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Épisode 5 : Que cache l’expression ‘réfugié climatique’ ? cover
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Au Fil des Enjeux : Comprendre le climat sans certitudes

Épisode 5 : Que cache l’expression ‘réfugié climatique’ ?

Épisode 5 : Que cache l’expression ‘réfugié climatique’ ?

08min |03/06/2025|

17

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Description

Épisode 5 : Que cache l’expression ‘réfugié climatique’ ?


C’est une expression qu’on entend de plus en plus, mais que cache-t-elle vraiment ? Est-elle utile ? Trompeuse ? Ce qu’elle dit, ce qu’elle invisibilise. Un épisode pour penser la migration autrement.



👉 Twitter : https://x.com/fil_des_enjeux

👉 Instagram : https://www.instagram.com/au_fil_des_enjeux_podcast/

👉 Youtube : https://www.youtube.com/channel/UCj8m-jq7jAs4-YnxuDnjN-A


📚 Bibliographie pour aller plus loin : https://docs.google.com/document/d/10m2tCH31ApQnqt2E_DD_tyP6XxqVudr6Mfn94iya7hI/edit?usp=sharing


💛 Soutenez-moi sur ko-fi : https://ko-fi.com/aufildesenjeux


🎵 Musique Intro/Outro :

City Life by Artificial.Music | https://soundcloud.com/artificial-music/

Music promoted by https://www.chosic.com/free-music/all/

Creative Commons CC BY 3.0

https://creativecommons.org/licenses/by/3.0/


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Et si on tirait un fil, celui qui relie ce qu'on vit, ce qu'on ressent et ce qu'on peut encore transformer ? Un fil discret mais solide. Bonjour et bienvenue dans Au fil des enjeux, un podcast qui prend le temps. Le temps d'écouter, de réfléchir, sans donner de leçons, sans tout simplifier. Moi c'est Manuel et aujourd'hui on va parler d'une expression qu'on entend de plus en plus dans les médias. Réfugiés climatiques. Une expression qui semble évidente aux premiers abords, logique certains diraient, face aux sécheresses, aux inondations ou aux cyclones. mais qui en réalité pose beaucoup de questions. Est-ce que ça existe vraiment un réfugié climatique ? Est-ce que ce terme est juridiquement reconnu ? Et pourquoi est-ce que certains experts et ONG appellent à la prudence quand on l'emploie ? On va essayer d'y voir un peu plus clair. L'expression réfugié climatique est apparue pour la première fois dans les années 80. Mais c'est surtout à partir des années 2000 qu'elle s'est imposée dans les discours médiatiques et politiques. On l'utilise pour désigner, en gros, une personne qui aurait dû fuir son lieu de vie à cause des effets du changement climatique. La montée du niveau de la mer, la désertification, les sécheresses prolongées. ou encore les catastrophes naturelles de plus en plus violentes et fréquentes. C'est une expression qui frappe, elle évoque immédiatement l'urgence, le déracinement, la détresse. Elle crée une image forte, presque cinématographique, celle de familles chassées de chez elles par les vagues ou par les flammes. Et cette image a une certaine utilité, elle rend visible une réalité difficile à ignorer. Car oui, il y a des millions de personnes dans le monde dont la vie, le logement, les cultures ou encore les moyens de subsistance sont menacés par le climat. Mais voilà, cette expression pose de gros problèmes. D'abord parce qu'elle simplifie à l'extrême, elle donne l'impression que le climat serait une cause unique, isolée, presque mécanique du déplacement. Comme si l'on pouvait dire, il y a eu une inondation, donc tous ces gens sont partis. Or, dans la réalité, les choses sont toujours bien plus complexes. Les migrations humaines sont le fruit d'un faisceau de facteurs, pauvreté structurelle, manque d'accès aux ressources, conflits, inégalités de genre, discrimination, pression foncière, instabilité politique, etc. Le climat, dans beaucoup de cas, vient aggraver ces vulnérabilités. Il est un facteur déclencheur ou accélérateur mais rarement le seul responsable. Par exemple, une sécheresse peut pousser un agriculteur à quitter ses terres. Mais c'est parce qu'il n'a pas accès à l'irrigation, pas d'assurance, pas de soutien public, pas d'autres sources de revenus qu'il n'a pas d'autre choix que de partir. Alors, quand on parle de réfugiés climatiques, on risque de passer à côté de toute cette complexité. On fige les choses dans une logique binaire de cause à effet, alors que les trajectoires migratoires sont toujours le résultat d'une multitude de décisions, de contraintes, d'histoires personnelles. et collective. Et je tiens à insister sur ce point. Prendre la décision de migrer, ce n'est jamais une décision facile. Le deuxième problème, il est juridique. Quand on utilise le mot réfugié, on touche à un terme extrêmement précis du droit international. Ce n'est pas juste une manière de parler, c'est un statut protégé par la Convention de Genève de 1951. Et selon cette convention, Un réfugié, c'est quelqu'un qui fuit des persécutions du fait de son ethnie, de sa religion, de sa nationalité ou de son appartenance à un groupe social ou politique. Or, le climat n'entre tout simplement pas dans cette définition. Le changement climatique, aussi grave soit-il, n'est pas considéré juridiquement comme une forme de persécution. Ce n'est pas une volonté humaine d'exclure ou d'opprimer et donc il ne permet pas d'obtenir le statut de réfugié. Le résultat étant que les personnes déplacées, en partie à cause des inondations, des sécheresses extrêmes ou la montée des eaux, se retrouvent souvent dans une sorte de vie duridée. Elles ne sont pas protégées par le droit d'asile tel qu'il existe aujourd'hui. Dans la plupart des pays, elles ne peuvent pas invoquer le climat comme motif pour demander une protection internationale. Et c'est un vrai problème. Parce que cette zone grise, elle touche potentiellement des millions de personnes. Des personnes qui, souvent, ont perdu leur maison, leur terre, leur source de revenus. Mais qui, légalement, ne sont pas reconnues comme des réfugiés ni comme des migrants forcés. Et du coup, elles n'ont droit à presque rien. Pas d'accès garanti à une régularisation, pas de mécanisme de relocalisation internationale, pas de droit à rester durablement dans un pays d'accueil. Elles deviennent invisibles dans les systèmes juridiques, coincées entre des frontières, entre des statuts, entre des mots. Et il n'y a pas de solution facile à ce problème, parce qu'un autre danger plus subtil mais tout aussi important nous guette. C'est celui de croire que créer une catégorie spécifique de réfugiés climatiques suffirait à résoudre la question, ou pire que cela permettrait de mieux catégoriser les réfugiés. Comme s'il existait une hiérarchie entre les raisons qui poussent des gens à fuir. D'un côté, les bons réfugiés, ceux qui fuient des catastrophes naturelles sur lesquelles personne n'a de contrôle, et de l'autre, les mauvais, ceux qui fuient la pauvreté, l'instabilité ou même l'espoir d'une vie meilleure, des raisons jugées moins légitimes. Mais la réalité est tout sauf binaire. Et puis, en se focalisant trop sur l'image du réfugié climatique, on risque de perdre de vue l'essentiel, les causes systémiques, celles qui rendent des régions vulnérables face aux catastrophes. On parle rarement de l'exploitation des ressources, de l'accaparement des terres, de l'inaction politique, des politiques agricoles qui assèchent les sols, ou encore des systèmes énergétiques qui dépendent encore des énergies fossiles. Tout ça, ce sont des causes profondes, mais elles passent souvent au second plan. Et surtout, cette expression peut être récupérée et employée de manière très inappropriée, à des fins de désinformation ou de censionalisme. On le voit déjà, certains discours politiques parlent de vagues de réfugiés climatiques qui viendraient menacer les frontières, mettre à mal les équilibres des pays les plus riches, créer des conflits. On fantasme une sorte d'exode massif, presque biblique, qui alimente des peurs, justifie des politiques de fermeture et renforce les logiques sécuritaires. Mais ces récits-là invisibilisent les réalités concrètes. Ils détournent l'attention des vrais défis. Comment mieux s'adapter collectivement ? Comment renforcer les solidarités entre territoires ? Comment soutenir les populations à rester là où elles vivent, quand c'est possible, dans des conditions dignes ? Car le véritable enjeu, ce n'est pas de savoir qui mérite ou non le droit de migrer, c'est de construire un monde plus juste, où moins de gens seront contraints de partir. Aujourd'hui, de plus en plus de chercheurs, d'ONG et même d'agences de l'ONU préfèrent ainsi parler de mobilité liée au climat, ou de déplacements induits par les aléas climatiques. C'est moins médiatique, c'est vrai. Ça ne fait pas les gros titres aussi facilement que réfugiés climatiques, mais c'est beaucoup plus fidèle à la réalité. Parce que ces termes reconnaissent ce que les sciences sociales et les témoignages sur le terrain montrent depuis des années, le climat joue un rôle, mais il ne suffit pas à tout expliquer. Il vient souvent accentuer une vulnérabilité, rendre une vie déjà difficile encore plus précaire, ou précipiter une décision qui était en gestation. On migre rarement sur un coup de tête, et encore moins à cause d'un seul facteur. Et ces expressions plus nuancées ont un autre mérite, elles élargissent le regard. Elle nous rappelle que les mobilités ne sont pas toujours spectaculaires, ni forcément internationales. Beaucoup de déplacements liés au climat sont internes, à l'intérieur d'un même pays, souvent même d'une région à l'autre. Certains sont temporaires, comme après une inondation, d'autres deviennent définitifs quand les conditions de vie ne permettent plus un retour. Parfois, il ne s'agit pas d'un exil, mais d'un ajustement, d'un déplacement stratégique décidé en famille, pour diversifier les revenus ou échapper à un risque. Et même si le droit international reste très en retard, il y a quelques signaux faibles qui montrent une évolution. Par exemple, dans le Pacifique, certains tribunaux ou autorités locales ont commencé à reconnaître que le changement climatique pourrait mettre en danger la vie et la dignité des personnes, notamment sur des îles menacées par la montée des eaux. Des affaires ont été portées devant l'ONU, et dans quelques cas, des juges ont estimé qu'expulser une personne vers un pays fortement exposé au climat pourrait violer ses droits fondamentaux. Mais on est encore loin d'une reconnaissance universelle. Le droit international n'a pas encore rattrapé la complexité des réalités humaines liées au climat. Et en attendant, des millions de personnes se retrouvent dans un vide juridique, sans statut clair, sans filet de protection, parfois sans même la possibilité d'être écouté. Alors que faire ? Peut-être d'abord ne pas enfermer ces trajectoires humaines dans des cases toutes faites. Ne pas chercher à tout prix des définitions figées ou des chiffres spectaculaires. Mais au contraire, écouter, documenter, débattre, essayer de mieux comprendre ce que vivent les gens là où ils sont. C'est à cette condition qu'on pourra imaginer des réponses plus justes, plus durables et surtout plus humaines. Parce qu'au fond, ce n'est pas seulement une question de climat ou de droit, c'est une question de dignité, d'écoute et de solidarité internationale. Alors merci d'avoir suivi ce fil avec moi. Le changement climatique va transformer nos sociétés, nos territoires et nos mouvements de population. Et pour bien y répondre, il faut choisir les bons mots. Évitez de simplifier des réalités aussi complexes que l'immigration. A bientôt, pour tirer ensemble un nouveau film. Si ce podcast vous parle et que vous voulez le soutenir, vous pouvez le faire sur Ko-fi. Le lien est dans la description. Merci.

Description

Épisode 5 : Que cache l’expression ‘réfugié climatique’ ?


C’est une expression qu’on entend de plus en plus, mais que cache-t-elle vraiment ? Est-elle utile ? Trompeuse ? Ce qu’elle dit, ce qu’elle invisibilise. Un épisode pour penser la migration autrement.



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  • Speaker #0

    Et si on tirait un fil, celui qui relie ce qu'on vit, ce qu'on ressent et ce qu'on peut encore transformer ? Un fil discret mais solide. Bonjour et bienvenue dans Au fil des enjeux, un podcast qui prend le temps. Le temps d'écouter, de réfléchir, sans donner de leçons, sans tout simplifier. Moi c'est Manuel et aujourd'hui on va parler d'une expression qu'on entend de plus en plus dans les médias. Réfugiés climatiques. Une expression qui semble évidente aux premiers abords, logique certains diraient, face aux sécheresses, aux inondations ou aux cyclones. mais qui en réalité pose beaucoup de questions. Est-ce que ça existe vraiment un réfugié climatique ? Est-ce que ce terme est juridiquement reconnu ? Et pourquoi est-ce que certains experts et ONG appellent à la prudence quand on l'emploie ? On va essayer d'y voir un peu plus clair. L'expression réfugié climatique est apparue pour la première fois dans les années 80. Mais c'est surtout à partir des années 2000 qu'elle s'est imposée dans les discours médiatiques et politiques. On l'utilise pour désigner, en gros, une personne qui aurait dû fuir son lieu de vie à cause des effets du changement climatique. La montée du niveau de la mer, la désertification, les sécheresses prolongées. ou encore les catastrophes naturelles de plus en plus violentes et fréquentes. C'est une expression qui frappe, elle évoque immédiatement l'urgence, le déracinement, la détresse. Elle crée une image forte, presque cinématographique, celle de familles chassées de chez elles par les vagues ou par les flammes. Et cette image a une certaine utilité, elle rend visible une réalité difficile à ignorer. Car oui, il y a des millions de personnes dans le monde dont la vie, le logement, les cultures ou encore les moyens de subsistance sont menacés par le climat. Mais voilà, cette expression pose de gros problèmes. D'abord parce qu'elle simplifie à l'extrême, elle donne l'impression que le climat serait une cause unique, isolée, presque mécanique du déplacement. Comme si l'on pouvait dire, il y a eu une inondation, donc tous ces gens sont partis. Or, dans la réalité, les choses sont toujours bien plus complexes. Les migrations humaines sont le fruit d'un faisceau de facteurs, pauvreté structurelle, manque d'accès aux ressources, conflits, inégalités de genre, discrimination, pression foncière, instabilité politique, etc. Le climat, dans beaucoup de cas, vient aggraver ces vulnérabilités. Il est un facteur déclencheur ou accélérateur mais rarement le seul responsable. Par exemple, une sécheresse peut pousser un agriculteur à quitter ses terres. Mais c'est parce qu'il n'a pas accès à l'irrigation, pas d'assurance, pas de soutien public, pas d'autres sources de revenus qu'il n'a pas d'autre choix que de partir. Alors, quand on parle de réfugiés climatiques, on risque de passer à côté de toute cette complexité. On fige les choses dans une logique binaire de cause à effet, alors que les trajectoires migratoires sont toujours le résultat d'une multitude de décisions, de contraintes, d'histoires personnelles. et collective. Et je tiens à insister sur ce point. Prendre la décision de migrer, ce n'est jamais une décision facile. Le deuxième problème, il est juridique. Quand on utilise le mot réfugié, on touche à un terme extrêmement précis du droit international. Ce n'est pas juste une manière de parler, c'est un statut protégé par la Convention de Genève de 1951. Et selon cette convention, Un réfugié, c'est quelqu'un qui fuit des persécutions du fait de son ethnie, de sa religion, de sa nationalité ou de son appartenance à un groupe social ou politique. Or, le climat n'entre tout simplement pas dans cette définition. Le changement climatique, aussi grave soit-il, n'est pas considéré juridiquement comme une forme de persécution. Ce n'est pas une volonté humaine d'exclure ou d'opprimer et donc il ne permet pas d'obtenir le statut de réfugié. Le résultat étant que les personnes déplacées, en partie à cause des inondations, des sécheresses extrêmes ou la montée des eaux, se retrouvent souvent dans une sorte de vie duridée. Elles ne sont pas protégées par le droit d'asile tel qu'il existe aujourd'hui. Dans la plupart des pays, elles ne peuvent pas invoquer le climat comme motif pour demander une protection internationale. Et c'est un vrai problème. Parce que cette zone grise, elle touche potentiellement des millions de personnes. Des personnes qui, souvent, ont perdu leur maison, leur terre, leur source de revenus. Mais qui, légalement, ne sont pas reconnues comme des réfugiés ni comme des migrants forcés. Et du coup, elles n'ont droit à presque rien. Pas d'accès garanti à une régularisation, pas de mécanisme de relocalisation internationale, pas de droit à rester durablement dans un pays d'accueil. Elles deviennent invisibles dans les systèmes juridiques, coincées entre des frontières, entre des statuts, entre des mots. Et il n'y a pas de solution facile à ce problème, parce qu'un autre danger plus subtil mais tout aussi important nous guette. C'est celui de croire que créer une catégorie spécifique de réfugiés climatiques suffirait à résoudre la question, ou pire que cela permettrait de mieux catégoriser les réfugiés. Comme s'il existait une hiérarchie entre les raisons qui poussent des gens à fuir. D'un côté, les bons réfugiés, ceux qui fuient des catastrophes naturelles sur lesquelles personne n'a de contrôle, et de l'autre, les mauvais, ceux qui fuient la pauvreté, l'instabilité ou même l'espoir d'une vie meilleure, des raisons jugées moins légitimes. Mais la réalité est tout sauf binaire. Et puis, en se focalisant trop sur l'image du réfugié climatique, on risque de perdre de vue l'essentiel, les causes systémiques, celles qui rendent des régions vulnérables face aux catastrophes. On parle rarement de l'exploitation des ressources, de l'accaparement des terres, de l'inaction politique, des politiques agricoles qui assèchent les sols, ou encore des systèmes énergétiques qui dépendent encore des énergies fossiles. Tout ça, ce sont des causes profondes, mais elles passent souvent au second plan. Et surtout, cette expression peut être récupérée et employée de manière très inappropriée, à des fins de désinformation ou de censionalisme. On le voit déjà, certains discours politiques parlent de vagues de réfugiés climatiques qui viendraient menacer les frontières, mettre à mal les équilibres des pays les plus riches, créer des conflits. On fantasme une sorte d'exode massif, presque biblique, qui alimente des peurs, justifie des politiques de fermeture et renforce les logiques sécuritaires. Mais ces récits-là invisibilisent les réalités concrètes. Ils détournent l'attention des vrais défis. Comment mieux s'adapter collectivement ? Comment renforcer les solidarités entre territoires ? Comment soutenir les populations à rester là où elles vivent, quand c'est possible, dans des conditions dignes ? Car le véritable enjeu, ce n'est pas de savoir qui mérite ou non le droit de migrer, c'est de construire un monde plus juste, où moins de gens seront contraints de partir. Aujourd'hui, de plus en plus de chercheurs, d'ONG et même d'agences de l'ONU préfèrent ainsi parler de mobilité liée au climat, ou de déplacements induits par les aléas climatiques. C'est moins médiatique, c'est vrai. Ça ne fait pas les gros titres aussi facilement que réfugiés climatiques, mais c'est beaucoup plus fidèle à la réalité. Parce que ces termes reconnaissent ce que les sciences sociales et les témoignages sur le terrain montrent depuis des années, le climat joue un rôle, mais il ne suffit pas à tout expliquer. Il vient souvent accentuer une vulnérabilité, rendre une vie déjà difficile encore plus précaire, ou précipiter une décision qui était en gestation. On migre rarement sur un coup de tête, et encore moins à cause d'un seul facteur. Et ces expressions plus nuancées ont un autre mérite, elles élargissent le regard. Elle nous rappelle que les mobilités ne sont pas toujours spectaculaires, ni forcément internationales. Beaucoup de déplacements liés au climat sont internes, à l'intérieur d'un même pays, souvent même d'une région à l'autre. Certains sont temporaires, comme après une inondation, d'autres deviennent définitifs quand les conditions de vie ne permettent plus un retour. Parfois, il ne s'agit pas d'un exil, mais d'un ajustement, d'un déplacement stratégique décidé en famille, pour diversifier les revenus ou échapper à un risque. Et même si le droit international reste très en retard, il y a quelques signaux faibles qui montrent une évolution. Par exemple, dans le Pacifique, certains tribunaux ou autorités locales ont commencé à reconnaître que le changement climatique pourrait mettre en danger la vie et la dignité des personnes, notamment sur des îles menacées par la montée des eaux. Des affaires ont été portées devant l'ONU, et dans quelques cas, des juges ont estimé qu'expulser une personne vers un pays fortement exposé au climat pourrait violer ses droits fondamentaux. Mais on est encore loin d'une reconnaissance universelle. Le droit international n'a pas encore rattrapé la complexité des réalités humaines liées au climat. Et en attendant, des millions de personnes se retrouvent dans un vide juridique, sans statut clair, sans filet de protection, parfois sans même la possibilité d'être écouté. Alors que faire ? Peut-être d'abord ne pas enfermer ces trajectoires humaines dans des cases toutes faites. Ne pas chercher à tout prix des définitions figées ou des chiffres spectaculaires. Mais au contraire, écouter, documenter, débattre, essayer de mieux comprendre ce que vivent les gens là où ils sont. C'est à cette condition qu'on pourra imaginer des réponses plus justes, plus durables et surtout plus humaines. Parce qu'au fond, ce n'est pas seulement une question de climat ou de droit, c'est une question de dignité, d'écoute et de solidarité internationale. Alors merci d'avoir suivi ce fil avec moi. Le changement climatique va transformer nos sociétés, nos territoires et nos mouvements de population. Et pour bien y répondre, il faut choisir les bons mots. Évitez de simplifier des réalités aussi complexes que l'immigration. A bientôt, pour tirer ensemble un nouveau film. Si ce podcast vous parle et que vous voulez le soutenir, vous pouvez le faire sur Ko-fi. Le lien est dans la description. Merci.

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C’est une expression qu’on entend de plus en plus, mais que cache-t-elle vraiment ? Est-elle utile ? Trompeuse ? Ce qu’elle dit, ce qu’elle invisibilise. Un épisode pour penser la migration autrement.



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  • Speaker #0

    Et si on tirait un fil, celui qui relie ce qu'on vit, ce qu'on ressent et ce qu'on peut encore transformer ? Un fil discret mais solide. Bonjour et bienvenue dans Au fil des enjeux, un podcast qui prend le temps. Le temps d'écouter, de réfléchir, sans donner de leçons, sans tout simplifier. Moi c'est Manuel et aujourd'hui on va parler d'une expression qu'on entend de plus en plus dans les médias. Réfugiés climatiques. Une expression qui semble évidente aux premiers abords, logique certains diraient, face aux sécheresses, aux inondations ou aux cyclones. mais qui en réalité pose beaucoup de questions. Est-ce que ça existe vraiment un réfugié climatique ? Est-ce que ce terme est juridiquement reconnu ? Et pourquoi est-ce que certains experts et ONG appellent à la prudence quand on l'emploie ? On va essayer d'y voir un peu plus clair. L'expression réfugié climatique est apparue pour la première fois dans les années 80. Mais c'est surtout à partir des années 2000 qu'elle s'est imposée dans les discours médiatiques et politiques. On l'utilise pour désigner, en gros, une personne qui aurait dû fuir son lieu de vie à cause des effets du changement climatique. La montée du niveau de la mer, la désertification, les sécheresses prolongées. ou encore les catastrophes naturelles de plus en plus violentes et fréquentes. C'est une expression qui frappe, elle évoque immédiatement l'urgence, le déracinement, la détresse. Elle crée une image forte, presque cinématographique, celle de familles chassées de chez elles par les vagues ou par les flammes. Et cette image a une certaine utilité, elle rend visible une réalité difficile à ignorer. Car oui, il y a des millions de personnes dans le monde dont la vie, le logement, les cultures ou encore les moyens de subsistance sont menacés par le climat. Mais voilà, cette expression pose de gros problèmes. D'abord parce qu'elle simplifie à l'extrême, elle donne l'impression que le climat serait une cause unique, isolée, presque mécanique du déplacement. Comme si l'on pouvait dire, il y a eu une inondation, donc tous ces gens sont partis. Or, dans la réalité, les choses sont toujours bien plus complexes. Les migrations humaines sont le fruit d'un faisceau de facteurs, pauvreté structurelle, manque d'accès aux ressources, conflits, inégalités de genre, discrimination, pression foncière, instabilité politique, etc. Le climat, dans beaucoup de cas, vient aggraver ces vulnérabilités. Il est un facteur déclencheur ou accélérateur mais rarement le seul responsable. Par exemple, une sécheresse peut pousser un agriculteur à quitter ses terres. Mais c'est parce qu'il n'a pas accès à l'irrigation, pas d'assurance, pas de soutien public, pas d'autres sources de revenus qu'il n'a pas d'autre choix que de partir. Alors, quand on parle de réfugiés climatiques, on risque de passer à côté de toute cette complexité. On fige les choses dans une logique binaire de cause à effet, alors que les trajectoires migratoires sont toujours le résultat d'une multitude de décisions, de contraintes, d'histoires personnelles. et collective. Et je tiens à insister sur ce point. Prendre la décision de migrer, ce n'est jamais une décision facile. Le deuxième problème, il est juridique. Quand on utilise le mot réfugié, on touche à un terme extrêmement précis du droit international. Ce n'est pas juste une manière de parler, c'est un statut protégé par la Convention de Genève de 1951. Et selon cette convention, Un réfugié, c'est quelqu'un qui fuit des persécutions du fait de son ethnie, de sa religion, de sa nationalité ou de son appartenance à un groupe social ou politique. Or, le climat n'entre tout simplement pas dans cette définition. Le changement climatique, aussi grave soit-il, n'est pas considéré juridiquement comme une forme de persécution. Ce n'est pas une volonté humaine d'exclure ou d'opprimer et donc il ne permet pas d'obtenir le statut de réfugié. Le résultat étant que les personnes déplacées, en partie à cause des inondations, des sécheresses extrêmes ou la montée des eaux, se retrouvent souvent dans une sorte de vie duridée. Elles ne sont pas protégées par le droit d'asile tel qu'il existe aujourd'hui. Dans la plupart des pays, elles ne peuvent pas invoquer le climat comme motif pour demander une protection internationale. Et c'est un vrai problème. Parce que cette zone grise, elle touche potentiellement des millions de personnes. Des personnes qui, souvent, ont perdu leur maison, leur terre, leur source de revenus. Mais qui, légalement, ne sont pas reconnues comme des réfugiés ni comme des migrants forcés. Et du coup, elles n'ont droit à presque rien. Pas d'accès garanti à une régularisation, pas de mécanisme de relocalisation internationale, pas de droit à rester durablement dans un pays d'accueil. Elles deviennent invisibles dans les systèmes juridiques, coincées entre des frontières, entre des statuts, entre des mots. Et il n'y a pas de solution facile à ce problème, parce qu'un autre danger plus subtil mais tout aussi important nous guette. C'est celui de croire que créer une catégorie spécifique de réfugiés climatiques suffirait à résoudre la question, ou pire que cela permettrait de mieux catégoriser les réfugiés. Comme s'il existait une hiérarchie entre les raisons qui poussent des gens à fuir. D'un côté, les bons réfugiés, ceux qui fuient des catastrophes naturelles sur lesquelles personne n'a de contrôle, et de l'autre, les mauvais, ceux qui fuient la pauvreté, l'instabilité ou même l'espoir d'une vie meilleure, des raisons jugées moins légitimes. Mais la réalité est tout sauf binaire. Et puis, en se focalisant trop sur l'image du réfugié climatique, on risque de perdre de vue l'essentiel, les causes systémiques, celles qui rendent des régions vulnérables face aux catastrophes. On parle rarement de l'exploitation des ressources, de l'accaparement des terres, de l'inaction politique, des politiques agricoles qui assèchent les sols, ou encore des systèmes énergétiques qui dépendent encore des énergies fossiles. Tout ça, ce sont des causes profondes, mais elles passent souvent au second plan. Et surtout, cette expression peut être récupérée et employée de manière très inappropriée, à des fins de désinformation ou de censionalisme. On le voit déjà, certains discours politiques parlent de vagues de réfugiés climatiques qui viendraient menacer les frontières, mettre à mal les équilibres des pays les plus riches, créer des conflits. On fantasme une sorte d'exode massif, presque biblique, qui alimente des peurs, justifie des politiques de fermeture et renforce les logiques sécuritaires. Mais ces récits-là invisibilisent les réalités concrètes. Ils détournent l'attention des vrais défis. Comment mieux s'adapter collectivement ? Comment renforcer les solidarités entre territoires ? Comment soutenir les populations à rester là où elles vivent, quand c'est possible, dans des conditions dignes ? Car le véritable enjeu, ce n'est pas de savoir qui mérite ou non le droit de migrer, c'est de construire un monde plus juste, où moins de gens seront contraints de partir. Aujourd'hui, de plus en plus de chercheurs, d'ONG et même d'agences de l'ONU préfèrent ainsi parler de mobilité liée au climat, ou de déplacements induits par les aléas climatiques. C'est moins médiatique, c'est vrai. Ça ne fait pas les gros titres aussi facilement que réfugiés climatiques, mais c'est beaucoup plus fidèle à la réalité. Parce que ces termes reconnaissent ce que les sciences sociales et les témoignages sur le terrain montrent depuis des années, le climat joue un rôle, mais il ne suffit pas à tout expliquer. Il vient souvent accentuer une vulnérabilité, rendre une vie déjà difficile encore plus précaire, ou précipiter une décision qui était en gestation. On migre rarement sur un coup de tête, et encore moins à cause d'un seul facteur. Et ces expressions plus nuancées ont un autre mérite, elles élargissent le regard. Elle nous rappelle que les mobilités ne sont pas toujours spectaculaires, ni forcément internationales. Beaucoup de déplacements liés au climat sont internes, à l'intérieur d'un même pays, souvent même d'une région à l'autre. Certains sont temporaires, comme après une inondation, d'autres deviennent définitifs quand les conditions de vie ne permettent plus un retour. Parfois, il ne s'agit pas d'un exil, mais d'un ajustement, d'un déplacement stratégique décidé en famille, pour diversifier les revenus ou échapper à un risque. Et même si le droit international reste très en retard, il y a quelques signaux faibles qui montrent une évolution. Par exemple, dans le Pacifique, certains tribunaux ou autorités locales ont commencé à reconnaître que le changement climatique pourrait mettre en danger la vie et la dignité des personnes, notamment sur des îles menacées par la montée des eaux. Des affaires ont été portées devant l'ONU, et dans quelques cas, des juges ont estimé qu'expulser une personne vers un pays fortement exposé au climat pourrait violer ses droits fondamentaux. Mais on est encore loin d'une reconnaissance universelle. Le droit international n'a pas encore rattrapé la complexité des réalités humaines liées au climat. Et en attendant, des millions de personnes se retrouvent dans un vide juridique, sans statut clair, sans filet de protection, parfois sans même la possibilité d'être écouté. Alors que faire ? Peut-être d'abord ne pas enfermer ces trajectoires humaines dans des cases toutes faites. Ne pas chercher à tout prix des définitions figées ou des chiffres spectaculaires. Mais au contraire, écouter, documenter, débattre, essayer de mieux comprendre ce que vivent les gens là où ils sont. C'est à cette condition qu'on pourra imaginer des réponses plus justes, plus durables et surtout plus humaines. Parce qu'au fond, ce n'est pas seulement une question de climat ou de droit, c'est une question de dignité, d'écoute et de solidarité internationale. Alors merci d'avoir suivi ce fil avec moi. Le changement climatique va transformer nos sociétés, nos territoires et nos mouvements de population. Et pour bien y répondre, il faut choisir les bons mots. Évitez de simplifier des réalités aussi complexes que l'immigration. A bientôt, pour tirer ensemble un nouveau film. Si ce podcast vous parle et que vous voulez le soutenir, vous pouvez le faire sur Ko-fi. Le lien est dans la description. Merci.

Description

Épisode 5 : Que cache l’expression ‘réfugié climatique’ ?


C’est une expression qu’on entend de plus en plus, mais que cache-t-elle vraiment ? Est-elle utile ? Trompeuse ? Ce qu’elle dit, ce qu’elle invisibilise. Un épisode pour penser la migration autrement.



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Transcription

  • Speaker #0

    Et si on tirait un fil, celui qui relie ce qu'on vit, ce qu'on ressent et ce qu'on peut encore transformer ? Un fil discret mais solide. Bonjour et bienvenue dans Au fil des enjeux, un podcast qui prend le temps. Le temps d'écouter, de réfléchir, sans donner de leçons, sans tout simplifier. Moi c'est Manuel et aujourd'hui on va parler d'une expression qu'on entend de plus en plus dans les médias. Réfugiés climatiques. Une expression qui semble évidente aux premiers abords, logique certains diraient, face aux sécheresses, aux inondations ou aux cyclones. mais qui en réalité pose beaucoup de questions. Est-ce que ça existe vraiment un réfugié climatique ? Est-ce que ce terme est juridiquement reconnu ? Et pourquoi est-ce que certains experts et ONG appellent à la prudence quand on l'emploie ? On va essayer d'y voir un peu plus clair. L'expression réfugié climatique est apparue pour la première fois dans les années 80. Mais c'est surtout à partir des années 2000 qu'elle s'est imposée dans les discours médiatiques et politiques. On l'utilise pour désigner, en gros, une personne qui aurait dû fuir son lieu de vie à cause des effets du changement climatique. La montée du niveau de la mer, la désertification, les sécheresses prolongées. ou encore les catastrophes naturelles de plus en plus violentes et fréquentes. C'est une expression qui frappe, elle évoque immédiatement l'urgence, le déracinement, la détresse. Elle crée une image forte, presque cinématographique, celle de familles chassées de chez elles par les vagues ou par les flammes. Et cette image a une certaine utilité, elle rend visible une réalité difficile à ignorer. Car oui, il y a des millions de personnes dans le monde dont la vie, le logement, les cultures ou encore les moyens de subsistance sont menacés par le climat. Mais voilà, cette expression pose de gros problèmes. D'abord parce qu'elle simplifie à l'extrême, elle donne l'impression que le climat serait une cause unique, isolée, presque mécanique du déplacement. Comme si l'on pouvait dire, il y a eu une inondation, donc tous ces gens sont partis. Or, dans la réalité, les choses sont toujours bien plus complexes. Les migrations humaines sont le fruit d'un faisceau de facteurs, pauvreté structurelle, manque d'accès aux ressources, conflits, inégalités de genre, discrimination, pression foncière, instabilité politique, etc. Le climat, dans beaucoup de cas, vient aggraver ces vulnérabilités. Il est un facteur déclencheur ou accélérateur mais rarement le seul responsable. Par exemple, une sécheresse peut pousser un agriculteur à quitter ses terres. Mais c'est parce qu'il n'a pas accès à l'irrigation, pas d'assurance, pas de soutien public, pas d'autres sources de revenus qu'il n'a pas d'autre choix que de partir. Alors, quand on parle de réfugiés climatiques, on risque de passer à côté de toute cette complexité. On fige les choses dans une logique binaire de cause à effet, alors que les trajectoires migratoires sont toujours le résultat d'une multitude de décisions, de contraintes, d'histoires personnelles. et collective. Et je tiens à insister sur ce point. Prendre la décision de migrer, ce n'est jamais une décision facile. Le deuxième problème, il est juridique. Quand on utilise le mot réfugié, on touche à un terme extrêmement précis du droit international. Ce n'est pas juste une manière de parler, c'est un statut protégé par la Convention de Genève de 1951. Et selon cette convention, Un réfugié, c'est quelqu'un qui fuit des persécutions du fait de son ethnie, de sa religion, de sa nationalité ou de son appartenance à un groupe social ou politique. Or, le climat n'entre tout simplement pas dans cette définition. Le changement climatique, aussi grave soit-il, n'est pas considéré juridiquement comme une forme de persécution. Ce n'est pas une volonté humaine d'exclure ou d'opprimer et donc il ne permet pas d'obtenir le statut de réfugié. Le résultat étant que les personnes déplacées, en partie à cause des inondations, des sécheresses extrêmes ou la montée des eaux, se retrouvent souvent dans une sorte de vie duridée. Elles ne sont pas protégées par le droit d'asile tel qu'il existe aujourd'hui. Dans la plupart des pays, elles ne peuvent pas invoquer le climat comme motif pour demander une protection internationale. Et c'est un vrai problème. Parce que cette zone grise, elle touche potentiellement des millions de personnes. Des personnes qui, souvent, ont perdu leur maison, leur terre, leur source de revenus. Mais qui, légalement, ne sont pas reconnues comme des réfugiés ni comme des migrants forcés. Et du coup, elles n'ont droit à presque rien. Pas d'accès garanti à une régularisation, pas de mécanisme de relocalisation internationale, pas de droit à rester durablement dans un pays d'accueil. Elles deviennent invisibles dans les systèmes juridiques, coincées entre des frontières, entre des statuts, entre des mots. Et il n'y a pas de solution facile à ce problème, parce qu'un autre danger plus subtil mais tout aussi important nous guette. C'est celui de croire que créer une catégorie spécifique de réfugiés climatiques suffirait à résoudre la question, ou pire que cela permettrait de mieux catégoriser les réfugiés. Comme s'il existait une hiérarchie entre les raisons qui poussent des gens à fuir. D'un côté, les bons réfugiés, ceux qui fuient des catastrophes naturelles sur lesquelles personne n'a de contrôle, et de l'autre, les mauvais, ceux qui fuient la pauvreté, l'instabilité ou même l'espoir d'une vie meilleure, des raisons jugées moins légitimes. Mais la réalité est tout sauf binaire. Et puis, en se focalisant trop sur l'image du réfugié climatique, on risque de perdre de vue l'essentiel, les causes systémiques, celles qui rendent des régions vulnérables face aux catastrophes. On parle rarement de l'exploitation des ressources, de l'accaparement des terres, de l'inaction politique, des politiques agricoles qui assèchent les sols, ou encore des systèmes énergétiques qui dépendent encore des énergies fossiles. Tout ça, ce sont des causes profondes, mais elles passent souvent au second plan. Et surtout, cette expression peut être récupérée et employée de manière très inappropriée, à des fins de désinformation ou de censionalisme. On le voit déjà, certains discours politiques parlent de vagues de réfugiés climatiques qui viendraient menacer les frontières, mettre à mal les équilibres des pays les plus riches, créer des conflits. On fantasme une sorte d'exode massif, presque biblique, qui alimente des peurs, justifie des politiques de fermeture et renforce les logiques sécuritaires. Mais ces récits-là invisibilisent les réalités concrètes. Ils détournent l'attention des vrais défis. Comment mieux s'adapter collectivement ? Comment renforcer les solidarités entre territoires ? Comment soutenir les populations à rester là où elles vivent, quand c'est possible, dans des conditions dignes ? Car le véritable enjeu, ce n'est pas de savoir qui mérite ou non le droit de migrer, c'est de construire un monde plus juste, où moins de gens seront contraints de partir. Aujourd'hui, de plus en plus de chercheurs, d'ONG et même d'agences de l'ONU préfèrent ainsi parler de mobilité liée au climat, ou de déplacements induits par les aléas climatiques. C'est moins médiatique, c'est vrai. Ça ne fait pas les gros titres aussi facilement que réfugiés climatiques, mais c'est beaucoup plus fidèle à la réalité. Parce que ces termes reconnaissent ce que les sciences sociales et les témoignages sur le terrain montrent depuis des années, le climat joue un rôle, mais il ne suffit pas à tout expliquer. Il vient souvent accentuer une vulnérabilité, rendre une vie déjà difficile encore plus précaire, ou précipiter une décision qui était en gestation. On migre rarement sur un coup de tête, et encore moins à cause d'un seul facteur. Et ces expressions plus nuancées ont un autre mérite, elles élargissent le regard. Elle nous rappelle que les mobilités ne sont pas toujours spectaculaires, ni forcément internationales. Beaucoup de déplacements liés au climat sont internes, à l'intérieur d'un même pays, souvent même d'une région à l'autre. Certains sont temporaires, comme après une inondation, d'autres deviennent définitifs quand les conditions de vie ne permettent plus un retour. Parfois, il ne s'agit pas d'un exil, mais d'un ajustement, d'un déplacement stratégique décidé en famille, pour diversifier les revenus ou échapper à un risque. Et même si le droit international reste très en retard, il y a quelques signaux faibles qui montrent une évolution. Par exemple, dans le Pacifique, certains tribunaux ou autorités locales ont commencé à reconnaître que le changement climatique pourrait mettre en danger la vie et la dignité des personnes, notamment sur des îles menacées par la montée des eaux. Des affaires ont été portées devant l'ONU, et dans quelques cas, des juges ont estimé qu'expulser une personne vers un pays fortement exposé au climat pourrait violer ses droits fondamentaux. Mais on est encore loin d'une reconnaissance universelle. Le droit international n'a pas encore rattrapé la complexité des réalités humaines liées au climat. Et en attendant, des millions de personnes se retrouvent dans un vide juridique, sans statut clair, sans filet de protection, parfois sans même la possibilité d'être écouté. Alors que faire ? Peut-être d'abord ne pas enfermer ces trajectoires humaines dans des cases toutes faites. Ne pas chercher à tout prix des définitions figées ou des chiffres spectaculaires. Mais au contraire, écouter, documenter, débattre, essayer de mieux comprendre ce que vivent les gens là où ils sont. C'est à cette condition qu'on pourra imaginer des réponses plus justes, plus durables et surtout plus humaines. Parce qu'au fond, ce n'est pas seulement une question de climat ou de droit, c'est une question de dignité, d'écoute et de solidarité internationale. Alors merci d'avoir suivi ce fil avec moi. Le changement climatique va transformer nos sociétés, nos territoires et nos mouvements de population. Et pour bien y répondre, il faut choisir les bons mots. Évitez de simplifier des réalités aussi complexes que l'immigration. A bientôt, pour tirer ensemble un nouveau film. Si ce podcast vous parle et que vous voulez le soutenir, vous pouvez le faire sur Ko-fi. Le lien est dans la description. Merci.

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