L'immigration, l’arme de Donald Trump - avec Fanny Lauby cover
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C'est ça l'Amérique

L'immigration, l’arme de Donald Trump - avec Fanny Lauby

L'immigration, l’arme de Donald Trump - avec Fanny Lauby

29min |25/09/2024|

961

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Description

C’est ça l’Amérique, saison 3


L’immigration s’impose comme l’un des enjeux de la campagne. Face à l’afflux de migrants à la frontière sud, républicains et démocrates se rejettent la responsabilité. Le discours accusateur de Donald Trump, qui reproche aux migrants de voler les emplois des Américains et de commettre des crimes, trouve-t-il un écho favorable dans l’électorat ?


Épisode 3/8 :


"Donne-moi tes pauvres, tes exténués, Tes masses innombrables aspirant à vivre libres". Ceux qui ont visité la Statue de la Liberté reconnaîtront ces vers tirés du poème d’Emma Lazarus, "Le Nouveau colosse", inscrits sur le socle de l’édifice. Ces dernières années, cet idéal a été mis à rude épreuve outre-Atlantique.


Sous la présidence Biden, le pays a connu un pic d’entrées illégales via sa frontière sud (avec le Mexique). Parachutés par des gouverneurs républicains dans des villes démocrates non préparées, comme New York, ces migrants ont fait face à une prise en charge chaotique. Certains ont été obligés de dormir dehors faute de place dans les foyers. Ces images de désordre ont été exploitées par Donald Trump. Le leader populiste parle volontiers d’"invasion" et promet d’expulser les millions de sans-papiers présents sur le territoire, même depuis longtemps, s’il revient au pouvoir.


Ce discours fonctionne-t-il au sein de l’opinion ? A-t-il raison quand il affirme que le gouvernement Biden n’a pas fait assez pour sécuriser la frontière ? Alexis Buisson, le correspondant de La Croix à New York, a posé ces questions à Fanny Lauby, professeure associée à l’Université d’État de Montclair (New Jersey) et spécialiste de la jeunesse en situation irrégulière.


CRÉDITS :


Écriture et réalisation : Alexis Buisson. Rédaction en chef : Jean-Christophe Ploquin et Paul De Coustin. Production : Célestine Albert-Steward. Mixage : Flavien Edenne. Musique : Emmanuel Viau. Illustration : Olivier Balez.


► Vous avez une question ou une remarque ? Écrivez-nous à cette adresse : podcast.lacroix@groupebayard.com


"C'est ça l'Amérique" est un podcast original de LA CROIX - septembre 2024.


En partenariat avec le programme Alliance – Columbia et ses partenaires (Sciences-Po, Polytechnique, La Sorbonne), et French Morning, le premier web magazine des Français d’Amérique.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Kamala ! It will make the world stronger. Because I believe everyone has a right to safety, to dignity and to justice.

  • Speaker #1

    Bonjour, je suis Alexis Buisson,

  • Speaker #2

    le correspondant de La Croix à New York.

  • Speaker #1

    Bienvenue dans C'est ça l'Amérique, le podcast qui explore les enjeux des élections américaines de

  • Speaker #0

    2024. Kamala !

  • Speaker #1

    Chaque semaine et jusqu'au scrutin, Découvrez les éclairages d'experts francophones établis aux États-Unis.

  • Speaker #3

    C'est ça l'Amérique et ça commence maintenant.

  • Speaker #2

    J-D-M-A-G-I-N-E-U Très bien.

  • Speaker #1

    Pour commencer cet épisode, je vous emmène dans les rues de New York. Nous sommes avec Majid Diallo, un Guinéen qui appartient à l'ethnie persécutée des Peuls. Ce matin-là, il fait partie de plusieurs centaines de migrants africains qui font la queue pour bénéficier d'un repas offert par une association de Manhattan. Son histoire est très similaire à celle d'autres hommes rencontrés sur place. Il s'est rendu à Istanbul, en Turquie, pour prendre un avion en direction d'Amérique du Sud. De là, il a traversé des pays entiers à pied, en bus, à cheval, pour rejoindre la frontière sud des États-Unis, celle que le pays de l'oncle Sam partage avec le Mexique. Une fois sur le territoire américain, il a été pris en charge par la police des frontières et acheminé à New York, sans toit ni connaissance en anglais, privé de permis de travail tant que sa demande d'asile n'a pas été traitée, ce qui devrait prendre... plusieurs mois, le rêve américain a pour le moment un goût amer pour Majid Diallo.

  • Speaker #4

    Ça n'a pas été facile parce que dans d'autres endroits, on nous raquette, d'autres endroits, on nous envoie dans des cachots pour dire à nos parents de payer l'argent tandis que nos parents sont pauvres. Mais on n'a pas de choix parce qu'on a pensé aux Etats-Unis, c'est une terre de liberté, si on vient ici, ils vont s'occuper de nous comme il le faut, mais on a trouvé le contraire. Je ne m'attendais pas à ce qu'on vienne errer dans la rue. Châtiens heureusement, comme si on n'était pas des humains. On est des humains aussi.

  • Speaker #1

    La question migratoire fait partie des thèmes centraux de cette campagne. Pendant la présidence Biden, les États-Unis ont enregistré un pic de ce que l'on appelle, dans le jargon, des rencontres entre la police des frontières et des migrants entrant par la frontière sud. Près de 250 000, rien qu'en décembre 2023, un record historique. Cette hausse s'explique notamment par la levée de restrictions migratoires liées à la pandémie. D'un côté, Donald Trump accuse les démocrates d'avoir autorisé, je cite, une invasion du pays par des criminels, des terroristes et autres malades mentaux S'il revient au pouvoir, il propose d'expulser les plus de 10 millions d'immigrés en situation irrégulière avec l'aide de l'armée. De l'autre, Kamala Harris, fille de ressentissants indiens et jamaïcains, entretient le flou. Mais ses rares prises de position laissent penser qu'elle se montrerait plus inflexible que dans le passé, face à une opinion inquiète. qui voit certaines grandes villes américaines, à l'image de New York, à la peine pour prendre en charge ces migrants, elle durcit le ton, mettant moins l'accent sur l'aspect humanitaire que sur le renforcement de la frontière. Il doit y avoir des conséquences pour ceux qui entrent illégalement sur le territoire, a-t-elle dit lors d'une interview sur CNN fin août. Pour en savoir plus sur la réalité de l'immigration aux Etats-Unis, j'ai rencontré Fanny Lobby. Elle est professeure associée de sciences politiques à l'Université d'État de Montclair, dans le New Jersey. C'est juste à côté de New York. Dans ses recherches, elle s'est notamment intéressée aux jeunes migrants sans papier. Bonjour Fanny Lobby.

  • Speaker #5

    Bonjour Alexis.

  • Speaker #2

    Merci beaucoup de nous accueillir ici dans votre bureau à l'Université d'État de Montclair pour parler de ce sujet de l'immigration qui est un sujet complexe à multiples facettes. Je voudrais commencer peut-être par prendre un peu de recul par rapport à ce qu'on a entendu en intro de cet épisode. Qu'est-ce qui fait qu'on en est arrivé là finalement aux États-Unis ? Qu'est-ce qui fait qu'il y a cette crise migratoire dont on parle beaucoup dans l'actualité ?

  • Speaker #5

    Alors, le terme de crise, c'est un terme qu'on utilise tout le temps depuis les années 80, quelles que soient les circonstances, mais qui ne correspond pas toujours à la réalité. Donc, c'est vrai qu'on est à un niveau fort d'immigration, donc il y a 46 millions d'immigrés aux États-Unis, mais en termes de proportion de la population, on est en dessous de 14% de la population, ce qui était le cas déjà il y a une centaine d'années, au pic de la deuxième vague. Donc, en général, quand on parle de la crise, on parle des immigrés en situation irrégulière. Et là encore, les chiffres ont été assez stables depuis une quinzaine d'années, mais on note qu'il y a une certaine augmentation et il y a un peu un changement sur le profil des immigrés qui arrive. Donc notamment, récemment, il y a eu une augmentation sur le nombre de demandeurs d'asile, notamment les demandeurs d'asile qui viennent de trois pays, du Nicaragua, du Venezuela et d'Haïti. Le nombre de personnes qui sont admises sur parole, donc directement par le président, a aussi augmenté. Et donc, ce qu'on a vu aussi, c'est un changement avec l'arrivée des familles. Donc, traditionnellement, quand on parlait d'immigration irrégulière, c'était principalement des individus, c'était principalement des hommes qui venaient travailler peut-être pour une saison ou deux saisons. Mais ce qui a changé récemment, c'est l'arrivée de familles, de parents avec des enfants. Et donc, ça représente une charge différente de la part du gouvernement fédéral, de la part des États frontaliers. Et on a bien vu qu'il y a eu des approches différentes en fonction de l'administration Trump ou Biden.

  • Speaker #2

    Qu'est-ce qui fait que ce profil change finalement au fil des ans ?

  • Speaker #5

    principalement, c'est lié à ce qui se passe dans les pays d'origine. Et donc, dans des pays d'Amérique centrale, c'est principalement la pauvreté, la violence qui poussent les familles à se déplacer. Il y a aussi quelques changements avec des lois, enfin, pas des lois, justement, des décisions aux États-Unis, des actions du gouvernement fédéral qui ont fait que je crois qu'il y a eu un malentendu. Et donc, des lois qui, notamment, visaient les jeunes en situation irrégulière ou des lois qui visaient les immigrés venant du Venezuela qui ont reçu un statut de protection spéciale, eh bien, ces lois sont... réinterpréter de manière internationale. Et donc, il y a certaines personnes qui sont dans des pays d'Amérique centrale ou au Venezuela qui pensent, ça va être mon cas, je vais pouvoir faire cette demande. Et donc, on a vu des pics d'arrivée. En 2014-2015, il y a eu énormément de mineurs qui sont arrivés. Et en 2019, il y a eu de plus en plus de familles qui ont commencé à arriver. Je pense que c'est cette combinaison entre des violences d'origine et une mauvaise interprétation de ce qui se passera aux Etats-Unis.

  • Speaker #2

    En introduction, il n'y a pas que des migrants provenant d'Amérique centrale qui viennent, il y a aussi maintenant des Africains francophones et d'autres nationalités qui sont extérieures aux Amériques.

  • Speaker #5

    Il y a eu une baisse du nombre d'immigrés en situation irrégulière venant du Mexique. Jusqu'en 2007, en nombre de personnes, ça représentait presque 6 ou 7 millions de personnes. Et maintenant, on est à peu près 4 millions de personnes qui viennent vraiment du Mexique. Et donc, on a vu cette augmentation venant du Venezuela, venant du Nicaragua, du Salvador. mais aussi d'autres pays africains, du Canada, d'Europe, même d'anciens pays de l'Union soviétique. Et ça, ça ne fait pas partie du discours sur l'immigration. Cette diversité, notamment au sein de l'immigration irrégulière, mais c'est lié justement à cette mauvaise interprétation de ce qui va se passer une fois arrivé à la frontière.

  • Speaker #2

    Qu'est-ce qui fait finalement que les autorités américaines ont du mal à s'adapter à ce profil changeant de migrant ?

  • Speaker #5

    Alors, l'immigration aux États-Unis, c'est un peu un monstre bureaucratique et il n'y a pas eu de réforme. aux États-Unis depuis 1996. Donc ça, ça pose un gros problème, c'est-à-dire que sans loi du Congrès, on ne peut pas vraiment changer le budget, on ne peut pas vraiment changer les règles, à savoir qui peut venir, d'où est-ce qu'ils peuvent venir, sous quelles conditions est-ce qu'ils peuvent venir, comment est-ce qu'ils peuvent rester. Et donc, quand on n'a pas ces changements-là venant du Congrès, c'est à l'administration de prendre des décisions, et des décisions qui peuvent être remises en question par le système judiciaire. qui peuvent être réinterprétées par les groupes de pression, qui peuvent être réinterprétées par les États. Et donc, c'est un peu ça qui pose problème, c'est qu'il n'y a pas eu de réforme aux États-Unis nationales depuis 1996. Et donc, ça laisse se développer de gros problèmes et ça empêche d'avoir cette réactivité. La seule branche du gouvernement qui peut réagir rapidement, c'est l'exécutif, mais l'exécutif change régulièrement. Et donc, avec chaque administration, on a une nouvelle approche de l'immigration. On a bien vu la différence entre Biden, Trump, Obama et les années qui ont précédé.

  • Speaker #2

    Pourquoi est-ce que c'est aussi difficile finalement pour les deux parties de s'accorder sur des mesures à prendre, comme l'augmentation du nombre de policiers aux frontières par exemple, ou l'augmentation des moyens alloués aux agences qui prennent en charge ces migrants qui arrivent ?

  • Speaker #5

    L'immigration, c'est devenu un des sujets qui permet aux deux parties de se distinguer l'un de l'autre. Ce n'était pas le cas il y a une quarantaine d'années. On avait beaucoup plus d'accords entre les deux parties. Mais maintenant, les Républicains ont décidé de devenir un parti qui était plus dur envers l'immigration. Et les Démocrates ont décidé d'agrandir leur coalition en devenant un peu plus souples sur l'immigration. On verra si ça tient encore en 2024. Donc, d'une part, il y a ça. Deuxièmement, il y a beaucoup plus de polarisation au Congrès. Et donc, il y a de moins en moins d'élus. principalement à la Chambre, qui viennent de districts, ce qu'on appelle les districts violés, c'est-à-dire des gens qui sont élus par un amalgame de républicains et de démocrates, donc des gens qui seraient plus modérés. Donc les gens qui sont élus sont des électeurs qui sont soit très conservateurs, soit très libéraux, et donc ils n'ont aucun intérêt à adopter des lois qui représentent un certain compromis. Il y a eu récemment une proposition de loi au Sénat qui aurait donné aux républicains énormément de ce qu'ils veulent, notamment sur la sécurité à la frontière. qui n'aurait pas vraiment donné aux démocrates ce qu'ils voulaient en termes d'un chemin vers la citoyenneté pour les personnes en situation irrégulière. Et après des mois de négociations, Trump, en tant que chef de parti, a dit aux républicains du Congrès N'adoptez pas cette loi, j'ai besoin de ce sujet pour l'élection Et donc, ils ont abandonné les négociations à la dernière minute.

  • Speaker #1

    Avant d'aller plus loin, revenons sur ce deal qui n'a jamais eu lieu et dont on entend beaucoup parler pendant cette campagne. En février 2024, Joe Biden et un groupe de sénateurs démocrates et républicains ont dévoilé un projet de loi qui aurait alloué plus de 20 milliards de dollars au renforcement des moyens de sécurité à la frontière sud. Cette enveloppe aurait notamment permis de recruter davantage de forces de l'ordre, mais aussi des juges d'immigration, pour traiter les dossiers d'asile qui peuvent mettre des années à être tranchées aujourd'hui. en raison du manque de ressources. La loi aurait aussi donné à l'exécutif le pouvoir de fermer la frontière au-delà d'un certain nombre d'interpellations sur une semaine et aurait durci les conditions d'octroi de l'asile. Certains ont aussi noté que le texte n'abordait pas la situation des dreamers ces immigrés en situation irrégulière arrivés très jeunes sur le sol américain et qui étaient jusqu'à présent au centre des attentions des démocrates. Donald Trump a agi auprès des parlementaires républicains pour couler le texte qui aurait été une victoire pour Joe Biden, Kamala Harris a promis de le ressusciter si elle devient présidente.

  • Speaker #2

    Vous parliez tout à l'heure de l'importance de l'exécutif dans ce dossier en particulier. Quels sont les pouvoirs réels du président, du locataire de la Maison-Blanche sur le contrôle des flux migratoires ? Est-ce que finalement il est limité par d'autres acteurs comme les États fédérés ? les États étrangers, comme le Mexique ou d'autres États qui voient transiter effectivement ces migrants sur le chemin des États-Unis ?

  • Speaker #5

    Alors, le gouvernement fédéral gère l'immigration, c'est-à-dire le nombre de personnes qui peuvent venir et les conditions sous lesquelles ils peuvent venir. Les États, eux, gèrent les immigrés qui sont dans leurs États. Donc, ce à quoi ils ont droit, les professions auxquelles ils peuvent avoir accès, l'université, etc. Le président peut agir de manière assez unilatérale en ce qui concerne la frontière. C'est ce qu'a fait Biden en juin en disant... si on a plus de 2500 demandeurs d'asile par jour, on ferme la porte. Ce qui ne change rien au problème d'origine, ce qui ne fait que repousser le problème plus tard. On a vu pendant la crise sanitaire, le président a pu aussi suspendre les entrées du fait de cette crise sanitaire. Mais ça, c'est par le biais d'une loi adoptée par le Congrès. Donc, c'est le Congrès qui autorise le président à faire ça. Le président peut aussi protéger certains immigrés en situation irrégulière. Et donc, ça, c'est vraiment... un pouvoir du président qui est délégué par le Congrès que les présidents utilisent quand il n'y a pas de réforme. Les États, eux, peuvent mettre des bâtons dans les roues du président en portant plainte. C'est ce qui a été fait avec la décision en juin. Et peuvent rendre la vie plus difficile aux immigrés qui vivent dans leurs États, avec cette logique qu'après tout, si on leur rend la vie trop difficile, ces gens-là partiront.

  • Speaker #2

    C'est ce qu'on a un peu vu aussi avec ces gouverneurs républicains qui envoyaient, acheminés par bus, des migrants qui arrivaient dans leurs États vers des grandes villes démocrates comme New York ou d'autres.

  • Speaker #5

    Oui, donc Abbott était déjà très connu par...

  • Speaker #2

    Le gouverneur du Texas.

  • Speaker #5

    Voilà, Greg Abbott, le gouverneur du Texas, qui avant d'être le gouverneur était le garde des Sceaux du Texas et qui déjà en 2016 avait porté plein compte le gouvernement fédéral pour que le gouvernement fédéral ne compte pas dans le recensement les personnes en situation irrégulière. Et donc là, ce qu'il fait depuis plusieurs années, c'est de... d'usurper les pouvoirs du gouvernement fédéral, donc en plaçant des barrières flottantes sur la... rivières pour empêcher les personnes d'accéder aux États-Unis, en mettant des barrières coupantes pour blesser les gens qui peuvent accéder par le biais de la frontière au Texas, et en envoyant des immigrés vers des villes démocrates, parce qu'il ne va pas les envoyer à Kansas City ou il ne va pas les envoyer à Miami, il les envoie à New York, à San Francisco, à Chicago. Et là, on voit bien que c'est des pouvoirs parce qu'ils s'impliquent dans les transports de personnes et l'arrivée aux immigrés. Donc ça, ça a donné lieu à de nombreuses batailles judiciaires entre le gouvernement fédéral et l'État du Texas. Ces batailles finissent à la Cour suprême, qui a une majorité conservatrice.

  • Speaker #2

    Vous avez parlé de ce deal bipartisan, cet accord bipartisan que Donald Trump pourrait couler pour des raisons électoralistes. Est-ce que lui qui dit que finalement l'administration Biden, le gouvernement Biden a été laxiste ? pendant trois ans, quatre ans, sur la question de la frontière. Est-ce qu'il n'a pas raison aussi ? Est-ce que finalement, le gouvernement Biden n'est pas coupable d'inaction sur ce sujet ?

  • Speaker #5

    La question de savoir s'ils ont été trop lents, ça dépend un peu de savoir à qui on parle. Donc effectivement, si on parle à un démocrate, un démocrate va dire qu'il y avait d'autres urgences quand on est arrivé au pouvoir en 2021. Il y avait notamment la crise sanitaire avec le Covid. Il y avait la relance de l'économie. Mais on voit que l'immigration, c'est un peu le point faible des démocrates, parce qu'Obama avait promis une réforme en 2008, puis arrivé au pouvoir en 2009, finalement, a fait la réforme de la santé, a fait aussi la relance de l'économie après le crash de 2008. Et donc, on voit que l'immigration, c'est régulièrement une promesse des démocrates de campagne, mais qu'il y a rarement un produit après qui arrive. Donc, c'est vrai qu'il y a une grande déception de la part des militants, de la part des organisations qui soutiennent les droits des immigrés. parce que, justement, une fois de plus, les démocrates ont un peu laissé tomber ce sujet au profit d'autres priorités qui, certainement, font partie de ce que le gouvernement doit faire. Mais bon, c'est vrai que ces critiques de la part des militants sont très différentes des critiques de la part de Trump, qui pense que les démocrates ne sont pas allés assez loin, n'ont pas expulsé suffisamment de personnes. Donc, c'est une critique différente, mais effectivement, il y a de quoi justifier cette déception de la part des organisations immigrées, oui.

  • Speaker #2

    Donald Trump parle beaucoup du rôle de Kamala Harris en tant que vice-présidente, que Joe Biden a chargé d'une mission sur l'identification des racines de l'immigration irrégulière aux États-Unis. Quel est son rôle, sa responsabilité en quelque sorte dans... ce que l'on voit aujourd'hui ? Est-ce que c'est une accusation qui est exagérée de la part de Donald Trump ?

  • Speaker #5

    Alors, c'est un petit peu exagéré parce qu'effectivement, le dossier qui lui a été accordé en tant que vice-présidente, c'était d'identifier ses causes, mais principalement pour des pays comme le Nicaragua, le Salvador et le Honduras. Donc, c'était vraiment de... L'idée, c'était de pouvoir identifier ses causes et réduire les flux migratoires. Bon, ça, c'était un problème en 2019 et 2020. Donc, sans des fonds accordés par le Congrès pour soutenir ces pays-là, On peut identifier les causes, mais on ne peut pas y faire grand-chose. Ça n'a aucun effet sur les flux migratoires venant d'autres pays. Et on a vu d'autres pays depuis avoir des problèmes et ça a mené à des flux migratoires comme le Venezuela et Haïti. Et ça n'a aucun impact sur les immigrés qui vivent déjà aux États-Unis, donc les 11 millions qui sont en situation irrégulière. Ce qui est important pour Harris, c'est qu'en tant que vice-présidente, elle est aussi présidente du Sénat. Et donc, elle a été très impliquée dans les négociations justement pour cette proposition de loi bipartisan. qui a été abandonnée par les Républicains. Donc, on voit qu'elle était impliquée, mais en tant que vice-président, elle ne peut que donner son avis au président et elle ne peut que participer à cette discussion. Mais c'est Biden qui prend les décisions. Donc, c'est là pour elle qu'elle peut prendre ses distances par rapport à l'administration Biden en proposant quelque chose de différent de ce que Biden a fait.

  • Speaker #2

    Pour rester sur Kamala Harris, on se souvient d'un déplacement qu'elle avait fait en Amérique centrale où elle a lancé... à l'attention des migrants ne venaient pas. Et on a l'impression effectivement que les démocrates, comme vous le sous-entendiez un peu plus tôt, se rapprochent finalement des républicains en adoptant un discours un peu plus dur vis-à-vis des migrants. Est-ce que c'est votre sentiment ? Est-ce que finalement, ils ne donnent pas raison d'une certaine manière à Donald Trump, qui a été effectivement connu pour ses positions très strictes sur l'immigration ?

  • Speaker #5

    Alors, j'étais assez surprise pendant la convention démocrate, parce que justement, le sujet de l'immigration a été très peu abordé. Oui. Même le passé familial de Kamala Harris a été évoqué, mais elle s'est beaucoup moins appuyée sur cette histoire familiale immigrée, beaucoup moins que ce que je pensais qu'elle allait faire. Et la question de l'immigration et les propositions de la candidate sur l'immigration ont été vraiment très très faibles et très peu mises en avant. Donc effectivement, on peut un peu se demander, quand il y a une élection, il n'y a que deux parties, on se demande toujours quelle coalition est-ce qu'ils vont mettre en place. Et là, ce qu'on peut se demander, c'est... Comment c'est que les électeurs hispaniques, latinos, sont de plus en plus divisés entre les républicains et les démocrates ? Est-ce que les démocrates ont enfin compris que l'immigration, ce n'est pas le sujet à utiliser pour parler aux électeurs latinos qui ont envie qu'on leur parle comme à n'importe quel autre électeur ? Ils ont envie qu'on leur parle de l'économie, de la santé, de l'éducation. Donc c'est assez intéressant et j'ai hâte de voir pendant les prochaines semaines comment est-ce que les démocrates vont se placer par rapport aux républicains. Donc eux, leur argument principal, c'est que l'administration républicaine a traité les immigrés de manière complètement inhumaine et qu'eux ne feraient pas ça. Mais sur la question de renforcer la frontière, on voit un annulement. Et surtout, ce qui a complètement disparu, c'est des propositions de loi sur l'accès à la citoyenneté. Que va-t-il arriver des personnes qui sont déjà ici de manière irrégulière ? On a vu Biden proposer... L'accès à la citoyenneté pour ceux qui sont mariés à des citoyens américains et qui vivent aux États-Unis depuis dix ans, donc il a proposé ça en juin, mais ça a été bloqué par un juge au 26 août 2024. Donc, qu'est-ce qui va arriver avec ça ? Est-ce que les démocrates vont continuer à poursuivre cette route ? C'est une bonne question.

  • Speaker #2

    On voit Donald Trump tenir des propos très violents, en quelque sorte, vis-à-vis des migrants. Il est dans la stigmatisation d'une population qui piquerait des emplois aux minorités qui sont ici aux États-Unis. qui commettrait des crimes violents, des assassinats, des meurtres contre des Américains. Est-ce que c'est un discours qui marche, qui fait mousse, selon vous, sur le plan électoral ?

  • Speaker #5

    On voit que c'est un discours qui marche très bien, parce qu'on voit justement que les démocrates quittent un peu le terrain là-dessus. C'est un discours qui marche depuis des décennies. C'est un discours qui a commencé à être adopté, notamment par les Républicains, dès les années 70, 80, puis 90, au moment où on a vu les changements dans les flux migratoires. Parce que la dernière... grande loi, le dernier grand changement, ça date de 65. Donc c'est à partir des années 70, des années 80, qu'on a vu que les immigrés aux États-Unis ne venaient plus d'Europe, mais venaient d'Asie ou d'Amérique du Sud. Et c'est donc là qu'on a commencé à avoir ce discours qui associait l'immigration avec la criminalité, qui associait l'immigration avec une invasion. Et donc on a vu vraiment ce genre de discours qu'adoptait Trump, qui a démarré dès les années 90, avec la militarisation de la frontière, avec le déploiement sur la frontière de tactiques de guerre, vraiment. Et on sait que ça a rendu la frontière extrêmement dangereuse. On sait que depuis le milieu des années 90, il y a plus de 10 000 personnes qui sont mortes en essayant de traverser la frontière. Et c'est une frontière terrestre la plus dangereuse au monde. Et donc, on voit que ce discours, en plus, fait un effet cycle. C'est-à-dire que ce genre de discours a un effet sur les élus, au Congrès, qui vont accorder davantage de budget pour ce genre de renforcement, ce qui va lier à davantage d'arrestations à la frontière. ce qui va mener à une évaluation auprès du public ou une perception par le public de cette criminalité, qui du coup, le public va demander de la part des élus qu'ils adoptent des lois de plus en plus difficiles. Donc on a cette espèce de cycle infernal qui a été mis en place depuis les années

  • Speaker #0

    80-90.

  • Speaker #1

    Pendant notre discussion avec Fanny Lobby, je n'ai pu m'empêcher de penser à un endroit où je suis allé en reportage en 2022 pour la saison 2 de C'est ça l'Amérique. Il s'agit de la ville de Yuma, en Arizona, qui est posée le long de la frontière avec le Mexique. Une partie du mur de Donald Trump qui longeait la ville n'avait pas été achevée et tous les jours, des migrants empruntaient le trou béant laissé dans l'édifice pour entrer sur le sol américain. Il a même un nom ce trou, il s'agit du Yuma Gap ou la brèche de Yuma. Lors de mon passage, j'ai vu un groupe d'une dizaine de personnes, dont plusieurs enfants, passer à pied par cette entrée. Ils ont été cueillis au bout de quelques minutes par la police aux frontières et emmenés pour le traitement de leur demande d'asile. En août dernier, les Républicains ont accusé Kamala Harris d'avoir changé de ton sur le mur en se montrant favorable à la poursuite de sa construction. C'est l'un des points qui figurent dans l'accord législatif qu'elle veut ressusciter. En 2018, elle avait pourtant appelé ce projet de mur non américain.

  • Speaker #2

    On sait que le voyage pour arriver aux portes des États-Unis, à cette fameuse frontière sud, est loin d'être facile. C'est très périlleux, dangereux. Les migrants prennent énormément de risques pour pouvoir changer de vie. Mais c'est vrai que le dernier pas, parfois, on a l'impression qu'il suffit de passer à travers le mur où il y a parfois des trous béants, comme en Arizona ou dans d'autres parties de la frontière. On a l'impression que ce dernier pas est finalement très facile.

  • Speaker #5

    C'est une frontière qui représente 3000 km. Pour quelqu'un qui est en France, c'est l'équivalent de la distance entre... C'est plus long que la distance entre Paris et Moscou. Donc effectivement, c'est une frontière très longue et il n'est pas du tout réaliste d'envisager de mettre des gardes frontières à tous les 20 mètres ou tous les 50 mètres. C'est absolument impossible. Par contre, ce qu'il faut savoir, c'est que c'est principalement des déserts, des montagnes et des rivières. Et que c'est un désert extrêmement chaud, qui peut être extrêmement froid pendant l'hiver. Et donc, c'est très dangereux. En plus de ça, les lois locales... empêche souvent les citoyens américains d'aider les immigrés à traverser. Et donc en Arizona, par exemple, il y a des personnes qui ont été arrêtées parce qu'elles laissaient de l'eau et de la nourriture dans des zones où on savait que les immigrés traversaient. Et donc ces personnes-là ont été arrêtées, ont été ensuite relaxées, mais très souvent, on a des amendes, on est arrêtés, et donc il y a cet effet qui refroidit un peu ces tentatives d'aide aux immigrés. Après, le discours sur la frontière ne correspond pas vraiment à la réalité. Comment est-ce que les personnes sont en situation irrégulière aux États-Unis ? Principalement, ce n'est pas en traversant la frontière, c'est des gens qui ont un visa, qui viennent aux États-Unis, et le visa arrive à expiration, n'est pas renouvelé, et la personne reste là. Et donc la majorité des 11 millions qui sont aux États-Unis sont arrivés comme ça aux États-Unis. Donc il y a un peu un décalage entre ce discours sur la frontière qui serait trop heureuse et qui laisserait des milliards et des milliards de personnes arriver, et la réalité qui est qu'en fait c'est des personnes... comme vous et moi, qui arrivent aux États-Unis avec un visa et puis qui s'y plaisent et qui décident d'y rester finalement.

  • Speaker #2

    Ils décident de passer outre les limites imposées par le visa.

  • Speaker #5

    Voilà, et ce qu'il faut savoir aussi, c'est que l'immigration légale aux États-Unis est extrêmement difficile. Donc pour un Français, c'est pénible, ça coûte cher, mais c'est faisable. Ce qu'il faut savoir, c'est que pour quelqu'un qui viendrait du Mexique ou des Philippines, par exemple, qui aurait une carte verte, qui serait citoyen américain et qui voudrait faire venir son fils ou sa fille, il y a des délais d'attente qui durent des années. Donc... Par exemple, j'ai regardé les dernières données, c'est-à-dire que quelqu'un qui vient du Mexique, qui est citoyen américain et qui voudrait faire venir son enfant qui n'est pas marié, on traite aujourd'hui les dossiers qui ont été déposés en 2005. Et donc, ça représente une attente de 20 ans. Donc, on ne peut pas s'attendre à ce que les immigrés du Mexique soient plus raisonnables que les immigrés venant d'Europe ou du Canada si on ne met pas en place des systèmes judiciaires qui permettent d'arbitrer et de traiter tous les dossiers d'immigration. forcément qu'il va y avoir de l'immigration irrégulière.

  • Speaker #2

    Toutes les mesures qu'on pourra mettre en œuvre, que ce soit, comme le propose Donald Trump, une expulsion massive de migrants en situation irrégulière ou même le renforcement de moyens à la frontière, comme peuvent le proposer les démocrates, finalement, tout cela ne solutionnera pas. problème de base, qui est finalement pourquoi les gens se sentent obligés de quitter leur pays pour venir aux Etats-Unis, et ça on rencontre effectivement dans des problèmes beaucoup plus complexes, la violence, la guerre des gangs, le changement climatique, etc.

  • Speaker #5

    Oui, c'est ça, il y a énormément de réfugiés qui fuient leur pays, et théoriquement, d'après les lois internationales, les Etats-Unis n'ont pas le droit de fermer la porte, donc les Etats-Unis s'exposent à des sanctions internationales, bon évidemment, qui va aller leur dire ? Mais normalement, les États-Unis doivent suivre les lois internationales concernant les réfugiés. Tant qu'on ne propose pas de solution à la violence, à la pauvreté, ce déséquilibre entre le Nord et le Sud, qui favorise évidemment ce pays du Nord, ça posera aussi problème. Ce qu'il faut aussi dire, c'est que ces expulsions massives, ce serait catastrophique pour les États-Unis. Il y a 11 millions de personnes en situation irrégulière, mais ça représente peut-être 50-60 millions de personnes qui ont un proche. qui est en situation irrégulière. Donc, quand on expulse une personne, ça veut dire qu'il y a bien une dizaine de personnes qui sont affectées, qui doivent maintenant trouver quelqu'un d'autre pour payer le loyer, payer les courses, etc. Ce serait catastrophique pour l'industrie du service, pour l'industrie technologique aux États-Unis. Ce serait catastrophique pour les grandes villes aux États-Unis, qui sont des villes immigrées. À New York, par exemple, un tiers des personnes vivant à New York sont des immigrés. Donc, oui, ce ne sont pas des immigrés en situation irrégulière, mais ce sont des immigrés. Parce que... L'expulsion d'immigrés en situation régulière, ça a aussi des répercussions sur le traitement général des immigrés aux États-Unis. Et donc, ça aurait des répercussions absolument terribles sur la culture américaine, sur la vie politique américaine et sur la vie économique du pays. Ce n'est pas du tout une solution qui est réaliste.

  • Speaker #2

    Merci beaucoup, Fanny Levy.

  • Speaker #5

    Merci.

  • Speaker #1

    Ces derniers mois, le nombre de rencontres à la frontière sud a diminué, s'élevant à 2400 par jour en juin, soit le plus bas niveau depuis janvier 2021, quand Joe Biden est arrivé à la Maison-Blanche. Pourquoi ? Les experts évoquent notamment les récentes mesures restrictives mises en place par le gouvernement Biden. Dans le même temps, le débat politique laisse des traces dans l'opinion. D'après l'institut de sondage Gallup, l'année 2024 marque la première fois depuis 2005 que la majorité des Américains... sont favorables à une réduction de l'immigration. C'est la fin de cet épisode de C'est ça l'Amérique. Un grand merci de l'avoir suivi. On se retrouve la semaine prochaine.

  • Speaker #3

    C'est ça l'Amérique, un podcast proposé par La Croix, le programme Alliance Columbia et le site d'information French Morning.

  • Speaker #0

    Un président pour tous les Américains. Vous pouvez toujours m'accepter.

Chapters

  • Quelles sont les causes de cette crise migratoire aux Etats-Unis ?

    04:43

  • Est-ce que le profil des immigrés a changé ces dernières années aux Etats-Unis ?

    06:08

  • Pourquoi les autorités américaines ont-elles du mal à s'adapter à cette nouvelle immigration ?

    07:56

  • Pourquoi est-ce si difficile pour les démocrates et les républicains de s'accorder sur les mesures à prendre ?

    09:02

  • Quels sont les pouvoirs réels du président américain sur le contrôle des flux migratoires ?

    12:06

  • Le gouvernement Biden a-t-il été laxiste concernant le contrôle de la frontière ?

    14:54

  • Quel a été le rôle de la vice-présidente Kamala Harris sur ce sujet de l'immigration ?

    16:43

  • Les démocrates se rapprochent-ils des républicains en adoptant un discours plus dur vis-à-vis des migrants ?

    18:15

  • Les propos très violents de Donald Trump envers les migrants fonctionnent-ils sur le plan électoral ?

    20:30

  • La maîtrise de l'immigration par le seul contrôle de la frontière sud est-il vraiment réaliste ?

    23:48

Description

C’est ça l’Amérique, saison 3


L’immigration s’impose comme l’un des enjeux de la campagne. Face à l’afflux de migrants à la frontière sud, républicains et démocrates se rejettent la responsabilité. Le discours accusateur de Donald Trump, qui reproche aux migrants de voler les emplois des Américains et de commettre des crimes, trouve-t-il un écho favorable dans l’électorat ?


Épisode 3/8 :


"Donne-moi tes pauvres, tes exténués, Tes masses innombrables aspirant à vivre libres". Ceux qui ont visité la Statue de la Liberté reconnaîtront ces vers tirés du poème d’Emma Lazarus, "Le Nouveau colosse", inscrits sur le socle de l’édifice. Ces dernières années, cet idéal a été mis à rude épreuve outre-Atlantique.


Sous la présidence Biden, le pays a connu un pic d’entrées illégales via sa frontière sud (avec le Mexique). Parachutés par des gouverneurs républicains dans des villes démocrates non préparées, comme New York, ces migrants ont fait face à une prise en charge chaotique. Certains ont été obligés de dormir dehors faute de place dans les foyers. Ces images de désordre ont été exploitées par Donald Trump. Le leader populiste parle volontiers d’"invasion" et promet d’expulser les millions de sans-papiers présents sur le territoire, même depuis longtemps, s’il revient au pouvoir.


Ce discours fonctionne-t-il au sein de l’opinion ? A-t-il raison quand il affirme que le gouvernement Biden n’a pas fait assez pour sécuriser la frontière ? Alexis Buisson, le correspondant de La Croix à New York, a posé ces questions à Fanny Lauby, professeure associée à l’Université d’État de Montclair (New Jersey) et spécialiste de la jeunesse en situation irrégulière.


CRÉDITS :


Écriture et réalisation : Alexis Buisson. Rédaction en chef : Jean-Christophe Ploquin et Paul De Coustin. Production : Célestine Albert-Steward. Mixage : Flavien Edenne. Musique : Emmanuel Viau. Illustration : Olivier Balez.


► Vous avez une question ou une remarque ? Écrivez-nous à cette adresse : podcast.lacroix@groupebayard.com


"C'est ça l'Amérique" est un podcast original de LA CROIX - septembre 2024.


En partenariat avec le programme Alliance – Columbia et ses partenaires (Sciences-Po, Polytechnique, La Sorbonne), et French Morning, le premier web magazine des Français d’Amérique.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Kamala ! It will make the world stronger. Because I believe everyone has a right to safety, to dignity and to justice.

  • Speaker #1

    Bonjour, je suis Alexis Buisson,

  • Speaker #2

    le correspondant de La Croix à New York.

  • Speaker #1

    Bienvenue dans C'est ça l'Amérique, le podcast qui explore les enjeux des élections américaines de

  • Speaker #0

    2024. Kamala !

  • Speaker #1

    Chaque semaine et jusqu'au scrutin, Découvrez les éclairages d'experts francophones établis aux États-Unis.

  • Speaker #3

    C'est ça l'Amérique et ça commence maintenant.

  • Speaker #2

    J-D-M-A-G-I-N-E-U Très bien.

  • Speaker #1

    Pour commencer cet épisode, je vous emmène dans les rues de New York. Nous sommes avec Majid Diallo, un Guinéen qui appartient à l'ethnie persécutée des Peuls. Ce matin-là, il fait partie de plusieurs centaines de migrants africains qui font la queue pour bénéficier d'un repas offert par une association de Manhattan. Son histoire est très similaire à celle d'autres hommes rencontrés sur place. Il s'est rendu à Istanbul, en Turquie, pour prendre un avion en direction d'Amérique du Sud. De là, il a traversé des pays entiers à pied, en bus, à cheval, pour rejoindre la frontière sud des États-Unis, celle que le pays de l'oncle Sam partage avec le Mexique. Une fois sur le territoire américain, il a été pris en charge par la police des frontières et acheminé à New York, sans toit ni connaissance en anglais, privé de permis de travail tant que sa demande d'asile n'a pas été traitée, ce qui devrait prendre... plusieurs mois, le rêve américain a pour le moment un goût amer pour Majid Diallo.

  • Speaker #4

    Ça n'a pas été facile parce que dans d'autres endroits, on nous raquette, d'autres endroits, on nous envoie dans des cachots pour dire à nos parents de payer l'argent tandis que nos parents sont pauvres. Mais on n'a pas de choix parce qu'on a pensé aux Etats-Unis, c'est une terre de liberté, si on vient ici, ils vont s'occuper de nous comme il le faut, mais on a trouvé le contraire. Je ne m'attendais pas à ce qu'on vienne errer dans la rue. Châtiens heureusement, comme si on n'était pas des humains. On est des humains aussi.

  • Speaker #1

    La question migratoire fait partie des thèmes centraux de cette campagne. Pendant la présidence Biden, les États-Unis ont enregistré un pic de ce que l'on appelle, dans le jargon, des rencontres entre la police des frontières et des migrants entrant par la frontière sud. Près de 250 000, rien qu'en décembre 2023, un record historique. Cette hausse s'explique notamment par la levée de restrictions migratoires liées à la pandémie. D'un côté, Donald Trump accuse les démocrates d'avoir autorisé, je cite, une invasion du pays par des criminels, des terroristes et autres malades mentaux S'il revient au pouvoir, il propose d'expulser les plus de 10 millions d'immigrés en situation irrégulière avec l'aide de l'armée. De l'autre, Kamala Harris, fille de ressentissants indiens et jamaïcains, entretient le flou. Mais ses rares prises de position laissent penser qu'elle se montrerait plus inflexible que dans le passé, face à une opinion inquiète. qui voit certaines grandes villes américaines, à l'image de New York, à la peine pour prendre en charge ces migrants, elle durcit le ton, mettant moins l'accent sur l'aspect humanitaire que sur le renforcement de la frontière. Il doit y avoir des conséquences pour ceux qui entrent illégalement sur le territoire, a-t-elle dit lors d'une interview sur CNN fin août. Pour en savoir plus sur la réalité de l'immigration aux Etats-Unis, j'ai rencontré Fanny Lobby. Elle est professeure associée de sciences politiques à l'Université d'État de Montclair, dans le New Jersey. C'est juste à côté de New York. Dans ses recherches, elle s'est notamment intéressée aux jeunes migrants sans papier. Bonjour Fanny Lobby.

  • Speaker #5

    Bonjour Alexis.

  • Speaker #2

    Merci beaucoup de nous accueillir ici dans votre bureau à l'Université d'État de Montclair pour parler de ce sujet de l'immigration qui est un sujet complexe à multiples facettes. Je voudrais commencer peut-être par prendre un peu de recul par rapport à ce qu'on a entendu en intro de cet épisode. Qu'est-ce qui fait qu'on en est arrivé là finalement aux États-Unis ? Qu'est-ce qui fait qu'il y a cette crise migratoire dont on parle beaucoup dans l'actualité ?

  • Speaker #5

    Alors, le terme de crise, c'est un terme qu'on utilise tout le temps depuis les années 80, quelles que soient les circonstances, mais qui ne correspond pas toujours à la réalité. Donc, c'est vrai qu'on est à un niveau fort d'immigration, donc il y a 46 millions d'immigrés aux États-Unis, mais en termes de proportion de la population, on est en dessous de 14% de la population, ce qui était le cas déjà il y a une centaine d'années, au pic de la deuxième vague. Donc, en général, quand on parle de la crise, on parle des immigrés en situation irrégulière. Et là encore, les chiffres ont été assez stables depuis une quinzaine d'années, mais on note qu'il y a une certaine augmentation et il y a un peu un changement sur le profil des immigrés qui arrive. Donc notamment, récemment, il y a eu une augmentation sur le nombre de demandeurs d'asile, notamment les demandeurs d'asile qui viennent de trois pays, du Nicaragua, du Venezuela et d'Haïti. Le nombre de personnes qui sont admises sur parole, donc directement par le président, a aussi augmenté. Et donc, ce qu'on a vu aussi, c'est un changement avec l'arrivée des familles. Donc, traditionnellement, quand on parlait d'immigration irrégulière, c'était principalement des individus, c'était principalement des hommes qui venaient travailler peut-être pour une saison ou deux saisons. Mais ce qui a changé récemment, c'est l'arrivée de familles, de parents avec des enfants. Et donc, ça représente une charge différente de la part du gouvernement fédéral, de la part des États frontaliers. Et on a bien vu qu'il y a eu des approches différentes en fonction de l'administration Trump ou Biden.

  • Speaker #2

    Qu'est-ce qui fait que ce profil change finalement au fil des ans ?

  • Speaker #5

    principalement, c'est lié à ce qui se passe dans les pays d'origine. Et donc, dans des pays d'Amérique centrale, c'est principalement la pauvreté, la violence qui poussent les familles à se déplacer. Il y a aussi quelques changements avec des lois, enfin, pas des lois, justement, des décisions aux États-Unis, des actions du gouvernement fédéral qui ont fait que je crois qu'il y a eu un malentendu. Et donc, des lois qui, notamment, visaient les jeunes en situation irrégulière ou des lois qui visaient les immigrés venant du Venezuela qui ont reçu un statut de protection spéciale, eh bien, ces lois sont... réinterpréter de manière internationale. Et donc, il y a certaines personnes qui sont dans des pays d'Amérique centrale ou au Venezuela qui pensent, ça va être mon cas, je vais pouvoir faire cette demande. Et donc, on a vu des pics d'arrivée. En 2014-2015, il y a eu énormément de mineurs qui sont arrivés. Et en 2019, il y a eu de plus en plus de familles qui ont commencé à arriver. Je pense que c'est cette combinaison entre des violences d'origine et une mauvaise interprétation de ce qui se passera aux Etats-Unis.

  • Speaker #2

    En introduction, il n'y a pas que des migrants provenant d'Amérique centrale qui viennent, il y a aussi maintenant des Africains francophones et d'autres nationalités qui sont extérieures aux Amériques.

  • Speaker #5

    Il y a eu une baisse du nombre d'immigrés en situation irrégulière venant du Mexique. Jusqu'en 2007, en nombre de personnes, ça représentait presque 6 ou 7 millions de personnes. Et maintenant, on est à peu près 4 millions de personnes qui viennent vraiment du Mexique. Et donc, on a vu cette augmentation venant du Venezuela, venant du Nicaragua, du Salvador. mais aussi d'autres pays africains, du Canada, d'Europe, même d'anciens pays de l'Union soviétique. Et ça, ça ne fait pas partie du discours sur l'immigration. Cette diversité, notamment au sein de l'immigration irrégulière, mais c'est lié justement à cette mauvaise interprétation de ce qui va se passer une fois arrivé à la frontière.

  • Speaker #2

    Qu'est-ce qui fait finalement que les autorités américaines ont du mal à s'adapter à ce profil changeant de migrant ?

  • Speaker #5

    Alors, l'immigration aux États-Unis, c'est un peu un monstre bureaucratique et il n'y a pas eu de réforme. aux États-Unis depuis 1996. Donc ça, ça pose un gros problème, c'est-à-dire que sans loi du Congrès, on ne peut pas vraiment changer le budget, on ne peut pas vraiment changer les règles, à savoir qui peut venir, d'où est-ce qu'ils peuvent venir, sous quelles conditions est-ce qu'ils peuvent venir, comment est-ce qu'ils peuvent rester. Et donc, quand on n'a pas ces changements-là venant du Congrès, c'est à l'administration de prendre des décisions, et des décisions qui peuvent être remises en question par le système judiciaire. qui peuvent être réinterprétées par les groupes de pression, qui peuvent être réinterprétées par les États. Et donc, c'est un peu ça qui pose problème, c'est qu'il n'y a pas eu de réforme aux États-Unis nationales depuis 1996. Et donc, ça laisse se développer de gros problèmes et ça empêche d'avoir cette réactivité. La seule branche du gouvernement qui peut réagir rapidement, c'est l'exécutif, mais l'exécutif change régulièrement. Et donc, avec chaque administration, on a une nouvelle approche de l'immigration. On a bien vu la différence entre Biden, Trump, Obama et les années qui ont précédé.

  • Speaker #2

    Pourquoi est-ce que c'est aussi difficile finalement pour les deux parties de s'accorder sur des mesures à prendre, comme l'augmentation du nombre de policiers aux frontières par exemple, ou l'augmentation des moyens alloués aux agences qui prennent en charge ces migrants qui arrivent ?

  • Speaker #5

    L'immigration, c'est devenu un des sujets qui permet aux deux parties de se distinguer l'un de l'autre. Ce n'était pas le cas il y a une quarantaine d'années. On avait beaucoup plus d'accords entre les deux parties. Mais maintenant, les Républicains ont décidé de devenir un parti qui était plus dur envers l'immigration. Et les Démocrates ont décidé d'agrandir leur coalition en devenant un peu plus souples sur l'immigration. On verra si ça tient encore en 2024. Donc, d'une part, il y a ça. Deuxièmement, il y a beaucoup plus de polarisation au Congrès. Et donc, il y a de moins en moins d'élus. principalement à la Chambre, qui viennent de districts, ce qu'on appelle les districts violés, c'est-à-dire des gens qui sont élus par un amalgame de républicains et de démocrates, donc des gens qui seraient plus modérés. Donc les gens qui sont élus sont des électeurs qui sont soit très conservateurs, soit très libéraux, et donc ils n'ont aucun intérêt à adopter des lois qui représentent un certain compromis. Il y a eu récemment une proposition de loi au Sénat qui aurait donné aux républicains énormément de ce qu'ils veulent, notamment sur la sécurité à la frontière. qui n'aurait pas vraiment donné aux démocrates ce qu'ils voulaient en termes d'un chemin vers la citoyenneté pour les personnes en situation irrégulière. Et après des mois de négociations, Trump, en tant que chef de parti, a dit aux républicains du Congrès N'adoptez pas cette loi, j'ai besoin de ce sujet pour l'élection Et donc, ils ont abandonné les négociations à la dernière minute.

  • Speaker #1

    Avant d'aller plus loin, revenons sur ce deal qui n'a jamais eu lieu et dont on entend beaucoup parler pendant cette campagne. En février 2024, Joe Biden et un groupe de sénateurs démocrates et républicains ont dévoilé un projet de loi qui aurait alloué plus de 20 milliards de dollars au renforcement des moyens de sécurité à la frontière sud. Cette enveloppe aurait notamment permis de recruter davantage de forces de l'ordre, mais aussi des juges d'immigration, pour traiter les dossiers d'asile qui peuvent mettre des années à être tranchées aujourd'hui. en raison du manque de ressources. La loi aurait aussi donné à l'exécutif le pouvoir de fermer la frontière au-delà d'un certain nombre d'interpellations sur une semaine et aurait durci les conditions d'octroi de l'asile. Certains ont aussi noté que le texte n'abordait pas la situation des dreamers ces immigrés en situation irrégulière arrivés très jeunes sur le sol américain et qui étaient jusqu'à présent au centre des attentions des démocrates. Donald Trump a agi auprès des parlementaires républicains pour couler le texte qui aurait été une victoire pour Joe Biden, Kamala Harris a promis de le ressusciter si elle devient présidente.

  • Speaker #2

    Vous parliez tout à l'heure de l'importance de l'exécutif dans ce dossier en particulier. Quels sont les pouvoirs réels du président, du locataire de la Maison-Blanche sur le contrôle des flux migratoires ? Est-ce que finalement il est limité par d'autres acteurs comme les États fédérés ? les États étrangers, comme le Mexique ou d'autres États qui voient transiter effectivement ces migrants sur le chemin des États-Unis ?

  • Speaker #5

    Alors, le gouvernement fédéral gère l'immigration, c'est-à-dire le nombre de personnes qui peuvent venir et les conditions sous lesquelles ils peuvent venir. Les États, eux, gèrent les immigrés qui sont dans leurs États. Donc, ce à quoi ils ont droit, les professions auxquelles ils peuvent avoir accès, l'université, etc. Le président peut agir de manière assez unilatérale en ce qui concerne la frontière. C'est ce qu'a fait Biden en juin en disant... si on a plus de 2500 demandeurs d'asile par jour, on ferme la porte. Ce qui ne change rien au problème d'origine, ce qui ne fait que repousser le problème plus tard. On a vu pendant la crise sanitaire, le président a pu aussi suspendre les entrées du fait de cette crise sanitaire. Mais ça, c'est par le biais d'une loi adoptée par le Congrès. Donc, c'est le Congrès qui autorise le président à faire ça. Le président peut aussi protéger certains immigrés en situation irrégulière. Et donc, ça, c'est vraiment... un pouvoir du président qui est délégué par le Congrès que les présidents utilisent quand il n'y a pas de réforme. Les États, eux, peuvent mettre des bâtons dans les roues du président en portant plainte. C'est ce qui a été fait avec la décision en juin. Et peuvent rendre la vie plus difficile aux immigrés qui vivent dans leurs États, avec cette logique qu'après tout, si on leur rend la vie trop difficile, ces gens-là partiront.

  • Speaker #2

    C'est ce qu'on a un peu vu aussi avec ces gouverneurs républicains qui envoyaient, acheminés par bus, des migrants qui arrivaient dans leurs États vers des grandes villes démocrates comme New York ou d'autres.

  • Speaker #5

    Oui, donc Abbott était déjà très connu par...

  • Speaker #2

    Le gouverneur du Texas.

  • Speaker #5

    Voilà, Greg Abbott, le gouverneur du Texas, qui avant d'être le gouverneur était le garde des Sceaux du Texas et qui déjà en 2016 avait porté plein compte le gouvernement fédéral pour que le gouvernement fédéral ne compte pas dans le recensement les personnes en situation irrégulière. Et donc là, ce qu'il fait depuis plusieurs années, c'est de... d'usurper les pouvoirs du gouvernement fédéral, donc en plaçant des barrières flottantes sur la... rivières pour empêcher les personnes d'accéder aux États-Unis, en mettant des barrières coupantes pour blesser les gens qui peuvent accéder par le biais de la frontière au Texas, et en envoyant des immigrés vers des villes démocrates, parce qu'il ne va pas les envoyer à Kansas City ou il ne va pas les envoyer à Miami, il les envoie à New York, à San Francisco, à Chicago. Et là, on voit bien que c'est des pouvoirs parce qu'ils s'impliquent dans les transports de personnes et l'arrivée aux immigrés. Donc ça, ça a donné lieu à de nombreuses batailles judiciaires entre le gouvernement fédéral et l'État du Texas. Ces batailles finissent à la Cour suprême, qui a une majorité conservatrice.

  • Speaker #2

    Vous avez parlé de ce deal bipartisan, cet accord bipartisan que Donald Trump pourrait couler pour des raisons électoralistes. Est-ce que lui qui dit que finalement l'administration Biden, le gouvernement Biden a été laxiste ? pendant trois ans, quatre ans, sur la question de la frontière. Est-ce qu'il n'a pas raison aussi ? Est-ce que finalement, le gouvernement Biden n'est pas coupable d'inaction sur ce sujet ?

  • Speaker #5

    La question de savoir s'ils ont été trop lents, ça dépend un peu de savoir à qui on parle. Donc effectivement, si on parle à un démocrate, un démocrate va dire qu'il y avait d'autres urgences quand on est arrivé au pouvoir en 2021. Il y avait notamment la crise sanitaire avec le Covid. Il y avait la relance de l'économie. Mais on voit que l'immigration, c'est un peu le point faible des démocrates, parce qu'Obama avait promis une réforme en 2008, puis arrivé au pouvoir en 2009, finalement, a fait la réforme de la santé, a fait aussi la relance de l'économie après le crash de 2008. Et donc, on voit que l'immigration, c'est régulièrement une promesse des démocrates de campagne, mais qu'il y a rarement un produit après qui arrive. Donc, c'est vrai qu'il y a une grande déception de la part des militants, de la part des organisations qui soutiennent les droits des immigrés. parce que, justement, une fois de plus, les démocrates ont un peu laissé tomber ce sujet au profit d'autres priorités qui, certainement, font partie de ce que le gouvernement doit faire. Mais bon, c'est vrai que ces critiques de la part des militants sont très différentes des critiques de la part de Trump, qui pense que les démocrates ne sont pas allés assez loin, n'ont pas expulsé suffisamment de personnes. Donc, c'est une critique différente, mais effectivement, il y a de quoi justifier cette déception de la part des organisations immigrées, oui.

  • Speaker #2

    Donald Trump parle beaucoup du rôle de Kamala Harris en tant que vice-présidente, que Joe Biden a chargé d'une mission sur l'identification des racines de l'immigration irrégulière aux États-Unis. Quel est son rôle, sa responsabilité en quelque sorte dans... ce que l'on voit aujourd'hui ? Est-ce que c'est une accusation qui est exagérée de la part de Donald Trump ?

  • Speaker #5

    Alors, c'est un petit peu exagéré parce qu'effectivement, le dossier qui lui a été accordé en tant que vice-présidente, c'était d'identifier ses causes, mais principalement pour des pays comme le Nicaragua, le Salvador et le Honduras. Donc, c'était vraiment de... L'idée, c'était de pouvoir identifier ses causes et réduire les flux migratoires. Bon, ça, c'était un problème en 2019 et 2020. Donc, sans des fonds accordés par le Congrès pour soutenir ces pays-là, On peut identifier les causes, mais on ne peut pas y faire grand-chose. Ça n'a aucun effet sur les flux migratoires venant d'autres pays. Et on a vu d'autres pays depuis avoir des problèmes et ça a mené à des flux migratoires comme le Venezuela et Haïti. Et ça n'a aucun impact sur les immigrés qui vivent déjà aux États-Unis, donc les 11 millions qui sont en situation irrégulière. Ce qui est important pour Harris, c'est qu'en tant que vice-présidente, elle est aussi présidente du Sénat. Et donc, elle a été très impliquée dans les négociations justement pour cette proposition de loi bipartisan. qui a été abandonnée par les Républicains. Donc, on voit qu'elle était impliquée, mais en tant que vice-président, elle ne peut que donner son avis au président et elle ne peut que participer à cette discussion. Mais c'est Biden qui prend les décisions. Donc, c'est là pour elle qu'elle peut prendre ses distances par rapport à l'administration Biden en proposant quelque chose de différent de ce que Biden a fait.

  • Speaker #2

    Pour rester sur Kamala Harris, on se souvient d'un déplacement qu'elle avait fait en Amérique centrale où elle a lancé... à l'attention des migrants ne venaient pas. Et on a l'impression effectivement que les démocrates, comme vous le sous-entendiez un peu plus tôt, se rapprochent finalement des républicains en adoptant un discours un peu plus dur vis-à-vis des migrants. Est-ce que c'est votre sentiment ? Est-ce que finalement, ils ne donnent pas raison d'une certaine manière à Donald Trump, qui a été effectivement connu pour ses positions très strictes sur l'immigration ?

  • Speaker #5

    Alors, j'étais assez surprise pendant la convention démocrate, parce que justement, le sujet de l'immigration a été très peu abordé. Oui. Même le passé familial de Kamala Harris a été évoqué, mais elle s'est beaucoup moins appuyée sur cette histoire familiale immigrée, beaucoup moins que ce que je pensais qu'elle allait faire. Et la question de l'immigration et les propositions de la candidate sur l'immigration ont été vraiment très très faibles et très peu mises en avant. Donc effectivement, on peut un peu se demander, quand il y a une élection, il n'y a que deux parties, on se demande toujours quelle coalition est-ce qu'ils vont mettre en place. Et là, ce qu'on peut se demander, c'est... Comment c'est que les électeurs hispaniques, latinos, sont de plus en plus divisés entre les républicains et les démocrates ? Est-ce que les démocrates ont enfin compris que l'immigration, ce n'est pas le sujet à utiliser pour parler aux électeurs latinos qui ont envie qu'on leur parle comme à n'importe quel autre électeur ? Ils ont envie qu'on leur parle de l'économie, de la santé, de l'éducation. Donc c'est assez intéressant et j'ai hâte de voir pendant les prochaines semaines comment est-ce que les démocrates vont se placer par rapport aux républicains. Donc eux, leur argument principal, c'est que l'administration républicaine a traité les immigrés de manière complètement inhumaine et qu'eux ne feraient pas ça. Mais sur la question de renforcer la frontière, on voit un annulement. Et surtout, ce qui a complètement disparu, c'est des propositions de loi sur l'accès à la citoyenneté. Que va-t-il arriver des personnes qui sont déjà ici de manière irrégulière ? On a vu Biden proposer... L'accès à la citoyenneté pour ceux qui sont mariés à des citoyens américains et qui vivent aux États-Unis depuis dix ans, donc il a proposé ça en juin, mais ça a été bloqué par un juge au 26 août 2024. Donc, qu'est-ce qui va arriver avec ça ? Est-ce que les démocrates vont continuer à poursuivre cette route ? C'est une bonne question.

  • Speaker #2

    On voit Donald Trump tenir des propos très violents, en quelque sorte, vis-à-vis des migrants. Il est dans la stigmatisation d'une population qui piquerait des emplois aux minorités qui sont ici aux États-Unis. qui commettrait des crimes violents, des assassinats, des meurtres contre des Américains. Est-ce que c'est un discours qui marche, qui fait mousse, selon vous, sur le plan électoral ?

  • Speaker #5

    On voit que c'est un discours qui marche très bien, parce qu'on voit justement que les démocrates quittent un peu le terrain là-dessus. C'est un discours qui marche depuis des décennies. C'est un discours qui a commencé à être adopté, notamment par les Républicains, dès les années 70, 80, puis 90, au moment où on a vu les changements dans les flux migratoires. Parce que la dernière... grande loi, le dernier grand changement, ça date de 65. Donc c'est à partir des années 70, des années 80, qu'on a vu que les immigrés aux États-Unis ne venaient plus d'Europe, mais venaient d'Asie ou d'Amérique du Sud. Et c'est donc là qu'on a commencé à avoir ce discours qui associait l'immigration avec la criminalité, qui associait l'immigration avec une invasion. Et donc on a vu vraiment ce genre de discours qu'adoptait Trump, qui a démarré dès les années 90, avec la militarisation de la frontière, avec le déploiement sur la frontière de tactiques de guerre, vraiment. Et on sait que ça a rendu la frontière extrêmement dangereuse. On sait que depuis le milieu des années 90, il y a plus de 10 000 personnes qui sont mortes en essayant de traverser la frontière. Et c'est une frontière terrestre la plus dangereuse au monde. Et donc, on voit que ce discours, en plus, fait un effet cycle. C'est-à-dire que ce genre de discours a un effet sur les élus, au Congrès, qui vont accorder davantage de budget pour ce genre de renforcement, ce qui va lier à davantage d'arrestations à la frontière. ce qui va mener à une évaluation auprès du public ou une perception par le public de cette criminalité, qui du coup, le public va demander de la part des élus qu'ils adoptent des lois de plus en plus difficiles. Donc on a cette espèce de cycle infernal qui a été mis en place depuis les années

  • Speaker #0

    80-90.

  • Speaker #1

    Pendant notre discussion avec Fanny Lobby, je n'ai pu m'empêcher de penser à un endroit où je suis allé en reportage en 2022 pour la saison 2 de C'est ça l'Amérique. Il s'agit de la ville de Yuma, en Arizona, qui est posée le long de la frontière avec le Mexique. Une partie du mur de Donald Trump qui longeait la ville n'avait pas été achevée et tous les jours, des migrants empruntaient le trou béant laissé dans l'édifice pour entrer sur le sol américain. Il a même un nom ce trou, il s'agit du Yuma Gap ou la brèche de Yuma. Lors de mon passage, j'ai vu un groupe d'une dizaine de personnes, dont plusieurs enfants, passer à pied par cette entrée. Ils ont été cueillis au bout de quelques minutes par la police aux frontières et emmenés pour le traitement de leur demande d'asile. En août dernier, les Républicains ont accusé Kamala Harris d'avoir changé de ton sur le mur en se montrant favorable à la poursuite de sa construction. C'est l'un des points qui figurent dans l'accord législatif qu'elle veut ressusciter. En 2018, elle avait pourtant appelé ce projet de mur non américain.

  • Speaker #2

    On sait que le voyage pour arriver aux portes des États-Unis, à cette fameuse frontière sud, est loin d'être facile. C'est très périlleux, dangereux. Les migrants prennent énormément de risques pour pouvoir changer de vie. Mais c'est vrai que le dernier pas, parfois, on a l'impression qu'il suffit de passer à travers le mur où il y a parfois des trous béants, comme en Arizona ou dans d'autres parties de la frontière. On a l'impression que ce dernier pas est finalement très facile.

  • Speaker #5

    C'est une frontière qui représente 3000 km. Pour quelqu'un qui est en France, c'est l'équivalent de la distance entre... C'est plus long que la distance entre Paris et Moscou. Donc effectivement, c'est une frontière très longue et il n'est pas du tout réaliste d'envisager de mettre des gardes frontières à tous les 20 mètres ou tous les 50 mètres. C'est absolument impossible. Par contre, ce qu'il faut savoir, c'est que c'est principalement des déserts, des montagnes et des rivières. Et que c'est un désert extrêmement chaud, qui peut être extrêmement froid pendant l'hiver. Et donc, c'est très dangereux. En plus de ça, les lois locales... empêche souvent les citoyens américains d'aider les immigrés à traverser. Et donc en Arizona, par exemple, il y a des personnes qui ont été arrêtées parce qu'elles laissaient de l'eau et de la nourriture dans des zones où on savait que les immigrés traversaient. Et donc ces personnes-là ont été arrêtées, ont été ensuite relaxées, mais très souvent, on a des amendes, on est arrêtés, et donc il y a cet effet qui refroidit un peu ces tentatives d'aide aux immigrés. Après, le discours sur la frontière ne correspond pas vraiment à la réalité. Comment est-ce que les personnes sont en situation irrégulière aux États-Unis ? Principalement, ce n'est pas en traversant la frontière, c'est des gens qui ont un visa, qui viennent aux États-Unis, et le visa arrive à expiration, n'est pas renouvelé, et la personne reste là. Et donc la majorité des 11 millions qui sont aux États-Unis sont arrivés comme ça aux États-Unis. Donc il y a un peu un décalage entre ce discours sur la frontière qui serait trop heureuse et qui laisserait des milliards et des milliards de personnes arriver, et la réalité qui est qu'en fait c'est des personnes... comme vous et moi, qui arrivent aux États-Unis avec un visa et puis qui s'y plaisent et qui décident d'y rester finalement.

  • Speaker #2

    Ils décident de passer outre les limites imposées par le visa.

  • Speaker #5

    Voilà, et ce qu'il faut savoir aussi, c'est que l'immigration légale aux États-Unis est extrêmement difficile. Donc pour un Français, c'est pénible, ça coûte cher, mais c'est faisable. Ce qu'il faut savoir, c'est que pour quelqu'un qui viendrait du Mexique ou des Philippines, par exemple, qui aurait une carte verte, qui serait citoyen américain et qui voudrait faire venir son fils ou sa fille, il y a des délais d'attente qui durent des années. Donc... Par exemple, j'ai regardé les dernières données, c'est-à-dire que quelqu'un qui vient du Mexique, qui est citoyen américain et qui voudrait faire venir son enfant qui n'est pas marié, on traite aujourd'hui les dossiers qui ont été déposés en 2005. Et donc, ça représente une attente de 20 ans. Donc, on ne peut pas s'attendre à ce que les immigrés du Mexique soient plus raisonnables que les immigrés venant d'Europe ou du Canada si on ne met pas en place des systèmes judiciaires qui permettent d'arbitrer et de traiter tous les dossiers d'immigration. forcément qu'il va y avoir de l'immigration irrégulière.

  • Speaker #2

    Toutes les mesures qu'on pourra mettre en œuvre, que ce soit, comme le propose Donald Trump, une expulsion massive de migrants en situation irrégulière ou même le renforcement de moyens à la frontière, comme peuvent le proposer les démocrates, finalement, tout cela ne solutionnera pas. problème de base, qui est finalement pourquoi les gens se sentent obligés de quitter leur pays pour venir aux Etats-Unis, et ça on rencontre effectivement dans des problèmes beaucoup plus complexes, la violence, la guerre des gangs, le changement climatique, etc.

  • Speaker #5

    Oui, c'est ça, il y a énormément de réfugiés qui fuient leur pays, et théoriquement, d'après les lois internationales, les Etats-Unis n'ont pas le droit de fermer la porte, donc les Etats-Unis s'exposent à des sanctions internationales, bon évidemment, qui va aller leur dire ? Mais normalement, les États-Unis doivent suivre les lois internationales concernant les réfugiés. Tant qu'on ne propose pas de solution à la violence, à la pauvreté, ce déséquilibre entre le Nord et le Sud, qui favorise évidemment ce pays du Nord, ça posera aussi problème. Ce qu'il faut aussi dire, c'est que ces expulsions massives, ce serait catastrophique pour les États-Unis. Il y a 11 millions de personnes en situation irrégulière, mais ça représente peut-être 50-60 millions de personnes qui ont un proche. qui est en situation irrégulière. Donc, quand on expulse une personne, ça veut dire qu'il y a bien une dizaine de personnes qui sont affectées, qui doivent maintenant trouver quelqu'un d'autre pour payer le loyer, payer les courses, etc. Ce serait catastrophique pour l'industrie du service, pour l'industrie technologique aux États-Unis. Ce serait catastrophique pour les grandes villes aux États-Unis, qui sont des villes immigrées. À New York, par exemple, un tiers des personnes vivant à New York sont des immigrés. Donc, oui, ce ne sont pas des immigrés en situation irrégulière, mais ce sont des immigrés. Parce que... L'expulsion d'immigrés en situation régulière, ça a aussi des répercussions sur le traitement général des immigrés aux États-Unis. Et donc, ça aurait des répercussions absolument terribles sur la culture américaine, sur la vie politique américaine et sur la vie économique du pays. Ce n'est pas du tout une solution qui est réaliste.

  • Speaker #2

    Merci beaucoup, Fanny Levy.

  • Speaker #5

    Merci.

  • Speaker #1

    Ces derniers mois, le nombre de rencontres à la frontière sud a diminué, s'élevant à 2400 par jour en juin, soit le plus bas niveau depuis janvier 2021, quand Joe Biden est arrivé à la Maison-Blanche. Pourquoi ? Les experts évoquent notamment les récentes mesures restrictives mises en place par le gouvernement Biden. Dans le même temps, le débat politique laisse des traces dans l'opinion. D'après l'institut de sondage Gallup, l'année 2024 marque la première fois depuis 2005 que la majorité des Américains... sont favorables à une réduction de l'immigration. C'est la fin de cet épisode de C'est ça l'Amérique. Un grand merci de l'avoir suivi. On se retrouve la semaine prochaine.

  • Speaker #3

    C'est ça l'Amérique, un podcast proposé par La Croix, le programme Alliance Columbia et le site d'information French Morning.

  • Speaker #0

    Un président pour tous les Américains. Vous pouvez toujours m'accepter.

Chapters

  • Quelles sont les causes de cette crise migratoire aux Etats-Unis ?

    04:43

  • Est-ce que le profil des immigrés a changé ces dernières années aux Etats-Unis ?

    06:08

  • Pourquoi les autorités américaines ont-elles du mal à s'adapter à cette nouvelle immigration ?

    07:56

  • Pourquoi est-ce si difficile pour les démocrates et les républicains de s'accorder sur les mesures à prendre ?

    09:02

  • Quels sont les pouvoirs réels du président américain sur le contrôle des flux migratoires ?

    12:06

  • Le gouvernement Biden a-t-il été laxiste concernant le contrôle de la frontière ?

    14:54

  • Quel a été le rôle de la vice-présidente Kamala Harris sur ce sujet de l'immigration ?

    16:43

  • Les démocrates se rapprochent-ils des républicains en adoptant un discours plus dur vis-à-vis des migrants ?

    18:15

  • Les propos très violents de Donald Trump envers les migrants fonctionnent-ils sur le plan électoral ?

    20:30

  • La maîtrise de l'immigration par le seul contrôle de la frontière sud est-il vraiment réaliste ?

    23:48

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Description

C’est ça l’Amérique, saison 3


L’immigration s’impose comme l’un des enjeux de la campagne. Face à l’afflux de migrants à la frontière sud, républicains et démocrates se rejettent la responsabilité. Le discours accusateur de Donald Trump, qui reproche aux migrants de voler les emplois des Américains et de commettre des crimes, trouve-t-il un écho favorable dans l’électorat ?


Épisode 3/8 :


"Donne-moi tes pauvres, tes exténués, Tes masses innombrables aspirant à vivre libres". Ceux qui ont visité la Statue de la Liberté reconnaîtront ces vers tirés du poème d’Emma Lazarus, "Le Nouveau colosse", inscrits sur le socle de l’édifice. Ces dernières années, cet idéal a été mis à rude épreuve outre-Atlantique.


Sous la présidence Biden, le pays a connu un pic d’entrées illégales via sa frontière sud (avec le Mexique). Parachutés par des gouverneurs républicains dans des villes démocrates non préparées, comme New York, ces migrants ont fait face à une prise en charge chaotique. Certains ont été obligés de dormir dehors faute de place dans les foyers. Ces images de désordre ont été exploitées par Donald Trump. Le leader populiste parle volontiers d’"invasion" et promet d’expulser les millions de sans-papiers présents sur le territoire, même depuis longtemps, s’il revient au pouvoir.


Ce discours fonctionne-t-il au sein de l’opinion ? A-t-il raison quand il affirme que le gouvernement Biden n’a pas fait assez pour sécuriser la frontière ? Alexis Buisson, le correspondant de La Croix à New York, a posé ces questions à Fanny Lauby, professeure associée à l’Université d’État de Montclair (New Jersey) et spécialiste de la jeunesse en situation irrégulière.


CRÉDITS :


Écriture et réalisation : Alexis Buisson. Rédaction en chef : Jean-Christophe Ploquin et Paul De Coustin. Production : Célestine Albert-Steward. Mixage : Flavien Edenne. Musique : Emmanuel Viau. Illustration : Olivier Balez.


► Vous avez une question ou une remarque ? Écrivez-nous à cette adresse : podcast.lacroix@groupebayard.com


"C'est ça l'Amérique" est un podcast original de LA CROIX - septembre 2024.


En partenariat avec le programme Alliance – Columbia et ses partenaires (Sciences-Po, Polytechnique, La Sorbonne), et French Morning, le premier web magazine des Français d’Amérique.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Kamala ! It will make the world stronger. Because I believe everyone has a right to safety, to dignity and to justice.

  • Speaker #1

    Bonjour, je suis Alexis Buisson,

  • Speaker #2

    le correspondant de La Croix à New York.

  • Speaker #1

    Bienvenue dans C'est ça l'Amérique, le podcast qui explore les enjeux des élections américaines de

  • Speaker #0

    2024. Kamala !

  • Speaker #1

    Chaque semaine et jusqu'au scrutin, Découvrez les éclairages d'experts francophones établis aux États-Unis.

  • Speaker #3

    C'est ça l'Amérique et ça commence maintenant.

  • Speaker #2

    J-D-M-A-G-I-N-E-U Très bien.

  • Speaker #1

    Pour commencer cet épisode, je vous emmène dans les rues de New York. Nous sommes avec Majid Diallo, un Guinéen qui appartient à l'ethnie persécutée des Peuls. Ce matin-là, il fait partie de plusieurs centaines de migrants africains qui font la queue pour bénéficier d'un repas offert par une association de Manhattan. Son histoire est très similaire à celle d'autres hommes rencontrés sur place. Il s'est rendu à Istanbul, en Turquie, pour prendre un avion en direction d'Amérique du Sud. De là, il a traversé des pays entiers à pied, en bus, à cheval, pour rejoindre la frontière sud des États-Unis, celle que le pays de l'oncle Sam partage avec le Mexique. Une fois sur le territoire américain, il a été pris en charge par la police des frontières et acheminé à New York, sans toit ni connaissance en anglais, privé de permis de travail tant que sa demande d'asile n'a pas été traitée, ce qui devrait prendre... plusieurs mois, le rêve américain a pour le moment un goût amer pour Majid Diallo.

  • Speaker #4

    Ça n'a pas été facile parce que dans d'autres endroits, on nous raquette, d'autres endroits, on nous envoie dans des cachots pour dire à nos parents de payer l'argent tandis que nos parents sont pauvres. Mais on n'a pas de choix parce qu'on a pensé aux Etats-Unis, c'est une terre de liberté, si on vient ici, ils vont s'occuper de nous comme il le faut, mais on a trouvé le contraire. Je ne m'attendais pas à ce qu'on vienne errer dans la rue. Châtiens heureusement, comme si on n'était pas des humains. On est des humains aussi.

  • Speaker #1

    La question migratoire fait partie des thèmes centraux de cette campagne. Pendant la présidence Biden, les États-Unis ont enregistré un pic de ce que l'on appelle, dans le jargon, des rencontres entre la police des frontières et des migrants entrant par la frontière sud. Près de 250 000, rien qu'en décembre 2023, un record historique. Cette hausse s'explique notamment par la levée de restrictions migratoires liées à la pandémie. D'un côté, Donald Trump accuse les démocrates d'avoir autorisé, je cite, une invasion du pays par des criminels, des terroristes et autres malades mentaux S'il revient au pouvoir, il propose d'expulser les plus de 10 millions d'immigrés en situation irrégulière avec l'aide de l'armée. De l'autre, Kamala Harris, fille de ressentissants indiens et jamaïcains, entretient le flou. Mais ses rares prises de position laissent penser qu'elle se montrerait plus inflexible que dans le passé, face à une opinion inquiète. qui voit certaines grandes villes américaines, à l'image de New York, à la peine pour prendre en charge ces migrants, elle durcit le ton, mettant moins l'accent sur l'aspect humanitaire que sur le renforcement de la frontière. Il doit y avoir des conséquences pour ceux qui entrent illégalement sur le territoire, a-t-elle dit lors d'une interview sur CNN fin août. Pour en savoir plus sur la réalité de l'immigration aux Etats-Unis, j'ai rencontré Fanny Lobby. Elle est professeure associée de sciences politiques à l'Université d'État de Montclair, dans le New Jersey. C'est juste à côté de New York. Dans ses recherches, elle s'est notamment intéressée aux jeunes migrants sans papier. Bonjour Fanny Lobby.

  • Speaker #5

    Bonjour Alexis.

  • Speaker #2

    Merci beaucoup de nous accueillir ici dans votre bureau à l'Université d'État de Montclair pour parler de ce sujet de l'immigration qui est un sujet complexe à multiples facettes. Je voudrais commencer peut-être par prendre un peu de recul par rapport à ce qu'on a entendu en intro de cet épisode. Qu'est-ce qui fait qu'on en est arrivé là finalement aux États-Unis ? Qu'est-ce qui fait qu'il y a cette crise migratoire dont on parle beaucoup dans l'actualité ?

  • Speaker #5

    Alors, le terme de crise, c'est un terme qu'on utilise tout le temps depuis les années 80, quelles que soient les circonstances, mais qui ne correspond pas toujours à la réalité. Donc, c'est vrai qu'on est à un niveau fort d'immigration, donc il y a 46 millions d'immigrés aux États-Unis, mais en termes de proportion de la population, on est en dessous de 14% de la population, ce qui était le cas déjà il y a une centaine d'années, au pic de la deuxième vague. Donc, en général, quand on parle de la crise, on parle des immigrés en situation irrégulière. Et là encore, les chiffres ont été assez stables depuis une quinzaine d'années, mais on note qu'il y a une certaine augmentation et il y a un peu un changement sur le profil des immigrés qui arrive. Donc notamment, récemment, il y a eu une augmentation sur le nombre de demandeurs d'asile, notamment les demandeurs d'asile qui viennent de trois pays, du Nicaragua, du Venezuela et d'Haïti. Le nombre de personnes qui sont admises sur parole, donc directement par le président, a aussi augmenté. Et donc, ce qu'on a vu aussi, c'est un changement avec l'arrivée des familles. Donc, traditionnellement, quand on parlait d'immigration irrégulière, c'était principalement des individus, c'était principalement des hommes qui venaient travailler peut-être pour une saison ou deux saisons. Mais ce qui a changé récemment, c'est l'arrivée de familles, de parents avec des enfants. Et donc, ça représente une charge différente de la part du gouvernement fédéral, de la part des États frontaliers. Et on a bien vu qu'il y a eu des approches différentes en fonction de l'administration Trump ou Biden.

  • Speaker #2

    Qu'est-ce qui fait que ce profil change finalement au fil des ans ?

  • Speaker #5

    principalement, c'est lié à ce qui se passe dans les pays d'origine. Et donc, dans des pays d'Amérique centrale, c'est principalement la pauvreté, la violence qui poussent les familles à se déplacer. Il y a aussi quelques changements avec des lois, enfin, pas des lois, justement, des décisions aux États-Unis, des actions du gouvernement fédéral qui ont fait que je crois qu'il y a eu un malentendu. Et donc, des lois qui, notamment, visaient les jeunes en situation irrégulière ou des lois qui visaient les immigrés venant du Venezuela qui ont reçu un statut de protection spéciale, eh bien, ces lois sont... réinterpréter de manière internationale. Et donc, il y a certaines personnes qui sont dans des pays d'Amérique centrale ou au Venezuela qui pensent, ça va être mon cas, je vais pouvoir faire cette demande. Et donc, on a vu des pics d'arrivée. En 2014-2015, il y a eu énormément de mineurs qui sont arrivés. Et en 2019, il y a eu de plus en plus de familles qui ont commencé à arriver. Je pense que c'est cette combinaison entre des violences d'origine et une mauvaise interprétation de ce qui se passera aux Etats-Unis.

  • Speaker #2

    En introduction, il n'y a pas que des migrants provenant d'Amérique centrale qui viennent, il y a aussi maintenant des Africains francophones et d'autres nationalités qui sont extérieures aux Amériques.

  • Speaker #5

    Il y a eu une baisse du nombre d'immigrés en situation irrégulière venant du Mexique. Jusqu'en 2007, en nombre de personnes, ça représentait presque 6 ou 7 millions de personnes. Et maintenant, on est à peu près 4 millions de personnes qui viennent vraiment du Mexique. Et donc, on a vu cette augmentation venant du Venezuela, venant du Nicaragua, du Salvador. mais aussi d'autres pays africains, du Canada, d'Europe, même d'anciens pays de l'Union soviétique. Et ça, ça ne fait pas partie du discours sur l'immigration. Cette diversité, notamment au sein de l'immigration irrégulière, mais c'est lié justement à cette mauvaise interprétation de ce qui va se passer une fois arrivé à la frontière.

  • Speaker #2

    Qu'est-ce qui fait finalement que les autorités américaines ont du mal à s'adapter à ce profil changeant de migrant ?

  • Speaker #5

    Alors, l'immigration aux États-Unis, c'est un peu un monstre bureaucratique et il n'y a pas eu de réforme. aux États-Unis depuis 1996. Donc ça, ça pose un gros problème, c'est-à-dire que sans loi du Congrès, on ne peut pas vraiment changer le budget, on ne peut pas vraiment changer les règles, à savoir qui peut venir, d'où est-ce qu'ils peuvent venir, sous quelles conditions est-ce qu'ils peuvent venir, comment est-ce qu'ils peuvent rester. Et donc, quand on n'a pas ces changements-là venant du Congrès, c'est à l'administration de prendre des décisions, et des décisions qui peuvent être remises en question par le système judiciaire. qui peuvent être réinterprétées par les groupes de pression, qui peuvent être réinterprétées par les États. Et donc, c'est un peu ça qui pose problème, c'est qu'il n'y a pas eu de réforme aux États-Unis nationales depuis 1996. Et donc, ça laisse se développer de gros problèmes et ça empêche d'avoir cette réactivité. La seule branche du gouvernement qui peut réagir rapidement, c'est l'exécutif, mais l'exécutif change régulièrement. Et donc, avec chaque administration, on a une nouvelle approche de l'immigration. On a bien vu la différence entre Biden, Trump, Obama et les années qui ont précédé.

  • Speaker #2

    Pourquoi est-ce que c'est aussi difficile finalement pour les deux parties de s'accorder sur des mesures à prendre, comme l'augmentation du nombre de policiers aux frontières par exemple, ou l'augmentation des moyens alloués aux agences qui prennent en charge ces migrants qui arrivent ?

  • Speaker #5

    L'immigration, c'est devenu un des sujets qui permet aux deux parties de se distinguer l'un de l'autre. Ce n'était pas le cas il y a une quarantaine d'années. On avait beaucoup plus d'accords entre les deux parties. Mais maintenant, les Républicains ont décidé de devenir un parti qui était plus dur envers l'immigration. Et les Démocrates ont décidé d'agrandir leur coalition en devenant un peu plus souples sur l'immigration. On verra si ça tient encore en 2024. Donc, d'une part, il y a ça. Deuxièmement, il y a beaucoup plus de polarisation au Congrès. Et donc, il y a de moins en moins d'élus. principalement à la Chambre, qui viennent de districts, ce qu'on appelle les districts violés, c'est-à-dire des gens qui sont élus par un amalgame de républicains et de démocrates, donc des gens qui seraient plus modérés. Donc les gens qui sont élus sont des électeurs qui sont soit très conservateurs, soit très libéraux, et donc ils n'ont aucun intérêt à adopter des lois qui représentent un certain compromis. Il y a eu récemment une proposition de loi au Sénat qui aurait donné aux républicains énormément de ce qu'ils veulent, notamment sur la sécurité à la frontière. qui n'aurait pas vraiment donné aux démocrates ce qu'ils voulaient en termes d'un chemin vers la citoyenneté pour les personnes en situation irrégulière. Et après des mois de négociations, Trump, en tant que chef de parti, a dit aux républicains du Congrès N'adoptez pas cette loi, j'ai besoin de ce sujet pour l'élection Et donc, ils ont abandonné les négociations à la dernière minute.

  • Speaker #1

    Avant d'aller plus loin, revenons sur ce deal qui n'a jamais eu lieu et dont on entend beaucoup parler pendant cette campagne. En février 2024, Joe Biden et un groupe de sénateurs démocrates et républicains ont dévoilé un projet de loi qui aurait alloué plus de 20 milliards de dollars au renforcement des moyens de sécurité à la frontière sud. Cette enveloppe aurait notamment permis de recruter davantage de forces de l'ordre, mais aussi des juges d'immigration, pour traiter les dossiers d'asile qui peuvent mettre des années à être tranchées aujourd'hui. en raison du manque de ressources. La loi aurait aussi donné à l'exécutif le pouvoir de fermer la frontière au-delà d'un certain nombre d'interpellations sur une semaine et aurait durci les conditions d'octroi de l'asile. Certains ont aussi noté que le texte n'abordait pas la situation des dreamers ces immigrés en situation irrégulière arrivés très jeunes sur le sol américain et qui étaient jusqu'à présent au centre des attentions des démocrates. Donald Trump a agi auprès des parlementaires républicains pour couler le texte qui aurait été une victoire pour Joe Biden, Kamala Harris a promis de le ressusciter si elle devient présidente.

  • Speaker #2

    Vous parliez tout à l'heure de l'importance de l'exécutif dans ce dossier en particulier. Quels sont les pouvoirs réels du président, du locataire de la Maison-Blanche sur le contrôle des flux migratoires ? Est-ce que finalement il est limité par d'autres acteurs comme les États fédérés ? les États étrangers, comme le Mexique ou d'autres États qui voient transiter effectivement ces migrants sur le chemin des États-Unis ?

  • Speaker #5

    Alors, le gouvernement fédéral gère l'immigration, c'est-à-dire le nombre de personnes qui peuvent venir et les conditions sous lesquelles ils peuvent venir. Les États, eux, gèrent les immigrés qui sont dans leurs États. Donc, ce à quoi ils ont droit, les professions auxquelles ils peuvent avoir accès, l'université, etc. Le président peut agir de manière assez unilatérale en ce qui concerne la frontière. C'est ce qu'a fait Biden en juin en disant... si on a plus de 2500 demandeurs d'asile par jour, on ferme la porte. Ce qui ne change rien au problème d'origine, ce qui ne fait que repousser le problème plus tard. On a vu pendant la crise sanitaire, le président a pu aussi suspendre les entrées du fait de cette crise sanitaire. Mais ça, c'est par le biais d'une loi adoptée par le Congrès. Donc, c'est le Congrès qui autorise le président à faire ça. Le président peut aussi protéger certains immigrés en situation irrégulière. Et donc, ça, c'est vraiment... un pouvoir du président qui est délégué par le Congrès que les présidents utilisent quand il n'y a pas de réforme. Les États, eux, peuvent mettre des bâtons dans les roues du président en portant plainte. C'est ce qui a été fait avec la décision en juin. Et peuvent rendre la vie plus difficile aux immigrés qui vivent dans leurs États, avec cette logique qu'après tout, si on leur rend la vie trop difficile, ces gens-là partiront.

  • Speaker #2

    C'est ce qu'on a un peu vu aussi avec ces gouverneurs républicains qui envoyaient, acheminés par bus, des migrants qui arrivaient dans leurs États vers des grandes villes démocrates comme New York ou d'autres.

  • Speaker #5

    Oui, donc Abbott était déjà très connu par...

  • Speaker #2

    Le gouverneur du Texas.

  • Speaker #5

    Voilà, Greg Abbott, le gouverneur du Texas, qui avant d'être le gouverneur était le garde des Sceaux du Texas et qui déjà en 2016 avait porté plein compte le gouvernement fédéral pour que le gouvernement fédéral ne compte pas dans le recensement les personnes en situation irrégulière. Et donc là, ce qu'il fait depuis plusieurs années, c'est de... d'usurper les pouvoirs du gouvernement fédéral, donc en plaçant des barrières flottantes sur la... rivières pour empêcher les personnes d'accéder aux États-Unis, en mettant des barrières coupantes pour blesser les gens qui peuvent accéder par le biais de la frontière au Texas, et en envoyant des immigrés vers des villes démocrates, parce qu'il ne va pas les envoyer à Kansas City ou il ne va pas les envoyer à Miami, il les envoie à New York, à San Francisco, à Chicago. Et là, on voit bien que c'est des pouvoirs parce qu'ils s'impliquent dans les transports de personnes et l'arrivée aux immigrés. Donc ça, ça a donné lieu à de nombreuses batailles judiciaires entre le gouvernement fédéral et l'État du Texas. Ces batailles finissent à la Cour suprême, qui a une majorité conservatrice.

  • Speaker #2

    Vous avez parlé de ce deal bipartisan, cet accord bipartisan que Donald Trump pourrait couler pour des raisons électoralistes. Est-ce que lui qui dit que finalement l'administration Biden, le gouvernement Biden a été laxiste ? pendant trois ans, quatre ans, sur la question de la frontière. Est-ce qu'il n'a pas raison aussi ? Est-ce que finalement, le gouvernement Biden n'est pas coupable d'inaction sur ce sujet ?

  • Speaker #5

    La question de savoir s'ils ont été trop lents, ça dépend un peu de savoir à qui on parle. Donc effectivement, si on parle à un démocrate, un démocrate va dire qu'il y avait d'autres urgences quand on est arrivé au pouvoir en 2021. Il y avait notamment la crise sanitaire avec le Covid. Il y avait la relance de l'économie. Mais on voit que l'immigration, c'est un peu le point faible des démocrates, parce qu'Obama avait promis une réforme en 2008, puis arrivé au pouvoir en 2009, finalement, a fait la réforme de la santé, a fait aussi la relance de l'économie après le crash de 2008. Et donc, on voit que l'immigration, c'est régulièrement une promesse des démocrates de campagne, mais qu'il y a rarement un produit après qui arrive. Donc, c'est vrai qu'il y a une grande déception de la part des militants, de la part des organisations qui soutiennent les droits des immigrés. parce que, justement, une fois de plus, les démocrates ont un peu laissé tomber ce sujet au profit d'autres priorités qui, certainement, font partie de ce que le gouvernement doit faire. Mais bon, c'est vrai que ces critiques de la part des militants sont très différentes des critiques de la part de Trump, qui pense que les démocrates ne sont pas allés assez loin, n'ont pas expulsé suffisamment de personnes. Donc, c'est une critique différente, mais effectivement, il y a de quoi justifier cette déception de la part des organisations immigrées, oui.

  • Speaker #2

    Donald Trump parle beaucoup du rôle de Kamala Harris en tant que vice-présidente, que Joe Biden a chargé d'une mission sur l'identification des racines de l'immigration irrégulière aux États-Unis. Quel est son rôle, sa responsabilité en quelque sorte dans... ce que l'on voit aujourd'hui ? Est-ce que c'est une accusation qui est exagérée de la part de Donald Trump ?

  • Speaker #5

    Alors, c'est un petit peu exagéré parce qu'effectivement, le dossier qui lui a été accordé en tant que vice-présidente, c'était d'identifier ses causes, mais principalement pour des pays comme le Nicaragua, le Salvador et le Honduras. Donc, c'était vraiment de... L'idée, c'était de pouvoir identifier ses causes et réduire les flux migratoires. Bon, ça, c'était un problème en 2019 et 2020. Donc, sans des fonds accordés par le Congrès pour soutenir ces pays-là, On peut identifier les causes, mais on ne peut pas y faire grand-chose. Ça n'a aucun effet sur les flux migratoires venant d'autres pays. Et on a vu d'autres pays depuis avoir des problèmes et ça a mené à des flux migratoires comme le Venezuela et Haïti. Et ça n'a aucun impact sur les immigrés qui vivent déjà aux États-Unis, donc les 11 millions qui sont en situation irrégulière. Ce qui est important pour Harris, c'est qu'en tant que vice-présidente, elle est aussi présidente du Sénat. Et donc, elle a été très impliquée dans les négociations justement pour cette proposition de loi bipartisan. qui a été abandonnée par les Républicains. Donc, on voit qu'elle était impliquée, mais en tant que vice-président, elle ne peut que donner son avis au président et elle ne peut que participer à cette discussion. Mais c'est Biden qui prend les décisions. Donc, c'est là pour elle qu'elle peut prendre ses distances par rapport à l'administration Biden en proposant quelque chose de différent de ce que Biden a fait.

  • Speaker #2

    Pour rester sur Kamala Harris, on se souvient d'un déplacement qu'elle avait fait en Amérique centrale où elle a lancé... à l'attention des migrants ne venaient pas. Et on a l'impression effectivement que les démocrates, comme vous le sous-entendiez un peu plus tôt, se rapprochent finalement des républicains en adoptant un discours un peu plus dur vis-à-vis des migrants. Est-ce que c'est votre sentiment ? Est-ce que finalement, ils ne donnent pas raison d'une certaine manière à Donald Trump, qui a été effectivement connu pour ses positions très strictes sur l'immigration ?

  • Speaker #5

    Alors, j'étais assez surprise pendant la convention démocrate, parce que justement, le sujet de l'immigration a été très peu abordé. Oui. Même le passé familial de Kamala Harris a été évoqué, mais elle s'est beaucoup moins appuyée sur cette histoire familiale immigrée, beaucoup moins que ce que je pensais qu'elle allait faire. Et la question de l'immigration et les propositions de la candidate sur l'immigration ont été vraiment très très faibles et très peu mises en avant. Donc effectivement, on peut un peu se demander, quand il y a une élection, il n'y a que deux parties, on se demande toujours quelle coalition est-ce qu'ils vont mettre en place. Et là, ce qu'on peut se demander, c'est... Comment c'est que les électeurs hispaniques, latinos, sont de plus en plus divisés entre les républicains et les démocrates ? Est-ce que les démocrates ont enfin compris que l'immigration, ce n'est pas le sujet à utiliser pour parler aux électeurs latinos qui ont envie qu'on leur parle comme à n'importe quel autre électeur ? Ils ont envie qu'on leur parle de l'économie, de la santé, de l'éducation. Donc c'est assez intéressant et j'ai hâte de voir pendant les prochaines semaines comment est-ce que les démocrates vont se placer par rapport aux républicains. Donc eux, leur argument principal, c'est que l'administration républicaine a traité les immigrés de manière complètement inhumaine et qu'eux ne feraient pas ça. Mais sur la question de renforcer la frontière, on voit un annulement. Et surtout, ce qui a complètement disparu, c'est des propositions de loi sur l'accès à la citoyenneté. Que va-t-il arriver des personnes qui sont déjà ici de manière irrégulière ? On a vu Biden proposer... L'accès à la citoyenneté pour ceux qui sont mariés à des citoyens américains et qui vivent aux États-Unis depuis dix ans, donc il a proposé ça en juin, mais ça a été bloqué par un juge au 26 août 2024. Donc, qu'est-ce qui va arriver avec ça ? Est-ce que les démocrates vont continuer à poursuivre cette route ? C'est une bonne question.

  • Speaker #2

    On voit Donald Trump tenir des propos très violents, en quelque sorte, vis-à-vis des migrants. Il est dans la stigmatisation d'une population qui piquerait des emplois aux minorités qui sont ici aux États-Unis. qui commettrait des crimes violents, des assassinats, des meurtres contre des Américains. Est-ce que c'est un discours qui marche, qui fait mousse, selon vous, sur le plan électoral ?

  • Speaker #5

    On voit que c'est un discours qui marche très bien, parce qu'on voit justement que les démocrates quittent un peu le terrain là-dessus. C'est un discours qui marche depuis des décennies. C'est un discours qui a commencé à être adopté, notamment par les Républicains, dès les années 70, 80, puis 90, au moment où on a vu les changements dans les flux migratoires. Parce que la dernière... grande loi, le dernier grand changement, ça date de 65. Donc c'est à partir des années 70, des années 80, qu'on a vu que les immigrés aux États-Unis ne venaient plus d'Europe, mais venaient d'Asie ou d'Amérique du Sud. Et c'est donc là qu'on a commencé à avoir ce discours qui associait l'immigration avec la criminalité, qui associait l'immigration avec une invasion. Et donc on a vu vraiment ce genre de discours qu'adoptait Trump, qui a démarré dès les années 90, avec la militarisation de la frontière, avec le déploiement sur la frontière de tactiques de guerre, vraiment. Et on sait que ça a rendu la frontière extrêmement dangereuse. On sait que depuis le milieu des années 90, il y a plus de 10 000 personnes qui sont mortes en essayant de traverser la frontière. Et c'est une frontière terrestre la plus dangereuse au monde. Et donc, on voit que ce discours, en plus, fait un effet cycle. C'est-à-dire que ce genre de discours a un effet sur les élus, au Congrès, qui vont accorder davantage de budget pour ce genre de renforcement, ce qui va lier à davantage d'arrestations à la frontière. ce qui va mener à une évaluation auprès du public ou une perception par le public de cette criminalité, qui du coup, le public va demander de la part des élus qu'ils adoptent des lois de plus en plus difficiles. Donc on a cette espèce de cycle infernal qui a été mis en place depuis les années

  • Speaker #0

    80-90.

  • Speaker #1

    Pendant notre discussion avec Fanny Lobby, je n'ai pu m'empêcher de penser à un endroit où je suis allé en reportage en 2022 pour la saison 2 de C'est ça l'Amérique. Il s'agit de la ville de Yuma, en Arizona, qui est posée le long de la frontière avec le Mexique. Une partie du mur de Donald Trump qui longeait la ville n'avait pas été achevée et tous les jours, des migrants empruntaient le trou béant laissé dans l'édifice pour entrer sur le sol américain. Il a même un nom ce trou, il s'agit du Yuma Gap ou la brèche de Yuma. Lors de mon passage, j'ai vu un groupe d'une dizaine de personnes, dont plusieurs enfants, passer à pied par cette entrée. Ils ont été cueillis au bout de quelques minutes par la police aux frontières et emmenés pour le traitement de leur demande d'asile. En août dernier, les Républicains ont accusé Kamala Harris d'avoir changé de ton sur le mur en se montrant favorable à la poursuite de sa construction. C'est l'un des points qui figurent dans l'accord législatif qu'elle veut ressusciter. En 2018, elle avait pourtant appelé ce projet de mur non américain.

  • Speaker #2

    On sait que le voyage pour arriver aux portes des États-Unis, à cette fameuse frontière sud, est loin d'être facile. C'est très périlleux, dangereux. Les migrants prennent énormément de risques pour pouvoir changer de vie. Mais c'est vrai que le dernier pas, parfois, on a l'impression qu'il suffit de passer à travers le mur où il y a parfois des trous béants, comme en Arizona ou dans d'autres parties de la frontière. On a l'impression que ce dernier pas est finalement très facile.

  • Speaker #5

    C'est une frontière qui représente 3000 km. Pour quelqu'un qui est en France, c'est l'équivalent de la distance entre... C'est plus long que la distance entre Paris et Moscou. Donc effectivement, c'est une frontière très longue et il n'est pas du tout réaliste d'envisager de mettre des gardes frontières à tous les 20 mètres ou tous les 50 mètres. C'est absolument impossible. Par contre, ce qu'il faut savoir, c'est que c'est principalement des déserts, des montagnes et des rivières. Et que c'est un désert extrêmement chaud, qui peut être extrêmement froid pendant l'hiver. Et donc, c'est très dangereux. En plus de ça, les lois locales... empêche souvent les citoyens américains d'aider les immigrés à traverser. Et donc en Arizona, par exemple, il y a des personnes qui ont été arrêtées parce qu'elles laissaient de l'eau et de la nourriture dans des zones où on savait que les immigrés traversaient. Et donc ces personnes-là ont été arrêtées, ont été ensuite relaxées, mais très souvent, on a des amendes, on est arrêtés, et donc il y a cet effet qui refroidit un peu ces tentatives d'aide aux immigrés. Après, le discours sur la frontière ne correspond pas vraiment à la réalité. Comment est-ce que les personnes sont en situation irrégulière aux États-Unis ? Principalement, ce n'est pas en traversant la frontière, c'est des gens qui ont un visa, qui viennent aux États-Unis, et le visa arrive à expiration, n'est pas renouvelé, et la personne reste là. Et donc la majorité des 11 millions qui sont aux États-Unis sont arrivés comme ça aux États-Unis. Donc il y a un peu un décalage entre ce discours sur la frontière qui serait trop heureuse et qui laisserait des milliards et des milliards de personnes arriver, et la réalité qui est qu'en fait c'est des personnes... comme vous et moi, qui arrivent aux États-Unis avec un visa et puis qui s'y plaisent et qui décident d'y rester finalement.

  • Speaker #2

    Ils décident de passer outre les limites imposées par le visa.

  • Speaker #5

    Voilà, et ce qu'il faut savoir aussi, c'est que l'immigration légale aux États-Unis est extrêmement difficile. Donc pour un Français, c'est pénible, ça coûte cher, mais c'est faisable. Ce qu'il faut savoir, c'est que pour quelqu'un qui viendrait du Mexique ou des Philippines, par exemple, qui aurait une carte verte, qui serait citoyen américain et qui voudrait faire venir son fils ou sa fille, il y a des délais d'attente qui durent des années. Donc... Par exemple, j'ai regardé les dernières données, c'est-à-dire que quelqu'un qui vient du Mexique, qui est citoyen américain et qui voudrait faire venir son enfant qui n'est pas marié, on traite aujourd'hui les dossiers qui ont été déposés en 2005. Et donc, ça représente une attente de 20 ans. Donc, on ne peut pas s'attendre à ce que les immigrés du Mexique soient plus raisonnables que les immigrés venant d'Europe ou du Canada si on ne met pas en place des systèmes judiciaires qui permettent d'arbitrer et de traiter tous les dossiers d'immigration. forcément qu'il va y avoir de l'immigration irrégulière.

  • Speaker #2

    Toutes les mesures qu'on pourra mettre en œuvre, que ce soit, comme le propose Donald Trump, une expulsion massive de migrants en situation irrégulière ou même le renforcement de moyens à la frontière, comme peuvent le proposer les démocrates, finalement, tout cela ne solutionnera pas. problème de base, qui est finalement pourquoi les gens se sentent obligés de quitter leur pays pour venir aux Etats-Unis, et ça on rencontre effectivement dans des problèmes beaucoup plus complexes, la violence, la guerre des gangs, le changement climatique, etc.

  • Speaker #5

    Oui, c'est ça, il y a énormément de réfugiés qui fuient leur pays, et théoriquement, d'après les lois internationales, les Etats-Unis n'ont pas le droit de fermer la porte, donc les Etats-Unis s'exposent à des sanctions internationales, bon évidemment, qui va aller leur dire ? Mais normalement, les États-Unis doivent suivre les lois internationales concernant les réfugiés. Tant qu'on ne propose pas de solution à la violence, à la pauvreté, ce déséquilibre entre le Nord et le Sud, qui favorise évidemment ce pays du Nord, ça posera aussi problème. Ce qu'il faut aussi dire, c'est que ces expulsions massives, ce serait catastrophique pour les États-Unis. Il y a 11 millions de personnes en situation irrégulière, mais ça représente peut-être 50-60 millions de personnes qui ont un proche. qui est en situation irrégulière. Donc, quand on expulse une personne, ça veut dire qu'il y a bien une dizaine de personnes qui sont affectées, qui doivent maintenant trouver quelqu'un d'autre pour payer le loyer, payer les courses, etc. Ce serait catastrophique pour l'industrie du service, pour l'industrie technologique aux États-Unis. Ce serait catastrophique pour les grandes villes aux États-Unis, qui sont des villes immigrées. À New York, par exemple, un tiers des personnes vivant à New York sont des immigrés. Donc, oui, ce ne sont pas des immigrés en situation irrégulière, mais ce sont des immigrés. Parce que... L'expulsion d'immigrés en situation régulière, ça a aussi des répercussions sur le traitement général des immigrés aux États-Unis. Et donc, ça aurait des répercussions absolument terribles sur la culture américaine, sur la vie politique américaine et sur la vie économique du pays. Ce n'est pas du tout une solution qui est réaliste.

  • Speaker #2

    Merci beaucoup, Fanny Levy.

  • Speaker #5

    Merci.

  • Speaker #1

    Ces derniers mois, le nombre de rencontres à la frontière sud a diminué, s'élevant à 2400 par jour en juin, soit le plus bas niveau depuis janvier 2021, quand Joe Biden est arrivé à la Maison-Blanche. Pourquoi ? Les experts évoquent notamment les récentes mesures restrictives mises en place par le gouvernement Biden. Dans le même temps, le débat politique laisse des traces dans l'opinion. D'après l'institut de sondage Gallup, l'année 2024 marque la première fois depuis 2005 que la majorité des Américains... sont favorables à une réduction de l'immigration. C'est la fin de cet épisode de C'est ça l'Amérique. Un grand merci de l'avoir suivi. On se retrouve la semaine prochaine.

  • Speaker #3

    C'est ça l'Amérique, un podcast proposé par La Croix, le programme Alliance Columbia et le site d'information French Morning.

  • Speaker #0

    Un président pour tous les Américains. Vous pouvez toujours m'accepter.

Chapters

  • Quelles sont les causes de cette crise migratoire aux Etats-Unis ?

    04:43

  • Est-ce que le profil des immigrés a changé ces dernières années aux Etats-Unis ?

    06:08

  • Pourquoi les autorités américaines ont-elles du mal à s'adapter à cette nouvelle immigration ?

    07:56

  • Pourquoi est-ce si difficile pour les démocrates et les républicains de s'accorder sur les mesures à prendre ?

    09:02

  • Quels sont les pouvoirs réels du président américain sur le contrôle des flux migratoires ?

    12:06

  • Le gouvernement Biden a-t-il été laxiste concernant le contrôle de la frontière ?

    14:54

  • Quel a été le rôle de la vice-présidente Kamala Harris sur ce sujet de l'immigration ?

    16:43

  • Les démocrates se rapprochent-ils des républicains en adoptant un discours plus dur vis-à-vis des migrants ?

    18:15

  • Les propos très violents de Donald Trump envers les migrants fonctionnent-ils sur le plan électoral ?

    20:30

  • La maîtrise de l'immigration par le seul contrôle de la frontière sud est-il vraiment réaliste ?

    23:48

Description

C’est ça l’Amérique, saison 3


L’immigration s’impose comme l’un des enjeux de la campagne. Face à l’afflux de migrants à la frontière sud, républicains et démocrates se rejettent la responsabilité. Le discours accusateur de Donald Trump, qui reproche aux migrants de voler les emplois des Américains et de commettre des crimes, trouve-t-il un écho favorable dans l’électorat ?


Épisode 3/8 :


"Donne-moi tes pauvres, tes exténués, Tes masses innombrables aspirant à vivre libres". Ceux qui ont visité la Statue de la Liberté reconnaîtront ces vers tirés du poème d’Emma Lazarus, "Le Nouveau colosse", inscrits sur le socle de l’édifice. Ces dernières années, cet idéal a été mis à rude épreuve outre-Atlantique.


Sous la présidence Biden, le pays a connu un pic d’entrées illégales via sa frontière sud (avec le Mexique). Parachutés par des gouverneurs républicains dans des villes démocrates non préparées, comme New York, ces migrants ont fait face à une prise en charge chaotique. Certains ont été obligés de dormir dehors faute de place dans les foyers. Ces images de désordre ont été exploitées par Donald Trump. Le leader populiste parle volontiers d’"invasion" et promet d’expulser les millions de sans-papiers présents sur le territoire, même depuis longtemps, s’il revient au pouvoir.


Ce discours fonctionne-t-il au sein de l’opinion ? A-t-il raison quand il affirme que le gouvernement Biden n’a pas fait assez pour sécuriser la frontière ? Alexis Buisson, le correspondant de La Croix à New York, a posé ces questions à Fanny Lauby, professeure associée à l’Université d’État de Montclair (New Jersey) et spécialiste de la jeunesse en situation irrégulière.


CRÉDITS :


Écriture et réalisation : Alexis Buisson. Rédaction en chef : Jean-Christophe Ploquin et Paul De Coustin. Production : Célestine Albert-Steward. Mixage : Flavien Edenne. Musique : Emmanuel Viau. Illustration : Olivier Balez.


► Vous avez une question ou une remarque ? Écrivez-nous à cette adresse : podcast.lacroix@groupebayard.com


"C'est ça l'Amérique" est un podcast original de LA CROIX - septembre 2024.


En partenariat avec le programme Alliance – Columbia et ses partenaires (Sciences-Po, Polytechnique, La Sorbonne), et French Morning, le premier web magazine des Français d’Amérique.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Kamala ! It will make the world stronger. Because I believe everyone has a right to safety, to dignity and to justice.

  • Speaker #1

    Bonjour, je suis Alexis Buisson,

  • Speaker #2

    le correspondant de La Croix à New York.

  • Speaker #1

    Bienvenue dans C'est ça l'Amérique, le podcast qui explore les enjeux des élections américaines de

  • Speaker #0

    2024. Kamala !

  • Speaker #1

    Chaque semaine et jusqu'au scrutin, Découvrez les éclairages d'experts francophones établis aux États-Unis.

  • Speaker #3

    C'est ça l'Amérique et ça commence maintenant.

  • Speaker #2

    J-D-M-A-G-I-N-E-U Très bien.

  • Speaker #1

    Pour commencer cet épisode, je vous emmène dans les rues de New York. Nous sommes avec Majid Diallo, un Guinéen qui appartient à l'ethnie persécutée des Peuls. Ce matin-là, il fait partie de plusieurs centaines de migrants africains qui font la queue pour bénéficier d'un repas offert par une association de Manhattan. Son histoire est très similaire à celle d'autres hommes rencontrés sur place. Il s'est rendu à Istanbul, en Turquie, pour prendre un avion en direction d'Amérique du Sud. De là, il a traversé des pays entiers à pied, en bus, à cheval, pour rejoindre la frontière sud des États-Unis, celle que le pays de l'oncle Sam partage avec le Mexique. Une fois sur le territoire américain, il a été pris en charge par la police des frontières et acheminé à New York, sans toit ni connaissance en anglais, privé de permis de travail tant que sa demande d'asile n'a pas été traitée, ce qui devrait prendre... plusieurs mois, le rêve américain a pour le moment un goût amer pour Majid Diallo.

  • Speaker #4

    Ça n'a pas été facile parce que dans d'autres endroits, on nous raquette, d'autres endroits, on nous envoie dans des cachots pour dire à nos parents de payer l'argent tandis que nos parents sont pauvres. Mais on n'a pas de choix parce qu'on a pensé aux Etats-Unis, c'est une terre de liberté, si on vient ici, ils vont s'occuper de nous comme il le faut, mais on a trouvé le contraire. Je ne m'attendais pas à ce qu'on vienne errer dans la rue. Châtiens heureusement, comme si on n'était pas des humains. On est des humains aussi.

  • Speaker #1

    La question migratoire fait partie des thèmes centraux de cette campagne. Pendant la présidence Biden, les États-Unis ont enregistré un pic de ce que l'on appelle, dans le jargon, des rencontres entre la police des frontières et des migrants entrant par la frontière sud. Près de 250 000, rien qu'en décembre 2023, un record historique. Cette hausse s'explique notamment par la levée de restrictions migratoires liées à la pandémie. D'un côté, Donald Trump accuse les démocrates d'avoir autorisé, je cite, une invasion du pays par des criminels, des terroristes et autres malades mentaux S'il revient au pouvoir, il propose d'expulser les plus de 10 millions d'immigrés en situation irrégulière avec l'aide de l'armée. De l'autre, Kamala Harris, fille de ressentissants indiens et jamaïcains, entretient le flou. Mais ses rares prises de position laissent penser qu'elle se montrerait plus inflexible que dans le passé, face à une opinion inquiète. qui voit certaines grandes villes américaines, à l'image de New York, à la peine pour prendre en charge ces migrants, elle durcit le ton, mettant moins l'accent sur l'aspect humanitaire que sur le renforcement de la frontière. Il doit y avoir des conséquences pour ceux qui entrent illégalement sur le territoire, a-t-elle dit lors d'une interview sur CNN fin août. Pour en savoir plus sur la réalité de l'immigration aux Etats-Unis, j'ai rencontré Fanny Lobby. Elle est professeure associée de sciences politiques à l'Université d'État de Montclair, dans le New Jersey. C'est juste à côté de New York. Dans ses recherches, elle s'est notamment intéressée aux jeunes migrants sans papier. Bonjour Fanny Lobby.

  • Speaker #5

    Bonjour Alexis.

  • Speaker #2

    Merci beaucoup de nous accueillir ici dans votre bureau à l'Université d'État de Montclair pour parler de ce sujet de l'immigration qui est un sujet complexe à multiples facettes. Je voudrais commencer peut-être par prendre un peu de recul par rapport à ce qu'on a entendu en intro de cet épisode. Qu'est-ce qui fait qu'on en est arrivé là finalement aux États-Unis ? Qu'est-ce qui fait qu'il y a cette crise migratoire dont on parle beaucoup dans l'actualité ?

  • Speaker #5

    Alors, le terme de crise, c'est un terme qu'on utilise tout le temps depuis les années 80, quelles que soient les circonstances, mais qui ne correspond pas toujours à la réalité. Donc, c'est vrai qu'on est à un niveau fort d'immigration, donc il y a 46 millions d'immigrés aux États-Unis, mais en termes de proportion de la population, on est en dessous de 14% de la population, ce qui était le cas déjà il y a une centaine d'années, au pic de la deuxième vague. Donc, en général, quand on parle de la crise, on parle des immigrés en situation irrégulière. Et là encore, les chiffres ont été assez stables depuis une quinzaine d'années, mais on note qu'il y a une certaine augmentation et il y a un peu un changement sur le profil des immigrés qui arrive. Donc notamment, récemment, il y a eu une augmentation sur le nombre de demandeurs d'asile, notamment les demandeurs d'asile qui viennent de trois pays, du Nicaragua, du Venezuela et d'Haïti. Le nombre de personnes qui sont admises sur parole, donc directement par le président, a aussi augmenté. Et donc, ce qu'on a vu aussi, c'est un changement avec l'arrivée des familles. Donc, traditionnellement, quand on parlait d'immigration irrégulière, c'était principalement des individus, c'était principalement des hommes qui venaient travailler peut-être pour une saison ou deux saisons. Mais ce qui a changé récemment, c'est l'arrivée de familles, de parents avec des enfants. Et donc, ça représente une charge différente de la part du gouvernement fédéral, de la part des États frontaliers. Et on a bien vu qu'il y a eu des approches différentes en fonction de l'administration Trump ou Biden.

  • Speaker #2

    Qu'est-ce qui fait que ce profil change finalement au fil des ans ?

  • Speaker #5

    principalement, c'est lié à ce qui se passe dans les pays d'origine. Et donc, dans des pays d'Amérique centrale, c'est principalement la pauvreté, la violence qui poussent les familles à se déplacer. Il y a aussi quelques changements avec des lois, enfin, pas des lois, justement, des décisions aux États-Unis, des actions du gouvernement fédéral qui ont fait que je crois qu'il y a eu un malentendu. Et donc, des lois qui, notamment, visaient les jeunes en situation irrégulière ou des lois qui visaient les immigrés venant du Venezuela qui ont reçu un statut de protection spéciale, eh bien, ces lois sont... réinterpréter de manière internationale. Et donc, il y a certaines personnes qui sont dans des pays d'Amérique centrale ou au Venezuela qui pensent, ça va être mon cas, je vais pouvoir faire cette demande. Et donc, on a vu des pics d'arrivée. En 2014-2015, il y a eu énormément de mineurs qui sont arrivés. Et en 2019, il y a eu de plus en plus de familles qui ont commencé à arriver. Je pense que c'est cette combinaison entre des violences d'origine et une mauvaise interprétation de ce qui se passera aux Etats-Unis.

  • Speaker #2

    En introduction, il n'y a pas que des migrants provenant d'Amérique centrale qui viennent, il y a aussi maintenant des Africains francophones et d'autres nationalités qui sont extérieures aux Amériques.

  • Speaker #5

    Il y a eu une baisse du nombre d'immigrés en situation irrégulière venant du Mexique. Jusqu'en 2007, en nombre de personnes, ça représentait presque 6 ou 7 millions de personnes. Et maintenant, on est à peu près 4 millions de personnes qui viennent vraiment du Mexique. Et donc, on a vu cette augmentation venant du Venezuela, venant du Nicaragua, du Salvador. mais aussi d'autres pays africains, du Canada, d'Europe, même d'anciens pays de l'Union soviétique. Et ça, ça ne fait pas partie du discours sur l'immigration. Cette diversité, notamment au sein de l'immigration irrégulière, mais c'est lié justement à cette mauvaise interprétation de ce qui va se passer une fois arrivé à la frontière.

  • Speaker #2

    Qu'est-ce qui fait finalement que les autorités américaines ont du mal à s'adapter à ce profil changeant de migrant ?

  • Speaker #5

    Alors, l'immigration aux États-Unis, c'est un peu un monstre bureaucratique et il n'y a pas eu de réforme. aux États-Unis depuis 1996. Donc ça, ça pose un gros problème, c'est-à-dire que sans loi du Congrès, on ne peut pas vraiment changer le budget, on ne peut pas vraiment changer les règles, à savoir qui peut venir, d'où est-ce qu'ils peuvent venir, sous quelles conditions est-ce qu'ils peuvent venir, comment est-ce qu'ils peuvent rester. Et donc, quand on n'a pas ces changements-là venant du Congrès, c'est à l'administration de prendre des décisions, et des décisions qui peuvent être remises en question par le système judiciaire. qui peuvent être réinterprétées par les groupes de pression, qui peuvent être réinterprétées par les États. Et donc, c'est un peu ça qui pose problème, c'est qu'il n'y a pas eu de réforme aux États-Unis nationales depuis 1996. Et donc, ça laisse se développer de gros problèmes et ça empêche d'avoir cette réactivité. La seule branche du gouvernement qui peut réagir rapidement, c'est l'exécutif, mais l'exécutif change régulièrement. Et donc, avec chaque administration, on a une nouvelle approche de l'immigration. On a bien vu la différence entre Biden, Trump, Obama et les années qui ont précédé.

  • Speaker #2

    Pourquoi est-ce que c'est aussi difficile finalement pour les deux parties de s'accorder sur des mesures à prendre, comme l'augmentation du nombre de policiers aux frontières par exemple, ou l'augmentation des moyens alloués aux agences qui prennent en charge ces migrants qui arrivent ?

  • Speaker #5

    L'immigration, c'est devenu un des sujets qui permet aux deux parties de se distinguer l'un de l'autre. Ce n'était pas le cas il y a une quarantaine d'années. On avait beaucoup plus d'accords entre les deux parties. Mais maintenant, les Républicains ont décidé de devenir un parti qui était plus dur envers l'immigration. Et les Démocrates ont décidé d'agrandir leur coalition en devenant un peu plus souples sur l'immigration. On verra si ça tient encore en 2024. Donc, d'une part, il y a ça. Deuxièmement, il y a beaucoup plus de polarisation au Congrès. Et donc, il y a de moins en moins d'élus. principalement à la Chambre, qui viennent de districts, ce qu'on appelle les districts violés, c'est-à-dire des gens qui sont élus par un amalgame de républicains et de démocrates, donc des gens qui seraient plus modérés. Donc les gens qui sont élus sont des électeurs qui sont soit très conservateurs, soit très libéraux, et donc ils n'ont aucun intérêt à adopter des lois qui représentent un certain compromis. Il y a eu récemment une proposition de loi au Sénat qui aurait donné aux républicains énormément de ce qu'ils veulent, notamment sur la sécurité à la frontière. qui n'aurait pas vraiment donné aux démocrates ce qu'ils voulaient en termes d'un chemin vers la citoyenneté pour les personnes en situation irrégulière. Et après des mois de négociations, Trump, en tant que chef de parti, a dit aux républicains du Congrès N'adoptez pas cette loi, j'ai besoin de ce sujet pour l'élection Et donc, ils ont abandonné les négociations à la dernière minute.

  • Speaker #1

    Avant d'aller plus loin, revenons sur ce deal qui n'a jamais eu lieu et dont on entend beaucoup parler pendant cette campagne. En février 2024, Joe Biden et un groupe de sénateurs démocrates et républicains ont dévoilé un projet de loi qui aurait alloué plus de 20 milliards de dollars au renforcement des moyens de sécurité à la frontière sud. Cette enveloppe aurait notamment permis de recruter davantage de forces de l'ordre, mais aussi des juges d'immigration, pour traiter les dossiers d'asile qui peuvent mettre des années à être tranchées aujourd'hui. en raison du manque de ressources. La loi aurait aussi donné à l'exécutif le pouvoir de fermer la frontière au-delà d'un certain nombre d'interpellations sur une semaine et aurait durci les conditions d'octroi de l'asile. Certains ont aussi noté que le texte n'abordait pas la situation des dreamers ces immigrés en situation irrégulière arrivés très jeunes sur le sol américain et qui étaient jusqu'à présent au centre des attentions des démocrates. Donald Trump a agi auprès des parlementaires républicains pour couler le texte qui aurait été une victoire pour Joe Biden, Kamala Harris a promis de le ressusciter si elle devient présidente.

  • Speaker #2

    Vous parliez tout à l'heure de l'importance de l'exécutif dans ce dossier en particulier. Quels sont les pouvoirs réels du président, du locataire de la Maison-Blanche sur le contrôle des flux migratoires ? Est-ce que finalement il est limité par d'autres acteurs comme les États fédérés ? les États étrangers, comme le Mexique ou d'autres États qui voient transiter effectivement ces migrants sur le chemin des États-Unis ?

  • Speaker #5

    Alors, le gouvernement fédéral gère l'immigration, c'est-à-dire le nombre de personnes qui peuvent venir et les conditions sous lesquelles ils peuvent venir. Les États, eux, gèrent les immigrés qui sont dans leurs États. Donc, ce à quoi ils ont droit, les professions auxquelles ils peuvent avoir accès, l'université, etc. Le président peut agir de manière assez unilatérale en ce qui concerne la frontière. C'est ce qu'a fait Biden en juin en disant... si on a plus de 2500 demandeurs d'asile par jour, on ferme la porte. Ce qui ne change rien au problème d'origine, ce qui ne fait que repousser le problème plus tard. On a vu pendant la crise sanitaire, le président a pu aussi suspendre les entrées du fait de cette crise sanitaire. Mais ça, c'est par le biais d'une loi adoptée par le Congrès. Donc, c'est le Congrès qui autorise le président à faire ça. Le président peut aussi protéger certains immigrés en situation irrégulière. Et donc, ça, c'est vraiment... un pouvoir du président qui est délégué par le Congrès que les présidents utilisent quand il n'y a pas de réforme. Les États, eux, peuvent mettre des bâtons dans les roues du président en portant plainte. C'est ce qui a été fait avec la décision en juin. Et peuvent rendre la vie plus difficile aux immigrés qui vivent dans leurs États, avec cette logique qu'après tout, si on leur rend la vie trop difficile, ces gens-là partiront.

  • Speaker #2

    C'est ce qu'on a un peu vu aussi avec ces gouverneurs républicains qui envoyaient, acheminés par bus, des migrants qui arrivaient dans leurs États vers des grandes villes démocrates comme New York ou d'autres.

  • Speaker #5

    Oui, donc Abbott était déjà très connu par...

  • Speaker #2

    Le gouverneur du Texas.

  • Speaker #5

    Voilà, Greg Abbott, le gouverneur du Texas, qui avant d'être le gouverneur était le garde des Sceaux du Texas et qui déjà en 2016 avait porté plein compte le gouvernement fédéral pour que le gouvernement fédéral ne compte pas dans le recensement les personnes en situation irrégulière. Et donc là, ce qu'il fait depuis plusieurs années, c'est de... d'usurper les pouvoirs du gouvernement fédéral, donc en plaçant des barrières flottantes sur la... rivières pour empêcher les personnes d'accéder aux États-Unis, en mettant des barrières coupantes pour blesser les gens qui peuvent accéder par le biais de la frontière au Texas, et en envoyant des immigrés vers des villes démocrates, parce qu'il ne va pas les envoyer à Kansas City ou il ne va pas les envoyer à Miami, il les envoie à New York, à San Francisco, à Chicago. Et là, on voit bien que c'est des pouvoirs parce qu'ils s'impliquent dans les transports de personnes et l'arrivée aux immigrés. Donc ça, ça a donné lieu à de nombreuses batailles judiciaires entre le gouvernement fédéral et l'État du Texas. Ces batailles finissent à la Cour suprême, qui a une majorité conservatrice.

  • Speaker #2

    Vous avez parlé de ce deal bipartisan, cet accord bipartisan que Donald Trump pourrait couler pour des raisons électoralistes. Est-ce que lui qui dit que finalement l'administration Biden, le gouvernement Biden a été laxiste ? pendant trois ans, quatre ans, sur la question de la frontière. Est-ce qu'il n'a pas raison aussi ? Est-ce que finalement, le gouvernement Biden n'est pas coupable d'inaction sur ce sujet ?

  • Speaker #5

    La question de savoir s'ils ont été trop lents, ça dépend un peu de savoir à qui on parle. Donc effectivement, si on parle à un démocrate, un démocrate va dire qu'il y avait d'autres urgences quand on est arrivé au pouvoir en 2021. Il y avait notamment la crise sanitaire avec le Covid. Il y avait la relance de l'économie. Mais on voit que l'immigration, c'est un peu le point faible des démocrates, parce qu'Obama avait promis une réforme en 2008, puis arrivé au pouvoir en 2009, finalement, a fait la réforme de la santé, a fait aussi la relance de l'économie après le crash de 2008. Et donc, on voit que l'immigration, c'est régulièrement une promesse des démocrates de campagne, mais qu'il y a rarement un produit après qui arrive. Donc, c'est vrai qu'il y a une grande déception de la part des militants, de la part des organisations qui soutiennent les droits des immigrés. parce que, justement, une fois de plus, les démocrates ont un peu laissé tomber ce sujet au profit d'autres priorités qui, certainement, font partie de ce que le gouvernement doit faire. Mais bon, c'est vrai que ces critiques de la part des militants sont très différentes des critiques de la part de Trump, qui pense que les démocrates ne sont pas allés assez loin, n'ont pas expulsé suffisamment de personnes. Donc, c'est une critique différente, mais effectivement, il y a de quoi justifier cette déception de la part des organisations immigrées, oui.

  • Speaker #2

    Donald Trump parle beaucoup du rôle de Kamala Harris en tant que vice-présidente, que Joe Biden a chargé d'une mission sur l'identification des racines de l'immigration irrégulière aux États-Unis. Quel est son rôle, sa responsabilité en quelque sorte dans... ce que l'on voit aujourd'hui ? Est-ce que c'est une accusation qui est exagérée de la part de Donald Trump ?

  • Speaker #5

    Alors, c'est un petit peu exagéré parce qu'effectivement, le dossier qui lui a été accordé en tant que vice-présidente, c'était d'identifier ses causes, mais principalement pour des pays comme le Nicaragua, le Salvador et le Honduras. Donc, c'était vraiment de... L'idée, c'était de pouvoir identifier ses causes et réduire les flux migratoires. Bon, ça, c'était un problème en 2019 et 2020. Donc, sans des fonds accordés par le Congrès pour soutenir ces pays-là, On peut identifier les causes, mais on ne peut pas y faire grand-chose. Ça n'a aucun effet sur les flux migratoires venant d'autres pays. Et on a vu d'autres pays depuis avoir des problèmes et ça a mené à des flux migratoires comme le Venezuela et Haïti. Et ça n'a aucun impact sur les immigrés qui vivent déjà aux États-Unis, donc les 11 millions qui sont en situation irrégulière. Ce qui est important pour Harris, c'est qu'en tant que vice-présidente, elle est aussi présidente du Sénat. Et donc, elle a été très impliquée dans les négociations justement pour cette proposition de loi bipartisan. qui a été abandonnée par les Républicains. Donc, on voit qu'elle était impliquée, mais en tant que vice-président, elle ne peut que donner son avis au président et elle ne peut que participer à cette discussion. Mais c'est Biden qui prend les décisions. Donc, c'est là pour elle qu'elle peut prendre ses distances par rapport à l'administration Biden en proposant quelque chose de différent de ce que Biden a fait.

  • Speaker #2

    Pour rester sur Kamala Harris, on se souvient d'un déplacement qu'elle avait fait en Amérique centrale où elle a lancé... à l'attention des migrants ne venaient pas. Et on a l'impression effectivement que les démocrates, comme vous le sous-entendiez un peu plus tôt, se rapprochent finalement des républicains en adoptant un discours un peu plus dur vis-à-vis des migrants. Est-ce que c'est votre sentiment ? Est-ce que finalement, ils ne donnent pas raison d'une certaine manière à Donald Trump, qui a été effectivement connu pour ses positions très strictes sur l'immigration ?

  • Speaker #5

    Alors, j'étais assez surprise pendant la convention démocrate, parce que justement, le sujet de l'immigration a été très peu abordé. Oui. Même le passé familial de Kamala Harris a été évoqué, mais elle s'est beaucoup moins appuyée sur cette histoire familiale immigrée, beaucoup moins que ce que je pensais qu'elle allait faire. Et la question de l'immigration et les propositions de la candidate sur l'immigration ont été vraiment très très faibles et très peu mises en avant. Donc effectivement, on peut un peu se demander, quand il y a une élection, il n'y a que deux parties, on se demande toujours quelle coalition est-ce qu'ils vont mettre en place. Et là, ce qu'on peut se demander, c'est... Comment c'est que les électeurs hispaniques, latinos, sont de plus en plus divisés entre les républicains et les démocrates ? Est-ce que les démocrates ont enfin compris que l'immigration, ce n'est pas le sujet à utiliser pour parler aux électeurs latinos qui ont envie qu'on leur parle comme à n'importe quel autre électeur ? Ils ont envie qu'on leur parle de l'économie, de la santé, de l'éducation. Donc c'est assez intéressant et j'ai hâte de voir pendant les prochaines semaines comment est-ce que les démocrates vont se placer par rapport aux républicains. Donc eux, leur argument principal, c'est que l'administration républicaine a traité les immigrés de manière complètement inhumaine et qu'eux ne feraient pas ça. Mais sur la question de renforcer la frontière, on voit un annulement. Et surtout, ce qui a complètement disparu, c'est des propositions de loi sur l'accès à la citoyenneté. Que va-t-il arriver des personnes qui sont déjà ici de manière irrégulière ? On a vu Biden proposer... L'accès à la citoyenneté pour ceux qui sont mariés à des citoyens américains et qui vivent aux États-Unis depuis dix ans, donc il a proposé ça en juin, mais ça a été bloqué par un juge au 26 août 2024. Donc, qu'est-ce qui va arriver avec ça ? Est-ce que les démocrates vont continuer à poursuivre cette route ? C'est une bonne question.

  • Speaker #2

    On voit Donald Trump tenir des propos très violents, en quelque sorte, vis-à-vis des migrants. Il est dans la stigmatisation d'une population qui piquerait des emplois aux minorités qui sont ici aux États-Unis. qui commettrait des crimes violents, des assassinats, des meurtres contre des Américains. Est-ce que c'est un discours qui marche, qui fait mousse, selon vous, sur le plan électoral ?

  • Speaker #5

    On voit que c'est un discours qui marche très bien, parce qu'on voit justement que les démocrates quittent un peu le terrain là-dessus. C'est un discours qui marche depuis des décennies. C'est un discours qui a commencé à être adopté, notamment par les Républicains, dès les années 70, 80, puis 90, au moment où on a vu les changements dans les flux migratoires. Parce que la dernière... grande loi, le dernier grand changement, ça date de 65. Donc c'est à partir des années 70, des années 80, qu'on a vu que les immigrés aux États-Unis ne venaient plus d'Europe, mais venaient d'Asie ou d'Amérique du Sud. Et c'est donc là qu'on a commencé à avoir ce discours qui associait l'immigration avec la criminalité, qui associait l'immigration avec une invasion. Et donc on a vu vraiment ce genre de discours qu'adoptait Trump, qui a démarré dès les années 90, avec la militarisation de la frontière, avec le déploiement sur la frontière de tactiques de guerre, vraiment. Et on sait que ça a rendu la frontière extrêmement dangereuse. On sait que depuis le milieu des années 90, il y a plus de 10 000 personnes qui sont mortes en essayant de traverser la frontière. Et c'est une frontière terrestre la plus dangereuse au monde. Et donc, on voit que ce discours, en plus, fait un effet cycle. C'est-à-dire que ce genre de discours a un effet sur les élus, au Congrès, qui vont accorder davantage de budget pour ce genre de renforcement, ce qui va lier à davantage d'arrestations à la frontière. ce qui va mener à une évaluation auprès du public ou une perception par le public de cette criminalité, qui du coup, le public va demander de la part des élus qu'ils adoptent des lois de plus en plus difficiles. Donc on a cette espèce de cycle infernal qui a été mis en place depuis les années

  • Speaker #0

    80-90.

  • Speaker #1

    Pendant notre discussion avec Fanny Lobby, je n'ai pu m'empêcher de penser à un endroit où je suis allé en reportage en 2022 pour la saison 2 de C'est ça l'Amérique. Il s'agit de la ville de Yuma, en Arizona, qui est posée le long de la frontière avec le Mexique. Une partie du mur de Donald Trump qui longeait la ville n'avait pas été achevée et tous les jours, des migrants empruntaient le trou béant laissé dans l'édifice pour entrer sur le sol américain. Il a même un nom ce trou, il s'agit du Yuma Gap ou la brèche de Yuma. Lors de mon passage, j'ai vu un groupe d'une dizaine de personnes, dont plusieurs enfants, passer à pied par cette entrée. Ils ont été cueillis au bout de quelques minutes par la police aux frontières et emmenés pour le traitement de leur demande d'asile. En août dernier, les Républicains ont accusé Kamala Harris d'avoir changé de ton sur le mur en se montrant favorable à la poursuite de sa construction. C'est l'un des points qui figurent dans l'accord législatif qu'elle veut ressusciter. En 2018, elle avait pourtant appelé ce projet de mur non américain.

  • Speaker #2

    On sait que le voyage pour arriver aux portes des États-Unis, à cette fameuse frontière sud, est loin d'être facile. C'est très périlleux, dangereux. Les migrants prennent énormément de risques pour pouvoir changer de vie. Mais c'est vrai que le dernier pas, parfois, on a l'impression qu'il suffit de passer à travers le mur où il y a parfois des trous béants, comme en Arizona ou dans d'autres parties de la frontière. On a l'impression que ce dernier pas est finalement très facile.

  • Speaker #5

    C'est une frontière qui représente 3000 km. Pour quelqu'un qui est en France, c'est l'équivalent de la distance entre... C'est plus long que la distance entre Paris et Moscou. Donc effectivement, c'est une frontière très longue et il n'est pas du tout réaliste d'envisager de mettre des gardes frontières à tous les 20 mètres ou tous les 50 mètres. C'est absolument impossible. Par contre, ce qu'il faut savoir, c'est que c'est principalement des déserts, des montagnes et des rivières. Et que c'est un désert extrêmement chaud, qui peut être extrêmement froid pendant l'hiver. Et donc, c'est très dangereux. En plus de ça, les lois locales... empêche souvent les citoyens américains d'aider les immigrés à traverser. Et donc en Arizona, par exemple, il y a des personnes qui ont été arrêtées parce qu'elles laissaient de l'eau et de la nourriture dans des zones où on savait que les immigrés traversaient. Et donc ces personnes-là ont été arrêtées, ont été ensuite relaxées, mais très souvent, on a des amendes, on est arrêtés, et donc il y a cet effet qui refroidit un peu ces tentatives d'aide aux immigrés. Après, le discours sur la frontière ne correspond pas vraiment à la réalité. Comment est-ce que les personnes sont en situation irrégulière aux États-Unis ? Principalement, ce n'est pas en traversant la frontière, c'est des gens qui ont un visa, qui viennent aux États-Unis, et le visa arrive à expiration, n'est pas renouvelé, et la personne reste là. Et donc la majorité des 11 millions qui sont aux États-Unis sont arrivés comme ça aux États-Unis. Donc il y a un peu un décalage entre ce discours sur la frontière qui serait trop heureuse et qui laisserait des milliards et des milliards de personnes arriver, et la réalité qui est qu'en fait c'est des personnes... comme vous et moi, qui arrivent aux États-Unis avec un visa et puis qui s'y plaisent et qui décident d'y rester finalement.

  • Speaker #2

    Ils décident de passer outre les limites imposées par le visa.

  • Speaker #5

    Voilà, et ce qu'il faut savoir aussi, c'est que l'immigration légale aux États-Unis est extrêmement difficile. Donc pour un Français, c'est pénible, ça coûte cher, mais c'est faisable. Ce qu'il faut savoir, c'est que pour quelqu'un qui viendrait du Mexique ou des Philippines, par exemple, qui aurait une carte verte, qui serait citoyen américain et qui voudrait faire venir son fils ou sa fille, il y a des délais d'attente qui durent des années. Donc... Par exemple, j'ai regardé les dernières données, c'est-à-dire que quelqu'un qui vient du Mexique, qui est citoyen américain et qui voudrait faire venir son enfant qui n'est pas marié, on traite aujourd'hui les dossiers qui ont été déposés en 2005. Et donc, ça représente une attente de 20 ans. Donc, on ne peut pas s'attendre à ce que les immigrés du Mexique soient plus raisonnables que les immigrés venant d'Europe ou du Canada si on ne met pas en place des systèmes judiciaires qui permettent d'arbitrer et de traiter tous les dossiers d'immigration. forcément qu'il va y avoir de l'immigration irrégulière.

  • Speaker #2

    Toutes les mesures qu'on pourra mettre en œuvre, que ce soit, comme le propose Donald Trump, une expulsion massive de migrants en situation irrégulière ou même le renforcement de moyens à la frontière, comme peuvent le proposer les démocrates, finalement, tout cela ne solutionnera pas. problème de base, qui est finalement pourquoi les gens se sentent obligés de quitter leur pays pour venir aux Etats-Unis, et ça on rencontre effectivement dans des problèmes beaucoup plus complexes, la violence, la guerre des gangs, le changement climatique, etc.

  • Speaker #5

    Oui, c'est ça, il y a énormément de réfugiés qui fuient leur pays, et théoriquement, d'après les lois internationales, les Etats-Unis n'ont pas le droit de fermer la porte, donc les Etats-Unis s'exposent à des sanctions internationales, bon évidemment, qui va aller leur dire ? Mais normalement, les États-Unis doivent suivre les lois internationales concernant les réfugiés. Tant qu'on ne propose pas de solution à la violence, à la pauvreté, ce déséquilibre entre le Nord et le Sud, qui favorise évidemment ce pays du Nord, ça posera aussi problème. Ce qu'il faut aussi dire, c'est que ces expulsions massives, ce serait catastrophique pour les États-Unis. Il y a 11 millions de personnes en situation irrégulière, mais ça représente peut-être 50-60 millions de personnes qui ont un proche. qui est en situation irrégulière. Donc, quand on expulse une personne, ça veut dire qu'il y a bien une dizaine de personnes qui sont affectées, qui doivent maintenant trouver quelqu'un d'autre pour payer le loyer, payer les courses, etc. Ce serait catastrophique pour l'industrie du service, pour l'industrie technologique aux États-Unis. Ce serait catastrophique pour les grandes villes aux États-Unis, qui sont des villes immigrées. À New York, par exemple, un tiers des personnes vivant à New York sont des immigrés. Donc, oui, ce ne sont pas des immigrés en situation irrégulière, mais ce sont des immigrés. Parce que... L'expulsion d'immigrés en situation régulière, ça a aussi des répercussions sur le traitement général des immigrés aux États-Unis. Et donc, ça aurait des répercussions absolument terribles sur la culture américaine, sur la vie politique américaine et sur la vie économique du pays. Ce n'est pas du tout une solution qui est réaliste.

  • Speaker #2

    Merci beaucoup, Fanny Levy.

  • Speaker #5

    Merci.

  • Speaker #1

    Ces derniers mois, le nombre de rencontres à la frontière sud a diminué, s'élevant à 2400 par jour en juin, soit le plus bas niveau depuis janvier 2021, quand Joe Biden est arrivé à la Maison-Blanche. Pourquoi ? Les experts évoquent notamment les récentes mesures restrictives mises en place par le gouvernement Biden. Dans le même temps, le débat politique laisse des traces dans l'opinion. D'après l'institut de sondage Gallup, l'année 2024 marque la première fois depuis 2005 que la majorité des Américains... sont favorables à une réduction de l'immigration. C'est la fin de cet épisode de C'est ça l'Amérique. Un grand merci de l'avoir suivi. On se retrouve la semaine prochaine.

  • Speaker #3

    C'est ça l'Amérique, un podcast proposé par La Croix, le programme Alliance Columbia et le site d'information French Morning.

  • Speaker #0

    Un président pour tous les Américains. Vous pouvez toujours m'accepter.

Chapters

  • Quelles sont les causes de cette crise migratoire aux Etats-Unis ?

    04:43

  • Est-ce que le profil des immigrés a changé ces dernières années aux Etats-Unis ?

    06:08

  • Pourquoi les autorités américaines ont-elles du mal à s'adapter à cette nouvelle immigration ?

    07:56

  • Pourquoi est-ce si difficile pour les démocrates et les républicains de s'accorder sur les mesures à prendre ?

    09:02

  • Quels sont les pouvoirs réels du président américain sur le contrôle des flux migratoires ?

    12:06

  • Le gouvernement Biden a-t-il été laxiste concernant le contrôle de la frontière ?

    14:54

  • Quel a été le rôle de la vice-présidente Kamala Harris sur ce sujet de l'immigration ?

    16:43

  • Les démocrates se rapprochent-ils des républicains en adoptant un discours plus dur vis-à-vis des migrants ?

    18:15

  • Les propos très violents de Donald Trump envers les migrants fonctionnent-ils sur le plan électoral ?

    20:30

  • La maîtrise de l'immigration par le seul contrôle de la frontière sud est-il vraiment réaliste ?

    23:48

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