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Au Fil des Enjeux : Comprendre le climat sans certitudes

Épisode 8 : Exploitation des fonds marins, espoir économique ou menace écologique ?

Épisode 8 : Exploitation des fonds marins, espoir économique ou menace écologique ?

11min |13/06/2025|

8

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11min |13/06/2025|

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Description

Depuis quelques années, une promesse fait surface : exploiter les grands fonds marins pour y puiser les métaux rares nécessaires à la transition énergétique. Cobalt, nickel, terres rares… Ces ressources, nichées à des milliers de mètres de profondeur, attisent les convoitises de gouvernements et d’entreprises.

Mais que sait-on vraiment des impacts écologiques de cette exploitation ? Peut-on réparer une crise environnementale… en en provoquant une autre ?


Dans cet épisode, on plonge au cœur d’un débat complexe :

  • Quels sont les enjeux géopolitiques, économiques et écologiques de l’extraction en haute mer ?

  • Que disent les scientifiques, les ONG, les peuples concernés ?

  • Et surtout : avons-nous vraiment besoin d’exploiter ces ressources pour réussir la transition écologique, ou peut-on faire autrement ?


Une exploration lucide et sans simplification d’un sujet méconnu, mais central pour notre avenir commun.


👉 Twitter : https://x.com/fil_des_enjeux

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👉 Youtube : https://www.youtube.com/channel/UCj8m-jq7jAs4-YnxuDnjN-A


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📚 Bibliographie pour aller plus loin : https://docs.google.com/document/d/1FcePllXsrTHHWGS4PMGJJNZzltQSUhBkz8RfmF_vsV8/edit?usp=sharing


🎵 Musique Intro/Outro :

City Life by Artificial.Music | https://soundcloud.com/artificial-music/

Music promoted by https://www.chosic.com/free-music/all/

Creative Commons CC BY 3.0

https://creativecommons.org/licenses/by/3.0/


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Et si on tirait un fil, celui qui relie ce qu'on vit, ce qu'on ressent et ce qu'on peut encore transformer. Un fil discret mais solide. Bonjour et bienvenue dans Au fil des enjeux, un podcast qui prend le temps. Le temps d'écouter et de réfléchir sans donner de leçons, sans tout simplifier. Moi c'est Manuel, et si vous êtes là, c'est qu'on a sans doute quelques questions en commun. La dernière fois, en parlant de la conférence de l'ONU sur l'océan à Nice, on a vu à quel point l'océan joue un rôle crucial. Non seulement pour la vie marine, mais aussi pour le climat de manière globale. Il agit comme un véritable bouclier en absorbant une grande partie du CO2 et de la chaleur excédentaire que nous produisons. Mais il y a un aspect dont je n'ai pas encore parlé, un sujet de plus en plus présent dans les débats. L'extraction minière dans les grands fonds marins. Un sujet qui soulève beaucoup d'espoir, mais aussi de vives inquiétudes. Alors aujourd'hui, je vous propose qu'on prenne un peu de recul, qu'on descende au sens propre comme au figuré, vers ce qui se joue réellement dans ces abysses. Pas seulement sous la surface de l'eau, mais aussi sous la surface des discours. Voyons ensemble ce qu'il y a derrière cette promesse, celle d'une exploitation présentée comme nécessaire à la transition énergétique. Depuis quelques années, un nouveau sujet s'impose dans les discours politiques, industriels et technologiques. L'exploitation des fonds marins. Ce sujet, encore marginal il y a peu, gagne du terrain. On en parle dans les ministères de l'énergie, dans les enceintes internationales, dans les grandes entreprises de la transition technologique. L'idée est simple. Au fond des océans se trouvent des ressources minérales rares comme le cobalt, le nickel ou le manganèse, qui sont essentielles entre autres à la fabrication de batteries, et donc à la transition énergétique. Face à l'urgence climatique et à la nécessité de réduire notre dépendance aux énergies fossiles, cet argument paraît logique. Produire plus de batteries pour les véhicules électriques, les énergies renouvelables ou le stockage d'énergie implique une hausse de la demande en métaux stratégiques. Et ces métaux, certains affirment qu'on pourrait aller les chercher là où ils sont encore. peu exploitées sur les grands fonds marins. Mais cette promesse soulève une question fondamentale, peut-on sortir d'une crise écologique en en provoquant une autre ? Car les grands fonds ne sont pas des espaces vierges et inertes, ce sont des milieux complexes, anciens et peu connus. Ils abritent des écosystèmes profonds, souvent très fragiles, où certaines espèces sont endémiques, c'est-à-dire qu'on ne les trouve nulle part ailleurs. Ces environnements ont évolué lentement, sur des milliers voire des millions d'années, et leur fonctionnement nous échappe encore en grande partie. Et pourtant, l'intérêt économique s'intensifie. Des prototypes de machines sont testés pour aspirer ou racler les sols marins, des permis d'exploitation sont déjà étudiés par l'autorité internationale des fonds marins. Et plusieurs pays font pression pour ouvrir la voie à une exploitation commerciale à grande échelle dès les prochaines années. Le débat ne porte donc pas uniquement sur les technologies ou les métaux, mais sur un choix de société. Faut-il miser sur cette nouvelle frontière technologique pour accélérer la transition ? Ou faut-il d'abord comprendre les conséquences écologiques d'une telle exploitation dans un milieu aussi peu connu ? Mais au-delà des métaux et des technologies, une autre question se pose, plus dérangeante. Veut-on creuser au fond des mers ? Parce que c'est loin ? Parce que c'est invisible ? En d'autres termes, est-ce qu'on cherche à déplacer les dégâts environnementaux là où personne ne les voit, pour éviter les rejets des populations et des images choquantes ? Les mines à ciel ouvert, avec leur impact direct sur les paysages, les communautés locales, la pollution de l'air et de l'eau, sont de plus en plus contestées. Alors à la place, on irait racler les fonds marins loin des regards, sans témoins, mais avec des impacts qui pourraient être durables et irréversibles. C'est une forme de déni moderne en fait, remplacer une destruction visible par une autre, dissimulée. Une solution qui fait disparaître le problème du champ de vision, sans forcément régler les causes profondes. Alors la vraie question est peut-être celle-ci, dans quelle direction voulons-nous aller ? Optimiser ce modèle extractif en repoussant toujours plus loin ses conséquences ? ou changer d'approche en interrogeant notre dépendance à des ressources toujours plus difficiles à extraire. L'argument économique en faveur de l'exploitation des grands fonds marins est à première vue convaincant. On y voit une opportunité stratégique, ces ressources pourraient réduire notre dépendance aux mines terrestres, dont beaucoup sont situées dans des régions instables ou sous tension géopolitique. Elles pourraient aussi diversifier l'approvisionnement en méthodes critiques nécessaires à la fabrication de batteries, d'éoliennes, de panneaux solaires ou encore d'équipements électroniques. Pour certains, c'est même un moindre mal. Plutôt que de continuer à creuser dans des zones habitées, avec des conséquences sociales et environnementales dramatiques, autant aller chercher les métaux là où il n'y a pas de populations humaines, là où les conflits d'usages sont absents. Mais cette logique présente plusieurs angles morts. D'abord, elle repose sur des hypothèses encore largement spéculatives. Aucune exploitation commerciale à grande échelle n'a encore eu lieu. Nous n'avons donc que très peu de données concrètes sur les impacts environnementaux réels de ces opérations. Ce qu'on sait, en revanche, est déjà préoccupant. Parmi les risques identifiés par la communauté scientifique, il y a la remise en suspension de nuages de sédiments qui peuvent asphyxier les espèces environnementales et perturber des chaînes alimentaires complexes. Des pollutions sonores et lumineuses dans un milieu naturellement silencieux et obscur qui risquent de perturber profondément la faune marine. Des rejets chimiques liés aux équipements ou aux procédés d'extraction. Et surtout, une destruction physique directe des habitats. A cela s'ajoute un autre problème fondamental, l'extrême lenteur de ces écosystèmes à se régénérer. Dans les profondeurs abyssales, la croissance biologique est très lente. Un site dégradé pourrait mettre des centaines voire des milliers d'années à retrouver un équilibre, s'il y parvient un jour. Ensuite, au-delà des risques environnementaux, cette course aux métaux repose sur une logique familière. Extraire plus pour produire plus pour consommer plus. C'est une continuité directe du modèle extractiviste qui domine depuis des décennies. Un modèle qui, au lieu de remettre en question de besoins réels, cherche à garantir l'approvisionnement à tout prix, même dans les zones les plus reculées ou fragiles de la planète. Et c'est peut-être là en fait le cœur du débat. Est-ce que l'exploitation des grands fonds marins est vraiment une solution à la crise écologique ? Ou est-ce une manière d'en repousser les limites ? Spatialement ? Temporellement ? Moralement ? Alors faut-il plonger tête baissée au nom de l'innovation verte ? Ou au contraire, prendre le temps d'un débat collectif, informé, transparent ? Pour décider, en connaissance de cause, si ce pari mérite d'être tenté, et à quelles conditions ? Parce qu'il faut bien se le dire, c'est un pari à haut risque, même à très haut risque. Pas seulement pour quelques espèces isolées au fond de l'océan, mais pour l'équilibre même des systèmes océaniques, dont nous dépendons tous. Les grands fonds marins jouent un rôle encore largement méconnu mais essentiel dans le fonctionnement global des océans. Ils participent à la régulation du carbone, au stockage naturel des déchets organiques, à la circulation des nutriments à grande échelle. En déstabilisant ces écosystèmes, même localement, on risque d'altérer des mécanismes dont l'effet se propage à grande distance et à long terme. Et la vérité, c'est que nous ne maîtrisons pas encore les conséquences potentielles de ces perturbations. Ce n'est donc pas seulement une question de biodiversité ou de préservation, c'est aussi une question de prudence. presque de bon sens, quand on ignore l'ampleur des impacts mieux vaut ne pas les provoquer. D'ailleurs, l'exploitation des fonds marins ne concerne pas un seul pays. Les zones ciblées par cette nouvelle ruée minière sont souvent situées au-delà des juridictions nationales, dans les grandes profondeurs des eaux internationales. Des espaces qui juridiquement n'appartiennent à personne, mais concernent tout le monde. Les grands fonds marins ne sont pas des territoires comme les autres, ils ne relèvent pas d'une souveraineté nationale, ne sont pas bornés par des frontières visibles, ni exploités selon les règles classiques de propriété. Ils sont juridiquement des biens communs de l'humanité, des espaces qui appartiennent à tout le monde et à personne en particulier. Et c'est précisément ce statut qui rend leur avenir si crucial et si délicat. Parce que lorsqu'un espace est commun, la responsabilité qui est liée l'est aussi. Ce n'est pas seulement aux états les plus puissants ni aux entreprises les plus innovantes de décider de ce qu'on en fait. C'est à l'ensemble de la communauté internationale, aux citoyens, aux scientifiques, aux communautés concernées, de réfléchir collectivement à la manière dont ces espaces doivent être protégés, exploités ou préservés. Laisser cette décision à une poignée d'acteurs économiques ou diplomatiques, c'est prendre le risque d'un accaparement silencieux, c'est faire l'impasse sur un débat fondamental. Que veut-on faire de ce qui est à tous ? Et surtout, que veut-on préserver de ce qui ne peut pas être remplacé ? Et c'est l'Autorité internationale des fonds marins, un organe peu connu mais stratégique des Nations Unies, qui est chargé d'encadrer cela. Elle a pour mission de réguler l'exploration et potentiellement l'exploitation des ressources des grands fonds au nom de l'intérêt commun de l'humanité. Mais dans les faits, la pression monte. Certains états, emmenés notamment par des nations insulaires ou très dépendantes des ressources minières, veulent accélérer. Ils militent pour que les premiers permis d'exploitation soient accordés dans les toutes prochaines années. D'autres appellent à la prudence, une pause réglementaire, un moratoire ou à défaut un renforcement strict des évaluations environnementales. Et au cœur de ce débat, certaines voies sont marginalisées, voire ignorées. Celle des scientifiques qui soulignent le manque flagrant de données sur les écosystèmes profonds et les impacts potentiels à long terme. Celle des peuples, des communautés insulaires ou côtières pour qui l'océan n'est pas seulement une ressource, c'est un territoire de vie, un espace culturel, une mémoire. Celle des ONG environnementales qui réclament l'application du principe de précaution, faute de quoi cette exploitation pourrait devenir une nouvelle version de l'histoire bien connue de la surexploitation des communs. Ce déséquilibre dans la prise de décision n'est pas anodin. Parce que ce qui se joue ici, ce n'est pas simplement une opération industrielle de plus, c'est un choix de société, un choix civilisationnel. Acceptons-nous de considérer chaque espace encore intact comme futur gisement potentiel ? Continuons-nous à repousser toujours plus loin les limites de l'extractivisme, sous prétexte de transition énergétique ? Ou bien choisissons-nous, cette fois, de ralentir, de débattre et peut-être de renoncer ? L'océan, on le regarde trop souvent comme un réservoir inépuisable de ressources, un espace à cartographier, à mesurer, à rentabiliser. Il devient alors un prolongement de nos logiques industrielles. Ce que la Terre ne peut plus nous donner, on ira le chercher au fond de l'eau. Mais l'océan est bien plus qu'un stock de métaux ou un territoire à conquérir, c'est un espace de vie qui abrite une biodiversité immense, encore largement méconnue. C'est un régulateur climatique majeur, qui absorbe une grande partie de notre excès de chaleur et de CO2. C'est un patrimoine commun, tissé de liens culturels, spirituels et économiques, avec des peuples qui en dépendent directement. Changer de regard, c'est commencer par reconnaître que certaines richesses sont inestimables, et que vouloir en tirer un profit immédiat, c'est peut-être mettre en péril des équilibres dont dépend notre avenir commun. C'est aussi poser une autre question, plus dérangeante mais essentielle. Avons-nous vraiment besoin de ces métaux pour réussir la transition ? Ou est-il possible d'imaginer une transition plus sobre, plus locale, plus solidaire ? Une transition fondée non pas sur le remplacement d'un système extractif par un autre, mais sur un changement de logique. Des technologies pensées pour durer, être réparées et partagées. Des chaînes de production raccourcies, des usages repensés, des besoins réévalués. Une économie recentrée non plus sur la croissance sans fin, mais sur les limites écologiques, les droits des générations futures et le respect du vivant. Parce qu'au fond, la vraie richesse ne se trouve peut-être pas à 5000 mètres de profondeur, mais dans notre capacité à imaginer d'autres manières de produire, de consommer, de cohabiter, d'autres manières d'habiter le monde. Alors merci d'avoir suivi ce fil avec moi. L'exploitation des fonds marins n'est pas qu'un débat technique, c'est un débat révélateur. Il nous oblige à choisir entre deux logiques, celle de l'extraction continue ou celle de la préservation, celle du court terme ou celle de la responsabilité. Et ce choix, il commence maintenant, par la manière dont on s'informe, dont on débat, et dont on imagine ensemble ce que pourrait être une transition réellement juste. A bientôt, pour tirer ensemble un nouveau fil. Si ce podcast vous parle et que vous voulez le soutenir, vous pouvez le faire sur Ko-Fi. Le lien est dans la description. Merci.

Description

Depuis quelques années, une promesse fait surface : exploiter les grands fonds marins pour y puiser les métaux rares nécessaires à la transition énergétique. Cobalt, nickel, terres rares… Ces ressources, nichées à des milliers de mètres de profondeur, attisent les convoitises de gouvernements et d’entreprises.

Mais que sait-on vraiment des impacts écologiques de cette exploitation ? Peut-on réparer une crise environnementale… en en provoquant une autre ?


Dans cet épisode, on plonge au cœur d’un débat complexe :

  • Quels sont les enjeux géopolitiques, économiques et écologiques de l’extraction en haute mer ?

  • Que disent les scientifiques, les ONG, les peuples concernés ?

  • Et surtout : avons-nous vraiment besoin d’exploiter ces ressources pour réussir la transition écologique, ou peut-on faire autrement ?


Une exploration lucide et sans simplification d’un sujet méconnu, mais central pour notre avenir commun.


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🎵 Musique Intro/Outro :

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Creative Commons CC BY 3.0

https://creativecommons.org/licenses/by/3.0/


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Et si on tirait un fil, celui qui relie ce qu'on vit, ce qu'on ressent et ce qu'on peut encore transformer. Un fil discret mais solide. Bonjour et bienvenue dans Au fil des enjeux, un podcast qui prend le temps. Le temps d'écouter et de réfléchir sans donner de leçons, sans tout simplifier. Moi c'est Manuel, et si vous êtes là, c'est qu'on a sans doute quelques questions en commun. La dernière fois, en parlant de la conférence de l'ONU sur l'océan à Nice, on a vu à quel point l'océan joue un rôle crucial. Non seulement pour la vie marine, mais aussi pour le climat de manière globale. Il agit comme un véritable bouclier en absorbant une grande partie du CO2 et de la chaleur excédentaire que nous produisons. Mais il y a un aspect dont je n'ai pas encore parlé, un sujet de plus en plus présent dans les débats. L'extraction minière dans les grands fonds marins. Un sujet qui soulève beaucoup d'espoir, mais aussi de vives inquiétudes. Alors aujourd'hui, je vous propose qu'on prenne un peu de recul, qu'on descende au sens propre comme au figuré, vers ce qui se joue réellement dans ces abysses. Pas seulement sous la surface de l'eau, mais aussi sous la surface des discours. Voyons ensemble ce qu'il y a derrière cette promesse, celle d'une exploitation présentée comme nécessaire à la transition énergétique. Depuis quelques années, un nouveau sujet s'impose dans les discours politiques, industriels et technologiques. L'exploitation des fonds marins. Ce sujet, encore marginal il y a peu, gagne du terrain. On en parle dans les ministères de l'énergie, dans les enceintes internationales, dans les grandes entreprises de la transition technologique. L'idée est simple. Au fond des océans se trouvent des ressources minérales rares comme le cobalt, le nickel ou le manganèse, qui sont essentielles entre autres à la fabrication de batteries, et donc à la transition énergétique. Face à l'urgence climatique et à la nécessité de réduire notre dépendance aux énergies fossiles, cet argument paraît logique. Produire plus de batteries pour les véhicules électriques, les énergies renouvelables ou le stockage d'énergie implique une hausse de la demande en métaux stratégiques. Et ces métaux, certains affirment qu'on pourrait aller les chercher là où ils sont encore. peu exploitées sur les grands fonds marins. Mais cette promesse soulève une question fondamentale, peut-on sortir d'une crise écologique en en provoquant une autre ? Car les grands fonds ne sont pas des espaces vierges et inertes, ce sont des milieux complexes, anciens et peu connus. Ils abritent des écosystèmes profonds, souvent très fragiles, où certaines espèces sont endémiques, c'est-à-dire qu'on ne les trouve nulle part ailleurs. Ces environnements ont évolué lentement, sur des milliers voire des millions d'années, et leur fonctionnement nous échappe encore en grande partie. Et pourtant, l'intérêt économique s'intensifie. Des prototypes de machines sont testés pour aspirer ou racler les sols marins, des permis d'exploitation sont déjà étudiés par l'autorité internationale des fonds marins. Et plusieurs pays font pression pour ouvrir la voie à une exploitation commerciale à grande échelle dès les prochaines années. Le débat ne porte donc pas uniquement sur les technologies ou les métaux, mais sur un choix de société. Faut-il miser sur cette nouvelle frontière technologique pour accélérer la transition ? Ou faut-il d'abord comprendre les conséquences écologiques d'une telle exploitation dans un milieu aussi peu connu ? Mais au-delà des métaux et des technologies, une autre question se pose, plus dérangeante. Veut-on creuser au fond des mers ? Parce que c'est loin ? Parce que c'est invisible ? En d'autres termes, est-ce qu'on cherche à déplacer les dégâts environnementaux là où personne ne les voit, pour éviter les rejets des populations et des images choquantes ? Les mines à ciel ouvert, avec leur impact direct sur les paysages, les communautés locales, la pollution de l'air et de l'eau, sont de plus en plus contestées. Alors à la place, on irait racler les fonds marins loin des regards, sans témoins, mais avec des impacts qui pourraient être durables et irréversibles. C'est une forme de déni moderne en fait, remplacer une destruction visible par une autre, dissimulée. Une solution qui fait disparaître le problème du champ de vision, sans forcément régler les causes profondes. Alors la vraie question est peut-être celle-ci, dans quelle direction voulons-nous aller ? Optimiser ce modèle extractif en repoussant toujours plus loin ses conséquences ? ou changer d'approche en interrogeant notre dépendance à des ressources toujours plus difficiles à extraire. L'argument économique en faveur de l'exploitation des grands fonds marins est à première vue convaincant. On y voit une opportunité stratégique, ces ressources pourraient réduire notre dépendance aux mines terrestres, dont beaucoup sont situées dans des régions instables ou sous tension géopolitique. Elles pourraient aussi diversifier l'approvisionnement en méthodes critiques nécessaires à la fabrication de batteries, d'éoliennes, de panneaux solaires ou encore d'équipements électroniques. Pour certains, c'est même un moindre mal. Plutôt que de continuer à creuser dans des zones habitées, avec des conséquences sociales et environnementales dramatiques, autant aller chercher les métaux là où il n'y a pas de populations humaines, là où les conflits d'usages sont absents. Mais cette logique présente plusieurs angles morts. D'abord, elle repose sur des hypothèses encore largement spéculatives. Aucune exploitation commerciale à grande échelle n'a encore eu lieu. Nous n'avons donc que très peu de données concrètes sur les impacts environnementaux réels de ces opérations. Ce qu'on sait, en revanche, est déjà préoccupant. Parmi les risques identifiés par la communauté scientifique, il y a la remise en suspension de nuages de sédiments qui peuvent asphyxier les espèces environnementales et perturber des chaînes alimentaires complexes. Des pollutions sonores et lumineuses dans un milieu naturellement silencieux et obscur qui risquent de perturber profondément la faune marine. Des rejets chimiques liés aux équipements ou aux procédés d'extraction. Et surtout, une destruction physique directe des habitats. A cela s'ajoute un autre problème fondamental, l'extrême lenteur de ces écosystèmes à se régénérer. Dans les profondeurs abyssales, la croissance biologique est très lente. Un site dégradé pourrait mettre des centaines voire des milliers d'années à retrouver un équilibre, s'il y parvient un jour. Ensuite, au-delà des risques environnementaux, cette course aux métaux repose sur une logique familière. Extraire plus pour produire plus pour consommer plus. C'est une continuité directe du modèle extractiviste qui domine depuis des décennies. Un modèle qui, au lieu de remettre en question de besoins réels, cherche à garantir l'approvisionnement à tout prix, même dans les zones les plus reculées ou fragiles de la planète. Et c'est peut-être là en fait le cœur du débat. Est-ce que l'exploitation des grands fonds marins est vraiment une solution à la crise écologique ? Ou est-ce une manière d'en repousser les limites ? Spatialement ? Temporellement ? Moralement ? Alors faut-il plonger tête baissée au nom de l'innovation verte ? Ou au contraire, prendre le temps d'un débat collectif, informé, transparent ? Pour décider, en connaissance de cause, si ce pari mérite d'être tenté, et à quelles conditions ? Parce qu'il faut bien se le dire, c'est un pari à haut risque, même à très haut risque. Pas seulement pour quelques espèces isolées au fond de l'océan, mais pour l'équilibre même des systèmes océaniques, dont nous dépendons tous. Les grands fonds marins jouent un rôle encore largement méconnu mais essentiel dans le fonctionnement global des océans. Ils participent à la régulation du carbone, au stockage naturel des déchets organiques, à la circulation des nutriments à grande échelle. En déstabilisant ces écosystèmes, même localement, on risque d'altérer des mécanismes dont l'effet se propage à grande distance et à long terme. Et la vérité, c'est que nous ne maîtrisons pas encore les conséquences potentielles de ces perturbations. Ce n'est donc pas seulement une question de biodiversité ou de préservation, c'est aussi une question de prudence. presque de bon sens, quand on ignore l'ampleur des impacts mieux vaut ne pas les provoquer. D'ailleurs, l'exploitation des fonds marins ne concerne pas un seul pays. Les zones ciblées par cette nouvelle ruée minière sont souvent situées au-delà des juridictions nationales, dans les grandes profondeurs des eaux internationales. Des espaces qui juridiquement n'appartiennent à personne, mais concernent tout le monde. Les grands fonds marins ne sont pas des territoires comme les autres, ils ne relèvent pas d'une souveraineté nationale, ne sont pas bornés par des frontières visibles, ni exploités selon les règles classiques de propriété. Ils sont juridiquement des biens communs de l'humanité, des espaces qui appartiennent à tout le monde et à personne en particulier. Et c'est précisément ce statut qui rend leur avenir si crucial et si délicat. Parce que lorsqu'un espace est commun, la responsabilité qui est liée l'est aussi. Ce n'est pas seulement aux états les plus puissants ni aux entreprises les plus innovantes de décider de ce qu'on en fait. C'est à l'ensemble de la communauté internationale, aux citoyens, aux scientifiques, aux communautés concernées, de réfléchir collectivement à la manière dont ces espaces doivent être protégés, exploités ou préservés. Laisser cette décision à une poignée d'acteurs économiques ou diplomatiques, c'est prendre le risque d'un accaparement silencieux, c'est faire l'impasse sur un débat fondamental. Que veut-on faire de ce qui est à tous ? Et surtout, que veut-on préserver de ce qui ne peut pas être remplacé ? Et c'est l'Autorité internationale des fonds marins, un organe peu connu mais stratégique des Nations Unies, qui est chargé d'encadrer cela. Elle a pour mission de réguler l'exploration et potentiellement l'exploitation des ressources des grands fonds au nom de l'intérêt commun de l'humanité. Mais dans les faits, la pression monte. Certains états, emmenés notamment par des nations insulaires ou très dépendantes des ressources minières, veulent accélérer. Ils militent pour que les premiers permis d'exploitation soient accordés dans les toutes prochaines années. D'autres appellent à la prudence, une pause réglementaire, un moratoire ou à défaut un renforcement strict des évaluations environnementales. Et au cœur de ce débat, certaines voies sont marginalisées, voire ignorées. Celle des scientifiques qui soulignent le manque flagrant de données sur les écosystèmes profonds et les impacts potentiels à long terme. Celle des peuples, des communautés insulaires ou côtières pour qui l'océan n'est pas seulement une ressource, c'est un territoire de vie, un espace culturel, une mémoire. Celle des ONG environnementales qui réclament l'application du principe de précaution, faute de quoi cette exploitation pourrait devenir une nouvelle version de l'histoire bien connue de la surexploitation des communs. Ce déséquilibre dans la prise de décision n'est pas anodin. Parce que ce qui se joue ici, ce n'est pas simplement une opération industrielle de plus, c'est un choix de société, un choix civilisationnel. Acceptons-nous de considérer chaque espace encore intact comme futur gisement potentiel ? Continuons-nous à repousser toujours plus loin les limites de l'extractivisme, sous prétexte de transition énergétique ? Ou bien choisissons-nous, cette fois, de ralentir, de débattre et peut-être de renoncer ? L'océan, on le regarde trop souvent comme un réservoir inépuisable de ressources, un espace à cartographier, à mesurer, à rentabiliser. Il devient alors un prolongement de nos logiques industrielles. Ce que la Terre ne peut plus nous donner, on ira le chercher au fond de l'eau. Mais l'océan est bien plus qu'un stock de métaux ou un territoire à conquérir, c'est un espace de vie qui abrite une biodiversité immense, encore largement méconnue. C'est un régulateur climatique majeur, qui absorbe une grande partie de notre excès de chaleur et de CO2. C'est un patrimoine commun, tissé de liens culturels, spirituels et économiques, avec des peuples qui en dépendent directement. Changer de regard, c'est commencer par reconnaître que certaines richesses sont inestimables, et que vouloir en tirer un profit immédiat, c'est peut-être mettre en péril des équilibres dont dépend notre avenir commun. C'est aussi poser une autre question, plus dérangeante mais essentielle. Avons-nous vraiment besoin de ces métaux pour réussir la transition ? Ou est-il possible d'imaginer une transition plus sobre, plus locale, plus solidaire ? Une transition fondée non pas sur le remplacement d'un système extractif par un autre, mais sur un changement de logique. Des technologies pensées pour durer, être réparées et partagées. Des chaînes de production raccourcies, des usages repensés, des besoins réévalués. Une économie recentrée non plus sur la croissance sans fin, mais sur les limites écologiques, les droits des générations futures et le respect du vivant. Parce qu'au fond, la vraie richesse ne se trouve peut-être pas à 5000 mètres de profondeur, mais dans notre capacité à imaginer d'autres manières de produire, de consommer, de cohabiter, d'autres manières d'habiter le monde. Alors merci d'avoir suivi ce fil avec moi. L'exploitation des fonds marins n'est pas qu'un débat technique, c'est un débat révélateur. Il nous oblige à choisir entre deux logiques, celle de l'extraction continue ou celle de la préservation, celle du court terme ou celle de la responsabilité. Et ce choix, il commence maintenant, par la manière dont on s'informe, dont on débat, et dont on imagine ensemble ce que pourrait être une transition réellement juste. A bientôt, pour tirer ensemble un nouveau fil. Si ce podcast vous parle et que vous voulez le soutenir, vous pouvez le faire sur Ko-Fi. Le lien est dans la description. Merci.

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Depuis quelques années, une promesse fait surface : exploiter les grands fonds marins pour y puiser les métaux rares nécessaires à la transition énergétique. Cobalt, nickel, terres rares… Ces ressources, nichées à des milliers de mètres de profondeur, attisent les convoitises de gouvernements et d’entreprises.

Mais que sait-on vraiment des impacts écologiques de cette exploitation ? Peut-on réparer une crise environnementale… en en provoquant une autre ?


Dans cet épisode, on plonge au cœur d’un débat complexe :

  • Quels sont les enjeux géopolitiques, économiques et écologiques de l’extraction en haute mer ?

  • Que disent les scientifiques, les ONG, les peuples concernés ?

  • Et surtout : avons-nous vraiment besoin d’exploiter ces ressources pour réussir la transition écologique, ou peut-on faire autrement ?


Une exploration lucide et sans simplification d’un sujet méconnu, mais central pour notre avenir commun.


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  • Speaker #0

    Et si on tirait un fil, celui qui relie ce qu'on vit, ce qu'on ressent et ce qu'on peut encore transformer. Un fil discret mais solide. Bonjour et bienvenue dans Au fil des enjeux, un podcast qui prend le temps. Le temps d'écouter et de réfléchir sans donner de leçons, sans tout simplifier. Moi c'est Manuel, et si vous êtes là, c'est qu'on a sans doute quelques questions en commun. La dernière fois, en parlant de la conférence de l'ONU sur l'océan à Nice, on a vu à quel point l'océan joue un rôle crucial. Non seulement pour la vie marine, mais aussi pour le climat de manière globale. Il agit comme un véritable bouclier en absorbant une grande partie du CO2 et de la chaleur excédentaire que nous produisons. Mais il y a un aspect dont je n'ai pas encore parlé, un sujet de plus en plus présent dans les débats. L'extraction minière dans les grands fonds marins. Un sujet qui soulève beaucoup d'espoir, mais aussi de vives inquiétudes. Alors aujourd'hui, je vous propose qu'on prenne un peu de recul, qu'on descende au sens propre comme au figuré, vers ce qui se joue réellement dans ces abysses. Pas seulement sous la surface de l'eau, mais aussi sous la surface des discours. Voyons ensemble ce qu'il y a derrière cette promesse, celle d'une exploitation présentée comme nécessaire à la transition énergétique. Depuis quelques années, un nouveau sujet s'impose dans les discours politiques, industriels et technologiques. L'exploitation des fonds marins. Ce sujet, encore marginal il y a peu, gagne du terrain. On en parle dans les ministères de l'énergie, dans les enceintes internationales, dans les grandes entreprises de la transition technologique. L'idée est simple. Au fond des océans se trouvent des ressources minérales rares comme le cobalt, le nickel ou le manganèse, qui sont essentielles entre autres à la fabrication de batteries, et donc à la transition énergétique. Face à l'urgence climatique et à la nécessité de réduire notre dépendance aux énergies fossiles, cet argument paraît logique. Produire plus de batteries pour les véhicules électriques, les énergies renouvelables ou le stockage d'énergie implique une hausse de la demande en métaux stratégiques. Et ces métaux, certains affirment qu'on pourrait aller les chercher là où ils sont encore. peu exploitées sur les grands fonds marins. Mais cette promesse soulève une question fondamentale, peut-on sortir d'une crise écologique en en provoquant une autre ? Car les grands fonds ne sont pas des espaces vierges et inertes, ce sont des milieux complexes, anciens et peu connus. Ils abritent des écosystèmes profonds, souvent très fragiles, où certaines espèces sont endémiques, c'est-à-dire qu'on ne les trouve nulle part ailleurs. Ces environnements ont évolué lentement, sur des milliers voire des millions d'années, et leur fonctionnement nous échappe encore en grande partie. Et pourtant, l'intérêt économique s'intensifie. Des prototypes de machines sont testés pour aspirer ou racler les sols marins, des permis d'exploitation sont déjà étudiés par l'autorité internationale des fonds marins. Et plusieurs pays font pression pour ouvrir la voie à une exploitation commerciale à grande échelle dès les prochaines années. Le débat ne porte donc pas uniquement sur les technologies ou les métaux, mais sur un choix de société. Faut-il miser sur cette nouvelle frontière technologique pour accélérer la transition ? Ou faut-il d'abord comprendre les conséquences écologiques d'une telle exploitation dans un milieu aussi peu connu ? Mais au-delà des métaux et des technologies, une autre question se pose, plus dérangeante. Veut-on creuser au fond des mers ? Parce que c'est loin ? Parce que c'est invisible ? En d'autres termes, est-ce qu'on cherche à déplacer les dégâts environnementaux là où personne ne les voit, pour éviter les rejets des populations et des images choquantes ? Les mines à ciel ouvert, avec leur impact direct sur les paysages, les communautés locales, la pollution de l'air et de l'eau, sont de plus en plus contestées. Alors à la place, on irait racler les fonds marins loin des regards, sans témoins, mais avec des impacts qui pourraient être durables et irréversibles. C'est une forme de déni moderne en fait, remplacer une destruction visible par une autre, dissimulée. Une solution qui fait disparaître le problème du champ de vision, sans forcément régler les causes profondes. Alors la vraie question est peut-être celle-ci, dans quelle direction voulons-nous aller ? Optimiser ce modèle extractif en repoussant toujours plus loin ses conséquences ? ou changer d'approche en interrogeant notre dépendance à des ressources toujours plus difficiles à extraire. L'argument économique en faveur de l'exploitation des grands fonds marins est à première vue convaincant. On y voit une opportunité stratégique, ces ressources pourraient réduire notre dépendance aux mines terrestres, dont beaucoup sont situées dans des régions instables ou sous tension géopolitique. Elles pourraient aussi diversifier l'approvisionnement en méthodes critiques nécessaires à la fabrication de batteries, d'éoliennes, de panneaux solaires ou encore d'équipements électroniques. Pour certains, c'est même un moindre mal. Plutôt que de continuer à creuser dans des zones habitées, avec des conséquences sociales et environnementales dramatiques, autant aller chercher les métaux là où il n'y a pas de populations humaines, là où les conflits d'usages sont absents. Mais cette logique présente plusieurs angles morts. D'abord, elle repose sur des hypothèses encore largement spéculatives. Aucune exploitation commerciale à grande échelle n'a encore eu lieu. Nous n'avons donc que très peu de données concrètes sur les impacts environnementaux réels de ces opérations. Ce qu'on sait, en revanche, est déjà préoccupant. Parmi les risques identifiés par la communauté scientifique, il y a la remise en suspension de nuages de sédiments qui peuvent asphyxier les espèces environnementales et perturber des chaînes alimentaires complexes. Des pollutions sonores et lumineuses dans un milieu naturellement silencieux et obscur qui risquent de perturber profondément la faune marine. Des rejets chimiques liés aux équipements ou aux procédés d'extraction. Et surtout, une destruction physique directe des habitats. A cela s'ajoute un autre problème fondamental, l'extrême lenteur de ces écosystèmes à se régénérer. Dans les profondeurs abyssales, la croissance biologique est très lente. Un site dégradé pourrait mettre des centaines voire des milliers d'années à retrouver un équilibre, s'il y parvient un jour. Ensuite, au-delà des risques environnementaux, cette course aux métaux repose sur une logique familière. Extraire plus pour produire plus pour consommer plus. C'est une continuité directe du modèle extractiviste qui domine depuis des décennies. Un modèle qui, au lieu de remettre en question de besoins réels, cherche à garantir l'approvisionnement à tout prix, même dans les zones les plus reculées ou fragiles de la planète. Et c'est peut-être là en fait le cœur du débat. Est-ce que l'exploitation des grands fonds marins est vraiment une solution à la crise écologique ? Ou est-ce une manière d'en repousser les limites ? Spatialement ? Temporellement ? Moralement ? Alors faut-il plonger tête baissée au nom de l'innovation verte ? Ou au contraire, prendre le temps d'un débat collectif, informé, transparent ? Pour décider, en connaissance de cause, si ce pari mérite d'être tenté, et à quelles conditions ? Parce qu'il faut bien se le dire, c'est un pari à haut risque, même à très haut risque. Pas seulement pour quelques espèces isolées au fond de l'océan, mais pour l'équilibre même des systèmes océaniques, dont nous dépendons tous. Les grands fonds marins jouent un rôle encore largement méconnu mais essentiel dans le fonctionnement global des océans. Ils participent à la régulation du carbone, au stockage naturel des déchets organiques, à la circulation des nutriments à grande échelle. En déstabilisant ces écosystèmes, même localement, on risque d'altérer des mécanismes dont l'effet se propage à grande distance et à long terme. Et la vérité, c'est que nous ne maîtrisons pas encore les conséquences potentielles de ces perturbations. Ce n'est donc pas seulement une question de biodiversité ou de préservation, c'est aussi une question de prudence. presque de bon sens, quand on ignore l'ampleur des impacts mieux vaut ne pas les provoquer. D'ailleurs, l'exploitation des fonds marins ne concerne pas un seul pays. Les zones ciblées par cette nouvelle ruée minière sont souvent situées au-delà des juridictions nationales, dans les grandes profondeurs des eaux internationales. Des espaces qui juridiquement n'appartiennent à personne, mais concernent tout le monde. Les grands fonds marins ne sont pas des territoires comme les autres, ils ne relèvent pas d'une souveraineté nationale, ne sont pas bornés par des frontières visibles, ni exploités selon les règles classiques de propriété. Ils sont juridiquement des biens communs de l'humanité, des espaces qui appartiennent à tout le monde et à personne en particulier. Et c'est précisément ce statut qui rend leur avenir si crucial et si délicat. Parce que lorsqu'un espace est commun, la responsabilité qui est liée l'est aussi. Ce n'est pas seulement aux états les plus puissants ni aux entreprises les plus innovantes de décider de ce qu'on en fait. C'est à l'ensemble de la communauté internationale, aux citoyens, aux scientifiques, aux communautés concernées, de réfléchir collectivement à la manière dont ces espaces doivent être protégés, exploités ou préservés. Laisser cette décision à une poignée d'acteurs économiques ou diplomatiques, c'est prendre le risque d'un accaparement silencieux, c'est faire l'impasse sur un débat fondamental. Que veut-on faire de ce qui est à tous ? Et surtout, que veut-on préserver de ce qui ne peut pas être remplacé ? Et c'est l'Autorité internationale des fonds marins, un organe peu connu mais stratégique des Nations Unies, qui est chargé d'encadrer cela. Elle a pour mission de réguler l'exploration et potentiellement l'exploitation des ressources des grands fonds au nom de l'intérêt commun de l'humanité. Mais dans les faits, la pression monte. Certains états, emmenés notamment par des nations insulaires ou très dépendantes des ressources minières, veulent accélérer. Ils militent pour que les premiers permis d'exploitation soient accordés dans les toutes prochaines années. D'autres appellent à la prudence, une pause réglementaire, un moratoire ou à défaut un renforcement strict des évaluations environnementales. Et au cœur de ce débat, certaines voies sont marginalisées, voire ignorées. Celle des scientifiques qui soulignent le manque flagrant de données sur les écosystèmes profonds et les impacts potentiels à long terme. Celle des peuples, des communautés insulaires ou côtières pour qui l'océan n'est pas seulement une ressource, c'est un territoire de vie, un espace culturel, une mémoire. Celle des ONG environnementales qui réclament l'application du principe de précaution, faute de quoi cette exploitation pourrait devenir une nouvelle version de l'histoire bien connue de la surexploitation des communs. Ce déséquilibre dans la prise de décision n'est pas anodin. Parce que ce qui se joue ici, ce n'est pas simplement une opération industrielle de plus, c'est un choix de société, un choix civilisationnel. Acceptons-nous de considérer chaque espace encore intact comme futur gisement potentiel ? Continuons-nous à repousser toujours plus loin les limites de l'extractivisme, sous prétexte de transition énergétique ? Ou bien choisissons-nous, cette fois, de ralentir, de débattre et peut-être de renoncer ? L'océan, on le regarde trop souvent comme un réservoir inépuisable de ressources, un espace à cartographier, à mesurer, à rentabiliser. Il devient alors un prolongement de nos logiques industrielles. Ce que la Terre ne peut plus nous donner, on ira le chercher au fond de l'eau. Mais l'océan est bien plus qu'un stock de métaux ou un territoire à conquérir, c'est un espace de vie qui abrite une biodiversité immense, encore largement méconnue. C'est un régulateur climatique majeur, qui absorbe une grande partie de notre excès de chaleur et de CO2. C'est un patrimoine commun, tissé de liens culturels, spirituels et économiques, avec des peuples qui en dépendent directement. Changer de regard, c'est commencer par reconnaître que certaines richesses sont inestimables, et que vouloir en tirer un profit immédiat, c'est peut-être mettre en péril des équilibres dont dépend notre avenir commun. C'est aussi poser une autre question, plus dérangeante mais essentielle. Avons-nous vraiment besoin de ces métaux pour réussir la transition ? Ou est-il possible d'imaginer une transition plus sobre, plus locale, plus solidaire ? Une transition fondée non pas sur le remplacement d'un système extractif par un autre, mais sur un changement de logique. Des technologies pensées pour durer, être réparées et partagées. Des chaînes de production raccourcies, des usages repensés, des besoins réévalués. Une économie recentrée non plus sur la croissance sans fin, mais sur les limites écologiques, les droits des générations futures et le respect du vivant. Parce qu'au fond, la vraie richesse ne se trouve peut-être pas à 5000 mètres de profondeur, mais dans notre capacité à imaginer d'autres manières de produire, de consommer, de cohabiter, d'autres manières d'habiter le monde. Alors merci d'avoir suivi ce fil avec moi. L'exploitation des fonds marins n'est pas qu'un débat technique, c'est un débat révélateur. Il nous oblige à choisir entre deux logiques, celle de l'extraction continue ou celle de la préservation, celle du court terme ou celle de la responsabilité. Et ce choix, il commence maintenant, par la manière dont on s'informe, dont on débat, et dont on imagine ensemble ce que pourrait être une transition réellement juste. A bientôt, pour tirer ensemble un nouveau fil. Si ce podcast vous parle et que vous voulez le soutenir, vous pouvez le faire sur Ko-Fi. Le lien est dans la description. Merci.

Description

Depuis quelques années, une promesse fait surface : exploiter les grands fonds marins pour y puiser les métaux rares nécessaires à la transition énergétique. Cobalt, nickel, terres rares… Ces ressources, nichées à des milliers de mètres de profondeur, attisent les convoitises de gouvernements et d’entreprises.

Mais que sait-on vraiment des impacts écologiques de cette exploitation ? Peut-on réparer une crise environnementale… en en provoquant une autre ?


Dans cet épisode, on plonge au cœur d’un débat complexe :

  • Quels sont les enjeux géopolitiques, économiques et écologiques de l’extraction en haute mer ?

  • Que disent les scientifiques, les ONG, les peuples concernés ?

  • Et surtout : avons-nous vraiment besoin d’exploiter ces ressources pour réussir la transition écologique, ou peut-on faire autrement ?


Une exploration lucide et sans simplification d’un sujet méconnu, mais central pour notre avenir commun.


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  • Speaker #0

    Et si on tirait un fil, celui qui relie ce qu'on vit, ce qu'on ressent et ce qu'on peut encore transformer. Un fil discret mais solide. Bonjour et bienvenue dans Au fil des enjeux, un podcast qui prend le temps. Le temps d'écouter et de réfléchir sans donner de leçons, sans tout simplifier. Moi c'est Manuel, et si vous êtes là, c'est qu'on a sans doute quelques questions en commun. La dernière fois, en parlant de la conférence de l'ONU sur l'océan à Nice, on a vu à quel point l'océan joue un rôle crucial. Non seulement pour la vie marine, mais aussi pour le climat de manière globale. Il agit comme un véritable bouclier en absorbant une grande partie du CO2 et de la chaleur excédentaire que nous produisons. Mais il y a un aspect dont je n'ai pas encore parlé, un sujet de plus en plus présent dans les débats. L'extraction minière dans les grands fonds marins. Un sujet qui soulève beaucoup d'espoir, mais aussi de vives inquiétudes. Alors aujourd'hui, je vous propose qu'on prenne un peu de recul, qu'on descende au sens propre comme au figuré, vers ce qui se joue réellement dans ces abysses. Pas seulement sous la surface de l'eau, mais aussi sous la surface des discours. Voyons ensemble ce qu'il y a derrière cette promesse, celle d'une exploitation présentée comme nécessaire à la transition énergétique. Depuis quelques années, un nouveau sujet s'impose dans les discours politiques, industriels et technologiques. L'exploitation des fonds marins. Ce sujet, encore marginal il y a peu, gagne du terrain. On en parle dans les ministères de l'énergie, dans les enceintes internationales, dans les grandes entreprises de la transition technologique. L'idée est simple. Au fond des océans se trouvent des ressources minérales rares comme le cobalt, le nickel ou le manganèse, qui sont essentielles entre autres à la fabrication de batteries, et donc à la transition énergétique. Face à l'urgence climatique et à la nécessité de réduire notre dépendance aux énergies fossiles, cet argument paraît logique. Produire plus de batteries pour les véhicules électriques, les énergies renouvelables ou le stockage d'énergie implique une hausse de la demande en métaux stratégiques. Et ces métaux, certains affirment qu'on pourrait aller les chercher là où ils sont encore. peu exploitées sur les grands fonds marins. Mais cette promesse soulève une question fondamentale, peut-on sortir d'une crise écologique en en provoquant une autre ? Car les grands fonds ne sont pas des espaces vierges et inertes, ce sont des milieux complexes, anciens et peu connus. Ils abritent des écosystèmes profonds, souvent très fragiles, où certaines espèces sont endémiques, c'est-à-dire qu'on ne les trouve nulle part ailleurs. Ces environnements ont évolué lentement, sur des milliers voire des millions d'années, et leur fonctionnement nous échappe encore en grande partie. Et pourtant, l'intérêt économique s'intensifie. Des prototypes de machines sont testés pour aspirer ou racler les sols marins, des permis d'exploitation sont déjà étudiés par l'autorité internationale des fonds marins. Et plusieurs pays font pression pour ouvrir la voie à une exploitation commerciale à grande échelle dès les prochaines années. Le débat ne porte donc pas uniquement sur les technologies ou les métaux, mais sur un choix de société. Faut-il miser sur cette nouvelle frontière technologique pour accélérer la transition ? Ou faut-il d'abord comprendre les conséquences écologiques d'une telle exploitation dans un milieu aussi peu connu ? Mais au-delà des métaux et des technologies, une autre question se pose, plus dérangeante. Veut-on creuser au fond des mers ? Parce que c'est loin ? Parce que c'est invisible ? En d'autres termes, est-ce qu'on cherche à déplacer les dégâts environnementaux là où personne ne les voit, pour éviter les rejets des populations et des images choquantes ? Les mines à ciel ouvert, avec leur impact direct sur les paysages, les communautés locales, la pollution de l'air et de l'eau, sont de plus en plus contestées. Alors à la place, on irait racler les fonds marins loin des regards, sans témoins, mais avec des impacts qui pourraient être durables et irréversibles. C'est une forme de déni moderne en fait, remplacer une destruction visible par une autre, dissimulée. Une solution qui fait disparaître le problème du champ de vision, sans forcément régler les causes profondes. Alors la vraie question est peut-être celle-ci, dans quelle direction voulons-nous aller ? Optimiser ce modèle extractif en repoussant toujours plus loin ses conséquences ? ou changer d'approche en interrogeant notre dépendance à des ressources toujours plus difficiles à extraire. L'argument économique en faveur de l'exploitation des grands fonds marins est à première vue convaincant. On y voit une opportunité stratégique, ces ressources pourraient réduire notre dépendance aux mines terrestres, dont beaucoup sont situées dans des régions instables ou sous tension géopolitique. Elles pourraient aussi diversifier l'approvisionnement en méthodes critiques nécessaires à la fabrication de batteries, d'éoliennes, de panneaux solaires ou encore d'équipements électroniques. Pour certains, c'est même un moindre mal. Plutôt que de continuer à creuser dans des zones habitées, avec des conséquences sociales et environnementales dramatiques, autant aller chercher les métaux là où il n'y a pas de populations humaines, là où les conflits d'usages sont absents. Mais cette logique présente plusieurs angles morts. D'abord, elle repose sur des hypothèses encore largement spéculatives. Aucune exploitation commerciale à grande échelle n'a encore eu lieu. Nous n'avons donc que très peu de données concrètes sur les impacts environnementaux réels de ces opérations. Ce qu'on sait, en revanche, est déjà préoccupant. Parmi les risques identifiés par la communauté scientifique, il y a la remise en suspension de nuages de sédiments qui peuvent asphyxier les espèces environnementales et perturber des chaînes alimentaires complexes. Des pollutions sonores et lumineuses dans un milieu naturellement silencieux et obscur qui risquent de perturber profondément la faune marine. Des rejets chimiques liés aux équipements ou aux procédés d'extraction. Et surtout, une destruction physique directe des habitats. A cela s'ajoute un autre problème fondamental, l'extrême lenteur de ces écosystèmes à se régénérer. Dans les profondeurs abyssales, la croissance biologique est très lente. Un site dégradé pourrait mettre des centaines voire des milliers d'années à retrouver un équilibre, s'il y parvient un jour. Ensuite, au-delà des risques environnementaux, cette course aux métaux repose sur une logique familière. Extraire plus pour produire plus pour consommer plus. C'est une continuité directe du modèle extractiviste qui domine depuis des décennies. Un modèle qui, au lieu de remettre en question de besoins réels, cherche à garantir l'approvisionnement à tout prix, même dans les zones les plus reculées ou fragiles de la planète. Et c'est peut-être là en fait le cœur du débat. Est-ce que l'exploitation des grands fonds marins est vraiment une solution à la crise écologique ? Ou est-ce une manière d'en repousser les limites ? Spatialement ? Temporellement ? Moralement ? Alors faut-il plonger tête baissée au nom de l'innovation verte ? Ou au contraire, prendre le temps d'un débat collectif, informé, transparent ? Pour décider, en connaissance de cause, si ce pari mérite d'être tenté, et à quelles conditions ? Parce qu'il faut bien se le dire, c'est un pari à haut risque, même à très haut risque. Pas seulement pour quelques espèces isolées au fond de l'océan, mais pour l'équilibre même des systèmes océaniques, dont nous dépendons tous. Les grands fonds marins jouent un rôle encore largement méconnu mais essentiel dans le fonctionnement global des océans. Ils participent à la régulation du carbone, au stockage naturel des déchets organiques, à la circulation des nutriments à grande échelle. En déstabilisant ces écosystèmes, même localement, on risque d'altérer des mécanismes dont l'effet se propage à grande distance et à long terme. Et la vérité, c'est que nous ne maîtrisons pas encore les conséquences potentielles de ces perturbations. Ce n'est donc pas seulement une question de biodiversité ou de préservation, c'est aussi une question de prudence. presque de bon sens, quand on ignore l'ampleur des impacts mieux vaut ne pas les provoquer. D'ailleurs, l'exploitation des fonds marins ne concerne pas un seul pays. Les zones ciblées par cette nouvelle ruée minière sont souvent situées au-delà des juridictions nationales, dans les grandes profondeurs des eaux internationales. Des espaces qui juridiquement n'appartiennent à personne, mais concernent tout le monde. Les grands fonds marins ne sont pas des territoires comme les autres, ils ne relèvent pas d'une souveraineté nationale, ne sont pas bornés par des frontières visibles, ni exploités selon les règles classiques de propriété. Ils sont juridiquement des biens communs de l'humanité, des espaces qui appartiennent à tout le monde et à personne en particulier. Et c'est précisément ce statut qui rend leur avenir si crucial et si délicat. Parce que lorsqu'un espace est commun, la responsabilité qui est liée l'est aussi. Ce n'est pas seulement aux états les plus puissants ni aux entreprises les plus innovantes de décider de ce qu'on en fait. C'est à l'ensemble de la communauté internationale, aux citoyens, aux scientifiques, aux communautés concernées, de réfléchir collectivement à la manière dont ces espaces doivent être protégés, exploités ou préservés. Laisser cette décision à une poignée d'acteurs économiques ou diplomatiques, c'est prendre le risque d'un accaparement silencieux, c'est faire l'impasse sur un débat fondamental. Que veut-on faire de ce qui est à tous ? Et surtout, que veut-on préserver de ce qui ne peut pas être remplacé ? Et c'est l'Autorité internationale des fonds marins, un organe peu connu mais stratégique des Nations Unies, qui est chargé d'encadrer cela. Elle a pour mission de réguler l'exploration et potentiellement l'exploitation des ressources des grands fonds au nom de l'intérêt commun de l'humanité. Mais dans les faits, la pression monte. Certains états, emmenés notamment par des nations insulaires ou très dépendantes des ressources minières, veulent accélérer. Ils militent pour que les premiers permis d'exploitation soient accordés dans les toutes prochaines années. D'autres appellent à la prudence, une pause réglementaire, un moratoire ou à défaut un renforcement strict des évaluations environnementales. Et au cœur de ce débat, certaines voies sont marginalisées, voire ignorées. Celle des scientifiques qui soulignent le manque flagrant de données sur les écosystèmes profonds et les impacts potentiels à long terme. Celle des peuples, des communautés insulaires ou côtières pour qui l'océan n'est pas seulement une ressource, c'est un territoire de vie, un espace culturel, une mémoire. Celle des ONG environnementales qui réclament l'application du principe de précaution, faute de quoi cette exploitation pourrait devenir une nouvelle version de l'histoire bien connue de la surexploitation des communs. Ce déséquilibre dans la prise de décision n'est pas anodin. Parce que ce qui se joue ici, ce n'est pas simplement une opération industrielle de plus, c'est un choix de société, un choix civilisationnel. Acceptons-nous de considérer chaque espace encore intact comme futur gisement potentiel ? Continuons-nous à repousser toujours plus loin les limites de l'extractivisme, sous prétexte de transition énergétique ? Ou bien choisissons-nous, cette fois, de ralentir, de débattre et peut-être de renoncer ? L'océan, on le regarde trop souvent comme un réservoir inépuisable de ressources, un espace à cartographier, à mesurer, à rentabiliser. Il devient alors un prolongement de nos logiques industrielles. Ce que la Terre ne peut plus nous donner, on ira le chercher au fond de l'eau. Mais l'océan est bien plus qu'un stock de métaux ou un territoire à conquérir, c'est un espace de vie qui abrite une biodiversité immense, encore largement méconnue. C'est un régulateur climatique majeur, qui absorbe une grande partie de notre excès de chaleur et de CO2. C'est un patrimoine commun, tissé de liens culturels, spirituels et économiques, avec des peuples qui en dépendent directement. Changer de regard, c'est commencer par reconnaître que certaines richesses sont inestimables, et que vouloir en tirer un profit immédiat, c'est peut-être mettre en péril des équilibres dont dépend notre avenir commun. C'est aussi poser une autre question, plus dérangeante mais essentielle. Avons-nous vraiment besoin de ces métaux pour réussir la transition ? Ou est-il possible d'imaginer une transition plus sobre, plus locale, plus solidaire ? Une transition fondée non pas sur le remplacement d'un système extractif par un autre, mais sur un changement de logique. Des technologies pensées pour durer, être réparées et partagées. Des chaînes de production raccourcies, des usages repensés, des besoins réévalués. Une économie recentrée non plus sur la croissance sans fin, mais sur les limites écologiques, les droits des générations futures et le respect du vivant. Parce qu'au fond, la vraie richesse ne se trouve peut-être pas à 5000 mètres de profondeur, mais dans notre capacité à imaginer d'autres manières de produire, de consommer, de cohabiter, d'autres manières d'habiter le monde. Alors merci d'avoir suivi ce fil avec moi. L'exploitation des fonds marins n'est pas qu'un débat technique, c'est un débat révélateur. Il nous oblige à choisir entre deux logiques, celle de l'extraction continue ou celle de la préservation, celle du court terme ou celle de la responsabilité. Et ce choix, il commence maintenant, par la manière dont on s'informe, dont on débat, et dont on imagine ensemble ce que pourrait être une transition réellement juste. A bientôt, pour tirer ensemble un nouveau fil. Si ce podcast vous parle et que vous voulez le soutenir, vous pouvez le faire sur Ko-Fi. Le lien est dans la description. Merci.

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