Speaker #0Et si on tirait un fil ? Celui qui relie ce qu'on vit, ce qu'on ressent et ce qu'on peut encore transformer. Un fil discret mais solide. Bonjour et bienvenue dans Au fil des enjeux, un podcast qui prend le temps. Le temps d'écouter, de réfléchir, sans donner de leçons, sans tout simplifier. Moi c'est Manuel et ici on essaie de comprendre un peu mieux ce qui se cache derrière les mots qu'on entend souvent sur le climat. Aujourd'hui j'aimerais qu'on s'arrête sur une idée qu'on entend tout le temps, que le changement climatique c'est une question de CO2. Point final. Alors oui, bien sûr, le dioxyde de carbone est un acteur central du changement climatique. Mais est-ce que ça suffit à tout expliquer ? Est-ce que réduire nos émissions, ça veut dire qu'on a tout compris ? Eh bien, comme vous l'aurez deviné, pas tout à fait. C'est vrai, le CO2 est au cœur du problème. Il est émis quand on brûle du charbon, du pétrole, du gaz. C'est lui qui piège la chaleur dans l'atmosphère, provoquant ce fameux effet de serre. Et c'est lui qu'on mesure en priorité pour évaluer notre empreinte carbone, mais ce qu'on oublie souvent. c'est que ce CO2 s'accumule. Une fois relâché dans l'atmosphère, il peut y rester plusieurs dizaines voire centaines d'années. Et notre planète n'a plus les moyens d'en absorber autant. Les forêts, les océans, les sols jouent un rôle d'absorption naturelle, on appelle ça des puits de carbone. Mais ils sont débordés face à la masse de CO2 émise chaque année par nos activités. Le résultat étant qu'une partie toujours plus grande de nos émissions reste en suspension dans l'atmosphère et aggrave l'effet de serre. Et puis le CO2 n'est pas tout seul. Il y a d'autres gaz à effet de serre comme le méthane ou le protoxyde d'azote. qui ont des effets encore plus puissants même s'ils sont moins présents. Et surtout derrière ces gaz, il y a des pratiques, des choix de société, comment on se déplace, ce qu'on mange, comment on construit nos villes, comment on produit notre électricité. Alors dire que le problème c'est le CO2, c'est un peu comme dire que le problème d'un incendie c'est la fumée. Oui, mais la fumée vient bien de quelque chose, ce quelque chose ce sont nos modèles de développement. Une économie basée sur la croissance permanente. Un système qui extrait, consomme, jette. Une mondialisation où les tomates d'Espagne se retrouvent dans des supermarchés en Norvège pendant que les... pommes françaises voyage en Chine pour être emballées. Logistiquement c'est une aberration totale, écologiquement c'est un désastre, mais économiquement ça fait bizarrement du sens. Et là on touche au cœur du problème, nos choix politiques, culturels et économiques. Parce qu'on peut vouloir faire sa part, trier ses déchets, manger local, mais premièrement ce modèle économique n'est pas soutenable pour la plupart des ménages, et deuxièmement si on vit dans un pays où tout est pensé pour la voiture, où les énergies fossiles sont subventionnées, où les transports en commun sont peu développés, Nos efforts individuels sont vite rattrapés par l'inertie du système. Donc non, ce n'est pas juste une histoire de CO2. C'est une histoire de mode de vie, de structure, d'habitudes profondément ancrées. Et c'est ça qui rend la transition difficile. Parce qu'elle ne concerne pas uniquement des chiffres ou des molécules. Elle remet en question des manières de produire, de se déplacer, d'habiter, de consommer. En bref, elle remet en cause notre rapport au monde. Et puis, il y a un autre aspect qu'on oublie trop souvent, la justice. Parce que non, le changement climatique ne fera pas tout le monde de la même manière. Les pays qui ont historiquement très peu contribué aux émissions de gaz à effet de serre sont souvent les premiers à en subir les effets. Sécheresse, inondations, récoltes perdues, migrations forcées, etc. La liste est très longue. Et pendant ce temps-là, les pays les plus riches, qui ont largement profité des énergies fossiles pour se développer, disposent aussi des infrastructures, des moyens financiers et technologiques pour amortir les chocs. C'est un peu comme si une maison prenait feu, et que ceux qui l'avaient allumée avaient déjà des extincteurs et des sorties de secours pendant que les autres restaient coincés à l'intérieur sans aide. Donc parler seulement de CO2, c'est parfois mettre de côté les rapports de force. Oubliez que cette crise est aussi une histoire de responsabilité historique, de dette climatique, d'inégalité structurelle. Et ça oriente nos réponses. Quand on regarde uniquement les chiffres, on se tourne vers des solutions avant tout techniques. Isoler le bâtiment, changer de voiture, planter des arbres, poser des panneaux solaires. C'est utile, bien sûr, et il faut le faire. Mais c'est loin de toucher au cœur du problème. Et pour y répondre, il faut aussi penser solidarité internationale, coopération entre États, entre territoires, entre générations, entre personnes. Il faut penser transformation des systèmes économiques, des règles de commerce, des politiques publiques. Et pour ça, il faut en discuter, peu importe avec qui, tant que ça fait germer des idées. C'est ça aussi, faire société. Alors si on récapitule, le CO2, c'est un symptôme, un marqueur important qu'on peut mesurer, suivre, réduire. Mais il ne faut pas l'utiliser pour obscurcir les causes profondes du problème, nos choix collectifs, nos modèles économiques, nos priorités. Et c'est là que ça devient intéressant, parce que ça veut dire qu'on a du pouvoir, pas seulement en baissant le thermostat, mais en repensant nos villes, nos liens sociaux, nos modes de consommation. Changer le climat, ce n'est pas juste une affaire de science, c'est aussi une affaire de société. Alors merci d'avoir suivi ce fil avec moi. Bien qu'un peu déprimant, il me semblait nécessaire d'aborder ce sujet pour pouvoir continuer de parler changement climatique. Dans le prochain épisode, on essaiera d'éclaircir un autre point très important, pourquoi le changement climatique ne touche pas tout le monde de la même manière. Pourquoi certains pays, certaines populations ont subi ces effets bien plus violemment que d'autres. Et même si cela pourrait paraître un peu logique, je suis convaincu qu'en parler ouvertement, c'est mieux que de se taire. A bientôt. pour tirer ensemble un nouveau fil. Si ce podcast vous parle et que vous voulez le soutenir, vous pouvez le faire sur Ko-Fi. 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