Aline PerdereauBonjour à tous, merci aux différents intervenants pour leur proposition, c'était assez passionnant. Merci à Patrick et son équipe pour l'invitation et l'accueil. Moi, je suis agricultrice. installée en Bretagne depuis 2023. Je vais vraiment vous montrer un peu mon travail d'agricultrice. Le bleu que j'ai choisi vient du Japon. On va faire un petit voyage entre la Bretagne et le Japon aujourd'hui. Il s'agit de la persiquaire indigo. Ma ferme s'appelle Curly View, qui veut dire la maison des couleurs en breton. J'ai une surface d'à peu près 5 hectares. Avec en culture principale la persiquaire, le rezéda, l'utéola, la garance et puis quelques fleurs pour les oranges et les jaunes. Je fais aussi un peu des plantes aromatiques et médicinales en complément. Et puis sur l'équipement, c'est assez mécanisé aussi parce que sur la surface, on travaille. avec des outils mécanisés. J'ai un petit séchoir qui fait une trentaine de mètres carrés. Et puis, je peux travailler aussi avec un prestataire qui fait du séchage en plus grosse quantité. Donc, j'aime bien dire que je peux sécher et vendre du gramme à la tonne. Ça, c'est plutôt intéressant. Vous avez une illustration de la première parcelle sur laquelle je travaille. Ce qui est intéressant, c'est qu'il y a une présence d'eau. C'est super important quand on travaille l'agriculture, d'avoir vraiment savoir s'il y a une présence d'eau sur le terrain. Le portrait, en deux mots, j'ai eu une vie assez différente avant d'être agricultrice. droit public sur le patrimoine architectural, design de mode. Et puis en 2022, j'ai passé un diplôme agricole. J'ai fait tout le parcours d'installation, comme il fallait à la chambre d'agriculture du Morbihan. Et j'ai eu la chance de faire la formation le Lucard à Agnons, menée par Marie Marquet et Magali Bontou. Et puis je me suis installée au printemps... Au printemps 2023, grâce aussi à la SAFER, la société d'aménagement, qui a permis une installation progressive sur les deux parcelles qui font au total une quinzaine d'hectares. Donc la persiquaire, c'est ma source de bleu. Elle a plein de noms, on peut l'appeler la renouée des teinturiers. Alors quand on dit renouée, des agriculteurs font des gestes pas possibles parce que c'est le nom aussi d'une plante invasive, la renouée des oiseaux. J'essaie de leur rassurer, de leur dire que non, je ne cultive pas cette plante invasive. Mais la mienne s'appelle Polygonum tinctorium aussi et c'est de la famille du sarrazin. Donc ça, ça les rassure un petit peu, surtout en Bretagne avec les galettes. de sa rasin. Donc c'est une polygonacée, on la reconnaît avec sa graine qui est à multiples facettes, comme ça. Elle vient du Japon, et ça c'est plutôt intéressant pour moi, parce que il y a des corrélations entre le climat de son pays d'origine et le climat de la Bretagne, là où je la cultive. Il y a aussi une corrélation sur la nomination, comment est-ce qu'on parle de bleu. c'est quoi le nom du bleu en japonais et c'est quoi le nom du bleu en breton et en fait je pense que là il y a vraiment quelque chose d'assez culturel, les peuples de la mer peut-être ils ont plus de vocabulaire ou plus de nuances de bleu dans leur langage il faudrait demander à Michel Pastoureau s'il y a une... Une justification sociologique à ça. Dans tous les cas, elle a été cultivée au XXe siècle et il y avait presque 15 000 hectares sur une île japonaise. Et puis c'est Michel Garcia qui l'a rapportée dans ses bagages. Il y a eu d'autres essais au XVIIIe en Europe. Voilà, je vous ai mis le glace. Le glace, c'est la couleur du bleu vert en breton. Et donc, c'est la couleur de la mer quand elle hésite entre le bleu et le vert et parfois le bleu. Donc là, je vous disais, la comparaison, elle peut avoir ses limites, la comparaison, parce que le Japon, il est quand même sur des rivages de la mer. Voilà, on est dans le Pacifique, on n'est pas dans l'Atlantique. Sauf qu'il y a quand même des comparaisons au niveau du climat, de la nature des sols, de la pluviométrie. Peut-être avec le changement climatique aussi, on viendra avoir des étés un peu plus chauds, des effets de mousson comme l'année dernière en Bretagne où il a plu au moins trois fois plus que d'habitude. Très peu de gel, donc en fait voilà, on est sur des choses assez similaires. En tout cas, j'essaye de comprendre aussi comment cette plante-là, elle peut s'investir en Bretagne. Petit clin d'œil sur la marinière bretonne, symbole de l'usage de l'indigo, qui était plutôt de l'indigo ferrat pour le coup. Et là, j'essaye de faire un parallèle entre mon travail dans le champ, qu'est-ce que je fais avec ma plante, avec mon sol, les amendements, comment je gère l'irrigation, et qu'est-ce que je fais dans ma cuve d'extraction. Moi l'indigo, l'année dernière on a fait quasiment une saison de recherche et développement pour faire une extraction basse température, pour éviter d'avoir à chauffer tous les trois jours 10 mètres cubes d'eau, parce que c'est énergivore, parce que je pense qu'on peut faire un peu différemment. Donc moi je cultive à peu près 6 plants par mètre carré, je suis en bio, j'utilise les engrais verts. et les légumineuses parce qu'elles permettent un apport d'azote. C'était suite à une prairie où il y avait des vaches, donc les trois premières années, on apporte rien du tout, le sol est suffisamment riche pour ça. Je fais des planches de 150 mètres de long, et le ratio que j'arrive à faire, c'est de récolter à peu près 600 kg de feuilles fraîches sur une planche. J'essaye de contrôler les ravageurs parce qu'il y en a quelques-uns et notamment la noctuelle qui m'a posé beaucoup de problèmes. Donc là c'est Agrotis Ypsilon qui est une espèce migratrice qui vient d'Afrique. Et il y a dix jours sur les 6000 plants qu'on avait plantés, en trois jours il n'y avait plus rien. Donc là il faut trouver des solutions. et puis voilà sur l'extraction j'ai rien inventé en fait j'ai juste une serre qui va me permettre d'avoir une température qui est plus élevée qu'à l'extérieur et donc l'été en Bretagne de retrouver des conditions un petit peu tropicales ce qui fait que je peux faire une extraction à partir d'eau froide c'est un peu plus difficile à maîtriser mais avec des phases de nettoyage et d'affinage j'arrive à un produit qui est assez correct et qui n'a pas à rougir Par rapport aux autres concurrents qui travaillent avec une extraction à l'eau chaude. Ça, c'était plutôt quelque chose de satisfaisant. Là, je vais essayer de vous montrer... Comment est-ce qu'on revient au... Je vais essayer... Non, c'est bon, j'ai trouvé. J'ai une petite vidéo où je vous montre la plantation. voilà donc sur le tracteur une petite machine qui tourne à vitesse très lente parce que là il ya deux rangs mais comme je suis toute seule il faut alimenter les Les deux godets d'un seul coup. Donc à partir de cette année, j'ai un peu plus de coups de main. Mais voilà. Donc c'est un peu comme ça que ça marche. Donc ça, c'est très technique. Mais c'est intéressant aussi à voir. On revient à ça. Donc là, c'est... Alors, c'est intéressant parce que ce que disait Géraldine sur la biodiversité, moi, je le vois tous les jours. Il y a les auxiliaires, il y a les ravageurs. Et puis, il y a les solutions. Voilà, comment est-ce qu'on travaille ? Un binage vaut deux arrosages. Tous les agriculteurs et les maraîchers vous le diront. Et puis, ce que disait Anne-Sophie sur les canards, en fait, moi, je me suis résolue à ça. à cette solution-là avec des poules pour gérer ces fameuses chenilles qui sont des larves d'un papillon de nuit. Et donc avec des voisins, on va faire poulailler commun. Les poules vont venir nettoyer les parcelles avant la plantation pour ne plus avoir ce souci, ou en tout cas pour essayer de le maîtriser au maximum. Voilà, donc là vous avez le travail du sol, les araignées qu'on peut observer, les salamandres. et puis quelques ravageurs. Alors, est-ce que j'arrive à faire ? Non. C'était la récolte manuelle l'année dernière. Donc ça, c'est le champ. Il y a une abeille pollinisatrice aussi. Et la petite machine au milieu, c'est ce qui va me servir cette année pour faire une récolte mécanique. Je vais un peu la transformer, je pense, pour relever sur le côté avec des soleils. Mais ça existe déjà, c'est utilisé par les éleveurs pour faucher l'herbe et donner aux vaches dans les étals. Je ne sais pas si j'ai tout fait. Voilà, donc ça, c'est quelques images des extractions. Donc, on a la partie macération, la partie oxygénation. la partie filtration et séchage. On a quand même des bleus qui sont assez sympas. Et puis, pour revenir sur le parallèle entre la culture et l'extraction, comment est-ce que moi, qui ai la charge du sol et des habitants du sol, tous les vers de terre, c'est aussi mon cheptel. Je dirais parce qu'il travaille pour moi. Il facilite la structure du sol qui est hyper intéressante et qui va venir nourrir la plante. Donc voilà, j'ai essayé de faire une comparaison parce qu'en maraîchage, par exemple, on parle beaucoup du rapport C sur N, carbone, azote, des engrais qu'on apporte pour avoir un certain équilibre. Le C et le N sont aussi présents dans l'indigo. Et comment est-ce que, quand on travaille notre sol, à quelle hauteur on arrive à favoriser cette émergence de la plante ? Idem pour la structure en eau. Le sol, c'est aussi une éponge avec une structure qui a une réserve d'eau. La feuille, elle a une réserve d'eau, la feuille de la persiquaire. L'idée, c'est d'aller chercher à l'intérieur de ces petites cellules et de ces évacuoles le précurseur qui est l'indicant. J'ai essayé de faire un petit parallèle entre la structure de la feuille telle qu'elle est au champ et comment on arrive à comprendre ce qui se passe dans la feuille et à comprendre ce qui se passe dans la formation de l'indigo dans la feuille. Il y a pas mal d'infos qu'on peut retrouver dans des études de 2014 qui sont assez connues et visibles. Les enjeux sont multiples. Enjeux sur l'eau, forcément, au réchauffement climatique. Même en Bretagne, on peut avoir des périodes de sécheresse assez fortes. J'arrive à irriguer au goutte-à-goutte, quasiment sur un hectare cinq. C'est aussi de l'investissement et du temps. et puis l'eau d'extraction de l'indigo, moi je la récupère, et j'ai un carré de menthe à côté, et j'arrose la menthe avec. C'est une activité qui est générateur d'autres activités annexes, pour moi, mon activité doit aussi permettre à des gens qui font des stages, de la formation et de la pédagogie, d'avoir un support. J'ai fait longtemps de la médiation, et maintenant j'ai une autre casquette. Mais si mon activité peut permettre à d'autres de se greffer et d'avoir ce type de portier, pour moi, c'est très important. Et puis, il y a des enjeux écologiques très forts. On l'a vu au cours de toutes les interventions. Moi, je travaille le sol, je travaille les plantes, je nourris aussi les abeilles, au final, avec les cosmos, avec les rotations, avec les engrais verts. Les enjeux énergétiques, effectivement, l'extraction de basse température et le séchage passif en container, ça économise énormément d'énergie et de carbone, donc ça, c'est top. Et puis, déjà en jeu agricole, on a parlé de la structuration de la filière. En Bretagne, il y a beaucoup de lin et de chanvre qui se relancent. Textiles, construction et puis d'autres filières. Il y a une micro-filière laine aussi qui est importante. Donc voilà, moi, c'est dans cette espèce de milieu que je veux m'inscrire et travailler. Et que la couleur, elle est vraiment un sens. J'ai aussi un petit point quand même sur le bio, parce que tout ce dont on a parlé là, au final, c'est un enjeu qui est très important en ce moment avec des lois, avec des réformes et avec des crédits qui peuvent être remis en question. Donc voilà, on travaille pour le sol, pour l'eau, pour la santé humaine. Donc voilà, je pense que s'il y a des... des choses à combattre et à défendre, c'est aussi ce combat-là qui est important. Et puis, voilà, là, on a les sites internet et quelques produits sur la laine, les sachets qui peuvent être commercialisés en petit ou grand volume. Voilà. Merci. Pas des sachets, mais j'ai ramené l'indigo que je peux proposer. Et puis là, c'est vraiment tous les essais avec les différentes étapes d'affinage et d'arriver à un produit correct. Alors, la rotation juste pour l'indigo. Parce qu'en fait, moi, j'ai une dizaine de plantes. Donc, la persiquaire, elle est annuelle. Donc, je la plante au mois de mai. Elle est fabriquée, on va dire, elle est élevée par un pépiniériste. Là, cette année, on est à 18 000 plants à peu près. Elle est élevée par un pépiniériste. Culture, récolte. Et ensuite, une fois que j'ai récolté les graines, donc ça peut aller jusqu'au mois d'octobre, la fructification et le... et la récolte de graines, je produis mes propres graines. Ensuite, c'est engrais verts, tout l'hiver, donc des mélanges variés. Et sur la parcelle où je fais l'indigo, il y a un tiers en plantes à fleurs, un tiers en indigo, et un tiers en engrais verts permanents. Et donc, tous les ans, ça tourne, pour pouvoir maintenir un certain niveau de matière organique dans le sol. Après, sur d'autres parcelles où il y a, par exemple, des bises annuelles, le réséda ou la garance, la rotation est un peu différente. Mais j'arrive à travailler avec, par exemple, des pommes de terre ou autres plants sur certaines parcelles. C'est pas une question. C'est pas une question. Et ta cible pour le moment, c'est de la vente au particulier avec ce packaging ? Avec celui-là, oui. En fait, si tu veux, sur la totalité, il y a à peu près 30% en vente directe, ce que j'appelle vente directe au particulier. Et puis, le plus gros, c'est quand même une vente à des transformateurs, des semi-grossistes ou des gens qui vont ensuite... travailler la matière pour leurs applications semi-industrielles ou artisanales. Là, j'ai un site internet vitrine où le particulier peut acheter des petits sachets parce que je pense que c'est quand même important de pouvoir montrer son travail et donner accès à n'importe qui et à tout le monde. Mais c'est vrai que le gros de la production est quand même fléché vers des grossistes. Sur ces gros titres qui font 70% de ton chiffre d'affaires, tu es à la commande au film de l'eau ou ils parlent des quoi ? De contractualisation pluriannuelle ? Ça peut être contractualisation pluriannuelle et c'est ce vers quoi on tend. pour sécuriser l'histoire. D'accord. Donc c'est pas encore en vente ? Bah moi je me suis installée en 2023, tu vois, donc là c'est en cours de montage tout ça. C'est des questions qu'on commence nous aussi à avoir dans la pluriannualisation, avec des fois l'incertitude d'une récolte de sa qualité. On n'a pas encore beaucoup de recul parfois sur nos cultures, et en même temps la garantie en étant prêts.