- Speaker #0
S'autodéterminer, c'est être l'auteur de sa vie. Je suis François Bernard, directeur général du GAPAS et de l'organisme de formation Campus. Ensemble, agissons pour l'autodétermination des personnes en situation de handicap, mais pas que.
- Speaker #1
Dans cette cinquième saison, j'ai le plaisir de redémarrer un nouvel épisode avec Martin Caouette. Bonjour Martin.
- Speaker #2
Bonjour François.
- Speaker #1
Alors Martin, tu as été présent à la première saison et à la deuxième saison. On a abordé beaucoup de sujets. La troisième saison, on avait échangé avec Amélie Fenzi sur la partie autodétermination et management. La quatrième saison, c'était des professionnels de terrain et des personnes accompagnées qui ont pu aussi exprimer ce qu'était l'autodétermination pour eux. Là, on va aborder plusieurs sujets. Donc, on démarre aujourd'hui sur la thématique du libre-arbitre ou de l'autonomie. Alors, qu'est-ce que tu pourrais nous dire de ce sujet-là ?
- Speaker #2
Oui, bien merci François. Je suis content d'être de retour. Et puis, j'ai apprécié aussi écouter les intervenants des deux saisons précédentes. Libre-arbitre ou autonomie, on aurait pu appeler ça libre-arbitre et autonomie. Et l'idée, en fait, c'est de réfléchir un peu plus en profondeur sur la question de l'autodétermination. Et pourquoi pas ? remettre en question même l'idée de s'autodéterminer. Est-ce que c'est possible ? Est-ce que c'est réaliste ? Est-ce qu'au final, on n'est pas tout simplement conditionné et influencé par tout ce qui se passe autour de nous ? Est-ce qu'on a vraiment une liberté de choix et d'action ? Et la question de la liberté, bien d'autres personnes l'ont abordée avant nous. C'est une grande question que des philosophes, des sociologues, des psychologues se sont posées. Et pourquoi ? Pourquoi parler de libre-arbitre ou autonomie ? C'est entre autres le fait que lorsqu'on parle d'autodétermination, la question du choix est souvent récurrente. La liberté de faire des choix, de prendre des décisions en fonction de ce qu'on souhaite, ça revient très, très souvent. Je dirais même que probablement pour toi aussi, quand vient le temps de définir ce qu'est l'autodétermination, on va souvent utiliser la possibilité de faire un choix pour définir même ce qu'est l'autodétermination. J'avais envie de mettre de l'avant, entre autres, le fait que, bien sûr, on est influencé, on est influençable. On en a parlé dans les saisons précédentes. On pourrait se demander aussi d'où viennent nos aspirations, nos envies, nos désirs. Et c'est certain, en fait, qu'il y a beaucoup d'éléments de notre culture, de notre environnement, qui nous conditionnent à avoir... envie de ce qu'on a envie, avoir envie de faire un certain nombre de choix. Et la question de l'autonomie, elle est importante en fait, parce que l'idée, ce n'est pas de se soustraire à toute forme d'influence, mais c'est simplement d'avoir la possibilité d'expérimenter des choses pour nous permettre ensuite de choisir de façon la plus consciente possible. ce qu'on a envie de faire, ce qu'on a envie de réaliser. Et c'est pour ça que c'est important que la question de l'autonomie, dans le sens de prendre des initiatives, soit toujours rappelée et mise de l'avant quand il est question de l'autodétermination.
- Speaker #1
Ce que tu dis, c'est qu'on peut être quand même conditionné de là où on vient ou par rapport à notre propre histoire personnelle, mais il y a quand même cette idée de, il faut qu'on puisse expérimenter.
- Speaker #2
Bien, absolument. Je suis Québécois, t'es Français. Déjà dans nos cultures, en fait, il y a des choses qui nous influencent dans notre rapport au monde et on a parfois plus ou moins conscience de ces influences-là. À la rencontre de l'autre, on découvre souvent qu'il y a des choses qui nous ont influencées, qui nous amènent à percevoir le monde d'une certaine façon. Et c'est à travers justement des expériences où on peut prendre conscience de tous ces éléments-là qui nous influencent, d'autres diraient des éléments qui nous déterminent pour... J'irais avoir une main mise et éventuellement, véritablement, pouvoir faire des choix qui, là, vont être en cohérence avec ce dont on a envie de vivre, d'être.
- Speaker #1
Et alors, comment on peut aussi envisager des points de vigilance aussi, tu vois, par rapport à l'accompagnement des personnes en situation de handicap pour ne pas les déstabiliser, tu vois, par rapport à un conditionnement qu'ils ont pu avoir tout au long de leur vie ? Parce que quelquefois, on peut avoir l'impression que l'autodétermination, il faudrait du jour au lendemain permettre aux gens d'expérimenter. Est-ce que ça ne peut pas les déstabiliser ?
- Speaker #2
C'est intéressant parce qu'en fait, on projette aussi sur les personnes en situation de handicap toutes sortes de convictions, de croyances qui vont avoir un impact sur elles. Donc, si on se met à projeter sur toutes les personnes en situation de handicap qu'elles doivent s'autodéterminer dans… toutes les sphères de leur vie et que là, voilà, c'est le moment, c'est une grande révolution et il faut y aller complètement. Bon, on peut en quelque sorte en arriver à produire exactement l'inverse de ce qu'on souhaite produire, c'est-à-dire qu'encore à nouveau, on cherche à leur dire comment être, quoi faire, comment agir. Et c'est vrai qu'il faut avoir un point de vigilance important, que l'autodétermination ne devienne pas une forme d'injonction. Et c'est là que l'expérience, en fait, le point de vigilance... qui va être important ici, c'est d'accompagner ces expériences-là et accompagner, c'est aider la personne finalement à mettre des mots sur ce qu'elle vit, à identifier en fait les expériences qui sont positives pour elle et à ne pas voir l'autodétermination comme une espèce de finalité, d'objectif qu'enfin j'ai atteint, mais quelque chose vers lequel tendre, puis en m'autodéterminant, en faisant des choix. en ayant la possibilité de prendre des initiatives, je me construis, je définis de plus en plus qui je suis, je découvre des choses de moi, des intérêts, et je me construis en fait, je construis mon identité à travers tout ça. Donc oui, je pense qu'il faut avoir ce point de vigilance-là d'être présent aux côtés de la personne sans tomber dans l'excès de projeter encore à nouveau ce que je crois que la personne devrait être.
- Speaker #1
Au début de la discussion, tu... tu as dit l'autonomie dans son sens premier devrait être beaucoup plus centrale dans la définition que le libre arbitre. Pourquoi tu dis ça en fait ?
- Speaker #2
En fait parce qu'on a parlé dans une saison précédente de toute la distinction, notamment entre autonomie et indépendance. L'autonomie, ce n'est pas l'indépendance. L'autonomie, c'est la possibilité de pouvoir agir pour soi. Et mettre de l'avant la question de l'autonomie, c'est… simplement reconnaître le droit à la personne d'agir, de pouvoir explorer, vivre des expériences qui sont nouvelles. Et le défi dans le secteur du handicap, c'est qu'on a souvent placé des barrières autour des personnes. On les a souvent limitées dans leur possibilité d'expérimentation en se disant que c'était probablement mieux pour elles de vivre ou de ne pas vivre tel type d'expérience. Donc, on a souvent projeté ces possibilités. projeter en fait ces limites-là sur la personne, alors que faire un choix, la question du libre arbitre, en fait, faire un choix, pour faire un choix, il faut d'abord que j'aie expérimenté, il faut que d'abord j'aie eu la possibilité d'essayer certaines choses, de les tester. Donc, c'est pour ça que l'élément premier, en fait, c'est vraiment la question de l'autonomie, de pouvoir prendre des initiatives et reconnaître cette prise d'initiative-là qui ensuite va me permettre de faire des choix toujours plus conscients. en regard de ce que j'ai envie d'être. C'est vrai pour les personnes en situation de handicap, c'est vrai pour tout le monde.
- Speaker #1
Et ça a des racines philosophiques aussi, l'autodétermination, ça vient, ça n'a pas été inventé dans les années 60 ou 70. C'était beaucoup plus ancien que ça. Oui,
- Speaker #2
on aime bien croire que l'autodétermination, c'est un thème à la mode, récent, très moderne. Puis effectivement, ça prend une place importante au cours des dernières années dans le secteur du handicap. Mais bien d'autres avant nous ont... pensé, on réfléchit la question de la liberté. Et oui, quand on retourne dans les racines philosophiques de l'autodétermination, bien évidemment, il y a des débats sur est-ce qu'on est véritablement libre, la question de notre nature profonde et tous ces questions, en fait, qui ont occupé les philosophes dans les derniers siècles, voire millénaires. Mais en fait, qu'est-ce que ça vient nous dire aujourd'hui, en fait, pour les personnes en situation de handicap ? La question du libre-arbitre et de l'autonomie, c'est la reconnaissance de ce droit-là à l'expérimentation, droit de se tromper, droit d'agir, droit de vivre des expériences nouvelles qui vont progressivement permettre à la personne de pouvoir faire des choix. Ces choix-là, oui, ils sont influencés, c'est par ma culture, c'est par mon histoire sociale, c'est par ma trajectoire sociale, mais plus j'ai la capacité à prendre conscience des éléments qui me déterminent, plus je retrouve aussi ma liberté de choisir et d'agir en fonction de ce que je veux réellement et non pas en fonction de ce qu'on a projeté sur moi.
- Speaker #1
Donc, tu l'abordes aussi beaucoup sur la question du droit.
- Speaker #2
Oui, il faut l'aborder sur la question du droit aussi, parce qu'en fait, le droit vient mettre un cadre à l'intérieur d'une société sur ce qui est possible, ce qui n'est pas possible, et il y a une volonté derrière tout ça de justice sociale. Donc, mettre de l'avant la question du droit aussi, c'est venir... inscrire les personnes en situation de handicap à l'intérieur d'un cadre qui est le même pour l'ensemble des citoyens. C'est aussi reconnaître que la personne en situation de handicap n'est pas si différente de moi, qu'on doit avoir la possibilité d'accéder, d'avoir les mêmes droits effectifs et à ce moment-là, d'avoir la possibilité d'expérimenter comme n'importe qui d'autre.
- Speaker #1
Et alors, peut-être une dernière question, en quoi soutenir l'autodétermination, ça ramène de la justice sociale ?
- Speaker #2
C'est une bonne question. Puis, je vais y répondre, en fait, d'un point de vue très personnel. Les trajectoires de vie, le poids de notre histoire familiale, de notre culture, de notre histoire personnelle, en fait, sur notre trajectoire de vie, ce poids-là, il est présent. Et quand je dis poids, ce n'est pas nécessairement négatif, mais dès le premier jour de notre vie, il y a des choses qui apparaissent plus ou moins accessibles, tout dépendant de l'époque. du contexte social dans lequel on est né. Voilà, il y a tout plein d'éléments qui viennent nous influencer. Ça ramène de la justice sociale parce qu'à partir du moment où on réfléchit notre environnement social, notre environnement macro, pour venir accroître les possibilités, que tout le monde puisse accéder à des opportunités, ait la possibilité de prendre des initiatives finalement et que ça leur donne accès à des possibilités. les plus larges possibles, c'est là en fait que chacun peut avoir la possibilité de s'émanciper. C'est pour ça que pour moi l'autodétermination, c'est un puissant outil de justice sociale parce que ça nous amène finalement à simplement s'approprier le fait que oui, on n'est pas simplement le fruit de conditionnement, mais on a la liberté aussi d'agir et de prendre des décisions pour soi.
- Speaker #1
Merci Martin.
- Speaker #2
Merci. Merci.
- Speaker #0
Si vous voulez en savoir plus sur les programmes de formation Agir pour l'autodétermination, vous pouvez contacter l'organisme de formation Campus à l'adresse mail contact.campusformation.org. Toute équipe se fera un plaisir de vous proposer un programme, un conseil, un accompagnement ou une formation adaptée à votre besoin.