriste en santé mentale depuis octobre 2023 et vous êtes avec nous aujourd'hui pour nous raconter votre aide auprès d'une personne ayant vécu un événement traumatique.
- Speaker #2
C'est ça.
- Speaker #0
Pouvez-vous nous décrire l'expérience qui vous a le plus marquée, Laurine ?
- Speaker #2
Très récemment, j'ai une amie à moi qui est très proche. En gros, elle est diagnostiquée avec un stress post-traumatique dû à une enfance un peu compliquée. Et souvent, elle m'a raconté des épisodes de reviviscence par le passé lors de soirées qu'on avait souvent autour de soirées alcoolisées quand même où ça revenait un peu plus naturellement pour elle. Et donc, il y a quelques semaines, on est sortis en boîte de nuit toutes les deux. Et vers 4h du matin, en sortant, On était en pleine conversation et d'un coup, elle se précipite vers un groupe de personnes en pleurant. Elle va vers leur chien et commence à le caresser en s'effondrant par terre, etc. Le chien était donc à un groupe d'hommes qui avaient l'air aussi alcoolisés, donc c'était un petit peu dangereux. Elle commence à hurler le prénom de son chien qui est décédé il y a plusieurs années en le caressant, etc. J'ai tout de suite fait le lien avec le fait que ça semblait être... un épisode traumatique pour elle, donc je l'ai d'abord isolée, parce que ça me paraissait assez dangereux comme situation, mais c'était un peu compliqué de l'isoler, parce que du coup elle était dans le souvenir, donc pour elle c'était son chien, et il ne fallait pas qu'elle s'en éloigne, parce que les gens allaient l'emmener. Donc je lui ai dit « ah j'ai quelque chose à te dire, viens » . Et donc à ce moment-là elle me disait « mais c'est mon chien, c'est mon chien, je ne suis pas folle, je te promets, c'est vraiment mon chien » . Et donc je lui ai dit « oui mais je... » Je veux bien te croire sur le fait qu'ils ressemblent beaucoup. Donc j'ai vraiment essayé d'écouter toute sa peine et toute la douleur qu'elle avait à me confier. Et en même temps, j'ai essayé de la ramener un petit peu dans l'instant présent.
- Speaker #0
Est-ce que vous pensez que ce soir-là, l'alcool a été un facteur déclencheur du flashback de votre amie ?
- Speaker #2
Alors oui, c'est connu que l'alcool est un énorme facilitateur d'anxiété. Après, je sais qu'elle a déjà eu des... Les souvenirs traumatiques sont remontés comme ça, complètement en dehors d'un moment d'alcoolémie. Mais c'est vrai que ça aggrave, clairement. Et quand une personne est sensibilisée par le stress post-traumatique, essayer de lui suggérer peut-être de moins s'alcooliser, ou de faire attention dans les moments comme ça, d'être plus vigilant.
- Speaker #0
Est-ce que vous avez compris à quoi lui faisait penser ce chien, et qu'est-ce que ça avait déclenché chez elle ?
- Speaker #2
Alors oui, parce que je connais un peu son histoire familiale, où du coup elle a grandi avec une maman qui souffre d'alcoolisme et un papa assez violent. Et donc elle avait déjà eu des histoires dont elle m'avait parlé un petit peu à mi-mot sur des chiens qui étaient décédés, qu'elle se sentait coupable parce qu'elle n'avait pas pu être présente, que les parents avaient plus ou moins menti sur les circonstances de la mort du chien. et qu'elle se sentait un peu responsable de ne pas avoir pu intervenir à ce moment-là. Et donc j'ai tout de suite pensé que ça avait un rapport avec ça en fait.
- Speaker #0
Le chien a déclenché chez elle cette reviviscence traumatique ?
- Speaker #2
Oui complètement parce que là elle s'est mise à pleurer, à s'effondrer en me disant que c'était atroce, qu'au moins elle était morte, qu'elle aurait aimé avoir fait quelque chose. Et donc c'était un peu confus, c'était tout mélangé, elle disait il faut aller le récupérer, il faut aller le récupérer, et donc j'ai essayé de la ramener en lui disant mais regarde ce chien, c'est vrai, il lui ressemble, je comprends, par contre il est à ces personnes, on ne peut pas aller le récupérer, il est peut-être bien avec eux, on ne sait pas, mais il faut quand même du coup qu'on s'éloigne et qu'on rentre. À un autre moment, elle n'arrêtait pas de le fixer, donc elle faisait demi-tour pour qu'on y retourne, je lui ai pointé la lune, je lui ai dit mais regarde ton chien il est là-haut, il te regarde et il ne voudrait pas que tu te mettes en danger, moi en tant qu'ami je ne peux pas. pas te laisser y retourner, c'est trop dangereux. Parce qu'elle n'arrêtait pas de me dire mais je suis pas folle, je suis pas folle. Je dis oui oui ça je remets pas ça en question mais juste voilà voilà on peut pas rester quoi. Et donc je lui ai demandé si elle se sentait de m'expliquer pourquoi elle était dans cet état et donc c'est là où elle m'a raconté que ben un jour ses parents lui avaient dit que le chien n'allait pas très bien, qu'il était allé chez le vétérinaire et elle avait essayé de creuser et lui a dit non non mais c'est bon c'est réglé. Et qu'en fait, ils ont attendu, je crois, un bon moment, un bon mois avant de lui dire « Ah, mais en fait, elle est décédée il y a déjà un petit moment, parce qu'elle n'habitait plus avec ses parents à ce moment-là. » Et ce n'était pas la première fois que ça arrivait avec des animaux de la famille. Et donc, il y avait tout ce sentiment de responsabilité, de « j'aurais dû intervenir, je savais que mes parents n'étaient pas des personnes fiables. » Donc voilà, j'ai essayé un peu de l'apaiser en lui disant que ce n'est pas de sa faute, et que c'est tragique, c'est vrai, que je comprends que la perte d'un animal, ça peut être tout aussi violent que la perte d'un humain. Mais que visiblement, là, il y avait quelque chose d'autre en dessous. Donc j'ai dit, écoute, on va rentrer. J'ai essayé de la faire parler, en fait. En même temps que je rentrais vers chez moi. Parce que c'était un lieu sûr, tout simplement. Et le lendemain, elle est revenue dessus en s'excusant. Elle culpabilisait beaucoup. En me disant, je suis désolée, j'ai gâché la soirée, etc. Donc je lui ai dit, non, moi tu m'as juste fait peur. Parce que la situation était quand même assez dangereuse. Ce chien n'était pas... petit chien. Ses hommes étaient alcoolisés, il était 4h du matin, il était en tenue de soirée, robe courte, en plein centre-ville, donc c'était pas terrible. Mais par contre, je lui ai dit, est-ce que tu penses pas qu'il faudrait que tu en parles à ta psy ? Parce que je sais qu'elle fait des séances de MDR en ce moment avec sa psy. Je lui ai dit, visiblement, ça a l'air d'être quelque chose qui t'a vraiment traumatisé. Elle me dit, oui, c'est vrai que je réalisais pas que ça pouvait être un trauma. En EMDR, on demande de faire la liste des pires traumas sur lesquels on retravaillait, et elle me dit, là, clairement, je pense qu'on va en parler.
- Speaker #0
Excusez-moi, Laurine, est-ce que vous pouvez nous préciser ce qu'est l'EMDR ?
- Speaker #2
Oui, alors, je vais utiliser mes mots, mais c'est une thérapie brève qui utilise des mouvements répétitifs, tout en revivant certains traumatismes, en repensant aux souvenirs traumatiques pour essayer de les « digérer » . Plus on va travailler... En EMDR, on retravaille les souvenirs régulièrement, et plus le cerveau va les traiter comme un souvenir quelconque.
- Speaker #0
Ce chien n'était finalement que le déclencheur de souvenirs qui remontaient à son esprit ?
- Speaker #2
Exactement, de souvenirs de son enfance, de son rapport à la famille, à ses parents. Et donc là, par la suite, elle m'a raconté, il y a quelques jours, que grâce à l'EMDR, elle avait compris qu'en fait, elle avait fait comme un espèce de transfert. que quand elle était petite, elle aurait aimé qu'on la sauve et que ce chien, elle aurait aimé le sauver comme elle aurait aimé qu'on la sauve elle. Et que ça faisait beaucoup écho à des parents négligents, tout simplement.
- Speaker #0
Et finalement, est-ce que vous avez compris ou vous avez su ce qui leur est arrivé à ces animaux, à ces chiens dont votre amie vous parlait ?
- Speaker #2
Oui, alors en fait, il y en avait eu deux autres avant où un jour, elle les a trouvés décédés dans la voiture, sachant qu'ils habitaient dans un endroit très très chaud. Et en fait, elle s'est rendue compte que c'était parce que sa mère était alcoolisée qu'elle avait oublié les chiens dans la voiture. Et il y avait aussi des épisodes où elle et son frère se faisaient régulièrement battre. Elle m'a évoqué que ça pouvait arriver aux chiens aussi. Donc comme je disais, il y a tout un côté transfert de la négligence des parents et de la violence envers eux deux. Que du coup, elle avait parfois plus d'empathie pour les chiens que pour elle-même finalement. Parce que c'était trop difficile à accepter.
- Speaker #0
Est-ce qu'on peut revenir, Laurine, un petit peu sur la façon dont vous avez accompagné votre amie en plein état de crise ? Oui. J'ai compris que vous l'aviez d'abord mise en sécurité. Oui. Et merci pour elle. Que vous l'aviez ensuite beaucoup écoutée. Oui. Et qu'ensuite vous aviez tenté de la faire revenir à l'instant présent pour qu'elle sorte de ce mauvais moment, de cette reviviscence traumatique.
- Speaker #2
Oui, c'est ça. En fait, j'étais un petit peu partagée parce que je ne suis pas thérapeute. Donc je me disais, il faut peut-être aussi qu'elle évacue ce sentiment, etc. Et en même temps, j'essayais, sans essayer de trop aller contre son discours pour ne pas la blesser, tout simplement, et qu'elle s'énerve. Mais en même temps, lui dire, tiens, regarde, est-ce que tu ne crois pas que ça pourrait être ça ? Et à un moment, je lui ai même dit, moi, je pense que là, ce qui t'arrive, c'est une reviviscence, comme tu m'en as déjà parlé. Donc il ne faut pas retourner vers ce chien. Mais voilà, il faut essayer de rentrer chez moi, qu'on en discute, etc. Et donc c'était compliqué parce qu'elle était en boucle, elle s'arrêtait sur le chemin, elle voulait y retourner. Donc il a vraiment fallu être ferme et en même temps accueillir tout ça, sans trop la juger.
- Speaker #0
Et justement, avec le recul et sur la base de cette expérience, est-ce qu'il y a quelque chose que vous feriez différemment ?
- Speaker #2
Oui, j'étais moins dans l'écoute, j'étais plus dans le fait de vouloir raisonner, de vouloir secourir en fait, vraiment en donnant des conseils, etc. J'aurais peut-être plus écouté, parce que dans ces moments-là, je ne suis pas sûre qu'on puisse toujours être apte de l'autre côté aussi à entendre certaines choses. Peut-être le lendemain, lui dire, bon, là, je pense que c'est un épisode traumatique. Mais sur le moment, c'est peut-être compliqué à entendre. Donc, voilà, ce serait plus ça.
- Speaker #0
En même temps, vous tentiez de la mettre en sécurité. Donc, il y avait aussi le degré d'urgence dans cette situation d'invivissance.
- Speaker #2
C'est que dans ce genre de situation, nous, on gère notre propre stress aussi. Donc, malgré les enseignements qu'on a, on réagit comme on peut, tout simplement.
- Speaker #0
Et qu'est-ce que la formation PSSM vous a apporté ?
- Speaker #2
Alors moi, j'avais déjà vécu plusieurs situations de secourisme avant de faire la formation. En fait, je cherchais surtout à trouver un moyen d'avoir du recul quand je portais assistance, parce que c'est quelque chose qui finissait par me travailler par moments. Je me sentais parfois pas apte à vraiment aider les personnes, ou je culpabilisais après coup quand des fois je ne m'en sentais pas capable. parce que moi-même, je vivais un moment particulier, difficile ou autre. Et donc, c'était plus ce côté d'apprendre à se mettre en sécurité aussi. Parce qu'on ne peut pas aider si on n'est pas soi-même en sécurité.
- Speaker #0
De se sentir moins affecté ?
- Speaker #2
Oui, voilà, d'être moins affecté, c'est ça.
- Speaker #0
Et qu'est-ce que ça a changé dans votre regard sur les troubles psychiques ?
- Speaker #2
Moi, j'étais déjà quand même très renseignée. C'est vraiment plus le fait de voir qu'il y a tout un réseau, qu'il y a beaucoup de gens qui sont motivés. par le fait de se former et d'avoir vraiment des lieux, des ressources, des personnes que je pouvais contacter si j'avais des questions. Je ne connaissais pas moi, par exemple, le PSSM. Je connaissais le 3114, mais là, il y a tout ce côté réseau qui est important.
- Speaker #0
Vous vous en servez aujourd'hui ?
- Speaker #2
Oui, oui, oui. Là, j'essaye de mettre en place une journée de prévention. Et donc, ça m'aide aussi, puisque j'ai enfin des acteurs à contacter. Et voilà.
- Speaker #0
Et pourquoi conseilleriez-vous cette formation du coup ?
- Speaker #2
Moi je la conseillerais parce que je pense que c'est un sujet qui est encore trop tabou. Et pourtant, c'est prouvé par les chiffres, énormément de gens sont atteints à un moment dans leur vie d'un trouble psy. Et on a tous connu au moins une personne dans notre vie qui n'allait pas bien. Et je pense qu'il y a des clés toutes simples qui auraient pu aider déjà beaucoup beaucoup de gens. Au même titre que les premiers secours physiques quoi. Même si, évidemment, on n'est pas professionnels de santé mentale, on a tous un petit rôle à jouer et ça peut aussi aider beaucoup de monde.
- Speaker #0
Merci, Laurine.
- Speaker #2
De rien, merci.
- Speaker #0
Merci pour votre précieux témoignage.
- Speaker #2
Merci à vous.
- Speaker #0
Vous l'avez compris dans cet épisode, on a été, on est ou on sera peut-être... tous concernés un jour par un proche qui ne va pas bien. Si vous êtes dans cette situation, vous pouvez vous appuyer sur ces ressources. Le carnet du secouriste en santé mentale, mieux aider un adulte suite à un événement traumatique. Il est disponible en téléchargement gratuit sur le site de PSSM France. Vous pouvez aussi regarder la chaîne YouTube et les témoignages du Centre national de ressources et de résilience, le CN2R, qui est un dispositif visant à améliorer la prise en charge du psychotraumatisme. Enfin, si vous vous sentez prêt ou prête à vous confronter à des récits difficiles, On vous invite à écouter l'épisode « Stress, post-traumatique, comment s'inscrit-il dans notre corps ? » C'est un épisode du podcast « Émotions » par Louis Média. En plus de ces ressources, sachez que venir en aide à quelqu'un suite à un événement traumatique, ça s'apprend. Sans pour autant se substituer au professionnel, sans pour autant devenir un soignant. Comment offrir son soutien ? Quelles sont les choses à éviter de dire ? Et au contraire, les bonnes pratiques, les bons mots ? Quelles sont les ressources et les professionnels vers qui orienter ? Voici autant d'éléments qui sont abordés lors de la formation des premiers secours en santé mentale. Nous avons tous un rôle à jouer en tant que secouristes en santé mentale. Alors vous aussi, rejoignez cette démarche citoyenne et apprenez à aider en vous formant aux premiers secours en santé mentale. Pour cela, rien de plus simple, rendez-vous sur le site internet de PSSM. C'était Apprendre à aider, le podcast sur le secourisme en santé mentale. Si vous avez aimé cet épisode, laissez-nous un commentaire ou un like sur votre plateforme d'écoute. Merci. Rendez-vous dans un mois pour votre prochain épisode. Apprendre à aider est un podcast PSSM France, produit par Plus de Sens. Ce podcast a été rendu possible grâce au Self-Esteem Club d'Herborian. Partenaires de PSSN France. Présentation, Oriana Dobrometz. Direction éditoriale, Stéphanie Rojdix et Oriana Dobrometz. Direction de la production, Nicolas Pinault.