- Marion Watras
Brest dans l'oreillette, le podcast qui révèle les dessous de l'art et des patrimoines de Brest.
- Stéphane Delamare
Il y a un film qui a été très marquant pour Brest, c'est "Remorques". C'est évident, on nous demande régulièrement d'organiser de nouvelles projections de ce film qui a quand même plusieurs décennies mais qui a beaucoup marqué la ville et puis le cinéma aussi je pense.
- Gaïd Pitrou
De l'intérieur, les cinéastes brestoises et brestois, ils filment Brest de façon très amoureuse. On ressent une volonté de valoriser cette ville qui a été meurtrie.
- Marion Watras
Elle a 85 ans et pourtant, l'image de Jean Gabin dévalant les escaliers du cours Dajot seul, dans la nuit, le vent et sous la pluie battante, demeure sans doute aujourd'hui encore la plus marquante de l'histoire cinématographique de Brest.
- Extrait film "Remorques"
« Captain, il y a un SOS. » « Dépêchez-vous pont dévasté demandons votre assistance immédiate. »
- Marion Watras
Tourné au début de la seconde guerre mondiale, le film "Remorques" a ouvert la voie, car depuis, la ville ne compte plus les tournages qu'elle a accueillis. Pourquoi Brest attire-t-elle les réalisateurs ? Que viennent-ils y chercher ? Pour le comprendre, nous avons rendez-vous avec Stéphane Delamare du service culture de la ville de Brest.
- Stéphane Delamare
Ça c'est quelque chose qui a évolué dans le temps. Moi ça fait un peu plus de dix ans que je m'occupe de l'accueil des tournages. C'est vrai que quand je suis arrivé, les réalisateurs m'appelaient souvent parce qu'ils avaient besoin d'un décor un petit peu triste, avec une architecture un petit peu terne et puis un ciel gris. Ce qui m'énervait un petit peu, je dois avouer, au départ quand j'ai commencé à m'occuper de l'accueil des tournages. Et puis, il y a eu une sorte de bascule, je pense, avec "La fille de Brest", qui est un film qu'on a accueilli en 2015, où je crois que c'est la première fois qu'on a une vision cinématographique un peu positive de la ville, avec une belle histoire, une histoire de courage, des images superbes de la ville. Quasiment du jour au lendemain, j'avais des réalisateurs, des productions qui m'appelaient, plutôt parce qu'ils trouvaient que la ville était photogénique, qu'elle avait du cachet, qu'elle avait du caractère. Ce qui les intéresse, c'est la lumière, beaucoup. Et puis aussi une richesse de décors qui est assez extraordinaire. On a à la fois des décors industriels, le port de commerce, on a des décors urbains, avec les différents quartiers de Brest, des architectures très différentes, des lieux assez emblématiques. Il y a des Capucins qui devient un lieu assez systématique de tournage aussi. Donc ce qui les intéresse, c'est ça, c'est cette richesse de décors et puis cette lumière qui est assez exceptionnelle ici. On accueille en moyenne entre un et trois gros tournages, entre guillemets par an, donc j'entends par gros tournages, des tournages de longs métrages, de téléfilms, où on a une présence de 2, 3, 4 semaines sur la ville. Et puis à côté de ça, il y a toute une quiriade de films courts, beaucoup de films amateurs aussi, on a des formations à l'audiovisuel sur Brest, donc avec beaucoup de tournages étudiants, là on en a 20, 25 par an, avec des résultats tout à fait intéressants, et puis beaucoup de tournages amateurs, de clips et autres, donc en fait ça tourne tout le temps.
- Marion Watras
Ce morceau, Let You Down, est extrait de la bande originale de "La Fille de Brest". Comme le disait Stéphane Delamare, le tournage de ce film a marqué un tournant dans l'histoire cinématographique de la ville. Il s'inspire et retrace le parcours de la pneumologue brestoise Irène Frachon qui s'est battue pour faire éclater la vérité dans l'affaire du Mediator. Depuis, d'autres longs métrages ont mis Brest en valeur. On pourrait citer Le Chant du Loup avec François Civil par exemple. Plus récemment, Stéphane Delamare se souvient également d'un autre tournage.
- Stéphane Delamare
Je pense aussi à "Rien à perdre", qui est le premier long métrage de Delphine Deloget, qui avant ça avait fait quelques documentaires et quelques courts métrages. Donc c'était un vrai challenge, un challenge qui a été accepté par une grande actrice qui s'appelle Virginie Effira, qui s'est vraiment engagée à titre personnel sur ce projet-là, qui y croyaient vraiment. C'est un tournage qui s'est très bien déroulé. Et puis derrière, ce n'était pas gagné, mais c'est un film qui a eu un beau succès, qui a eu un bel accueil au Festival de Cannes. Notamment, on en a beaucoup parlé. C'était un très beau film, je trouve, qui parlait bien de Brest.
- Marion Watras
Sur un tournage, tout ne se passe pas toujours comme prévu. Déjà, pour "Remorques", Jean Grémillon espérait la tempête. La météo brestoise, particulièrement clémente en ce mois de juillet 1939, obligera les pompiers à arroser les comédiens à l'aide de lances. Pour le vent, ce sont des avions qui s'en chargeront. Aujourd'hui encore, les tournages demandent une organisation millimétrée.
- Stéphane Delamare
Les demandes sont assez variables, mais on essaye, dès qu'il y a une idée de tournage, de leur donner les bonnes portes d'entrée pour avoir accès aux différents décors de tournage, pour pouvoir tourner au mieux sur l'espace public. On discute avec eux aussi en fonction des scénarios, du choix des décors, en fonction aussi des contraintes. Il faut savoir qu'un long métrage, on peut facilement arriver à... Deux, trois poids lourds, quelques fourgons et quelques véhicules légers derrière. On est quand même sur des flottes logistiques qui sont assez importantes. Donc ça, ça se gère bien sûr sur l'espace public. Ça peut être des fermetures de rue aussi. Effectivement, ça peut être aussi du prêt de matériel. On a des collègues du service déchets propretés qui sont intervenus avec des balayeuses sur quelques tournages. C'est ça qui fait l'intérêt du travail aussi, c'est que ça peut être des choses très différentes d'un tournage à un autre. Les souvenirs que j'ai des anecdotes de tournage, c'est plus autour des tournages amateurs qui sont en général beaucoup moins bien organisés que les tournages professionnels. Donc des fois, on se retrouve dans des situations un peu particulières. Je me rappelle, ça fait un moment, mais d'un étudiant qui avait filmé une scène de braquage de banque sur le port de commerce. Je pense qu'il y avait toutes les forces de police possibles et imaginables de Brest qui avaient déboulé sur le port de commerce. Puis on avait un autre cas de figure de cet ordre-là aussi au niveau du lycée naval, où là, c'était un figurant qui revenait d'un plateau de tournage avec son arme factice à la main. Et donc le lycée naval avait été fermé, tous les élèves avaient été confinés à l'intérieur en attendant de vérifier qu'on n'avait pas affaire à quelqu'un qui allait commettre quelque chose d'assez problématique.
- Marion Watras
On ne peut pas évoquer les liens entre Brest et le cinéma sans citer le Festival européen du film court, qui a fêté ses 40 ans en 2025. Autre acteur incontournable, la Cinémathèque de Bretagne. Sa mission, collecter, sauvegarder et valoriser le patrimoine audiovisuel et cinématographique de la région, notamment les films amateurs, mais pas seulement. Gaïd Petrou dirige la Cinémathèque de Bretagne.
- Gaïd Pitrou
C'est vrai qu'elle est pionnière dans la collecte et la préservation du film amateur, mais elle préserve aussi les films professionnels, puisqu'elle a une mission de dépôt régional qui lui a été confiée par la région. C'est-à-dire que tous les films qui sont accompagnés, aidés, financés par la région Bretagne sont déposés à la Cinémathèque de Bretagne. Et nous avons également beaucoup de réalisateurs et réalisatrices qui souhaitent déposer leurs films chez nous. Donc on a autant de films amateurs que de films professionnels.
- Marion Watras
La ville de Brest occupe une place particulière dans les collections de la Cinémathèque de Bretagne du fait notamment de l'implantation historique de la structure.
- Gaïd Pitrou
La Cinémathèque s'est implantée à Brest en 1995 et quand on regarde la cartographie des collections, on perçoit à quel point il a été souhaité de collecter beaucoup de films sur la ville de Brest, puisque quand on compare avec d'autres villes de Bretagne et Paris, Brest arrive en tête avec 1735 films qui sont conservés et mis en ligne sur le site internet, contre 1085 sur Paris, 572 pour Quimper et 706 pour Rennes. Donc on perçoit que cet ancrage territorial à Brest a conduit vraiment à des actes volontaires, soit de déposants qui sont venus pour qu'on conserve leurs films, soit parce que la Cinémathèque s'est engagée aussi auprès du territoire. Donc on a vraiment une grande richesse qui permet de retracer finalement l'histoire de la ville de Brest avec des images très très rares. Ils ont beaucoup d'images de l'avant-guerre, de la destruction et de la reconstruction. Et puis des images bien sûr beaucoup plus contemporaines. Et ce qui est assez frappant, c'est par rapport à ce que disait Stéphane, c'est que finalement les films amateurs qui étaient beaucoup des Brestois, qui faisaient partie aussi de Caméra Club, ils filment Brest de façon très amoureuse. On voit les images des années 60 avec beaucoup de modernité, avec bien entendu cette rade extraordinaire qui est mise en valeur, qui fait partie vraiment du personnage central à chaque fois de ces films. Finalement, le regard qu'on a de Brest de l'extérieur, c'est cette ville qui semblerait être pluvieuse, très grise par son architecture de la reconstruction, et de l'intérieur, les cinéastes brestois et brestoises, au contraire, ont fait une ville joyeuse. Il y a beaucoup d'événements qui croisent aussi des solidarités. On perçoit ça.
- Marion Watras
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