- Speaker #0
Salut et bienvenue sur Arty Time avec une déclinaison de mon podcast Arty Time, tado d'humour culturel. Parce que j'en avais un peu marre de faire des expos et d'enregistrer mes épisodes dans mon petit studio toute seule, donc j'ai décidé de recevoir des guests. Et pas n'importe lesquels, des comédiens et des comédiennes, pour qu'ils me parlent de leur crush artistique. Donc chaque mois, je prends un thé avec l'un ou l'une d'entre eux, pour partager ce qui les fait vibrer, s'émerveiller ou se révolter. Il ne manquait plus que toi pour être complet, fais chauffer la bouilloire pour partager ce moment avec nous. Bonne écoute ! Hello les petits curieux ! Aujourd'hui, j'ai l'immense joie et privilège d'être accompagnée de la comédienne Eva Ramy. Eva, bienvenue !
- Speaker #1
Merci beaucoup Célia !
- Speaker #0
Je suis Célia Rastoin, l'heureuse propriétaire de ce podcast. Quand je ne parle pas théâtre ou exposition, j'aide les entreprises pour leurs projets de communication RSE, j'anime des ateliers de sensibilisation au climat et ça m'arrive même de faire des podcasts pour des entreprises, mais on n'est pas là pour parler de ça. Je suis aujourd'hui avec Eva et je te laisse nous annoncer de qui t'as envie. de parler aujourd'hui ?
- Speaker #1
Eh bien, j'ai envie de parler de Agnès Jaoui. Quand tu m'as demandé, en effet, de penser à une artiste que j'aimais, eh bien, j'ai pensé assez rapidement à elle parce que je trouve que c'est vraiment... Cette femme, c'est un peu dans son parcours. Pour moi, c'est comme un modèle dans tout ce qu'elle a entrepris dans sa vie. et à tous les niveaux je trouve fin c'est une femme qui est engagée politiquement socialement écologiquement dans tout ce qu'elle a fait je veux dire c'est une actrice réalisatrice scénariste chanteuse elle est engagée dans tellement de causes fin je me rappelle je crois que c'était en 2004 elle avait défendu la cause pendant les césars des intermittents en 2020 là c'était son discours je crois que c'était lors de la Troisième édition, des assises pour l'égalité, la parité, la diversité dans le milieu cinéma et audiovisuel.
- Speaker #0
Elle a aussi une tribune pour l'écologie.
- Speaker #1
Exactement, tu vois, contre l'homophobie. Elle est aussi, pareil, pour la cause des étrangers aussi, sans papier. Elle a quelque chose qui est... Et là, récemment, j'ai acheté aussi son bouquin avec Cécile Partouche, illustré par Cécile Partouche, et La taille de nos seins. Et je me suis dit... pétard, mais elle est... Je trouve que c'est un modèle de... Vraiment de femme à con... Enfin... Comment dire ? Ouais, qui touche à tout,
- Speaker #0
et qui est engagée,
- Speaker #1
et qui touche à tout. Et on ne peut pas dissocier la femme de l'artiste, justement, pour reprendre cette fameuse phrase qui me pète les bonbons. Vraiment, tu vois, il y a quelque chose où je me dis voilà, elle, c'est vraiment l'incarnation du fait qu'on ne peut pas dissocier la femme de l'artiste.
- Speaker #0
Tu sais que j'ai cru qu'au démarrage, tu allais choisir Élie Cacouf.
- Speaker #1
mais j'ai voulu choisir une femme ah bah oui c'est vrai que j'aurais tellement pu choisir Eli Kaku ça m'aurait fait très plaisir de parler de lui je peux t'en parler pendant des heures aussi moi c'est mon premier amour Eli Kaku c'est le premier homme je pense qui a éveillé justement qui a fait naître cette petite flamme en moi du théâtre j'ai un souvenir je suis dans mon village de l'arrière pays niçois et je regardais à la télé il y avait des sketchs de lui et Il y avait une émission qui faisait un reportage sur des ados, ou même c'était des très très jeunes enfants. Je crois que c'était la compagnie Les Sales Gosses. Il y avait un documentaire sur eux et il les filmait dans une école de théâtre en train de faire justement de l'imiter. Et écoute, ça a dû réveiller quelque chose en moi, puisque ma mère m'a filmée, elle a plein de vidéos de moi, même dès 6 ans, où je suis en train d'imiter Eli Kakou. Je suis déguisée avec ces manteaux, ces trucs. avec des trucs de ma mère, des vieux talons, tout ce que j'avais pu trouver. Et je fais l'attaché de presse. Et je pense qu'il a vraiment éveillé en moi... C'est un clown. C'était quelqu'un qui jouait les femmes, qui jouait les hommes, qui se transformait. Et moi, je sais que... En plus, ce qui est fou, va savoir, ça a dû m'accompagner. Mais là, dans ma formation... professionnellement aussi, j'ai fait du clown, j'ai fait du masque donc j'ai un plaisir à changer de voix et à changer de corps ça se sent beaucoup dans ton dernier spectacle pour lequel d'ailleurs transition toute trouvée,
- Speaker #0
t'as reçu le Molière du meilleur seul en scène pour ce troisième spectacle va aimer qui pendant plusieurs jours m'a accompagnée vraiment dans ma vie tout ça, il est hyper fort c'est une vraie vraie claque théâtrale Tu crées devant nous des mondes, des univers avec un jeu tellement précis, vraiment au couteau. Tes mouvements, tout ça, le corps, vraiment merci pour ça. Pour celles qui ne connaissent pas et qui auraient envie de rejoindre ton troisième spectacle, comment il a été créé ? Tu nous en parles.
- Speaker #1
Ce spectacle, j'ai mis beaucoup de temps à l'écrire. Je pense que c'est celui que j'ai mis le plus de temps à écrire. Il a beaucoup changé. J'ai commencé à l'écrire, je pense, en 2020, pendant le confinement. Et c'est vrai qu'à ce moment-là, comme il n'y avait pas de projection, pendant un long moment, on ne savait pas quand est-ce qu'on allait revenir sur scène, quand est-ce que les théâtres allaient réouvrir, quand est-ce que la culture allait vraiment reprendre. Je crois que j'ai eu un besoin de me dire, si je reviens sur scène, si j'ai cette Ausha. Si la machine repart, qu'est-ce qu'il faut qu'il y ait quelque chose pour moi qui ait du sens ? Voilà, il faut que ça ait du sens. Et comme on n'avait pas de projection à ce moment-là, je pense que je suis partie dans des choses très oniriques, ça relevait plus du conte, c'était le personnage principal d'Elsa, qu'on retrouve aussi dans mes deux volets précédents, dans Vol et Tais-toi, et cette espèce d'avatar sénique. faisait une symbiote avec un oiseau dans une clinique, il y avait un truc un petit peu futuriste. Et en fait ce qui est fou c'est qu'aujourd'hui cet oiseau il est resté, il est toujours là et il a changé évidemment, c'est plus le personnage principal qui va se transformer en oiseau mais quelque part en effet c'est finalement même quand j'y repense il y a un peu cette idée là quand même aujourd'hui toujours même si l'histoire est différente et même si on part en fait d'un oiseau qu'il faut libérer, sortir d'une cage. Et il s'avère qu'en plus, à ce moment-là, pendant le confinement, je me suis retrouvée avec une petite perruche calopsite que j'avais récupérée d'une vieille dame. Non mais c'était absurde, tu sais, c'était les moments où on faisait les balades, on s'autorisait soi-même à sortir. Et en fait, un jour, je tombe sur une petite perruche calopsite. Mon compagnon était là, il siffle, et en sifflant, il me dit Regarde, si je siffle, qu'est-ce qu'il se passe ? Il y a une réponse, et on regarde à travers les forêts, et il y avait une petite... une petite perruche calopsite dans une cage. Et on continue à marcher. J'ai dit, putain, mais c'est horrible. Mais comment on peut avoir cet oiseau-là ? Il est quand même fait pour voler, quoi. C'est quand même... Il est prédestiné pour ça, quoi. Et en fait, je vais la faire courte, mais en gros, on s'est démerdés à revenir après. La dame, du coup, qui était la propriétaire de cet oiseau, est sortie. Mais c'était comme en conte. C'était une vieille Baba Yaga qui vraiment... J'avais l'impression que c'était vraiment... une dame un petit peu, tu sais, elle avait des, je ne sais pas, elle avait un truc dans le nez, enfin, c'était très bizarre et en fait, elle nous a très vite dit je vais mourir dans un mois, c'était absurde, je vais mourir dans un mois, je veux me débarrasser de cet oiseau et en fait, on s'est retrouvés à récupérer cet oiseau. Il est pour vous. Il était vraiment pour nous, quoi, vraiment et en fait, on s'est retrouvés à habiter avec, on était, en plus, on habitait à cette époque-là dans une ancienne agence immobilière, enfin bon bref, pas de fenêtre, Et du coup, cet oiseau-là, j'ai pu, vraiment avec le confinement, passer du temps à le regarder et avoir cette espèce d'allégorie de la liberté dans la maison avec nous. Donc en fait, c'est parti de ça. Et après, franchement, ça a mis trois ans, entre le moment où j'ai commencé à écrire, le moment où il y a eu la première, entre-temps, il y a eu de la thérapie, entre-temps, il y a eu des discussions avec ma grand-mère. Je pense qu'il y a eu une espèce de... de prise de conscience d'une transmission familiale et de quelque chose que je crois que j'ai eu le besoin de me dire, d'en faire quelque chose, il fallait que j'en fasse quelque chose de cette Ausha. Moi-même ayant eu une énième mésaventure autour des abus, je me suis dit, là il y a vraiment une chaîne à briser.
- Speaker #0
La constellation familiale... a été créée à ce moment-là et tu l'as cassée. Effectivement, bravo. Tu l'as précisé, Anne Jaoui est effectivement très pluridisciplinaire. Actrice, scénariste, dramaturge et chanteuse française aussi. Tu as un film préféré d'elle ou un objet créatif ? Quand tu penses à elle, est-ce qu'il y a un truc qui ressort plus dans lequel tu aurais aimé jouer ?
- Speaker #1
Il y en a plein. Je crois que tout, à chaque fois que je vois ces films, je me dis que j'aimerais trop être avec cette femme-là. J'aimerais être dirigée par elle. Je sens qu'il y a une douceur, une bonhomie, une humanité. Très généralement. Et en fait, ça se sent dans ces films. C'est ça que j'aime. Je ne pourrais pas dire que j'ai tellement aimé le goût des autres. J'ai aimé un air de famille. J'ai aimé au bout du compte. J'ai aimé... Franchement, ce serait... très dur pour moi de te dire, parce qu'en plus, entre les films qu'elle a coécrit avec Bakri, dans lesquels elle a joué aussi. Alors du coup,
- Speaker #0
si on se projette, est-ce que Folie, si tu aurais la possibilité de coécrire peut-être avec elle, ce serait sur quel objet créatif, sur lequel tu aurais envie de délirer ?
- Speaker #1
Je pense qu'elle n'aurait tellement pas besoin de moi. Mais en tout cas, j'adorerais. En fait, je crois que j'aimerais surtout jouer sous son regard.
- Speaker #0
de la bienveillance,
- Speaker #1
de la douceur c'est ça, je sens ça chez cette femme là, je sens vraiment ça et en plus j'ai eu la chance de pouvoir lui remettre lors de la maîtresse de cérémonie de la deuxième édition de la nuit de la damie et donc je lui remettais le prix de la vie d'artiste et j'étais hyper j'étais hyper impressionnée et vraiment la façon dont elle est et franchement honnêtement c'était un exercice hyper dur parce que les gens sont là un petit peu pour faire la fête pour picoler et tout ça donc il y avait un brouhaha énorme et je sais que vraiment toute la soirée j'ai essayé de de passer vraiment au-dessus de ce brouhaha, c'était quelque chose. C'était vraiment un exercice. Et la façon dont elle a réagi, la façon dont elle est venue prendre la parole, la façon dont elle a pris en considération cette Ausha, où elle a dit Est-ce qu'on peut baisser un peu la rumeur ? Est-ce qu'on peut un peu... Et elle s'est tournée vers moi, elle m'a dit C'est la chose la plus dure que vous ayez faite de votre vie, non ? Et je lui ai dit Oui ! Et je me rappelle lui avoir dit, et je lui ai dit, j'aurais tellement aimé vous rencontrer d'une autre façon. J'aimerais trop que cette femme, si elle m'entend ou si elle tombe sur ce podcast, j'aimerais trop qu'elle vienne me voir jouer. J'aimerais trop un jour travailler sous son regard. Ce serait un honneur. Ou même jouer avec elle, ce serait merveilleux.
- Speaker #0
Je trouve quand même, tu disais, elle n'aura pas besoin de toi. Je trouve aussi quand même que vous partagez à merveille cette forme d'humour et de la profondeur dans vos textes. Comment toi, de cette profondeur et de cet humour un peu légèreté, comment tu arrives à mailler ces deux-là, ces deux aspects ?
- Speaker #1
Franchement, je crois que ça vient naturellement, parce qu'au début, même quand j'ai écrit mon premier seul en scène, je pensais que j'allais faire Eli Kaku, moi. Je pensais que j'allais faire rire, je pensais que je n'allais faire que rire. Et en fait, en écrivant, je me suis rendue compte que ce n'était pas que drôle, et qu'il fallait que j'assume aussi cette patte-là, qui visiblement était la mienne, comme... Comme l'est la vie, quoi. Et en fait, je crois que peut-être que j'écris aussi à l'image de ce que j'aime voir au théâtre. En fait, quand je vais au théâtre, j'aime rire, j'aime être traversée, transcendée par des émotions. Et j'aime autant rire que j'aime pleurer. Pour moi, les deux sont presque indissociables, quoi. Et donc, du coup, je crois que je fais hyper... Je pense que l'humour est trop important. Par exemple, même là, tu vois, dans Va aimer, en effet, on a des thématiques sous-jacentes qui sont quand même profondes. Et du coup, l'humour, c'est la meilleure arme du monde, en fait. C'est la plus belle, parce qu'elle permet de pouvoir faire passer des choses dures, crues peut-être, qui pourraient être crues, et par le biais de l'humour, déjà de digérer cette Ausha plus facilement.
- Speaker #0
Il y a un autre art que tu utilises dans ton spectacle, c'est le chant. Une voix d'un rossignol, d'une perruche, je ne sais pas si la paix est ouverte.
- Speaker #1
Merci beaucoup, je suis très touchée.
- Speaker #0
T'es qu'un d'une tuyau, la pire chose, je ne t'en chante pas. Non mais du coup, est-ce que, parce qu'elle est aussi chanteuse Agnès ?
- Speaker #1
Tout à fait.
- Speaker #0
T'as vu où ça passe de Agnès, oui, à Agnès, après ce sera je ne sais pas quoi. Donc tu te sens divinement bien. Est-ce que tu aimerais un jour en faire un art à part entière, quelque chose d'un peu à part ?
- Speaker #1
Mais tellement, mais tellement, si tu savais depuis le temps que j'y pense, et depuis le temps que c'est en moi, et depuis le temps que j'ai des chansons de côté, et que... Ah ouais, ouais. Mais en fait, si tu veux, c'est parce que tout ça aussi, c'est des... Comment dire ? Moi, j'ai commencé dans le théâtre. Donc après, c'est vrai que tu tires le fil. Et puis, c'est tellement dur déjà de vivre d'un métier, en fait. Et de ce métier-là, surtout, dans l'art, c'est quand même... Il faut s'accrocher, quoi. Donc, j'ai tiré ce fil-là. Mais c'est vrai que la chanson, elle est là. Tu vois, en effet, je chante dans Va aimer. À la base, je ne sais pas, il devait y avoir au moins cinq ou six chansons. Et je me suis dit, attends, tu te calmes.
- Speaker #0
Ce n'est pas du comédie musicale. Et je me suis dit,
- Speaker #1
c'est pas pour maintenant, c'est pas grave. Et puis, il fallait que ça ait du sens, tu vois. Donc, j'ai enlevé les chansons. Je me suis dit, si j'en mets, il faut qu'elles aient du sens. Il faut que ce soit pertinent. Si je chante à tel moment-là, à tel moment, ça va raconter telle chose. Donc, voilà, il fallait que ça ait une cohérence aussi dramaturgique. Mais pas juste que ce soit Eva qui se fait son kiff et que ça ne soit pas à propos. Donc en effet, bien sûr, oui, c'est quelque chose que j'ai en tête très fort. Et va savoir, écoute. Soit le prochain spectacle sera très musical, soit on fera un petit EP, j'en sais rien. Mais franchement, c'est pour ça que je te dis que j'ai choisi Agnès Jhaoui. Parce que justement, je crois qu'elle avait sorti en 2006, Ganta. Et en plus, on a aussi l'Amérique latine en commun. Moi, je suis née en Argentine, tu vois. Et il y a un truc où... Et c'est pour ça que je l'ai choisie. C'est parce que vraiment, je me dis, elle... En fait... elle exprime. En fait, elle est là pour faire passer un message, et peu importe la forme. Et elle écoute ce qu'elle a envie de faire. Et ça, ça me parle terriblement et je trouve que ça donne une très grande liberté. J'ai l'impression que c'est peut-être très français, mais j'ai l'impression qu'on aime bien mettre les gens en clignes-clignes dans des cases. Si tu fais ça, tu ne fais pas ça. Si tu fais ça, ce n'est pas ça. Et je trouve qu'elle, c'est vraiment...
- Speaker #0
Elle s'offre une belle liberté.
- Speaker #1
Voilà.
- Speaker #0
Elle se fiche complètement aussi du regard des autres. Ça va être perçu. C'est aussi ce que je ressens chez toi, dans les propos que tu as choisis et les sujets que tu oses aborder de front. Carrément. Elle dit souvent que l'autodérision est essentielle. Est-ce que tu te souviens, toi, d'un moment embarrassant ? Alors, tu aurais vécu sur scène. Tu ne fais pas du stand-up. Du coup, c'est assez fermé, on va dire, tes spectacles. Mais est-ce que tu aurais dû utiliser un peu d'autodérision dans ta vie sur scène ? pour te sortir indemne d'une situation.
- Speaker #1
Mais ça m'est déjà arrivé. Et comme justement, comme je te dis, comme j'ai fait du clown et du masque, en fait, c'est vrai que même mon spectacle, c'est très dur des fois de te dire c'est quoi. Parce qu'il y en a, ils me disent, mais c'est quoi, c'est un one-woman show ? Mais en fait, ça mélange plein de codes. C'est-à-dire qu'en effet, je vais chanter. Il y a des moments où je suis frontale. Il y a des moments, c'est-à-dire frontale, je parle au public directement. Il y a des moments où il y a des moments de fiction où vraiment je fais plein de personnages en même temps. Et on est... Il y a le quatrième mur qui est là. Et écoute, oui, du coup, comme j'ai fait du clown et du masque, quand tu fais du clown ou du masque, on t'apprend, en tout cas dans ta formation, qu'il peut y avoir des accidents. Et que des accidents, c'est des cadeaux. Et ce qu'on va appeler des accidents, c'est... Par exemple, tu as quelqu'un qui va te sortir un truc, quelqu'un qui va éternuer, quelqu'un qui... Peu importe ce qui se passe, tu dois réagir avec. Et c'est un cadeau, quoi. Parce que ça te sort, ça te réveille, ça te remet dans du plus-que-présent. Et les gens, ils aiment ça. Mais en fait, si tu veux, ça m'arrive presque tout le temps quand j'ai un... pain technique quand il y a quelque chose, je sors de ce que je suis en train de faire et je vais jouer avec ça. J'en ai eu tellement là, mais récemment, j'ai joué, où est-ce que j'ai joué à Puto ? C'était la semaine dernière, tu vois, et voilà, il y a eu des pains, il y avait un bruit de ventilation très fort de la machine à fumer du lieu en question, et ça faisait vraiment très très fort et si tu veux, je pensais... Au bout d'un moment, je me suis dit, il va falloir l'éteindre. Et donc, du coup, tout en continuant dans mon personnage, je crois que je ne suis plus en train de jouer la grand-mère. J'ai dit, est-ce qu'on peut arrêter là, cette chose ? Est-ce qu'on l'entend ? Est-ce que la personne qui est en face de moi, là-haut, à la régie, elle peut répondre ? Non, elle ne répond pas. D'accord, donc on va jouer avec. Tu peux me la couper, tu la coupes. Allez, on reprend. Tu vois, j'adore ça, en fait.
- Speaker #0
C'est plus que de l'impro. Oui.
- Speaker #1
et en effet du coup l'humour mais après l'humour évidemment c'est dans toute situation de vie je pense que ça m'est arrivé tellement de fois des fois de me sentir comment dire soit agressée par une réaction ou quelque chose et l'humour c'est la meilleure façon de faire pointer la vérité sans agresser.
- Speaker #0
Agnès Jauy donc elle est très engagée l'humour et la critique sociale c'est vraiment aussi au coeur de ses oeuvres je trouve que ça répond en miroir beaucoup sur l'humour. sur toi, à toi. Est-ce qu'il y aurait un autre thème, peut-être le prochain thème que tu aimerais aborder pour dénoncer les absurdités de notre société ? Est-ce que tu changes déjà un prochain ?
- Speaker #1
Bien sûr, j'en ai plein.
- Speaker #0
Je sors mon cahier.
- Speaker #1
Oui, je sors mon cahier, mes notes. Non, je crois que j'ai envie de parler notamment d'addiction. C'est quelque chose qui me... Je crois que... Et j'ai envie de parler de ça. J'ai envie de... de parler de la condition aussi des femmes, j'ai envie de parler du fait d'être mère, aussi cette injonction-là, cette, comment dire, ce qu'on est là, tu vois, vouloir assurer, c'est très dur, quoi, je trouve, c'est très dur, je n'ai pas d'enfant, tu vois, mais pour voir autour de moi les copines intermittentes aussi, commencer, tu vois, cette façon-là de se dire ok, allez, j'assure à la maison, à côté, il faut que je bosse, il faut que machin, il faut que truc, enfin, il y a cette injonction-là à réussir, cette surproductivité. et en fait on a tous une addiction, que ce soit au travail, que ce soit les drogues, que ce soit le sport, que ce soit la bouffe, parce que cette vie elle est compliquée, elle est dure et on est dans une espèce de surenchère de productivité et en plus même avec les réseaux je trouve qu'il y a un truc mais c'est vrai que si t'as pas la patate... tu vas voir les stories des copains, tu vas te flinguer quoi, parce que tu dis tu te compares forcément, tout est fait pour se comparer, je pense que ça parle, moi je parlerai toujours de toute façon je pense de la condition des femmes, je crois qu'il y a quand même quelques choses, bah ouais je crois que c'est vraiment l'émancipation, la libération.
- Speaker #0
Je pense qu'en terme de sujet, femme,
- Speaker #1
la transmission, c'est infini tu vois, les relations de domination qui se mettent en place, donc je pense qu'en effet c'est ça mon fil rouge après, comment ça va, quelle forme ça aura, je sais pas. Mais en tout cas, c'est ça que j'ai envie de continuer à tirer. Je n'ai pas encore tout dit.
- Speaker #0
Et surtout de capturer et de continuer à capturer l'humanité des nombreux personnages que tu embarques sur scène. C'est à peu près 46, je t'ai compté. 18 en vrai. Oui, 18 en vrai. Et même dans les moments les plus triviaux, il y a quand même des personnages qui ressortent. Tu arrives à vivre avec tous ces personnages. J'imagine qu'ils restent sur scène. Non.
- Speaker #1
Ils sont en moi. Non, en fait, c'est vraiment du boulot. En fait, c'est que du taf. Quand je bosse, là, tu vois, pour passer d'un personnage à l'autre, pour faire les transitions, je répète ça, mais comme une choré, quoi. Je bosse ça comme une chorégraphie. J'ai eu notamment aussi, en regard extérieur, le regard bienveillant et doux et pétillant d'Audrey Valarino, qui était ma professeure de danse au Conservatoire de Nice. Et en fait, si tu veux, c'est pour te dire à quel point pour moi c'est important comment j'aime la précision. Et c'est à partir de la précision après que j'invente et que j'improvise. Et si j'ai mon texte au cordeau, si j'ai mon corps qui sait exactement ce qu'il a à faire, comme une chorégraphie, à partir de ça, à l'intérieur de ça, je peux improviser, je peux réagir avec des gens. Donc évidemment, le fait de jouer 18 personnages et de changer de voix, c'est du taf. C'est vraiment... Je sais que même le premier vol, je suis partie de voix, ou même dans le masque, c'est de voix que j'aimais faire quand j'étais dans la cour de récré. Et puis, c'est ces choses-là que tu vas travailler à force de les bosser. Tes cordes vocales, ce sont des muscles que tu peaufines, que tu travailles. Et plus tu fais, plus tu fais, plus tu fais, et plus tu le chopes.
- Speaker #0
Tu disais justement, c'est une chorégraphie que c'était vraiment millimètre près. C'est-à-dire, du coup, ton texte, parfois, il évolue. Tu t'autorises à le faire évoluer ou parce que tu trouves ça être le bazar ?
- Speaker #1
Ouais, ouais, j'ai des moments où je sais que j'ai des petites fenêtres où je m'autorise à improviser si je le sens, en fait. Justement, même dans ça, je ne m'enferme pas. C'est-à-dire que des fois, je sens qu'il faut que je trace. Ça va dépendre aussi de comment je suis, comment j'arrive sur le plateau, comment je sens les gens. Parce que c'est tellement absurde de se retrouver face à des gens qui sont en silence, qui te regardent. On n'est pas à l'époque de Shakespeare où tout le monde buvait, il y avait le chat à parler et tout ça. Elle faisait l'amour dans les loges. C'était très vivant. Aujourd'hui, on a un silence vraiment... Les gens t'écoutent, sont très sages. Et des fois, tu as des sorties. Des fois, tu as des... Des rires plus que l'autre. Ou même des réactions. Même des réactions dures. J'avais eu une femme, c'était à Antibes, quand tu me parlais d'anecdotes comme ça. Mais tu as affaire à tout. Il faut réagir à ça. Ce n'est pas qu'il faut, mais c'est quand même plus que tu es armée là-dessus et plus tu dis aller, peu importe. et c'était à Antibes et c'était une femme moi ça m'embête d'ailleurs de parler d'elle parce que j'ai même pas envie de lui faire de la pub tellement ça avait été dur mais j'étais en train de jouer, ça faisait une demi-heure et je transpirais, je suais et puis tu donnes tes tripes quoi tu vois, tu te dis allez tant pis on aime on aime pas mais moi c'est un acte d'amour tu vois que je fais, je fais pas ça pour faire du mal quoi, vraiment pas et la femme en fait au bout d'un moment j'entends vraiment je me dis mais putain mais qu'est-ce que c'est ? Et en fait, je me dis, c'est quelqu'un qui est en train de descendre le gradin, quoi, et qui n'est vraiment pas discret. Et donc, du coup, je suis en train de jouer, je m'arrête et je lui fais, ça va, rien de grave ? Et la meuf me répond, ce qui est grave, c'est qu'on a payé nos places. Non, mais je te jure, et en fait, ce qui était super, c'est qu'à ce moment-là, à ce moment-là, le public était vraiment avec moi, tu vois, donc l'ont hué, machin, du coup, elle est sortie, et tout ça, ils m'ont applaudie, je lisais les accords Toltec à ce moment-là. Donc j'ai fait un... tour de piste là je me répétais exactement et je me disais allez quoi qu'il arrive tu n'en fais pas une affaire personnelle et puis au final ce qui était trop bien c'est que du coup j'ai pu j'en ai joué j'en ai joué presque j'ai dû faire même des clins d'oeil à sa sortie mais plusieurs fois tu vois dans le spectacle donc donc on était parti sur les personnages et je suis partie ailleurs mais c'est bon et de dire que les émotions des autres parce que
- Speaker #0
Ton spectacle génère aussi beaucoup d'émotions. Peut-être que cet exemple-là prouve aussi que tu as généré des choses. Et j'ai envie de dire, le pari est remporté parce que tu as généré des émotions.
- Speaker #1
C'est ça. Et au bout d'un moment, tu te dis, en fait, moi, je délivre quelque chose. Je le fais au mieux que je peux, avec tout mon amour. Et en fait, ça doit faire partie de la chose. Alors que pourtant, je pense que quand tu fais ce métier, évidemment, tu préfères être applaudie à la fin qu'on te balance des patates à la tronche. Mais en fait... Il faut accepter ça, parce que sinon, tu es très vite malheur. Moi, je vois des fois, on a des retours, des critiques. Tu en as 80 qui sont merveilleuses, et puis tu en as une qui te dézingue les 80. Mais qui va te dézinguer les 80, et à laquelle tu vas penser, qui va te mener le moral, et où tu te dis, mais je suis con. En fait, ça ne lui a pas parlé, ça la regarde. Et puis, quel emmerdement de faire l'unanimité, ça n'existe pas.
- Speaker #0
Est-ce que ça fait partie des questions, des conseils que tu aimerais poser à Agnès ? Quand tu auras l'occasion de la revoir, tu la recroiseras.
- Speaker #1
Je prends les doigts.
- Speaker #0
On va vous poser une question sur l'approche de la vie.
- Speaker #1
J'aimerais trop savoir son approche du métier. J'aimerais trop savoir comment elle appréhende à chaque fois, comment elle envisage un nouveau projet, comment elle gère les mauvaises critiques, comment elle continue à se battre et à trouver la foi. Parce que c'est toujours... C'est toujours bien, j'essaie de tisser mon chemin humblement, tranquillement. Mais c'est vrai que quand tu as des femmes comme ça, qui sont là depuis des années, qui arrivent à se réinventer... et qui sont toujours là et à plein de niveaux et comme on disait dans différents arts j'aimerais juste boire un café avec elle et voir comment elle traverse cette vie là comment elle la traverse en tant que femme et en tant que femme artiste
- Speaker #0
C'est une angoisse pour toi la peur de ne pas réussir à te... à te re... je ne trouve pas le mot... à te réinventer, c'est ça oui
- Speaker #1
C'est pas tant une angoisse, c'est un métier, en fait, c'est tellement instable que t'as... Ça, c'est tout le rapport à la légitimité, je pense, et j'ai l'impression que quand on est des femmes, en fait, on l'a encore plus. Mais il y a quand même cette Ausha toujours de... C'est fou, tu vois, même ce spectacle-là, j'en suis à plus de 110 dates, je crois.
- Speaker #0
Tu as lu un Molière ? Oui, un Molière,
- Speaker #1
tu as raison. Mais non, malgré ça, je te jure, je suis dans des angoisses avant de rentrer sur scène. Je suis obligée de me faire des rituels de fou. Je fais des prières, je fais des jeux parce que j'ai peur. J'ai peur de, je ne sais pas, qu'on se rende compte que je suis, je n'en sais rien, une imposteur, je n'en sais rien. Ou ça va charrier, mais c'est... Mais je crois que c'est très féminin, cette Ausha de la légitimité, de se sentir légitime et de se dire non, non, c'est ma place, c'est bon, c'est ma place. Et je me dis au bout de plus de la centième, j'en suis encore à flipper avant de rentrer sur scène en espérant que les gens aiment et ne soient pas déçus.
- Speaker #0
Qu'est-ce qui ferait que ces peurs-là seraient levées du coup ?
- Speaker #1
Putain, je te le demande.
- Speaker #0
qu'est-ce qu'il faudrait pour que ça soit apaisé parce que là c'est ce que je me disais aussi est-ce que c'est pas de te dire je me fais ce cadeau d'être apaisée et de me dire de profiter peut-être enfin aussi parce que c'est pas le moment après
- Speaker #1
trois spectacles ouais puis en plus c'est ça je sais qu'en effet c'est pour ce Molière là et pour les seules en scène mais à côté j'ai travaillé avec plein de collectifs tu vois je bosse depuis enfin Je suis sortie de l'école, j'avais mon intermittent, j'ai bossé très tôt. Donc en fait, les gens ne me connaissent pas, mais moi, ça fait 15 ans que je bosse comme une malade, tu vois. Et que je ne fais que ça. Et que j'ai mis tout,
- Speaker #0
tout, tout dedans. On met des années à être connue en 10 mondes.
- Speaker #1
Purée, ouais. À part si, en effet, je me dis à l'époque où des fois, il y avait le casting sauvage, où ils chopaient des gens comme ça. Je veux dire, à part ces gens-là, ou à part si tu as quelqu'un dans ta famille qui fait ce métier-là. Mais en fait, le chemin, il est très, très long. Et aujourd'hui, je pense qu'on est dans une... On montre tout le contraire. Il faut que ça évite...
- Speaker #0
Il faut éviter la pure consommation.
- Speaker #1
C'est ça. Qu'est-ce qu'il faudrait pour que... Mais je pense que c'est à moi, c'est à moi d'avoir ce déclic-là et de me dire, en fait, juste de m'apaiser aussi et justement, les conseils que je donne aux autres, de les appliquer pour moi, en fait, aussi, tu vois. C'est toujours plus facile.
- Speaker #0
S'il y a d'autres projets, soit en cours, soit en parallèle, on donne tout ça pour inclure ce nouveau mouvement.
- Speaker #1
Eh bien, écoute, là, en librairie, il y a en vente, du coup, les trois seules en scène aux éditions Est-ce que de Mathilde Priolet. Et donc, du coup, il y a Vol tais-toi et Va-et-mais. Donc, ça, c'est possible, en effet, de l'acheter. Il est à 15 euros dans toutes les librairies. Il y a, en effet, du coup, la tournée de Va-et-mais partout en France et notamment tous les lundis à la Pépinière à Paris. Et également, je suis en écriture aussi pour la suite. Et en ce moment, je suis contente parce qu'il se développe aussi du cinéma et de la série aussi. Et je suis trop contente parce que c'est aussi une autre façon, un autre moyen d'exprimer, de travailler mon art en fait. Et qui est aussi excitant et palpitant parce que je connais moins. Et là, ça va faire à peu près un an que ça a commencé. Il y a eu le film du Molière imaginaire qui est toujours dispo je crois sur Canal Play d'Olivier Py avec Laurent Laffitte. Il y a eu le film d'Ivan Kalberac, N'avoue jamais. Là cet été, j'ai tourné aussi avec Antonin Peredjako pour son prochain film Va des rétros. Cet été, moyen métrage avec Adrien Fonda, j'ai fait une série Netflix aussi. Et là, à la rentrée, c'était... Aspère Girl, saison numéro 2 avec Nicole Ferroni, Louise Massin, Suzanne Debecq et tout. C'était trop bien, j'étais trop heureuse avec deux réalisatrices merveilleuses, les soeurs Philippon. Et écoute, là je vais commencer la semaine prochaine le tournage du Remplaçant sur TF1. D'accord. Voilà. Donc...
- Speaker #0
Et l'actu... Ouais....duridisciplinaire. Ouais, on l'aura placé deux fois. On l'a placé deux fois. et sache que quand j'avais interviewé Karim Duval qui est un humoriste oui je vois très bien qu'il s'est parlé d'Anthony Vajon et Anthony Vajon lui avait envoyé un petit texte en disant merci ton interview m'avait trop touchée je viendrai te voir en spectacle donc je te souhaite le même en
- Speaker #1
plus je lui ai écrit un mail auquel elle n'a toujours pas répondu donc si elle entend ce podcast je serai tellement heureuse qu'elle vienne me voir jouer tellement je mets beaucoup d'énergie là-dedans aussi merci à toi Célia
- Speaker #0
Ça t'a plu ? Laisse-moi un gentil commentaire.
- Speaker #1
Ça aidera mes amis les algorithmes à propulser ce podcast.
- Speaker #2
Et parle-en autour de toi. À la machine à café,
- Speaker #3
dans le métro. Bah tiens, oui, si là, t'es dans le métro,
- Speaker #4
en ce moment, parle-en à ton voisin.
- Speaker #5
Tu peux aussi lui parler de la page Instagram d'Artitime. Merci. Allez.