- Speaker #0
S'autodéterminer, c'est être l'auteur de sa vie. Je suis François Bernard, directeur général du GAPAS et de l'organisme de formation Campus. Ensemble, agissons pour l'autodétermination des personnes en situation de handicap, mais pas que. Pour ce troisième épisode, on est toujours avec Martin Caouette. Bonjour Martin.
- Speaker #1
Bonjour François.
- Speaker #0
Alors là, l'idée c'était de pouvoir échanger sur comment est reçu le concept de l'autodétermination en fonction de avec qui on en parle. Et c'est vrai qu'à la fois toi et moi, on en parle à différents endroits et à différentes personnes. Et c'est vrai que ça résonne de manière très différente quand on en parle à des parents, à des personnes concernées. professionnels, à des enseignants, à des financeurs qui peuvent nous accompagner sur nos établissements et services. La question de l'autodétermination n'est pas comprise de la même façon. Qu'est-ce que tu peux nous en dire justement sur finalement cette nécessité de traduire ce concept-là en fonction de l'interlocuteur ?
- Speaker #1
Oui, bien... Dans les dernières années, moi, j'ai eu la chance de parler d'autodétermination dans différents contextes, dans différentes cultures aussi. Et un mot comme le mot autodétermination, c'est porteur de sens. Mais c'est un porteur de sens aussi en fonction du contexte dans lequel je suis, du rôle qui est le mien. Donc, se rappeler, en fait, la nécessité de traduire, c'est de s'assurer que lorsqu'on aborde l'autodétermination, on est conscient. je dirais, de l'espace dans lequel la personne se trouve et comment pour elle ça va résonner. Concrètement, si je parle d'autodétermination, par exemple avec un parent dont l'enfant est en situation de handicap, bien ça se peut que parler d'autodétermination, ça soit quelque chose qui fasse un peu peur, qui soit un peu déstabilisant, parce que comme parent, j'ai évidemment envie de protéger mon enfant. Si je parle d'autodétermination avec un cadre, un gestionnaire, un financeur, ça se peut qu'il y ait une considération économique aussi à l'autodétermination sur la façon dont on va organiser les services, planifier les services, financer même ces services-là. Si je parle d'autodétermination au Québec ou si je parle d'autodétermination en France, il y a un contexte culturel aussi qui vient mettre un sens qui peut être différent au mot autodétermination.
- Speaker #0
Ça, oui.
- Speaker #1
Et c'est pour ça que juste le rôle de traducteur à certains moments, c'est simplement de se rappeler que lorsqu'on veut aborder la question de l'autodétermination, parfois il faut prendre conscience de comment ça va percuter la personne qui est devant moi en fonction de ses préoccupations. Et l'exemple que tu donnais d'entrée de jeu, François, par rapport aux enseignants, donc l'enseignant, par exemple, qui se retrouve devant une classe, imaginons de 20, 25 ou voire 30 élèves, à qui on dit, bien voilà, il faut favoriser l'autodétermination de ses élèves, bien cet enseignant-là va certainement avoir raison de répondre, oui, mais je ne veux pas non plus perdre le contrôle de ma classe et que tout le monde fasse n'importe quoi. Et il y a des enjeux aussi de... cohésion de la classe et donc dans un contexte pédagogique, par exemple, le mot autodétermination une résonance qui est différente de la résonance que va avoir le parent, que la résonance que va avoir la personne accompagnée, également du terme autodétermination. Donc, traduire l'autodétermination, pour moi, c'est justement quand on est, par exemple, dans un contexte de formation à l'autodétermination, c'est toujours de s'assurer qu'on est capable de parler d'autodétermination mais de le transposée dans le contexte tout à fait spécifique de la personne qu'on invite à agir, intervenir dans une perspective d'autodétermination. Ça veut dire de venir l'illustrer de la façon la plus concrète possible, de comprendre quels peuvent être les enjeux. Une chose que j'ai fait souvent dans les dernières années, ça a été par exemple de prendre un temps directement sur le terrain. Quand je vais intervenir ou quand je vais former dans des milieux de pratique, j'ai souvent cette demande-là de prendre du temps pour aller par exemple dans des établissements, dans des services, justement pour comprendre la réalité et s'assurer que la façon d'aborder l'autodétermination, ça ne soit pas déconnecté de cette réalité-là. mais que ça prenne aussi en compte le vécu des gens directement sur le terrain.
- Speaker #0
Ça veut dire que tu as travaillé des contenus, toi, qui s'adaptent en fonction du public quand tu interviens, que ce soit des parents, des professionnels, des universitaires aussi, parce qu'il peut y avoir aussi des contenus qui vont un peu plus loin qu'une vulgarisation un peu plus simple de l'autodétermination.
- Speaker #1
Oui, absolument. J'aime bien donner l'exemple, par exemple, du parent dont l'adolescent est en situation de handicap. Si j'aborde l'autodétermination avec ce parent-là en lui disant, vous savez, votre enfant a le droit de s'autodéterminer et lorsqu'il deviendra adulte, il a le droit de vous dire des choses et de ne pas vous en dire. Ça se peut que comme parent, bien... C'est moi le parent je vais peut-être réagir en disant Là, voilà, moi, je suis impliqué dans la vie de mon enfant depuis qu'il est né. Pourquoi est-ce qu'on est en train de me sortir de sa vie ou de me repousser ou qu'est-ce qui est en train de se passer ? Donc, aborder l'autodétermination avec un parent, bien sûr, c'est de reconnaître le droit à l'autodétermination, mais c'est peut-être aussi plutôt l'aborder dans… En mettant de l'avant notamment le fait que s'autodéterminer, c'est apprendre à mon enfant à demander de l'aide quand il en a besoin, savoir s'affirmer, savoir dire non. Et dans cette posture-là, pour le parent, s'autodéterminer devient quelque chose de beaucoup plus intéressant que si on l'aborde par exemple seulement en disant voilà, votre enfant va s'autodéterminer, donc il a le droit de ne pas tout vous dire Donc c'est vrai, mais c'est peut-être pas dans le contexte du parent ce qui est le plus pertinent ou c'est peut-être pas la… la traduction du concept d'autodétermination la plus pertinente à faire. Donc, c'est simplement cette conscience-là, en fait, qui est extrêmement importante d'avoir.
- Speaker #0
Et puis, le parent, il a aussi peut-être besoin de s'autodéterminer lui aussi.
- Speaker #1
Le parent, il a besoin de s'autodéterminer. Et c'est là que ça devient intéressant de dire, ben voilà, l'autodétermination de votre enfant, c'est une chose, mais la vôtre également. Les choix que vous faites, ben, ils sont tout aussi importants que les choix... que votre enfant va faire. Et déjà, ça nous met dans un autre rapport. Pour les gens qui sont peut-être plus à un niveau théorique, dans un contexte universitaire, parler d'autodétermination, c'est peut-être justement soulever toutes les théories qui sont derrière, mais les théories, mais également le bagage de connaissances scientifiques qui a été produit sur l'autodétermination pour s'assurer que les pratiques qu'on met en œuvre, ce n'est pas des pratiques idéologiques, mais c'est des pratiques qui s'appuient en fait sur des questions. connaissances scientifiques. Et encore une fois, parler d'autodétermination, par exemple, avec des gens qui sont dans la prise de décision par rapport à certaines pratiques professionnelles qui doivent être mises en œuvre, c'est l'aborder aussi à partir de ce bagage-là. Donc, il y a vraiment toujours ce travail-là de traduction, en fait, des enjeux des uns et des autres. Et je dirais que ce travail-là de traduction, il découle beaucoup du fait aussi que l'autodétermination nous amène à innover. nous amènent à faire des choses différemment. Et pourquoi est-ce qu'on fait les choses différemment ? Il faut être capable de l'expliquer, de le justifier à l'intérieur, en fait, des enjeux de chacun des acteurs qui sont concernés par l'autodétermination.
- Speaker #0
Sur cette question de la traduction, c'est ce que tu dis sur la sociologie de la traduction. Oui. Qu'est-ce que ça veut dire, la sociologie de la traduction ?
- Speaker #1
La sociologie de la traduction, c'est un courant, en fait, c'est une approche extrêmement intéressante quand il est question d'innovation. Et l'autodétermination... appellent à ces innovations-là. Et un des éléments que j'aime bien de la sociologie de la traduction, c'est notamment le concept de controverse. Et parler d'autodétermination, ça peut susciter toutes sortes de questionnements et de controverses, des controverses qui peuvent être tout à fait légitimes. Ce qu'on a donné comme exemple avec le parent, pour le parent, ça peut être heurtant de se faire dire que son enfant a des droits et ça peut être déstabilisant aussi parce qu'on n'a peut-être jamais conçu les choses de cette façon-là. Pour le financeur à qui on demande plus de souplesse, de flexibilité, ça peut être déstabilisant parce que les petites cases à cocher sont souvent très rassurantes quand on est en train, par exemple, de développer des services. Et on pourrait continuer comme ça aussi pour la personne accompagnée, s'autodéterminer. Ça veut dire aussi assumer des responsabilités. Et ça aussi, ça peut être déroutant dans ma façon de vivre, dans ma façon d'être. Donc, la sociologie de la traduction, c'est de faire cette lecture-là, entre autres. des éléments de controverse, de comprendre en fait la posture des différents acteurs et surtout de faire en sorte que si on veut que tous ces acteurs-là s'approprient une innovation, qu'il y a un dialogue qui doit s'installer et que chacun doit faire l'effort aussi de comprendre la posture de l'autre pour en arriver finalement à s'engager dans une même direction en cohérence. Ça demande des espaces de dialogue, mais ça... Ça demande aussi une reconnaissance mutuelle de la pertinence de l'autre, de la crédibilité de l'autre, de la valeur de l'autre et la reconnaissance en fait que c'est un travail de co-construction en fait qui va nous mener à innover, notamment lorsqu'il est question d'autodétermination.
- Speaker #0
Merci Martin.
- Speaker #1
Merci François.
- Speaker #0
Si vous voulez en savoir plus sur les programmes de formation Agir pour l'autodétermination, vous pouvez contacter l'organisme de formation Campus à l'adresse mail contact. arrobase campusformation.org Toute équipe se fera un plaisir de vous proposer un programme, un conseil, un accompagnement ou une formation adaptée à votre besoin.