- Speaker #0
S'autodéterminer, c'est être l'auteur de sa vie. Je suis François Bernard, directeur général du GAPAS et de l'organisme de formation Campus. Ensemble, agissons pour l'autodétermination des personnes en situation de handicap, mais pas que. Pour ce second épisode, je suis toujours avec Martin Caouette. Bonjour Martin.
- Speaker #1
Bonjour François.
- Speaker #0
Alors aujourd'hui, on va parler de liberté de tout faire ou liberté... d'être soi, qu'est-ce que tu voulais nous raconter à ce sujet ?
- Speaker #1
Ben, c'est une question que je trouve intéressante, en fait, parce que l'autodétermination, on ramène souvent, parmi les fausses croyances, cette idée que s'autodéterminer, ce serait faire tout ce qu'on veut à tout moment et un peu comme si, de façon impulsive, en fait, on ne censurait plus rien, on se laissait aller à tout faire. Et lorsqu'on a cette Cette vision-là de l'autodétermination comme le fait de faire tout ce qu'on veut, on oublie quelque chose qui est important. On oublie la responsabilité qui vient avec les actions, la responsabilité qui vient aussi avec le fait de vivre en société. Et s'autodéterminer, ce n'est pas une forme d'individualisme où j'oublie les autres, je laisse tomber les autres et je nie tout. toutes les exigences qui viennent de la vie en société. Et c'est pour ça que j'aime bien cette question-là, parce que la liberté d'être soi, c'est beaucoup plus intéressant parce que c'est la liberté d'être unique, mais toujours en relation avec les autres. Et l'autodétermination, bien, s'inscrit à l'intérieur des besoins fondamentaux de l'être humain. Et notamment, les psychologues ont beaucoup mis de l'avant cette idée-là, les psychologues qui sont intéressés à l'autodétermination, en rappelant que l'autodétermination, c'est... entre autres aussi cette nécessité-là d'être en lien, en relation, d'avoir un sentiment d'appartenance à un groupe, donc s'autodéterminer, oui, à l'intérieur aussi d'une vie en société.
- Speaker #0
C'est compliqué d'être soi, la liberté d'être soi pour tout un chacun, c'est un sujet quand même qui nous traverse tout au long de la vie et souvent qui démarre à l'adolescence aussi.
- Speaker #1
Oui, à l'adolescence et puis même avant. tout jeune enfant, on fait des choses, on se découvre, on met des mots sur qui on est, on se définit comme sportif, comme artiste, comme ami, frère, soeur, donc effectivement, c'est quelque chose qui arrive très tôt dans la vie, et c'est quelque chose aussi qui est toujours en redéfinition, c'est-à-dire que la façon dont on parle de soi à 20 ans n'est pas la même que ce qu'on va dire de soi à 40 ans et plus tard dans la vie, et on n'a pas... On apprend, en fait, on se découvre, mais plus encore, moi, je dirais, on se construit également. progressivement, c'est-à-dire que l'on est ce qu'on fait de nous-mêmes progressivement. Et j'aime bien, en fait, dans les dernières années, en fait, j'aime bien Claude Romano, qui est un auteur, en fait, qui s'est intéressé justement à travers un de ses essais sur la question d'être soi-même. Il utilise une expression où il parle d'être en adéquation avec soi. Et j'aime bien cette expression-là, être en adéquation avec soi, c'est-à-dire d'agir en cohérence avec ce qu'on est, ce qu'on porte. et ce qu'on a envie de devenir aussi. Donc, c'est un peu comme s'autodéterminer, c'est se projeter vers l'avant et agir en fonction de ce qu'on souhaite réellement être et aller de l'avant dans cette direction.
- Speaker #0
Après, les parents ont un rôle prédominant quand même sur justement cette liberté d'être soi, parce que quelquefois... On a envie que nos enfants soient nous ressemblent, en tout cas suivent un chemin qu'on aurait prédéfini déjà pour eux.
- Speaker #1
Oui, certainement. Puis comme parents, on a envie aussi d'éviter tout plein d'écueils à nos enfants. On a envie de prévoir, d'anticiper certaines choses, d'éviter un certain nombre de problèmes. Et assez rapidement, on se rend compte aussi que nos enfants ont besoin de faire leur chemin, parfois de faire les mêmes erreurs qu'on a faits ou de... de vivre finalement leur expérience pour en tirer des leçons. Et surtout, on découvre à un certain moment que nos enfants ont aussi des intérêts, des aspirations qui leur sont propres et qu'on a tout intérêt aussi à les laisser avancer dans cette direction-là. Il n'y a pas de voie rapide pour découvrir qui je suis. C'est une expérience. C'est un chemin qu'il faut parcourir soi-même et qui va aussi être influencé. un chemin que je vais faire, influencé par les personnes que je vais rencontrer aussi, qui vont me renvoyer des images de moi-même, qui vont m'aider progressivement à me définir et à me connaître.
- Speaker #0
Alors, il y a quelque chose que tu as dit qui, moi, a toujours été aussi très marquant. Je suis dans mon parcours sur la question de la rencontre. Charles Pépin, qui est aussi un philosophe français, a écrit notamment un ouvrage qui s'appelle La rencontre. Et il explique qu'effectivement, nos trajectoires de vie peuvent évoluer, peuvent changer aussi par la rencontre. que l'on peut avoir avec différentes personnes. Comment on permet justement aux personnes en situation de handicap qui quelquefois ne côtoient que des personnes en situation de handicap ou quelquefois n'ont pas d'autres relations que le cercle familial pour tout un tas de raisons, comment on peut justement essayer de provoquer cette rencontre-là avec l'autre ou avec la société en général ?
- Speaker #1
Oui, c'est important ça. Puis j'ai envie de faire le lien aussi avec, par exemple, ce que Boris Cyrulnik dit au niveau de la résilience et l'importance des gens qu'on va rencontrer qui peuvent parfois nous propulser, nous amener ailleurs. Comment créer la rencontre, en fait ? C'est là que tout le phénomène de l'accès à ce qu'on appelle le milieu ordinaire, en fait, la possibilité d'être en relation avec une diversité de personnes. Je pense que ça commence d'abord par l'école, l'école qui permet de rencontrer d'autres enfants. qui sont ou pas en situation de handicap, mais qui vont m'amener aussi à découvrir, à comprendre des choses, à voir des façons d'être et de vivre qui sont différentes de ce que peut-être moi j'ai connu. Je pense que l'école, c'est un lieu important. L'éducation, en fait, pour rencontrer l'autre, c'est un espace qui est indispensable. Ensuite, cette possibilité-là d'accéder au même milieu de vie que tout le monde, à travers les loisirs, à travers des activités sociales, à travers l'emploi. Donc, cette présence-là en milieu ordinaire. Ça veut dire que pour l'accompagnement, d'avoir toujours ce regard-là en se disant comment dans le milieu ordinaire, la personne que j'accompagne peut trouver réponse à ses besoins, peut vivre des expériences, c'est important. J'ai une collègue, Élise Milot notamment, qui travaille sur la notion de mentorat actif, où l'idée, c'est d'avoir des... partenaires qui vont soutenir l'inclusion dans différents milieux, notamment des milieux de loisirs pour être capable de, justement, d'être à la rencontre d'autres personnes qui pourront m'inspirer et qui pourront me permettre de découvrir, par exemple, dans le cas des travaux d'Élise, des activités de loisirs, notamment, qui vont me permettre de vivre des expériences positives, d'avoir du plaisir, des relations satisfaisantes.
- Speaker #0
Il y a un peu de questions que j'aime bien écouter. Il s'appelle Mathieu Stéphanie et en introduction il dit toujours, on est la on est la moyenne des personnes que l'on côtoie. Et je trouve ça assez juste aussi qu'effectivement, on progresse finalement aussi en fonction des personnes qui nous entourent. Et plus on s'entoure de gens qui nous permettent de grandir, et bien plus on va être la moyenne de ces personnes-là. Qu'est-ce que tu en penses, toi, par rapport à l'accompagnement des personnes en situation de handicap ?
- Speaker #1
Ben, en fait, je veux réagir sur ce que tu viens de dire là aussi, parce que je trouve important que, ben, en fait, moi, personnellement, j'ai toujours trouvé que les gens qui m'ont inspiré, que je trouvais inspirant, me renvoyaient quelque chose de moi aussi. Parfois, de le percevoir, ce que je vois d'inspirant chez l'autre, ben, parfois, révèle quelque chose de moi aussi. Et ça, je pense que c'est... C'est important d'en prendre conscience, en fait, parce que chaque personne qui nous écoute en ce moment a certainement été inspirée dans sa vie et ce qui l'a inspirée aussi disait quelque chose d'elle-même. Pour les personnes en situation de handicap, en fait, bien d'abord, il y a des personnes en situation de handicap qui sont... tout particulièrement inspirantes. Et pas nécessairement parce que ce sont des personnes connues qui font la une des journaux, mais qui, par leur quotidien, par leur expérience de vie, sont inspirantes. Donc, se laisser inspirer de personnes en situation de handicap permet aux personnes en situation de handicap aussi d'être exposées, je dirais, à différentes réalités pour avoir envie, pour avoir, à leur tour, finalement, un... être dans une posture active, ça m'apparaît extrêmement important. Je pense, entre autres, à tous les mouvements, comme par exemple le mouvement Nous Aussi, et tous les mouvements des auto-représentants, c'est des mouvements, en fait, qui aident, justement, collectivement à développer notre empowerment. L'empowerment, puis on en a parlé précédemment, mais c'est cette perception-là qu'on peut agir, qu'on a tout ce qu'il faut pour agir. Donc, la liberté d'être soi, c'est la liberté de croire aussi qu'on est porteur de ce qui est nécessaire pour agir, pour aller de l'avant, pour se propulser vers l'avant, pour atteindre des objectifs personnels. Et quand on dit ça, ce n'est pas simplement dans une logique d'être dans un rapport de productivité où je veux absolument produire, réaliser des choses, mais c'est dans une logique d'épanouissement personnel. Ce qui fait que la liberté d'être soi, c'est aussi pour la personne polyhandicapée, pour la personne... qu'il y a des défis plus grands, pour qui le monde est peut-être pas, comment je dirais, l'expérience d'être au monde n'est peut-être pas la même que pour la plupart des gens, mais il y a une façon unique d'être au monde puis la liberté d'être soi, c'est de reconnaître cette diversité-là. L'expression neurodiversité est de plus en plus présente. dans notre société. Puis, c'est simplement une façon de reconnaître, en fait, qu'il y a un continuum et que notre façon d'interagir avec le monde, notre fonctionnement neurologique, entre autres, bien, il s'inscrit dans une diversité et que dans cette diversité-là, il y a des gens qui sont peut-être un petit peu plus aux extrêmes, qui sont moins dans la norme, mais que cette diversité-là, elle est nécessaire également.
- Speaker #0
Merci, Martin.
- Speaker #1
Merci.
- Speaker #0
Si vous voulez en savoir plus sur les programmes de formation Agir pour l'autodétermination, vous pouvez contacter l'organisme de formation Campus à l'adresse mail contact.campusformation.org. Toute équipe se fera un plaisir de vous proposer un programme, un conseil, un accompagnement ou une formation adaptée à votre besoin.