L’avortement fera-t-il perdre les républicains ? - avec Elisa Chelle cover
L’avortement fera-t-il perdre les républicains ? - avec Elisa Chelle cover
C'est ça l'Amérique

L’avortement fera-t-il perdre les républicains ? - avec Elisa Chelle

L’avortement fera-t-il perdre les républicains ? - avec Elisa Chelle

25min |18/09/2024|

433

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25min |18/09/2024|

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Description

C’est ça l’Amérique, saison 3


La candidate Kamala Harris, investie suite au retrait inattendu de Joe Biden, place la défense de l’avortement au cœur de sa campagne. Le sujet sera-t-il assez mobilisateur pour le camp démocrate et déterminant pour l’issue du scrutin ? 


Épisode 2/8 :


Alors que la révocation de l’arrêt fédéral "Roe vs Wade" en 2022 a permis à plusieurs États républicains de restreindre voire d’interdire complètement l’accès à l’avortement chirurgical, les démocrates espèrent que leur engagement sur cette question saura rallier une large part de l’électorat féminin et jeune, particulièrement sensible à ces décisions.


Pour les républicains, les voyants sont au rouge. Donald Trump a longtemps tergiversé sur ce sujet. Et à chaque fois que la question de la protection de l’accès à l’IVG (interruption volontaire de grossesse) a été soumise à référendum, le camp pro-avortement s’est imposé dans les urnes, y compris dans des États dominés par le parti républicain.


Elisa Chelle, professeure de sciences politiques à l’université Paris Nanterre, chercheuse invitée à Georgetown University, spécialiste des politiques de santé et de la vie politique aux États-Unis, est l’invitée de ce deuxième épisode. Au micro d’Alexis Buisson, elle livre sa perspective sur la manière dont la révocation de "Roe", il y a deux ans, peut peser sur le scrutin.


CRÉDITS :


Écriture et réalisation : Alexis Buisson. Rédaction en chef : Jean-Christophe Ploquin et Paul De Coustin. Production : Célestine Albert-Steward. Mixage : Flavien Edenne. Musique : Emmanuel Viau. Illustration : Olivier Balez.


► Vous avez une question ou une remarque ? Écrivez-nous à cette adresse : podcast.lacroix@groupebayard.com


"C'est ça l'Amérique" est un podcast original de LA CROIX - septembre 2024.


En partenariat avec le programme Alliance – Columbia et ses partenaires (Sciences-Po, Polytechnique, La Sorbonne), et French Morning, le premier web magazine des Français d’Amérique.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Kamala ! It will make the world stronger. Because I believe everyone has a right to safety, to dignity...

  • Speaker #1

    Bonjour, je suis Alexis Buisson, le correspondant de La Croix à New York. Bienvenue dans C'est ça l'Amérique, le podcast qui explore les enjeux des élections américaines de

  • Speaker #0

    2024. Kamala !

  • Speaker #1

    You're fired ! Chaque semaine, et jusqu'au scrutin, Découvrez les éclairages d'experts francophones établis aux États-Unis.

  • Speaker #2

    C'est ça l'Amérique et ça commence maintenant.

  • Speaker #1

    Ce samedi matin de mai 2024, je cherche à joindre Chelsea Stovall pour un entretien téléphonique. Chelsea habite dans l'Arkansas, un état très républicain qui appartient à ce que l'on appelle la Bible Belt, en français la ceinture de la Bible, qui correspond au sud conservateur des Etats-Unis. En 2022, elle était enceinte. Mais les médecins se sont aperçus que sa fille n'avait pas de diaphragme et ne pourrait pas survivre en dehors du ventre de sa mère. Chelsea a donc décidé de recourir à un avortement, mais surprise, pendant sa grossesse, la Cour suprême des Etats-Unis a décidé de révoquer Roe v. Wade, l'arrêt de 1973 qui avait garanti la légalité de l'IVG dans tout le pays jusqu'au seuil de viabilité du foetus. Les Etats se sont ainsi retrouvés dans la position d'établir leurs propres règles en matière d'interruption volontaire de grossesse. En arc-en-ciel, La procédure a été complètement interdite, y compris dans les cas de viol et d'inceste. Chelsea a dû donc se rendre dans l'Illinois à 7 heures de route, triste et en colère. Quand je suis parvenu à la joindre, je lui ai demandé pourquoi elle voulait raconter son histoire. J'étais motivé par ma douleur, j'étais endeuillé par la perte de mon bébé. J'étais aussi en colère contre mon état, mon pays, car j'avais le sentiment qu'ils m'avaient laissé tomber. J'ai eu à voyager plus de 640 kilomètres pour bénéficier de soins de santé alors qu'on est aux Etats-Unis. Cela ne devrait jamais se produire. Mon hôpital se trouve à 10 minutes de chez moi. J'ai une super équipe médicale là-bas. Pourquoi n'aurait-il pas pu m'aider ? La situation illustre la complexité de l'après Roe v. Wade. Certes, la révocation de l'arrêt en juin 2022 était une victoire indéniable pour le mouvement Provis, mais elle a aussi provoqué une forte colère au sein de la société, colère sur laquelle le parti démocrate veut tabler pour se faire réélire le 5 novembre. Dans cet épisode de C'est ça l'Amérique, on s'intéresse à comment ce sujet va peser sur la campagne. Mon invitée est Elisa Schell, elle est professeure de sciences politiques à l'université Paris-Nanterre, chercheuse invitée à l'université américaine Georgetown et spécialiste de la santé et de la vie politique aux États-Unis. Bonjour Elisa Schell. Bonjour. Merci beaucoup d'accepter de participer à cet épisode,

  • Speaker #3

    épisode sur un sujet crucial pour les élections de 2024, l'accès à l'avortement. On est deux ans après la révocation de l'arrêt Roe v. Wade. Je voulais qu'on commence par prendre un peu de hauteur pour dire à nos auditeurs à quoi ressemble finalement le paysage de l'accès à l'avortement aujourd'hui aux États-Unis. Donc si vous deviez décrire ce paysage aujourd'hui, qu'est-ce que vous diriez ?

  • Speaker #4

    Aujourd'hui, aux États-Unis, l'accès à l'avortement est très inégal, puisque depuis cet arrêt d'Obs de 2022, la décision de permettre ou non l'avortement et à quelles conditions a été renvoyée aux États. Donc, on a une situation différente dans quasiment les 50 États, avec un tiers des États qui ont placé des très fortes restrictions, voire des interdictions sur l'avortement. Mais aussi, on a quand même 25 États qui permettent l'avortement, même après 22 semaines. Donc c'est une autorisation qui est large. Dans la majorité des États, l'avortement est protégé. Mais la situation problématique, c'est forcément les États où l'avortement est interdit, même lorsqu'il y a eu des cas de viol, d'inceste, même parfois de danger de mort de la mère. Donc ça, c'est une situation vraiment difficile. Et même... Lorsque l'avortement est permis mais dans un délai de six semaines, c'est une quasi-interdiction, puisque au bout de six semaines, les femmes ne savent pas nécessairement qu'elles sont enceintes.

  • Speaker #3

    On peut parler de deux, voire de trois Amériques sur ce sujet.

  • Speaker #4

    Oui, tout à fait. Il ne faut pas oublier qu'il y a aussi une mobilité entre les États, qui est plus ou moins simple en fonction de l'état où la femme se trouve et qu'elle a besoin d'avorter. Elle peut plus ou moins facilement, en termes de distance et en termes de coûts, accéder. à des services d'avortement dans d'autres états. Un autre point important, c'est que la télémédecine s'est développée et la prescription de pilules abortives, puisque ce qui est quand même le cas le plus courant, on pense toujours à l'avortement chirurgical quand on pense à l'avortement, mais le cas le plus courant, c'est la pilule abortive, et elle peut désormais être prescrite à distance et envoyée par la poste, puisque ça a été tout un sujet de savoir si c'était légal ou non, aux femmes qui en ont besoin. ce qui permet de contourner un certain nombre d'interdictions dans des États. Ça ne résout pas toutes les situations individuelles, mais ça en résout une partie.

  • Speaker #1

    Justement,

  • Speaker #3

    si on fait un zoom sur les États où l'accès à l'avortement est interdit, voire strictement restreint, quelles sont les réalités auxquelles les femmes qui veulent recourir à un avortement font face ? Qu'est-ce qu'on a appris finalement depuis la fin de Roe v. Wade ?

  • Speaker #4

    Alors, depuis 2022, on a observé d'abord une phase de transition. C'est-à-dire que face à la possibilité d'interdire l'avortement, il y a eu des phases intermédiaires dans un certain nombre d'États où, par exemple, le droit à l'avortement était suspendu. Non pas définitivement abrogé, mais suspendu. Donc ça veut dire que pendant 15 mois, pendant un an, dans certains États, les femmes n'avaient pas accès à l'avortement. Donc ça, on se doute bien qu'une période d'un an pour un avortement, c'est très long. Et donc, on a été dans une situation transitoire avec beaucoup de... Procès, puisque c'est le système judiciaire américain qui veut ça. Beaucoup de conflits au niveau des États pour savoir qu'est-ce qui était autorisé, après quel délai. Sachant que dans les États, même dans les États républicains, on observe des désaccords, par exemple entre les Cours suprêmes des États, puisque chaque État a sa Cour suprême, chaque État a sa Constitution. Et chaque État a aussi son Assemblée législative. Et bien sûr des électeurs. Et ces trois entités... les Cours suprêmes, les assemblées et les électeurs ne sont pas forcément sur la même ligne, quand bien même ce sont des États républicains.

  • Speaker #1

    Arrêtons-nous sur le point que soulève Elisa Schell. Dans les États dirigés par les Républicains, qui ont restreint ou interdit le droit à l'IVG, l'un des outils à disposition des défenseurs de l'avortement est le référendum d'initiative populaire. Depuis la fin de Roe, on voit ainsi se multiplier des ballot initiatives comme on les appelle aux États-Unis, pour protéger ou rétablir l'accès à l'IVG. Comment ? En demandant aux électeurs d'inscrire ce droit dans la constitution de leur État ou d'affirmer les protections légales existantes. Jusqu'à présent, à chaque fois que l'accès à l'avortement a été soumis à l'approbation populaire, le camp pro-IVG s'est imposé, y compris dans des États républicains comme le Kansas, l'Ohio et le Kentucky. Autrement dit, l'accès à l'avortement a été garanti, même dans des endroits réputés conservateurs. Le 5 novembre, deux référendums organisés en même temps que la présidentielle seront à suivre de près. Le premier, c'est la Floride, état républicain où les avortements sont presque tous interdits après six semaines de grossesse. L'autre, c'est l'Arizona, un des états clés de 2024 que Joe Biden a remporté de quelques milliers de voix en 2020. En avril 2024, une loi interdisant presque tous les avortements a été évoquée. Adopté au XIXe siècle et brièvement entré en vigueur à la suite d'une décision de la Cour suprême de l'État, les démocrates espèrent que ces référendums créeront un surcroît de mobilisation en leur faveur.

  • Speaker #3

    Qu'est-ce qui se passe exactement ? Pourquoi est-ce qu'on voit ces résultats dans ces États, encore une fois, qui sont très républicains ?

  • Speaker #4

    La polarisation n'est pas la même au niveau national qu'elle peut l'être au niveau local. Donc, aux dernières élections de mi-mandat, on a effectivement eu des référendums d'initiatives populaires dans six États, dont des États républicains, pas que, mais notamment des États républicains, qui ont montré que les électeurs, et notamment les électrices, même républicaines, ont choisi de protéger le droit à l'avortement. Et ce que ça dit ? C'est que l'électorat est beaucoup plus modéré que les états-majors des partis et qu'ils veulent protéger leurs droits. On l'a observé dans l'avortement, mais aussi pour un certain nombre d'états au niveau du salaire minimum, par exemple. Donc même des états républicains peuvent demander certaines protections dans certains états, et notamment concernant l'avortement, puisque dans certains états, il faut dire que les peines encourues peuvent être très lourdes, ça peut être des peines pénales, des condamnations, même d'emprisonnement. qui sont particulièrement lourdes et qui s'expliquent par la réactivation de lois très anciennes d'il y a un siècle ou plus et donc qui mettent les femmes dans des positions de criminels. Et même si on est conservateur et même si on est attaché à la vie, on n'a pas forcément envie d'aller en prison parce qu'il y a un accident, une erreur. Voilà la vie qui arrive comme on dit ici et c'est ce qui explique que... Les électeurs sont plus modérés que les états-majors, encore une fois, et donc on voit un mouvement de balancier vers des positions plus modérées, ce qui d'ailleurs oblige les républicains, si on se souvient des élections primaires qui ont eu lieu, des débats qui ont eu lieu. Les positions des élus républicains, des responsables politiques, sont devenues de plus en plus prudentes sur le sujet, puisque même si le mouvement pro-vie est réel, Au sein du parti républicain, avec un mouvement chrétien, évangélique, mais aussi catholique, assez fort et assez attaché à ce droit à la vie, il y a aussi une partie de l'électorat qui ne souhaite pas aller jusqu'à une nouvelle criminalisation de l'avortement. Et donc on a vu des positions très prudentes pour des candidats comme Nikki Haley, par exemple, et même Ron DeSantis, dans une certaine mesure, même si, en avril 2024, Il y a eu une nouvelle restriction de l'accès à l'avortement en Floride, qui a progressivement passé de 22 semaines à 14, et désormais à 6 semaines, ce qui revient à une quasi-interdiction.

  • Speaker #3

    Est-ce que le mouvement Pro-Life, comme on dit le mouvement Pro-Vie ici, est-ce qu'il a sous-estimé, selon vous, la colère qu'allait provoquer la révocation de Roe v. Wade ? C'était quand même un objectif de ce mouvement depuis 50 ans, depuis que cet arrêt a été institué.

  • Speaker #4

    Alors peut-être, il faudrait leur demander directement, mais... Je crois qu'il y a aussi un effet médiatique, c'est-à-dire qu'avec la polarisation et avec les élections qui sont très proches, on vote tous les deux ans aux États-Unis, donc il y a toujours une exagération médiatique des enjeux qui sont là, et donc il y a une visibilité plus importante des éléments plus radicaux, y compris ceux qu'on voit devant, par exemple, les cliniques d'avortement qui manifestent régulièrement. Alors bien sûr, il y a eu des mouvements plus violents, mais on va dire que les protestations ordinaires des milieux pro-vie... C'est de faire un piqué devant une clinique d'avortement, d'avoir des pancartes et de dissuader autant que possible, ou en tout cas de culpabiliser les femmes qui viennent consulter dans ces cliniques. Donc cette partie de l'électorat, on sait qu'elle est minoritaire. De toute façon, elle n'a jamais été majoritaire dans le parti républicain. Elle joue sa carte, il joue les cartes de leur conviction. Après, ce qui a peut-être été moins anticipé, ce sont les effets du fédéralisme. Puisque le fédéralisme, le fait que chaque État peut s'autodéterminer... Et notamment sur les questions de santé, c'est l'État qui est compétent, crée aussi des opportunités. Parce que ce qui se passe pour les femmes, concrètement, lorsqu'elles ont besoin d'un avortement chirurgical, si elles le peuvent, si elles en ont les ressources, elles se déplacent dans un autre État, éventuellement soutenues par des associations. Le paradoxe, c'est que cette position conservatrice qui consiste à dire c'est la décision des États peut aussi jouer en la défaveur, puisque ça permet aussi aux femmes de contourner, alors bien sûr à un coût plus important, ces interdictions.

  • Speaker #3

    Et on voit, si on en croit les chiffres du Guttmacher Institute, qui est un centre de recherche sur l'avortement, qui est plutôt pro-avortement, mais dont les chiffres font quand même autorité sur ces questions-là. Si on en croit les chiffres de cet institut, les projections sont plutôt que le nombre d'avortements va augmenter en 2023, malgré ces restrictions qui sont entrées en vigueur pour beaucoup en 2022.

  • Speaker #4

    Oui, ça s'explique parce que suite à l'abrogation de Reviway d'il y a deux ans, les États démocrates ont renforcé l'accès à l'avortement. et notamment en incitant le voyage entre États pour pouvoir accéder à l'avortement. Il y a aussi eu, avec ça, c'est un effet du Covid, le développement de la télémédecine, très important. Donc, comme on disait tout à l'heure, l'accès aux pilules abortives est simplifié. Donc, il y a eu un contre-coup, il y a eu une réaction des stratégies d'adaptation, en fait, à cette vague d'interdiction qui explique que l'accès à l'avortement a été relancé. Après, on peut toujours s'interroger sur est-ce que l'augmentation des avortements est un succès ou non. Je pense que pour les femmes, il ne faut pas oublier que l'avortement reste un pis-à-lait malgré tout et que ce qui est important aussi, c'est l'accès à la contraception. Et bien sûr, si cet avortement peut être prévenu en amont, c'est encore ce qui est de meilleur pour la santé des femmes.

  • Speaker #1

    Mais que proposent Kamala Harris et Donald Trump sur le sujet ? En tant que vice-présidente, la démocrate a fait de la défense de l'IVG son cheval de bataille, allant jusqu'à devenir le premier VP à se rendre dans une clinique d'avortement. Elle a promis de ratifier toute loi qui rétablirait les dispositions de Roe v. Wade, à savoir la légalité de l'avortement jusqu'au seuil de viabilité du fœtus. Pour elle, la révocation de cet arrêt est une manifestation supplémentaire de l'extrémisme du parti républicain. Donald Trump, quant à lui, a longtemps tergiversé. Tout en rappelant qu'il a nommé les trois juges conservateurs qui ont permis la fin de Roe, il a d'abord plaidé pour une interdiction nationale de l'avortement après 15 semaines de grossesse avant de se rétracter. Il a fini par réaffirmer que chaque État devait choisir sa propre politique en la matière, laissant donc la porte ouverte aux protections en vigueur. Une position qui ne satisfait guère certains militants anti-avortement, c'est le cas du pasteur évangélique Terry Haman, que j'ai rencontré dans un café de Des Moines en Iowa en janvier 2024, juste avant les fameux caucus de l'Iowa. Ses scrutins ont marqué le début du processus de désignation du candidat du parti républicain à la présidentielle. Il a déçu la communauté évangélique avec ses prises de position. Il a été le président le plus provi que j'ai connu. Mais cette année, il rétropédale. C'est un motif d'inquiétude pour nous. Ma position est la suivante. Comme Trump a été le président le plus anti-avortement, cela aurait du sens sur le plan politique de faire campagne sur ce message. C'est Donald Trump, il peut le faire. Nous aimerions qu'il renforce ses arguments pro-vie et qu'il renoue avec ses positions enterrées.

  • Speaker #3

    Je voulais qu'on parle des conséquences politiques de cette situation. Est-ce que c'est un sujet qui peut faire perdre Donald Trump en novembre ?

  • Speaker #4

    On voit bien qu'il doit en fait jouer sur deux parties de son électorat, à la fois l'électorat le plus religieux, le plus conservateur, sachant que ce n'est pas parce qu'on est religieux qu'on est conservateur aux États-Unis, et comme ailleurs d'ailleurs. Donc les électorats les plus conservateurs, les plus provis vont être forcément sensibles à cette question et ne veulent pas qu'il y ait cet accès facilité à l'avortement pour les raisons qu'on connaît, c'est-à-dire la préservation du don de Dieu, etc. Enfin, ce qui rentre dans ses visions religieuses. Donc Donald Trump doit à la fois garantir le soutien de cet électorat, ce qu'il fait régulièrement par exemple lorsqu'il se met en scène avec la Bible, lorsqu'il fait de la communication autour de... de prophéties, etc. Donc là, il mise vraiment sur cet électorat-là, qu'il doit conserver puisqu'il en a besoin. Mais il sait qu'il y a aussi, dans l'électorat républicain, un peu plus modéré, ou religieux plus libéral, plus ouvert, sur ces questions. Eh bien, il ménage la chèvre et le chou, parce qu'il reste dans le vague volontairement. Donc, pour l'instant, je dirais qu'il a adopté le positionnement le plus efficace, compte tenu de la composition de son électorat. Après, l'avortement est discuté dans les médias américains, mais n'est pas non plus sur le devant de la scène. Les démocrates essayent régulièrement sur leurs médias de faire passer des messages, de dire attention, si Trump revient en pouvoir, l'avortement est en danger Je pense que c'est une stratégie de campagne des démocrates, mais dans les faits, rien n'est moins sûr, Trump n'a fait aucune promesse précise. Sur le sujet, je pense qu'il laissera les États décider, ce qui reste d'ailleurs en ligne avec une certaine version de l'idéologie républicaine. Ce n'est pas de décision centrale, mais ce sont les États qui sont souverains. Voilà, donc pour l'instant, il ne prend pas de risque sur ce sujet-là.

  • Speaker #3

    En refusant de prendre de risque, finalement, il ne s'expose pas à des critiques faciles des deux camps. L'aile conservatrice, religieuse, etc., qui voudrait le voir faire plus. Et puis aussi les démocrates qui disent qu'en gros, il est pour... Laissez chaque État décider, mais ça donne aussi lieu à des interdictions qui sont parfois vues comme extrêmes.

  • Speaker #4

    Ça que les démocrates critiquent Donald Trump, ce n'est pas très étonnant et c'est le jeu dans une campagne électorale. D'autant que le sujet du retour de Donald Trump, c'est vraiment l'argument principal des démocrates dans cette campagne. Donc ça, je dirais que c'est de bonne guerre. Après, bien sûr, chez les Républicains, il peut faire des mécontents, mais l'idée, c'est que les mécontents soient le moins mécontents possible. Ils peuvent être... plus ou moins insatisfait, mais pas révolté par une forme de statu quo. De toute façon, je pense que pour les chrétiens les plus conservateurs, avoir une interdiction totale de l'avortement dans tous les États-Unis, c'est absolument irréaliste. Donc, de toute façon, ça n'arrivera pas. Je dirais que ce qui compte pour ces électorats, c'est surtout ce qui se passe dans leur État. Et là, on voit que la démocratie américaine, elle fonctionne aussi à sa manière. C'est-à-dire que... Lorsqu'il y a une population qui se mobilise, qui fait une pétition, qui réunit suffisamment de signatures, elle peut porter des changements au niveau de l'État, par exemple pour protéger l'avortement dans la constitution de tel ou tel État. Donc il y a des possibilités aussi pour les électeurs à se mobiliser, pour les citoyens à changer la situation dans leur État. Donc oui, pour Donald Trump, je ne pense pas qu'il prenne un gros risque sur ce dossier-là. Le Parti démocrate, lui... essaye de placer ce sujet-là notamment dans l'agenda, mais ça sera plus compliqué de faire campagne uniquement sur ce sujet-là.

  • Speaker #3

    Vous parlez de quelque chose de très intéressant qui n'est pas forcément perçu quand on est en dehors des États-Unis, mais en novembre, les Américains vont aussi voter pour tout un tas de postes au niveau des États, des députés d'État, des sénateurs d'État, parfois même des cours suprêmes d'État. Est-ce que ce sujet de l'avortement, selon vous, va se traduire dans des voies supplémentaires, peut-être pour les démocrates, ou une mobilisation accrue du Parti démocrate dans certains États ? Est-ce qu'il y a des clés aujourd'hui qui permettent de... de répondre dans un sens comme dans l'autre.

  • Speaker #4

    Oui, bien sûr, il peut espérer mobiliser le vote féminin sur ce sujet. Ça peut être un enjeu dans des swing states, où il faut rappeler que les élections présidentielles américaines, ces derniers temps, se jouent sur très peu de voix. C'est-à-dire que les États-clés, et d'ailleurs Donald Trump avait gagné un certain nombre d'États-clés en 2016, par des marges extrêmement fines. Moins de 1% des électeurs, ça représente peut-être... 15 000, 30 000, tout au plus 50 000 électeurs dans un État, ce qui n'est rien sur une population de plusieurs millions, voire une dizaine de millions d'habitants. Donc on est vraiment sur des étiages très minces. Donc les démocrates travaillent sur chaque petite poche d'électorat qui pourrait être convertie, mais c'est quand même un travail assez difficile puisque pour l'instant la décision est au niveau des États. Biden avait promis de faire passer une loi protégeant au niveau fédéral, mais rien n'est moins sûr, puisque comme vous l'avez dit, en novembre, on va voter pour des représentants, pour des sénateurs, en plus d'un certain nombre de fonctions locales et ces fameux référendums locaux. Donc la promesse de Joe Biden de faire passer une loi fédérale sur le sujet est assez incertaine, puisque ça suppose, comme vous l'expliquiez, qu'il y aura des élections au niveau parlementaire, donc au Sénat, à la Chambre des représentants, et il faudrait que les démocrates gagnent dans ces deux chambres. du Parlement et qu'ils aient une majorité suffisante. On se souvient qu'il y a quelques années, une loi de protection de la santé des femmes n'était pas passée à cause d'un démocrate, même pas un républicain, un démocrate Zhou Manqing qui avait pesé de tout son poids dans la balance pour des raisons strictement de carrière personnelle et de montrer qu'il avait de l'importance, ce qui est quand même paradoxal. Donc il faut qu'il ait une majorité fidèle derrière lui, dans les deux chambres, et même dans l'hypothèse où ça se réaliserait, ce qui n'est pas sûr, On n'est pas certain encore que le Parlement, le Congrès aient compétence à protéger au niveau fédéral l'avortement. Ça, rien n'est moins sûr, puisque les décisions jusqu'à présent ont émané de la Cour suprême. Et cette Cour suprême est composée à majorité de juges républicains, pour une partie très conservateur. Donc on ne sait pas du tout ce qui va en advenir. Je pense que pour les démocrates, c'est surtout une promesse de campagne en l'État. C'est une manière d'essayer de capter un certain nombre d'électorats, mais dans les faits, la décision va surtout revenir aux États. Et si les électeurs veulent se mobiliser au niveau de l'État pour faire voter sur cette question, c'est vraiment le chemin de la pétition et du référendum local qui sera le plus efficace.

  • Speaker #3

    Promesse qui ne sera pas nécessairement en mesure de se venir.

  • Speaker #4

    Ce sera difficile.

  • Speaker #3

    Merci beaucoup Elisa Schell. Merci pour votre temps.

  • Speaker #4

    Merci à vous.

  • Speaker #1

    En novembre, les Américains ne voteront pas uniquement pour élire leur président, leur député ou une partie de leur sénateur au niveau fédéral ou national. Ils choisiront aussi des parlementaires fédérés chargés de légiférer au sein de chaque État. Ces élections d'ordinaire peu suivies, car locales, seront très importantes pour le futur de l'accès à l'avortement. Le Parti démocrate l'a compris et entend, selon le Washington Post, investir 60 millions de dollars pour faire basculer des parlements d'États républicains à gauche. Jamais n'avait-il mis... autant d'argent dans ce combat. Le Camp Rovi n'est pas en reste. Le principal groupe du mouvement, le Susan B. Anthony Pro-Life America, a annoncé qu'il comptait lever 92 millions de dollars pour reconquérir la majorité au Sénat des Etats-Unis et battre les démocrates. C'est la fin de cet épisode de C'est ça l'Amérique. On se retrouve la semaine prochaine pour un nouveau numéro. D'ici là, portez-vous bien.

  • Speaker #2

    C'est ça l'Amérique, un podcast proposé par La Croix, le programme Alliance colombienne et le site d'information French Morning.

Chapters

  • A quoi ressemble aujourd'hui le paysage de l'accès à l'avortement aux Etats-Unis ?

    03:43

  • Donc on peut parler de deux voire de trois Amériques sur ce sujet ?

    05:17

  • Quelles sont les réalités auxquelles sont confrontées les femmes qui veulent recourir à un avortement aux Etats-unis ?

    06:10

  • Le mouvement "pro-life" aux Etats-Unis a-t-il sous-estimé la colère qu'allait provoquer la révocation de "Roe vs Wade" ?

    11:49

  • Le nombre d'avortements va-t-il diminuer aux Etats-Unis ?

    13:34

  • Les positions de Donald Trump sur le sujet de l'avortement peuvent-elles lui faire perdre les élections ?

    16:48

  • Le débat sur l'avortement aux Etats-Unis va-t-il se traduire par des voix supplémentaires pour les démocrates ?

    20:43

Description

C’est ça l’Amérique, saison 3


La candidate Kamala Harris, investie suite au retrait inattendu de Joe Biden, place la défense de l’avortement au cœur de sa campagne. Le sujet sera-t-il assez mobilisateur pour le camp démocrate et déterminant pour l’issue du scrutin ? 


Épisode 2/8 :


Alors que la révocation de l’arrêt fédéral "Roe vs Wade" en 2022 a permis à plusieurs États républicains de restreindre voire d’interdire complètement l’accès à l’avortement chirurgical, les démocrates espèrent que leur engagement sur cette question saura rallier une large part de l’électorat féminin et jeune, particulièrement sensible à ces décisions.


Pour les républicains, les voyants sont au rouge. Donald Trump a longtemps tergiversé sur ce sujet. Et à chaque fois que la question de la protection de l’accès à l’IVG (interruption volontaire de grossesse) a été soumise à référendum, le camp pro-avortement s’est imposé dans les urnes, y compris dans des États dominés par le parti républicain.


Elisa Chelle, professeure de sciences politiques à l’université Paris Nanterre, chercheuse invitée à Georgetown University, spécialiste des politiques de santé et de la vie politique aux États-Unis, est l’invitée de ce deuxième épisode. Au micro d’Alexis Buisson, elle livre sa perspective sur la manière dont la révocation de "Roe", il y a deux ans, peut peser sur le scrutin.


CRÉDITS :


Écriture et réalisation : Alexis Buisson. Rédaction en chef : Jean-Christophe Ploquin et Paul De Coustin. Production : Célestine Albert-Steward. Mixage : Flavien Edenne. Musique : Emmanuel Viau. Illustration : Olivier Balez.


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"C'est ça l'Amérique" est un podcast original de LA CROIX - septembre 2024.


En partenariat avec le programme Alliance – Columbia et ses partenaires (Sciences-Po, Polytechnique, La Sorbonne), et French Morning, le premier web magazine des Français d’Amérique.


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Transcription

  • Speaker #0

    Kamala ! It will make the world stronger. Because I believe everyone has a right to safety, to dignity...

  • Speaker #1

    Bonjour, je suis Alexis Buisson, le correspondant de La Croix à New York. Bienvenue dans C'est ça l'Amérique, le podcast qui explore les enjeux des élections américaines de

  • Speaker #0

    2024. Kamala !

  • Speaker #1

    You're fired ! Chaque semaine, et jusqu'au scrutin, Découvrez les éclairages d'experts francophones établis aux États-Unis.

  • Speaker #2

    C'est ça l'Amérique et ça commence maintenant.

  • Speaker #1

    Ce samedi matin de mai 2024, je cherche à joindre Chelsea Stovall pour un entretien téléphonique. Chelsea habite dans l'Arkansas, un état très républicain qui appartient à ce que l'on appelle la Bible Belt, en français la ceinture de la Bible, qui correspond au sud conservateur des Etats-Unis. En 2022, elle était enceinte. Mais les médecins se sont aperçus que sa fille n'avait pas de diaphragme et ne pourrait pas survivre en dehors du ventre de sa mère. Chelsea a donc décidé de recourir à un avortement, mais surprise, pendant sa grossesse, la Cour suprême des Etats-Unis a décidé de révoquer Roe v. Wade, l'arrêt de 1973 qui avait garanti la légalité de l'IVG dans tout le pays jusqu'au seuil de viabilité du foetus. Les Etats se sont ainsi retrouvés dans la position d'établir leurs propres règles en matière d'interruption volontaire de grossesse. En arc-en-ciel, La procédure a été complètement interdite, y compris dans les cas de viol et d'inceste. Chelsea a dû donc se rendre dans l'Illinois à 7 heures de route, triste et en colère. Quand je suis parvenu à la joindre, je lui ai demandé pourquoi elle voulait raconter son histoire. J'étais motivé par ma douleur, j'étais endeuillé par la perte de mon bébé. J'étais aussi en colère contre mon état, mon pays, car j'avais le sentiment qu'ils m'avaient laissé tomber. J'ai eu à voyager plus de 640 kilomètres pour bénéficier de soins de santé alors qu'on est aux Etats-Unis. Cela ne devrait jamais se produire. Mon hôpital se trouve à 10 minutes de chez moi. J'ai une super équipe médicale là-bas. Pourquoi n'aurait-il pas pu m'aider ? La situation illustre la complexité de l'après Roe v. Wade. Certes, la révocation de l'arrêt en juin 2022 était une victoire indéniable pour le mouvement Provis, mais elle a aussi provoqué une forte colère au sein de la société, colère sur laquelle le parti démocrate veut tabler pour se faire réélire le 5 novembre. Dans cet épisode de C'est ça l'Amérique, on s'intéresse à comment ce sujet va peser sur la campagne. Mon invitée est Elisa Schell, elle est professeure de sciences politiques à l'université Paris-Nanterre, chercheuse invitée à l'université américaine Georgetown et spécialiste de la santé et de la vie politique aux États-Unis. Bonjour Elisa Schell. Bonjour. Merci beaucoup d'accepter de participer à cet épisode,

  • Speaker #3

    épisode sur un sujet crucial pour les élections de 2024, l'accès à l'avortement. On est deux ans après la révocation de l'arrêt Roe v. Wade. Je voulais qu'on commence par prendre un peu de hauteur pour dire à nos auditeurs à quoi ressemble finalement le paysage de l'accès à l'avortement aujourd'hui aux États-Unis. Donc si vous deviez décrire ce paysage aujourd'hui, qu'est-ce que vous diriez ?

  • Speaker #4

    Aujourd'hui, aux États-Unis, l'accès à l'avortement est très inégal, puisque depuis cet arrêt d'Obs de 2022, la décision de permettre ou non l'avortement et à quelles conditions a été renvoyée aux États. Donc, on a une situation différente dans quasiment les 50 États, avec un tiers des États qui ont placé des très fortes restrictions, voire des interdictions sur l'avortement. Mais aussi, on a quand même 25 États qui permettent l'avortement, même après 22 semaines. Donc c'est une autorisation qui est large. Dans la majorité des États, l'avortement est protégé. Mais la situation problématique, c'est forcément les États où l'avortement est interdit, même lorsqu'il y a eu des cas de viol, d'inceste, même parfois de danger de mort de la mère. Donc ça, c'est une situation vraiment difficile. Et même... Lorsque l'avortement est permis mais dans un délai de six semaines, c'est une quasi-interdiction, puisque au bout de six semaines, les femmes ne savent pas nécessairement qu'elles sont enceintes.

  • Speaker #3

    On peut parler de deux, voire de trois Amériques sur ce sujet.

  • Speaker #4

    Oui, tout à fait. Il ne faut pas oublier qu'il y a aussi une mobilité entre les États, qui est plus ou moins simple en fonction de l'état où la femme se trouve et qu'elle a besoin d'avorter. Elle peut plus ou moins facilement, en termes de distance et en termes de coûts, accéder. à des services d'avortement dans d'autres états. Un autre point important, c'est que la télémédecine s'est développée et la prescription de pilules abortives, puisque ce qui est quand même le cas le plus courant, on pense toujours à l'avortement chirurgical quand on pense à l'avortement, mais le cas le plus courant, c'est la pilule abortive, et elle peut désormais être prescrite à distance et envoyée par la poste, puisque ça a été tout un sujet de savoir si c'était légal ou non, aux femmes qui en ont besoin. ce qui permet de contourner un certain nombre d'interdictions dans des États. Ça ne résout pas toutes les situations individuelles, mais ça en résout une partie.

  • Speaker #1

    Justement,

  • Speaker #3

    si on fait un zoom sur les États où l'accès à l'avortement est interdit, voire strictement restreint, quelles sont les réalités auxquelles les femmes qui veulent recourir à un avortement font face ? Qu'est-ce qu'on a appris finalement depuis la fin de Roe v. Wade ?

  • Speaker #4

    Alors, depuis 2022, on a observé d'abord une phase de transition. C'est-à-dire que face à la possibilité d'interdire l'avortement, il y a eu des phases intermédiaires dans un certain nombre d'États où, par exemple, le droit à l'avortement était suspendu. Non pas définitivement abrogé, mais suspendu. Donc ça veut dire que pendant 15 mois, pendant un an, dans certains États, les femmes n'avaient pas accès à l'avortement. Donc ça, on se doute bien qu'une période d'un an pour un avortement, c'est très long. Et donc, on a été dans une situation transitoire avec beaucoup de... Procès, puisque c'est le système judiciaire américain qui veut ça. Beaucoup de conflits au niveau des États pour savoir qu'est-ce qui était autorisé, après quel délai. Sachant que dans les États, même dans les États républicains, on observe des désaccords, par exemple entre les Cours suprêmes des États, puisque chaque État a sa Cour suprême, chaque État a sa Constitution. Et chaque État a aussi son Assemblée législative. Et bien sûr des électeurs. Et ces trois entités... les Cours suprêmes, les assemblées et les électeurs ne sont pas forcément sur la même ligne, quand bien même ce sont des États républicains.

  • Speaker #1

    Arrêtons-nous sur le point que soulève Elisa Schell. Dans les États dirigés par les Républicains, qui ont restreint ou interdit le droit à l'IVG, l'un des outils à disposition des défenseurs de l'avortement est le référendum d'initiative populaire. Depuis la fin de Roe, on voit ainsi se multiplier des ballot initiatives comme on les appelle aux États-Unis, pour protéger ou rétablir l'accès à l'IVG. Comment ? En demandant aux électeurs d'inscrire ce droit dans la constitution de leur État ou d'affirmer les protections légales existantes. Jusqu'à présent, à chaque fois que l'accès à l'avortement a été soumis à l'approbation populaire, le camp pro-IVG s'est imposé, y compris dans des États républicains comme le Kansas, l'Ohio et le Kentucky. Autrement dit, l'accès à l'avortement a été garanti, même dans des endroits réputés conservateurs. Le 5 novembre, deux référendums organisés en même temps que la présidentielle seront à suivre de près. Le premier, c'est la Floride, état républicain où les avortements sont presque tous interdits après six semaines de grossesse. L'autre, c'est l'Arizona, un des états clés de 2024 que Joe Biden a remporté de quelques milliers de voix en 2020. En avril 2024, une loi interdisant presque tous les avortements a été évoquée. Adopté au XIXe siècle et brièvement entré en vigueur à la suite d'une décision de la Cour suprême de l'État, les démocrates espèrent que ces référendums créeront un surcroît de mobilisation en leur faveur.

  • Speaker #3

    Qu'est-ce qui se passe exactement ? Pourquoi est-ce qu'on voit ces résultats dans ces États, encore une fois, qui sont très républicains ?

  • Speaker #4

    La polarisation n'est pas la même au niveau national qu'elle peut l'être au niveau local. Donc, aux dernières élections de mi-mandat, on a effectivement eu des référendums d'initiatives populaires dans six États, dont des États républicains, pas que, mais notamment des États républicains, qui ont montré que les électeurs, et notamment les électrices, même républicaines, ont choisi de protéger le droit à l'avortement. Et ce que ça dit ? C'est que l'électorat est beaucoup plus modéré que les états-majors des partis et qu'ils veulent protéger leurs droits. On l'a observé dans l'avortement, mais aussi pour un certain nombre d'états au niveau du salaire minimum, par exemple. Donc même des états républicains peuvent demander certaines protections dans certains états, et notamment concernant l'avortement, puisque dans certains états, il faut dire que les peines encourues peuvent être très lourdes, ça peut être des peines pénales, des condamnations, même d'emprisonnement. qui sont particulièrement lourdes et qui s'expliquent par la réactivation de lois très anciennes d'il y a un siècle ou plus et donc qui mettent les femmes dans des positions de criminels. Et même si on est conservateur et même si on est attaché à la vie, on n'a pas forcément envie d'aller en prison parce qu'il y a un accident, une erreur. Voilà la vie qui arrive comme on dit ici et c'est ce qui explique que... Les électeurs sont plus modérés que les états-majors, encore une fois, et donc on voit un mouvement de balancier vers des positions plus modérées, ce qui d'ailleurs oblige les républicains, si on se souvient des élections primaires qui ont eu lieu, des débats qui ont eu lieu. Les positions des élus républicains, des responsables politiques, sont devenues de plus en plus prudentes sur le sujet, puisque même si le mouvement pro-vie est réel, Au sein du parti républicain, avec un mouvement chrétien, évangélique, mais aussi catholique, assez fort et assez attaché à ce droit à la vie, il y a aussi une partie de l'électorat qui ne souhaite pas aller jusqu'à une nouvelle criminalisation de l'avortement. Et donc on a vu des positions très prudentes pour des candidats comme Nikki Haley, par exemple, et même Ron DeSantis, dans une certaine mesure, même si, en avril 2024, Il y a eu une nouvelle restriction de l'accès à l'avortement en Floride, qui a progressivement passé de 22 semaines à 14, et désormais à 6 semaines, ce qui revient à une quasi-interdiction.

  • Speaker #3

    Est-ce que le mouvement Pro-Life, comme on dit le mouvement Pro-Vie ici, est-ce qu'il a sous-estimé, selon vous, la colère qu'allait provoquer la révocation de Roe v. Wade ? C'était quand même un objectif de ce mouvement depuis 50 ans, depuis que cet arrêt a été institué.

  • Speaker #4

    Alors peut-être, il faudrait leur demander directement, mais... Je crois qu'il y a aussi un effet médiatique, c'est-à-dire qu'avec la polarisation et avec les élections qui sont très proches, on vote tous les deux ans aux États-Unis, donc il y a toujours une exagération médiatique des enjeux qui sont là, et donc il y a une visibilité plus importante des éléments plus radicaux, y compris ceux qu'on voit devant, par exemple, les cliniques d'avortement qui manifestent régulièrement. Alors bien sûr, il y a eu des mouvements plus violents, mais on va dire que les protestations ordinaires des milieux pro-vie... C'est de faire un piqué devant une clinique d'avortement, d'avoir des pancartes et de dissuader autant que possible, ou en tout cas de culpabiliser les femmes qui viennent consulter dans ces cliniques. Donc cette partie de l'électorat, on sait qu'elle est minoritaire. De toute façon, elle n'a jamais été majoritaire dans le parti républicain. Elle joue sa carte, il joue les cartes de leur conviction. Après, ce qui a peut-être été moins anticipé, ce sont les effets du fédéralisme. Puisque le fédéralisme, le fait que chaque État peut s'autodéterminer... Et notamment sur les questions de santé, c'est l'État qui est compétent, crée aussi des opportunités. Parce que ce qui se passe pour les femmes, concrètement, lorsqu'elles ont besoin d'un avortement chirurgical, si elles le peuvent, si elles en ont les ressources, elles se déplacent dans un autre État, éventuellement soutenues par des associations. Le paradoxe, c'est que cette position conservatrice qui consiste à dire c'est la décision des États peut aussi jouer en la défaveur, puisque ça permet aussi aux femmes de contourner, alors bien sûr à un coût plus important, ces interdictions.

  • Speaker #3

    Et on voit, si on en croit les chiffres du Guttmacher Institute, qui est un centre de recherche sur l'avortement, qui est plutôt pro-avortement, mais dont les chiffres font quand même autorité sur ces questions-là. Si on en croit les chiffres de cet institut, les projections sont plutôt que le nombre d'avortements va augmenter en 2023, malgré ces restrictions qui sont entrées en vigueur pour beaucoup en 2022.

  • Speaker #4

    Oui, ça s'explique parce que suite à l'abrogation de Reviway d'il y a deux ans, les États démocrates ont renforcé l'accès à l'avortement. et notamment en incitant le voyage entre États pour pouvoir accéder à l'avortement. Il y a aussi eu, avec ça, c'est un effet du Covid, le développement de la télémédecine, très important. Donc, comme on disait tout à l'heure, l'accès aux pilules abortives est simplifié. Donc, il y a eu un contre-coup, il y a eu une réaction des stratégies d'adaptation, en fait, à cette vague d'interdiction qui explique que l'accès à l'avortement a été relancé. Après, on peut toujours s'interroger sur est-ce que l'augmentation des avortements est un succès ou non. Je pense que pour les femmes, il ne faut pas oublier que l'avortement reste un pis-à-lait malgré tout et que ce qui est important aussi, c'est l'accès à la contraception. Et bien sûr, si cet avortement peut être prévenu en amont, c'est encore ce qui est de meilleur pour la santé des femmes.

  • Speaker #1

    Mais que proposent Kamala Harris et Donald Trump sur le sujet ? En tant que vice-présidente, la démocrate a fait de la défense de l'IVG son cheval de bataille, allant jusqu'à devenir le premier VP à se rendre dans une clinique d'avortement. Elle a promis de ratifier toute loi qui rétablirait les dispositions de Roe v. Wade, à savoir la légalité de l'avortement jusqu'au seuil de viabilité du fœtus. Pour elle, la révocation de cet arrêt est une manifestation supplémentaire de l'extrémisme du parti républicain. Donald Trump, quant à lui, a longtemps tergiversé. Tout en rappelant qu'il a nommé les trois juges conservateurs qui ont permis la fin de Roe, il a d'abord plaidé pour une interdiction nationale de l'avortement après 15 semaines de grossesse avant de se rétracter. Il a fini par réaffirmer que chaque État devait choisir sa propre politique en la matière, laissant donc la porte ouverte aux protections en vigueur. Une position qui ne satisfait guère certains militants anti-avortement, c'est le cas du pasteur évangélique Terry Haman, que j'ai rencontré dans un café de Des Moines en Iowa en janvier 2024, juste avant les fameux caucus de l'Iowa. Ses scrutins ont marqué le début du processus de désignation du candidat du parti républicain à la présidentielle. Il a déçu la communauté évangélique avec ses prises de position. Il a été le président le plus provi que j'ai connu. Mais cette année, il rétropédale. C'est un motif d'inquiétude pour nous. Ma position est la suivante. Comme Trump a été le président le plus anti-avortement, cela aurait du sens sur le plan politique de faire campagne sur ce message. C'est Donald Trump, il peut le faire. Nous aimerions qu'il renforce ses arguments pro-vie et qu'il renoue avec ses positions enterrées.

  • Speaker #3

    Je voulais qu'on parle des conséquences politiques de cette situation. Est-ce que c'est un sujet qui peut faire perdre Donald Trump en novembre ?

  • Speaker #4

    On voit bien qu'il doit en fait jouer sur deux parties de son électorat, à la fois l'électorat le plus religieux, le plus conservateur, sachant que ce n'est pas parce qu'on est religieux qu'on est conservateur aux États-Unis, et comme ailleurs d'ailleurs. Donc les électorats les plus conservateurs, les plus provis vont être forcément sensibles à cette question et ne veulent pas qu'il y ait cet accès facilité à l'avortement pour les raisons qu'on connaît, c'est-à-dire la préservation du don de Dieu, etc. Enfin, ce qui rentre dans ses visions religieuses. Donc Donald Trump doit à la fois garantir le soutien de cet électorat, ce qu'il fait régulièrement par exemple lorsqu'il se met en scène avec la Bible, lorsqu'il fait de la communication autour de... de prophéties, etc. Donc là, il mise vraiment sur cet électorat-là, qu'il doit conserver puisqu'il en a besoin. Mais il sait qu'il y a aussi, dans l'électorat républicain, un peu plus modéré, ou religieux plus libéral, plus ouvert, sur ces questions. Eh bien, il ménage la chèvre et le chou, parce qu'il reste dans le vague volontairement. Donc, pour l'instant, je dirais qu'il a adopté le positionnement le plus efficace, compte tenu de la composition de son électorat. Après, l'avortement est discuté dans les médias américains, mais n'est pas non plus sur le devant de la scène. Les démocrates essayent régulièrement sur leurs médias de faire passer des messages, de dire attention, si Trump revient en pouvoir, l'avortement est en danger Je pense que c'est une stratégie de campagne des démocrates, mais dans les faits, rien n'est moins sûr, Trump n'a fait aucune promesse précise. Sur le sujet, je pense qu'il laissera les États décider, ce qui reste d'ailleurs en ligne avec une certaine version de l'idéologie républicaine. Ce n'est pas de décision centrale, mais ce sont les États qui sont souverains. Voilà, donc pour l'instant, il ne prend pas de risque sur ce sujet-là.

  • Speaker #3

    En refusant de prendre de risque, finalement, il ne s'expose pas à des critiques faciles des deux camps. L'aile conservatrice, religieuse, etc., qui voudrait le voir faire plus. Et puis aussi les démocrates qui disent qu'en gros, il est pour... Laissez chaque État décider, mais ça donne aussi lieu à des interdictions qui sont parfois vues comme extrêmes.

  • Speaker #4

    Ça que les démocrates critiquent Donald Trump, ce n'est pas très étonnant et c'est le jeu dans une campagne électorale. D'autant que le sujet du retour de Donald Trump, c'est vraiment l'argument principal des démocrates dans cette campagne. Donc ça, je dirais que c'est de bonne guerre. Après, bien sûr, chez les Républicains, il peut faire des mécontents, mais l'idée, c'est que les mécontents soient le moins mécontents possible. Ils peuvent être... plus ou moins insatisfait, mais pas révolté par une forme de statu quo. De toute façon, je pense que pour les chrétiens les plus conservateurs, avoir une interdiction totale de l'avortement dans tous les États-Unis, c'est absolument irréaliste. Donc, de toute façon, ça n'arrivera pas. Je dirais que ce qui compte pour ces électorats, c'est surtout ce qui se passe dans leur État. Et là, on voit que la démocratie américaine, elle fonctionne aussi à sa manière. C'est-à-dire que... Lorsqu'il y a une population qui se mobilise, qui fait une pétition, qui réunit suffisamment de signatures, elle peut porter des changements au niveau de l'État, par exemple pour protéger l'avortement dans la constitution de tel ou tel État. Donc il y a des possibilités aussi pour les électeurs à se mobiliser, pour les citoyens à changer la situation dans leur État. Donc oui, pour Donald Trump, je ne pense pas qu'il prenne un gros risque sur ce dossier-là. Le Parti démocrate, lui... essaye de placer ce sujet-là notamment dans l'agenda, mais ça sera plus compliqué de faire campagne uniquement sur ce sujet-là.

  • Speaker #3

    Vous parlez de quelque chose de très intéressant qui n'est pas forcément perçu quand on est en dehors des États-Unis, mais en novembre, les Américains vont aussi voter pour tout un tas de postes au niveau des États, des députés d'État, des sénateurs d'État, parfois même des cours suprêmes d'État. Est-ce que ce sujet de l'avortement, selon vous, va se traduire dans des voies supplémentaires, peut-être pour les démocrates, ou une mobilisation accrue du Parti démocrate dans certains États ? Est-ce qu'il y a des clés aujourd'hui qui permettent de... de répondre dans un sens comme dans l'autre.

  • Speaker #4

    Oui, bien sûr, il peut espérer mobiliser le vote féminin sur ce sujet. Ça peut être un enjeu dans des swing states, où il faut rappeler que les élections présidentielles américaines, ces derniers temps, se jouent sur très peu de voix. C'est-à-dire que les États-clés, et d'ailleurs Donald Trump avait gagné un certain nombre d'États-clés en 2016, par des marges extrêmement fines. Moins de 1% des électeurs, ça représente peut-être... 15 000, 30 000, tout au plus 50 000 électeurs dans un État, ce qui n'est rien sur une population de plusieurs millions, voire une dizaine de millions d'habitants. Donc on est vraiment sur des étiages très minces. Donc les démocrates travaillent sur chaque petite poche d'électorat qui pourrait être convertie, mais c'est quand même un travail assez difficile puisque pour l'instant la décision est au niveau des États. Biden avait promis de faire passer une loi protégeant au niveau fédéral, mais rien n'est moins sûr, puisque comme vous l'avez dit, en novembre, on va voter pour des représentants, pour des sénateurs, en plus d'un certain nombre de fonctions locales et ces fameux référendums locaux. Donc la promesse de Joe Biden de faire passer une loi fédérale sur le sujet est assez incertaine, puisque ça suppose, comme vous l'expliquiez, qu'il y aura des élections au niveau parlementaire, donc au Sénat, à la Chambre des représentants, et il faudrait que les démocrates gagnent dans ces deux chambres. du Parlement et qu'ils aient une majorité suffisante. On se souvient qu'il y a quelques années, une loi de protection de la santé des femmes n'était pas passée à cause d'un démocrate, même pas un républicain, un démocrate Zhou Manqing qui avait pesé de tout son poids dans la balance pour des raisons strictement de carrière personnelle et de montrer qu'il avait de l'importance, ce qui est quand même paradoxal. Donc il faut qu'il ait une majorité fidèle derrière lui, dans les deux chambres, et même dans l'hypothèse où ça se réaliserait, ce qui n'est pas sûr, On n'est pas certain encore que le Parlement, le Congrès aient compétence à protéger au niveau fédéral l'avortement. Ça, rien n'est moins sûr, puisque les décisions jusqu'à présent ont émané de la Cour suprême. Et cette Cour suprême est composée à majorité de juges républicains, pour une partie très conservateur. Donc on ne sait pas du tout ce qui va en advenir. Je pense que pour les démocrates, c'est surtout une promesse de campagne en l'État. C'est une manière d'essayer de capter un certain nombre d'électorats, mais dans les faits, la décision va surtout revenir aux États. Et si les électeurs veulent se mobiliser au niveau de l'État pour faire voter sur cette question, c'est vraiment le chemin de la pétition et du référendum local qui sera le plus efficace.

  • Speaker #3

    Promesse qui ne sera pas nécessairement en mesure de se venir.

  • Speaker #4

    Ce sera difficile.

  • Speaker #3

    Merci beaucoup Elisa Schell. Merci pour votre temps.

  • Speaker #4

    Merci à vous.

  • Speaker #1

    En novembre, les Américains ne voteront pas uniquement pour élire leur président, leur député ou une partie de leur sénateur au niveau fédéral ou national. Ils choisiront aussi des parlementaires fédérés chargés de légiférer au sein de chaque État. Ces élections d'ordinaire peu suivies, car locales, seront très importantes pour le futur de l'accès à l'avortement. Le Parti démocrate l'a compris et entend, selon le Washington Post, investir 60 millions de dollars pour faire basculer des parlements d'États républicains à gauche. Jamais n'avait-il mis... autant d'argent dans ce combat. Le Camp Rovi n'est pas en reste. Le principal groupe du mouvement, le Susan B. Anthony Pro-Life America, a annoncé qu'il comptait lever 92 millions de dollars pour reconquérir la majorité au Sénat des Etats-Unis et battre les démocrates. C'est la fin de cet épisode de C'est ça l'Amérique. On se retrouve la semaine prochaine pour un nouveau numéro. D'ici là, portez-vous bien.

  • Speaker #2

    C'est ça l'Amérique, un podcast proposé par La Croix, le programme Alliance colombienne et le site d'information French Morning.

Chapters

  • A quoi ressemble aujourd'hui le paysage de l'accès à l'avortement aux Etats-Unis ?

    03:43

  • Donc on peut parler de deux voire de trois Amériques sur ce sujet ?

    05:17

  • Quelles sont les réalités auxquelles sont confrontées les femmes qui veulent recourir à un avortement aux Etats-unis ?

    06:10

  • Le mouvement "pro-life" aux Etats-Unis a-t-il sous-estimé la colère qu'allait provoquer la révocation de "Roe vs Wade" ?

    11:49

  • Le nombre d'avortements va-t-il diminuer aux Etats-Unis ?

    13:34

  • Les positions de Donald Trump sur le sujet de l'avortement peuvent-elles lui faire perdre les élections ?

    16:48

  • Le débat sur l'avortement aux Etats-Unis va-t-il se traduire par des voix supplémentaires pour les démocrates ?

    20:43

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Description

C’est ça l’Amérique, saison 3


La candidate Kamala Harris, investie suite au retrait inattendu de Joe Biden, place la défense de l’avortement au cœur de sa campagne. Le sujet sera-t-il assez mobilisateur pour le camp démocrate et déterminant pour l’issue du scrutin ? 


Épisode 2/8 :


Alors que la révocation de l’arrêt fédéral "Roe vs Wade" en 2022 a permis à plusieurs États républicains de restreindre voire d’interdire complètement l’accès à l’avortement chirurgical, les démocrates espèrent que leur engagement sur cette question saura rallier une large part de l’électorat féminin et jeune, particulièrement sensible à ces décisions.


Pour les républicains, les voyants sont au rouge. Donald Trump a longtemps tergiversé sur ce sujet. Et à chaque fois que la question de la protection de l’accès à l’IVG (interruption volontaire de grossesse) a été soumise à référendum, le camp pro-avortement s’est imposé dans les urnes, y compris dans des États dominés par le parti républicain.


Elisa Chelle, professeure de sciences politiques à l’université Paris Nanterre, chercheuse invitée à Georgetown University, spécialiste des politiques de santé et de la vie politique aux États-Unis, est l’invitée de ce deuxième épisode. Au micro d’Alexis Buisson, elle livre sa perspective sur la manière dont la révocation de "Roe", il y a deux ans, peut peser sur le scrutin.


CRÉDITS :


Écriture et réalisation : Alexis Buisson. Rédaction en chef : Jean-Christophe Ploquin et Paul De Coustin. Production : Célestine Albert-Steward. Mixage : Flavien Edenne. Musique : Emmanuel Viau. Illustration : Olivier Balez.


► Vous avez une question ou une remarque ? Écrivez-nous à cette adresse : podcast.lacroix@groupebayard.com


"C'est ça l'Amérique" est un podcast original de LA CROIX - septembre 2024.


En partenariat avec le programme Alliance – Columbia et ses partenaires (Sciences-Po, Polytechnique, La Sorbonne), et French Morning, le premier web magazine des Français d’Amérique.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Kamala ! It will make the world stronger. Because I believe everyone has a right to safety, to dignity...

  • Speaker #1

    Bonjour, je suis Alexis Buisson, le correspondant de La Croix à New York. Bienvenue dans C'est ça l'Amérique, le podcast qui explore les enjeux des élections américaines de

  • Speaker #0

    2024. Kamala !

  • Speaker #1

    You're fired ! Chaque semaine, et jusqu'au scrutin, Découvrez les éclairages d'experts francophones établis aux États-Unis.

  • Speaker #2

    C'est ça l'Amérique et ça commence maintenant.

  • Speaker #1

    Ce samedi matin de mai 2024, je cherche à joindre Chelsea Stovall pour un entretien téléphonique. Chelsea habite dans l'Arkansas, un état très républicain qui appartient à ce que l'on appelle la Bible Belt, en français la ceinture de la Bible, qui correspond au sud conservateur des Etats-Unis. En 2022, elle était enceinte. Mais les médecins se sont aperçus que sa fille n'avait pas de diaphragme et ne pourrait pas survivre en dehors du ventre de sa mère. Chelsea a donc décidé de recourir à un avortement, mais surprise, pendant sa grossesse, la Cour suprême des Etats-Unis a décidé de révoquer Roe v. Wade, l'arrêt de 1973 qui avait garanti la légalité de l'IVG dans tout le pays jusqu'au seuil de viabilité du foetus. Les Etats se sont ainsi retrouvés dans la position d'établir leurs propres règles en matière d'interruption volontaire de grossesse. En arc-en-ciel, La procédure a été complètement interdite, y compris dans les cas de viol et d'inceste. Chelsea a dû donc se rendre dans l'Illinois à 7 heures de route, triste et en colère. Quand je suis parvenu à la joindre, je lui ai demandé pourquoi elle voulait raconter son histoire. J'étais motivé par ma douleur, j'étais endeuillé par la perte de mon bébé. J'étais aussi en colère contre mon état, mon pays, car j'avais le sentiment qu'ils m'avaient laissé tomber. J'ai eu à voyager plus de 640 kilomètres pour bénéficier de soins de santé alors qu'on est aux Etats-Unis. Cela ne devrait jamais se produire. Mon hôpital se trouve à 10 minutes de chez moi. J'ai une super équipe médicale là-bas. Pourquoi n'aurait-il pas pu m'aider ? La situation illustre la complexité de l'après Roe v. Wade. Certes, la révocation de l'arrêt en juin 2022 était une victoire indéniable pour le mouvement Provis, mais elle a aussi provoqué une forte colère au sein de la société, colère sur laquelle le parti démocrate veut tabler pour se faire réélire le 5 novembre. Dans cet épisode de C'est ça l'Amérique, on s'intéresse à comment ce sujet va peser sur la campagne. Mon invitée est Elisa Schell, elle est professeure de sciences politiques à l'université Paris-Nanterre, chercheuse invitée à l'université américaine Georgetown et spécialiste de la santé et de la vie politique aux États-Unis. Bonjour Elisa Schell. Bonjour. Merci beaucoup d'accepter de participer à cet épisode,

  • Speaker #3

    épisode sur un sujet crucial pour les élections de 2024, l'accès à l'avortement. On est deux ans après la révocation de l'arrêt Roe v. Wade. Je voulais qu'on commence par prendre un peu de hauteur pour dire à nos auditeurs à quoi ressemble finalement le paysage de l'accès à l'avortement aujourd'hui aux États-Unis. Donc si vous deviez décrire ce paysage aujourd'hui, qu'est-ce que vous diriez ?

  • Speaker #4

    Aujourd'hui, aux États-Unis, l'accès à l'avortement est très inégal, puisque depuis cet arrêt d'Obs de 2022, la décision de permettre ou non l'avortement et à quelles conditions a été renvoyée aux États. Donc, on a une situation différente dans quasiment les 50 États, avec un tiers des États qui ont placé des très fortes restrictions, voire des interdictions sur l'avortement. Mais aussi, on a quand même 25 États qui permettent l'avortement, même après 22 semaines. Donc c'est une autorisation qui est large. Dans la majorité des États, l'avortement est protégé. Mais la situation problématique, c'est forcément les États où l'avortement est interdit, même lorsqu'il y a eu des cas de viol, d'inceste, même parfois de danger de mort de la mère. Donc ça, c'est une situation vraiment difficile. Et même... Lorsque l'avortement est permis mais dans un délai de six semaines, c'est une quasi-interdiction, puisque au bout de six semaines, les femmes ne savent pas nécessairement qu'elles sont enceintes.

  • Speaker #3

    On peut parler de deux, voire de trois Amériques sur ce sujet.

  • Speaker #4

    Oui, tout à fait. Il ne faut pas oublier qu'il y a aussi une mobilité entre les États, qui est plus ou moins simple en fonction de l'état où la femme se trouve et qu'elle a besoin d'avorter. Elle peut plus ou moins facilement, en termes de distance et en termes de coûts, accéder. à des services d'avortement dans d'autres états. Un autre point important, c'est que la télémédecine s'est développée et la prescription de pilules abortives, puisque ce qui est quand même le cas le plus courant, on pense toujours à l'avortement chirurgical quand on pense à l'avortement, mais le cas le plus courant, c'est la pilule abortive, et elle peut désormais être prescrite à distance et envoyée par la poste, puisque ça a été tout un sujet de savoir si c'était légal ou non, aux femmes qui en ont besoin. ce qui permet de contourner un certain nombre d'interdictions dans des États. Ça ne résout pas toutes les situations individuelles, mais ça en résout une partie.

  • Speaker #1

    Justement,

  • Speaker #3

    si on fait un zoom sur les États où l'accès à l'avortement est interdit, voire strictement restreint, quelles sont les réalités auxquelles les femmes qui veulent recourir à un avortement font face ? Qu'est-ce qu'on a appris finalement depuis la fin de Roe v. Wade ?

  • Speaker #4

    Alors, depuis 2022, on a observé d'abord une phase de transition. C'est-à-dire que face à la possibilité d'interdire l'avortement, il y a eu des phases intermédiaires dans un certain nombre d'États où, par exemple, le droit à l'avortement était suspendu. Non pas définitivement abrogé, mais suspendu. Donc ça veut dire que pendant 15 mois, pendant un an, dans certains États, les femmes n'avaient pas accès à l'avortement. Donc ça, on se doute bien qu'une période d'un an pour un avortement, c'est très long. Et donc, on a été dans une situation transitoire avec beaucoup de... Procès, puisque c'est le système judiciaire américain qui veut ça. Beaucoup de conflits au niveau des États pour savoir qu'est-ce qui était autorisé, après quel délai. Sachant que dans les États, même dans les États républicains, on observe des désaccords, par exemple entre les Cours suprêmes des États, puisque chaque État a sa Cour suprême, chaque État a sa Constitution. Et chaque État a aussi son Assemblée législative. Et bien sûr des électeurs. Et ces trois entités... les Cours suprêmes, les assemblées et les électeurs ne sont pas forcément sur la même ligne, quand bien même ce sont des États républicains.

  • Speaker #1

    Arrêtons-nous sur le point que soulève Elisa Schell. Dans les États dirigés par les Républicains, qui ont restreint ou interdit le droit à l'IVG, l'un des outils à disposition des défenseurs de l'avortement est le référendum d'initiative populaire. Depuis la fin de Roe, on voit ainsi se multiplier des ballot initiatives comme on les appelle aux États-Unis, pour protéger ou rétablir l'accès à l'IVG. Comment ? En demandant aux électeurs d'inscrire ce droit dans la constitution de leur État ou d'affirmer les protections légales existantes. Jusqu'à présent, à chaque fois que l'accès à l'avortement a été soumis à l'approbation populaire, le camp pro-IVG s'est imposé, y compris dans des États républicains comme le Kansas, l'Ohio et le Kentucky. Autrement dit, l'accès à l'avortement a été garanti, même dans des endroits réputés conservateurs. Le 5 novembre, deux référendums organisés en même temps que la présidentielle seront à suivre de près. Le premier, c'est la Floride, état républicain où les avortements sont presque tous interdits après six semaines de grossesse. L'autre, c'est l'Arizona, un des états clés de 2024 que Joe Biden a remporté de quelques milliers de voix en 2020. En avril 2024, une loi interdisant presque tous les avortements a été évoquée. Adopté au XIXe siècle et brièvement entré en vigueur à la suite d'une décision de la Cour suprême de l'État, les démocrates espèrent que ces référendums créeront un surcroît de mobilisation en leur faveur.

  • Speaker #3

    Qu'est-ce qui se passe exactement ? Pourquoi est-ce qu'on voit ces résultats dans ces États, encore une fois, qui sont très républicains ?

  • Speaker #4

    La polarisation n'est pas la même au niveau national qu'elle peut l'être au niveau local. Donc, aux dernières élections de mi-mandat, on a effectivement eu des référendums d'initiatives populaires dans six États, dont des États républicains, pas que, mais notamment des États républicains, qui ont montré que les électeurs, et notamment les électrices, même républicaines, ont choisi de protéger le droit à l'avortement. Et ce que ça dit ? C'est que l'électorat est beaucoup plus modéré que les états-majors des partis et qu'ils veulent protéger leurs droits. On l'a observé dans l'avortement, mais aussi pour un certain nombre d'états au niveau du salaire minimum, par exemple. Donc même des états républicains peuvent demander certaines protections dans certains états, et notamment concernant l'avortement, puisque dans certains états, il faut dire que les peines encourues peuvent être très lourdes, ça peut être des peines pénales, des condamnations, même d'emprisonnement. qui sont particulièrement lourdes et qui s'expliquent par la réactivation de lois très anciennes d'il y a un siècle ou plus et donc qui mettent les femmes dans des positions de criminels. Et même si on est conservateur et même si on est attaché à la vie, on n'a pas forcément envie d'aller en prison parce qu'il y a un accident, une erreur. Voilà la vie qui arrive comme on dit ici et c'est ce qui explique que... Les électeurs sont plus modérés que les états-majors, encore une fois, et donc on voit un mouvement de balancier vers des positions plus modérées, ce qui d'ailleurs oblige les républicains, si on se souvient des élections primaires qui ont eu lieu, des débats qui ont eu lieu. Les positions des élus républicains, des responsables politiques, sont devenues de plus en plus prudentes sur le sujet, puisque même si le mouvement pro-vie est réel, Au sein du parti républicain, avec un mouvement chrétien, évangélique, mais aussi catholique, assez fort et assez attaché à ce droit à la vie, il y a aussi une partie de l'électorat qui ne souhaite pas aller jusqu'à une nouvelle criminalisation de l'avortement. Et donc on a vu des positions très prudentes pour des candidats comme Nikki Haley, par exemple, et même Ron DeSantis, dans une certaine mesure, même si, en avril 2024, Il y a eu une nouvelle restriction de l'accès à l'avortement en Floride, qui a progressivement passé de 22 semaines à 14, et désormais à 6 semaines, ce qui revient à une quasi-interdiction.

  • Speaker #3

    Est-ce que le mouvement Pro-Life, comme on dit le mouvement Pro-Vie ici, est-ce qu'il a sous-estimé, selon vous, la colère qu'allait provoquer la révocation de Roe v. Wade ? C'était quand même un objectif de ce mouvement depuis 50 ans, depuis que cet arrêt a été institué.

  • Speaker #4

    Alors peut-être, il faudrait leur demander directement, mais... Je crois qu'il y a aussi un effet médiatique, c'est-à-dire qu'avec la polarisation et avec les élections qui sont très proches, on vote tous les deux ans aux États-Unis, donc il y a toujours une exagération médiatique des enjeux qui sont là, et donc il y a une visibilité plus importante des éléments plus radicaux, y compris ceux qu'on voit devant, par exemple, les cliniques d'avortement qui manifestent régulièrement. Alors bien sûr, il y a eu des mouvements plus violents, mais on va dire que les protestations ordinaires des milieux pro-vie... C'est de faire un piqué devant une clinique d'avortement, d'avoir des pancartes et de dissuader autant que possible, ou en tout cas de culpabiliser les femmes qui viennent consulter dans ces cliniques. Donc cette partie de l'électorat, on sait qu'elle est minoritaire. De toute façon, elle n'a jamais été majoritaire dans le parti républicain. Elle joue sa carte, il joue les cartes de leur conviction. Après, ce qui a peut-être été moins anticipé, ce sont les effets du fédéralisme. Puisque le fédéralisme, le fait que chaque État peut s'autodéterminer... Et notamment sur les questions de santé, c'est l'État qui est compétent, crée aussi des opportunités. Parce que ce qui se passe pour les femmes, concrètement, lorsqu'elles ont besoin d'un avortement chirurgical, si elles le peuvent, si elles en ont les ressources, elles se déplacent dans un autre État, éventuellement soutenues par des associations. Le paradoxe, c'est que cette position conservatrice qui consiste à dire c'est la décision des États peut aussi jouer en la défaveur, puisque ça permet aussi aux femmes de contourner, alors bien sûr à un coût plus important, ces interdictions.

  • Speaker #3

    Et on voit, si on en croit les chiffres du Guttmacher Institute, qui est un centre de recherche sur l'avortement, qui est plutôt pro-avortement, mais dont les chiffres font quand même autorité sur ces questions-là. Si on en croit les chiffres de cet institut, les projections sont plutôt que le nombre d'avortements va augmenter en 2023, malgré ces restrictions qui sont entrées en vigueur pour beaucoup en 2022.

  • Speaker #4

    Oui, ça s'explique parce que suite à l'abrogation de Reviway d'il y a deux ans, les États démocrates ont renforcé l'accès à l'avortement. et notamment en incitant le voyage entre États pour pouvoir accéder à l'avortement. Il y a aussi eu, avec ça, c'est un effet du Covid, le développement de la télémédecine, très important. Donc, comme on disait tout à l'heure, l'accès aux pilules abortives est simplifié. Donc, il y a eu un contre-coup, il y a eu une réaction des stratégies d'adaptation, en fait, à cette vague d'interdiction qui explique que l'accès à l'avortement a été relancé. Après, on peut toujours s'interroger sur est-ce que l'augmentation des avortements est un succès ou non. Je pense que pour les femmes, il ne faut pas oublier que l'avortement reste un pis-à-lait malgré tout et que ce qui est important aussi, c'est l'accès à la contraception. Et bien sûr, si cet avortement peut être prévenu en amont, c'est encore ce qui est de meilleur pour la santé des femmes.

  • Speaker #1

    Mais que proposent Kamala Harris et Donald Trump sur le sujet ? En tant que vice-présidente, la démocrate a fait de la défense de l'IVG son cheval de bataille, allant jusqu'à devenir le premier VP à se rendre dans une clinique d'avortement. Elle a promis de ratifier toute loi qui rétablirait les dispositions de Roe v. Wade, à savoir la légalité de l'avortement jusqu'au seuil de viabilité du fœtus. Pour elle, la révocation de cet arrêt est une manifestation supplémentaire de l'extrémisme du parti républicain. Donald Trump, quant à lui, a longtemps tergiversé. Tout en rappelant qu'il a nommé les trois juges conservateurs qui ont permis la fin de Roe, il a d'abord plaidé pour une interdiction nationale de l'avortement après 15 semaines de grossesse avant de se rétracter. Il a fini par réaffirmer que chaque État devait choisir sa propre politique en la matière, laissant donc la porte ouverte aux protections en vigueur. Une position qui ne satisfait guère certains militants anti-avortement, c'est le cas du pasteur évangélique Terry Haman, que j'ai rencontré dans un café de Des Moines en Iowa en janvier 2024, juste avant les fameux caucus de l'Iowa. Ses scrutins ont marqué le début du processus de désignation du candidat du parti républicain à la présidentielle. Il a déçu la communauté évangélique avec ses prises de position. Il a été le président le plus provi que j'ai connu. Mais cette année, il rétropédale. C'est un motif d'inquiétude pour nous. Ma position est la suivante. Comme Trump a été le président le plus anti-avortement, cela aurait du sens sur le plan politique de faire campagne sur ce message. C'est Donald Trump, il peut le faire. Nous aimerions qu'il renforce ses arguments pro-vie et qu'il renoue avec ses positions enterrées.

  • Speaker #3

    Je voulais qu'on parle des conséquences politiques de cette situation. Est-ce que c'est un sujet qui peut faire perdre Donald Trump en novembre ?

  • Speaker #4

    On voit bien qu'il doit en fait jouer sur deux parties de son électorat, à la fois l'électorat le plus religieux, le plus conservateur, sachant que ce n'est pas parce qu'on est religieux qu'on est conservateur aux États-Unis, et comme ailleurs d'ailleurs. Donc les électorats les plus conservateurs, les plus provis vont être forcément sensibles à cette question et ne veulent pas qu'il y ait cet accès facilité à l'avortement pour les raisons qu'on connaît, c'est-à-dire la préservation du don de Dieu, etc. Enfin, ce qui rentre dans ses visions religieuses. Donc Donald Trump doit à la fois garantir le soutien de cet électorat, ce qu'il fait régulièrement par exemple lorsqu'il se met en scène avec la Bible, lorsqu'il fait de la communication autour de... de prophéties, etc. Donc là, il mise vraiment sur cet électorat-là, qu'il doit conserver puisqu'il en a besoin. Mais il sait qu'il y a aussi, dans l'électorat républicain, un peu plus modéré, ou religieux plus libéral, plus ouvert, sur ces questions. Eh bien, il ménage la chèvre et le chou, parce qu'il reste dans le vague volontairement. Donc, pour l'instant, je dirais qu'il a adopté le positionnement le plus efficace, compte tenu de la composition de son électorat. Après, l'avortement est discuté dans les médias américains, mais n'est pas non plus sur le devant de la scène. Les démocrates essayent régulièrement sur leurs médias de faire passer des messages, de dire attention, si Trump revient en pouvoir, l'avortement est en danger Je pense que c'est une stratégie de campagne des démocrates, mais dans les faits, rien n'est moins sûr, Trump n'a fait aucune promesse précise. Sur le sujet, je pense qu'il laissera les États décider, ce qui reste d'ailleurs en ligne avec une certaine version de l'idéologie républicaine. Ce n'est pas de décision centrale, mais ce sont les États qui sont souverains. Voilà, donc pour l'instant, il ne prend pas de risque sur ce sujet-là.

  • Speaker #3

    En refusant de prendre de risque, finalement, il ne s'expose pas à des critiques faciles des deux camps. L'aile conservatrice, religieuse, etc., qui voudrait le voir faire plus. Et puis aussi les démocrates qui disent qu'en gros, il est pour... Laissez chaque État décider, mais ça donne aussi lieu à des interdictions qui sont parfois vues comme extrêmes.

  • Speaker #4

    Ça que les démocrates critiquent Donald Trump, ce n'est pas très étonnant et c'est le jeu dans une campagne électorale. D'autant que le sujet du retour de Donald Trump, c'est vraiment l'argument principal des démocrates dans cette campagne. Donc ça, je dirais que c'est de bonne guerre. Après, bien sûr, chez les Républicains, il peut faire des mécontents, mais l'idée, c'est que les mécontents soient le moins mécontents possible. Ils peuvent être... plus ou moins insatisfait, mais pas révolté par une forme de statu quo. De toute façon, je pense que pour les chrétiens les plus conservateurs, avoir une interdiction totale de l'avortement dans tous les États-Unis, c'est absolument irréaliste. Donc, de toute façon, ça n'arrivera pas. Je dirais que ce qui compte pour ces électorats, c'est surtout ce qui se passe dans leur État. Et là, on voit que la démocratie américaine, elle fonctionne aussi à sa manière. C'est-à-dire que... Lorsqu'il y a une population qui se mobilise, qui fait une pétition, qui réunit suffisamment de signatures, elle peut porter des changements au niveau de l'État, par exemple pour protéger l'avortement dans la constitution de tel ou tel État. Donc il y a des possibilités aussi pour les électeurs à se mobiliser, pour les citoyens à changer la situation dans leur État. Donc oui, pour Donald Trump, je ne pense pas qu'il prenne un gros risque sur ce dossier-là. Le Parti démocrate, lui... essaye de placer ce sujet-là notamment dans l'agenda, mais ça sera plus compliqué de faire campagne uniquement sur ce sujet-là.

  • Speaker #3

    Vous parlez de quelque chose de très intéressant qui n'est pas forcément perçu quand on est en dehors des États-Unis, mais en novembre, les Américains vont aussi voter pour tout un tas de postes au niveau des États, des députés d'État, des sénateurs d'État, parfois même des cours suprêmes d'État. Est-ce que ce sujet de l'avortement, selon vous, va se traduire dans des voies supplémentaires, peut-être pour les démocrates, ou une mobilisation accrue du Parti démocrate dans certains États ? Est-ce qu'il y a des clés aujourd'hui qui permettent de... de répondre dans un sens comme dans l'autre.

  • Speaker #4

    Oui, bien sûr, il peut espérer mobiliser le vote féminin sur ce sujet. Ça peut être un enjeu dans des swing states, où il faut rappeler que les élections présidentielles américaines, ces derniers temps, se jouent sur très peu de voix. C'est-à-dire que les États-clés, et d'ailleurs Donald Trump avait gagné un certain nombre d'États-clés en 2016, par des marges extrêmement fines. Moins de 1% des électeurs, ça représente peut-être... 15 000, 30 000, tout au plus 50 000 électeurs dans un État, ce qui n'est rien sur une population de plusieurs millions, voire une dizaine de millions d'habitants. Donc on est vraiment sur des étiages très minces. Donc les démocrates travaillent sur chaque petite poche d'électorat qui pourrait être convertie, mais c'est quand même un travail assez difficile puisque pour l'instant la décision est au niveau des États. Biden avait promis de faire passer une loi protégeant au niveau fédéral, mais rien n'est moins sûr, puisque comme vous l'avez dit, en novembre, on va voter pour des représentants, pour des sénateurs, en plus d'un certain nombre de fonctions locales et ces fameux référendums locaux. Donc la promesse de Joe Biden de faire passer une loi fédérale sur le sujet est assez incertaine, puisque ça suppose, comme vous l'expliquiez, qu'il y aura des élections au niveau parlementaire, donc au Sénat, à la Chambre des représentants, et il faudrait que les démocrates gagnent dans ces deux chambres. du Parlement et qu'ils aient une majorité suffisante. On se souvient qu'il y a quelques années, une loi de protection de la santé des femmes n'était pas passée à cause d'un démocrate, même pas un républicain, un démocrate Zhou Manqing qui avait pesé de tout son poids dans la balance pour des raisons strictement de carrière personnelle et de montrer qu'il avait de l'importance, ce qui est quand même paradoxal. Donc il faut qu'il ait une majorité fidèle derrière lui, dans les deux chambres, et même dans l'hypothèse où ça se réaliserait, ce qui n'est pas sûr, On n'est pas certain encore que le Parlement, le Congrès aient compétence à protéger au niveau fédéral l'avortement. Ça, rien n'est moins sûr, puisque les décisions jusqu'à présent ont émané de la Cour suprême. Et cette Cour suprême est composée à majorité de juges républicains, pour une partie très conservateur. Donc on ne sait pas du tout ce qui va en advenir. Je pense que pour les démocrates, c'est surtout une promesse de campagne en l'État. C'est une manière d'essayer de capter un certain nombre d'électorats, mais dans les faits, la décision va surtout revenir aux États. Et si les électeurs veulent se mobiliser au niveau de l'État pour faire voter sur cette question, c'est vraiment le chemin de la pétition et du référendum local qui sera le plus efficace.

  • Speaker #3

    Promesse qui ne sera pas nécessairement en mesure de se venir.

  • Speaker #4

    Ce sera difficile.

  • Speaker #3

    Merci beaucoup Elisa Schell. Merci pour votre temps.

  • Speaker #4

    Merci à vous.

  • Speaker #1

    En novembre, les Américains ne voteront pas uniquement pour élire leur président, leur député ou une partie de leur sénateur au niveau fédéral ou national. Ils choisiront aussi des parlementaires fédérés chargés de légiférer au sein de chaque État. Ces élections d'ordinaire peu suivies, car locales, seront très importantes pour le futur de l'accès à l'avortement. Le Parti démocrate l'a compris et entend, selon le Washington Post, investir 60 millions de dollars pour faire basculer des parlements d'États républicains à gauche. Jamais n'avait-il mis... autant d'argent dans ce combat. Le Camp Rovi n'est pas en reste. Le principal groupe du mouvement, le Susan B. Anthony Pro-Life America, a annoncé qu'il comptait lever 92 millions de dollars pour reconquérir la majorité au Sénat des Etats-Unis et battre les démocrates. C'est la fin de cet épisode de C'est ça l'Amérique. On se retrouve la semaine prochaine pour un nouveau numéro. D'ici là, portez-vous bien.

  • Speaker #2

    C'est ça l'Amérique, un podcast proposé par La Croix, le programme Alliance colombienne et le site d'information French Morning.

Chapters

  • A quoi ressemble aujourd'hui le paysage de l'accès à l'avortement aux Etats-Unis ?

    03:43

  • Donc on peut parler de deux voire de trois Amériques sur ce sujet ?

    05:17

  • Quelles sont les réalités auxquelles sont confrontées les femmes qui veulent recourir à un avortement aux Etats-unis ?

    06:10

  • Le mouvement "pro-life" aux Etats-Unis a-t-il sous-estimé la colère qu'allait provoquer la révocation de "Roe vs Wade" ?

    11:49

  • Le nombre d'avortements va-t-il diminuer aux Etats-Unis ?

    13:34

  • Les positions de Donald Trump sur le sujet de l'avortement peuvent-elles lui faire perdre les élections ?

    16:48

  • Le débat sur l'avortement aux Etats-Unis va-t-il se traduire par des voix supplémentaires pour les démocrates ?

    20:43

Description

C’est ça l’Amérique, saison 3


La candidate Kamala Harris, investie suite au retrait inattendu de Joe Biden, place la défense de l’avortement au cœur de sa campagne. Le sujet sera-t-il assez mobilisateur pour le camp démocrate et déterminant pour l’issue du scrutin ? 


Épisode 2/8 :


Alors que la révocation de l’arrêt fédéral "Roe vs Wade" en 2022 a permis à plusieurs États républicains de restreindre voire d’interdire complètement l’accès à l’avortement chirurgical, les démocrates espèrent que leur engagement sur cette question saura rallier une large part de l’électorat féminin et jeune, particulièrement sensible à ces décisions.


Pour les républicains, les voyants sont au rouge. Donald Trump a longtemps tergiversé sur ce sujet. Et à chaque fois que la question de la protection de l’accès à l’IVG (interruption volontaire de grossesse) a été soumise à référendum, le camp pro-avortement s’est imposé dans les urnes, y compris dans des États dominés par le parti républicain.


Elisa Chelle, professeure de sciences politiques à l’université Paris Nanterre, chercheuse invitée à Georgetown University, spécialiste des politiques de santé et de la vie politique aux États-Unis, est l’invitée de ce deuxième épisode. Au micro d’Alexis Buisson, elle livre sa perspective sur la manière dont la révocation de "Roe", il y a deux ans, peut peser sur le scrutin.


CRÉDITS :


Écriture et réalisation : Alexis Buisson. Rédaction en chef : Jean-Christophe Ploquin et Paul De Coustin. Production : Célestine Albert-Steward. Mixage : Flavien Edenne. Musique : Emmanuel Viau. Illustration : Olivier Balez.


► Vous avez une question ou une remarque ? Écrivez-nous à cette adresse : podcast.lacroix@groupebayard.com


"C'est ça l'Amérique" est un podcast original de LA CROIX - septembre 2024.


En partenariat avec le programme Alliance – Columbia et ses partenaires (Sciences-Po, Polytechnique, La Sorbonne), et French Morning, le premier web magazine des Français d’Amérique.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Kamala ! It will make the world stronger. Because I believe everyone has a right to safety, to dignity...

  • Speaker #1

    Bonjour, je suis Alexis Buisson, le correspondant de La Croix à New York. Bienvenue dans C'est ça l'Amérique, le podcast qui explore les enjeux des élections américaines de

  • Speaker #0

    2024. Kamala !

  • Speaker #1

    You're fired ! Chaque semaine, et jusqu'au scrutin, Découvrez les éclairages d'experts francophones établis aux États-Unis.

  • Speaker #2

    C'est ça l'Amérique et ça commence maintenant.

  • Speaker #1

    Ce samedi matin de mai 2024, je cherche à joindre Chelsea Stovall pour un entretien téléphonique. Chelsea habite dans l'Arkansas, un état très républicain qui appartient à ce que l'on appelle la Bible Belt, en français la ceinture de la Bible, qui correspond au sud conservateur des Etats-Unis. En 2022, elle était enceinte. Mais les médecins se sont aperçus que sa fille n'avait pas de diaphragme et ne pourrait pas survivre en dehors du ventre de sa mère. Chelsea a donc décidé de recourir à un avortement, mais surprise, pendant sa grossesse, la Cour suprême des Etats-Unis a décidé de révoquer Roe v. Wade, l'arrêt de 1973 qui avait garanti la légalité de l'IVG dans tout le pays jusqu'au seuil de viabilité du foetus. Les Etats se sont ainsi retrouvés dans la position d'établir leurs propres règles en matière d'interruption volontaire de grossesse. En arc-en-ciel, La procédure a été complètement interdite, y compris dans les cas de viol et d'inceste. Chelsea a dû donc se rendre dans l'Illinois à 7 heures de route, triste et en colère. Quand je suis parvenu à la joindre, je lui ai demandé pourquoi elle voulait raconter son histoire. J'étais motivé par ma douleur, j'étais endeuillé par la perte de mon bébé. J'étais aussi en colère contre mon état, mon pays, car j'avais le sentiment qu'ils m'avaient laissé tomber. J'ai eu à voyager plus de 640 kilomètres pour bénéficier de soins de santé alors qu'on est aux Etats-Unis. Cela ne devrait jamais se produire. Mon hôpital se trouve à 10 minutes de chez moi. J'ai une super équipe médicale là-bas. Pourquoi n'aurait-il pas pu m'aider ? La situation illustre la complexité de l'après Roe v. Wade. Certes, la révocation de l'arrêt en juin 2022 était une victoire indéniable pour le mouvement Provis, mais elle a aussi provoqué une forte colère au sein de la société, colère sur laquelle le parti démocrate veut tabler pour se faire réélire le 5 novembre. Dans cet épisode de C'est ça l'Amérique, on s'intéresse à comment ce sujet va peser sur la campagne. Mon invitée est Elisa Schell, elle est professeure de sciences politiques à l'université Paris-Nanterre, chercheuse invitée à l'université américaine Georgetown et spécialiste de la santé et de la vie politique aux États-Unis. Bonjour Elisa Schell. Bonjour. Merci beaucoup d'accepter de participer à cet épisode,

  • Speaker #3

    épisode sur un sujet crucial pour les élections de 2024, l'accès à l'avortement. On est deux ans après la révocation de l'arrêt Roe v. Wade. Je voulais qu'on commence par prendre un peu de hauteur pour dire à nos auditeurs à quoi ressemble finalement le paysage de l'accès à l'avortement aujourd'hui aux États-Unis. Donc si vous deviez décrire ce paysage aujourd'hui, qu'est-ce que vous diriez ?

  • Speaker #4

    Aujourd'hui, aux États-Unis, l'accès à l'avortement est très inégal, puisque depuis cet arrêt d'Obs de 2022, la décision de permettre ou non l'avortement et à quelles conditions a été renvoyée aux États. Donc, on a une situation différente dans quasiment les 50 États, avec un tiers des États qui ont placé des très fortes restrictions, voire des interdictions sur l'avortement. Mais aussi, on a quand même 25 États qui permettent l'avortement, même après 22 semaines. Donc c'est une autorisation qui est large. Dans la majorité des États, l'avortement est protégé. Mais la situation problématique, c'est forcément les États où l'avortement est interdit, même lorsqu'il y a eu des cas de viol, d'inceste, même parfois de danger de mort de la mère. Donc ça, c'est une situation vraiment difficile. Et même... Lorsque l'avortement est permis mais dans un délai de six semaines, c'est une quasi-interdiction, puisque au bout de six semaines, les femmes ne savent pas nécessairement qu'elles sont enceintes.

  • Speaker #3

    On peut parler de deux, voire de trois Amériques sur ce sujet.

  • Speaker #4

    Oui, tout à fait. Il ne faut pas oublier qu'il y a aussi une mobilité entre les États, qui est plus ou moins simple en fonction de l'état où la femme se trouve et qu'elle a besoin d'avorter. Elle peut plus ou moins facilement, en termes de distance et en termes de coûts, accéder. à des services d'avortement dans d'autres états. Un autre point important, c'est que la télémédecine s'est développée et la prescription de pilules abortives, puisque ce qui est quand même le cas le plus courant, on pense toujours à l'avortement chirurgical quand on pense à l'avortement, mais le cas le plus courant, c'est la pilule abortive, et elle peut désormais être prescrite à distance et envoyée par la poste, puisque ça a été tout un sujet de savoir si c'était légal ou non, aux femmes qui en ont besoin. ce qui permet de contourner un certain nombre d'interdictions dans des États. Ça ne résout pas toutes les situations individuelles, mais ça en résout une partie.

  • Speaker #1

    Justement,

  • Speaker #3

    si on fait un zoom sur les États où l'accès à l'avortement est interdit, voire strictement restreint, quelles sont les réalités auxquelles les femmes qui veulent recourir à un avortement font face ? Qu'est-ce qu'on a appris finalement depuis la fin de Roe v. Wade ?

  • Speaker #4

    Alors, depuis 2022, on a observé d'abord une phase de transition. C'est-à-dire que face à la possibilité d'interdire l'avortement, il y a eu des phases intermédiaires dans un certain nombre d'États où, par exemple, le droit à l'avortement était suspendu. Non pas définitivement abrogé, mais suspendu. Donc ça veut dire que pendant 15 mois, pendant un an, dans certains États, les femmes n'avaient pas accès à l'avortement. Donc ça, on se doute bien qu'une période d'un an pour un avortement, c'est très long. Et donc, on a été dans une situation transitoire avec beaucoup de... Procès, puisque c'est le système judiciaire américain qui veut ça. Beaucoup de conflits au niveau des États pour savoir qu'est-ce qui était autorisé, après quel délai. Sachant que dans les États, même dans les États républicains, on observe des désaccords, par exemple entre les Cours suprêmes des États, puisque chaque État a sa Cour suprême, chaque État a sa Constitution. Et chaque État a aussi son Assemblée législative. Et bien sûr des électeurs. Et ces trois entités... les Cours suprêmes, les assemblées et les électeurs ne sont pas forcément sur la même ligne, quand bien même ce sont des États républicains.

  • Speaker #1

    Arrêtons-nous sur le point que soulève Elisa Schell. Dans les États dirigés par les Républicains, qui ont restreint ou interdit le droit à l'IVG, l'un des outils à disposition des défenseurs de l'avortement est le référendum d'initiative populaire. Depuis la fin de Roe, on voit ainsi se multiplier des ballot initiatives comme on les appelle aux États-Unis, pour protéger ou rétablir l'accès à l'IVG. Comment ? En demandant aux électeurs d'inscrire ce droit dans la constitution de leur État ou d'affirmer les protections légales existantes. Jusqu'à présent, à chaque fois que l'accès à l'avortement a été soumis à l'approbation populaire, le camp pro-IVG s'est imposé, y compris dans des États républicains comme le Kansas, l'Ohio et le Kentucky. Autrement dit, l'accès à l'avortement a été garanti, même dans des endroits réputés conservateurs. Le 5 novembre, deux référendums organisés en même temps que la présidentielle seront à suivre de près. Le premier, c'est la Floride, état républicain où les avortements sont presque tous interdits après six semaines de grossesse. L'autre, c'est l'Arizona, un des états clés de 2024 que Joe Biden a remporté de quelques milliers de voix en 2020. En avril 2024, une loi interdisant presque tous les avortements a été évoquée. Adopté au XIXe siècle et brièvement entré en vigueur à la suite d'une décision de la Cour suprême de l'État, les démocrates espèrent que ces référendums créeront un surcroît de mobilisation en leur faveur.

  • Speaker #3

    Qu'est-ce qui se passe exactement ? Pourquoi est-ce qu'on voit ces résultats dans ces États, encore une fois, qui sont très républicains ?

  • Speaker #4

    La polarisation n'est pas la même au niveau national qu'elle peut l'être au niveau local. Donc, aux dernières élections de mi-mandat, on a effectivement eu des référendums d'initiatives populaires dans six États, dont des États républicains, pas que, mais notamment des États républicains, qui ont montré que les électeurs, et notamment les électrices, même républicaines, ont choisi de protéger le droit à l'avortement. Et ce que ça dit ? C'est que l'électorat est beaucoup plus modéré que les états-majors des partis et qu'ils veulent protéger leurs droits. On l'a observé dans l'avortement, mais aussi pour un certain nombre d'états au niveau du salaire minimum, par exemple. Donc même des états républicains peuvent demander certaines protections dans certains états, et notamment concernant l'avortement, puisque dans certains états, il faut dire que les peines encourues peuvent être très lourdes, ça peut être des peines pénales, des condamnations, même d'emprisonnement. qui sont particulièrement lourdes et qui s'expliquent par la réactivation de lois très anciennes d'il y a un siècle ou plus et donc qui mettent les femmes dans des positions de criminels. Et même si on est conservateur et même si on est attaché à la vie, on n'a pas forcément envie d'aller en prison parce qu'il y a un accident, une erreur. Voilà la vie qui arrive comme on dit ici et c'est ce qui explique que... Les électeurs sont plus modérés que les états-majors, encore une fois, et donc on voit un mouvement de balancier vers des positions plus modérées, ce qui d'ailleurs oblige les républicains, si on se souvient des élections primaires qui ont eu lieu, des débats qui ont eu lieu. Les positions des élus républicains, des responsables politiques, sont devenues de plus en plus prudentes sur le sujet, puisque même si le mouvement pro-vie est réel, Au sein du parti républicain, avec un mouvement chrétien, évangélique, mais aussi catholique, assez fort et assez attaché à ce droit à la vie, il y a aussi une partie de l'électorat qui ne souhaite pas aller jusqu'à une nouvelle criminalisation de l'avortement. Et donc on a vu des positions très prudentes pour des candidats comme Nikki Haley, par exemple, et même Ron DeSantis, dans une certaine mesure, même si, en avril 2024, Il y a eu une nouvelle restriction de l'accès à l'avortement en Floride, qui a progressivement passé de 22 semaines à 14, et désormais à 6 semaines, ce qui revient à une quasi-interdiction.

  • Speaker #3

    Est-ce que le mouvement Pro-Life, comme on dit le mouvement Pro-Vie ici, est-ce qu'il a sous-estimé, selon vous, la colère qu'allait provoquer la révocation de Roe v. Wade ? C'était quand même un objectif de ce mouvement depuis 50 ans, depuis que cet arrêt a été institué.

  • Speaker #4

    Alors peut-être, il faudrait leur demander directement, mais... Je crois qu'il y a aussi un effet médiatique, c'est-à-dire qu'avec la polarisation et avec les élections qui sont très proches, on vote tous les deux ans aux États-Unis, donc il y a toujours une exagération médiatique des enjeux qui sont là, et donc il y a une visibilité plus importante des éléments plus radicaux, y compris ceux qu'on voit devant, par exemple, les cliniques d'avortement qui manifestent régulièrement. Alors bien sûr, il y a eu des mouvements plus violents, mais on va dire que les protestations ordinaires des milieux pro-vie... C'est de faire un piqué devant une clinique d'avortement, d'avoir des pancartes et de dissuader autant que possible, ou en tout cas de culpabiliser les femmes qui viennent consulter dans ces cliniques. Donc cette partie de l'électorat, on sait qu'elle est minoritaire. De toute façon, elle n'a jamais été majoritaire dans le parti républicain. Elle joue sa carte, il joue les cartes de leur conviction. Après, ce qui a peut-être été moins anticipé, ce sont les effets du fédéralisme. Puisque le fédéralisme, le fait que chaque État peut s'autodéterminer... Et notamment sur les questions de santé, c'est l'État qui est compétent, crée aussi des opportunités. Parce que ce qui se passe pour les femmes, concrètement, lorsqu'elles ont besoin d'un avortement chirurgical, si elles le peuvent, si elles en ont les ressources, elles se déplacent dans un autre État, éventuellement soutenues par des associations. Le paradoxe, c'est que cette position conservatrice qui consiste à dire c'est la décision des États peut aussi jouer en la défaveur, puisque ça permet aussi aux femmes de contourner, alors bien sûr à un coût plus important, ces interdictions.

  • Speaker #3

    Et on voit, si on en croit les chiffres du Guttmacher Institute, qui est un centre de recherche sur l'avortement, qui est plutôt pro-avortement, mais dont les chiffres font quand même autorité sur ces questions-là. Si on en croit les chiffres de cet institut, les projections sont plutôt que le nombre d'avortements va augmenter en 2023, malgré ces restrictions qui sont entrées en vigueur pour beaucoup en 2022.

  • Speaker #4

    Oui, ça s'explique parce que suite à l'abrogation de Reviway d'il y a deux ans, les États démocrates ont renforcé l'accès à l'avortement. et notamment en incitant le voyage entre États pour pouvoir accéder à l'avortement. Il y a aussi eu, avec ça, c'est un effet du Covid, le développement de la télémédecine, très important. Donc, comme on disait tout à l'heure, l'accès aux pilules abortives est simplifié. Donc, il y a eu un contre-coup, il y a eu une réaction des stratégies d'adaptation, en fait, à cette vague d'interdiction qui explique que l'accès à l'avortement a été relancé. Après, on peut toujours s'interroger sur est-ce que l'augmentation des avortements est un succès ou non. Je pense que pour les femmes, il ne faut pas oublier que l'avortement reste un pis-à-lait malgré tout et que ce qui est important aussi, c'est l'accès à la contraception. Et bien sûr, si cet avortement peut être prévenu en amont, c'est encore ce qui est de meilleur pour la santé des femmes.

  • Speaker #1

    Mais que proposent Kamala Harris et Donald Trump sur le sujet ? En tant que vice-présidente, la démocrate a fait de la défense de l'IVG son cheval de bataille, allant jusqu'à devenir le premier VP à se rendre dans une clinique d'avortement. Elle a promis de ratifier toute loi qui rétablirait les dispositions de Roe v. Wade, à savoir la légalité de l'avortement jusqu'au seuil de viabilité du fœtus. Pour elle, la révocation de cet arrêt est une manifestation supplémentaire de l'extrémisme du parti républicain. Donald Trump, quant à lui, a longtemps tergiversé. Tout en rappelant qu'il a nommé les trois juges conservateurs qui ont permis la fin de Roe, il a d'abord plaidé pour une interdiction nationale de l'avortement après 15 semaines de grossesse avant de se rétracter. Il a fini par réaffirmer que chaque État devait choisir sa propre politique en la matière, laissant donc la porte ouverte aux protections en vigueur. Une position qui ne satisfait guère certains militants anti-avortement, c'est le cas du pasteur évangélique Terry Haman, que j'ai rencontré dans un café de Des Moines en Iowa en janvier 2024, juste avant les fameux caucus de l'Iowa. Ses scrutins ont marqué le début du processus de désignation du candidat du parti républicain à la présidentielle. Il a déçu la communauté évangélique avec ses prises de position. Il a été le président le plus provi que j'ai connu. Mais cette année, il rétropédale. C'est un motif d'inquiétude pour nous. Ma position est la suivante. Comme Trump a été le président le plus anti-avortement, cela aurait du sens sur le plan politique de faire campagne sur ce message. C'est Donald Trump, il peut le faire. Nous aimerions qu'il renforce ses arguments pro-vie et qu'il renoue avec ses positions enterrées.

  • Speaker #3

    Je voulais qu'on parle des conséquences politiques de cette situation. Est-ce que c'est un sujet qui peut faire perdre Donald Trump en novembre ?

  • Speaker #4

    On voit bien qu'il doit en fait jouer sur deux parties de son électorat, à la fois l'électorat le plus religieux, le plus conservateur, sachant que ce n'est pas parce qu'on est religieux qu'on est conservateur aux États-Unis, et comme ailleurs d'ailleurs. Donc les électorats les plus conservateurs, les plus provis vont être forcément sensibles à cette question et ne veulent pas qu'il y ait cet accès facilité à l'avortement pour les raisons qu'on connaît, c'est-à-dire la préservation du don de Dieu, etc. Enfin, ce qui rentre dans ses visions religieuses. Donc Donald Trump doit à la fois garantir le soutien de cet électorat, ce qu'il fait régulièrement par exemple lorsqu'il se met en scène avec la Bible, lorsqu'il fait de la communication autour de... de prophéties, etc. Donc là, il mise vraiment sur cet électorat-là, qu'il doit conserver puisqu'il en a besoin. Mais il sait qu'il y a aussi, dans l'électorat républicain, un peu plus modéré, ou religieux plus libéral, plus ouvert, sur ces questions. Eh bien, il ménage la chèvre et le chou, parce qu'il reste dans le vague volontairement. Donc, pour l'instant, je dirais qu'il a adopté le positionnement le plus efficace, compte tenu de la composition de son électorat. Après, l'avortement est discuté dans les médias américains, mais n'est pas non plus sur le devant de la scène. Les démocrates essayent régulièrement sur leurs médias de faire passer des messages, de dire attention, si Trump revient en pouvoir, l'avortement est en danger Je pense que c'est une stratégie de campagne des démocrates, mais dans les faits, rien n'est moins sûr, Trump n'a fait aucune promesse précise. Sur le sujet, je pense qu'il laissera les États décider, ce qui reste d'ailleurs en ligne avec une certaine version de l'idéologie républicaine. Ce n'est pas de décision centrale, mais ce sont les États qui sont souverains. Voilà, donc pour l'instant, il ne prend pas de risque sur ce sujet-là.

  • Speaker #3

    En refusant de prendre de risque, finalement, il ne s'expose pas à des critiques faciles des deux camps. L'aile conservatrice, religieuse, etc., qui voudrait le voir faire plus. Et puis aussi les démocrates qui disent qu'en gros, il est pour... Laissez chaque État décider, mais ça donne aussi lieu à des interdictions qui sont parfois vues comme extrêmes.

  • Speaker #4

    Ça que les démocrates critiquent Donald Trump, ce n'est pas très étonnant et c'est le jeu dans une campagne électorale. D'autant que le sujet du retour de Donald Trump, c'est vraiment l'argument principal des démocrates dans cette campagne. Donc ça, je dirais que c'est de bonne guerre. Après, bien sûr, chez les Républicains, il peut faire des mécontents, mais l'idée, c'est que les mécontents soient le moins mécontents possible. Ils peuvent être... plus ou moins insatisfait, mais pas révolté par une forme de statu quo. De toute façon, je pense que pour les chrétiens les plus conservateurs, avoir une interdiction totale de l'avortement dans tous les États-Unis, c'est absolument irréaliste. Donc, de toute façon, ça n'arrivera pas. Je dirais que ce qui compte pour ces électorats, c'est surtout ce qui se passe dans leur État. Et là, on voit que la démocratie américaine, elle fonctionne aussi à sa manière. C'est-à-dire que... Lorsqu'il y a une population qui se mobilise, qui fait une pétition, qui réunit suffisamment de signatures, elle peut porter des changements au niveau de l'État, par exemple pour protéger l'avortement dans la constitution de tel ou tel État. Donc il y a des possibilités aussi pour les électeurs à se mobiliser, pour les citoyens à changer la situation dans leur État. Donc oui, pour Donald Trump, je ne pense pas qu'il prenne un gros risque sur ce dossier-là. Le Parti démocrate, lui... essaye de placer ce sujet-là notamment dans l'agenda, mais ça sera plus compliqué de faire campagne uniquement sur ce sujet-là.

  • Speaker #3

    Vous parlez de quelque chose de très intéressant qui n'est pas forcément perçu quand on est en dehors des États-Unis, mais en novembre, les Américains vont aussi voter pour tout un tas de postes au niveau des États, des députés d'État, des sénateurs d'État, parfois même des cours suprêmes d'État. Est-ce que ce sujet de l'avortement, selon vous, va se traduire dans des voies supplémentaires, peut-être pour les démocrates, ou une mobilisation accrue du Parti démocrate dans certains États ? Est-ce qu'il y a des clés aujourd'hui qui permettent de... de répondre dans un sens comme dans l'autre.

  • Speaker #4

    Oui, bien sûr, il peut espérer mobiliser le vote féminin sur ce sujet. Ça peut être un enjeu dans des swing states, où il faut rappeler que les élections présidentielles américaines, ces derniers temps, se jouent sur très peu de voix. C'est-à-dire que les États-clés, et d'ailleurs Donald Trump avait gagné un certain nombre d'États-clés en 2016, par des marges extrêmement fines. Moins de 1% des électeurs, ça représente peut-être... 15 000, 30 000, tout au plus 50 000 électeurs dans un État, ce qui n'est rien sur une population de plusieurs millions, voire une dizaine de millions d'habitants. Donc on est vraiment sur des étiages très minces. Donc les démocrates travaillent sur chaque petite poche d'électorat qui pourrait être convertie, mais c'est quand même un travail assez difficile puisque pour l'instant la décision est au niveau des États. Biden avait promis de faire passer une loi protégeant au niveau fédéral, mais rien n'est moins sûr, puisque comme vous l'avez dit, en novembre, on va voter pour des représentants, pour des sénateurs, en plus d'un certain nombre de fonctions locales et ces fameux référendums locaux. Donc la promesse de Joe Biden de faire passer une loi fédérale sur le sujet est assez incertaine, puisque ça suppose, comme vous l'expliquiez, qu'il y aura des élections au niveau parlementaire, donc au Sénat, à la Chambre des représentants, et il faudrait que les démocrates gagnent dans ces deux chambres. du Parlement et qu'ils aient une majorité suffisante. On se souvient qu'il y a quelques années, une loi de protection de la santé des femmes n'était pas passée à cause d'un démocrate, même pas un républicain, un démocrate Zhou Manqing qui avait pesé de tout son poids dans la balance pour des raisons strictement de carrière personnelle et de montrer qu'il avait de l'importance, ce qui est quand même paradoxal. Donc il faut qu'il ait une majorité fidèle derrière lui, dans les deux chambres, et même dans l'hypothèse où ça se réaliserait, ce qui n'est pas sûr, On n'est pas certain encore que le Parlement, le Congrès aient compétence à protéger au niveau fédéral l'avortement. Ça, rien n'est moins sûr, puisque les décisions jusqu'à présent ont émané de la Cour suprême. Et cette Cour suprême est composée à majorité de juges républicains, pour une partie très conservateur. Donc on ne sait pas du tout ce qui va en advenir. Je pense que pour les démocrates, c'est surtout une promesse de campagne en l'État. C'est une manière d'essayer de capter un certain nombre d'électorats, mais dans les faits, la décision va surtout revenir aux États. Et si les électeurs veulent se mobiliser au niveau de l'État pour faire voter sur cette question, c'est vraiment le chemin de la pétition et du référendum local qui sera le plus efficace.

  • Speaker #3

    Promesse qui ne sera pas nécessairement en mesure de se venir.

  • Speaker #4

    Ce sera difficile.

  • Speaker #3

    Merci beaucoup Elisa Schell. Merci pour votre temps.

  • Speaker #4

    Merci à vous.

  • Speaker #1

    En novembre, les Américains ne voteront pas uniquement pour élire leur président, leur député ou une partie de leur sénateur au niveau fédéral ou national. Ils choisiront aussi des parlementaires fédérés chargés de légiférer au sein de chaque État. Ces élections d'ordinaire peu suivies, car locales, seront très importantes pour le futur de l'accès à l'avortement. Le Parti démocrate l'a compris et entend, selon le Washington Post, investir 60 millions de dollars pour faire basculer des parlements d'États républicains à gauche. Jamais n'avait-il mis... autant d'argent dans ce combat. Le Camp Rovi n'est pas en reste. Le principal groupe du mouvement, le Susan B. Anthony Pro-Life America, a annoncé qu'il comptait lever 92 millions de dollars pour reconquérir la majorité au Sénat des Etats-Unis et battre les démocrates. C'est la fin de cet épisode de C'est ça l'Amérique. On se retrouve la semaine prochaine pour un nouveau numéro. D'ici là, portez-vous bien.

  • Speaker #2

    C'est ça l'Amérique, un podcast proposé par La Croix, le programme Alliance colombienne et le site d'information French Morning.

Chapters

  • A quoi ressemble aujourd'hui le paysage de l'accès à l'avortement aux Etats-Unis ?

    03:43

  • Donc on peut parler de deux voire de trois Amériques sur ce sujet ?

    05:17

  • Quelles sont les réalités auxquelles sont confrontées les femmes qui veulent recourir à un avortement aux Etats-unis ?

    06:10

  • Le mouvement "pro-life" aux Etats-Unis a-t-il sous-estimé la colère qu'allait provoquer la révocation de "Roe vs Wade" ?

    11:49

  • Le nombre d'avortements va-t-il diminuer aux Etats-Unis ?

    13:34

  • Les positions de Donald Trump sur le sujet de l'avortement peuvent-elles lui faire perdre les élections ?

    16:48

  • Le débat sur l'avortement aux Etats-Unis va-t-il se traduire par des voix supplémentaires pour les démocrates ?

    20:43

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