Entre Donald Trump et Kamala Harris, la bataille du "wokisme" - avec Tristan Cabello cover
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C'est ça l'Amérique

Entre Donald Trump et Kamala Harris, la bataille du "wokisme" - avec Tristan Cabello

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21min |02/10/2024|

1051

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Description

C’est ça l’Amérique, saison 3


En fustigeant les "woke", le camp de Donald Trump mène une offensive culturelle, ciblant les personnes transgenres, les initiatives d’inclusion et les ouvrages abordant les questions raciales ou l’orientation sexuelle. Quels bénéfices espère-t-il en tirer, alors que la société américaine est de plus en plus diversifiée ?


Épisode 4/8 :


"Wokisme" : le mot a fait son apparition dans le vocable politique américain ces dernières années. La droite conservatrice l’utilise volontiers pour dénoncer ce qu’elle perçoit comme les dérives de la gauche progressiste : la promotion des minorités raciales, la reconnaissance des transgenres, l’utilisation de pronoms qui ne correspondent pas au sexe biologique, la défense de l’environnement…


En face, être taxé de "woke" est un motif de fierté pour ceux qui se disent sensibles aux combats des populations historiquement marginalisées en raison de la couleur de leur peau, leur genre ou orientation sexuelle.


Problème : le terme omniprésent est difficile à définir. Même les républicains ne sont pas d’accord entre eux. Et Donald Trump ne l’emploie guère, lui qui adore pourtant lancer des "guerres culturelle" autour des valeurs. Est-ce une erreur de la part du candidat républicain ou un choix stratégique intelligent ?


Dans ce quatrième épisode de "C’est ça l’Amérique", Alexis Buisson, correspondant de "La Croix" à New York, donne la parole à Tristan Cabello, maître de conférences en civilisation américaine à l’université Johns Hopkins.


CRÉDITS :


Écriture et réalisation : Alexis Buisson. Rédaction en chef : Jean-Christophe Ploquin et Paul De Coustin. Production : Célestine Albert-Steward. Mixage : Flavien Edenne. Musique : Emmanuel Viau. Illustration : Olivier Balez.


► Vous avez une question ou une remarque ? Écrivez-nous à cette adresse : podcast.lacroix@groupebayard.com


"C'est ça l'Amérique" est un podcast original de LA CROIX - Octobre 2024.


En partenariat avec le programme Alliance – Columbia et ses partenaires (Sciences-Po, Polytechnique, La Sorbonne), et French Morning, le premier web magazine des Français d’Amérique.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Kamala ! It will make the world stronger. Because I believe everyone has a right to safety, to dignity...

  • Speaker #1

    Bonjour, je suis Alexis Buisson, le correspondant de La Croix à New York. Bienvenue dans C'est ça l'Amérique, le podcast qui explore les enjeux des élections américaines de

  • Speaker #0

    2024. Kamala !

  • Speaker #1

    You're fired ! Chaque semaine, et jusqu'au scrutin, Découvrez les éclairages d'experts francophones établis aux États-Unis.

  • Speaker #0

    C'est ça l'Amérique et ça commence maintenant.

  • Speaker #1

    La voix que vous entendez, c'est celle de Chai Leffler, un jeune américain que j'ai rencontré l'an dernier en Floride, sur le campus de son université New College. Cet établissement était à ce moment-là l'épicentre de l'offensive anti-woke engagée par le gouverneur républicain de Floride, Ron DeSantis. Université publique, New College a la réputation d'avoir un corps enseignant et étudiant très progressiste. La moitié de ceux qui fréquentent cette université appartiennent à la communauté LGBT, lesbienne, gay, bi et transsexuelle. C'est le cas de Chai, qui est homosexuel. L'an dernier, alors qu'il préparait sa candidature aux primaires de son parti pour la présidentielle, Ron DeSantis a voulu donner à l'institution une nouvelle orientation. Les changements, petits et grands, ne se sont pas fait attendre. Il a remplacé ses administrateurs par des personnalités conservatrices, des postes de titulaire ont été refusés à des professeurs, des licenciements de personnel ont eu lieu, et des passages de la Bible ont fait leur apparition sur les gobelets de la cafette. Certains professeurs et étudiants ont décidé de partir d'eux-mêmes face à cette atmosphère qu'ils décrivent comme hostile. Tchaï Leffler. Nous avons beaucoup de toilettes individuelles, neutres ou non genrées sur le campus. Mais ce semestre, la signalétique a été arrachée des murs. Pour les remplacer, ils ont collé des pancartes de toilettes dédiées aux familles. C'est plein de petites choses comme ça. Selon moi, tout ça, c'est destiné à mener une guerre culturelle stupide. Dans les faits, rien ne change, les toilettes sont toujours non genrées, mais ils ne veulent simplement pas les appeler comme ça. Rien ne change. Le bâtiment est toujours gender neutral.

  • Speaker #0

    Vous ne voulez pas le appeler un bâtiment gender neutral.

  • Speaker #1

    Le cas de New College illustre le combat anti-woke qui s'est déployé dans plusieurs États républicains en réponse au mouvement antiraciste Black Lives Matter en 2020 et aux restrictions de la crise sanitaire. Ce mouvement prend des formes variées. Interdiction d'évoquer les questions raciales ou de genre dans les salles de classe, bannissement de livres sur ces sujets, démantèlement des programmes de promotion de la diversité et de l'inclusion, et en dehors du milieu scolaire, tout ce qui peut toucher de près ou de loin à des causes progressistes se retrouvent aussi dans le collimateur des États et des militants, que ce soit les thérapies pour les jeunes transgenres, les placements financiers dans des causes sociales ou climatiques, ou les politiques de diversité dans les entreprises et les armées. L'objectif affiché, lutter contre une forme d'endoctrinement moderne, un poison ou un virus, comme l'ont décrit certains dirigeants républicains. Que se cache-t-il derrière la montée en puissance de ce mouvement ? J'en discute avec Tristan Cabello, historien, et maître de conférences à l'université Johns Hopkins. Bonjour Tristan Cabello. Bonjour. Merci beaucoup de nous accueillir chez vous. Et je voulais commencer cet épisode en parlant définition un peu, parce que c'est vrai que le mot woke on l'entend beaucoup dans l'actualité, dans la bouche d'hommes et de femmes politiques, sans vraiment trop savoir ce que ça veut dire. Et d'ailleurs, pour commencer, je voulais citer un certain Donald Trump, qui a dit l'an dernier je n'aime pas le mot woke parce que j'entends woke, woke, woke C'est juste un terme qu'ils utilisent, la moitié des gens ne peut pas le définir, ils ne savent pas ce que c'est. Alors, je vous pose la question à vous. Qu'est-ce que ça veut dire, être woke ?

  • Speaker #0

    Alors, woke, je ne vais pas refaire toute la généalogie, mais woke, ça veut dire éveillé aux discriminations et aux politiques des minorités. Moi, ce que je vois, c'est qu'en France et aux États-Unis, on ne l'emploie pas de la même manière, en fait. En France, on emploie souvent le mot wokisme et on a l'impression que c'est une idéologie qui est très bien définie, qui a des contours très stricts, etc. Une idéologie dont les gens se revendiqueraient. Or, personne vraiment se revendique du wokisme. Alors qu'aux États-Unis, on utilise beaucoup moins ce mot wokisme ou wokness des fois on voit, mais surtout on utilise le mot wok Et donc le mot wok c'est très intéressant, c'est beaucoup plus percutant, je voudrais dire, parce que wok ça s'identifie à des personnes, en fait. Et donc quand on parle de ça, quand on parle de wokisme quand on parle de wok aux États-Unis, on parle des personnes. Alors comment est-ce que la droite s'est mobilisée autour de cette offensive anti-wok ? Moi, je crois que vraiment, il n'y a rien de nouveau ici, c'est-à-dire que la droite américaine, elle réactive des guerres culturelles. Alors, sur Nixon, l'ennemi, c'était le noir américain qui faisait des émeutes dans les grandes villes américaines. Sourigan, c'était l'homosexuel, la personne qui était séropositif. Aujourd'hui, la droite américaine, elle essaie encore de définir cet autre qui serait un ennemi, souvent de l'intérieur, d'ailleurs. Alors, tour à tour, c'est les étudiants des grandes universités, c'est la personne trans, etc. Donc, en fait, ce que la droite fait sous cette offensive anti-woke, c'est juste simplement réarranger des guerres culturelles qui ont toujours existé aux États-Unis.

  • Speaker #1

    C'est effectivement un terme qui a finalement beaucoup de définitions différentes, mais ce qui est intéressant quand même aujourd'hui, c'est qu'on a l'impression que cette lutte anti-woke, entre guillemets, se déploie dans tout un tas de sphères très différentes. L'école, bien entendu, l'université, aussi la finance, vous l'avez mentionné, la remise en cause de la population transgenre. Ça, c'est une nouveauté quand même.

  • Speaker #0

    En fait, la nouveauté, c'est que puisque la société américaine devient de plus en plus multiculturelle, de plus en plus diverse et de plus en plus, en fait, ouverte aux revendications des minorités et contre la discrimination des minorités, ce qui devient très difficile pour cette offensive anti-woke et pour la droite américaine, c'est de définir... qui est l'autre, contre quel autre on va se mobiliser. Parce que dans les familles américaines, voilà, maintenant les familles américaines sont mélangées, métissées. On a un cousin qui est marié à une personne de même sexe, ou une personne d'une race différente, ou une personne d'une citoyenneté différente, etc. C'est vrai que la population trans, c'est une population qui est ultra minoritaire aux États-Unis, c'est-à-dire que c'est à peu près 0,5% de la population. Je crois que c'est moins d'un million. d'Américains qui s'identifient comme trans. Et donc, c'est une population, une identité qui est aussi mal comprise, en fait, et facilement stigmatisable. Et donc là, on a un autre qui est facilement mobilisable, en fait, pour la droite américaine, puisque c'est vraiment un autre. C'est-à-dire, c'est une identité qui est ultra minoritaire et qui peut être, voilà, érigée comme une sorte d'épouvantail pour la tradition américaine.

  • Speaker #1

    Qu'est-ce qui fait que cette nouvelle mouture, en quelque sorte, des guerres culturelles dont vous parliez, qui remontent effectivement aux années 70, etc. Qu'est-ce qui a fait que cette nouvelle mouture a émergé, a fait irruption dans les débats publics ? Est-ce que c'est un sujet réellement gagnant pour la droite républicaine ?

  • Speaker #0

    C'est vrai qu'on a vu ce sujet qui a été très mobilisé durant la primaire républicaine, surtout par le candidat Ron DeSantis. Ron DeSantis était le candidat anti-Walk. Il disait bien sûr qu'en Floride, l'État d'où il était le gouverneur serait l'État woke comes to die donc où le wokisme viendrait mourir. Et en effet, il a érigé beaucoup de lois anti-woke dans son État. Or, ce que l'on a vu, c'est que ce candidat-là, qui était un des favoris il y a encore quelques mois, a en fait été éliminé dès le caucus de l'Iowa, c'est-à-dire dès la première primaire de la compétition. Donc on a vu que ça n'a pas été vraiment un sujet très porteur. Et Donald Trump se méfie beaucoup de ce sujet, se méfie beaucoup de mobiliser comme ça ce discours anti-woke, puisque Donald Trump, pour gagner, il aura besoin de mobiliser des minorités dans quelques États clés comme le Michigan, comme la Géorgie, comme la Pennsylvanie. Et donc il est très très subtil sur ces questions. Ce n'est pas un discours qu'il mobilise parce qu'il sait qu'il ne doit pas heurter certains segments de la population, qu'il doit absolument gagner. s'il veut remporter la victoire en novembre.

  • Speaker #1

    Est-ce qu'il y a quand même une utilité pour les Républicains d'agiter en quelque sorte ce thème pour mobiliser leur propre électorat masculin, blanc ?

  • Speaker #0

    Donald Trump, en fait, il est quand même identifié comme le candidat de la tradition, comme le candidat, ici on dirait, de la blanchité, de la suprématie blanche. Et cette population-là, qui est très sensible à ses discours, est déjà mobilisée derrière lui. Donc c'est pour cette raison qu'il ne mobilise pas vraiment ce discours-là. Par contre, vous avez raison. Donald Trump, il doit gagner dans certains États des populations minoritaires. Alors, on parle des Arabes aux musulmans, par exemple, au Michigan. On parle des Afro-Américains en Géorgie. On parle peut-être des Latinos en Floride, même si la Floride n'est pas vraiment un État bascule. Mais ce que l'on voit, c'est que Donald Trump, pour séduire cet électorat-là, il ne mobilise pas du tout les questions identitaires ou les politiques de discrimination. Non. Ce qu'il fait, c'est qu'il offre des solutions, des politiques principalement économiques et sociales qui pourraient mobiliser ces populations et les aider, les aider concrètement. Donc, ce que l'on voit, c'est que Donald Trump, qui avait quand même fait deux campagnes un peu amateurs, les deux dernières, là, il sait très bien sur quels pieds il faut danser et comment, en fait, attirer vers lui des minorités qui, en fait, s'étaient beaucoup éloignées du Parti républicain. Même si les chiffres restent minoritaires, par exemple Donald Trump dans la population afro-américaine, la population afro-américaine est de plus en plus derrière Donald Trump. Ça reste quelque chose d'assez minoritaire. Mais c'est le candidat républicain qui reçoit le plus de soutien de la communauté afro-américaine depuis les années 60. Donc c'est quand même quelque chose, même si ça reste minoritaire. Et Donald Trump sait très bien que pour vraiment séduire ces populations-là, il faut leur proposer des nouvelles lois économiques et sociales qui vraiment améliorent leur vie concrète.

  • Speaker #1

    Avant de continuer, ce que dit Tristan Cabello me rappelle une conversation que j'ai eue en avril dernier avec Owen Brown. Il est professeur de sociologie à Medgar Evers College, une université de New York à majorité noire. Je lui ai demandé pourquoi une partie de la communauté était tentée par le vote Trump.

  • Speaker #0

    On l'écoute.

  • Speaker #1

    On entend beaucoup de jeunes électeurs noirs dire ok, on a voté pour Biden, pour Barack Obama, pour Clinton, mais malgré cela, nos vies sont difficiles. L'accès aux structures d'opportunité du pays n'est pas égal à celle de nos homologues blancs. Ça génère beaucoup de tensions. Tristan Cabello, est-ce qu'on arrive au terme de ce qu'on appelle ici l'identity politics, la politique de l'identité ? Je rappelle que c'est une approche épousée par la gauche américaine et qui aborde les problèmes de la société à travers le prisme des identités raciales, ethniques, de genre, d'orientation sexuelle, etc. Est-ce que finalement ce n'est pas devenu une faiblesse pour les démocrates ?

  • Speaker #0

    Le parti démocrate doit vraiment changer son logiciel par rapport à ces questions de wokisme et d'identité. Le parti démocrate c'est un parti... qui fonctionne encore sur une politique de la représentativité, c'est-à-dire le fait de mettre un cabinet très diversifié, que ces symboles-là changeraient la vie des minorités dans le pays. Ce que cette jeunesse multiculturelle de gauche plus radicale comprend, c'est que ces politiques de représentativité ne changent pas grand-chose. Et que souvent, même s'il y a des symboles ici et là, En fait, la vie des minorités, dans la vraie vie concrètement, ne change pas, ne s'améliore pas. Et donc, ce que le Parti démocrate doit faire pour remobiliser ce segment de la population, qu'il doit absolument mobiliser pour gagner l'élection en novembre, c'est vraiment deux, trois mesures un peu plus fortes sur le social, sur le changement climatique, sur l'économie. Il faut quand même rappeler que cette jeunesse-là, c'est la jeunesse qui aura une vie qui sera certainement moins bien. moins prospère que la génération d'avant, que la génération de leurs parents. Donc il y a beaucoup d'anxiété dans cette jeunesse, le rêve américain qui ne marche plus vraiment. Et donc le Parti démocrate, pour se ressaisir, pour remobiliser ce segment de la population qu'il doit vraiment absolument mobiliser, il faudrait deux, trois mesures fortes et pas seulement des mesures symboliques.

  • Speaker #1

    Les questions d'identité ne sont plus aussi importantes pour cette nouvelle génération d'Américains ?

  • Speaker #0

    Ce n'est pas vraiment qu'elles ne sont plus vraiment importantes, c'est que cette génération a vraiment changé de logiciel. Alors moi, je le vois avec mes étudiants qui sont principalement américains, entre 18 et 22 ans, c'est-à-dire la manière dont ils voient les différences, les identités raciales, les identités de genre, les identités sexuelles, ce n'est plus du tout le même logiciel que la génération d'avant, que ma génération, par exemple. Et donc... C'est pas vraiment que c'est central, mais disons qu'ils ne voient plus vraiment ces différences-là, puisqu'ils évoluent dans des milieux qui sont très divers et qui sont complètement mélangés. Ce qui mobilise, ce qui unit cette jeunesse-là, ce ne sont plus du tout les problématiques de discrimination ou les problématiques d'identité. C'est vraiment des problématiques politiques profondes, transversales, comme le changement climatique, comme... Le monde du travail, comme les problèmes économiques, redonner du sens finalement à leur vie professionnelle, à leur vie personnelle, c'est vraiment ce genre de politique et de désir qui les anime, c'est plus du tout ces problèmes d'identité.

  • Speaker #1

    Est-ce que d'une certaine manière, le parti républicain n'est pas plus en phase finalement avec la manière dont cette jeunesse aborde la question de l'identité ? On voit le parti républicain dire, citer Martin Luther King par exemple, qui disait qu'il fallait... davantage juger les personnes à l'aune de leur personnalité, qu'à la couleur de leur peau, etc. On a l'impression finalement que sur ce thème-là, les Républicains sont peut-être plus en phase avec ce que vous décrivez que le Parti démocrate.

  • Speaker #0

    Oui et non, en fait c'est vrai et c'est faux. C'est-à-dire que le Parti républicain, c'est quand même encore le parti de la tradition. C'est un parti qui est quand même prédominamment blanc. Et donc la manière dont le Parti républicain voit encore Ces problèmes de discrimination et de politique identitaire, c'est quand même encore cette même dynamique du nous contre eux C'est-à-dire qu'il y a une norme américaine, alors selon Donald Trump c'est peut-être la norme blanche, hétérosexuelle, la famille nucléaire comme on l'appelle, etc. Et puis il y a les autres quand même. La manière dont cette jeunesse dont je parlais tout à l'heure voit ces problèmes d'identité, c'est pas vraiment justement en voyant les différences, mais c'est simplement en acceptant le fait. que toutes ces différences sont égales. Donc, ce n'est pas qu'ils ne voient plus les différences, mais c'est simplement que, pour eux, il y a vraiment un signe égal entre toute cette diversité, ce qui n'est pas le cas encore de ce qui se passe du côté de la droite républicaine. Par contre, il est vrai que la droite républicaine, même si elle ne fait pas très attention à toutes ces problématiques de discrimination et les problématiques identitaires, propose, en fait, des mesures qui, à premier abord, peuvent sembler comme ayant un... potentiel pour améliorer la vie de tous les concitoyens, de toutes les personnes vraiment sans problème d'identité. Et donc, de ce point de vue-là, je pense que le Parti républicain, en effet, offre des solutions qui ont l'air, en tout cas au premier abord, d'être beaucoup plus concrètes.

  • Speaker #1

    Est-ce qu'il sera plus facile selon vous pour les républicains d'accuser Kamala Harris d'être woke ? Plus facile que pour Joe Biden ?

  • Speaker #0

    En raison de son parcours politique et de ses engagements, Kamala Harris n'est pas nécessairement perçue comme très progressiste ni très woke par la gauche du Parti démocrate. Souvent aussi entre des positions progressistes et puis des positions plus modérées. Mais comme tout démocrate, elle a toujours soutenu les minorités. Et pour les républicains, le simple fait qu'elle apparaisse dans des émissions de drag show, par exemple, ça suffit à l'étiqueter comme woke. Plus important pour eux, je crois, c'est le fait qu'elle incarne peut-être un certain stéréotype de ce qu'ils appellent la woke culture qu'ils rejettent tant. C'est une femme métissée, elle est originaire de San Francisco, elle a réussi sa vie, elle fait partie d'une famille recomposée, elle a co-parenté les enfants de son mari. Elle est en quelque sorte le reflet de l'Amérique d'aujourd'hui. Et donc ce ne sont pas ses actions, mais plutôt son identité qui la rend vulnérable aux attaques des Républicains. En ce sens, je crois qu'elle incarne parfaitement la cible du projet anti-Walk, qui s'en prend avant tout aux individus. On a déjà observé les attaques sur son prénom, sur son identité raciale, sur le fait qu'elle serait une San Francisco liberal, c'est-à-dire une gauchiste de San Francisco. On la critique également en suggérant qu'elle a été recrutée pour satisfaire les critères de diversité, ce qu'on appelle les DEI Hire aux États-Unis, c'est-à-dire les embauches de diversité, d'équité et d'inclusion. Mais pour l'instant, on peut dire que la stratégie de défense de Harris est très bonne. Elle est vraiment irréprochable. Elle ne répond jamais à ses provocations. Elle les rejette comme sans importance. Et ça, je crois que c'est vraiment... une stratégie qui sera payante pour son électorat.

  • Speaker #1

    On verra ce qui va se passer. Merci beaucoup, Tristan Cabello. Merci. Donald Trump a provoqué une controverse en juillet dernier en affirmant faussement, devant une convention de journalistes noirs, que Kamala Harris était, je cite, devenue noire à des fins électoralistes après avoir mis en avant ses racines indiennes au début de sa carrière. Interrogé sur ces déclarations pendant leur débat en septembre, le Républicain a essayé de refermer cette polémique en disant, je cite, qu'il se fichait de l'identité de son adversaire. L'intéressé a répondu que c'était, je cite, une tragédie qu'un candidat à la présidence essaye en permanence d'utiliser l'identité raciale pour diviser le peuple américain C'est la fin de cet épisode de C'est ça l'Amérique. On se retrouve la semaine prochaine pour un nouveau volet de ce podcast.

  • Speaker #0

    C'est ça l'Amérique, un podcast proposé par La Croix, le programme Alliance Columbia et le site d'information French Morning.

Chapters

  • Qu'est-ce que ça veut dire, être "woke" ?

    04:25

  • Dans quels domaines la lutte "anti-woke" se déploit-elle ?

    06:35

  • Pourquoi la lutte "anti-woke" a-t-elle fait irruption dans le débat public ?

    08:17

  • Pourquoi le parti républicain s'implique-t-il dans la lutte "anti-woke" ?

    09:46

  • Qu'est-ce que "l'identity politics" ?

    12:42

  • Les questions d'identité sont-elles moins importantes pour la nouvelle génération d'américains ?

    14:40

  • Le parti républicain est-il plus en phase avec la manière dont la nouvelle génération aborde les questions d'identité ?

    15:55

  • Kamala Harris peut-elle vraiment être considérée comme une personnalité politique "woke" ?

    18:00

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C’est ça l’Amérique, saison 3


En fustigeant les "woke", le camp de Donald Trump mène une offensive culturelle, ciblant les personnes transgenres, les initiatives d’inclusion et les ouvrages abordant les questions raciales ou l’orientation sexuelle. Quels bénéfices espère-t-il en tirer, alors que la société américaine est de plus en plus diversifiée ?


Épisode 4/8 :


"Wokisme" : le mot a fait son apparition dans le vocable politique américain ces dernières années. La droite conservatrice l’utilise volontiers pour dénoncer ce qu’elle perçoit comme les dérives de la gauche progressiste : la promotion des minorités raciales, la reconnaissance des transgenres, l’utilisation de pronoms qui ne correspondent pas au sexe biologique, la défense de l’environnement…


En face, être taxé de "woke" est un motif de fierté pour ceux qui se disent sensibles aux combats des populations historiquement marginalisées en raison de la couleur de leur peau, leur genre ou orientation sexuelle.


Problème : le terme omniprésent est difficile à définir. Même les républicains ne sont pas d’accord entre eux. Et Donald Trump ne l’emploie guère, lui qui adore pourtant lancer des "guerres culturelle" autour des valeurs. Est-ce une erreur de la part du candidat républicain ou un choix stratégique intelligent ?


Dans ce quatrième épisode de "C’est ça l’Amérique", Alexis Buisson, correspondant de "La Croix" à New York, donne la parole à Tristan Cabello, maître de conférences en civilisation américaine à l’université Johns Hopkins.


CRÉDITS :


Écriture et réalisation : Alexis Buisson. Rédaction en chef : Jean-Christophe Ploquin et Paul De Coustin. Production : Célestine Albert-Steward. Mixage : Flavien Edenne. Musique : Emmanuel Viau. Illustration : Olivier Balez.


► Vous avez une question ou une remarque ? Écrivez-nous à cette adresse : podcast.lacroix@groupebayard.com


"C'est ça l'Amérique" est un podcast original de LA CROIX - Octobre 2024.


En partenariat avec le programme Alliance – Columbia et ses partenaires (Sciences-Po, Polytechnique, La Sorbonne), et French Morning, le premier web magazine des Français d’Amérique.


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Transcription

  • Speaker #0

    Kamala ! It will make the world stronger. Because I believe everyone has a right to safety, to dignity...

  • Speaker #1

    Bonjour, je suis Alexis Buisson, le correspondant de La Croix à New York. Bienvenue dans C'est ça l'Amérique, le podcast qui explore les enjeux des élections américaines de

  • Speaker #0

    2024. Kamala !

  • Speaker #1

    You're fired ! Chaque semaine, et jusqu'au scrutin, Découvrez les éclairages d'experts francophones établis aux États-Unis.

  • Speaker #0

    C'est ça l'Amérique et ça commence maintenant.

  • Speaker #1

    La voix que vous entendez, c'est celle de Chai Leffler, un jeune américain que j'ai rencontré l'an dernier en Floride, sur le campus de son université New College. Cet établissement était à ce moment-là l'épicentre de l'offensive anti-woke engagée par le gouverneur républicain de Floride, Ron DeSantis. Université publique, New College a la réputation d'avoir un corps enseignant et étudiant très progressiste. La moitié de ceux qui fréquentent cette université appartiennent à la communauté LGBT, lesbienne, gay, bi et transsexuelle. C'est le cas de Chai, qui est homosexuel. L'an dernier, alors qu'il préparait sa candidature aux primaires de son parti pour la présidentielle, Ron DeSantis a voulu donner à l'institution une nouvelle orientation. Les changements, petits et grands, ne se sont pas fait attendre. Il a remplacé ses administrateurs par des personnalités conservatrices, des postes de titulaire ont été refusés à des professeurs, des licenciements de personnel ont eu lieu, et des passages de la Bible ont fait leur apparition sur les gobelets de la cafette. Certains professeurs et étudiants ont décidé de partir d'eux-mêmes face à cette atmosphère qu'ils décrivent comme hostile. Tchaï Leffler. Nous avons beaucoup de toilettes individuelles, neutres ou non genrées sur le campus. Mais ce semestre, la signalétique a été arrachée des murs. Pour les remplacer, ils ont collé des pancartes de toilettes dédiées aux familles. C'est plein de petites choses comme ça. Selon moi, tout ça, c'est destiné à mener une guerre culturelle stupide. Dans les faits, rien ne change, les toilettes sont toujours non genrées, mais ils ne veulent simplement pas les appeler comme ça. Rien ne change. Le bâtiment est toujours gender neutral.

  • Speaker #0

    Vous ne voulez pas le appeler un bâtiment gender neutral.

  • Speaker #1

    Le cas de New College illustre le combat anti-woke qui s'est déployé dans plusieurs États républicains en réponse au mouvement antiraciste Black Lives Matter en 2020 et aux restrictions de la crise sanitaire. Ce mouvement prend des formes variées. Interdiction d'évoquer les questions raciales ou de genre dans les salles de classe, bannissement de livres sur ces sujets, démantèlement des programmes de promotion de la diversité et de l'inclusion, et en dehors du milieu scolaire, tout ce qui peut toucher de près ou de loin à des causes progressistes se retrouvent aussi dans le collimateur des États et des militants, que ce soit les thérapies pour les jeunes transgenres, les placements financiers dans des causes sociales ou climatiques, ou les politiques de diversité dans les entreprises et les armées. L'objectif affiché, lutter contre une forme d'endoctrinement moderne, un poison ou un virus, comme l'ont décrit certains dirigeants républicains. Que se cache-t-il derrière la montée en puissance de ce mouvement ? J'en discute avec Tristan Cabello, historien, et maître de conférences à l'université Johns Hopkins. Bonjour Tristan Cabello. Bonjour. Merci beaucoup de nous accueillir chez vous. Et je voulais commencer cet épisode en parlant définition un peu, parce que c'est vrai que le mot woke on l'entend beaucoup dans l'actualité, dans la bouche d'hommes et de femmes politiques, sans vraiment trop savoir ce que ça veut dire. Et d'ailleurs, pour commencer, je voulais citer un certain Donald Trump, qui a dit l'an dernier je n'aime pas le mot woke parce que j'entends woke, woke, woke C'est juste un terme qu'ils utilisent, la moitié des gens ne peut pas le définir, ils ne savent pas ce que c'est. Alors, je vous pose la question à vous. Qu'est-ce que ça veut dire, être woke ?

  • Speaker #0

    Alors, woke, je ne vais pas refaire toute la généalogie, mais woke, ça veut dire éveillé aux discriminations et aux politiques des minorités. Moi, ce que je vois, c'est qu'en France et aux États-Unis, on ne l'emploie pas de la même manière, en fait. En France, on emploie souvent le mot wokisme et on a l'impression que c'est une idéologie qui est très bien définie, qui a des contours très stricts, etc. Une idéologie dont les gens se revendiqueraient. Or, personne vraiment se revendique du wokisme. Alors qu'aux États-Unis, on utilise beaucoup moins ce mot wokisme ou wokness des fois on voit, mais surtout on utilise le mot wok Et donc le mot wok c'est très intéressant, c'est beaucoup plus percutant, je voudrais dire, parce que wok ça s'identifie à des personnes, en fait. Et donc quand on parle de ça, quand on parle de wokisme quand on parle de wok aux États-Unis, on parle des personnes. Alors comment est-ce que la droite s'est mobilisée autour de cette offensive anti-wok ? Moi, je crois que vraiment, il n'y a rien de nouveau ici, c'est-à-dire que la droite américaine, elle réactive des guerres culturelles. Alors, sur Nixon, l'ennemi, c'était le noir américain qui faisait des émeutes dans les grandes villes américaines. Sourigan, c'était l'homosexuel, la personne qui était séropositif. Aujourd'hui, la droite américaine, elle essaie encore de définir cet autre qui serait un ennemi, souvent de l'intérieur, d'ailleurs. Alors, tour à tour, c'est les étudiants des grandes universités, c'est la personne trans, etc. Donc, en fait, ce que la droite fait sous cette offensive anti-woke, c'est juste simplement réarranger des guerres culturelles qui ont toujours existé aux États-Unis.

  • Speaker #1

    C'est effectivement un terme qui a finalement beaucoup de définitions différentes, mais ce qui est intéressant quand même aujourd'hui, c'est qu'on a l'impression que cette lutte anti-woke, entre guillemets, se déploie dans tout un tas de sphères très différentes. L'école, bien entendu, l'université, aussi la finance, vous l'avez mentionné, la remise en cause de la population transgenre. Ça, c'est une nouveauté quand même.

  • Speaker #0

    En fait, la nouveauté, c'est que puisque la société américaine devient de plus en plus multiculturelle, de plus en plus diverse et de plus en plus, en fait, ouverte aux revendications des minorités et contre la discrimination des minorités, ce qui devient très difficile pour cette offensive anti-woke et pour la droite américaine, c'est de définir... qui est l'autre, contre quel autre on va se mobiliser. Parce que dans les familles américaines, voilà, maintenant les familles américaines sont mélangées, métissées. On a un cousin qui est marié à une personne de même sexe, ou une personne d'une race différente, ou une personne d'une citoyenneté différente, etc. C'est vrai que la population trans, c'est une population qui est ultra minoritaire aux États-Unis, c'est-à-dire que c'est à peu près 0,5% de la population. Je crois que c'est moins d'un million. d'Américains qui s'identifient comme trans. Et donc, c'est une population, une identité qui est aussi mal comprise, en fait, et facilement stigmatisable. Et donc là, on a un autre qui est facilement mobilisable, en fait, pour la droite américaine, puisque c'est vraiment un autre. C'est-à-dire, c'est une identité qui est ultra minoritaire et qui peut être, voilà, érigée comme une sorte d'épouvantail pour la tradition américaine.

  • Speaker #1

    Qu'est-ce qui fait que cette nouvelle mouture, en quelque sorte, des guerres culturelles dont vous parliez, qui remontent effectivement aux années 70, etc. Qu'est-ce qui a fait que cette nouvelle mouture a émergé, a fait irruption dans les débats publics ? Est-ce que c'est un sujet réellement gagnant pour la droite républicaine ?

  • Speaker #0

    C'est vrai qu'on a vu ce sujet qui a été très mobilisé durant la primaire républicaine, surtout par le candidat Ron DeSantis. Ron DeSantis était le candidat anti-Walk. Il disait bien sûr qu'en Floride, l'État d'où il était le gouverneur serait l'État woke comes to die donc où le wokisme viendrait mourir. Et en effet, il a érigé beaucoup de lois anti-woke dans son État. Or, ce que l'on a vu, c'est que ce candidat-là, qui était un des favoris il y a encore quelques mois, a en fait été éliminé dès le caucus de l'Iowa, c'est-à-dire dès la première primaire de la compétition. Donc on a vu que ça n'a pas été vraiment un sujet très porteur. Et Donald Trump se méfie beaucoup de ce sujet, se méfie beaucoup de mobiliser comme ça ce discours anti-woke, puisque Donald Trump, pour gagner, il aura besoin de mobiliser des minorités dans quelques États clés comme le Michigan, comme la Géorgie, comme la Pennsylvanie. Et donc il est très très subtil sur ces questions. Ce n'est pas un discours qu'il mobilise parce qu'il sait qu'il ne doit pas heurter certains segments de la population, qu'il doit absolument gagner. s'il veut remporter la victoire en novembre.

  • Speaker #1

    Est-ce qu'il y a quand même une utilité pour les Républicains d'agiter en quelque sorte ce thème pour mobiliser leur propre électorat masculin, blanc ?

  • Speaker #0

    Donald Trump, en fait, il est quand même identifié comme le candidat de la tradition, comme le candidat, ici on dirait, de la blanchité, de la suprématie blanche. Et cette population-là, qui est très sensible à ses discours, est déjà mobilisée derrière lui. Donc c'est pour cette raison qu'il ne mobilise pas vraiment ce discours-là. Par contre, vous avez raison. Donald Trump, il doit gagner dans certains États des populations minoritaires. Alors, on parle des Arabes aux musulmans, par exemple, au Michigan. On parle des Afro-Américains en Géorgie. On parle peut-être des Latinos en Floride, même si la Floride n'est pas vraiment un État bascule. Mais ce que l'on voit, c'est que Donald Trump, pour séduire cet électorat-là, il ne mobilise pas du tout les questions identitaires ou les politiques de discrimination. Non. Ce qu'il fait, c'est qu'il offre des solutions, des politiques principalement économiques et sociales qui pourraient mobiliser ces populations et les aider, les aider concrètement. Donc, ce que l'on voit, c'est que Donald Trump, qui avait quand même fait deux campagnes un peu amateurs, les deux dernières, là, il sait très bien sur quels pieds il faut danser et comment, en fait, attirer vers lui des minorités qui, en fait, s'étaient beaucoup éloignées du Parti républicain. Même si les chiffres restent minoritaires, par exemple Donald Trump dans la population afro-américaine, la population afro-américaine est de plus en plus derrière Donald Trump. Ça reste quelque chose d'assez minoritaire. Mais c'est le candidat républicain qui reçoit le plus de soutien de la communauté afro-américaine depuis les années 60. Donc c'est quand même quelque chose, même si ça reste minoritaire. Et Donald Trump sait très bien que pour vraiment séduire ces populations-là, il faut leur proposer des nouvelles lois économiques et sociales qui vraiment améliorent leur vie concrète.

  • Speaker #1

    Avant de continuer, ce que dit Tristan Cabello me rappelle une conversation que j'ai eue en avril dernier avec Owen Brown. Il est professeur de sociologie à Medgar Evers College, une université de New York à majorité noire. Je lui ai demandé pourquoi une partie de la communauté était tentée par le vote Trump.

  • Speaker #0

    On l'écoute.

  • Speaker #1

    On entend beaucoup de jeunes électeurs noirs dire ok, on a voté pour Biden, pour Barack Obama, pour Clinton, mais malgré cela, nos vies sont difficiles. L'accès aux structures d'opportunité du pays n'est pas égal à celle de nos homologues blancs. Ça génère beaucoup de tensions. Tristan Cabello, est-ce qu'on arrive au terme de ce qu'on appelle ici l'identity politics, la politique de l'identité ? Je rappelle que c'est une approche épousée par la gauche américaine et qui aborde les problèmes de la société à travers le prisme des identités raciales, ethniques, de genre, d'orientation sexuelle, etc. Est-ce que finalement ce n'est pas devenu une faiblesse pour les démocrates ?

  • Speaker #0

    Le parti démocrate doit vraiment changer son logiciel par rapport à ces questions de wokisme et d'identité. Le parti démocrate c'est un parti... qui fonctionne encore sur une politique de la représentativité, c'est-à-dire le fait de mettre un cabinet très diversifié, que ces symboles-là changeraient la vie des minorités dans le pays. Ce que cette jeunesse multiculturelle de gauche plus radicale comprend, c'est que ces politiques de représentativité ne changent pas grand-chose. Et que souvent, même s'il y a des symboles ici et là, En fait, la vie des minorités, dans la vraie vie concrètement, ne change pas, ne s'améliore pas. Et donc, ce que le Parti démocrate doit faire pour remobiliser ce segment de la population, qu'il doit absolument mobiliser pour gagner l'élection en novembre, c'est vraiment deux, trois mesures un peu plus fortes sur le social, sur le changement climatique, sur l'économie. Il faut quand même rappeler que cette jeunesse-là, c'est la jeunesse qui aura une vie qui sera certainement moins bien. moins prospère que la génération d'avant, que la génération de leurs parents. Donc il y a beaucoup d'anxiété dans cette jeunesse, le rêve américain qui ne marche plus vraiment. Et donc le Parti démocrate, pour se ressaisir, pour remobiliser ce segment de la population qu'il doit vraiment absolument mobiliser, il faudrait deux, trois mesures fortes et pas seulement des mesures symboliques.

  • Speaker #1

    Les questions d'identité ne sont plus aussi importantes pour cette nouvelle génération d'Américains ?

  • Speaker #0

    Ce n'est pas vraiment qu'elles ne sont plus vraiment importantes, c'est que cette génération a vraiment changé de logiciel. Alors moi, je le vois avec mes étudiants qui sont principalement américains, entre 18 et 22 ans, c'est-à-dire la manière dont ils voient les différences, les identités raciales, les identités de genre, les identités sexuelles, ce n'est plus du tout le même logiciel que la génération d'avant, que ma génération, par exemple. Et donc... C'est pas vraiment que c'est central, mais disons qu'ils ne voient plus vraiment ces différences-là, puisqu'ils évoluent dans des milieux qui sont très divers et qui sont complètement mélangés. Ce qui mobilise, ce qui unit cette jeunesse-là, ce ne sont plus du tout les problématiques de discrimination ou les problématiques d'identité. C'est vraiment des problématiques politiques profondes, transversales, comme le changement climatique, comme... Le monde du travail, comme les problèmes économiques, redonner du sens finalement à leur vie professionnelle, à leur vie personnelle, c'est vraiment ce genre de politique et de désir qui les anime, c'est plus du tout ces problèmes d'identité.

  • Speaker #1

    Est-ce que d'une certaine manière, le parti républicain n'est pas plus en phase finalement avec la manière dont cette jeunesse aborde la question de l'identité ? On voit le parti républicain dire, citer Martin Luther King par exemple, qui disait qu'il fallait... davantage juger les personnes à l'aune de leur personnalité, qu'à la couleur de leur peau, etc. On a l'impression finalement que sur ce thème-là, les Républicains sont peut-être plus en phase avec ce que vous décrivez que le Parti démocrate.

  • Speaker #0

    Oui et non, en fait c'est vrai et c'est faux. C'est-à-dire que le Parti républicain, c'est quand même encore le parti de la tradition. C'est un parti qui est quand même prédominamment blanc. Et donc la manière dont le Parti républicain voit encore Ces problèmes de discrimination et de politique identitaire, c'est quand même encore cette même dynamique du nous contre eux C'est-à-dire qu'il y a une norme américaine, alors selon Donald Trump c'est peut-être la norme blanche, hétérosexuelle, la famille nucléaire comme on l'appelle, etc. Et puis il y a les autres quand même. La manière dont cette jeunesse dont je parlais tout à l'heure voit ces problèmes d'identité, c'est pas vraiment justement en voyant les différences, mais c'est simplement en acceptant le fait. que toutes ces différences sont égales. Donc, ce n'est pas qu'ils ne voient plus les différences, mais c'est simplement que, pour eux, il y a vraiment un signe égal entre toute cette diversité, ce qui n'est pas le cas encore de ce qui se passe du côté de la droite républicaine. Par contre, il est vrai que la droite républicaine, même si elle ne fait pas très attention à toutes ces problématiques de discrimination et les problématiques identitaires, propose, en fait, des mesures qui, à premier abord, peuvent sembler comme ayant un... potentiel pour améliorer la vie de tous les concitoyens, de toutes les personnes vraiment sans problème d'identité. Et donc, de ce point de vue-là, je pense que le Parti républicain, en effet, offre des solutions qui ont l'air, en tout cas au premier abord, d'être beaucoup plus concrètes.

  • Speaker #1

    Est-ce qu'il sera plus facile selon vous pour les républicains d'accuser Kamala Harris d'être woke ? Plus facile que pour Joe Biden ?

  • Speaker #0

    En raison de son parcours politique et de ses engagements, Kamala Harris n'est pas nécessairement perçue comme très progressiste ni très woke par la gauche du Parti démocrate. Souvent aussi entre des positions progressistes et puis des positions plus modérées. Mais comme tout démocrate, elle a toujours soutenu les minorités. Et pour les républicains, le simple fait qu'elle apparaisse dans des émissions de drag show, par exemple, ça suffit à l'étiqueter comme woke. Plus important pour eux, je crois, c'est le fait qu'elle incarne peut-être un certain stéréotype de ce qu'ils appellent la woke culture qu'ils rejettent tant. C'est une femme métissée, elle est originaire de San Francisco, elle a réussi sa vie, elle fait partie d'une famille recomposée, elle a co-parenté les enfants de son mari. Elle est en quelque sorte le reflet de l'Amérique d'aujourd'hui. Et donc ce ne sont pas ses actions, mais plutôt son identité qui la rend vulnérable aux attaques des Républicains. En ce sens, je crois qu'elle incarne parfaitement la cible du projet anti-Walk, qui s'en prend avant tout aux individus. On a déjà observé les attaques sur son prénom, sur son identité raciale, sur le fait qu'elle serait une San Francisco liberal, c'est-à-dire une gauchiste de San Francisco. On la critique également en suggérant qu'elle a été recrutée pour satisfaire les critères de diversité, ce qu'on appelle les DEI Hire aux États-Unis, c'est-à-dire les embauches de diversité, d'équité et d'inclusion. Mais pour l'instant, on peut dire que la stratégie de défense de Harris est très bonne. Elle est vraiment irréprochable. Elle ne répond jamais à ses provocations. Elle les rejette comme sans importance. Et ça, je crois que c'est vraiment... une stratégie qui sera payante pour son électorat.

  • Speaker #1

    On verra ce qui va se passer. Merci beaucoup, Tristan Cabello. Merci. Donald Trump a provoqué une controverse en juillet dernier en affirmant faussement, devant une convention de journalistes noirs, que Kamala Harris était, je cite, devenue noire à des fins électoralistes après avoir mis en avant ses racines indiennes au début de sa carrière. Interrogé sur ces déclarations pendant leur débat en septembre, le Républicain a essayé de refermer cette polémique en disant, je cite, qu'il se fichait de l'identité de son adversaire. L'intéressé a répondu que c'était, je cite, une tragédie qu'un candidat à la présidence essaye en permanence d'utiliser l'identité raciale pour diviser le peuple américain C'est la fin de cet épisode de C'est ça l'Amérique. On se retrouve la semaine prochaine pour un nouveau volet de ce podcast.

  • Speaker #0

    C'est ça l'Amérique, un podcast proposé par La Croix, le programme Alliance Columbia et le site d'information French Morning.

Chapters

  • Qu'est-ce que ça veut dire, être "woke" ?

    04:25

  • Dans quels domaines la lutte "anti-woke" se déploit-elle ?

    06:35

  • Pourquoi la lutte "anti-woke" a-t-elle fait irruption dans le débat public ?

    08:17

  • Pourquoi le parti républicain s'implique-t-il dans la lutte "anti-woke" ?

    09:46

  • Qu'est-ce que "l'identity politics" ?

    12:42

  • Les questions d'identité sont-elles moins importantes pour la nouvelle génération d'américains ?

    14:40

  • Le parti républicain est-il plus en phase avec la manière dont la nouvelle génération aborde les questions d'identité ?

    15:55

  • Kamala Harris peut-elle vraiment être considérée comme une personnalité politique "woke" ?

    18:00

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Description

C’est ça l’Amérique, saison 3


En fustigeant les "woke", le camp de Donald Trump mène une offensive culturelle, ciblant les personnes transgenres, les initiatives d’inclusion et les ouvrages abordant les questions raciales ou l’orientation sexuelle. Quels bénéfices espère-t-il en tirer, alors que la société américaine est de plus en plus diversifiée ?


Épisode 4/8 :


"Wokisme" : le mot a fait son apparition dans le vocable politique américain ces dernières années. La droite conservatrice l’utilise volontiers pour dénoncer ce qu’elle perçoit comme les dérives de la gauche progressiste : la promotion des minorités raciales, la reconnaissance des transgenres, l’utilisation de pronoms qui ne correspondent pas au sexe biologique, la défense de l’environnement…


En face, être taxé de "woke" est un motif de fierté pour ceux qui se disent sensibles aux combats des populations historiquement marginalisées en raison de la couleur de leur peau, leur genre ou orientation sexuelle.


Problème : le terme omniprésent est difficile à définir. Même les républicains ne sont pas d’accord entre eux. Et Donald Trump ne l’emploie guère, lui qui adore pourtant lancer des "guerres culturelle" autour des valeurs. Est-ce une erreur de la part du candidat républicain ou un choix stratégique intelligent ?


Dans ce quatrième épisode de "C’est ça l’Amérique", Alexis Buisson, correspondant de "La Croix" à New York, donne la parole à Tristan Cabello, maître de conférences en civilisation américaine à l’université Johns Hopkins.


CRÉDITS :


Écriture et réalisation : Alexis Buisson. Rédaction en chef : Jean-Christophe Ploquin et Paul De Coustin. Production : Célestine Albert-Steward. Mixage : Flavien Edenne. Musique : Emmanuel Viau. Illustration : Olivier Balez.


► Vous avez une question ou une remarque ? Écrivez-nous à cette adresse : podcast.lacroix@groupebayard.com


"C'est ça l'Amérique" est un podcast original de LA CROIX - Octobre 2024.


En partenariat avec le programme Alliance – Columbia et ses partenaires (Sciences-Po, Polytechnique, La Sorbonne), et French Morning, le premier web magazine des Français d’Amérique.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Kamala ! It will make the world stronger. Because I believe everyone has a right to safety, to dignity...

  • Speaker #1

    Bonjour, je suis Alexis Buisson, le correspondant de La Croix à New York. Bienvenue dans C'est ça l'Amérique, le podcast qui explore les enjeux des élections américaines de

  • Speaker #0

    2024. Kamala !

  • Speaker #1

    You're fired ! Chaque semaine, et jusqu'au scrutin, Découvrez les éclairages d'experts francophones établis aux États-Unis.

  • Speaker #0

    C'est ça l'Amérique et ça commence maintenant.

  • Speaker #1

    La voix que vous entendez, c'est celle de Chai Leffler, un jeune américain que j'ai rencontré l'an dernier en Floride, sur le campus de son université New College. Cet établissement était à ce moment-là l'épicentre de l'offensive anti-woke engagée par le gouverneur républicain de Floride, Ron DeSantis. Université publique, New College a la réputation d'avoir un corps enseignant et étudiant très progressiste. La moitié de ceux qui fréquentent cette université appartiennent à la communauté LGBT, lesbienne, gay, bi et transsexuelle. C'est le cas de Chai, qui est homosexuel. L'an dernier, alors qu'il préparait sa candidature aux primaires de son parti pour la présidentielle, Ron DeSantis a voulu donner à l'institution une nouvelle orientation. Les changements, petits et grands, ne se sont pas fait attendre. Il a remplacé ses administrateurs par des personnalités conservatrices, des postes de titulaire ont été refusés à des professeurs, des licenciements de personnel ont eu lieu, et des passages de la Bible ont fait leur apparition sur les gobelets de la cafette. Certains professeurs et étudiants ont décidé de partir d'eux-mêmes face à cette atmosphère qu'ils décrivent comme hostile. Tchaï Leffler. Nous avons beaucoup de toilettes individuelles, neutres ou non genrées sur le campus. Mais ce semestre, la signalétique a été arrachée des murs. Pour les remplacer, ils ont collé des pancartes de toilettes dédiées aux familles. C'est plein de petites choses comme ça. Selon moi, tout ça, c'est destiné à mener une guerre culturelle stupide. Dans les faits, rien ne change, les toilettes sont toujours non genrées, mais ils ne veulent simplement pas les appeler comme ça. Rien ne change. Le bâtiment est toujours gender neutral.

  • Speaker #0

    Vous ne voulez pas le appeler un bâtiment gender neutral.

  • Speaker #1

    Le cas de New College illustre le combat anti-woke qui s'est déployé dans plusieurs États républicains en réponse au mouvement antiraciste Black Lives Matter en 2020 et aux restrictions de la crise sanitaire. Ce mouvement prend des formes variées. Interdiction d'évoquer les questions raciales ou de genre dans les salles de classe, bannissement de livres sur ces sujets, démantèlement des programmes de promotion de la diversité et de l'inclusion, et en dehors du milieu scolaire, tout ce qui peut toucher de près ou de loin à des causes progressistes se retrouvent aussi dans le collimateur des États et des militants, que ce soit les thérapies pour les jeunes transgenres, les placements financiers dans des causes sociales ou climatiques, ou les politiques de diversité dans les entreprises et les armées. L'objectif affiché, lutter contre une forme d'endoctrinement moderne, un poison ou un virus, comme l'ont décrit certains dirigeants républicains. Que se cache-t-il derrière la montée en puissance de ce mouvement ? J'en discute avec Tristan Cabello, historien, et maître de conférences à l'université Johns Hopkins. Bonjour Tristan Cabello. Bonjour. Merci beaucoup de nous accueillir chez vous. Et je voulais commencer cet épisode en parlant définition un peu, parce que c'est vrai que le mot woke on l'entend beaucoup dans l'actualité, dans la bouche d'hommes et de femmes politiques, sans vraiment trop savoir ce que ça veut dire. Et d'ailleurs, pour commencer, je voulais citer un certain Donald Trump, qui a dit l'an dernier je n'aime pas le mot woke parce que j'entends woke, woke, woke C'est juste un terme qu'ils utilisent, la moitié des gens ne peut pas le définir, ils ne savent pas ce que c'est. Alors, je vous pose la question à vous. Qu'est-ce que ça veut dire, être woke ?

  • Speaker #0

    Alors, woke, je ne vais pas refaire toute la généalogie, mais woke, ça veut dire éveillé aux discriminations et aux politiques des minorités. Moi, ce que je vois, c'est qu'en France et aux États-Unis, on ne l'emploie pas de la même manière, en fait. En France, on emploie souvent le mot wokisme et on a l'impression que c'est une idéologie qui est très bien définie, qui a des contours très stricts, etc. Une idéologie dont les gens se revendiqueraient. Or, personne vraiment se revendique du wokisme. Alors qu'aux États-Unis, on utilise beaucoup moins ce mot wokisme ou wokness des fois on voit, mais surtout on utilise le mot wok Et donc le mot wok c'est très intéressant, c'est beaucoup plus percutant, je voudrais dire, parce que wok ça s'identifie à des personnes, en fait. Et donc quand on parle de ça, quand on parle de wokisme quand on parle de wok aux États-Unis, on parle des personnes. Alors comment est-ce que la droite s'est mobilisée autour de cette offensive anti-wok ? Moi, je crois que vraiment, il n'y a rien de nouveau ici, c'est-à-dire que la droite américaine, elle réactive des guerres culturelles. Alors, sur Nixon, l'ennemi, c'était le noir américain qui faisait des émeutes dans les grandes villes américaines. Sourigan, c'était l'homosexuel, la personne qui était séropositif. Aujourd'hui, la droite américaine, elle essaie encore de définir cet autre qui serait un ennemi, souvent de l'intérieur, d'ailleurs. Alors, tour à tour, c'est les étudiants des grandes universités, c'est la personne trans, etc. Donc, en fait, ce que la droite fait sous cette offensive anti-woke, c'est juste simplement réarranger des guerres culturelles qui ont toujours existé aux États-Unis.

  • Speaker #1

    C'est effectivement un terme qui a finalement beaucoup de définitions différentes, mais ce qui est intéressant quand même aujourd'hui, c'est qu'on a l'impression que cette lutte anti-woke, entre guillemets, se déploie dans tout un tas de sphères très différentes. L'école, bien entendu, l'université, aussi la finance, vous l'avez mentionné, la remise en cause de la population transgenre. Ça, c'est une nouveauté quand même.

  • Speaker #0

    En fait, la nouveauté, c'est que puisque la société américaine devient de plus en plus multiculturelle, de plus en plus diverse et de plus en plus, en fait, ouverte aux revendications des minorités et contre la discrimination des minorités, ce qui devient très difficile pour cette offensive anti-woke et pour la droite américaine, c'est de définir... qui est l'autre, contre quel autre on va se mobiliser. Parce que dans les familles américaines, voilà, maintenant les familles américaines sont mélangées, métissées. On a un cousin qui est marié à une personne de même sexe, ou une personne d'une race différente, ou une personne d'une citoyenneté différente, etc. C'est vrai que la population trans, c'est une population qui est ultra minoritaire aux États-Unis, c'est-à-dire que c'est à peu près 0,5% de la population. Je crois que c'est moins d'un million. d'Américains qui s'identifient comme trans. Et donc, c'est une population, une identité qui est aussi mal comprise, en fait, et facilement stigmatisable. Et donc là, on a un autre qui est facilement mobilisable, en fait, pour la droite américaine, puisque c'est vraiment un autre. C'est-à-dire, c'est une identité qui est ultra minoritaire et qui peut être, voilà, érigée comme une sorte d'épouvantail pour la tradition américaine.

  • Speaker #1

    Qu'est-ce qui fait que cette nouvelle mouture, en quelque sorte, des guerres culturelles dont vous parliez, qui remontent effectivement aux années 70, etc. Qu'est-ce qui a fait que cette nouvelle mouture a émergé, a fait irruption dans les débats publics ? Est-ce que c'est un sujet réellement gagnant pour la droite républicaine ?

  • Speaker #0

    C'est vrai qu'on a vu ce sujet qui a été très mobilisé durant la primaire républicaine, surtout par le candidat Ron DeSantis. Ron DeSantis était le candidat anti-Walk. Il disait bien sûr qu'en Floride, l'État d'où il était le gouverneur serait l'État woke comes to die donc où le wokisme viendrait mourir. Et en effet, il a érigé beaucoup de lois anti-woke dans son État. Or, ce que l'on a vu, c'est que ce candidat-là, qui était un des favoris il y a encore quelques mois, a en fait été éliminé dès le caucus de l'Iowa, c'est-à-dire dès la première primaire de la compétition. Donc on a vu que ça n'a pas été vraiment un sujet très porteur. Et Donald Trump se méfie beaucoup de ce sujet, se méfie beaucoup de mobiliser comme ça ce discours anti-woke, puisque Donald Trump, pour gagner, il aura besoin de mobiliser des minorités dans quelques États clés comme le Michigan, comme la Géorgie, comme la Pennsylvanie. Et donc il est très très subtil sur ces questions. Ce n'est pas un discours qu'il mobilise parce qu'il sait qu'il ne doit pas heurter certains segments de la population, qu'il doit absolument gagner. s'il veut remporter la victoire en novembre.

  • Speaker #1

    Est-ce qu'il y a quand même une utilité pour les Républicains d'agiter en quelque sorte ce thème pour mobiliser leur propre électorat masculin, blanc ?

  • Speaker #0

    Donald Trump, en fait, il est quand même identifié comme le candidat de la tradition, comme le candidat, ici on dirait, de la blanchité, de la suprématie blanche. Et cette population-là, qui est très sensible à ses discours, est déjà mobilisée derrière lui. Donc c'est pour cette raison qu'il ne mobilise pas vraiment ce discours-là. Par contre, vous avez raison. Donald Trump, il doit gagner dans certains États des populations minoritaires. Alors, on parle des Arabes aux musulmans, par exemple, au Michigan. On parle des Afro-Américains en Géorgie. On parle peut-être des Latinos en Floride, même si la Floride n'est pas vraiment un État bascule. Mais ce que l'on voit, c'est que Donald Trump, pour séduire cet électorat-là, il ne mobilise pas du tout les questions identitaires ou les politiques de discrimination. Non. Ce qu'il fait, c'est qu'il offre des solutions, des politiques principalement économiques et sociales qui pourraient mobiliser ces populations et les aider, les aider concrètement. Donc, ce que l'on voit, c'est que Donald Trump, qui avait quand même fait deux campagnes un peu amateurs, les deux dernières, là, il sait très bien sur quels pieds il faut danser et comment, en fait, attirer vers lui des minorités qui, en fait, s'étaient beaucoup éloignées du Parti républicain. Même si les chiffres restent minoritaires, par exemple Donald Trump dans la population afro-américaine, la population afro-américaine est de plus en plus derrière Donald Trump. Ça reste quelque chose d'assez minoritaire. Mais c'est le candidat républicain qui reçoit le plus de soutien de la communauté afro-américaine depuis les années 60. Donc c'est quand même quelque chose, même si ça reste minoritaire. Et Donald Trump sait très bien que pour vraiment séduire ces populations-là, il faut leur proposer des nouvelles lois économiques et sociales qui vraiment améliorent leur vie concrète.

  • Speaker #1

    Avant de continuer, ce que dit Tristan Cabello me rappelle une conversation que j'ai eue en avril dernier avec Owen Brown. Il est professeur de sociologie à Medgar Evers College, une université de New York à majorité noire. Je lui ai demandé pourquoi une partie de la communauté était tentée par le vote Trump.

  • Speaker #0

    On l'écoute.

  • Speaker #1

    On entend beaucoup de jeunes électeurs noirs dire ok, on a voté pour Biden, pour Barack Obama, pour Clinton, mais malgré cela, nos vies sont difficiles. L'accès aux structures d'opportunité du pays n'est pas égal à celle de nos homologues blancs. Ça génère beaucoup de tensions. Tristan Cabello, est-ce qu'on arrive au terme de ce qu'on appelle ici l'identity politics, la politique de l'identité ? Je rappelle que c'est une approche épousée par la gauche américaine et qui aborde les problèmes de la société à travers le prisme des identités raciales, ethniques, de genre, d'orientation sexuelle, etc. Est-ce que finalement ce n'est pas devenu une faiblesse pour les démocrates ?

  • Speaker #0

    Le parti démocrate doit vraiment changer son logiciel par rapport à ces questions de wokisme et d'identité. Le parti démocrate c'est un parti... qui fonctionne encore sur une politique de la représentativité, c'est-à-dire le fait de mettre un cabinet très diversifié, que ces symboles-là changeraient la vie des minorités dans le pays. Ce que cette jeunesse multiculturelle de gauche plus radicale comprend, c'est que ces politiques de représentativité ne changent pas grand-chose. Et que souvent, même s'il y a des symboles ici et là, En fait, la vie des minorités, dans la vraie vie concrètement, ne change pas, ne s'améliore pas. Et donc, ce que le Parti démocrate doit faire pour remobiliser ce segment de la population, qu'il doit absolument mobiliser pour gagner l'élection en novembre, c'est vraiment deux, trois mesures un peu plus fortes sur le social, sur le changement climatique, sur l'économie. Il faut quand même rappeler que cette jeunesse-là, c'est la jeunesse qui aura une vie qui sera certainement moins bien. moins prospère que la génération d'avant, que la génération de leurs parents. Donc il y a beaucoup d'anxiété dans cette jeunesse, le rêve américain qui ne marche plus vraiment. Et donc le Parti démocrate, pour se ressaisir, pour remobiliser ce segment de la population qu'il doit vraiment absolument mobiliser, il faudrait deux, trois mesures fortes et pas seulement des mesures symboliques.

  • Speaker #1

    Les questions d'identité ne sont plus aussi importantes pour cette nouvelle génération d'Américains ?

  • Speaker #0

    Ce n'est pas vraiment qu'elles ne sont plus vraiment importantes, c'est que cette génération a vraiment changé de logiciel. Alors moi, je le vois avec mes étudiants qui sont principalement américains, entre 18 et 22 ans, c'est-à-dire la manière dont ils voient les différences, les identités raciales, les identités de genre, les identités sexuelles, ce n'est plus du tout le même logiciel que la génération d'avant, que ma génération, par exemple. Et donc... C'est pas vraiment que c'est central, mais disons qu'ils ne voient plus vraiment ces différences-là, puisqu'ils évoluent dans des milieux qui sont très divers et qui sont complètement mélangés. Ce qui mobilise, ce qui unit cette jeunesse-là, ce ne sont plus du tout les problématiques de discrimination ou les problématiques d'identité. C'est vraiment des problématiques politiques profondes, transversales, comme le changement climatique, comme... Le monde du travail, comme les problèmes économiques, redonner du sens finalement à leur vie professionnelle, à leur vie personnelle, c'est vraiment ce genre de politique et de désir qui les anime, c'est plus du tout ces problèmes d'identité.

  • Speaker #1

    Est-ce que d'une certaine manière, le parti républicain n'est pas plus en phase finalement avec la manière dont cette jeunesse aborde la question de l'identité ? On voit le parti républicain dire, citer Martin Luther King par exemple, qui disait qu'il fallait... davantage juger les personnes à l'aune de leur personnalité, qu'à la couleur de leur peau, etc. On a l'impression finalement que sur ce thème-là, les Républicains sont peut-être plus en phase avec ce que vous décrivez que le Parti démocrate.

  • Speaker #0

    Oui et non, en fait c'est vrai et c'est faux. C'est-à-dire que le Parti républicain, c'est quand même encore le parti de la tradition. C'est un parti qui est quand même prédominamment blanc. Et donc la manière dont le Parti républicain voit encore Ces problèmes de discrimination et de politique identitaire, c'est quand même encore cette même dynamique du nous contre eux C'est-à-dire qu'il y a une norme américaine, alors selon Donald Trump c'est peut-être la norme blanche, hétérosexuelle, la famille nucléaire comme on l'appelle, etc. Et puis il y a les autres quand même. La manière dont cette jeunesse dont je parlais tout à l'heure voit ces problèmes d'identité, c'est pas vraiment justement en voyant les différences, mais c'est simplement en acceptant le fait. que toutes ces différences sont égales. Donc, ce n'est pas qu'ils ne voient plus les différences, mais c'est simplement que, pour eux, il y a vraiment un signe égal entre toute cette diversité, ce qui n'est pas le cas encore de ce qui se passe du côté de la droite républicaine. Par contre, il est vrai que la droite républicaine, même si elle ne fait pas très attention à toutes ces problématiques de discrimination et les problématiques identitaires, propose, en fait, des mesures qui, à premier abord, peuvent sembler comme ayant un... potentiel pour améliorer la vie de tous les concitoyens, de toutes les personnes vraiment sans problème d'identité. Et donc, de ce point de vue-là, je pense que le Parti républicain, en effet, offre des solutions qui ont l'air, en tout cas au premier abord, d'être beaucoup plus concrètes.

  • Speaker #1

    Est-ce qu'il sera plus facile selon vous pour les républicains d'accuser Kamala Harris d'être woke ? Plus facile que pour Joe Biden ?

  • Speaker #0

    En raison de son parcours politique et de ses engagements, Kamala Harris n'est pas nécessairement perçue comme très progressiste ni très woke par la gauche du Parti démocrate. Souvent aussi entre des positions progressistes et puis des positions plus modérées. Mais comme tout démocrate, elle a toujours soutenu les minorités. Et pour les républicains, le simple fait qu'elle apparaisse dans des émissions de drag show, par exemple, ça suffit à l'étiqueter comme woke. Plus important pour eux, je crois, c'est le fait qu'elle incarne peut-être un certain stéréotype de ce qu'ils appellent la woke culture qu'ils rejettent tant. C'est une femme métissée, elle est originaire de San Francisco, elle a réussi sa vie, elle fait partie d'une famille recomposée, elle a co-parenté les enfants de son mari. Elle est en quelque sorte le reflet de l'Amérique d'aujourd'hui. Et donc ce ne sont pas ses actions, mais plutôt son identité qui la rend vulnérable aux attaques des Républicains. En ce sens, je crois qu'elle incarne parfaitement la cible du projet anti-Walk, qui s'en prend avant tout aux individus. On a déjà observé les attaques sur son prénom, sur son identité raciale, sur le fait qu'elle serait une San Francisco liberal, c'est-à-dire une gauchiste de San Francisco. On la critique également en suggérant qu'elle a été recrutée pour satisfaire les critères de diversité, ce qu'on appelle les DEI Hire aux États-Unis, c'est-à-dire les embauches de diversité, d'équité et d'inclusion. Mais pour l'instant, on peut dire que la stratégie de défense de Harris est très bonne. Elle est vraiment irréprochable. Elle ne répond jamais à ses provocations. Elle les rejette comme sans importance. Et ça, je crois que c'est vraiment... une stratégie qui sera payante pour son électorat.

  • Speaker #1

    On verra ce qui va se passer. Merci beaucoup, Tristan Cabello. Merci. Donald Trump a provoqué une controverse en juillet dernier en affirmant faussement, devant une convention de journalistes noirs, que Kamala Harris était, je cite, devenue noire à des fins électoralistes après avoir mis en avant ses racines indiennes au début de sa carrière. Interrogé sur ces déclarations pendant leur débat en septembre, le Républicain a essayé de refermer cette polémique en disant, je cite, qu'il se fichait de l'identité de son adversaire. L'intéressé a répondu que c'était, je cite, une tragédie qu'un candidat à la présidence essaye en permanence d'utiliser l'identité raciale pour diviser le peuple américain C'est la fin de cet épisode de C'est ça l'Amérique. On se retrouve la semaine prochaine pour un nouveau volet de ce podcast.

  • Speaker #0

    C'est ça l'Amérique, un podcast proposé par La Croix, le programme Alliance Columbia et le site d'information French Morning.

Chapters

  • Qu'est-ce que ça veut dire, être "woke" ?

    04:25

  • Dans quels domaines la lutte "anti-woke" se déploit-elle ?

    06:35

  • Pourquoi la lutte "anti-woke" a-t-elle fait irruption dans le débat public ?

    08:17

  • Pourquoi le parti républicain s'implique-t-il dans la lutte "anti-woke" ?

    09:46

  • Qu'est-ce que "l'identity politics" ?

    12:42

  • Les questions d'identité sont-elles moins importantes pour la nouvelle génération d'américains ?

    14:40

  • Le parti républicain est-il plus en phase avec la manière dont la nouvelle génération aborde les questions d'identité ?

    15:55

  • Kamala Harris peut-elle vraiment être considérée comme une personnalité politique "woke" ?

    18:00

Description

C’est ça l’Amérique, saison 3


En fustigeant les "woke", le camp de Donald Trump mène une offensive culturelle, ciblant les personnes transgenres, les initiatives d’inclusion et les ouvrages abordant les questions raciales ou l’orientation sexuelle. Quels bénéfices espère-t-il en tirer, alors que la société américaine est de plus en plus diversifiée ?


Épisode 4/8 :


"Wokisme" : le mot a fait son apparition dans le vocable politique américain ces dernières années. La droite conservatrice l’utilise volontiers pour dénoncer ce qu’elle perçoit comme les dérives de la gauche progressiste : la promotion des minorités raciales, la reconnaissance des transgenres, l’utilisation de pronoms qui ne correspondent pas au sexe biologique, la défense de l’environnement…


En face, être taxé de "woke" est un motif de fierté pour ceux qui se disent sensibles aux combats des populations historiquement marginalisées en raison de la couleur de leur peau, leur genre ou orientation sexuelle.


Problème : le terme omniprésent est difficile à définir. Même les républicains ne sont pas d’accord entre eux. Et Donald Trump ne l’emploie guère, lui qui adore pourtant lancer des "guerres culturelle" autour des valeurs. Est-ce une erreur de la part du candidat républicain ou un choix stratégique intelligent ?


Dans ce quatrième épisode de "C’est ça l’Amérique", Alexis Buisson, correspondant de "La Croix" à New York, donne la parole à Tristan Cabello, maître de conférences en civilisation américaine à l’université Johns Hopkins.


CRÉDITS :


Écriture et réalisation : Alexis Buisson. Rédaction en chef : Jean-Christophe Ploquin et Paul De Coustin. Production : Célestine Albert-Steward. Mixage : Flavien Edenne. Musique : Emmanuel Viau. Illustration : Olivier Balez.


► Vous avez une question ou une remarque ? Écrivez-nous à cette adresse : podcast.lacroix@groupebayard.com


"C'est ça l'Amérique" est un podcast original de LA CROIX - Octobre 2024.


En partenariat avec le programme Alliance – Columbia et ses partenaires (Sciences-Po, Polytechnique, La Sorbonne), et French Morning, le premier web magazine des Français d’Amérique.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Kamala ! It will make the world stronger. Because I believe everyone has a right to safety, to dignity...

  • Speaker #1

    Bonjour, je suis Alexis Buisson, le correspondant de La Croix à New York. Bienvenue dans C'est ça l'Amérique, le podcast qui explore les enjeux des élections américaines de

  • Speaker #0

    2024. Kamala !

  • Speaker #1

    You're fired ! Chaque semaine, et jusqu'au scrutin, Découvrez les éclairages d'experts francophones établis aux États-Unis.

  • Speaker #0

    C'est ça l'Amérique et ça commence maintenant.

  • Speaker #1

    La voix que vous entendez, c'est celle de Chai Leffler, un jeune américain que j'ai rencontré l'an dernier en Floride, sur le campus de son université New College. Cet établissement était à ce moment-là l'épicentre de l'offensive anti-woke engagée par le gouverneur républicain de Floride, Ron DeSantis. Université publique, New College a la réputation d'avoir un corps enseignant et étudiant très progressiste. La moitié de ceux qui fréquentent cette université appartiennent à la communauté LGBT, lesbienne, gay, bi et transsexuelle. C'est le cas de Chai, qui est homosexuel. L'an dernier, alors qu'il préparait sa candidature aux primaires de son parti pour la présidentielle, Ron DeSantis a voulu donner à l'institution une nouvelle orientation. Les changements, petits et grands, ne se sont pas fait attendre. Il a remplacé ses administrateurs par des personnalités conservatrices, des postes de titulaire ont été refusés à des professeurs, des licenciements de personnel ont eu lieu, et des passages de la Bible ont fait leur apparition sur les gobelets de la cafette. Certains professeurs et étudiants ont décidé de partir d'eux-mêmes face à cette atmosphère qu'ils décrivent comme hostile. Tchaï Leffler. Nous avons beaucoup de toilettes individuelles, neutres ou non genrées sur le campus. Mais ce semestre, la signalétique a été arrachée des murs. Pour les remplacer, ils ont collé des pancartes de toilettes dédiées aux familles. C'est plein de petites choses comme ça. Selon moi, tout ça, c'est destiné à mener une guerre culturelle stupide. Dans les faits, rien ne change, les toilettes sont toujours non genrées, mais ils ne veulent simplement pas les appeler comme ça. Rien ne change. Le bâtiment est toujours gender neutral.

  • Speaker #0

    Vous ne voulez pas le appeler un bâtiment gender neutral.

  • Speaker #1

    Le cas de New College illustre le combat anti-woke qui s'est déployé dans plusieurs États républicains en réponse au mouvement antiraciste Black Lives Matter en 2020 et aux restrictions de la crise sanitaire. Ce mouvement prend des formes variées. Interdiction d'évoquer les questions raciales ou de genre dans les salles de classe, bannissement de livres sur ces sujets, démantèlement des programmes de promotion de la diversité et de l'inclusion, et en dehors du milieu scolaire, tout ce qui peut toucher de près ou de loin à des causes progressistes se retrouvent aussi dans le collimateur des États et des militants, que ce soit les thérapies pour les jeunes transgenres, les placements financiers dans des causes sociales ou climatiques, ou les politiques de diversité dans les entreprises et les armées. L'objectif affiché, lutter contre une forme d'endoctrinement moderne, un poison ou un virus, comme l'ont décrit certains dirigeants républicains. Que se cache-t-il derrière la montée en puissance de ce mouvement ? J'en discute avec Tristan Cabello, historien, et maître de conférences à l'université Johns Hopkins. Bonjour Tristan Cabello. Bonjour. Merci beaucoup de nous accueillir chez vous. Et je voulais commencer cet épisode en parlant définition un peu, parce que c'est vrai que le mot woke on l'entend beaucoup dans l'actualité, dans la bouche d'hommes et de femmes politiques, sans vraiment trop savoir ce que ça veut dire. Et d'ailleurs, pour commencer, je voulais citer un certain Donald Trump, qui a dit l'an dernier je n'aime pas le mot woke parce que j'entends woke, woke, woke C'est juste un terme qu'ils utilisent, la moitié des gens ne peut pas le définir, ils ne savent pas ce que c'est. Alors, je vous pose la question à vous. Qu'est-ce que ça veut dire, être woke ?

  • Speaker #0

    Alors, woke, je ne vais pas refaire toute la généalogie, mais woke, ça veut dire éveillé aux discriminations et aux politiques des minorités. Moi, ce que je vois, c'est qu'en France et aux États-Unis, on ne l'emploie pas de la même manière, en fait. En France, on emploie souvent le mot wokisme et on a l'impression que c'est une idéologie qui est très bien définie, qui a des contours très stricts, etc. Une idéologie dont les gens se revendiqueraient. Or, personne vraiment se revendique du wokisme. Alors qu'aux États-Unis, on utilise beaucoup moins ce mot wokisme ou wokness des fois on voit, mais surtout on utilise le mot wok Et donc le mot wok c'est très intéressant, c'est beaucoup plus percutant, je voudrais dire, parce que wok ça s'identifie à des personnes, en fait. Et donc quand on parle de ça, quand on parle de wokisme quand on parle de wok aux États-Unis, on parle des personnes. Alors comment est-ce que la droite s'est mobilisée autour de cette offensive anti-wok ? Moi, je crois que vraiment, il n'y a rien de nouveau ici, c'est-à-dire que la droite américaine, elle réactive des guerres culturelles. Alors, sur Nixon, l'ennemi, c'était le noir américain qui faisait des émeutes dans les grandes villes américaines. Sourigan, c'était l'homosexuel, la personne qui était séropositif. Aujourd'hui, la droite américaine, elle essaie encore de définir cet autre qui serait un ennemi, souvent de l'intérieur, d'ailleurs. Alors, tour à tour, c'est les étudiants des grandes universités, c'est la personne trans, etc. Donc, en fait, ce que la droite fait sous cette offensive anti-woke, c'est juste simplement réarranger des guerres culturelles qui ont toujours existé aux États-Unis.

  • Speaker #1

    C'est effectivement un terme qui a finalement beaucoup de définitions différentes, mais ce qui est intéressant quand même aujourd'hui, c'est qu'on a l'impression que cette lutte anti-woke, entre guillemets, se déploie dans tout un tas de sphères très différentes. L'école, bien entendu, l'université, aussi la finance, vous l'avez mentionné, la remise en cause de la population transgenre. Ça, c'est une nouveauté quand même.

  • Speaker #0

    En fait, la nouveauté, c'est que puisque la société américaine devient de plus en plus multiculturelle, de plus en plus diverse et de plus en plus, en fait, ouverte aux revendications des minorités et contre la discrimination des minorités, ce qui devient très difficile pour cette offensive anti-woke et pour la droite américaine, c'est de définir... qui est l'autre, contre quel autre on va se mobiliser. Parce que dans les familles américaines, voilà, maintenant les familles américaines sont mélangées, métissées. On a un cousin qui est marié à une personne de même sexe, ou une personne d'une race différente, ou une personne d'une citoyenneté différente, etc. C'est vrai que la population trans, c'est une population qui est ultra minoritaire aux États-Unis, c'est-à-dire que c'est à peu près 0,5% de la population. Je crois que c'est moins d'un million. d'Américains qui s'identifient comme trans. Et donc, c'est une population, une identité qui est aussi mal comprise, en fait, et facilement stigmatisable. Et donc là, on a un autre qui est facilement mobilisable, en fait, pour la droite américaine, puisque c'est vraiment un autre. C'est-à-dire, c'est une identité qui est ultra minoritaire et qui peut être, voilà, érigée comme une sorte d'épouvantail pour la tradition américaine.

  • Speaker #1

    Qu'est-ce qui fait que cette nouvelle mouture, en quelque sorte, des guerres culturelles dont vous parliez, qui remontent effectivement aux années 70, etc. Qu'est-ce qui a fait que cette nouvelle mouture a émergé, a fait irruption dans les débats publics ? Est-ce que c'est un sujet réellement gagnant pour la droite républicaine ?

  • Speaker #0

    C'est vrai qu'on a vu ce sujet qui a été très mobilisé durant la primaire républicaine, surtout par le candidat Ron DeSantis. Ron DeSantis était le candidat anti-Walk. Il disait bien sûr qu'en Floride, l'État d'où il était le gouverneur serait l'État woke comes to die donc où le wokisme viendrait mourir. Et en effet, il a érigé beaucoup de lois anti-woke dans son État. Or, ce que l'on a vu, c'est que ce candidat-là, qui était un des favoris il y a encore quelques mois, a en fait été éliminé dès le caucus de l'Iowa, c'est-à-dire dès la première primaire de la compétition. Donc on a vu que ça n'a pas été vraiment un sujet très porteur. Et Donald Trump se méfie beaucoup de ce sujet, se méfie beaucoup de mobiliser comme ça ce discours anti-woke, puisque Donald Trump, pour gagner, il aura besoin de mobiliser des minorités dans quelques États clés comme le Michigan, comme la Géorgie, comme la Pennsylvanie. Et donc il est très très subtil sur ces questions. Ce n'est pas un discours qu'il mobilise parce qu'il sait qu'il ne doit pas heurter certains segments de la population, qu'il doit absolument gagner. s'il veut remporter la victoire en novembre.

  • Speaker #1

    Est-ce qu'il y a quand même une utilité pour les Républicains d'agiter en quelque sorte ce thème pour mobiliser leur propre électorat masculin, blanc ?

  • Speaker #0

    Donald Trump, en fait, il est quand même identifié comme le candidat de la tradition, comme le candidat, ici on dirait, de la blanchité, de la suprématie blanche. Et cette population-là, qui est très sensible à ses discours, est déjà mobilisée derrière lui. Donc c'est pour cette raison qu'il ne mobilise pas vraiment ce discours-là. Par contre, vous avez raison. Donald Trump, il doit gagner dans certains États des populations minoritaires. Alors, on parle des Arabes aux musulmans, par exemple, au Michigan. On parle des Afro-Américains en Géorgie. On parle peut-être des Latinos en Floride, même si la Floride n'est pas vraiment un État bascule. Mais ce que l'on voit, c'est que Donald Trump, pour séduire cet électorat-là, il ne mobilise pas du tout les questions identitaires ou les politiques de discrimination. Non. Ce qu'il fait, c'est qu'il offre des solutions, des politiques principalement économiques et sociales qui pourraient mobiliser ces populations et les aider, les aider concrètement. Donc, ce que l'on voit, c'est que Donald Trump, qui avait quand même fait deux campagnes un peu amateurs, les deux dernières, là, il sait très bien sur quels pieds il faut danser et comment, en fait, attirer vers lui des minorités qui, en fait, s'étaient beaucoup éloignées du Parti républicain. Même si les chiffres restent minoritaires, par exemple Donald Trump dans la population afro-américaine, la population afro-américaine est de plus en plus derrière Donald Trump. Ça reste quelque chose d'assez minoritaire. Mais c'est le candidat républicain qui reçoit le plus de soutien de la communauté afro-américaine depuis les années 60. Donc c'est quand même quelque chose, même si ça reste minoritaire. Et Donald Trump sait très bien que pour vraiment séduire ces populations-là, il faut leur proposer des nouvelles lois économiques et sociales qui vraiment améliorent leur vie concrète.

  • Speaker #1

    Avant de continuer, ce que dit Tristan Cabello me rappelle une conversation que j'ai eue en avril dernier avec Owen Brown. Il est professeur de sociologie à Medgar Evers College, une université de New York à majorité noire. Je lui ai demandé pourquoi une partie de la communauté était tentée par le vote Trump.

  • Speaker #0

    On l'écoute.

  • Speaker #1

    On entend beaucoup de jeunes électeurs noirs dire ok, on a voté pour Biden, pour Barack Obama, pour Clinton, mais malgré cela, nos vies sont difficiles. L'accès aux structures d'opportunité du pays n'est pas égal à celle de nos homologues blancs. Ça génère beaucoup de tensions. Tristan Cabello, est-ce qu'on arrive au terme de ce qu'on appelle ici l'identity politics, la politique de l'identité ? Je rappelle que c'est une approche épousée par la gauche américaine et qui aborde les problèmes de la société à travers le prisme des identités raciales, ethniques, de genre, d'orientation sexuelle, etc. Est-ce que finalement ce n'est pas devenu une faiblesse pour les démocrates ?

  • Speaker #0

    Le parti démocrate doit vraiment changer son logiciel par rapport à ces questions de wokisme et d'identité. Le parti démocrate c'est un parti... qui fonctionne encore sur une politique de la représentativité, c'est-à-dire le fait de mettre un cabinet très diversifié, que ces symboles-là changeraient la vie des minorités dans le pays. Ce que cette jeunesse multiculturelle de gauche plus radicale comprend, c'est que ces politiques de représentativité ne changent pas grand-chose. Et que souvent, même s'il y a des symboles ici et là, En fait, la vie des minorités, dans la vraie vie concrètement, ne change pas, ne s'améliore pas. Et donc, ce que le Parti démocrate doit faire pour remobiliser ce segment de la population, qu'il doit absolument mobiliser pour gagner l'élection en novembre, c'est vraiment deux, trois mesures un peu plus fortes sur le social, sur le changement climatique, sur l'économie. Il faut quand même rappeler que cette jeunesse-là, c'est la jeunesse qui aura une vie qui sera certainement moins bien. moins prospère que la génération d'avant, que la génération de leurs parents. Donc il y a beaucoup d'anxiété dans cette jeunesse, le rêve américain qui ne marche plus vraiment. Et donc le Parti démocrate, pour se ressaisir, pour remobiliser ce segment de la population qu'il doit vraiment absolument mobiliser, il faudrait deux, trois mesures fortes et pas seulement des mesures symboliques.

  • Speaker #1

    Les questions d'identité ne sont plus aussi importantes pour cette nouvelle génération d'Américains ?

  • Speaker #0

    Ce n'est pas vraiment qu'elles ne sont plus vraiment importantes, c'est que cette génération a vraiment changé de logiciel. Alors moi, je le vois avec mes étudiants qui sont principalement américains, entre 18 et 22 ans, c'est-à-dire la manière dont ils voient les différences, les identités raciales, les identités de genre, les identités sexuelles, ce n'est plus du tout le même logiciel que la génération d'avant, que ma génération, par exemple. Et donc... C'est pas vraiment que c'est central, mais disons qu'ils ne voient plus vraiment ces différences-là, puisqu'ils évoluent dans des milieux qui sont très divers et qui sont complètement mélangés. Ce qui mobilise, ce qui unit cette jeunesse-là, ce ne sont plus du tout les problématiques de discrimination ou les problématiques d'identité. C'est vraiment des problématiques politiques profondes, transversales, comme le changement climatique, comme... Le monde du travail, comme les problèmes économiques, redonner du sens finalement à leur vie professionnelle, à leur vie personnelle, c'est vraiment ce genre de politique et de désir qui les anime, c'est plus du tout ces problèmes d'identité.

  • Speaker #1

    Est-ce que d'une certaine manière, le parti républicain n'est pas plus en phase finalement avec la manière dont cette jeunesse aborde la question de l'identité ? On voit le parti républicain dire, citer Martin Luther King par exemple, qui disait qu'il fallait... davantage juger les personnes à l'aune de leur personnalité, qu'à la couleur de leur peau, etc. On a l'impression finalement que sur ce thème-là, les Républicains sont peut-être plus en phase avec ce que vous décrivez que le Parti démocrate.

  • Speaker #0

    Oui et non, en fait c'est vrai et c'est faux. C'est-à-dire que le Parti républicain, c'est quand même encore le parti de la tradition. C'est un parti qui est quand même prédominamment blanc. Et donc la manière dont le Parti républicain voit encore Ces problèmes de discrimination et de politique identitaire, c'est quand même encore cette même dynamique du nous contre eux C'est-à-dire qu'il y a une norme américaine, alors selon Donald Trump c'est peut-être la norme blanche, hétérosexuelle, la famille nucléaire comme on l'appelle, etc. Et puis il y a les autres quand même. La manière dont cette jeunesse dont je parlais tout à l'heure voit ces problèmes d'identité, c'est pas vraiment justement en voyant les différences, mais c'est simplement en acceptant le fait. que toutes ces différences sont égales. Donc, ce n'est pas qu'ils ne voient plus les différences, mais c'est simplement que, pour eux, il y a vraiment un signe égal entre toute cette diversité, ce qui n'est pas le cas encore de ce qui se passe du côté de la droite républicaine. Par contre, il est vrai que la droite républicaine, même si elle ne fait pas très attention à toutes ces problématiques de discrimination et les problématiques identitaires, propose, en fait, des mesures qui, à premier abord, peuvent sembler comme ayant un... potentiel pour améliorer la vie de tous les concitoyens, de toutes les personnes vraiment sans problème d'identité. Et donc, de ce point de vue-là, je pense que le Parti républicain, en effet, offre des solutions qui ont l'air, en tout cas au premier abord, d'être beaucoup plus concrètes.

  • Speaker #1

    Est-ce qu'il sera plus facile selon vous pour les républicains d'accuser Kamala Harris d'être woke ? Plus facile que pour Joe Biden ?

  • Speaker #0

    En raison de son parcours politique et de ses engagements, Kamala Harris n'est pas nécessairement perçue comme très progressiste ni très woke par la gauche du Parti démocrate. Souvent aussi entre des positions progressistes et puis des positions plus modérées. Mais comme tout démocrate, elle a toujours soutenu les minorités. Et pour les républicains, le simple fait qu'elle apparaisse dans des émissions de drag show, par exemple, ça suffit à l'étiqueter comme woke. Plus important pour eux, je crois, c'est le fait qu'elle incarne peut-être un certain stéréotype de ce qu'ils appellent la woke culture qu'ils rejettent tant. C'est une femme métissée, elle est originaire de San Francisco, elle a réussi sa vie, elle fait partie d'une famille recomposée, elle a co-parenté les enfants de son mari. Elle est en quelque sorte le reflet de l'Amérique d'aujourd'hui. Et donc ce ne sont pas ses actions, mais plutôt son identité qui la rend vulnérable aux attaques des Républicains. En ce sens, je crois qu'elle incarne parfaitement la cible du projet anti-Walk, qui s'en prend avant tout aux individus. On a déjà observé les attaques sur son prénom, sur son identité raciale, sur le fait qu'elle serait une San Francisco liberal, c'est-à-dire une gauchiste de San Francisco. On la critique également en suggérant qu'elle a été recrutée pour satisfaire les critères de diversité, ce qu'on appelle les DEI Hire aux États-Unis, c'est-à-dire les embauches de diversité, d'équité et d'inclusion. Mais pour l'instant, on peut dire que la stratégie de défense de Harris est très bonne. Elle est vraiment irréprochable. Elle ne répond jamais à ses provocations. Elle les rejette comme sans importance. Et ça, je crois que c'est vraiment... une stratégie qui sera payante pour son électorat.

  • Speaker #1

    On verra ce qui va se passer. Merci beaucoup, Tristan Cabello. Merci. Donald Trump a provoqué une controverse en juillet dernier en affirmant faussement, devant une convention de journalistes noirs, que Kamala Harris était, je cite, devenue noire à des fins électoralistes après avoir mis en avant ses racines indiennes au début de sa carrière. Interrogé sur ces déclarations pendant leur débat en septembre, le Républicain a essayé de refermer cette polémique en disant, je cite, qu'il se fichait de l'identité de son adversaire. L'intéressé a répondu que c'était, je cite, une tragédie qu'un candidat à la présidence essaye en permanence d'utiliser l'identité raciale pour diviser le peuple américain C'est la fin de cet épisode de C'est ça l'Amérique. On se retrouve la semaine prochaine pour un nouveau volet de ce podcast.

  • Speaker #0

    C'est ça l'Amérique, un podcast proposé par La Croix, le programme Alliance Columbia et le site d'information French Morning.

Chapters

  • Qu'est-ce que ça veut dire, être "woke" ?

    04:25

  • Dans quels domaines la lutte "anti-woke" se déploit-elle ?

    06:35

  • Pourquoi la lutte "anti-woke" a-t-elle fait irruption dans le débat public ?

    08:17

  • Pourquoi le parti républicain s'implique-t-il dans la lutte "anti-woke" ?

    09:46

  • Qu'est-ce que "l'identity politics" ?

    12:42

  • Les questions d'identité sont-elles moins importantes pour la nouvelle génération d'américains ?

    14:40

  • Le parti républicain est-il plus en phase avec la manière dont la nouvelle génération aborde les questions d'identité ?

    15:55

  • Kamala Harris peut-elle vraiment être considérée comme une personnalité politique "woke" ?

    18:00

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