- Emilie Roulland
Ce sont des grandes tendances sociétales à 2050 qui ne sont pas une utopie. C'est un horizon atteignable si des choix politiques, scientifiques, industriels, économiques et sociaux sont faits dès aujourd'hui de façon audacieuse en fait. Ça demande une prise de conscience collective, un engagement fort en faveur de la durabilité, de l'équité et de l'innovation, qui sont donc autant de terrains d'application potentielle pour la teinture végétale et ses deux mains. Et en fait, les deux mains en question... C'est ce qu'on va dérouler au travers de cinq futurs potentiels qui, eux, décrivent finalement comment la teinture végétale est en train de se transformer à la lumière de ces méga-tendances à 2050. Le futur numéro un, c'est la biologie et les couleurs intelligentes. Le futur numéro deux, c'est la couleur soin. Le futur numéro trois, c'est la circularité et la durabilité. Le futur numéro 4, c'est l'approvisionnement, la transparence et la traçabilité des couleurs. Et le futur numéro 5, les savoir-faire ancestraux, la pédagogie, l'innovation et l'intégration. On va rentrer dans chacune d'entre elles progressivement avec ce qu'on appelle des murmures du monde, ce qui existe déjà en ce sens, et finalement des scénarios de ce qui pourrait voir le jour d'ici 2050, en ce sens.
- Pauline Leroux ArtEcoVert
Alors, le dernier futur, c'est le futur savoir-faire ancestraux, pédagogie, innovation et intégration. Alors, qu'est-ce qu'on a sur cette partie-là ?
- Emilie Roulland
Sur cette partie-là, on va voir comment les techniques ancestrales vont réapparaître dans la pédagogie de la couleur, mais aussi dans les façons d'innover et donc d'intégrer finalement ces métiers très anciens de façon contemporaine. Dans cet élan-là, à l'heure actuelle, on a deux projets qui sont intéressants, qui sont des murmures du présent. Waving Waving, de Brouham Co, qui transforme les déchets alimentaires en pigments naturels, et qui travaille le tissage notamment. Donc en fait, Waving Waving, c'est une méthodologie d'atelier qui aide les participants à gérer l'impact émotionnel de la crise climatique. Donc en d'autres termes, l'éco-anxiété. grâce à des pratiques de tissage collective qui utilisent des matériaux locaux. En favorisant une communauté solidaire, le projet encourage la résilience collective, les liens et l'autonomisation face aux défis environnementaux. Et en fait, ils travaillent ça grâce à des déchets et des pigments naturels. Il y a également le projet Virginia Tech. qui transforme des déchets alimentaires en pigments naturels, une trousse de peinture qui offre une alternative pédagogique aux teintures synthétiques et qui révèle le potentiel circulaire des composts scolaires. En d'autres termes, c'est une palette de couleurs offerte aux milieux scolaires de teintures et de peintures naturelles plutôt que synthétiques pour leur apprendre à travailler Merci. ces couleurs-là, plutôt que les couleurs synthétiques en tubes classiques, de gouache. C'est une alternative, en fait. Mais ce, dès les premières années. Donc on est dans la pédagogie positive de concepts qu'ils trouveront normal, eux, 20 ans plus tard.
- Pauline Leroux ArtEcoVert
Ouais, c'est dingue.
- Emilie Roulland
Et donc là, pareil, on a 8 scénarios d'avenir potentiels, pour ce qui est effectivement de la valorisation des savoir-faire ancestraux, de la pédagogie, de l'innovation et de l'intégration. On va commencer par la revalorisation des connaissances traditionnelles. On observe un regain d'intérêt pour les pratiques ancestrales de teinture végétale qui sont combinées à la recherche scientifique moderne, et ce pour optimiser les techniques et les reformulations, mais aussi pour favoriser une nouvelle génération d'experts et d'artisans. Les connaissances traditionnelles sur la culture et l'utilisation des plantes seront de plus en plus reconnues et valorisées comme une source d'inspiration et de savoir-faire pour l'avenir. pas uniquement par rapport à l'héritage du passé. On parlera de plus en plus également de collaboration interdisciplinaire. On verra beaucoup plus de collaboration entre les botanistes, les chimistes, les dermatologues, les coiffeurs, les experts en développement durable, dans le but d'innover dans le domaine de la teinture végétale pour partager les connaissances, surmonter les défis techniques et développer des chaînes d'approvisionnement qui soient viables. Donc en gros, mettre les compétences en commun. de plus en plus, même si elles paraissent éloignées, de façon quand même à pouvoir résoudre des problématiques communes. En termes d'éducation et de sensibilisation, on verra de plus en plus d'initiatives pour éduquer les designers, les fabricants et les consommateurs. sur les avantages et les spécificités de la teinture végétale, ce qui favorisera une meilleure compréhension et donc une adoption plus large de la teinture par les plantes. Ça passe aussi par les professionnels qui sont initiateurs de projets. On passera aussi en revue pas mal de teintures végétales DIY avancées, des kits finalement pour valoriser la teinture végétale à la portée de n'importe qui, à domicile. plus simples d'utilisation, avec des instructions claires, des outils précis pour obtenir des résultats professionnels. Les unités de teinture domestiques ou à petite échelle seront alimentées par des cartouches de concentrés de pigments végétaux qui pourraient permettre aux consommateurs et aux designers de teindre des textiles à la demande et de réduire les stocks tout en offrant une personnalisation extrême à la demande. Ce qui aussi renouvellerait la logique de savoir-faire puisque qui dit « do it yourself » dit « apprendre à faire » . On pourrait voir arriver aussi une communication interactive et éducative. Les marques utiliseront la réalité augmentée et la réalité virtuelle pour informer les consommateurs sur l'origine des ingrédients, les processus de fabrication et des bénéfices spécifiques des plantes utilisées. Donc là, ça rejoint un peu la traçabilité et finalement tout ce qui est de l'ordre de la chaîne d'approvisionnement, mais ce, de façon en réalité augmentée, réalité virtuelle, qui deviennent de ce fait pédagogique. Enfin, On pourrait parler d'hybridation des techniques. Au lieu d'une substitution complète des teintures synthétiques par les végétales, on observera probablement une période d'hybridation. Comme on était en train de dire, les deux coexisteront et ça fera naître des nouvelles possibilités auxquelles ni l'un ni l'autre séparément n'avaient forcément pensé. On parlera de transition sélective, c'est-à-dire que certains secteurs de l'industrie, le luxe, l'artisanat, les vêtements pour bébés ou le textile d'intérieur, pourraient être adoptés plus rapidement. ou plus largement la teinture végétale en raison de la demande des consommateurs et de la valeur perçue. D'autres secteurs, par exemple comme le vêtement de sport haute performance ou les textiles industriels, pourraient mettre plus de temps à intégrer des solutions végétales viables. Ça, c'est une réalité aussi. C'est pourquoi on parle de coexistence et effectivement, possiblement, de secteurs à plusieurs vitesses quant à l'intégration. Aussi, il est question finalement de faire accepter une palette de couleurs plus naturelle. Alors naturelle entre guillemets parce qu'il y a naturel et naturel, il y a ce qu'on appelle naturel et puis il y a ce qu'il l'est vraiment. En d'autres termes, les consommateurs et les designers pourraient progressivement s'habituer et apprécier des gammes de couleurs plus subtiles et plus nuancées offertes par les teintures végétales qui sont moins saturées. Tout comme les patines, en s'éloignant des couleurs vives et uniformes souvent associées aux synthétiques. Les couleurs végétales sont effectivement bien souvent plus pastelles, mais ce n'est pas toujours le cas. Certaines sont très vivaces et très saturées. Mais c'est vrai qu'on a tendance, malgré tout, à obtenir des tons un peu plus pastels qui semblent un peu délavés alors qu'ils ne le sont pas du tout.
- Pauline Leroux ArtEcoVert
Ça, ça dépend si la teinture est bien faite.
- Emilie Roulland
Exactement.
- Pauline Leroux ArtEcoVert
Pour le fer,
- Emilie Roulland
il...
- Pauline Leroux ArtEcoVert
Et en fait, le gros avantage de la couleur végétale, c'est la... Alors ça, c'est... sur les 200 personnes que j'ai reçues sur le podcast, c'est la flamboyance des couleurs végétales. Il se passe vraiment quelque chose. Et il y a eu des tests aussi de reconnaissance à l'œil, de savoir si les gens arrivaient à identifier. Alors, ça me semble improbable. Une couleur naturelle, une couleur synthétique, les gens identifient la couleur végétale par plus de flamboyance. C'est quand même fou, ça. Et sur cette partie-là... Pour rebondir, quand vous parlez de collaboration interdisciplinaire, en fait, ce qu'on se rend compte, c'est que la couleur végétale, pour la comprendre, la connaître et l'appliquer, il faut énormément de discipline. Il faut la botanique, il faut la biochimie, il faut savoir ce qui se passe, la chimie, il faut de la technique, il faut des savoir-faire ancestraux, donc tissage, tricotage, toutes les applications qui existaient avant, il faut des notions d'histoire, parce que clairement... Ça ne sert à rien d'aller tester toutes les plantes sur terre. Il y a déjà des gens qui l'ont fait, notamment le super livre de Dominique Cardon sur le guide des teintures naturelles. Non, c'est le monde des teintures naturelles, où là, on a tous les végétaux qui sont donneurs de couleurs durables et stables. Donc, ça aussi, gagnons du temps en prenant les bonnes bases. Bien sûr, il y a des flores qui sont inexplorées. On a des invités qui sont venus parler de la flore de Madagascar, de la Guyane, de la Guadeloupe, etc. Bien sûr. Et donc, dans ces cas-là, c'est toujours hyper intéressant d'aller faire des tests et de comparer avec les couleurs qu'on obtient. Mais ce que je veux dire, c'est pour la couleur végétale, c'est tellement de disciplines qui interagissent que c'est forcément une collaboration interdisciplinaire qui arrive. C'est la suite logique, j'ai l'impression. Quand vous parliez de... de DIY c'est marrant j'ai enregistré justement avec une podcasteuse qui est sur justement cette partie DIY et en fait on s'est rendu compte que dans tous les invités qu'elle avait reçus sur les sujets de DIY il y avait 90% de ces applications où on pouvait changer la couleur de synthèse par de la couleur végétale et en fait les seuls DIY où on ne peut pas y aller c'est quand il y a une chauffe extrême genre céramique etc où là les colorants végétaux aujourd'hui Merci. ne résiste pas à cette chaleur intense. Mais je veux dire, le DIY, c'est vraiment presque la première marche qui pourrait être enclenchée au quotidien, on va dire. Et ensuite, vous parliez d'hybridation des techniques. Là, je pense tout de suite à Marie-Angèle Bongard, qui, elle, travaille à accompagner les marques textiles vers le végétal. Et c'est la première à m'avoir parlé de recettes hybrides, où en fait... elle pour répondre aux attentes et au cahier des charges des entreprises ne va pas que sur du végétal elle mixe des colorants de synthèse avec des colorants végétaux c'est une manière pour elle de réduire au global l'impact de son travail et l'impact de la personne qui switch et ça permet aussi de permettre un cheminement parce que c'est ça en fait c'est vraiment clairement ça le sujet exactement Au début, j'étais surprise par cette approche hybride. Je pense que ça fera partie des pas, des avancées et des choses qu'il faut faire pour accompagner le cheminement vers la couleur végétale. Quand vous disiez que le secteur du sport pourrait être en décalage, c'est notamment sur la partie des après. Une fois qu'on a fait l'ennoblissement, la couleur végétale, c'est complètement possible avec des vêtements de sport, sauf que... il va falloir être beaucoup plus résistant à la sueur, il va falloir être beaucoup plus résistant à la pluie, parce que quand on pratique le sport, c'est sous des conditions qu'on ne prévoit pas. Et en fait, ce qui est génial aussi, c'est que les acteurs des après, donc ce qu'on vient mettre, pour faire vraiment court, mais ce qu'on vient mettre après la couleur pour donner des propriétés au textile, ces acteurs-là sont déjà en train de réfléchir à des solutions plus naturelles, notamment en utilisant des cires d'abeilles ou d'autres cires plus naturelles ou même des cires végétales et en fait ce travail là pour le sport il se fera pas l'un sans l'autre c'est à dire que les ennoblisseurs et les acteurs des après sont obligés de travailler ensemble donc en fait ça sera une co-évolution ça pourra pas être l'un et l'autre ils ont besoin l'un de l'autre ce sont aussi les enjeux des autres faut-il encore que leurs moyens de R&D ...
- Emilie Roulland
coïncide, de façon à ce que ça puisse être synchrone.
- Pauline Leroux ArtEcoVert
Ça, c'est une remarque que m'avait fait Dominique Cardon. Elle me disait que si on avait investi dans la couleur végétale autant qu'on a investi dans la couleur de synthèse ces dernières années, globalement, il n'y aurait plus aucun préjugé à la couleur végétale aujourd'hui. Elle serait déjà acceptée et déjà mise en place. Et en fait, c'est vrai. Ça irait beaucoup plus vite, on est complètement d'accord. Alors, du coup, là, on a vu nos 5 futurs avec nos 40 scénarios, si je ne dis pas de bêtises.
Savoir si vous allez aimer, les mots clés du podcast ArtEcoVert : teinture végétale plantes tinctoriales indigo garance encre végétale couleur végétale colorants végétaux pigments végétaux coloration capillaire végétale fibres naturelles colorants biosourcés tanins teinture naturelle plantes artecovert couleurs de plantes design végétal couleur jardin agriculture tinctoriale indigo tendance innovation nuances cosmétiques biotechnologies