Donald Trump face à la surprise Kamala Harris - avec Soufian Alsabbagh cover
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C'est ça l'Amérique

Donald Trump face à la surprise Kamala Harris - avec Soufian Alsabbagh

Donald Trump face à la surprise Kamala Harris - avec Soufian Alsabbagh

24min |11/09/2024|

1101

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Donald Trump face à la surprise Kamala Harris - avec Soufian Alsabbagh cover
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Description

C’est ça l’Amérique, saison 3


À l’occasion de l’élection présidentielle américaine 2024, Alexis Buisson, correspondant de "La Croix" à New York, dresse le portrait d’un pays fragmenté. Tous les jeudis, du 12 septembre au 31 octobre, il tend son micro à des experts de la société américaine pour analyser les temps forts de la campagne.


Épisode 1/8 :


La campagne pour l'élection présidentielle américaine du 5 novembre 2024 est entrée dans une phase imprévisible. En juillet, en l’espace d’un mois, le paysage politique a radicalement changé. Tout a commencé avec la prestation désastreuse lors d'un débat télévisé du président sortant Joe Biden, ce qui a intensifié les doutes sur sa forme physique et mentale. Puis, Donald Trump a réchappé presque miraculeusement à une tentative d’assassinat. Huit jours plus tard, Joe Biden a officiellement renoncé à se présenter, ouvrant la voie à la candidature imprévue de sa vice-présidente, Kamala Harris.


Cette entrée tardive dans la campagne électorale a pris de court Donald Trump, brutalement privé d'une partie de ses arguments. Comme s'il était tombé dans un "guet-apens" politique. Début août, l'investiture de Kamala Harris par le parti démocrate a soulevé un enthousiasme notable dans son camp. Mais sa victoire est-elle assurée ? Et pourrait-elle remporter non seulement la Maison Blanche, mais aussi consolider une majorité dans les deux chambres du Congrès ?


Dans ce premier épisode de la saison 3 de "C’est ça l’Amérique", nous interrogeons Soufian Alsabbagh, auteur de "La Nouvelle Droite Américaine". Au micro d'Alexis Buisson, correspondant de "La Croix" à New York, il analyse les dynamiques de cette campagne électorale extraordinaire, qui sera aussi influencée par les dynamiques locales propres à chaque État.


CRÉDITS :


Écriture et réalisation : Alexis Buisson. Rédaction en chef : Jean-Christophe Ploquin et Paul De Coustin. Production : Célestine Albert-Steward. Mixage : Flavien Edenne. Musique : Emmanuel Viau. Illustration : Olivier Balez.


► Vous avez une question ou une remarque ? Écrivez-nous à cette adresse : podcast.lacroix@groupebayard.com


"C'est ça l'Amérique" est un podcast original de LA CROIX - septembre 2024.


En partenariat avec le programme Alliance – Columbia et ses partenaires (Sciences-Po, Polytechnique, La Sorbonne), et French Morning, le premier web magazine des Français d’Amérique.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Kamala ! It will make the world stronger. Because I believe everyone has a right to safety, to dignity and to justice.

  • Speaker #1

    Bonjour, je suis Alexis Buisson, le correspondant de La Croix à New York. Bienvenue dans C'est ça l'Amérique, le podcast qui explore les enjeux des élections américaines de

  • Speaker #2

    2024. Kamala !

  • Speaker #1

    Chaque semaine et jusqu'au scrutin, découvrez les éclairages d'experts francophones établis aux États-Unis. C'est ça l'Amérique et ça commence maintenant.

  • Speaker #2

    C'est ça l'Amérique,

  • Speaker #3

    un podcast proposé par La Croix,

  • Speaker #2

    le programme Alliance Columbia et le site d'information French Morning.

  • Speaker #1

    Je suis à Philadelphie, le 6 août. Je marche le long d'une file d'attente qui fait le tour d'un terrain de football. La foule multiraciale et multigénérationnelle de plusieurs milliers de personnes attendent de rentrer dans un stade où Kamala Harris doit se montrer pour la première fois avec son colistier, le gouverneur du Minnesota, Tim Walls. Le French newspaper. Oui, c'est nous. C'est vrai ? Je peux vous interviewer si vous voulez ? Oui, bien sûr.

  • Speaker #3

    Alors, pourquoi vous êtes venue aujourd'hui ? Qu'est-ce qui vous a motivé à venir à Kamala Harris ?

  • Speaker #0

    Parce que quand j'étais en France avant, les gens me demandaient, dans ce pays si grand que vous êtes, vous n'avez pas de personnes plus jeunes qui peuvent nous attirer. Alors, je suis tellement motivée d'avoir Kamala parce qu'elle est la plus intelligente et aussi elle a des bons, comment dire, she's got all the right...

  • Speaker #1

    La candidature de Kamala Harris a découlé d'une séquence inédite dans la vie politique américaine. En l'espace d'un mois, l'élection présidentielle a été complètement retournée. Il y eut, le 27 juin, la performance catastrophique de Joe Biden lors d'un débat télévisé contre Donald Trump, qui a ravivé les inquiétudes autour de son acuité mentale. Puis le 13 juillet, la tentative d'assassinat contre le candidat républicain qui aurait pu sceller l'élection en sa faveur. Mais huit jours plus tard, nouveau rebondissement, Joe Biden annonçait sa décision de se retirer de la course et ce, même s'il avait largement remporté les primaires. Dans la foulée, il a apporté son soutien à sa vice-présidente. Le résultat, une campagne éclair de moins de trois mois du jamais vu dans l'histoire récente des États-Unis. Pour comprendre les dynamiques de cette nouvelle élection, j'ai tendu mon micro à Soufiane Alsabag, auteure de la Nouvelle Droite Américaine, la radicalisation du parti républicain à l'ère du Tea Party. Bienvenue dans ce premier épisode de C'est ça l'Amérique, saison 3.

  • Speaker #3

    Bonjour Soufiane Alsabag.

  • Speaker #2

    Bonjour.

  • Speaker #3

    Merci beaucoup de participer à cette interview et de parler de cette élection complètement folle. On est passé d'un scrutin entre deux personnalités mal aimées, Joe Biden et Donald Trump, à une campagne complètement changée avec l'entrée en scène de Kamala Harris. Est-ce qu'on peut dire aujourd'hui, selon vous, que Kamala Harris est la favorite de cette élection ?

  • Speaker #2

    C'est une étiquette qui, sans doute, sera repoussée par le camp démocrate, mais de mon point de vue, c'est assez clair. Du point de vue des sondages à la fois nationaux et dans les états-clés, qu'on suit de très très près, il semble que Mme Harris a au minimum réduit l'écart avec M. Trump et qu'elle bénéficie d'une dynamique qui est incontestable. Selon certains autres sondages, elle est même déjà en tête dans une très large majorité de ces états-clés qui lui permettraient, dans un peu plus de deux mois, de remporter l'élection présidentielle.

  • Speaker #3

    Pour vous, comment est-ce que Donald Trump peut finalement... Reprendre la main, est-ce que vous voyez des raisons d'être optimiste en quelque sorte pour sa candidature ?

  • Speaker #2

    Oui, je dirais que c'est très long encore. Un peu plus de deux mois, il peut se passer beaucoup de choses. Vous savez que dans l'histoire politique américaine, il y a toujours la surprise d'octobre. d'autres qui parlent de la surprise de septembre. Qui sait ? Tout est possible. Donc un événement extérieur peut encore changer dramatiquement cette course. Et puis que M. Trump, malheureusement, c'est sa troisième candidature à la présidentielle. Il a 78 ans. Et l'avance maintenant de Kamala Harris requiert de lui qu'il change de logiciel, qu'il se réinvente. Il a très peu de temps pour le faire et il est très arrêté dans ses idées, pour le dire très simplement. Et pour un homme de son âge, c'est très difficile à envisager dans le futur très très poche. Il était très déçu du retrait de M. Biden. Il s'en est plein encore à la fin du mois d'août. Il a parlé dans le Michigan qu'il regrettait que M. Biden soit parti. Il fait beaucoup de projections sur Kamala Harris, en disant qu'elle n'est pas très intelligente, qu'elle n'est pas très bonne en débat. Et tout ça, ça traduit beaucoup de fébrilité, des défauts qu'il prête à son adversaire. dont on peut penser qu'il pense intimement qu'il en est victime lui-même. Et donc je pense qu'absolument, il n'est pas prêt. C'est une candidate nouvelle, plus jeune, issue de la diversité, une femme. Et c'est un guet-apens quasiment parfait pour Donald Trump, si jamais il avait été organisé comme cela.

  • Speaker #3

    Est-ce qu'il a commis une erreur stratégique, finalement, en n'anticipant pas que le ticket démocrate pouvait changer ? On a l'impression que son camp n'a jamais envisagé. À un moment donné, que les démocrates osent changer de candidat.

  • Speaker #2

    Oui, et je pense qu'on ne peut pas vraiment lui en vouloir pour ça, parce que c'est simplement du jamais vu. En plus de 150 ans, il n'y a jamais un seul candidat ou candidate qui aura fait une campagne aussi courte pour la présidence. Il faut revenir aux conventions de l'ancien temps, qui avaient lieu l'été, on désignait un candidat, et ce candidat allait jusqu'au mois de novembre. Depuis l'instauration des primaires, et même avant cela, il était beaucoup plus clair, beaucoup plus tôt. qui aurait un candidat en face, on savait qui c'était et ça ne changeait pas. Et donc, M. Biden, qui a très largement remporté la primaire, je pense qu'à partir du mois de mai, dans l'esprit de tout le monde, c'était très, très clair que M. Biden irait au bout jusqu'au mois de novembre. Et puis, ce débat de la fin juin, patatras, a complètement changé la configuration de l'élection.

  • Speaker #1

    Avant d'aller plus loin, penchons-nous sur la façon dont Kamala Harris a changé la campagne. Un mois après l'abandon de Joe Biden, elle avait levé plus d'un demi-milliard de dollars, un record dans l'histoire des États-Unis où les élections sont financées essentiellement par des sources privées. Un tiers des fonds donnés pendant la Convention démocrate, fin août, sont venus de primo-donateurs, signe de l'enthousiasme de la base. Cet argent va notamment permettre de produire et de diffuser des publicités à la télévision et sur les réseaux sociaux, dans les swing states en particulier. ces états décisifs pour l'issue du scrutin et dont on parlera plus tard. La campagne Harris-Walls a également annoncé avoir recruté des dizaines de milliers de volontaires pour aller frapper aux portes et contacter les électeurs au téléphone. Enfin et surtout, on observe une augmentation des inscriptions sur les listes électorales au sein de groupes démographiques favorables aux démocrates, notamment chez les jeunes femmes. La campagne de Donald Trump met ses bons chiffres sur le compte d'une couverture médiatique complaisante, une lune de miel, comme ils disent, qui ne durera pas.

  • Speaker #3

    Est-ce que vous êtes surpris vous-même par l'engouement, l'enthousiasme qui existe au sein des démocrates pour la candidature de Kamala Harris, qui était quand même une vice-présidente qu'on a dit impopulaire, effacée, etc. ?

  • Speaker #2

    C'est vrai, mais je pense que la base démocrate n'a jamais été démobilisée depuis au moins 2020 et sans doute en fait 2016, dès le lendemain de la défaite d'Hillary Clinton, parce que Donald Trump est figure de repoussoir. Vous avez une base démocrate qui est prête à tout. pour empêcher Trump de revenir dans le bureau Oval. Ça, c'est très, très clair. Et le fait est que cette base commençait tout doucement à perdre espoir avec M. Biden, puisqu'on a vu que le président ne serait sans doute pas capable de tenir la distance. L'enthousiasme était en berne, les levées de fonds commençaient à piquer du nez. Et c'est comme si l'arrivée de Kamala Harris avait fait exploser la cocotte minute. Cet enthousiasme qui a toujours été là, il a ressurgi. Et vous avez vu une candidate qui maintenant en cinq semaines a levé 580 millions de dollars. C'est absolument prodigieux. Et donc tout le monde se rabat vers elle, y compris les Américains qui sont plutôt au centre. On parle d'anciens supporters de Nikki Haley qui maintenant ouvertement la soutiennent. On parle d'environ 200 membres des administrations, ou plutôt des équipes McCain, Romney et Bush qui maintenant se rallient à elle. Toutes ces personnes ont un dénominateur commun qui est très très clair, l'anti-trumpisme. Ils seront prêts à tout pour l'empêcher de revenir à la Maison-Bloche.

  • Speaker #3

    Est-ce que du point de vue de Donald Trump, vous avez le sentiment qu'il parvient à agrandir, à élargir sa base électorale de la même manière ? On voit par exemple qu'il s'entoure à présent de RFK Jr., Robert Kennedy Jr., qui était démocrate et qui aujourd'hui le soutient. Il y a d'autres démocrates comme Tussi Gabbard. qui était une ancienne députée de Hawaii, qui ont rejoint sa campagne aussi. Vous avez le sentiment qu'il y a... un élargissement effectivement de sa base électorale aussi ?

  • Speaker #2

    Non, je pense que c'était clairement le cas jusqu'à la fin du mois de juin, début juillet, lorsqu'on a vu M. Trump arriver à la Convention républicaine avec le soutien d'une importante minorité de Noirs, d'Hispaniques, des jeunes. Ces chiffres étaient très en hausse avec les jeunes. Tout ça en fait traduisait le vide laissé par la candidature Biden. qui allait être confirmé, qui était censé aller jusqu'au mois de novembre. Et toutes ces démographies étaient tout à fait désespérées, au fond, de voir Biden toujours conclurir. Ils se sont dit Pourquoi pas Trump ? Cette proposition a été totalement annihilée au moment où Kamala Harris s'est déclarée candidate. Elle a ensuite fait un début de campagne très réussi, elle a fait une convention très réussie. Donc en fait, elle ramène à elle un électorat qui, on va dire, appartient aux démocrates. que M. Trump avait envisagé convoiter, mais aujourd'hui c'est absolument impossible pour lui. Et encore une fois, c'est sa troisième candidature. C'est très difficile de trouver un nouveau souffle. C'est un homme de 78 ans qui fait les choses à sa manière, il n'en démordra pas pour les deux mois qui restent. Et donc dans ces configurations-là, comment trouver pour lui matière à élargir la base ? Très honnêtement, je ne sais pas comment c'est possible. Il faudra un événement extérieur pour changer maintenant cette donne électorale.

  • Speaker #3

    Il parle beaucoup du pessimisme qu'il y a dans le pays, notamment l'inflation, qui ronge les couches populaires, les craintes par rapport à l'immigration et ce qu'il appelle l'invasion du pays par les migrants en provenance d'Amérique centrale, mais également du reste du monde. Est-ce que ce genre de stratégie, qui repose sur finalement les insécurités économiques des Américains, peut peut-être l'aider à gagner ?

  • Speaker #2

    Écoutez, il a réussi une fois, donc on ne va jamais dire que c'est impossible. En 2016, c'était son mode opératoire. Grâce à 80 000 voix réparties dans trois États à l'époque, il a réussi à écarter Mme Clinton. Mais dans le cas de 2024, c'est une élection qui est totalement différente. La candidate en face de lui est différente. Et puis dans les toutes récentes semaines, on a eu des nouvelles très positives sur le front de l'inflation. Les décrets de l'administration Biden pris au printemps ont commencé à réduire très significativement le nombre d'entrées illégales à la frontière sud. Et donc la base de Donald Trump... On pourra toujours écouter Fox News qui va répéter le même message que tout va mal et les gens sont pessimistes et c'est terrible. Mais la vérité, on peut le dire, elle est autre. Et donc, les électeurs les plus centristes, qui sont censés aller vers Donald Trump, vont réaliser que ce message transmis par la candidature républicaine n'est tout simplement pas exact. Et donc on peut supposer que dans des estaclés, vous allez avoir une poignée de milliers d'électeurs, qui comme ça, bien au centre, vont faire l'élection si les bonnes nouvelles se poursuivent pour Mme

  • Speaker #0

    Harris.

  • Speaker #1

    Avant d'aller plus loin, revenons sur les États qui détermineront qui de Kamala Harris ou Donald Trump s'installera dans le bureau Oval. Aux États-Unis, l'élection présidentielle n'est pas nationale, elle se joue par État. Chaque État pèse un certain nombre de grands électeurs en fonction de sa démographie. Le premier candidat à dépasser les 270 grands électeurs devient président. Pour le scrutin présidentiel de novembre, il y a une formule dont il faut se souvenir, elle est assez simple, 6% dans 6 états. C'est 6% de l'électorat dans 6 états qui va déterminer qui sera le dirigeant du pays pour les 4 prochaines années. On appelle ces endroits des swing states, des états pivots ou bascules, car ils peuvent basculer dans un camp comme dans l'autre du fait de leur démographie qui produit des résultats très serrés. En 2024, ces swing states seront le Michigan, l'Arizona, la Pennsylvanie, la Georgie, le Nevada, le Wisconsin, tous sont devenus bleus, c'est-à-dire démocrates en 2020. Depuis l'entrée en course de Kamala Harris, les démocrates pensent qu'ils peuvent même s'imposer en Caroline du Nord, un septième État, qu'ils n'ont pas gagné depuis Barack Obama en

  • Speaker #0

    2008.

  • Speaker #3

    Vous l'avez dit, malgré l'enthousiasme qui porte Kamala Harris et malgré les ennuis judiciaires de Donald Trump, ce sera une élection serrée qui va se jouer dans quelques états-clés. Pourquoi finalement ce serait une élection serrée ? Qu'est-ce qui fait que malgré tous ces différents éléments, les scrutins aux États-Unis, les scrutins présidentiels restent serrés ?

  • Speaker #2

    Alors ça c'est assez intéressant comme question et je pense qu'on peut l'expliquer par le fait qu'il y a une solidification électorale extrêmement puissante. depuis une vingtaine d'années, une segmentation et une sédimentation des diverses électorats, notamment en grande partie par le biais des chaînes privées, d'opinion, et maintenant par les réseaux sociaux. Ce que je suis en train d'essayer de vous dire avec des mots très compliqués, c'est qu'on sait que Donald Trump a une base de soutien qui est relativement haute. Et on sait qu'il va faire 40, 42, 44% à coup sûr. C'est les voies qui lui sont promises. Dans le même temps, ce qu'on sait avec Trump, c'est que son plafond d'amélioration, il est également très limité. Sans doute autour de 47, 48 Jamais il passera les 50 c'est quelque chose qu'on peut écrire. À moins, encore une fois, qu'il y ait un événement catastrophique et que tout change encore une fois d'ici au mois de novembre. Mais j'en veux pour preuve les résultats historiques des Républicains. Depuis George Bush perd, donc 35 ans, Il y a un seul républicain lors d'une élection présidentielle qui a réussi à passer les 50%. C'est M. Bush en 2004, qui est passé juste au-dessus. Donc historiquement, les républicains ne rassemblent même plus la majorité des électeurs américains. Là où Trump peut faire la différence, c'est évidemment que cette élection se joue état par état et que c'est le collège électoral qui va faire la décision. Et donc, il faudra voir si ces 47% dans chaque état lui suffiront à tout simplement arriver en tête. et rafler tous les grands électeurs. Donald Trump, il n'est pas battu parce qu'il a une base qui est fervente, qui est encore mobilisée. On l'a dit, essoufflé, et je pense que c'est sans doute vrai d'une certaine façon parce que c'est sa troisième candidature. Donc le disque, quand même, commence à être un petit peu brouillé. Mais oui, c'est le jeu de la mobilisation et il aura fort à faire parce qu'il a face à lui une candidate qui est complètement neuve. Elle aura le temps d'être identifiée négativement par les Républicains dans les deux mois qui restent avant le mois de novembre, mais c'est un laps de temps très très court. Et si on devait faire un pari entre la proposition selon laquelle M. Trump s'impose sur le fil ou bien la proposition selon laquelle Mme Harris, un petit peu comme M. Obama en 2008, s'impose plus largement, alors il faudrait admettre que si rien ne change, c'est plutôt la deuxième proposition qui a le plus de chances de se produire. Et du reste, les instituts de sondage et les prédicteurs, comme on dit, s'accordent très largement sur cette hypothèse.

  • Speaker #3

    Il y a un sujet qui minait Joe Biden quand il était candidat, c'est bien sûr la question du conflit israélo-palestinien et tous ces militants, démocrates, jeunes, progressistes qui se sont détournés de sa candidature en raison de son soutien à Israël. Est-ce que c'est un problème auquel Kamala Harris va être confrontée et qui peut potentiellement la miner lors des élections ?

  • Speaker #2

    Deux mois, c'est très très long. Et on ne sait pas ce qui va devenir de cette guerre. Est-ce qu'il y aura un cessez-le-feu ? Est-ce que la guerre va se calmer ? Est-ce qu'elle va s'intensifier avec des nouvelles frappes ? Tout ça, c'est très difficile à prédire. Mais ce qu'on a vu sur les derniers mois, c'est que Mme Harris bénéficie d'une nouveauté qui, je pense, va plutôt la servir. Elle a eu le talent, au sein de l'administration Biden, d'être en accord avec le président, évidemment, mais toujours de faire ce petit pas de côté, d'avoir une petite... très légère dissonance qui penche un tout petit peu plus que le président en faveur des Palestiniens. Et encore une fois, je reviens à nos états-clés. Vous avez un état comme le Michigan où autour de Détroit, vous avez une minorité très importante d'un électorat arabo-américain qui suit ça de très très près. Et cet électorat aura beaucoup plus de chances de venir du côté de Mme Harris par rapport à M. Biden s'il avait été candidat. M. Biden a 50 ans de carrière politique derrière lui, sans aucun doute pro-Israël. Il était très identifié, il avait pris un positionnement au cours de l'année passée tout à fait pro-israélien. Et voilà, il était défini, il ne pouvait pas se sortir de ce carcan. Madame Harris bénéficie de ces points positifs d'avoir été dans l'administration, tout en ayant été capable de faire entendre sa voix. Et donc, ce n'est pas sûr que ça suffira pour convaincre tout le monde, et mobiliser et rassembler toutes les voix qui lui permettront de gagner dans les états-clés. Mais en tout cas, elle part avec une chance qui est largement supérieure au président Biden.

  • Speaker #3

    C'est intéressant ce que vous dites, Soufiane Al-Sabag, sur le fait qu'elle est une candidate. Elle paraît neuve, alors qu'en fait, elle a une longue carrière politique derrière elle et qu'elle a été vice-présidente. Et donc, malgré tout, elle a réussi à faire oublier qu'elle était une femme politique du serail, qui est en politique depuis beaucoup plus longtemps que Donald Trump, finalement.

  • Speaker #2

    Oui, je pense que là, on est vraiment au sein de l'élite. Tout le monde connaît Kamala Harris à Washington. Les journalistes, évidemment, la suivent de très près parce qu'elle a un parcours exceptionnel qui n'a pas débuté le mois dernier. Mais au sein de l'électorat américain, au sens le plus large du terme... Elle demeure une vice-présidente. Et la vice-présidente, dans l'histoire politique des États-Unis, c'est quelqu'un qui a un second rôle, au mieux. C'est quelqu'un qui ne prend pas du tout la lumière. Et ça a été son cas. On a eu beaucoup de critiques sur, je crois, sa vice-présidente, qu'elle a été très effacée, on ne l'a pas vue assez, Biden a fait exprès de la mettre en retrait. Et j'ai toujours trouvé ça plutôt injuste. Je pense qu'elle est tout à fait là où elle devrait être en tant que vice-présidente. absolument pas différente de ses prédécesseurs. Et donc, encore une fois, il reste deux mois, ça c'est un avantage, parce que elle a cette faculté à se présenter comme une candidate neuve, et sur un temps aussi court, je pense que ça va plutôt la servir.

  • Speaker #3

    Une dernière question sur les autres élections qui vont se jouer en novembre et même avant, pendant le vote anticipé, qui débute dès le mois de septembre dans certains États. C'est les élections au Congrès. Les démocrates veulent conserver leur majorité au Sénat. Ils veulent reconquérir la majorité à la Chambre des représentants. Il y a l'enthousiasme qui est clairement dans leur camp. Est-ce que vous pensez que ça va se traduire dans des résultats positifs pour eux au Congrès ?

  • Speaker #2

    Je pense que les démocrates sont en mesure de remporter les deux chambres. Mais pour que cela arrive, il va falloir une performance très très forte de Mme Harris, qui, on le dit ici, is at the top of the ticket. Donc elle porte l'ensemble des candidatures démocrates à tous les niveaux. Et si Mme Harris, comme on le disait il y a quelques minutes, est capable de surperformer par rapport à Biden en 2020, et de se rapprocher des niveaux d'un Obama en 2008, alors elle sera sans doute en position de remporter les deux chambres pour les démocrates. Si jamais elle est plus proche de Trump, en termes de, à la fois, vote électoral et le collège électoral, alors là, il va falloir s'en remettre aux dynamiques locales. Et les dynamiques locales, elles sont très très difficiles à lire. Il faut vraiment suivre de très très près ce qui se passe état par état, comté par comté, district par district, pour être capable de juger l'avenir des deux chambres, et qui remporte la majorité. On sait que c'est absolument serré tout de suite dans les deux chambres, il y a très peu de sièges de différence. Et on sait que la performance des démocrates dans des États qui sont assez grands, comme la Californie et New York, dans les zones les plus rurales, s'ils sont capables de surperformer au niveau local dans ces districts, alors ils ont une bonne chance de l'emporter dans les deux chambres. Mais si ce n'est pas le cas, et ce n'est pas exclu que ce soit le cas, Mme Harris gagne la Maison-Blanche, elle n'est pas aussi bonne qu'on l'attendait dans les zones rurales, alors il faudra pour elle commencer un mandat avec peut-être deux chambres contre elle. Ce qui est extrêmement rare en politique américaine. Le nouveau président, très souvent, a les deux chambres pour lui.

  • Speaker #3

    Merci beaucoup Soufiane Assabag.

  • Speaker #2

    Merci à vous.

  • Speaker #1

    Sans majorité dans les deux chambres, il sera plus difficile pour le ou la présidente de mettre en application son programme. Un tiers du Sénat sera renouvelé et l'intégralité de la Chambre des représentants sera remise en jeu lors de ces élections. Et pour rappel, les Américains ne voteront pas uniquement le 5 novembre. La période du vote anticipé s'ouvre en Pennsylvanie dès le 16 septembre. D'autres États suivront dès le 20 septembre. Merci de suivre avec nous cette campagne qui s'annonce passionnante. On se retrouve la semaine prochaine pour un nouvel épisode de C'est ça l'Amérique.

  • Speaker #2

    C'est ça l'Amérique, un podcast proposé par La Croix,

  • Speaker #0

    le programme Alliance Columbia et le site d'information French Morning.

Chapters

  • Kamala Harris est-elle la favorite ?

    03:16

  • Comment Donald Trump pourrait-il reprendre la main ?

    04:14

  • Donald Trump a-t-il commis une erreur stratégique ?

    05:45

  • Est-ce que vous êtes surpris par l’enthousiasme des démocrates pour la candidature de Kamala Harris ?

    07:56

  • Donald Trump peut-il encore élargir sa base électorale ?

    09:30

  • Est-ce que la stratégie de Donald Trump qui repose sur les insécurités économiques des américains peut l’aider à gagner ?

    11:21

  • Pourquoi cette élection s’annonce-t-elle tout de même très serrée ?

    14:31

  • Le soutien de Joe Biden à Israël peut-il miner la campagne de Kamala Harris ?

    17:34

  • Kamala Harris pourra-t-elle faire oublier sa vice-présidence plutôt effacée ?

    19:28

  • Les démocrates peuvent-ils également remporter les élections au Congrès ?

    20:54

Description

C’est ça l’Amérique, saison 3


À l’occasion de l’élection présidentielle américaine 2024, Alexis Buisson, correspondant de "La Croix" à New York, dresse le portrait d’un pays fragmenté. Tous les jeudis, du 12 septembre au 31 octobre, il tend son micro à des experts de la société américaine pour analyser les temps forts de la campagne.


Épisode 1/8 :


La campagne pour l'élection présidentielle américaine du 5 novembre 2024 est entrée dans une phase imprévisible. En juillet, en l’espace d’un mois, le paysage politique a radicalement changé. Tout a commencé avec la prestation désastreuse lors d'un débat télévisé du président sortant Joe Biden, ce qui a intensifié les doutes sur sa forme physique et mentale. Puis, Donald Trump a réchappé presque miraculeusement à une tentative d’assassinat. Huit jours plus tard, Joe Biden a officiellement renoncé à se présenter, ouvrant la voie à la candidature imprévue de sa vice-présidente, Kamala Harris.


Cette entrée tardive dans la campagne électorale a pris de court Donald Trump, brutalement privé d'une partie de ses arguments. Comme s'il était tombé dans un "guet-apens" politique. Début août, l'investiture de Kamala Harris par le parti démocrate a soulevé un enthousiasme notable dans son camp. Mais sa victoire est-elle assurée ? Et pourrait-elle remporter non seulement la Maison Blanche, mais aussi consolider une majorité dans les deux chambres du Congrès ?


Dans ce premier épisode de la saison 3 de "C’est ça l’Amérique", nous interrogeons Soufian Alsabbagh, auteur de "La Nouvelle Droite Américaine". Au micro d'Alexis Buisson, correspondant de "La Croix" à New York, il analyse les dynamiques de cette campagne électorale extraordinaire, qui sera aussi influencée par les dynamiques locales propres à chaque État.


CRÉDITS :


Écriture et réalisation : Alexis Buisson. Rédaction en chef : Jean-Christophe Ploquin et Paul De Coustin. Production : Célestine Albert-Steward. Mixage : Flavien Edenne. Musique : Emmanuel Viau. Illustration : Olivier Balez.


► Vous avez une question ou une remarque ? Écrivez-nous à cette adresse : podcast.lacroix@groupebayard.com


"C'est ça l'Amérique" est un podcast original de LA CROIX - septembre 2024.


En partenariat avec le programme Alliance – Columbia et ses partenaires (Sciences-Po, Polytechnique, La Sorbonne), et French Morning, le premier web magazine des Français d’Amérique.


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    Kamala ! It will make the world stronger. Because I believe everyone has a right to safety, to dignity and to justice.

  • Speaker #1

    Bonjour, je suis Alexis Buisson, le correspondant de La Croix à New York. Bienvenue dans C'est ça l'Amérique, le podcast qui explore les enjeux des élections américaines de

  • Speaker #2

    2024. Kamala !

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  • Speaker #2

    C'est ça l'Amérique,

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    le programme Alliance Columbia et le site d'information French Morning.

  • Speaker #1

    Je suis à Philadelphie, le 6 août. Je marche le long d'une file d'attente qui fait le tour d'un terrain de football. La foule multiraciale et multigénérationnelle de plusieurs milliers de personnes attendent de rentrer dans un stade où Kamala Harris doit se montrer pour la première fois avec son colistier, le gouverneur du Minnesota, Tim Walls. Le French newspaper. Oui, c'est nous. C'est vrai ? Je peux vous interviewer si vous voulez ? Oui, bien sûr.

  • Speaker #3

    Alors, pourquoi vous êtes venue aujourd'hui ? Qu'est-ce qui vous a motivé à venir à Kamala Harris ?

  • Speaker #0

    Parce que quand j'étais en France avant, les gens me demandaient, dans ce pays si grand que vous êtes, vous n'avez pas de personnes plus jeunes qui peuvent nous attirer. Alors, je suis tellement motivée d'avoir Kamala parce qu'elle est la plus intelligente et aussi elle a des bons, comment dire, she's got all the right...

  • Speaker #1

    La candidature de Kamala Harris a découlé d'une séquence inédite dans la vie politique américaine. En l'espace d'un mois, l'élection présidentielle a été complètement retournée. Il y eut, le 27 juin, la performance catastrophique de Joe Biden lors d'un débat télévisé contre Donald Trump, qui a ravivé les inquiétudes autour de son acuité mentale. Puis le 13 juillet, la tentative d'assassinat contre le candidat républicain qui aurait pu sceller l'élection en sa faveur. Mais huit jours plus tard, nouveau rebondissement, Joe Biden annonçait sa décision de se retirer de la course et ce, même s'il avait largement remporté les primaires. Dans la foulée, il a apporté son soutien à sa vice-présidente. Le résultat, une campagne éclair de moins de trois mois du jamais vu dans l'histoire récente des États-Unis. Pour comprendre les dynamiques de cette nouvelle élection, j'ai tendu mon micro à Soufiane Alsabag, auteure de la Nouvelle Droite Américaine, la radicalisation du parti républicain à l'ère du Tea Party. Bienvenue dans ce premier épisode de C'est ça l'Amérique, saison 3.

  • Speaker #3

    Bonjour Soufiane Alsabag.

  • Speaker #2

    Bonjour.

  • Speaker #3

    Merci beaucoup de participer à cette interview et de parler de cette élection complètement folle. On est passé d'un scrutin entre deux personnalités mal aimées, Joe Biden et Donald Trump, à une campagne complètement changée avec l'entrée en scène de Kamala Harris. Est-ce qu'on peut dire aujourd'hui, selon vous, que Kamala Harris est la favorite de cette élection ?

  • Speaker #2

    C'est une étiquette qui, sans doute, sera repoussée par le camp démocrate, mais de mon point de vue, c'est assez clair. Du point de vue des sondages à la fois nationaux et dans les états-clés, qu'on suit de très très près, il semble que Mme Harris a au minimum réduit l'écart avec M. Trump et qu'elle bénéficie d'une dynamique qui est incontestable. Selon certains autres sondages, elle est même déjà en tête dans une très large majorité de ces états-clés qui lui permettraient, dans un peu plus de deux mois, de remporter l'élection présidentielle.

  • Speaker #3

    Pour vous, comment est-ce que Donald Trump peut finalement... Reprendre la main, est-ce que vous voyez des raisons d'être optimiste en quelque sorte pour sa candidature ?

  • Speaker #2

    Oui, je dirais que c'est très long encore. Un peu plus de deux mois, il peut se passer beaucoup de choses. Vous savez que dans l'histoire politique américaine, il y a toujours la surprise d'octobre. d'autres qui parlent de la surprise de septembre. Qui sait ? Tout est possible. Donc un événement extérieur peut encore changer dramatiquement cette course. Et puis que M. Trump, malheureusement, c'est sa troisième candidature à la présidentielle. Il a 78 ans. Et l'avance maintenant de Kamala Harris requiert de lui qu'il change de logiciel, qu'il se réinvente. Il a très peu de temps pour le faire et il est très arrêté dans ses idées, pour le dire très simplement. Et pour un homme de son âge, c'est très difficile à envisager dans le futur très très poche. Il était très déçu du retrait de M. Biden. Il s'en est plein encore à la fin du mois d'août. Il a parlé dans le Michigan qu'il regrettait que M. Biden soit parti. Il fait beaucoup de projections sur Kamala Harris, en disant qu'elle n'est pas très intelligente, qu'elle n'est pas très bonne en débat. Et tout ça, ça traduit beaucoup de fébrilité, des défauts qu'il prête à son adversaire. dont on peut penser qu'il pense intimement qu'il en est victime lui-même. Et donc je pense qu'absolument, il n'est pas prêt. C'est une candidate nouvelle, plus jeune, issue de la diversité, une femme. Et c'est un guet-apens quasiment parfait pour Donald Trump, si jamais il avait été organisé comme cela.

  • Speaker #3

    Est-ce qu'il a commis une erreur stratégique, finalement, en n'anticipant pas que le ticket démocrate pouvait changer ? On a l'impression que son camp n'a jamais envisagé. À un moment donné, que les démocrates osent changer de candidat.

  • Speaker #2

    Oui, et je pense qu'on ne peut pas vraiment lui en vouloir pour ça, parce que c'est simplement du jamais vu. En plus de 150 ans, il n'y a jamais un seul candidat ou candidate qui aura fait une campagne aussi courte pour la présidence. Il faut revenir aux conventions de l'ancien temps, qui avaient lieu l'été, on désignait un candidat, et ce candidat allait jusqu'au mois de novembre. Depuis l'instauration des primaires, et même avant cela, il était beaucoup plus clair, beaucoup plus tôt. qui aurait un candidat en face, on savait qui c'était et ça ne changeait pas. Et donc, M. Biden, qui a très largement remporté la primaire, je pense qu'à partir du mois de mai, dans l'esprit de tout le monde, c'était très, très clair que M. Biden irait au bout jusqu'au mois de novembre. Et puis, ce débat de la fin juin, patatras, a complètement changé la configuration de l'élection.

  • Speaker #1

    Avant d'aller plus loin, penchons-nous sur la façon dont Kamala Harris a changé la campagne. Un mois après l'abandon de Joe Biden, elle avait levé plus d'un demi-milliard de dollars, un record dans l'histoire des États-Unis où les élections sont financées essentiellement par des sources privées. Un tiers des fonds donnés pendant la Convention démocrate, fin août, sont venus de primo-donateurs, signe de l'enthousiasme de la base. Cet argent va notamment permettre de produire et de diffuser des publicités à la télévision et sur les réseaux sociaux, dans les swing states en particulier. ces états décisifs pour l'issue du scrutin et dont on parlera plus tard. La campagne Harris-Walls a également annoncé avoir recruté des dizaines de milliers de volontaires pour aller frapper aux portes et contacter les électeurs au téléphone. Enfin et surtout, on observe une augmentation des inscriptions sur les listes électorales au sein de groupes démographiques favorables aux démocrates, notamment chez les jeunes femmes. La campagne de Donald Trump met ses bons chiffres sur le compte d'une couverture médiatique complaisante, une lune de miel, comme ils disent, qui ne durera pas.

  • Speaker #3

    Est-ce que vous êtes surpris vous-même par l'engouement, l'enthousiasme qui existe au sein des démocrates pour la candidature de Kamala Harris, qui était quand même une vice-présidente qu'on a dit impopulaire, effacée, etc. ?

  • Speaker #2

    C'est vrai, mais je pense que la base démocrate n'a jamais été démobilisée depuis au moins 2020 et sans doute en fait 2016, dès le lendemain de la défaite d'Hillary Clinton, parce que Donald Trump est figure de repoussoir. Vous avez une base démocrate qui est prête à tout. pour empêcher Trump de revenir dans le bureau Oval. Ça, c'est très, très clair. Et le fait est que cette base commençait tout doucement à perdre espoir avec M. Biden, puisqu'on a vu que le président ne serait sans doute pas capable de tenir la distance. L'enthousiasme était en berne, les levées de fonds commençaient à piquer du nez. Et c'est comme si l'arrivée de Kamala Harris avait fait exploser la cocotte minute. Cet enthousiasme qui a toujours été là, il a ressurgi. Et vous avez vu une candidate qui maintenant en cinq semaines a levé 580 millions de dollars. C'est absolument prodigieux. Et donc tout le monde se rabat vers elle, y compris les Américains qui sont plutôt au centre. On parle d'anciens supporters de Nikki Haley qui maintenant ouvertement la soutiennent. On parle d'environ 200 membres des administrations, ou plutôt des équipes McCain, Romney et Bush qui maintenant se rallient à elle. Toutes ces personnes ont un dénominateur commun qui est très très clair, l'anti-trumpisme. Ils seront prêts à tout pour l'empêcher de revenir à la Maison-Bloche.

  • Speaker #3

    Est-ce que du point de vue de Donald Trump, vous avez le sentiment qu'il parvient à agrandir, à élargir sa base électorale de la même manière ? On voit par exemple qu'il s'entoure à présent de RFK Jr., Robert Kennedy Jr., qui était démocrate et qui aujourd'hui le soutient. Il y a d'autres démocrates comme Tussi Gabbard. qui était une ancienne députée de Hawaii, qui ont rejoint sa campagne aussi. Vous avez le sentiment qu'il y a... un élargissement effectivement de sa base électorale aussi ?

  • Speaker #2

    Non, je pense que c'était clairement le cas jusqu'à la fin du mois de juin, début juillet, lorsqu'on a vu M. Trump arriver à la Convention républicaine avec le soutien d'une importante minorité de Noirs, d'Hispaniques, des jeunes. Ces chiffres étaient très en hausse avec les jeunes. Tout ça en fait traduisait le vide laissé par la candidature Biden. qui allait être confirmé, qui était censé aller jusqu'au mois de novembre. Et toutes ces démographies étaient tout à fait désespérées, au fond, de voir Biden toujours conclurir. Ils se sont dit Pourquoi pas Trump ? Cette proposition a été totalement annihilée au moment où Kamala Harris s'est déclarée candidate. Elle a ensuite fait un début de campagne très réussi, elle a fait une convention très réussie. Donc en fait, elle ramène à elle un électorat qui, on va dire, appartient aux démocrates. que M. Trump avait envisagé convoiter, mais aujourd'hui c'est absolument impossible pour lui. Et encore une fois, c'est sa troisième candidature. C'est très difficile de trouver un nouveau souffle. C'est un homme de 78 ans qui fait les choses à sa manière, il n'en démordra pas pour les deux mois qui restent. Et donc dans ces configurations-là, comment trouver pour lui matière à élargir la base ? Très honnêtement, je ne sais pas comment c'est possible. Il faudra un événement extérieur pour changer maintenant cette donne électorale.

  • Speaker #3

    Il parle beaucoup du pessimisme qu'il y a dans le pays, notamment l'inflation, qui ronge les couches populaires, les craintes par rapport à l'immigration et ce qu'il appelle l'invasion du pays par les migrants en provenance d'Amérique centrale, mais également du reste du monde. Est-ce que ce genre de stratégie, qui repose sur finalement les insécurités économiques des Américains, peut peut-être l'aider à gagner ?

  • Speaker #2

    Écoutez, il a réussi une fois, donc on ne va jamais dire que c'est impossible. En 2016, c'était son mode opératoire. Grâce à 80 000 voix réparties dans trois États à l'époque, il a réussi à écarter Mme Clinton. Mais dans le cas de 2024, c'est une élection qui est totalement différente. La candidate en face de lui est différente. Et puis dans les toutes récentes semaines, on a eu des nouvelles très positives sur le front de l'inflation. Les décrets de l'administration Biden pris au printemps ont commencé à réduire très significativement le nombre d'entrées illégales à la frontière sud. Et donc la base de Donald Trump... On pourra toujours écouter Fox News qui va répéter le même message que tout va mal et les gens sont pessimistes et c'est terrible. Mais la vérité, on peut le dire, elle est autre. Et donc, les électeurs les plus centristes, qui sont censés aller vers Donald Trump, vont réaliser que ce message transmis par la candidature républicaine n'est tout simplement pas exact. Et donc on peut supposer que dans des estaclés, vous allez avoir une poignée de milliers d'électeurs, qui comme ça, bien au centre, vont faire l'élection si les bonnes nouvelles se poursuivent pour Mme

  • Speaker #0

    Harris.

  • Speaker #1

    Avant d'aller plus loin, revenons sur les États qui détermineront qui de Kamala Harris ou Donald Trump s'installera dans le bureau Oval. Aux États-Unis, l'élection présidentielle n'est pas nationale, elle se joue par État. Chaque État pèse un certain nombre de grands électeurs en fonction de sa démographie. Le premier candidat à dépasser les 270 grands électeurs devient président. Pour le scrutin présidentiel de novembre, il y a une formule dont il faut se souvenir, elle est assez simple, 6% dans 6 états. C'est 6% de l'électorat dans 6 états qui va déterminer qui sera le dirigeant du pays pour les 4 prochaines années. On appelle ces endroits des swing states, des états pivots ou bascules, car ils peuvent basculer dans un camp comme dans l'autre du fait de leur démographie qui produit des résultats très serrés. En 2024, ces swing states seront le Michigan, l'Arizona, la Pennsylvanie, la Georgie, le Nevada, le Wisconsin, tous sont devenus bleus, c'est-à-dire démocrates en 2020. Depuis l'entrée en course de Kamala Harris, les démocrates pensent qu'ils peuvent même s'imposer en Caroline du Nord, un septième État, qu'ils n'ont pas gagné depuis Barack Obama en

  • Speaker #0

    2008.

  • Speaker #3

    Vous l'avez dit, malgré l'enthousiasme qui porte Kamala Harris et malgré les ennuis judiciaires de Donald Trump, ce sera une élection serrée qui va se jouer dans quelques états-clés. Pourquoi finalement ce serait une élection serrée ? Qu'est-ce qui fait que malgré tous ces différents éléments, les scrutins aux États-Unis, les scrutins présidentiels restent serrés ?

  • Speaker #2

    Alors ça c'est assez intéressant comme question et je pense qu'on peut l'expliquer par le fait qu'il y a une solidification électorale extrêmement puissante. depuis une vingtaine d'années, une segmentation et une sédimentation des diverses électorats, notamment en grande partie par le biais des chaînes privées, d'opinion, et maintenant par les réseaux sociaux. Ce que je suis en train d'essayer de vous dire avec des mots très compliqués, c'est qu'on sait que Donald Trump a une base de soutien qui est relativement haute. Et on sait qu'il va faire 40, 42, 44% à coup sûr. C'est les voies qui lui sont promises. Dans le même temps, ce qu'on sait avec Trump, c'est que son plafond d'amélioration, il est également très limité. Sans doute autour de 47, 48 Jamais il passera les 50 c'est quelque chose qu'on peut écrire. À moins, encore une fois, qu'il y ait un événement catastrophique et que tout change encore une fois d'ici au mois de novembre. Mais j'en veux pour preuve les résultats historiques des Républicains. Depuis George Bush perd, donc 35 ans, Il y a un seul républicain lors d'une élection présidentielle qui a réussi à passer les 50%. C'est M. Bush en 2004, qui est passé juste au-dessus. Donc historiquement, les républicains ne rassemblent même plus la majorité des électeurs américains. Là où Trump peut faire la différence, c'est évidemment que cette élection se joue état par état et que c'est le collège électoral qui va faire la décision. Et donc, il faudra voir si ces 47% dans chaque état lui suffiront à tout simplement arriver en tête. et rafler tous les grands électeurs. Donald Trump, il n'est pas battu parce qu'il a une base qui est fervente, qui est encore mobilisée. On l'a dit, essoufflé, et je pense que c'est sans doute vrai d'une certaine façon parce que c'est sa troisième candidature. Donc le disque, quand même, commence à être un petit peu brouillé. Mais oui, c'est le jeu de la mobilisation et il aura fort à faire parce qu'il a face à lui une candidate qui est complètement neuve. Elle aura le temps d'être identifiée négativement par les Républicains dans les deux mois qui restent avant le mois de novembre, mais c'est un laps de temps très très court. Et si on devait faire un pari entre la proposition selon laquelle M. Trump s'impose sur le fil ou bien la proposition selon laquelle Mme Harris, un petit peu comme M. Obama en 2008, s'impose plus largement, alors il faudrait admettre que si rien ne change, c'est plutôt la deuxième proposition qui a le plus de chances de se produire. Et du reste, les instituts de sondage et les prédicteurs, comme on dit, s'accordent très largement sur cette hypothèse.

  • Speaker #3

    Il y a un sujet qui minait Joe Biden quand il était candidat, c'est bien sûr la question du conflit israélo-palestinien et tous ces militants, démocrates, jeunes, progressistes qui se sont détournés de sa candidature en raison de son soutien à Israël. Est-ce que c'est un problème auquel Kamala Harris va être confrontée et qui peut potentiellement la miner lors des élections ?

  • Speaker #2

    Deux mois, c'est très très long. Et on ne sait pas ce qui va devenir de cette guerre. Est-ce qu'il y aura un cessez-le-feu ? Est-ce que la guerre va se calmer ? Est-ce qu'elle va s'intensifier avec des nouvelles frappes ? Tout ça, c'est très difficile à prédire. Mais ce qu'on a vu sur les derniers mois, c'est que Mme Harris bénéficie d'une nouveauté qui, je pense, va plutôt la servir. Elle a eu le talent, au sein de l'administration Biden, d'être en accord avec le président, évidemment, mais toujours de faire ce petit pas de côté, d'avoir une petite... très légère dissonance qui penche un tout petit peu plus que le président en faveur des Palestiniens. Et encore une fois, je reviens à nos états-clés. Vous avez un état comme le Michigan où autour de Détroit, vous avez une minorité très importante d'un électorat arabo-américain qui suit ça de très très près. Et cet électorat aura beaucoup plus de chances de venir du côté de Mme Harris par rapport à M. Biden s'il avait été candidat. M. Biden a 50 ans de carrière politique derrière lui, sans aucun doute pro-Israël. Il était très identifié, il avait pris un positionnement au cours de l'année passée tout à fait pro-israélien. Et voilà, il était défini, il ne pouvait pas se sortir de ce carcan. Madame Harris bénéficie de ces points positifs d'avoir été dans l'administration, tout en ayant été capable de faire entendre sa voix. Et donc, ce n'est pas sûr que ça suffira pour convaincre tout le monde, et mobiliser et rassembler toutes les voix qui lui permettront de gagner dans les états-clés. Mais en tout cas, elle part avec une chance qui est largement supérieure au président Biden.

  • Speaker #3

    C'est intéressant ce que vous dites, Soufiane Al-Sabag, sur le fait qu'elle est une candidate. Elle paraît neuve, alors qu'en fait, elle a une longue carrière politique derrière elle et qu'elle a été vice-présidente. Et donc, malgré tout, elle a réussi à faire oublier qu'elle était une femme politique du serail, qui est en politique depuis beaucoup plus longtemps que Donald Trump, finalement.

  • Speaker #2

    Oui, je pense que là, on est vraiment au sein de l'élite. Tout le monde connaît Kamala Harris à Washington. Les journalistes, évidemment, la suivent de très près parce qu'elle a un parcours exceptionnel qui n'a pas débuté le mois dernier. Mais au sein de l'électorat américain, au sens le plus large du terme... Elle demeure une vice-présidente. Et la vice-présidente, dans l'histoire politique des États-Unis, c'est quelqu'un qui a un second rôle, au mieux. C'est quelqu'un qui ne prend pas du tout la lumière. Et ça a été son cas. On a eu beaucoup de critiques sur, je crois, sa vice-présidente, qu'elle a été très effacée, on ne l'a pas vue assez, Biden a fait exprès de la mettre en retrait. Et j'ai toujours trouvé ça plutôt injuste. Je pense qu'elle est tout à fait là où elle devrait être en tant que vice-présidente. absolument pas différente de ses prédécesseurs. Et donc, encore une fois, il reste deux mois, ça c'est un avantage, parce que elle a cette faculté à se présenter comme une candidate neuve, et sur un temps aussi court, je pense que ça va plutôt la servir.

  • Speaker #3

    Une dernière question sur les autres élections qui vont se jouer en novembre et même avant, pendant le vote anticipé, qui débute dès le mois de septembre dans certains États. C'est les élections au Congrès. Les démocrates veulent conserver leur majorité au Sénat. Ils veulent reconquérir la majorité à la Chambre des représentants. Il y a l'enthousiasme qui est clairement dans leur camp. Est-ce que vous pensez que ça va se traduire dans des résultats positifs pour eux au Congrès ?

  • Speaker #2

    Je pense que les démocrates sont en mesure de remporter les deux chambres. Mais pour que cela arrive, il va falloir une performance très très forte de Mme Harris, qui, on le dit ici, is at the top of the ticket. Donc elle porte l'ensemble des candidatures démocrates à tous les niveaux. Et si Mme Harris, comme on le disait il y a quelques minutes, est capable de surperformer par rapport à Biden en 2020, et de se rapprocher des niveaux d'un Obama en 2008, alors elle sera sans doute en position de remporter les deux chambres pour les démocrates. Si jamais elle est plus proche de Trump, en termes de, à la fois, vote électoral et le collège électoral, alors là, il va falloir s'en remettre aux dynamiques locales. Et les dynamiques locales, elles sont très très difficiles à lire. Il faut vraiment suivre de très très près ce qui se passe état par état, comté par comté, district par district, pour être capable de juger l'avenir des deux chambres, et qui remporte la majorité. On sait que c'est absolument serré tout de suite dans les deux chambres, il y a très peu de sièges de différence. Et on sait que la performance des démocrates dans des États qui sont assez grands, comme la Californie et New York, dans les zones les plus rurales, s'ils sont capables de surperformer au niveau local dans ces districts, alors ils ont une bonne chance de l'emporter dans les deux chambres. Mais si ce n'est pas le cas, et ce n'est pas exclu que ce soit le cas, Mme Harris gagne la Maison-Blanche, elle n'est pas aussi bonne qu'on l'attendait dans les zones rurales, alors il faudra pour elle commencer un mandat avec peut-être deux chambres contre elle. Ce qui est extrêmement rare en politique américaine. Le nouveau président, très souvent, a les deux chambres pour lui.

  • Speaker #3

    Merci beaucoup Soufiane Assabag.

  • Speaker #2

    Merci à vous.

  • Speaker #1

    Sans majorité dans les deux chambres, il sera plus difficile pour le ou la présidente de mettre en application son programme. Un tiers du Sénat sera renouvelé et l'intégralité de la Chambre des représentants sera remise en jeu lors de ces élections. Et pour rappel, les Américains ne voteront pas uniquement le 5 novembre. La période du vote anticipé s'ouvre en Pennsylvanie dès le 16 septembre. D'autres États suivront dès le 20 septembre. Merci de suivre avec nous cette campagne qui s'annonce passionnante. On se retrouve la semaine prochaine pour un nouvel épisode de C'est ça l'Amérique.

  • Speaker #2

    C'est ça l'Amérique, un podcast proposé par La Croix,

  • Speaker #0

    le programme Alliance Columbia et le site d'information French Morning.

Chapters

  • Kamala Harris est-elle la favorite ?

    03:16

  • Comment Donald Trump pourrait-il reprendre la main ?

    04:14

  • Donald Trump a-t-il commis une erreur stratégique ?

    05:45

  • Est-ce que vous êtes surpris par l’enthousiasme des démocrates pour la candidature de Kamala Harris ?

    07:56

  • Donald Trump peut-il encore élargir sa base électorale ?

    09:30

  • Est-ce que la stratégie de Donald Trump qui repose sur les insécurités économiques des américains peut l’aider à gagner ?

    11:21

  • Pourquoi cette élection s’annonce-t-elle tout de même très serrée ?

    14:31

  • Le soutien de Joe Biden à Israël peut-il miner la campagne de Kamala Harris ?

    17:34

  • Kamala Harris pourra-t-elle faire oublier sa vice-présidence plutôt effacée ?

    19:28

  • Les démocrates peuvent-ils également remporter les élections au Congrès ?

    20:54

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Description

C’est ça l’Amérique, saison 3


À l’occasion de l’élection présidentielle américaine 2024, Alexis Buisson, correspondant de "La Croix" à New York, dresse le portrait d’un pays fragmenté. Tous les jeudis, du 12 septembre au 31 octobre, il tend son micro à des experts de la société américaine pour analyser les temps forts de la campagne.


Épisode 1/8 :


La campagne pour l'élection présidentielle américaine du 5 novembre 2024 est entrée dans une phase imprévisible. En juillet, en l’espace d’un mois, le paysage politique a radicalement changé. Tout a commencé avec la prestation désastreuse lors d'un débat télévisé du président sortant Joe Biden, ce qui a intensifié les doutes sur sa forme physique et mentale. Puis, Donald Trump a réchappé presque miraculeusement à une tentative d’assassinat. Huit jours plus tard, Joe Biden a officiellement renoncé à se présenter, ouvrant la voie à la candidature imprévue de sa vice-présidente, Kamala Harris.


Cette entrée tardive dans la campagne électorale a pris de court Donald Trump, brutalement privé d'une partie de ses arguments. Comme s'il était tombé dans un "guet-apens" politique. Début août, l'investiture de Kamala Harris par le parti démocrate a soulevé un enthousiasme notable dans son camp. Mais sa victoire est-elle assurée ? Et pourrait-elle remporter non seulement la Maison Blanche, mais aussi consolider une majorité dans les deux chambres du Congrès ?


Dans ce premier épisode de la saison 3 de "C’est ça l’Amérique", nous interrogeons Soufian Alsabbagh, auteur de "La Nouvelle Droite Américaine". Au micro d'Alexis Buisson, correspondant de "La Croix" à New York, il analyse les dynamiques de cette campagne électorale extraordinaire, qui sera aussi influencée par les dynamiques locales propres à chaque État.


CRÉDITS :


Écriture et réalisation : Alexis Buisson. Rédaction en chef : Jean-Christophe Ploquin et Paul De Coustin. Production : Célestine Albert-Steward. Mixage : Flavien Edenne. Musique : Emmanuel Viau. Illustration : Olivier Balez.


► Vous avez une question ou une remarque ? Écrivez-nous à cette adresse : podcast.lacroix@groupebayard.com


"C'est ça l'Amérique" est un podcast original de LA CROIX - septembre 2024.


En partenariat avec le programme Alliance – Columbia et ses partenaires (Sciences-Po, Polytechnique, La Sorbonne), et French Morning, le premier web magazine des Français d’Amérique.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Kamala ! It will make the world stronger. Because I believe everyone has a right to safety, to dignity and to justice.

  • Speaker #1

    Bonjour, je suis Alexis Buisson, le correspondant de La Croix à New York. Bienvenue dans C'est ça l'Amérique, le podcast qui explore les enjeux des élections américaines de

  • Speaker #2

    2024. Kamala !

  • Speaker #1

    Chaque semaine et jusqu'au scrutin, découvrez les éclairages d'experts francophones établis aux États-Unis. C'est ça l'Amérique et ça commence maintenant.

  • Speaker #2

    C'est ça l'Amérique,

  • Speaker #3

    un podcast proposé par La Croix,

  • Speaker #2

    le programme Alliance Columbia et le site d'information French Morning.

  • Speaker #1

    Je suis à Philadelphie, le 6 août. Je marche le long d'une file d'attente qui fait le tour d'un terrain de football. La foule multiraciale et multigénérationnelle de plusieurs milliers de personnes attendent de rentrer dans un stade où Kamala Harris doit se montrer pour la première fois avec son colistier, le gouverneur du Minnesota, Tim Walls. Le French newspaper. Oui, c'est nous. C'est vrai ? Je peux vous interviewer si vous voulez ? Oui, bien sûr.

  • Speaker #3

    Alors, pourquoi vous êtes venue aujourd'hui ? Qu'est-ce qui vous a motivé à venir à Kamala Harris ?

  • Speaker #0

    Parce que quand j'étais en France avant, les gens me demandaient, dans ce pays si grand que vous êtes, vous n'avez pas de personnes plus jeunes qui peuvent nous attirer. Alors, je suis tellement motivée d'avoir Kamala parce qu'elle est la plus intelligente et aussi elle a des bons, comment dire, she's got all the right...

  • Speaker #1

    La candidature de Kamala Harris a découlé d'une séquence inédite dans la vie politique américaine. En l'espace d'un mois, l'élection présidentielle a été complètement retournée. Il y eut, le 27 juin, la performance catastrophique de Joe Biden lors d'un débat télévisé contre Donald Trump, qui a ravivé les inquiétudes autour de son acuité mentale. Puis le 13 juillet, la tentative d'assassinat contre le candidat républicain qui aurait pu sceller l'élection en sa faveur. Mais huit jours plus tard, nouveau rebondissement, Joe Biden annonçait sa décision de se retirer de la course et ce, même s'il avait largement remporté les primaires. Dans la foulée, il a apporté son soutien à sa vice-présidente. Le résultat, une campagne éclair de moins de trois mois du jamais vu dans l'histoire récente des États-Unis. Pour comprendre les dynamiques de cette nouvelle élection, j'ai tendu mon micro à Soufiane Alsabag, auteure de la Nouvelle Droite Américaine, la radicalisation du parti républicain à l'ère du Tea Party. Bienvenue dans ce premier épisode de C'est ça l'Amérique, saison 3.

  • Speaker #3

    Bonjour Soufiane Alsabag.

  • Speaker #2

    Bonjour.

  • Speaker #3

    Merci beaucoup de participer à cette interview et de parler de cette élection complètement folle. On est passé d'un scrutin entre deux personnalités mal aimées, Joe Biden et Donald Trump, à une campagne complètement changée avec l'entrée en scène de Kamala Harris. Est-ce qu'on peut dire aujourd'hui, selon vous, que Kamala Harris est la favorite de cette élection ?

  • Speaker #2

    C'est une étiquette qui, sans doute, sera repoussée par le camp démocrate, mais de mon point de vue, c'est assez clair. Du point de vue des sondages à la fois nationaux et dans les états-clés, qu'on suit de très très près, il semble que Mme Harris a au minimum réduit l'écart avec M. Trump et qu'elle bénéficie d'une dynamique qui est incontestable. Selon certains autres sondages, elle est même déjà en tête dans une très large majorité de ces états-clés qui lui permettraient, dans un peu plus de deux mois, de remporter l'élection présidentielle.

  • Speaker #3

    Pour vous, comment est-ce que Donald Trump peut finalement... Reprendre la main, est-ce que vous voyez des raisons d'être optimiste en quelque sorte pour sa candidature ?

  • Speaker #2

    Oui, je dirais que c'est très long encore. Un peu plus de deux mois, il peut se passer beaucoup de choses. Vous savez que dans l'histoire politique américaine, il y a toujours la surprise d'octobre. d'autres qui parlent de la surprise de septembre. Qui sait ? Tout est possible. Donc un événement extérieur peut encore changer dramatiquement cette course. Et puis que M. Trump, malheureusement, c'est sa troisième candidature à la présidentielle. Il a 78 ans. Et l'avance maintenant de Kamala Harris requiert de lui qu'il change de logiciel, qu'il se réinvente. Il a très peu de temps pour le faire et il est très arrêté dans ses idées, pour le dire très simplement. Et pour un homme de son âge, c'est très difficile à envisager dans le futur très très poche. Il était très déçu du retrait de M. Biden. Il s'en est plein encore à la fin du mois d'août. Il a parlé dans le Michigan qu'il regrettait que M. Biden soit parti. Il fait beaucoup de projections sur Kamala Harris, en disant qu'elle n'est pas très intelligente, qu'elle n'est pas très bonne en débat. Et tout ça, ça traduit beaucoup de fébrilité, des défauts qu'il prête à son adversaire. dont on peut penser qu'il pense intimement qu'il en est victime lui-même. Et donc je pense qu'absolument, il n'est pas prêt. C'est une candidate nouvelle, plus jeune, issue de la diversité, une femme. Et c'est un guet-apens quasiment parfait pour Donald Trump, si jamais il avait été organisé comme cela.

  • Speaker #3

    Est-ce qu'il a commis une erreur stratégique, finalement, en n'anticipant pas que le ticket démocrate pouvait changer ? On a l'impression que son camp n'a jamais envisagé. À un moment donné, que les démocrates osent changer de candidat.

  • Speaker #2

    Oui, et je pense qu'on ne peut pas vraiment lui en vouloir pour ça, parce que c'est simplement du jamais vu. En plus de 150 ans, il n'y a jamais un seul candidat ou candidate qui aura fait une campagne aussi courte pour la présidence. Il faut revenir aux conventions de l'ancien temps, qui avaient lieu l'été, on désignait un candidat, et ce candidat allait jusqu'au mois de novembre. Depuis l'instauration des primaires, et même avant cela, il était beaucoup plus clair, beaucoup plus tôt. qui aurait un candidat en face, on savait qui c'était et ça ne changeait pas. Et donc, M. Biden, qui a très largement remporté la primaire, je pense qu'à partir du mois de mai, dans l'esprit de tout le monde, c'était très, très clair que M. Biden irait au bout jusqu'au mois de novembre. Et puis, ce débat de la fin juin, patatras, a complètement changé la configuration de l'élection.

  • Speaker #1

    Avant d'aller plus loin, penchons-nous sur la façon dont Kamala Harris a changé la campagne. Un mois après l'abandon de Joe Biden, elle avait levé plus d'un demi-milliard de dollars, un record dans l'histoire des États-Unis où les élections sont financées essentiellement par des sources privées. Un tiers des fonds donnés pendant la Convention démocrate, fin août, sont venus de primo-donateurs, signe de l'enthousiasme de la base. Cet argent va notamment permettre de produire et de diffuser des publicités à la télévision et sur les réseaux sociaux, dans les swing states en particulier. ces états décisifs pour l'issue du scrutin et dont on parlera plus tard. La campagne Harris-Walls a également annoncé avoir recruté des dizaines de milliers de volontaires pour aller frapper aux portes et contacter les électeurs au téléphone. Enfin et surtout, on observe une augmentation des inscriptions sur les listes électorales au sein de groupes démographiques favorables aux démocrates, notamment chez les jeunes femmes. La campagne de Donald Trump met ses bons chiffres sur le compte d'une couverture médiatique complaisante, une lune de miel, comme ils disent, qui ne durera pas.

  • Speaker #3

    Est-ce que vous êtes surpris vous-même par l'engouement, l'enthousiasme qui existe au sein des démocrates pour la candidature de Kamala Harris, qui était quand même une vice-présidente qu'on a dit impopulaire, effacée, etc. ?

  • Speaker #2

    C'est vrai, mais je pense que la base démocrate n'a jamais été démobilisée depuis au moins 2020 et sans doute en fait 2016, dès le lendemain de la défaite d'Hillary Clinton, parce que Donald Trump est figure de repoussoir. Vous avez une base démocrate qui est prête à tout. pour empêcher Trump de revenir dans le bureau Oval. Ça, c'est très, très clair. Et le fait est que cette base commençait tout doucement à perdre espoir avec M. Biden, puisqu'on a vu que le président ne serait sans doute pas capable de tenir la distance. L'enthousiasme était en berne, les levées de fonds commençaient à piquer du nez. Et c'est comme si l'arrivée de Kamala Harris avait fait exploser la cocotte minute. Cet enthousiasme qui a toujours été là, il a ressurgi. Et vous avez vu une candidate qui maintenant en cinq semaines a levé 580 millions de dollars. C'est absolument prodigieux. Et donc tout le monde se rabat vers elle, y compris les Américains qui sont plutôt au centre. On parle d'anciens supporters de Nikki Haley qui maintenant ouvertement la soutiennent. On parle d'environ 200 membres des administrations, ou plutôt des équipes McCain, Romney et Bush qui maintenant se rallient à elle. Toutes ces personnes ont un dénominateur commun qui est très très clair, l'anti-trumpisme. Ils seront prêts à tout pour l'empêcher de revenir à la Maison-Bloche.

  • Speaker #3

    Est-ce que du point de vue de Donald Trump, vous avez le sentiment qu'il parvient à agrandir, à élargir sa base électorale de la même manière ? On voit par exemple qu'il s'entoure à présent de RFK Jr., Robert Kennedy Jr., qui était démocrate et qui aujourd'hui le soutient. Il y a d'autres démocrates comme Tussi Gabbard. qui était une ancienne députée de Hawaii, qui ont rejoint sa campagne aussi. Vous avez le sentiment qu'il y a... un élargissement effectivement de sa base électorale aussi ?

  • Speaker #2

    Non, je pense que c'était clairement le cas jusqu'à la fin du mois de juin, début juillet, lorsqu'on a vu M. Trump arriver à la Convention républicaine avec le soutien d'une importante minorité de Noirs, d'Hispaniques, des jeunes. Ces chiffres étaient très en hausse avec les jeunes. Tout ça en fait traduisait le vide laissé par la candidature Biden. qui allait être confirmé, qui était censé aller jusqu'au mois de novembre. Et toutes ces démographies étaient tout à fait désespérées, au fond, de voir Biden toujours conclurir. Ils se sont dit Pourquoi pas Trump ? Cette proposition a été totalement annihilée au moment où Kamala Harris s'est déclarée candidate. Elle a ensuite fait un début de campagne très réussi, elle a fait une convention très réussie. Donc en fait, elle ramène à elle un électorat qui, on va dire, appartient aux démocrates. que M. Trump avait envisagé convoiter, mais aujourd'hui c'est absolument impossible pour lui. Et encore une fois, c'est sa troisième candidature. C'est très difficile de trouver un nouveau souffle. C'est un homme de 78 ans qui fait les choses à sa manière, il n'en démordra pas pour les deux mois qui restent. Et donc dans ces configurations-là, comment trouver pour lui matière à élargir la base ? Très honnêtement, je ne sais pas comment c'est possible. Il faudra un événement extérieur pour changer maintenant cette donne électorale.

  • Speaker #3

    Il parle beaucoup du pessimisme qu'il y a dans le pays, notamment l'inflation, qui ronge les couches populaires, les craintes par rapport à l'immigration et ce qu'il appelle l'invasion du pays par les migrants en provenance d'Amérique centrale, mais également du reste du monde. Est-ce que ce genre de stratégie, qui repose sur finalement les insécurités économiques des Américains, peut peut-être l'aider à gagner ?

  • Speaker #2

    Écoutez, il a réussi une fois, donc on ne va jamais dire que c'est impossible. En 2016, c'était son mode opératoire. Grâce à 80 000 voix réparties dans trois États à l'époque, il a réussi à écarter Mme Clinton. Mais dans le cas de 2024, c'est une élection qui est totalement différente. La candidate en face de lui est différente. Et puis dans les toutes récentes semaines, on a eu des nouvelles très positives sur le front de l'inflation. Les décrets de l'administration Biden pris au printemps ont commencé à réduire très significativement le nombre d'entrées illégales à la frontière sud. Et donc la base de Donald Trump... On pourra toujours écouter Fox News qui va répéter le même message que tout va mal et les gens sont pessimistes et c'est terrible. Mais la vérité, on peut le dire, elle est autre. Et donc, les électeurs les plus centristes, qui sont censés aller vers Donald Trump, vont réaliser que ce message transmis par la candidature républicaine n'est tout simplement pas exact. Et donc on peut supposer que dans des estaclés, vous allez avoir une poignée de milliers d'électeurs, qui comme ça, bien au centre, vont faire l'élection si les bonnes nouvelles se poursuivent pour Mme

  • Speaker #0

    Harris.

  • Speaker #1

    Avant d'aller plus loin, revenons sur les États qui détermineront qui de Kamala Harris ou Donald Trump s'installera dans le bureau Oval. Aux États-Unis, l'élection présidentielle n'est pas nationale, elle se joue par État. Chaque État pèse un certain nombre de grands électeurs en fonction de sa démographie. Le premier candidat à dépasser les 270 grands électeurs devient président. Pour le scrutin présidentiel de novembre, il y a une formule dont il faut se souvenir, elle est assez simple, 6% dans 6 états. C'est 6% de l'électorat dans 6 états qui va déterminer qui sera le dirigeant du pays pour les 4 prochaines années. On appelle ces endroits des swing states, des états pivots ou bascules, car ils peuvent basculer dans un camp comme dans l'autre du fait de leur démographie qui produit des résultats très serrés. En 2024, ces swing states seront le Michigan, l'Arizona, la Pennsylvanie, la Georgie, le Nevada, le Wisconsin, tous sont devenus bleus, c'est-à-dire démocrates en 2020. Depuis l'entrée en course de Kamala Harris, les démocrates pensent qu'ils peuvent même s'imposer en Caroline du Nord, un septième État, qu'ils n'ont pas gagné depuis Barack Obama en

  • Speaker #0

    2008.

  • Speaker #3

    Vous l'avez dit, malgré l'enthousiasme qui porte Kamala Harris et malgré les ennuis judiciaires de Donald Trump, ce sera une élection serrée qui va se jouer dans quelques états-clés. Pourquoi finalement ce serait une élection serrée ? Qu'est-ce qui fait que malgré tous ces différents éléments, les scrutins aux États-Unis, les scrutins présidentiels restent serrés ?

  • Speaker #2

    Alors ça c'est assez intéressant comme question et je pense qu'on peut l'expliquer par le fait qu'il y a une solidification électorale extrêmement puissante. depuis une vingtaine d'années, une segmentation et une sédimentation des diverses électorats, notamment en grande partie par le biais des chaînes privées, d'opinion, et maintenant par les réseaux sociaux. Ce que je suis en train d'essayer de vous dire avec des mots très compliqués, c'est qu'on sait que Donald Trump a une base de soutien qui est relativement haute. Et on sait qu'il va faire 40, 42, 44% à coup sûr. C'est les voies qui lui sont promises. Dans le même temps, ce qu'on sait avec Trump, c'est que son plafond d'amélioration, il est également très limité. Sans doute autour de 47, 48 Jamais il passera les 50 c'est quelque chose qu'on peut écrire. À moins, encore une fois, qu'il y ait un événement catastrophique et que tout change encore une fois d'ici au mois de novembre. Mais j'en veux pour preuve les résultats historiques des Républicains. Depuis George Bush perd, donc 35 ans, Il y a un seul républicain lors d'une élection présidentielle qui a réussi à passer les 50%. C'est M. Bush en 2004, qui est passé juste au-dessus. Donc historiquement, les républicains ne rassemblent même plus la majorité des électeurs américains. Là où Trump peut faire la différence, c'est évidemment que cette élection se joue état par état et que c'est le collège électoral qui va faire la décision. Et donc, il faudra voir si ces 47% dans chaque état lui suffiront à tout simplement arriver en tête. et rafler tous les grands électeurs. Donald Trump, il n'est pas battu parce qu'il a une base qui est fervente, qui est encore mobilisée. On l'a dit, essoufflé, et je pense que c'est sans doute vrai d'une certaine façon parce que c'est sa troisième candidature. Donc le disque, quand même, commence à être un petit peu brouillé. Mais oui, c'est le jeu de la mobilisation et il aura fort à faire parce qu'il a face à lui une candidate qui est complètement neuve. Elle aura le temps d'être identifiée négativement par les Républicains dans les deux mois qui restent avant le mois de novembre, mais c'est un laps de temps très très court. Et si on devait faire un pari entre la proposition selon laquelle M. Trump s'impose sur le fil ou bien la proposition selon laquelle Mme Harris, un petit peu comme M. Obama en 2008, s'impose plus largement, alors il faudrait admettre que si rien ne change, c'est plutôt la deuxième proposition qui a le plus de chances de se produire. Et du reste, les instituts de sondage et les prédicteurs, comme on dit, s'accordent très largement sur cette hypothèse.

  • Speaker #3

    Il y a un sujet qui minait Joe Biden quand il était candidat, c'est bien sûr la question du conflit israélo-palestinien et tous ces militants, démocrates, jeunes, progressistes qui se sont détournés de sa candidature en raison de son soutien à Israël. Est-ce que c'est un problème auquel Kamala Harris va être confrontée et qui peut potentiellement la miner lors des élections ?

  • Speaker #2

    Deux mois, c'est très très long. Et on ne sait pas ce qui va devenir de cette guerre. Est-ce qu'il y aura un cessez-le-feu ? Est-ce que la guerre va se calmer ? Est-ce qu'elle va s'intensifier avec des nouvelles frappes ? Tout ça, c'est très difficile à prédire. Mais ce qu'on a vu sur les derniers mois, c'est que Mme Harris bénéficie d'une nouveauté qui, je pense, va plutôt la servir. Elle a eu le talent, au sein de l'administration Biden, d'être en accord avec le président, évidemment, mais toujours de faire ce petit pas de côté, d'avoir une petite... très légère dissonance qui penche un tout petit peu plus que le président en faveur des Palestiniens. Et encore une fois, je reviens à nos états-clés. Vous avez un état comme le Michigan où autour de Détroit, vous avez une minorité très importante d'un électorat arabo-américain qui suit ça de très très près. Et cet électorat aura beaucoup plus de chances de venir du côté de Mme Harris par rapport à M. Biden s'il avait été candidat. M. Biden a 50 ans de carrière politique derrière lui, sans aucun doute pro-Israël. Il était très identifié, il avait pris un positionnement au cours de l'année passée tout à fait pro-israélien. Et voilà, il était défini, il ne pouvait pas se sortir de ce carcan. Madame Harris bénéficie de ces points positifs d'avoir été dans l'administration, tout en ayant été capable de faire entendre sa voix. Et donc, ce n'est pas sûr que ça suffira pour convaincre tout le monde, et mobiliser et rassembler toutes les voix qui lui permettront de gagner dans les états-clés. Mais en tout cas, elle part avec une chance qui est largement supérieure au président Biden.

  • Speaker #3

    C'est intéressant ce que vous dites, Soufiane Al-Sabag, sur le fait qu'elle est une candidate. Elle paraît neuve, alors qu'en fait, elle a une longue carrière politique derrière elle et qu'elle a été vice-présidente. Et donc, malgré tout, elle a réussi à faire oublier qu'elle était une femme politique du serail, qui est en politique depuis beaucoup plus longtemps que Donald Trump, finalement.

  • Speaker #2

    Oui, je pense que là, on est vraiment au sein de l'élite. Tout le monde connaît Kamala Harris à Washington. Les journalistes, évidemment, la suivent de très près parce qu'elle a un parcours exceptionnel qui n'a pas débuté le mois dernier. Mais au sein de l'électorat américain, au sens le plus large du terme... Elle demeure une vice-présidente. Et la vice-présidente, dans l'histoire politique des États-Unis, c'est quelqu'un qui a un second rôle, au mieux. C'est quelqu'un qui ne prend pas du tout la lumière. Et ça a été son cas. On a eu beaucoup de critiques sur, je crois, sa vice-présidente, qu'elle a été très effacée, on ne l'a pas vue assez, Biden a fait exprès de la mettre en retrait. Et j'ai toujours trouvé ça plutôt injuste. Je pense qu'elle est tout à fait là où elle devrait être en tant que vice-présidente. absolument pas différente de ses prédécesseurs. Et donc, encore une fois, il reste deux mois, ça c'est un avantage, parce que elle a cette faculté à se présenter comme une candidate neuve, et sur un temps aussi court, je pense que ça va plutôt la servir.

  • Speaker #3

    Une dernière question sur les autres élections qui vont se jouer en novembre et même avant, pendant le vote anticipé, qui débute dès le mois de septembre dans certains États. C'est les élections au Congrès. Les démocrates veulent conserver leur majorité au Sénat. Ils veulent reconquérir la majorité à la Chambre des représentants. Il y a l'enthousiasme qui est clairement dans leur camp. Est-ce que vous pensez que ça va se traduire dans des résultats positifs pour eux au Congrès ?

  • Speaker #2

    Je pense que les démocrates sont en mesure de remporter les deux chambres. Mais pour que cela arrive, il va falloir une performance très très forte de Mme Harris, qui, on le dit ici, is at the top of the ticket. Donc elle porte l'ensemble des candidatures démocrates à tous les niveaux. Et si Mme Harris, comme on le disait il y a quelques minutes, est capable de surperformer par rapport à Biden en 2020, et de se rapprocher des niveaux d'un Obama en 2008, alors elle sera sans doute en position de remporter les deux chambres pour les démocrates. Si jamais elle est plus proche de Trump, en termes de, à la fois, vote électoral et le collège électoral, alors là, il va falloir s'en remettre aux dynamiques locales. Et les dynamiques locales, elles sont très très difficiles à lire. Il faut vraiment suivre de très très près ce qui se passe état par état, comté par comté, district par district, pour être capable de juger l'avenir des deux chambres, et qui remporte la majorité. On sait que c'est absolument serré tout de suite dans les deux chambres, il y a très peu de sièges de différence. Et on sait que la performance des démocrates dans des États qui sont assez grands, comme la Californie et New York, dans les zones les plus rurales, s'ils sont capables de surperformer au niveau local dans ces districts, alors ils ont une bonne chance de l'emporter dans les deux chambres. Mais si ce n'est pas le cas, et ce n'est pas exclu que ce soit le cas, Mme Harris gagne la Maison-Blanche, elle n'est pas aussi bonne qu'on l'attendait dans les zones rurales, alors il faudra pour elle commencer un mandat avec peut-être deux chambres contre elle. Ce qui est extrêmement rare en politique américaine. Le nouveau président, très souvent, a les deux chambres pour lui.

  • Speaker #3

    Merci beaucoup Soufiane Assabag.

  • Speaker #2

    Merci à vous.

  • Speaker #1

    Sans majorité dans les deux chambres, il sera plus difficile pour le ou la présidente de mettre en application son programme. Un tiers du Sénat sera renouvelé et l'intégralité de la Chambre des représentants sera remise en jeu lors de ces élections. Et pour rappel, les Américains ne voteront pas uniquement le 5 novembre. La période du vote anticipé s'ouvre en Pennsylvanie dès le 16 septembre. D'autres États suivront dès le 20 septembre. Merci de suivre avec nous cette campagne qui s'annonce passionnante. On se retrouve la semaine prochaine pour un nouvel épisode de C'est ça l'Amérique.

  • Speaker #2

    C'est ça l'Amérique, un podcast proposé par La Croix,

  • Speaker #0

    le programme Alliance Columbia et le site d'information French Morning.

Chapters

  • Kamala Harris est-elle la favorite ?

    03:16

  • Comment Donald Trump pourrait-il reprendre la main ?

    04:14

  • Donald Trump a-t-il commis une erreur stratégique ?

    05:45

  • Est-ce que vous êtes surpris par l’enthousiasme des démocrates pour la candidature de Kamala Harris ?

    07:56

  • Donald Trump peut-il encore élargir sa base électorale ?

    09:30

  • Est-ce que la stratégie de Donald Trump qui repose sur les insécurités économiques des américains peut l’aider à gagner ?

    11:21

  • Pourquoi cette élection s’annonce-t-elle tout de même très serrée ?

    14:31

  • Le soutien de Joe Biden à Israël peut-il miner la campagne de Kamala Harris ?

    17:34

  • Kamala Harris pourra-t-elle faire oublier sa vice-présidence plutôt effacée ?

    19:28

  • Les démocrates peuvent-ils également remporter les élections au Congrès ?

    20:54

Description

C’est ça l’Amérique, saison 3


À l’occasion de l’élection présidentielle américaine 2024, Alexis Buisson, correspondant de "La Croix" à New York, dresse le portrait d’un pays fragmenté. Tous les jeudis, du 12 septembre au 31 octobre, il tend son micro à des experts de la société américaine pour analyser les temps forts de la campagne.


Épisode 1/8 :


La campagne pour l'élection présidentielle américaine du 5 novembre 2024 est entrée dans une phase imprévisible. En juillet, en l’espace d’un mois, le paysage politique a radicalement changé. Tout a commencé avec la prestation désastreuse lors d'un débat télévisé du président sortant Joe Biden, ce qui a intensifié les doutes sur sa forme physique et mentale. Puis, Donald Trump a réchappé presque miraculeusement à une tentative d’assassinat. Huit jours plus tard, Joe Biden a officiellement renoncé à se présenter, ouvrant la voie à la candidature imprévue de sa vice-présidente, Kamala Harris.


Cette entrée tardive dans la campagne électorale a pris de court Donald Trump, brutalement privé d'une partie de ses arguments. Comme s'il était tombé dans un "guet-apens" politique. Début août, l'investiture de Kamala Harris par le parti démocrate a soulevé un enthousiasme notable dans son camp. Mais sa victoire est-elle assurée ? Et pourrait-elle remporter non seulement la Maison Blanche, mais aussi consolider une majorité dans les deux chambres du Congrès ?


Dans ce premier épisode de la saison 3 de "C’est ça l’Amérique", nous interrogeons Soufian Alsabbagh, auteur de "La Nouvelle Droite Américaine". Au micro d'Alexis Buisson, correspondant de "La Croix" à New York, il analyse les dynamiques de cette campagne électorale extraordinaire, qui sera aussi influencée par les dynamiques locales propres à chaque État.


CRÉDITS :


Écriture et réalisation : Alexis Buisson. Rédaction en chef : Jean-Christophe Ploquin et Paul De Coustin. Production : Célestine Albert-Steward. Mixage : Flavien Edenne. Musique : Emmanuel Viau. Illustration : Olivier Balez.


► Vous avez une question ou une remarque ? Écrivez-nous à cette adresse : podcast.lacroix@groupebayard.com


"C'est ça l'Amérique" est un podcast original de LA CROIX - septembre 2024.


En partenariat avec le programme Alliance – Columbia et ses partenaires (Sciences-Po, Polytechnique, La Sorbonne), et French Morning, le premier web magazine des Français d’Amérique.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Kamala ! It will make the world stronger. Because I believe everyone has a right to safety, to dignity and to justice.

  • Speaker #1

    Bonjour, je suis Alexis Buisson, le correspondant de La Croix à New York. Bienvenue dans C'est ça l'Amérique, le podcast qui explore les enjeux des élections américaines de

  • Speaker #2

    2024. Kamala !

  • Speaker #1

    Chaque semaine et jusqu'au scrutin, découvrez les éclairages d'experts francophones établis aux États-Unis. C'est ça l'Amérique et ça commence maintenant.

  • Speaker #2

    C'est ça l'Amérique,

  • Speaker #3

    un podcast proposé par La Croix,

  • Speaker #2

    le programme Alliance Columbia et le site d'information French Morning.

  • Speaker #1

    Je suis à Philadelphie, le 6 août. Je marche le long d'une file d'attente qui fait le tour d'un terrain de football. La foule multiraciale et multigénérationnelle de plusieurs milliers de personnes attendent de rentrer dans un stade où Kamala Harris doit se montrer pour la première fois avec son colistier, le gouverneur du Minnesota, Tim Walls. Le French newspaper. Oui, c'est nous. C'est vrai ? Je peux vous interviewer si vous voulez ? Oui, bien sûr.

  • Speaker #3

    Alors, pourquoi vous êtes venue aujourd'hui ? Qu'est-ce qui vous a motivé à venir à Kamala Harris ?

  • Speaker #0

    Parce que quand j'étais en France avant, les gens me demandaient, dans ce pays si grand que vous êtes, vous n'avez pas de personnes plus jeunes qui peuvent nous attirer. Alors, je suis tellement motivée d'avoir Kamala parce qu'elle est la plus intelligente et aussi elle a des bons, comment dire, she's got all the right...

  • Speaker #1

    La candidature de Kamala Harris a découlé d'une séquence inédite dans la vie politique américaine. En l'espace d'un mois, l'élection présidentielle a été complètement retournée. Il y eut, le 27 juin, la performance catastrophique de Joe Biden lors d'un débat télévisé contre Donald Trump, qui a ravivé les inquiétudes autour de son acuité mentale. Puis le 13 juillet, la tentative d'assassinat contre le candidat républicain qui aurait pu sceller l'élection en sa faveur. Mais huit jours plus tard, nouveau rebondissement, Joe Biden annonçait sa décision de se retirer de la course et ce, même s'il avait largement remporté les primaires. Dans la foulée, il a apporté son soutien à sa vice-présidente. Le résultat, une campagne éclair de moins de trois mois du jamais vu dans l'histoire récente des États-Unis. Pour comprendre les dynamiques de cette nouvelle élection, j'ai tendu mon micro à Soufiane Alsabag, auteure de la Nouvelle Droite Américaine, la radicalisation du parti républicain à l'ère du Tea Party. Bienvenue dans ce premier épisode de C'est ça l'Amérique, saison 3.

  • Speaker #3

    Bonjour Soufiane Alsabag.

  • Speaker #2

    Bonjour.

  • Speaker #3

    Merci beaucoup de participer à cette interview et de parler de cette élection complètement folle. On est passé d'un scrutin entre deux personnalités mal aimées, Joe Biden et Donald Trump, à une campagne complètement changée avec l'entrée en scène de Kamala Harris. Est-ce qu'on peut dire aujourd'hui, selon vous, que Kamala Harris est la favorite de cette élection ?

  • Speaker #2

    C'est une étiquette qui, sans doute, sera repoussée par le camp démocrate, mais de mon point de vue, c'est assez clair. Du point de vue des sondages à la fois nationaux et dans les états-clés, qu'on suit de très très près, il semble que Mme Harris a au minimum réduit l'écart avec M. Trump et qu'elle bénéficie d'une dynamique qui est incontestable. Selon certains autres sondages, elle est même déjà en tête dans une très large majorité de ces états-clés qui lui permettraient, dans un peu plus de deux mois, de remporter l'élection présidentielle.

  • Speaker #3

    Pour vous, comment est-ce que Donald Trump peut finalement... Reprendre la main, est-ce que vous voyez des raisons d'être optimiste en quelque sorte pour sa candidature ?

  • Speaker #2

    Oui, je dirais que c'est très long encore. Un peu plus de deux mois, il peut se passer beaucoup de choses. Vous savez que dans l'histoire politique américaine, il y a toujours la surprise d'octobre. d'autres qui parlent de la surprise de septembre. Qui sait ? Tout est possible. Donc un événement extérieur peut encore changer dramatiquement cette course. Et puis que M. Trump, malheureusement, c'est sa troisième candidature à la présidentielle. Il a 78 ans. Et l'avance maintenant de Kamala Harris requiert de lui qu'il change de logiciel, qu'il se réinvente. Il a très peu de temps pour le faire et il est très arrêté dans ses idées, pour le dire très simplement. Et pour un homme de son âge, c'est très difficile à envisager dans le futur très très poche. Il était très déçu du retrait de M. Biden. Il s'en est plein encore à la fin du mois d'août. Il a parlé dans le Michigan qu'il regrettait que M. Biden soit parti. Il fait beaucoup de projections sur Kamala Harris, en disant qu'elle n'est pas très intelligente, qu'elle n'est pas très bonne en débat. Et tout ça, ça traduit beaucoup de fébrilité, des défauts qu'il prête à son adversaire. dont on peut penser qu'il pense intimement qu'il en est victime lui-même. Et donc je pense qu'absolument, il n'est pas prêt. C'est une candidate nouvelle, plus jeune, issue de la diversité, une femme. Et c'est un guet-apens quasiment parfait pour Donald Trump, si jamais il avait été organisé comme cela.

  • Speaker #3

    Est-ce qu'il a commis une erreur stratégique, finalement, en n'anticipant pas que le ticket démocrate pouvait changer ? On a l'impression que son camp n'a jamais envisagé. À un moment donné, que les démocrates osent changer de candidat.

  • Speaker #2

    Oui, et je pense qu'on ne peut pas vraiment lui en vouloir pour ça, parce que c'est simplement du jamais vu. En plus de 150 ans, il n'y a jamais un seul candidat ou candidate qui aura fait une campagne aussi courte pour la présidence. Il faut revenir aux conventions de l'ancien temps, qui avaient lieu l'été, on désignait un candidat, et ce candidat allait jusqu'au mois de novembre. Depuis l'instauration des primaires, et même avant cela, il était beaucoup plus clair, beaucoup plus tôt. qui aurait un candidat en face, on savait qui c'était et ça ne changeait pas. Et donc, M. Biden, qui a très largement remporté la primaire, je pense qu'à partir du mois de mai, dans l'esprit de tout le monde, c'était très, très clair que M. Biden irait au bout jusqu'au mois de novembre. Et puis, ce débat de la fin juin, patatras, a complètement changé la configuration de l'élection.

  • Speaker #1

    Avant d'aller plus loin, penchons-nous sur la façon dont Kamala Harris a changé la campagne. Un mois après l'abandon de Joe Biden, elle avait levé plus d'un demi-milliard de dollars, un record dans l'histoire des États-Unis où les élections sont financées essentiellement par des sources privées. Un tiers des fonds donnés pendant la Convention démocrate, fin août, sont venus de primo-donateurs, signe de l'enthousiasme de la base. Cet argent va notamment permettre de produire et de diffuser des publicités à la télévision et sur les réseaux sociaux, dans les swing states en particulier. ces états décisifs pour l'issue du scrutin et dont on parlera plus tard. La campagne Harris-Walls a également annoncé avoir recruté des dizaines de milliers de volontaires pour aller frapper aux portes et contacter les électeurs au téléphone. Enfin et surtout, on observe une augmentation des inscriptions sur les listes électorales au sein de groupes démographiques favorables aux démocrates, notamment chez les jeunes femmes. La campagne de Donald Trump met ses bons chiffres sur le compte d'une couverture médiatique complaisante, une lune de miel, comme ils disent, qui ne durera pas.

  • Speaker #3

    Est-ce que vous êtes surpris vous-même par l'engouement, l'enthousiasme qui existe au sein des démocrates pour la candidature de Kamala Harris, qui était quand même une vice-présidente qu'on a dit impopulaire, effacée, etc. ?

  • Speaker #2

    C'est vrai, mais je pense que la base démocrate n'a jamais été démobilisée depuis au moins 2020 et sans doute en fait 2016, dès le lendemain de la défaite d'Hillary Clinton, parce que Donald Trump est figure de repoussoir. Vous avez une base démocrate qui est prête à tout. pour empêcher Trump de revenir dans le bureau Oval. Ça, c'est très, très clair. Et le fait est que cette base commençait tout doucement à perdre espoir avec M. Biden, puisqu'on a vu que le président ne serait sans doute pas capable de tenir la distance. L'enthousiasme était en berne, les levées de fonds commençaient à piquer du nez. Et c'est comme si l'arrivée de Kamala Harris avait fait exploser la cocotte minute. Cet enthousiasme qui a toujours été là, il a ressurgi. Et vous avez vu une candidate qui maintenant en cinq semaines a levé 580 millions de dollars. C'est absolument prodigieux. Et donc tout le monde se rabat vers elle, y compris les Américains qui sont plutôt au centre. On parle d'anciens supporters de Nikki Haley qui maintenant ouvertement la soutiennent. On parle d'environ 200 membres des administrations, ou plutôt des équipes McCain, Romney et Bush qui maintenant se rallient à elle. Toutes ces personnes ont un dénominateur commun qui est très très clair, l'anti-trumpisme. Ils seront prêts à tout pour l'empêcher de revenir à la Maison-Bloche.

  • Speaker #3

    Est-ce que du point de vue de Donald Trump, vous avez le sentiment qu'il parvient à agrandir, à élargir sa base électorale de la même manière ? On voit par exemple qu'il s'entoure à présent de RFK Jr., Robert Kennedy Jr., qui était démocrate et qui aujourd'hui le soutient. Il y a d'autres démocrates comme Tussi Gabbard. qui était une ancienne députée de Hawaii, qui ont rejoint sa campagne aussi. Vous avez le sentiment qu'il y a... un élargissement effectivement de sa base électorale aussi ?

  • Speaker #2

    Non, je pense que c'était clairement le cas jusqu'à la fin du mois de juin, début juillet, lorsqu'on a vu M. Trump arriver à la Convention républicaine avec le soutien d'une importante minorité de Noirs, d'Hispaniques, des jeunes. Ces chiffres étaient très en hausse avec les jeunes. Tout ça en fait traduisait le vide laissé par la candidature Biden. qui allait être confirmé, qui était censé aller jusqu'au mois de novembre. Et toutes ces démographies étaient tout à fait désespérées, au fond, de voir Biden toujours conclurir. Ils se sont dit Pourquoi pas Trump ? Cette proposition a été totalement annihilée au moment où Kamala Harris s'est déclarée candidate. Elle a ensuite fait un début de campagne très réussi, elle a fait une convention très réussie. Donc en fait, elle ramène à elle un électorat qui, on va dire, appartient aux démocrates. que M. Trump avait envisagé convoiter, mais aujourd'hui c'est absolument impossible pour lui. Et encore une fois, c'est sa troisième candidature. C'est très difficile de trouver un nouveau souffle. C'est un homme de 78 ans qui fait les choses à sa manière, il n'en démordra pas pour les deux mois qui restent. Et donc dans ces configurations-là, comment trouver pour lui matière à élargir la base ? Très honnêtement, je ne sais pas comment c'est possible. Il faudra un événement extérieur pour changer maintenant cette donne électorale.

  • Speaker #3

    Il parle beaucoup du pessimisme qu'il y a dans le pays, notamment l'inflation, qui ronge les couches populaires, les craintes par rapport à l'immigration et ce qu'il appelle l'invasion du pays par les migrants en provenance d'Amérique centrale, mais également du reste du monde. Est-ce que ce genre de stratégie, qui repose sur finalement les insécurités économiques des Américains, peut peut-être l'aider à gagner ?

  • Speaker #2

    Écoutez, il a réussi une fois, donc on ne va jamais dire que c'est impossible. En 2016, c'était son mode opératoire. Grâce à 80 000 voix réparties dans trois États à l'époque, il a réussi à écarter Mme Clinton. Mais dans le cas de 2024, c'est une élection qui est totalement différente. La candidate en face de lui est différente. Et puis dans les toutes récentes semaines, on a eu des nouvelles très positives sur le front de l'inflation. Les décrets de l'administration Biden pris au printemps ont commencé à réduire très significativement le nombre d'entrées illégales à la frontière sud. Et donc la base de Donald Trump... On pourra toujours écouter Fox News qui va répéter le même message que tout va mal et les gens sont pessimistes et c'est terrible. Mais la vérité, on peut le dire, elle est autre. Et donc, les électeurs les plus centristes, qui sont censés aller vers Donald Trump, vont réaliser que ce message transmis par la candidature républicaine n'est tout simplement pas exact. Et donc on peut supposer que dans des estaclés, vous allez avoir une poignée de milliers d'électeurs, qui comme ça, bien au centre, vont faire l'élection si les bonnes nouvelles se poursuivent pour Mme

  • Speaker #0

    Harris.

  • Speaker #1

    Avant d'aller plus loin, revenons sur les États qui détermineront qui de Kamala Harris ou Donald Trump s'installera dans le bureau Oval. Aux États-Unis, l'élection présidentielle n'est pas nationale, elle se joue par État. Chaque État pèse un certain nombre de grands électeurs en fonction de sa démographie. Le premier candidat à dépasser les 270 grands électeurs devient président. Pour le scrutin présidentiel de novembre, il y a une formule dont il faut se souvenir, elle est assez simple, 6% dans 6 états. C'est 6% de l'électorat dans 6 états qui va déterminer qui sera le dirigeant du pays pour les 4 prochaines années. On appelle ces endroits des swing states, des états pivots ou bascules, car ils peuvent basculer dans un camp comme dans l'autre du fait de leur démographie qui produit des résultats très serrés. En 2024, ces swing states seront le Michigan, l'Arizona, la Pennsylvanie, la Georgie, le Nevada, le Wisconsin, tous sont devenus bleus, c'est-à-dire démocrates en 2020. Depuis l'entrée en course de Kamala Harris, les démocrates pensent qu'ils peuvent même s'imposer en Caroline du Nord, un septième État, qu'ils n'ont pas gagné depuis Barack Obama en

  • Speaker #0

    2008.

  • Speaker #3

    Vous l'avez dit, malgré l'enthousiasme qui porte Kamala Harris et malgré les ennuis judiciaires de Donald Trump, ce sera une élection serrée qui va se jouer dans quelques états-clés. Pourquoi finalement ce serait une élection serrée ? Qu'est-ce qui fait que malgré tous ces différents éléments, les scrutins aux États-Unis, les scrutins présidentiels restent serrés ?

  • Speaker #2

    Alors ça c'est assez intéressant comme question et je pense qu'on peut l'expliquer par le fait qu'il y a une solidification électorale extrêmement puissante. depuis une vingtaine d'années, une segmentation et une sédimentation des diverses électorats, notamment en grande partie par le biais des chaînes privées, d'opinion, et maintenant par les réseaux sociaux. Ce que je suis en train d'essayer de vous dire avec des mots très compliqués, c'est qu'on sait que Donald Trump a une base de soutien qui est relativement haute. Et on sait qu'il va faire 40, 42, 44% à coup sûr. C'est les voies qui lui sont promises. Dans le même temps, ce qu'on sait avec Trump, c'est que son plafond d'amélioration, il est également très limité. Sans doute autour de 47, 48 Jamais il passera les 50 c'est quelque chose qu'on peut écrire. À moins, encore une fois, qu'il y ait un événement catastrophique et que tout change encore une fois d'ici au mois de novembre. Mais j'en veux pour preuve les résultats historiques des Républicains. Depuis George Bush perd, donc 35 ans, Il y a un seul républicain lors d'une élection présidentielle qui a réussi à passer les 50%. C'est M. Bush en 2004, qui est passé juste au-dessus. Donc historiquement, les républicains ne rassemblent même plus la majorité des électeurs américains. Là où Trump peut faire la différence, c'est évidemment que cette élection se joue état par état et que c'est le collège électoral qui va faire la décision. Et donc, il faudra voir si ces 47% dans chaque état lui suffiront à tout simplement arriver en tête. et rafler tous les grands électeurs. Donald Trump, il n'est pas battu parce qu'il a une base qui est fervente, qui est encore mobilisée. On l'a dit, essoufflé, et je pense que c'est sans doute vrai d'une certaine façon parce que c'est sa troisième candidature. Donc le disque, quand même, commence à être un petit peu brouillé. Mais oui, c'est le jeu de la mobilisation et il aura fort à faire parce qu'il a face à lui une candidate qui est complètement neuve. Elle aura le temps d'être identifiée négativement par les Républicains dans les deux mois qui restent avant le mois de novembre, mais c'est un laps de temps très très court. Et si on devait faire un pari entre la proposition selon laquelle M. Trump s'impose sur le fil ou bien la proposition selon laquelle Mme Harris, un petit peu comme M. Obama en 2008, s'impose plus largement, alors il faudrait admettre que si rien ne change, c'est plutôt la deuxième proposition qui a le plus de chances de se produire. Et du reste, les instituts de sondage et les prédicteurs, comme on dit, s'accordent très largement sur cette hypothèse.

  • Speaker #3

    Il y a un sujet qui minait Joe Biden quand il était candidat, c'est bien sûr la question du conflit israélo-palestinien et tous ces militants, démocrates, jeunes, progressistes qui se sont détournés de sa candidature en raison de son soutien à Israël. Est-ce que c'est un problème auquel Kamala Harris va être confrontée et qui peut potentiellement la miner lors des élections ?

  • Speaker #2

    Deux mois, c'est très très long. Et on ne sait pas ce qui va devenir de cette guerre. Est-ce qu'il y aura un cessez-le-feu ? Est-ce que la guerre va se calmer ? Est-ce qu'elle va s'intensifier avec des nouvelles frappes ? Tout ça, c'est très difficile à prédire. Mais ce qu'on a vu sur les derniers mois, c'est que Mme Harris bénéficie d'une nouveauté qui, je pense, va plutôt la servir. Elle a eu le talent, au sein de l'administration Biden, d'être en accord avec le président, évidemment, mais toujours de faire ce petit pas de côté, d'avoir une petite... très légère dissonance qui penche un tout petit peu plus que le président en faveur des Palestiniens. Et encore une fois, je reviens à nos états-clés. Vous avez un état comme le Michigan où autour de Détroit, vous avez une minorité très importante d'un électorat arabo-américain qui suit ça de très très près. Et cet électorat aura beaucoup plus de chances de venir du côté de Mme Harris par rapport à M. Biden s'il avait été candidat. M. Biden a 50 ans de carrière politique derrière lui, sans aucun doute pro-Israël. Il était très identifié, il avait pris un positionnement au cours de l'année passée tout à fait pro-israélien. Et voilà, il était défini, il ne pouvait pas se sortir de ce carcan. Madame Harris bénéficie de ces points positifs d'avoir été dans l'administration, tout en ayant été capable de faire entendre sa voix. Et donc, ce n'est pas sûr que ça suffira pour convaincre tout le monde, et mobiliser et rassembler toutes les voix qui lui permettront de gagner dans les états-clés. Mais en tout cas, elle part avec une chance qui est largement supérieure au président Biden.

  • Speaker #3

    C'est intéressant ce que vous dites, Soufiane Al-Sabag, sur le fait qu'elle est une candidate. Elle paraît neuve, alors qu'en fait, elle a une longue carrière politique derrière elle et qu'elle a été vice-présidente. Et donc, malgré tout, elle a réussi à faire oublier qu'elle était une femme politique du serail, qui est en politique depuis beaucoup plus longtemps que Donald Trump, finalement.

  • Speaker #2

    Oui, je pense que là, on est vraiment au sein de l'élite. Tout le monde connaît Kamala Harris à Washington. Les journalistes, évidemment, la suivent de très près parce qu'elle a un parcours exceptionnel qui n'a pas débuté le mois dernier. Mais au sein de l'électorat américain, au sens le plus large du terme... Elle demeure une vice-présidente. Et la vice-présidente, dans l'histoire politique des États-Unis, c'est quelqu'un qui a un second rôle, au mieux. C'est quelqu'un qui ne prend pas du tout la lumière. Et ça a été son cas. On a eu beaucoup de critiques sur, je crois, sa vice-présidente, qu'elle a été très effacée, on ne l'a pas vue assez, Biden a fait exprès de la mettre en retrait. Et j'ai toujours trouvé ça plutôt injuste. Je pense qu'elle est tout à fait là où elle devrait être en tant que vice-présidente. absolument pas différente de ses prédécesseurs. Et donc, encore une fois, il reste deux mois, ça c'est un avantage, parce que elle a cette faculté à se présenter comme une candidate neuve, et sur un temps aussi court, je pense que ça va plutôt la servir.

  • Speaker #3

    Une dernière question sur les autres élections qui vont se jouer en novembre et même avant, pendant le vote anticipé, qui débute dès le mois de septembre dans certains États. C'est les élections au Congrès. Les démocrates veulent conserver leur majorité au Sénat. Ils veulent reconquérir la majorité à la Chambre des représentants. Il y a l'enthousiasme qui est clairement dans leur camp. Est-ce que vous pensez que ça va se traduire dans des résultats positifs pour eux au Congrès ?

  • Speaker #2

    Je pense que les démocrates sont en mesure de remporter les deux chambres. Mais pour que cela arrive, il va falloir une performance très très forte de Mme Harris, qui, on le dit ici, is at the top of the ticket. Donc elle porte l'ensemble des candidatures démocrates à tous les niveaux. Et si Mme Harris, comme on le disait il y a quelques minutes, est capable de surperformer par rapport à Biden en 2020, et de se rapprocher des niveaux d'un Obama en 2008, alors elle sera sans doute en position de remporter les deux chambres pour les démocrates. Si jamais elle est plus proche de Trump, en termes de, à la fois, vote électoral et le collège électoral, alors là, il va falloir s'en remettre aux dynamiques locales. Et les dynamiques locales, elles sont très très difficiles à lire. Il faut vraiment suivre de très très près ce qui se passe état par état, comté par comté, district par district, pour être capable de juger l'avenir des deux chambres, et qui remporte la majorité. On sait que c'est absolument serré tout de suite dans les deux chambres, il y a très peu de sièges de différence. Et on sait que la performance des démocrates dans des États qui sont assez grands, comme la Californie et New York, dans les zones les plus rurales, s'ils sont capables de surperformer au niveau local dans ces districts, alors ils ont une bonne chance de l'emporter dans les deux chambres. Mais si ce n'est pas le cas, et ce n'est pas exclu que ce soit le cas, Mme Harris gagne la Maison-Blanche, elle n'est pas aussi bonne qu'on l'attendait dans les zones rurales, alors il faudra pour elle commencer un mandat avec peut-être deux chambres contre elle. Ce qui est extrêmement rare en politique américaine. Le nouveau président, très souvent, a les deux chambres pour lui.

  • Speaker #3

    Merci beaucoup Soufiane Assabag.

  • Speaker #2

    Merci à vous.

  • Speaker #1

    Sans majorité dans les deux chambres, il sera plus difficile pour le ou la présidente de mettre en application son programme. Un tiers du Sénat sera renouvelé et l'intégralité de la Chambre des représentants sera remise en jeu lors de ces élections. Et pour rappel, les Américains ne voteront pas uniquement le 5 novembre. La période du vote anticipé s'ouvre en Pennsylvanie dès le 16 septembre. D'autres États suivront dès le 20 septembre. Merci de suivre avec nous cette campagne qui s'annonce passionnante. On se retrouve la semaine prochaine pour un nouvel épisode de C'est ça l'Amérique.

  • Speaker #2

    C'est ça l'Amérique, un podcast proposé par La Croix,

  • Speaker #0

    le programme Alliance Columbia et le site d'information French Morning.

Chapters

  • Kamala Harris est-elle la favorite ?

    03:16

  • Comment Donald Trump pourrait-il reprendre la main ?

    04:14

  • Donald Trump a-t-il commis une erreur stratégique ?

    05:45

  • Est-ce que vous êtes surpris par l’enthousiasme des démocrates pour la candidature de Kamala Harris ?

    07:56

  • Donald Trump peut-il encore élargir sa base électorale ?

    09:30

  • Est-ce que la stratégie de Donald Trump qui repose sur les insécurités économiques des américains peut l’aider à gagner ?

    11:21

  • Pourquoi cette élection s’annonce-t-elle tout de même très serrée ?

    14:31

  • Le soutien de Joe Biden à Israël peut-il miner la campagne de Kamala Harris ?

    17:34

  • Kamala Harris pourra-t-elle faire oublier sa vice-présidence plutôt effacée ?

    19:28

  • Les démocrates peuvent-ils également remporter les élections au Congrès ?

    20:54

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