Speaker #0Salut, c'est Atchoum, le podcast des allergiques qui répond à tes souhaits. Je m'appelle Philippe, je suis médecin allergologue et je t'emmène avec moi dans le groupe passionnant des allergies. Aujourd'hui, je vais vous parler de l'immunité de l'allergie. L'allergie est une maladie de ce temps. L'OMS estime que nous serons bientôt à 50% de prévalence des allergies dans le monde. Il est temps que tout le monde s'intéresse au sujet. Aujourd'hui, on va faire un petit peu d'immunologie. Vous êtes prêts ? L'allergie est une hypersensibilité. Vous vous souvenez, nous en avons parlé dans le premier épisode. Parmi les hypersensibilités, ce sont celles de type 1 qui dominent la scène des maladies allergiques, si bien que ce sont plutôt de celles-là dont vous parlez avec vos proches. Gardez tout de même à l'esprit qu'il n'y a pas que celle-ci et que l'allergologie est un monde passionnant à explorer. Nous détaillerons ici l'immunité de l'allergie de type 1, l'hypersensibilité immédiate. Lors de mes premières consultations, j'essayais de ne pas parler d'allergie, mais d'hypersensibilité. Vous savez, la prétention que l'on a parfois quand on est jeune et qu'on a compris un sujet. On voudrait être juste, précis. La fierté, l'ego, tout ça. Un jour, un de mes confrères correspondants m'a dit Tu sais Philippe, je suis d'accord avec toi. Toutes ces allergies, ça ne touche que les gens hypersensibles. moment de stupeur dans mon regard. Par mes propos techniques, j'avais mis dans la tête de mes patients et de mes correspondants qu'il s'agissait de personnes hypersensibles émotionnellement. Raté. Je parlais d'hypersensibilité immunitaire. Avec l'âge, j'accepte d'être bien moins précis, bien moins scientifique dans mes propos. L'objectif n'est pas de faire de vous des immunologistes, non, c'est de vous donner envie d'en savoir plus, d'aller plus loin, d'être meilleur. L'allergie immédiate se décompose en deux phases. Une première de sensibilisation et une deuxième, disons, de déclenchement ou effectrice, pour ceux qui préfèrent. Quand vous vivez dans un environnement, votre système immunitaire doit en permanence décider s'il réagit ou pas à ce qui l'entoure et s'il y réagit de quelle manière. Mettons que vous venez de naître, vous rencontrez pour la première fois une molécule de lait, disons la lactoglobuline. Votre système de défense a trois choix. Ne rien faire, faire de la tolérance, mettre en place une défense immunitaire. Et s'il fait ce dernier choix, il devra choisir laquelle. Si vous ne faites rien, vous vous poserez à nouveau la question immunitairement la prochaine fois. Si vous faites de la tolérance, vous aurez tendance à faire davantage de la tolérance la fois d'après. Et avec le temps et les contacts, vous acquérerez une tolérance solide à cette molécule grâce à votre mémoire immunitaire qui se consolidera au fur et à mesure des prises. Si vous faites une défense immunitaire d'allergie, chaque prise qui déclenchera une crise améliorera votre défense immunitaire. Vous serez plus allergique. Vous voyez le concept. Alors, voyons maintenant les acteurs. En premier, votre microbiote. Le microbiote, c'est quoi ? C'est l'ensemble des bactéries, virus et autres micro-organismes et leurs sécrétions qui protègent votre peau et votre muqueuse. On parle aussi de film microbien. Tout ce petit monde tire profit de votre vie et cherche à cohabiter en bonne harmonie avec vous. Il n'a l'air de rien, mais il est fondamental pour orienter votre réponse. S'il est tolérogène, il vous aidera à fabriquer de la tolérance. S'il est réactogène, il activera le système de défense avant même que l'allergène n'arrive au contact. Et vous serez aussi mal parti côté allergie. Les enfants nés par césarienne ne bénéficient pas d'un microbiote protecteur initial qu'ils auraient acquis en passant par les voies naturelles. Perte de chance. Les enfants qui ne sont pas allaités ne bénéficient pas du microbiote muqueux qui leur permet de partir avec la meilleure chance du point de vue tolérance. Ajoutez à cela les infections néonatales et, assez vite, vous comprendrez que nous n'avons pas toujours les mêmes chances de tolérance au départ. Ensuite, vos barrières. En principe, la peau est assez étanche, elle laisse peu de molécules la traverser et, d'ailleurs, quand vous mettez un cosmétique, celui-ci ne peut pas, ne doit légalement pas, pouvoir traverser celle-ci. Seuls les médicaments qui sont fabriqués spécialement pour permettre leur passage au travers de la peau permettent la diffusion des principes actifs. Pour la muqueuse, c'est moins vrai. D'abord, elle est infiniment plus fine. Ensuite, elle doit permettre le passage des aliments dans le tube digestif. C'est prévu pour. Tout ce qui va altérer vos barrières posera un problème de tolérance. Plus de contact, et souvent un contact dans de mauvaises conditions, qui favorisera l'allergie. Après, l'immunité innée. Votre corps bénéficie d'un système de défense archaïque qui fonctionne axé bien sur tout. Il a appris à être modulé par les bons microbes qui ne l'activent pas grâce à leur gestion des récepteurs toll-like, TLR, et c'est s'activer par les mauvais microbes, les porteurs de l'hyposaccharide, les LPS par exemple. Certains microbes vous activent avant même que vous ne les ayez reconnus. C'est le délit de sale tete immunitaire. Puis, c'est l'immunité spécifique. Les cellules présentatrices d'antigènes sont à la recherche de ce qui est présent et qui n'est pas porteur d'un signal signifiant qu'il fait partie du corps, votre HLA. Ces cellules analysent la nouveauté par son absorption, sa digestion, la présentation des motifs antigéniques en surface pour nos cellules lymphocytaires. Les lymphocytes T viennent lire le motif sur les macrophages et ce dernier exprime son inquiétude par un certain nombre de récepteurs signaux sur sa paroi. Si l'ensemble du signal demande de l'allergie ou si le lymphocyte T est déjà présélectionné par la génétique pour être de type Th2, c'est l'allergie. Hop, c'est décidé. Ce lymphocyte va ensuite voir les lymphocytes B, les actives, en leur donnant le motif contre lequel produire des anticorps. Comme il est de type Th2, il leur demandera des anticorps de type E, les fameuses IgE. Il faut une quinzaine de jours pour produire les anticorps et les diffuser. Parallèlement, le lymphocyte T fait fabriquer des lymphocytes mémoire. Ces lymphocytes iront dans les ganglions pour garder en mémoire, comme leur nom l'indique, toute la fabrication des IgE contre cet épitope, morceau d'allergène. Comme ça, la prochaine fois, ils iront plus vite. La sensibilisation se termine par la fixation d'une énorme quantité d'IgE contre la molécule fautive. Ces anticorps errent dans le sang à la recherche de récepteurs à IgE et ça tombe bien. Le mastocyte, cellule de la peau et des muqueuses, il en a plein des récepteurs à IgE et en plus de forte affinité. Alors il se couvre d'IgE spécifique de la molécule coupable d'avoir activé votre système de défense. Et là, il attend. Si vous avez lu En attendant Godot, vous pouvez imaginer ce qu'est la vie d'un mastocyte qui ne rencontrera jamais un de ses allergènes. Il ne sert à rien. Bon, tant mieux en fait. Parce que maintenant, nous allons parler de la phase effectrice, le déclenchement de l'allergie. Vous n'aviez rien remarqué jusque-là, mais d'un coup, votre lèvre vous gêne, elle gonfle un peu, démange, et cette sensation de gorge qui se serre, c'est inhabituel. Et pourquoi êtes-vous gêné pour respirer ? C'est quoi cette toux, ces sifflements ? J'ai rien mangé d'inhabituel. Quelques noix à l'apéritif ? Des noix de cajou ? Votre corps a rencontré ANAO3, l'allergène majeur des nasacardiacées. Il a fabriqué des anticorps contre lui la dernière fois que vous l'avez rencontré. Et là, c'est l'allergie qui se déclare. Le mastocyte qui a vu ces anticorps E spécifiques d'ANAO3 présents sur sa membrane se regrouper en un point s'active. On parle de capping. Il libère ce qu'il a déjà dans le ventre, cytoplasme, de l'histamine, de l'héparine, des chondroitines sulfates, des protéases, des tryptases, etc. Il se met à fabriquer d'autres molécules pour accentuer la réponse et créer une inflammation de type allergique, appelée également de type 2. Les protéines qu'il synthétise, ce sont des prostaglandines D2, des leucotriènes C4, du paf-acéter, des cytokines, interleukines 4, 5, 6 du GMCSF, etc. Les conséquences de tout cela ? Le bouton d'urticaire sur la peau, le gonflement dans la muqueuse avec des sécrétions serreuses, le spasme des muscles lisses, bronches, tubes digestifs. et une inflammation qui dure au-delà de la crise. Une inflammation qui favorise la présence de l'infocyte Th2, qui favoriseront eux-mêmes le choix de l'allergie comme réponse pour les molécules à venir. Oui, l'allergie s'auto-entretient. Et chez les allergiques, les systèmes de régulation qui, en principe, empêchent cet emballement sont défectueux. Ils sont condamnés à une inflammation de type Th2, chaque crise accentuant celle-ci et permettant une aggravation des allergies. Vous comprenez bien maintenant qu'il est nécessaire de traiter vos symptômes de l'allergie. Votre corps se trompe, ne laissez pas dans l'erreur. En résumé, votre système de défense vous est donné par vos parents. Vous héritez de ses qualités et de ses défauts. Dès la naissance, le système immunitaire est imprégné par son environnement. Tout ce qui perturbe cette imprégnation nuit à la mise en place d'une cohabitation apaisée avec l'environnement. La césarienne et l'absence d'allaitement sont des causes favorisantes évidentes d'allergie. La qualité de la peau et des muqueuses assure, elle aussi, la bonne cohabitation avec l'environnement. La dermatite atopique, avec sa trop grande perméabilité génétiquement transmise, les infections virales néonatales, qui induisent une réponse TH2 précoce, cela devrait vous motiver à prendre soin de la peau et des muqueuses des petits-enfants. Crèmes émollientes de qualité au moins quotidienne, lavage du nez au sérum physiologique facilement en cas d'encombrement. Enfin, quand l'allergie est déclenchée, il faut la traiter. Si vous ne traitez pas, d'une part, votre système immunitaire apprend à être plus allergique, et d'autre part, l'inflammation allergique que vous laissez en place vous prédispose à de nouvelles allergies. Si vos allergies restent actives, si vous avez encore régulièrement des symptômes, ne pas vous traiter, c'est aller au-devant de plus grands problèmes. Consultez donc un médecin allergologue. Dans le prochain épisode, nous parlerons de l'allergie à la cacahuète. Belle journée à vous les amis, prenez soin de vous.