Trump et Harris, deux visions "populistes" de l’économie - avec Yann Coatanlem cover
Trump et Harris, deux visions "populistes" de l’économie - avec Yann Coatanlem cover
C'est ça l'Amérique

Trump et Harris, deux visions "populistes" de l’économie - avec Yann Coatanlem

Trump et Harris, deux visions "populistes" de l’économie - avec Yann Coatanlem

25min |09/10/2024|

815

Play
Trump et Harris, deux visions "populistes" de l’économie - avec Yann Coatanlem cover
Trump et Harris, deux visions "populistes" de l’économie - avec Yann Coatanlem cover
C'est ça l'Amérique

Trump et Harris, deux visions "populistes" de l’économie - avec Yann Coatanlem

Trump et Harris, deux visions "populistes" de l’économie - avec Yann Coatanlem

25min |09/10/2024|

815

Play

Description

C’est ça l’Amérique, saison 3


Malgré des indicateurs économiques positifs, les Américains demeurent pessimistes et imaginent leur pays en récession. Comment expliquer ce paradoxe ? Et comment Trump et Harris tentent-ils de redonner confiance à la population grâce à leurs programmes économiques ?


Épisode 5/8 :


En 1992, le stratège démocrate James Carville a utilisé une formule qui a fait date dans la vie politique américaine : "It’s the economy, stupid" ("C’est l’économie, idiot"). Dans le contexte de récession de l’époque, il voulait insister sur l’importance pour son candidat, Bill Clinton, de parler des questions économiques pour remporter l’élection. Pari réussi : le gouverneur de l’Arkansas a battu le président républicain sortant George H.W. Bush.

Trente-deux ans plus tard, cette règle n’a pas pris une ride. L’économie, l’inflation en particulier, est en tête des préoccupations des Américains. Or, en la matière, la situation est paradoxale. Si les indicateurs (chômage, PIB, investissements d’avenir…) sont dans le vert, la majorité de la population déclare dans les sondages avoir l’impression de vivre dans un pays en crise et se dit pessimiste pour l’avenir.

Cette réalité va-t-elle profiter à Donald Trump ? Dans ce cinquième épisode de "C’est ça l’Amérique", nous nous penchons sur cette question et les propositions des deux candidats avec l’économiste franco-américain Yann Coatanlem, président du think tank "Club Praxis" et coauteur du "Capitalisme contre les inégalités" (PUF).


CRÉDITS :


Écriture et réalisation : Alexis Buisson. Rédaction en chef : Jean-Christophe Ploquin et Paul De Coustin. Production : Célestine Albert-Steward. Mixage : Flavien Edenne. Musique : Emmanuel Viau. Illustration : Olivier Balez.


► Vous avez une question ou une remarque ? Écrivez-nous à cette adresse : podcast.lacroix@groupebayard.com


"C'est ça l'Amérique" est un podcast original de LA CROIX - Octobre 2024.


En partenariat avec le programme Alliance – Columbia et ses partenaires (Sciences-Po, Polytechnique, La Sorbonne), et French Morning, le premier web magazine des Français d’Amérique.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Kamala ! It will make the world stronger. Because I believe everyone has a right to safety, to dignity and to justice.

  • Speaker #1

    Bonjour, je suis Alexis Buisson, le correspondant de La Croix à New York. Bienvenue dans C'est ça l'Amérique, le podcast qui explore les enjeux des élections américaines de 2024. Kamala ! Chaque semaine et jusqu'au scrutin, Découvrez les éclairages d'experts francophones établis aux États-Unis.

  • Speaker #0

    C'est ça l'Amérique et ça commence maintenant.

  • Speaker #1

    Jour de grève dans le Michigan, alors que des travailleurs du constructeur automobile Ford manifestent devant les portes de la grande usine de Wayne en banlieue de Détroit, les automobilistes qui passent klaxonnent en signe de soutien. Nous sommes en octobre 2023 et le moment est historique. Des centaines voire des milliers de travailleurs au sein des trois grands constructeurs que sont Ford, Stellantis et General Motors ont cessé le travail simultanément pour réclamer une revalorisation salariale. Car le coût de la vie est devenu insupportable pour nombre d'entre eux. Patrick travaille chez Ford depuis 30 ans. Avec l'envolée du prix des vivres, c'est difficile de faire face. Pour ma part, je gagne le maximum de ma catégorie et j'ai du mal à couvrir mes dépenses. On a plusieurs enfants. À cela s'ajoute le remboursement des prêts pour la maison, les dépenses pour la voiture. Le coût de la vie est trop élevé. Les nouveaux employés de Ford gagnent si peu qu'ils ne pourront jamais s'offrir une maison. Il leur faut deux ou trois emplois pour soutenir leur famille en ce moment. Personnellement, je fais tellement d'heures supplémentaires que j'arrive à couvrir mes dépenses, mais il ne me reste pas grand-chose après. Pendant les deux années et demie passées, j'ai travaillé sept jours par semaine, douze heures par jour, et après tout ça, j'étais encore juste pour payer mes factures. L'économie est le principal motif de préoccupation des électeurs américains, si l'on en croit les sondages. Dans ce domaine, la présidence Biden a un bilan en demi-teinte. D'un côté, des lois historiques ont permis d'investir des milliards de dollars dans la modernisation des infrastructures, dans la relance de l'industrie et dans la transition énergétique. Mais en parallèle, il y a ce chiffre qui hante la Maison-Blanche, 9,1%. C'est l'inflation annuelle enregistrée en juin 2022, son plus haut niveau depuis près de 40 ans. Depuis, le chiffre est retombé, mais il a laissé des traces. En effet, quand on parle des élections de 2024 et de toutes les autres aux Etats-Unis, il faut garder en tête une réalité. Les Américains sont très fragiles sur le plan financier et donc vulnérables aux hausses de prix. La majeure partie de la population, entre 60 et 70% selon les études, dit vivre... paycheck to paycheck d'après la formule consacrée, c'est-à-dire au jour le jour, ou plutôt au mois le mois, sans pouvoir mettre d'argent de côté. En outre, des dizaines de millions d'Américains commencent la vie active endettée, car ils ont contracté des prêts étudiants pour aller à l'université. Dans ce nouvel épisode de C'est ça l'Amérique, nous nous penchons sur la bataille économique que se livrent Kamala Harris et Donald Trump. Pour en parler, j'ai rencontré l'économiste Yann Cottenlem, il est président et fondateur du think tank indépendant Club A. Praxis et co-auteur du livre Le capitalisme contre les inégalités.

  • Speaker #2

    Bonjour Yann Cottenham.

  • Speaker #0

    Bonjour.

  • Speaker #2

    Peut-être qu'on peut commencer par parler de la présidence qui s'achève, la présidence Biden, et bien sûr de sa vice-présidente Kamala Harris. Est-ce que vous diriez que cette présidence a été une réussite sur le plan économique ?

  • Speaker #0

    D'une certaine manière, oui, et l'économie a surtout surpris par sa résilience. On a évité une récession, ce qui n'est pas rien. Sous Biden, 15 millions de jobs ont été créés. L'inflation a été relativement maîtrisée, puisqu'elle est redescendue à 3%. Ce qui permet maintenant à la réserve fédérale d'envisager des baisses de tout l'intérêt. Et depuis fin 2019, donc en incluant la période de Covid, la croissance a approché 10% en cumulé aux États-Unis, contre 4% en Europe et 3,8% en France. Donc il y a vraiment une performance importante vis-à-vis de l'Europe et du reste du monde. Si on regarde le changement climatique, l'investissement a doublé par rapport aux années Trump. On est arrivé à 200 milliards par an pour faire face aux engagements climatiques sur la neutralité carbone. C'est encore loin du compte. Il faudrait 1 000 milliards par an pour arriver à une neutralité carbone d'ici 2050. Mais enfin, on va dans la bonne direction et en accélérer. Donc tout ça, c'est... Très positif. Et en se plaçant sur un horizon de temps plus long, on voit des évolutions qui sont nettement en faveur des États-Unis. Par exemple, le patrimoine des ménages a triplé en 20 ans. En Europe, c'est beaucoup moins. Et pour donner un ordre de grandeur, le patrimoine par habitant est deux fois plus élevé aux États-Unis qu'en France. Si on regarde maintenant les investissements d'avenir, parce que là, on a parlé de l'état du bilan actuel, mais si on regarde l'avenir, ce qui est frappant de voir... aux États-Unis, c'est avec quel dynamisme on construit le futur. Il y a six fois plus d'investissements en recherche et développement aux États-Unis qu'en Europe, dans le secteur de la tech. Et d'ailleurs, l'Europe s'est fait doubler aussi par la Chine. Donc ça, c'est inquiétant directement pour notre avenir. Moins positif, c'est l'évolution des inégalités, même si ce qu'on a observé depuis quelques années, notamment pendant les années Covid, c'est... une légère réduction des inégalités de revenus. Donc ça, c'est positif. Par contre, il y a encore de très grandes inégalités structurelles, de patrimoine certainement, des inégalités au niveau des discriminations. Et un signe particulièrement inquiétant, c'est la baisse de la natalité, qui montre qu'un jeune ménage est inquiet du manque de couverture médicale universelle. Donc ça coûte cher d'assurer ses enfants. de les faire soigner. Le manque d'accès à une garde d'enfants et à des crèches de qualité est suffisamment au marché. Tout ça fait que les jeunes couples réfléchissent à deux fois et la natalité est en train de baisser.

  • Speaker #2

    La baisse de natalité, c'est un sujet typiquement dont on n'entend pas parler, dans la bouche des candidats en tout cas.

  • Speaker #0

    Oui, et on devrait en parler plus et les évolutions de natalité vont jouer un rôle de plus en plus important en Europe aussi.

  • Speaker #2

    Les indicateurs sont très bons, en effet, mais quand on parle avec des Américains, ils ont souvent le sentiment que le pays est en crise économique, qu'il y a une récession. C'est l'avis de la majeure partie des Américains qui ont été sondés ces derniers mois. Comment expliquer ce décalage entre les bonnes performances économiques que vous avez citées et ce sentiment au sein de la population, un sentiment qui est très négatif ?

  • Speaker #0

    Oui, alors c'est très frappant, ce décalage entre le ressenti de l'économie et puis la performance. réel, tangible, dont je viens de parler. Et en fait, d'après les instituts de recherche, comme le Pew Research Institute, qui est très réputé, et qui va vraiment au fond des problèmes, moins d'un quart des Américains considèrent que l'économie américaine est dans une bonne posture. Ce qui est très frappant également, c'est les divisions entre le camp démocrate et le camp républicain. Chez les républicains, 90% des électeurs sont mécontents de l'état de l'économie. Et donc, ce n'est pas étonnant qu'au fond, ils souhaitent une espèce de remise en cause totale du système et s'en remettent à un parti extrême, parce que le Parti républicain est finalement devenu un parti extrême, comme certains autres partis européens. Alors, je pense qu'il y a à la fois le ressenti de l'inflation, qui est parnière, peut-être qu'on peut y revenir. Il y a aussi les inégalités qui jouent un rôle, le manque de logement qui est aussi critique. que dans certaines parties de l'Europe. Les discriminations qui continuent dans de nombreux domaines, le sentiment d'insécurité aussi. Les crimes violents ont en fait baissé pendant la présidence Biden, mais ils avaient terriblement augmenté sous Trump. En réalité, dans la période un petit peu bizarre qu'on a connue pendant Covid. En 2020, les crimes violents ont augmenté de 30%. Donc après ça, on ne peut que rebaisser un petit peu, c'est ce qui s'est passé. Et puis aussi, il y a l'immigration massive qui favorise la recherche de boucs émissaires, comme partout dans le monde, malheureusement. Et un chiffre, si on fait un zoom sur, je dirais, une intersection entre les inégalités sociales et les inégalités raciales, c'est un chiffre de la fondation Brookings, 82% des jeunes hispaniques considèrent qu'ils sont pénalisés par leurs préétudiants. dans les dépenses les plus basiques auxquelles il doit faire face. Donc il y a quand même une... toute une tranche de la population qui est très défavorisée et qui, même si historiquement on vient d'un camp plutôt démocrate et progressiste, risque de se réfugier dans les extérieurs.

  • Speaker #1

    En écoutant Yann Cottenlem, je me suis souvenu d'un meeting de Donald Trump en mai 2024. Nous sommes dans le sud du Bronx, un quartier pauvre, majoritairement noir et hispanique, de New York. Ce n'est pas le genre d'endroit où le milliardaire organise des rassemblements. Mais il a décidé de le faire pour montrer que sa candidature et son message économique pouvaient aussi séduire les minorités, même dans un endroit très démocrate comme le Bronx. Sur place, j'ai fait la connaissance de Pearl, une Afro-Américaine. J'ai rencontré des électeurs démocrates ici et ils m'ont dit Je votais pour le parti démocrate dans le passé, mais je suis en train de changer. C'est triste à dire, mais la principale raison, c'est la situation économique. Ils se souviennent que c'était différent pendant les quatre années où Donald Trump était au pouvoir. Regardez où nous en sommes aujourd'hui. Yann Cottenlem, peut-on dire que Donald Trump parvient à séduire cet électorat précaire ?

  • Speaker #0

    Oui, mais de façon... bizarre, encore une fois, en promettant de mettre le pied dans la fourmilière. Si on se base sur son bilan économique, le bilan économique de sa présidence, on est quand même loin du compte. D'abord, il y a son action personnelle, puis l'action de son administration. J'ai du mal à mettre Trump et bon gestionnaire dans la même phrase. Mais si on regarde l'action de son administration, il y a eu un rééquilibrage qui était sans doute... plus que nécessaire des échanges commerciaux avec la Chine. Donc ça, ça a été fait, ça a été préservé par l'administration Biden. Ça avait commencé un petit peu sous Obama en réalité. Donc tout ça, c'est plutôt une bonne chose. Il y a eu la réforme fiscale de 2017, à la fois pour les ménages et les entreprises, dont on considère qu'il y a eu un léger impact positif sur l'économie, au moins dans le court terme. Mais en fait, ce qui est assez troublant, c'est que si on considère toutes les nouvelles... taxe que Trump envisage contre la Chine, d'après les projections dont on dispose, ça va compromettre ces bons résultats économiques. Et puis les baisses d'impôts, elles étaient provisoires en 2017. Donc l'impôt sur les sociétés était passé de 35% à 21%. Kamala Harris, en meilleur gestionnaire d'une certaine manière, en termes d'équilibre budgétaire en tout cas, veut le faire passer de 21% à 28%.... Trump veut le laisser à 21% et même l'abaisser à 15% dans les cas de made in America d'une certaine manière. Mais malheureusement, si on continue sur la voie de Trump avec ses allégements, la dette américaine exploserait à 200% du PIB. Donc, on est très loin, en fait, de ce qu'on appelle le fiscally responsibility du PIB. parti républicain traditionnel. Très très loin de ça. Là on est vraiment dans le populisme de bas étage.

  • Speaker #2

    Vous avez prononcé le mot de l'inflation qui est effectivement le mot magique de cette campagne, on a l'impression. Donald Trump lui dit en gros que pendant sa présidence, l'inflation était à des niveaux plus faibles que d'une certaine manière, la vie était plus simple. pendant sa présidence d'un point de vue économique. Est-ce qu'il a raison ? Est-ce que finalement le gouvernement Biden-Harris est responsable au moins en partie de cette inflation ?

  • Speaker #0

    Alors Trump a un peu raison mais beaucoup tort. Au sens où l'inflation a certainement fait beaucoup de dégâts. Donc si on regarde depuis fin 2020, donc juste avant la présidence Biden jusqu'à aujourd'hui, en gros le milieu de 2024, les prix ont augmenté de 17% en cumulé. Si l'inflation était restée autour de 2%, qui est l'objectif de la réserve fédérale, 2% par an, on serait arrivé à une hausse cumulée de 7%. Donc on s'est pris 10%. Alors qui est le responsable ? En réalité, c'est ni Biden ni Trump. C'est d'abord la période de Covid, puis les troupes géopolitiques, la guerre en Ukraine, etc., qui ont fait qu'il y a une perturbation assez forte des chaînes de valeur. Et ça agit sur les prix. Il y a eu ensuite une trop grande période d'argent facile, mais ça c'est l'action des banques centrales et en particulier de la réserve fédérale, donc c'est en dehors du champ d'action du président américain. Mais ensuite, il y a une action directement imputable au président et au congrès américain qui est toutes les aides qui ont été accordées aux ménages, aux entreprises pendant Covid. Et là, en fait, c'est beaucoup plus sous Trump que sous Biden, puisque ça a été un package de 5 000 milliards de dollars sous Trump. Et seulement 1900 milliards, enfin seulement si je puis dire, 1900 milliards sous Biden. Et alors je dirais en plus que les critiques de Trump sont d'autant plus injustifiées que toutes ces annonces de programmes vont souvent... Dans un sens inflationniste, le plan de reconduite aux frontières de 10 millions d'immigrés illégaux ou non régularisés, si on veut, parce qu'en fait, ils sont intégrés à l'économie, ils payent des impôts comme vous et moi. Et d'une certaine manière, ils ont un certain degré d'immatriculation, mais ils ne sont pas complètement réguliers. Donc je les appellerais non réguliers. Ce serait par nien et ça, ça créerait de l'inflation. Et la guerre commerciale contre la Chine qu'on veut pousser encore plus loin. et celle qu'on veut éventuellement conduire aussi avec l'Europe, tout ça aura un impact inflationniste. Donc je trouve la critique complètement injustifiée de ce point de vue-là.

  • Speaker #2

    On a l'impression, en tout cas vu de l'étranger, que les présidents américains sont tout puissants, qu'ils contrôlent tout. En fait, en matière d'économie, ils ne contrôlent pas grand-chose.

  • Speaker #0

    Tu as tout à fait raison. Et c'est une remarque que j'aurais pu faire avant. C'est que quand on juge d'un bilan présidentiel, en fait, on juge du bilan d'une période. C'est déjà d'ailleurs difficile d'inscrire les évolutions de long terme dans une période assez courte parce qu'en fait, il y a du bruit. C'est un petit peu quand on se pèse le matin, de jour en jour, il y a une grande volatilité. Et donc, il faut faire des moyennes sur une certaine durée pour essayer d'y voir quelque chose. Est-ce que je prends du poids vraiment ou est-ce que j'arrive à me contrôler ? En économie, c'est pareil. Il faut regarder les choses sur des durées de moyen ou de long terme. Donc ça, c'est la première remarque. Et puis, effectivement, si c'est difficile de mesurer les grandes variables économiques, c'est encore plus difficile d'attribuer... Ces performances à des contributions spécifiques comme celle du président, du congrès, de la réserve fédérale, des entreprises elles-mêmes. On le voit dans le domaine du climat. Même sous Trump, l'investissement dont je parlais vers le changement climatique, il a en fait augmenté globalement parce que les entreprises faisaient leur travail, les États faisaient leur travail et les municipalités aussi. Donc même si l'État fédéral, en tout cas l'administration fédérale contrôlée par le président, mettait des freins... globalement, on est allé dans un sens opposé à ce que souhaitait Trump. Donc, voilà, le rôle du président n'est pas aussi important qu'on veut le croire. Et c'est bien toute la difficulté, je crois, de réconcilier le peuple avec ses dirigeants. C'est que malheureusement, on promet trop pour une capacité d'action très limitée.

  • Speaker #1

    Avant de reprendre la conversation, arrêtons-nous sur les propositions des deux candidats pour réduire l'inflation. En plus d'aides fiscales diverses pour les nouveaux parents et les nouveaux propriétaires, Kamala Harris a dit qu'elle voulait interdire aux entreprises de l'alimentaire de gonfler artificiellement leur prix. Les économistes parlent d'une mesure populiste et vague qui serait difficile à mettre en œuvre. Pour sa part, Donald Trump veut abaisser le coût de l'énergie en augmentant notamment les forages pétroliers sur les terres fédérales. Il a aussi proposé de défiscaliser les pourboires, mode de rémunération important dans les services, et de réduire les dépenses publiques pour baisser les impôts. Il accuse Kamala Harris et Joe Biden d'être responsables de l'envolée des prix de ces dernières années. Quant à la vice-présidente, elle lui reproche de vouloir imposer des droits de douane sur tous les produits importés, une mesure qui aurait pour effet une augmentation générale des prix. C'est ce qu'elle appelle la tax Trump Mais à l'heure où nous enregistrons ce podcast, l'ex-homme d'affaires est toujours vu par l'opinion américaine comme plus compétent que la candidate démocrate pour gérer l'économie, même si l'écart se réduit.

  • Speaker #2

    Quand on regarde les propositions des deux candidats, l'accent que met Kamala Harris est intéressant sur le fait qu'il faut réduire les prix justement. Elle a dit qu'elle en ferait vraiment sa priorité pour sa présidence. Est-ce que du coup elle ne promet pas trop ? Est-ce que finalement elle fait des promesses qu'elle n'est pas en mesure de tenir, compte tenu de ce que vous disiez sur les cycles économiques, la difficulté de vraiment maîtriser l'économie pour le locataire de la Maison-Blanche ?

  • Speaker #0

    Je crois que c'est une très bonne question. Et justement, devant l'incapacité de vraiment changer les choses, on se lance dans des surenchères populistes. Et je crois qu'il faut être honnête, il y a du populisme dans les deux camps actuellement. Les deux partis se sont radicalisés, plus le Parti républicain et MAGA, clairement, que le Parti démocrate, mais quand même. Et à la fois dans les programmes des candidats et dans l'appréciation du programme de l'autre. On exagère. Par exemple, dans le camp démocrate, la lutte contre la manipulation des prix. Est-ce qu'il faudrait revenir à une espèce de contrôle des prix comme on l'a eu longtemps en Europe, dans les années 70 et 80 ? Je ne pense pas et je ne pense pas qu'on puisse faire quoi que ce soit de concret, mais c'est sans doute bien d'en parler pour s'attirer les faveurs d'un certain électorat. Après, dans l'appréciation du camp adverse, quand on dit que Trump envisage des hausses d'impôts sur les classes moyennes, en réalité, ce n'est pas ça. Ce que les démocrates essaient de mesurer, c'est l'impact de ces mesures inflationnistes, justement. On a d'ailleurs quantifié ça de façon très précise en disant que ce serait un impact de 3 900 euros par ménage américain. Donc c'est très précis pour quelque chose quand même de très vague. Donc il y a du populisme dans les deux sens. Cela dit, si on regarde le chiffrage des programmes, alors il faut mettre un petit bémol parce que le chiffrage des programmes, c'est souvent une vue très partielle, qui est en fait... purement comptable et qui ne tient pas bien compte des effets indirects sur l'économie de moyen ou de plus long terme. Mais enfin, d'un point de vue comptable, ce que disent différents instituts indépendants de projection, c'est que pour Kamala Harris, le déficit américain augmenterait, il augmente toujours, malheureusement c'est toujours dans ce mauvais sens, mais enfin, sur 10 ans, le déficit pour Kamala Harris augmenterait de seulement 1300. milliards de dollars, alors que dans le cas de Trump, les instituts, encore une fois, considèrent qu'il y aurait un dérapage du budget et un déficit cumulé de 10 000 milliards de dollars sur 10 ans, et sur la seule base de ces réductions d'impôts, sans compter l'impact de sa guerre commerciale avec la Chine éventuellement, d'une mauvaise gestion macroéconomique, etc. Donc, du populisme des deux côtés, mais quand même... beaucoup plus du côté Trump et une espèce de laissé-aller fiscal, total, qui fait qu'on peut aller dans le mur.

  • Speaker #2

    Est-ce que ce ressenti d'une grande partie de la population, comme vous le disiez, que le pays va dans une mauvaise direction économique, que la vie est difficile à cause de l'inflation, est-ce que c'est un problème pour Kamala Harris d'un point de vue politique ?

  • Speaker #0

    Je crois qu'en fait, toute la subtilité est dans le degré de rejet du système. Et si le rejet est d'une certaine manière marginal, si on considère que les choses vont mal, mais qu'on voit la fin du tunnel, qu'on voit un moyen de s'en sortir de façon rationnelle, en ajustant certains paramètres de l'action macroéconomique, là on va plutôt faire confiance aux camps démocrates, aux camps progressistes, en disant voilà, c'est les recettes habituelles de gouvernance qui vont permettre de nous en sortir en réduisant certaines inégalités. en augmentant l'efficacité de l'école et de l'ascenseur social en général. Mais si on est à un niveau quasiment désespéré, là on aura sans doute plus envie de faire confiance aux extrêmes, quels qu'ils soient, extrême gauche, extrême droite, on le voit en Europe aussi. Et dans ce cas-là, il faut casser le système et on verra bien ce qui se passe. C'est ça, je crois, le risque aujourd'hui. C'est que... L'exaspération, quand elle est poussée trop loin, considère que les recettes habituelles ne marchent plus et qu'il faut casser le système. Casser non seulement le capitalisme, mais d'une certaine manière la démocratie. Et on est prêt à accepter les travers d'une espèce de nouveau Caligula comme Trump.

  • Speaker #2

    Merci beaucoup Yann Cotterdame.

  • Speaker #0

    Merci.

  • Speaker #1

    En 1992, le stratège politique Jim Carville, qui a travaillé sur la campagne victorieuse de Bill Clinton cette année-là, a eu une formule qui a fait date dans la vie politique américaine. It's the economy, stupid. C'est l'économie qui compte, imbécile. C'était une manière pour lui d'insister sur l'importance de parler de ce sujet aux électeurs. À l'époque, les États-Unis étaient en récession et grâce en partie à ce slogan, Bill Clinton est parvenu à s'imposer face au sortant George Bush père. 32 ans plus tard, Jim Carville... peut se réjouir, sa formule n'a pas pris une ride. Merci à vous d'avoir suivi ce nouvel épisode de C'est ça l'Amérique. On se retrouve la semaine prochaine.

  • Speaker #0

    C'est ça l'Amérique, un podcast proposé par La Croix, le programme Alliance Columbia et le site d'information French Morning. Vous pouvez toujours m'assurer de mettre le pays en haut. party and self.

Chapters

  • La présidence de Joe Biden a-t-elle été une réussite sur le plan économique ?

    04:14

  • La baisse de la natalité est-elle un sujet dans la campagne présidentielle américaine ?

    07:12

  • Les États-Unis traversent-ils vraiment une crise économique ?

    07:25

  • Donald Trump parvient-il à séduire l'électorat précaire ?

    11:09

  • L'inflation était-elle plus faible et maitrisée sous la présidence de Donald Trump ?

    13:17

  • Les présidents américains ont-ils réellement le contrôle de l'économie ?

    16:06

  • En matière d'inflation, Kamala Harris fait-elle des promesses qu'elle ne pourra pas tenir ?

    19:20

  • Le pessimisme économique d'une grande partie des américains sera-t-il un handicap pour Kamala Harris ?

    22:22

Description

C’est ça l’Amérique, saison 3


Malgré des indicateurs économiques positifs, les Américains demeurent pessimistes et imaginent leur pays en récession. Comment expliquer ce paradoxe ? Et comment Trump et Harris tentent-ils de redonner confiance à la population grâce à leurs programmes économiques ?


Épisode 5/8 :


En 1992, le stratège démocrate James Carville a utilisé une formule qui a fait date dans la vie politique américaine : "It’s the economy, stupid" ("C’est l’économie, idiot"). Dans le contexte de récession de l’époque, il voulait insister sur l’importance pour son candidat, Bill Clinton, de parler des questions économiques pour remporter l’élection. Pari réussi : le gouverneur de l’Arkansas a battu le président républicain sortant George H.W. Bush.

Trente-deux ans plus tard, cette règle n’a pas pris une ride. L’économie, l’inflation en particulier, est en tête des préoccupations des Américains. Or, en la matière, la situation est paradoxale. Si les indicateurs (chômage, PIB, investissements d’avenir…) sont dans le vert, la majorité de la population déclare dans les sondages avoir l’impression de vivre dans un pays en crise et se dit pessimiste pour l’avenir.

Cette réalité va-t-elle profiter à Donald Trump ? Dans ce cinquième épisode de "C’est ça l’Amérique", nous nous penchons sur cette question et les propositions des deux candidats avec l’économiste franco-américain Yann Coatanlem, président du think tank "Club Praxis" et coauteur du "Capitalisme contre les inégalités" (PUF).


CRÉDITS :


Écriture et réalisation : Alexis Buisson. Rédaction en chef : Jean-Christophe Ploquin et Paul De Coustin. Production : Célestine Albert-Steward. Mixage : Flavien Edenne. Musique : Emmanuel Viau. Illustration : Olivier Balez.


► Vous avez une question ou une remarque ? Écrivez-nous à cette adresse : podcast.lacroix@groupebayard.com


"C'est ça l'Amérique" est un podcast original de LA CROIX - Octobre 2024.


En partenariat avec le programme Alliance – Columbia et ses partenaires (Sciences-Po, Polytechnique, La Sorbonne), et French Morning, le premier web magazine des Français d’Amérique.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Kamala ! It will make the world stronger. Because I believe everyone has a right to safety, to dignity and to justice.

  • Speaker #1

    Bonjour, je suis Alexis Buisson, le correspondant de La Croix à New York. Bienvenue dans C'est ça l'Amérique, le podcast qui explore les enjeux des élections américaines de 2024. Kamala ! Chaque semaine et jusqu'au scrutin, Découvrez les éclairages d'experts francophones établis aux États-Unis.

  • Speaker #0

    C'est ça l'Amérique et ça commence maintenant.

  • Speaker #1

    Jour de grève dans le Michigan, alors que des travailleurs du constructeur automobile Ford manifestent devant les portes de la grande usine de Wayne en banlieue de Détroit, les automobilistes qui passent klaxonnent en signe de soutien. Nous sommes en octobre 2023 et le moment est historique. Des centaines voire des milliers de travailleurs au sein des trois grands constructeurs que sont Ford, Stellantis et General Motors ont cessé le travail simultanément pour réclamer une revalorisation salariale. Car le coût de la vie est devenu insupportable pour nombre d'entre eux. Patrick travaille chez Ford depuis 30 ans. Avec l'envolée du prix des vivres, c'est difficile de faire face. Pour ma part, je gagne le maximum de ma catégorie et j'ai du mal à couvrir mes dépenses. On a plusieurs enfants. À cela s'ajoute le remboursement des prêts pour la maison, les dépenses pour la voiture. Le coût de la vie est trop élevé. Les nouveaux employés de Ford gagnent si peu qu'ils ne pourront jamais s'offrir une maison. Il leur faut deux ou trois emplois pour soutenir leur famille en ce moment. Personnellement, je fais tellement d'heures supplémentaires que j'arrive à couvrir mes dépenses, mais il ne me reste pas grand-chose après. Pendant les deux années et demie passées, j'ai travaillé sept jours par semaine, douze heures par jour, et après tout ça, j'étais encore juste pour payer mes factures. L'économie est le principal motif de préoccupation des électeurs américains, si l'on en croit les sondages. Dans ce domaine, la présidence Biden a un bilan en demi-teinte. D'un côté, des lois historiques ont permis d'investir des milliards de dollars dans la modernisation des infrastructures, dans la relance de l'industrie et dans la transition énergétique. Mais en parallèle, il y a ce chiffre qui hante la Maison-Blanche, 9,1%. C'est l'inflation annuelle enregistrée en juin 2022, son plus haut niveau depuis près de 40 ans. Depuis, le chiffre est retombé, mais il a laissé des traces. En effet, quand on parle des élections de 2024 et de toutes les autres aux Etats-Unis, il faut garder en tête une réalité. Les Américains sont très fragiles sur le plan financier et donc vulnérables aux hausses de prix. La majeure partie de la population, entre 60 et 70% selon les études, dit vivre... paycheck to paycheck d'après la formule consacrée, c'est-à-dire au jour le jour, ou plutôt au mois le mois, sans pouvoir mettre d'argent de côté. En outre, des dizaines de millions d'Américains commencent la vie active endettée, car ils ont contracté des prêts étudiants pour aller à l'université. Dans ce nouvel épisode de C'est ça l'Amérique, nous nous penchons sur la bataille économique que se livrent Kamala Harris et Donald Trump. Pour en parler, j'ai rencontré l'économiste Yann Cottenlem, il est président et fondateur du think tank indépendant Club A. Praxis et co-auteur du livre Le capitalisme contre les inégalités.

  • Speaker #2

    Bonjour Yann Cottenham.

  • Speaker #0

    Bonjour.

  • Speaker #2

    Peut-être qu'on peut commencer par parler de la présidence qui s'achève, la présidence Biden, et bien sûr de sa vice-présidente Kamala Harris. Est-ce que vous diriez que cette présidence a été une réussite sur le plan économique ?

  • Speaker #0

    D'une certaine manière, oui, et l'économie a surtout surpris par sa résilience. On a évité une récession, ce qui n'est pas rien. Sous Biden, 15 millions de jobs ont été créés. L'inflation a été relativement maîtrisée, puisqu'elle est redescendue à 3%. Ce qui permet maintenant à la réserve fédérale d'envisager des baisses de tout l'intérêt. Et depuis fin 2019, donc en incluant la période de Covid, la croissance a approché 10% en cumulé aux États-Unis, contre 4% en Europe et 3,8% en France. Donc il y a vraiment une performance importante vis-à-vis de l'Europe et du reste du monde. Si on regarde le changement climatique, l'investissement a doublé par rapport aux années Trump. On est arrivé à 200 milliards par an pour faire face aux engagements climatiques sur la neutralité carbone. C'est encore loin du compte. Il faudrait 1 000 milliards par an pour arriver à une neutralité carbone d'ici 2050. Mais enfin, on va dans la bonne direction et en accélérer. Donc tout ça, c'est... Très positif. Et en se plaçant sur un horizon de temps plus long, on voit des évolutions qui sont nettement en faveur des États-Unis. Par exemple, le patrimoine des ménages a triplé en 20 ans. En Europe, c'est beaucoup moins. Et pour donner un ordre de grandeur, le patrimoine par habitant est deux fois plus élevé aux États-Unis qu'en France. Si on regarde maintenant les investissements d'avenir, parce que là, on a parlé de l'état du bilan actuel, mais si on regarde l'avenir, ce qui est frappant de voir... aux États-Unis, c'est avec quel dynamisme on construit le futur. Il y a six fois plus d'investissements en recherche et développement aux États-Unis qu'en Europe, dans le secteur de la tech. Et d'ailleurs, l'Europe s'est fait doubler aussi par la Chine. Donc ça, c'est inquiétant directement pour notre avenir. Moins positif, c'est l'évolution des inégalités, même si ce qu'on a observé depuis quelques années, notamment pendant les années Covid, c'est... une légère réduction des inégalités de revenus. Donc ça, c'est positif. Par contre, il y a encore de très grandes inégalités structurelles, de patrimoine certainement, des inégalités au niveau des discriminations. Et un signe particulièrement inquiétant, c'est la baisse de la natalité, qui montre qu'un jeune ménage est inquiet du manque de couverture médicale universelle. Donc ça coûte cher d'assurer ses enfants. de les faire soigner. Le manque d'accès à une garde d'enfants et à des crèches de qualité est suffisamment au marché. Tout ça fait que les jeunes couples réfléchissent à deux fois et la natalité est en train de baisser.

  • Speaker #2

    La baisse de natalité, c'est un sujet typiquement dont on n'entend pas parler, dans la bouche des candidats en tout cas.

  • Speaker #0

    Oui, et on devrait en parler plus et les évolutions de natalité vont jouer un rôle de plus en plus important en Europe aussi.

  • Speaker #2

    Les indicateurs sont très bons, en effet, mais quand on parle avec des Américains, ils ont souvent le sentiment que le pays est en crise économique, qu'il y a une récession. C'est l'avis de la majeure partie des Américains qui ont été sondés ces derniers mois. Comment expliquer ce décalage entre les bonnes performances économiques que vous avez citées et ce sentiment au sein de la population, un sentiment qui est très négatif ?

  • Speaker #0

    Oui, alors c'est très frappant, ce décalage entre le ressenti de l'économie et puis la performance. réel, tangible, dont je viens de parler. Et en fait, d'après les instituts de recherche, comme le Pew Research Institute, qui est très réputé, et qui va vraiment au fond des problèmes, moins d'un quart des Américains considèrent que l'économie américaine est dans une bonne posture. Ce qui est très frappant également, c'est les divisions entre le camp démocrate et le camp républicain. Chez les républicains, 90% des électeurs sont mécontents de l'état de l'économie. Et donc, ce n'est pas étonnant qu'au fond, ils souhaitent une espèce de remise en cause totale du système et s'en remettent à un parti extrême, parce que le Parti républicain est finalement devenu un parti extrême, comme certains autres partis européens. Alors, je pense qu'il y a à la fois le ressenti de l'inflation, qui est parnière, peut-être qu'on peut y revenir. Il y a aussi les inégalités qui jouent un rôle, le manque de logement qui est aussi critique. que dans certaines parties de l'Europe. Les discriminations qui continuent dans de nombreux domaines, le sentiment d'insécurité aussi. Les crimes violents ont en fait baissé pendant la présidence Biden, mais ils avaient terriblement augmenté sous Trump. En réalité, dans la période un petit peu bizarre qu'on a connue pendant Covid. En 2020, les crimes violents ont augmenté de 30%. Donc après ça, on ne peut que rebaisser un petit peu, c'est ce qui s'est passé. Et puis aussi, il y a l'immigration massive qui favorise la recherche de boucs émissaires, comme partout dans le monde, malheureusement. Et un chiffre, si on fait un zoom sur, je dirais, une intersection entre les inégalités sociales et les inégalités raciales, c'est un chiffre de la fondation Brookings, 82% des jeunes hispaniques considèrent qu'ils sont pénalisés par leurs préétudiants. dans les dépenses les plus basiques auxquelles il doit faire face. Donc il y a quand même une... toute une tranche de la population qui est très défavorisée et qui, même si historiquement on vient d'un camp plutôt démocrate et progressiste, risque de se réfugier dans les extérieurs.

  • Speaker #1

    En écoutant Yann Cottenlem, je me suis souvenu d'un meeting de Donald Trump en mai 2024. Nous sommes dans le sud du Bronx, un quartier pauvre, majoritairement noir et hispanique, de New York. Ce n'est pas le genre d'endroit où le milliardaire organise des rassemblements. Mais il a décidé de le faire pour montrer que sa candidature et son message économique pouvaient aussi séduire les minorités, même dans un endroit très démocrate comme le Bronx. Sur place, j'ai fait la connaissance de Pearl, une Afro-Américaine. J'ai rencontré des électeurs démocrates ici et ils m'ont dit Je votais pour le parti démocrate dans le passé, mais je suis en train de changer. C'est triste à dire, mais la principale raison, c'est la situation économique. Ils se souviennent que c'était différent pendant les quatre années où Donald Trump était au pouvoir. Regardez où nous en sommes aujourd'hui. Yann Cottenlem, peut-on dire que Donald Trump parvient à séduire cet électorat précaire ?

  • Speaker #0

    Oui, mais de façon... bizarre, encore une fois, en promettant de mettre le pied dans la fourmilière. Si on se base sur son bilan économique, le bilan économique de sa présidence, on est quand même loin du compte. D'abord, il y a son action personnelle, puis l'action de son administration. J'ai du mal à mettre Trump et bon gestionnaire dans la même phrase. Mais si on regarde l'action de son administration, il y a eu un rééquilibrage qui était sans doute... plus que nécessaire des échanges commerciaux avec la Chine. Donc ça, ça a été fait, ça a été préservé par l'administration Biden. Ça avait commencé un petit peu sous Obama en réalité. Donc tout ça, c'est plutôt une bonne chose. Il y a eu la réforme fiscale de 2017, à la fois pour les ménages et les entreprises, dont on considère qu'il y a eu un léger impact positif sur l'économie, au moins dans le court terme. Mais en fait, ce qui est assez troublant, c'est que si on considère toutes les nouvelles... taxe que Trump envisage contre la Chine, d'après les projections dont on dispose, ça va compromettre ces bons résultats économiques. Et puis les baisses d'impôts, elles étaient provisoires en 2017. Donc l'impôt sur les sociétés était passé de 35% à 21%. Kamala Harris, en meilleur gestionnaire d'une certaine manière, en termes d'équilibre budgétaire en tout cas, veut le faire passer de 21% à 28%.... Trump veut le laisser à 21% et même l'abaisser à 15% dans les cas de made in America d'une certaine manière. Mais malheureusement, si on continue sur la voie de Trump avec ses allégements, la dette américaine exploserait à 200% du PIB. Donc, on est très loin, en fait, de ce qu'on appelle le fiscally responsibility du PIB. parti républicain traditionnel. Très très loin de ça. Là on est vraiment dans le populisme de bas étage.

  • Speaker #2

    Vous avez prononcé le mot de l'inflation qui est effectivement le mot magique de cette campagne, on a l'impression. Donald Trump lui dit en gros que pendant sa présidence, l'inflation était à des niveaux plus faibles que d'une certaine manière, la vie était plus simple. pendant sa présidence d'un point de vue économique. Est-ce qu'il a raison ? Est-ce que finalement le gouvernement Biden-Harris est responsable au moins en partie de cette inflation ?

  • Speaker #0

    Alors Trump a un peu raison mais beaucoup tort. Au sens où l'inflation a certainement fait beaucoup de dégâts. Donc si on regarde depuis fin 2020, donc juste avant la présidence Biden jusqu'à aujourd'hui, en gros le milieu de 2024, les prix ont augmenté de 17% en cumulé. Si l'inflation était restée autour de 2%, qui est l'objectif de la réserve fédérale, 2% par an, on serait arrivé à une hausse cumulée de 7%. Donc on s'est pris 10%. Alors qui est le responsable ? En réalité, c'est ni Biden ni Trump. C'est d'abord la période de Covid, puis les troupes géopolitiques, la guerre en Ukraine, etc., qui ont fait qu'il y a une perturbation assez forte des chaînes de valeur. Et ça agit sur les prix. Il y a eu ensuite une trop grande période d'argent facile, mais ça c'est l'action des banques centrales et en particulier de la réserve fédérale, donc c'est en dehors du champ d'action du président américain. Mais ensuite, il y a une action directement imputable au président et au congrès américain qui est toutes les aides qui ont été accordées aux ménages, aux entreprises pendant Covid. Et là, en fait, c'est beaucoup plus sous Trump que sous Biden, puisque ça a été un package de 5 000 milliards de dollars sous Trump. Et seulement 1900 milliards, enfin seulement si je puis dire, 1900 milliards sous Biden. Et alors je dirais en plus que les critiques de Trump sont d'autant plus injustifiées que toutes ces annonces de programmes vont souvent... Dans un sens inflationniste, le plan de reconduite aux frontières de 10 millions d'immigrés illégaux ou non régularisés, si on veut, parce qu'en fait, ils sont intégrés à l'économie, ils payent des impôts comme vous et moi. Et d'une certaine manière, ils ont un certain degré d'immatriculation, mais ils ne sont pas complètement réguliers. Donc je les appellerais non réguliers. Ce serait par nien et ça, ça créerait de l'inflation. Et la guerre commerciale contre la Chine qu'on veut pousser encore plus loin. et celle qu'on veut éventuellement conduire aussi avec l'Europe, tout ça aura un impact inflationniste. Donc je trouve la critique complètement injustifiée de ce point de vue-là.

  • Speaker #2

    On a l'impression, en tout cas vu de l'étranger, que les présidents américains sont tout puissants, qu'ils contrôlent tout. En fait, en matière d'économie, ils ne contrôlent pas grand-chose.

  • Speaker #0

    Tu as tout à fait raison. Et c'est une remarque que j'aurais pu faire avant. C'est que quand on juge d'un bilan présidentiel, en fait, on juge du bilan d'une période. C'est déjà d'ailleurs difficile d'inscrire les évolutions de long terme dans une période assez courte parce qu'en fait, il y a du bruit. C'est un petit peu quand on se pèse le matin, de jour en jour, il y a une grande volatilité. Et donc, il faut faire des moyennes sur une certaine durée pour essayer d'y voir quelque chose. Est-ce que je prends du poids vraiment ou est-ce que j'arrive à me contrôler ? En économie, c'est pareil. Il faut regarder les choses sur des durées de moyen ou de long terme. Donc ça, c'est la première remarque. Et puis, effectivement, si c'est difficile de mesurer les grandes variables économiques, c'est encore plus difficile d'attribuer... Ces performances à des contributions spécifiques comme celle du président, du congrès, de la réserve fédérale, des entreprises elles-mêmes. On le voit dans le domaine du climat. Même sous Trump, l'investissement dont je parlais vers le changement climatique, il a en fait augmenté globalement parce que les entreprises faisaient leur travail, les États faisaient leur travail et les municipalités aussi. Donc même si l'État fédéral, en tout cas l'administration fédérale contrôlée par le président, mettait des freins... globalement, on est allé dans un sens opposé à ce que souhaitait Trump. Donc, voilà, le rôle du président n'est pas aussi important qu'on veut le croire. Et c'est bien toute la difficulté, je crois, de réconcilier le peuple avec ses dirigeants. C'est que malheureusement, on promet trop pour une capacité d'action très limitée.

  • Speaker #1

    Avant de reprendre la conversation, arrêtons-nous sur les propositions des deux candidats pour réduire l'inflation. En plus d'aides fiscales diverses pour les nouveaux parents et les nouveaux propriétaires, Kamala Harris a dit qu'elle voulait interdire aux entreprises de l'alimentaire de gonfler artificiellement leur prix. Les économistes parlent d'une mesure populiste et vague qui serait difficile à mettre en œuvre. Pour sa part, Donald Trump veut abaisser le coût de l'énergie en augmentant notamment les forages pétroliers sur les terres fédérales. Il a aussi proposé de défiscaliser les pourboires, mode de rémunération important dans les services, et de réduire les dépenses publiques pour baisser les impôts. Il accuse Kamala Harris et Joe Biden d'être responsables de l'envolée des prix de ces dernières années. Quant à la vice-présidente, elle lui reproche de vouloir imposer des droits de douane sur tous les produits importés, une mesure qui aurait pour effet une augmentation générale des prix. C'est ce qu'elle appelle la tax Trump Mais à l'heure où nous enregistrons ce podcast, l'ex-homme d'affaires est toujours vu par l'opinion américaine comme plus compétent que la candidate démocrate pour gérer l'économie, même si l'écart se réduit.

  • Speaker #2

    Quand on regarde les propositions des deux candidats, l'accent que met Kamala Harris est intéressant sur le fait qu'il faut réduire les prix justement. Elle a dit qu'elle en ferait vraiment sa priorité pour sa présidence. Est-ce que du coup elle ne promet pas trop ? Est-ce que finalement elle fait des promesses qu'elle n'est pas en mesure de tenir, compte tenu de ce que vous disiez sur les cycles économiques, la difficulté de vraiment maîtriser l'économie pour le locataire de la Maison-Blanche ?

  • Speaker #0

    Je crois que c'est une très bonne question. Et justement, devant l'incapacité de vraiment changer les choses, on se lance dans des surenchères populistes. Et je crois qu'il faut être honnête, il y a du populisme dans les deux camps actuellement. Les deux partis se sont radicalisés, plus le Parti républicain et MAGA, clairement, que le Parti démocrate, mais quand même. Et à la fois dans les programmes des candidats et dans l'appréciation du programme de l'autre. On exagère. Par exemple, dans le camp démocrate, la lutte contre la manipulation des prix. Est-ce qu'il faudrait revenir à une espèce de contrôle des prix comme on l'a eu longtemps en Europe, dans les années 70 et 80 ? Je ne pense pas et je ne pense pas qu'on puisse faire quoi que ce soit de concret, mais c'est sans doute bien d'en parler pour s'attirer les faveurs d'un certain électorat. Après, dans l'appréciation du camp adverse, quand on dit que Trump envisage des hausses d'impôts sur les classes moyennes, en réalité, ce n'est pas ça. Ce que les démocrates essaient de mesurer, c'est l'impact de ces mesures inflationnistes, justement. On a d'ailleurs quantifié ça de façon très précise en disant que ce serait un impact de 3 900 euros par ménage américain. Donc c'est très précis pour quelque chose quand même de très vague. Donc il y a du populisme dans les deux sens. Cela dit, si on regarde le chiffrage des programmes, alors il faut mettre un petit bémol parce que le chiffrage des programmes, c'est souvent une vue très partielle, qui est en fait... purement comptable et qui ne tient pas bien compte des effets indirects sur l'économie de moyen ou de plus long terme. Mais enfin, d'un point de vue comptable, ce que disent différents instituts indépendants de projection, c'est que pour Kamala Harris, le déficit américain augmenterait, il augmente toujours, malheureusement c'est toujours dans ce mauvais sens, mais enfin, sur 10 ans, le déficit pour Kamala Harris augmenterait de seulement 1300. milliards de dollars, alors que dans le cas de Trump, les instituts, encore une fois, considèrent qu'il y aurait un dérapage du budget et un déficit cumulé de 10 000 milliards de dollars sur 10 ans, et sur la seule base de ces réductions d'impôts, sans compter l'impact de sa guerre commerciale avec la Chine éventuellement, d'une mauvaise gestion macroéconomique, etc. Donc, du populisme des deux côtés, mais quand même... beaucoup plus du côté Trump et une espèce de laissé-aller fiscal, total, qui fait qu'on peut aller dans le mur.

  • Speaker #2

    Est-ce que ce ressenti d'une grande partie de la population, comme vous le disiez, que le pays va dans une mauvaise direction économique, que la vie est difficile à cause de l'inflation, est-ce que c'est un problème pour Kamala Harris d'un point de vue politique ?

  • Speaker #0

    Je crois qu'en fait, toute la subtilité est dans le degré de rejet du système. Et si le rejet est d'une certaine manière marginal, si on considère que les choses vont mal, mais qu'on voit la fin du tunnel, qu'on voit un moyen de s'en sortir de façon rationnelle, en ajustant certains paramètres de l'action macroéconomique, là on va plutôt faire confiance aux camps démocrates, aux camps progressistes, en disant voilà, c'est les recettes habituelles de gouvernance qui vont permettre de nous en sortir en réduisant certaines inégalités. en augmentant l'efficacité de l'école et de l'ascenseur social en général. Mais si on est à un niveau quasiment désespéré, là on aura sans doute plus envie de faire confiance aux extrêmes, quels qu'ils soient, extrême gauche, extrême droite, on le voit en Europe aussi. Et dans ce cas-là, il faut casser le système et on verra bien ce qui se passe. C'est ça, je crois, le risque aujourd'hui. C'est que... L'exaspération, quand elle est poussée trop loin, considère que les recettes habituelles ne marchent plus et qu'il faut casser le système. Casser non seulement le capitalisme, mais d'une certaine manière la démocratie. Et on est prêt à accepter les travers d'une espèce de nouveau Caligula comme Trump.

  • Speaker #2

    Merci beaucoup Yann Cotterdame.

  • Speaker #0

    Merci.

  • Speaker #1

    En 1992, le stratège politique Jim Carville, qui a travaillé sur la campagne victorieuse de Bill Clinton cette année-là, a eu une formule qui a fait date dans la vie politique américaine. It's the economy, stupid. C'est l'économie qui compte, imbécile. C'était une manière pour lui d'insister sur l'importance de parler de ce sujet aux électeurs. À l'époque, les États-Unis étaient en récession et grâce en partie à ce slogan, Bill Clinton est parvenu à s'imposer face au sortant George Bush père. 32 ans plus tard, Jim Carville... peut se réjouir, sa formule n'a pas pris une ride. Merci à vous d'avoir suivi ce nouvel épisode de C'est ça l'Amérique. On se retrouve la semaine prochaine.

  • Speaker #0

    C'est ça l'Amérique, un podcast proposé par La Croix, le programme Alliance Columbia et le site d'information French Morning. Vous pouvez toujours m'assurer de mettre le pays en haut. party and self.

Chapters

  • La présidence de Joe Biden a-t-elle été une réussite sur le plan économique ?

    04:14

  • La baisse de la natalité est-elle un sujet dans la campagne présidentielle américaine ?

    07:12

  • Les États-Unis traversent-ils vraiment une crise économique ?

    07:25

  • Donald Trump parvient-il à séduire l'électorat précaire ?

    11:09

  • L'inflation était-elle plus faible et maitrisée sous la présidence de Donald Trump ?

    13:17

  • Les présidents américains ont-ils réellement le contrôle de l'économie ?

    16:06

  • En matière d'inflation, Kamala Harris fait-elle des promesses qu'elle ne pourra pas tenir ?

    19:20

  • Le pessimisme économique d'une grande partie des américains sera-t-il un handicap pour Kamala Harris ?

    22:22

Share

Embed

You may also like

Description

C’est ça l’Amérique, saison 3


Malgré des indicateurs économiques positifs, les Américains demeurent pessimistes et imaginent leur pays en récession. Comment expliquer ce paradoxe ? Et comment Trump et Harris tentent-ils de redonner confiance à la population grâce à leurs programmes économiques ?


Épisode 5/8 :


En 1992, le stratège démocrate James Carville a utilisé une formule qui a fait date dans la vie politique américaine : "It’s the economy, stupid" ("C’est l’économie, idiot"). Dans le contexte de récession de l’époque, il voulait insister sur l’importance pour son candidat, Bill Clinton, de parler des questions économiques pour remporter l’élection. Pari réussi : le gouverneur de l’Arkansas a battu le président républicain sortant George H.W. Bush.

Trente-deux ans plus tard, cette règle n’a pas pris une ride. L’économie, l’inflation en particulier, est en tête des préoccupations des Américains. Or, en la matière, la situation est paradoxale. Si les indicateurs (chômage, PIB, investissements d’avenir…) sont dans le vert, la majorité de la population déclare dans les sondages avoir l’impression de vivre dans un pays en crise et se dit pessimiste pour l’avenir.

Cette réalité va-t-elle profiter à Donald Trump ? Dans ce cinquième épisode de "C’est ça l’Amérique", nous nous penchons sur cette question et les propositions des deux candidats avec l’économiste franco-américain Yann Coatanlem, président du think tank "Club Praxis" et coauteur du "Capitalisme contre les inégalités" (PUF).


CRÉDITS :


Écriture et réalisation : Alexis Buisson. Rédaction en chef : Jean-Christophe Ploquin et Paul De Coustin. Production : Célestine Albert-Steward. Mixage : Flavien Edenne. Musique : Emmanuel Viau. Illustration : Olivier Balez.


► Vous avez une question ou une remarque ? Écrivez-nous à cette adresse : podcast.lacroix@groupebayard.com


"C'est ça l'Amérique" est un podcast original de LA CROIX - Octobre 2024.


En partenariat avec le programme Alliance – Columbia et ses partenaires (Sciences-Po, Polytechnique, La Sorbonne), et French Morning, le premier web magazine des Français d’Amérique.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Kamala ! It will make the world stronger. Because I believe everyone has a right to safety, to dignity and to justice.

  • Speaker #1

    Bonjour, je suis Alexis Buisson, le correspondant de La Croix à New York. Bienvenue dans C'est ça l'Amérique, le podcast qui explore les enjeux des élections américaines de 2024. Kamala ! Chaque semaine et jusqu'au scrutin, Découvrez les éclairages d'experts francophones établis aux États-Unis.

  • Speaker #0

    C'est ça l'Amérique et ça commence maintenant.

  • Speaker #1

    Jour de grève dans le Michigan, alors que des travailleurs du constructeur automobile Ford manifestent devant les portes de la grande usine de Wayne en banlieue de Détroit, les automobilistes qui passent klaxonnent en signe de soutien. Nous sommes en octobre 2023 et le moment est historique. Des centaines voire des milliers de travailleurs au sein des trois grands constructeurs que sont Ford, Stellantis et General Motors ont cessé le travail simultanément pour réclamer une revalorisation salariale. Car le coût de la vie est devenu insupportable pour nombre d'entre eux. Patrick travaille chez Ford depuis 30 ans. Avec l'envolée du prix des vivres, c'est difficile de faire face. Pour ma part, je gagne le maximum de ma catégorie et j'ai du mal à couvrir mes dépenses. On a plusieurs enfants. À cela s'ajoute le remboursement des prêts pour la maison, les dépenses pour la voiture. Le coût de la vie est trop élevé. Les nouveaux employés de Ford gagnent si peu qu'ils ne pourront jamais s'offrir une maison. Il leur faut deux ou trois emplois pour soutenir leur famille en ce moment. Personnellement, je fais tellement d'heures supplémentaires que j'arrive à couvrir mes dépenses, mais il ne me reste pas grand-chose après. Pendant les deux années et demie passées, j'ai travaillé sept jours par semaine, douze heures par jour, et après tout ça, j'étais encore juste pour payer mes factures. L'économie est le principal motif de préoccupation des électeurs américains, si l'on en croit les sondages. Dans ce domaine, la présidence Biden a un bilan en demi-teinte. D'un côté, des lois historiques ont permis d'investir des milliards de dollars dans la modernisation des infrastructures, dans la relance de l'industrie et dans la transition énergétique. Mais en parallèle, il y a ce chiffre qui hante la Maison-Blanche, 9,1%. C'est l'inflation annuelle enregistrée en juin 2022, son plus haut niveau depuis près de 40 ans. Depuis, le chiffre est retombé, mais il a laissé des traces. En effet, quand on parle des élections de 2024 et de toutes les autres aux Etats-Unis, il faut garder en tête une réalité. Les Américains sont très fragiles sur le plan financier et donc vulnérables aux hausses de prix. La majeure partie de la population, entre 60 et 70% selon les études, dit vivre... paycheck to paycheck d'après la formule consacrée, c'est-à-dire au jour le jour, ou plutôt au mois le mois, sans pouvoir mettre d'argent de côté. En outre, des dizaines de millions d'Américains commencent la vie active endettée, car ils ont contracté des prêts étudiants pour aller à l'université. Dans ce nouvel épisode de C'est ça l'Amérique, nous nous penchons sur la bataille économique que se livrent Kamala Harris et Donald Trump. Pour en parler, j'ai rencontré l'économiste Yann Cottenlem, il est président et fondateur du think tank indépendant Club A. Praxis et co-auteur du livre Le capitalisme contre les inégalités.

  • Speaker #2

    Bonjour Yann Cottenham.

  • Speaker #0

    Bonjour.

  • Speaker #2

    Peut-être qu'on peut commencer par parler de la présidence qui s'achève, la présidence Biden, et bien sûr de sa vice-présidente Kamala Harris. Est-ce que vous diriez que cette présidence a été une réussite sur le plan économique ?

  • Speaker #0

    D'une certaine manière, oui, et l'économie a surtout surpris par sa résilience. On a évité une récession, ce qui n'est pas rien. Sous Biden, 15 millions de jobs ont été créés. L'inflation a été relativement maîtrisée, puisqu'elle est redescendue à 3%. Ce qui permet maintenant à la réserve fédérale d'envisager des baisses de tout l'intérêt. Et depuis fin 2019, donc en incluant la période de Covid, la croissance a approché 10% en cumulé aux États-Unis, contre 4% en Europe et 3,8% en France. Donc il y a vraiment une performance importante vis-à-vis de l'Europe et du reste du monde. Si on regarde le changement climatique, l'investissement a doublé par rapport aux années Trump. On est arrivé à 200 milliards par an pour faire face aux engagements climatiques sur la neutralité carbone. C'est encore loin du compte. Il faudrait 1 000 milliards par an pour arriver à une neutralité carbone d'ici 2050. Mais enfin, on va dans la bonne direction et en accélérer. Donc tout ça, c'est... Très positif. Et en se plaçant sur un horizon de temps plus long, on voit des évolutions qui sont nettement en faveur des États-Unis. Par exemple, le patrimoine des ménages a triplé en 20 ans. En Europe, c'est beaucoup moins. Et pour donner un ordre de grandeur, le patrimoine par habitant est deux fois plus élevé aux États-Unis qu'en France. Si on regarde maintenant les investissements d'avenir, parce que là, on a parlé de l'état du bilan actuel, mais si on regarde l'avenir, ce qui est frappant de voir... aux États-Unis, c'est avec quel dynamisme on construit le futur. Il y a six fois plus d'investissements en recherche et développement aux États-Unis qu'en Europe, dans le secteur de la tech. Et d'ailleurs, l'Europe s'est fait doubler aussi par la Chine. Donc ça, c'est inquiétant directement pour notre avenir. Moins positif, c'est l'évolution des inégalités, même si ce qu'on a observé depuis quelques années, notamment pendant les années Covid, c'est... une légère réduction des inégalités de revenus. Donc ça, c'est positif. Par contre, il y a encore de très grandes inégalités structurelles, de patrimoine certainement, des inégalités au niveau des discriminations. Et un signe particulièrement inquiétant, c'est la baisse de la natalité, qui montre qu'un jeune ménage est inquiet du manque de couverture médicale universelle. Donc ça coûte cher d'assurer ses enfants. de les faire soigner. Le manque d'accès à une garde d'enfants et à des crèches de qualité est suffisamment au marché. Tout ça fait que les jeunes couples réfléchissent à deux fois et la natalité est en train de baisser.

  • Speaker #2

    La baisse de natalité, c'est un sujet typiquement dont on n'entend pas parler, dans la bouche des candidats en tout cas.

  • Speaker #0

    Oui, et on devrait en parler plus et les évolutions de natalité vont jouer un rôle de plus en plus important en Europe aussi.

  • Speaker #2

    Les indicateurs sont très bons, en effet, mais quand on parle avec des Américains, ils ont souvent le sentiment que le pays est en crise économique, qu'il y a une récession. C'est l'avis de la majeure partie des Américains qui ont été sondés ces derniers mois. Comment expliquer ce décalage entre les bonnes performances économiques que vous avez citées et ce sentiment au sein de la population, un sentiment qui est très négatif ?

  • Speaker #0

    Oui, alors c'est très frappant, ce décalage entre le ressenti de l'économie et puis la performance. réel, tangible, dont je viens de parler. Et en fait, d'après les instituts de recherche, comme le Pew Research Institute, qui est très réputé, et qui va vraiment au fond des problèmes, moins d'un quart des Américains considèrent que l'économie américaine est dans une bonne posture. Ce qui est très frappant également, c'est les divisions entre le camp démocrate et le camp républicain. Chez les républicains, 90% des électeurs sont mécontents de l'état de l'économie. Et donc, ce n'est pas étonnant qu'au fond, ils souhaitent une espèce de remise en cause totale du système et s'en remettent à un parti extrême, parce que le Parti républicain est finalement devenu un parti extrême, comme certains autres partis européens. Alors, je pense qu'il y a à la fois le ressenti de l'inflation, qui est parnière, peut-être qu'on peut y revenir. Il y a aussi les inégalités qui jouent un rôle, le manque de logement qui est aussi critique. que dans certaines parties de l'Europe. Les discriminations qui continuent dans de nombreux domaines, le sentiment d'insécurité aussi. Les crimes violents ont en fait baissé pendant la présidence Biden, mais ils avaient terriblement augmenté sous Trump. En réalité, dans la période un petit peu bizarre qu'on a connue pendant Covid. En 2020, les crimes violents ont augmenté de 30%. Donc après ça, on ne peut que rebaisser un petit peu, c'est ce qui s'est passé. Et puis aussi, il y a l'immigration massive qui favorise la recherche de boucs émissaires, comme partout dans le monde, malheureusement. Et un chiffre, si on fait un zoom sur, je dirais, une intersection entre les inégalités sociales et les inégalités raciales, c'est un chiffre de la fondation Brookings, 82% des jeunes hispaniques considèrent qu'ils sont pénalisés par leurs préétudiants. dans les dépenses les plus basiques auxquelles il doit faire face. Donc il y a quand même une... toute une tranche de la population qui est très défavorisée et qui, même si historiquement on vient d'un camp plutôt démocrate et progressiste, risque de se réfugier dans les extérieurs.

  • Speaker #1

    En écoutant Yann Cottenlem, je me suis souvenu d'un meeting de Donald Trump en mai 2024. Nous sommes dans le sud du Bronx, un quartier pauvre, majoritairement noir et hispanique, de New York. Ce n'est pas le genre d'endroit où le milliardaire organise des rassemblements. Mais il a décidé de le faire pour montrer que sa candidature et son message économique pouvaient aussi séduire les minorités, même dans un endroit très démocrate comme le Bronx. Sur place, j'ai fait la connaissance de Pearl, une Afro-Américaine. J'ai rencontré des électeurs démocrates ici et ils m'ont dit Je votais pour le parti démocrate dans le passé, mais je suis en train de changer. C'est triste à dire, mais la principale raison, c'est la situation économique. Ils se souviennent que c'était différent pendant les quatre années où Donald Trump était au pouvoir. Regardez où nous en sommes aujourd'hui. Yann Cottenlem, peut-on dire que Donald Trump parvient à séduire cet électorat précaire ?

  • Speaker #0

    Oui, mais de façon... bizarre, encore une fois, en promettant de mettre le pied dans la fourmilière. Si on se base sur son bilan économique, le bilan économique de sa présidence, on est quand même loin du compte. D'abord, il y a son action personnelle, puis l'action de son administration. J'ai du mal à mettre Trump et bon gestionnaire dans la même phrase. Mais si on regarde l'action de son administration, il y a eu un rééquilibrage qui était sans doute... plus que nécessaire des échanges commerciaux avec la Chine. Donc ça, ça a été fait, ça a été préservé par l'administration Biden. Ça avait commencé un petit peu sous Obama en réalité. Donc tout ça, c'est plutôt une bonne chose. Il y a eu la réforme fiscale de 2017, à la fois pour les ménages et les entreprises, dont on considère qu'il y a eu un léger impact positif sur l'économie, au moins dans le court terme. Mais en fait, ce qui est assez troublant, c'est que si on considère toutes les nouvelles... taxe que Trump envisage contre la Chine, d'après les projections dont on dispose, ça va compromettre ces bons résultats économiques. Et puis les baisses d'impôts, elles étaient provisoires en 2017. Donc l'impôt sur les sociétés était passé de 35% à 21%. Kamala Harris, en meilleur gestionnaire d'une certaine manière, en termes d'équilibre budgétaire en tout cas, veut le faire passer de 21% à 28%.... Trump veut le laisser à 21% et même l'abaisser à 15% dans les cas de made in America d'une certaine manière. Mais malheureusement, si on continue sur la voie de Trump avec ses allégements, la dette américaine exploserait à 200% du PIB. Donc, on est très loin, en fait, de ce qu'on appelle le fiscally responsibility du PIB. parti républicain traditionnel. Très très loin de ça. Là on est vraiment dans le populisme de bas étage.

  • Speaker #2

    Vous avez prononcé le mot de l'inflation qui est effectivement le mot magique de cette campagne, on a l'impression. Donald Trump lui dit en gros que pendant sa présidence, l'inflation était à des niveaux plus faibles que d'une certaine manière, la vie était plus simple. pendant sa présidence d'un point de vue économique. Est-ce qu'il a raison ? Est-ce que finalement le gouvernement Biden-Harris est responsable au moins en partie de cette inflation ?

  • Speaker #0

    Alors Trump a un peu raison mais beaucoup tort. Au sens où l'inflation a certainement fait beaucoup de dégâts. Donc si on regarde depuis fin 2020, donc juste avant la présidence Biden jusqu'à aujourd'hui, en gros le milieu de 2024, les prix ont augmenté de 17% en cumulé. Si l'inflation était restée autour de 2%, qui est l'objectif de la réserve fédérale, 2% par an, on serait arrivé à une hausse cumulée de 7%. Donc on s'est pris 10%. Alors qui est le responsable ? En réalité, c'est ni Biden ni Trump. C'est d'abord la période de Covid, puis les troupes géopolitiques, la guerre en Ukraine, etc., qui ont fait qu'il y a une perturbation assez forte des chaînes de valeur. Et ça agit sur les prix. Il y a eu ensuite une trop grande période d'argent facile, mais ça c'est l'action des banques centrales et en particulier de la réserve fédérale, donc c'est en dehors du champ d'action du président américain. Mais ensuite, il y a une action directement imputable au président et au congrès américain qui est toutes les aides qui ont été accordées aux ménages, aux entreprises pendant Covid. Et là, en fait, c'est beaucoup plus sous Trump que sous Biden, puisque ça a été un package de 5 000 milliards de dollars sous Trump. Et seulement 1900 milliards, enfin seulement si je puis dire, 1900 milliards sous Biden. Et alors je dirais en plus que les critiques de Trump sont d'autant plus injustifiées que toutes ces annonces de programmes vont souvent... Dans un sens inflationniste, le plan de reconduite aux frontières de 10 millions d'immigrés illégaux ou non régularisés, si on veut, parce qu'en fait, ils sont intégrés à l'économie, ils payent des impôts comme vous et moi. Et d'une certaine manière, ils ont un certain degré d'immatriculation, mais ils ne sont pas complètement réguliers. Donc je les appellerais non réguliers. Ce serait par nien et ça, ça créerait de l'inflation. Et la guerre commerciale contre la Chine qu'on veut pousser encore plus loin. et celle qu'on veut éventuellement conduire aussi avec l'Europe, tout ça aura un impact inflationniste. Donc je trouve la critique complètement injustifiée de ce point de vue-là.

  • Speaker #2

    On a l'impression, en tout cas vu de l'étranger, que les présidents américains sont tout puissants, qu'ils contrôlent tout. En fait, en matière d'économie, ils ne contrôlent pas grand-chose.

  • Speaker #0

    Tu as tout à fait raison. Et c'est une remarque que j'aurais pu faire avant. C'est que quand on juge d'un bilan présidentiel, en fait, on juge du bilan d'une période. C'est déjà d'ailleurs difficile d'inscrire les évolutions de long terme dans une période assez courte parce qu'en fait, il y a du bruit. C'est un petit peu quand on se pèse le matin, de jour en jour, il y a une grande volatilité. Et donc, il faut faire des moyennes sur une certaine durée pour essayer d'y voir quelque chose. Est-ce que je prends du poids vraiment ou est-ce que j'arrive à me contrôler ? En économie, c'est pareil. Il faut regarder les choses sur des durées de moyen ou de long terme. Donc ça, c'est la première remarque. Et puis, effectivement, si c'est difficile de mesurer les grandes variables économiques, c'est encore plus difficile d'attribuer... Ces performances à des contributions spécifiques comme celle du président, du congrès, de la réserve fédérale, des entreprises elles-mêmes. On le voit dans le domaine du climat. Même sous Trump, l'investissement dont je parlais vers le changement climatique, il a en fait augmenté globalement parce que les entreprises faisaient leur travail, les États faisaient leur travail et les municipalités aussi. Donc même si l'État fédéral, en tout cas l'administration fédérale contrôlée par le président, mettait des freins... globalement, on est allé dans un sens opposé à ce que souhaitait Trump. Donc, voilà, le rôle du président n'est pas aussi important qu'on veut le croire. Et c'est bien toute la difficulté, je crois, de réconcilier le peuple avec ses dirigeants. C'est que malheureusement, on promet trop pour une capacité d'action très limitée.

  • Speaker #1

    Avant de reprendre la conversation, arrêtons-nous sur les propositions des deux candidats pour réduire l'inflation. En plus d'aides fiscales diverses pour les nouveaux parents et les nouveaux propriétaires, Kamala Harris a dit qu'elle voulait interdire aux entreprises de l'alimentaire de gonfler artificiellement leur prix. Les économistes parlent d'une mesure populiste et vague qui serait difficile à mettre en œuvre. Pour sa part, Donald Trump veut abaisser le coût de l'énergie en augmentant notamment les forages pétroliers sur les terres fédérales. Il a aussi proposé de défiscaliser les pourboires, mode de rémunération important dans les services, et de réduire les dépenses publiques pour baisser les impôts. Il accuse Kamala Harris et Joe Biden d'être responsables de l'envolée des prix de ces dernières années. Quant à la vice-présidente, elle lui reproche de vouloir imposer des droits de douane sur tous les produits importés, une mesure qui aurait pour effet une augmentation générale des prix. C'est ce qu'elle appelle la tax Trump Mais à l'heure où nous enregistrons ce podcast, l'ex-homme d'affaires est toujours vu par l'opinion américaine comme plus compétent que la candidate démocrate pour gérer l'économie, même si l'écart se réduit.

  • Speaker #2

    Quand on regarde les propositions des deux candidats, l'accent que met Kamala Harris est intéressant sur le fait qu'il faut réduire les prix justement. Elle a dit qu'elle en ferait vraiment sa priorité pour sa présidence. Est-ce que du coup elle ne promet pas trop ? Est-ce que finalement elle fait des promesses qu'elle n'est pas en mesure de tenir, compte tenu de ce que vous disiez sur les cycles économiques, la difficulté de vraiment maîtriser l'économie pour le locataire de la Maison-Blanche ?

  • Speaker #0

    Je crois que c'est une très bonne question. Et justement, devant l'incapacité de vraiment changer les choses, on se lance dans des surenchères populistes. Et je crois qu'il faut être honnête, il y a du populisme dans les deux camps actuellement. Les deux partis se sont radicalisés, plus le Parti républicain et MAGA, clairement, que le Parti démocrate, mais quand même. Et à la fois dans les programmes des candidats et dans l'appréciation du programme de l'autre. On exagère. Par exemple, dans le camp démocrate, la lutte contre la manipulation des prix. Est-ce qu'il faudrait revenir à une espèce de contrôle des prix comme on l'a eu longtemps en Europe, dans les années 70 et 80 ? Je ne pense pas et je ne pense pas qu'on puisse faire quoi que ce soit de concret, mais c'est sans doute bien d'en parler pour s'attirer les faveurs d'un certain électorat. Après, dans l'appréciation du camp adverse, quand on dit que Trump envisage des hausses d'impôts sur les classes moyennes, en réalité, ce n'est pas ça. Ce que les démocrates essaient de mesurer, c'est l'impact de ces mesures inflationnistes, justement. On a d'ailleurs quantifié ça de façon très précise en disant que ce serait un impact de 3 900 euros par ménage américain. Donc c'est très précis pour quelque chose quand même de très vague. Donc il y a du populisme dans les deux sens. Cela dit, si on regarde le chiffrage des programmes, alors il faut mettre un petit bémol parce que le chiffrage des programmes, c'est souvent une vue très partielle, qui est en fait... purement comptable et qui ne tient pas bien compte des effets indirects sur l'économie de moyen ou de plus long terme. Mais enfin, d'un point de vue comptable, ce que disent différents instituts indépendants de projection, c'est que pour Kamala Harris, le déficit américain augmenterait, il augmente toujours, malheureusement c'est toujours dans ce mauvais sens, mais enfin, sur 10 ans, le déficit pour Kamala Harris augmenterait de seulement 1300. milliards de dollars, alors que dans le cas de Trump, les instituts, encore une fois, considèrent qu'il y aurait un dérapage du budget et un déficit cumulé de 10 000 milliards de dollars sur 10 ans, et sur la seule base de ces réductions d'impôts, sans compter l'impact de sa guerre commerciale avec la Chine éventuellement, d'une mauvaise gestion macroéconomique, etc. Donc, du populisme des deux côtés, mais quand même... beaucoup plus du côté Trump et une espèce de laissé-aller fiscal, total, qui fait qu'on peut aller dans le mur.

  • Speaker #2

    Est-ce que ce ressenti d'une grande partie de la population, comme vous le disiez, que le pays va dans une mauvaise direction économique, que la vie est difficile à cause de l'inflation, est-ce que c'est un problème pour Kamala Harris d'un point de vue politique ?

  • Speaker #0

    Je crois qu'en fait, toute la subtilité est dans le degré de rejet du système. Et si le rejet est d'une certaine manière marginal, si on considère que les choses vont mal, mais qu'on voit la fin du tunnel, qu'on voit un moyen de s'en sortir de façon rationnelle, en ajustant certains paramètres de l'action macroéconomique, là on va plutôt faire confiance aux camps démocrates, aux camps progressistes, en disant voilà, c'est les recettes habituelles de gouvernance qui vont permettre de nous en sortir en réduisant certaines inégalités. en augmentant l'efficacité de l'école et de l'ascenseur social en général. Mais si on est à un niveau quasiment désespéré, là on aura sans doute plus envie de faire confiance aux extrêmes, quels qu'ils soient, extrême gauche, extrême droite, on le voit en Europe aussi. Et dans ce cas-là, il faut casser le système et on verra bien ce qui se passe. C'est ça, je crois, le risque aujourd'hui. C'est que... L'exaspération, quand elle est poussée trop loin, considère que les recettes habituelles ne marchent plus et qu'il faut casser le système. Casser non seulement le capitalisme, mais d'une certaine manière la démocratie. Et on est prêt à accepter les travers d'une espèce de nouveau Caligula comme Trump.

  • Speaker #2

    Merci beaucoup Yann Cotterdame.

  • Speaker #0

    Merci.

  • Speaker #1

    En 1992, le stratège politique Jim Carville, qui a travaillé sur la campagne victorieuse de Bill Clinton cette année-là, a eu une formule qui a fait date dans la vie politique américaine. It's the economy, stupid. C'est l'économie qui compte, imbécile. C'était une manière pour lui d'insister sur l'importance de parler de ce sujet aux électeurs. À l'époque, les États-Unis étaient en récession et grâce en partie à ce slogan, Bill Clinton est parvenu à s'imposer face au sortant George Bush père. 32 ans plus tard, Jim Carville... peut se réjouir, sa formule n'a pas pris une ride. Merci à vous d'avoir suivi ce nouvel épisode de C'est ça l'Amérique. On se retrouve la semaine prochaine.

  • Speaker #0

    C'est ça l'Amérique, un podcast proposé par La Croix, le programme Alliance Columbia et le site d'information French Morning. Vous pouvez toujours m'assurer de mettre le pays en haut. party and self.

Chapters

  • La présidence de Joe Biden a-t-elle été une réussite sur le plan économique ?

    04:14

  • La baisse de la natalité est-elle un sujet dans la campagne présidentielle américaine ?

    07:12

  • Les États-Unis traversent-ils vraiment une crise économique ?

    07:25

  • Donald Trump parvient-il à séduire l'électorat précaire ?

    11:09

  • L'inflation était-elle plus faible et maitrisée sous la présidence de Donald Trump ?

    13:17

  • Les présidents américains ont-ils réellement le contrôle de l'économie ?

    16:06

  • En matière d'inflation, Kamala Harris fait-elle des promesses qu'elle ne pourra pas tenir ?

    19:20

  • Le pessimisme économique d'une grande partie des américains sera-t-il un handicap pour Kamala Harris ?

    22:22

Description

C’est ça l’Amérique, saison 3


Malgré des indicateurs économiques positifs, les Américains demeurent pessimistes et imaginent leur pays en récession. Comment expliquer ce paradoxe ? Et comment Trump et Harris tentent-ils de redonner confiance à la population grâce à leurs programmes économiques ?


Épisode 5/8 :


En 1992, le stratège démocrate James Carville a utilisé une formule qui a fait date dans la vie politique américaine : "It’s the economy, stupid" ("C’est l’économie, idiot"). Dans le contexte de récession de l’époque, il voulait insister sur l’importance pour son candidat, Bill Clinton, de parler des questions économiques pour remporter l’élection. Pari réussi : le gouverneur de l’Arkansas a battu le président républicain sortant George H.W. Bush.

Trente-deux ans plus tard, cette règle n’a pas pris une ride. L’économie, l’inflation en particulier, est en tête des préoccupations des Américains. Or, en la matière, la situation est paradoxale. Si les indicateurs (chômage, PIB, investissements d’avenir…) sont dans le vert, la majorité de la population déclare dans les sondages avoir l’impression de vivre dans un pays en crise et se dit pessimiste pour l’avenir.

Cette réalité va-t-elle profiter à Donald Trump ? Dans ce cinquième épisode de "C’est ça l’Amérique", nous nous penchons sur cette question et les propositions des deux candidats avec l’économiste franco-américain Yann Coatanlem, président du think tank "Club Praxis" et coauteur du "Capitalisme contre les inégalités" (PUF).


CRÉDITS :


Écriture et réalisation : Alexis Buisson. Rédaction en chef : Jean-Christophe Ploquin et Paul De Coustin. Production : Célestine Albert-Steward. Mixage : Flavien Edenne. Musique : Emmanuel Viau. Illustration : Olivier Balez.


► Vous avez une question ou une remarque ? Écrivez-nous à cette adresse : podcast.lacroix@groupebayard.com


"C'est ça l'Amérique" est un podcast original de LA CROIX - Octobre 2024.


En partenariat avec le programme Alliance – Columbia et ses partenaires (Sciences-Po, Polytechnique, La Sorbonne), et French Morning, le premier web magazine des Français d’Amérique.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Kamala ! It will make the world stronger. Because I believe everyone has a right to safety, to dignity and to justice.

  • Speaker #1

    Bonjour, je suis Alexis Buisson, le correspondant de La Croix à New York. Bienvenue dans C'est ça l'Amérique, le podcast qui explore les enjeux des élections américaines de 2024. Kamala ! Chaque semaine et jusqu'au scrutin, Découvrez les éclairages d'experts francophones établis aux États-Unis.

  • Speaker #0

    C'est ça l'Amérique et ça commence maintenant.

  • Speaker #1

    Jour de grève dans le Michigan, alors que des travailleurs du constructeur automobile Ford manifestent devant les portes de la grande usine de Wayne en banlieue de Détroit, les automobilistes qui passent klaxonnent en signe de soutien. Nous sommes en octobre 2023 et le moment est historique. Des centaines voire des milliers de travailleurs au sein des trois grands constructeurs que sont Ford, Stellantis et General Motors ont cessé le travail simultanément pour réclamer une revalorisation salariale. Car le coût de la vie est devenu insupportable pour nombre d'entre eux. Patrick travaille chez Ford depuis 30 ans. Avec l'envolée du prix des vivres, c'est difficile de faire face. Pour ma part, je gagne le maximum de ma catégorie et j'ai du mal à couvrir mes dépenses. On a plusieurs enfants. À cela s'ajoute le remboursement des prêts pour la maison, les dépenses pour la voiture. Le coût de la vie est trop élevé. Les nouveaux employés de Ford gagnent si peu qu'ils ne pourront jamais s'offrir une maison. Il leur faut deux ou trois emplois pour soutenir leur famille en ce moment. Personnellement, je fais tellement d'heures supplémentaires que j'arrive à couvrir mes dépenses, mais il ne me reste pas grand-chose après. Pendant les deux années et demie passées, j'ai travaillé sept jours par semaine, douze heures par jour, et après tout ça, j'étais encore juste pour payer mes factures. L'économie est le principal motif de préoccupation des électeurs américains, si l'on en croit les sondages. Dans ce domaine, la présidence Biden a un bilan en demi-teinte. D'un côté, des lois historiques ont permis d'investir des milliards de dollars dans la modernisation des infrastructures, dans la relance de l'industrie et dans la transition énergétique. Mais en parallèle, il y a ce chiffre qui hante la Maison-Blanche, 9,1%. C'est l'inflation annuelle enregistrée en juin 2022, son plus haut niveau depuis près de 40 ans. Depuis, le chiffre est retombé, mais il a laissé des traces. En effet, quand on parle des élections de 2024 et de toutes les autres aux Etats-Unis, il faut garder en tête une réalité. Les Américains sont très fragiles sur le plan financier et donc vulnérables aux hausses de prix. La majeure partie de la population, entre 60 et 70% selon les études, dit vivre... paycheck to paycheck d'après la formule consacrée, c'est-à-dire au jour le jour, ou plutôt au mois le mois, sans pouvoir mettre d'argent de côté. En outre, des dizaines de millions d'Américains commencent la vie active endettée, car ils ont contracté des prêts étudiants pour aller à l'université. Dans ce nouvel épisode de C'est ça l'Amérique, nous nous penchons sur la bataille économique que se livrent Kamala Harris et Donald Trump. Pour en parler, j'ai rencontré l'économiste Yann Cottenlem, il est président et fondateur du think tank indépendant Club A. Praxis et co-auteur du livre Le capitalisme contre les inégalités.

  • Speaker #2

    Bonjour Yann Cottenham.

  • Speaker #0

    Bonjour.

  • Speaker #2

    Peut-être qu'on peut commencer par parler de la présidence qui s'achève, la présidence Biden, et bien sûr de sa vice-présidente Kamala Harris. Est-ce que vous diriez que cette présidence a été une réussite sur le plan économique ?

  • Speaker #0

    D'une certaine manière, oui, et l'économie a surtout surpris par sa résilience. On a évité une récession, ce qui n'est pas rien. Sous Biden, 15 millions de jobs ont été créés. L'inflation a été relativement maîtrisée, puisqu'elle est redescendue à 3%. Ce qui permet maintenant à la réserve fédérale d'envisager des baisses de tout l'intérêt. Et depuis fin 2019, donc en incluant la période de Covid, la croissance a approché 10% en cumulé aux États-Unis, contre 4% en Europe et 3,8% en France. Donc il y a vraiment une performance importante vis-à-vis de l'Europe et du reste du monde. Si on regarde le changement climatique, l'investissement a doublé par rapport aux années Trump. On est arrivé à 200 milliards par an pour faire face aux engagements climatiques sur la neutralité carbone. C'est encore loin du compte. Il faudrait 1 000 milliards par an pour arriver à une neutralité carbone d'ici 2050. Mais enfin, on va dans la bonne direction et en accélérer. Donc tout ça, c'est... Très positif. Et en se plaçant sur un horizon de temps plus long, on voit des évolutions qui sont nettement en faveur des États-Unis. Par exemple, le patrimoine des ménages a triplé en 20 ans. En Europe, c'est beaucoup moins. Et pour donner un ordre de grandeur, le patrimoine par habitant est deux fois plus élevé aux États-Unis qu'en France. Si on regarde maintenant les investissements d'avenir, parce que là, on a parlé de l'état du bilan actuel, mais si on regarde l'avenir, ce qui est frappant de voir... aux États-Unis, c'est avec quel dynamisme on construit le futur. Il y a six fois plus d'investissements en recherche et développement aux États-Unis qu'en Europe, dans le secteur de la tech. Et d'ailleurs, l'Europe s'est fait doubler aussi par la Chine. Donc ça, c'est inquiétant directement pour notre avenir. Moins positif, c'est l'évolution des inégalités, même si ce qu'on a observé depuis quelques années, notamment pendant les années Covid, c'est... une légère réduction des inégalités de revenus. Donc ça, c'est positif. Par contre, il y a encore de très grandes inégalités structurelles, de patrimoine certainement, des inégalités au niveau des discriminations. Et un signe particulièrement inquiétant, c'est la baisse de la natalité, qui montre qu'un jeune ménage est inquiet du manque de couverture médicale universelle. Donc ça coûte cher d'assurer ses enfants. de les faire soigner. Le manque d'accès à une garde d'enfants et à des crèches de qualité est suffisamment au marché. Tout ça fait que les jeunes couples réfléchissent à deux fois et la natalité est en train de baisser.

  • Speaker #2

    La baisse de natalité, c'est un sujet typiquement dont on n'entend pas parler, dans la bouche des candidats en tout cas.

  • Speaker #0

    Oui, et on devrait en parler plus et les évolutions de natalité vont jouer un rôle de plus en plus important en Europe aussi.

  • Speaker #2

    Les indicateurs sont très bons, en effet, mais quand on parle avec des Américains, ils ont souvent le sentiment que le pays est en crise économique, qu'il y a une récession. C'est l'avis de la majeure partie des Américains qui ont été sondés ces derniers mois. Comment expliquer ce décalage entre les bonnes performances économiques que vous avez citées et ce sentiment au sein de la population, un sentiment qui est très négatif ?

  • Speaker #0

    Oui, alors c'est très frappant, ce décalage entre le ressenti de l'économie et puis la performance. réel, tangible, dont je viens de parler. Et en fait, d'après les instituts de recherche, comme le Pew Research Institute, qui est très réputé, et qui va vraiment au fond des problèmes, moins d'un quart des Américains considèrent que l'économie américaine est dans une bonne posture. Ce qui est très frappant également, c'est les divisions entre le camp démocrate et le camp républicain. Chez les républicains, 90% des électeurs sont mécontents de l'état de l'économie. Et donc, ce n'est pas étonnant qu'au fond, ils souhaitent une espèce de remise en cause totale du système et s'en remettent à un parti extrême, parce que le Parti républicain est finalement devenu un parti extrême, comme certains autres partis européens. Alors, je pense qu'il y a à la fois le ressenti de l'inflation, qui est parnière, peut-être qu'on peut y revenir. Il y a aussi les inégalités qui jouent un rôle, le manque de logement qui est aussi critique. que dans certaines parties de l'Europe. Les discriminations qui continuent dans de nombreux domaines, le sentiment d'insécurité aussi. Les crimes violents ont en fait baissé pendant la présidence Biden, mais ils avaient terriblement augmenté sous Trump. En réalité, dans la période un petit peu bizarre qu'on a connue pendant Covid. En 2020, les crimes violents ont augmenté de 30%. Donc après ça, on ne peut que rebaisser un petit peu, c'est ce qui s'est passé. Et puis aussi, il y a l'immigration massive qui favorise la recherche de boucs émissaires, comme partout dans le monde, malheureusement. Et un chiffre, si on fait un zoom sur, je dirais, une intersection entre les inégalités sociales et les inégalités raciales, c'est un chiffre de la fondation Brookings, 82% des jeunes hispaniques considèrent qu'ils sont pénalisés par leurs préétudiants. dans les dépenses les plus basiques auxquelles il doit faire face. Donc il y a quand même une... toute une tranche de la population qui est très défavorisée et qui, même si historiquement on vient d'un camp plutôt démocrate et progressiste, risque de se réfugier dans les extérieurs.

  • Speaker #1

    En écoutant Yann Cottenlem, je me suis souvenu d'un meeting de Donald Trump en mai 2024. Nous sommes dans le sud du Bronx, un quartier pauvre, majoritairement noir et hispanique, de New York. Ce n'est pas le genre d'endroit où le milliardaire organise des rassemblements. Mais il a décidé de le faire pour montrer que sa candidature et son message économique pouvaient aussi séduire les minorités, même dans un endroit très démocrate comme le Bronx. Sur place, j'ai fait la connaissance de Pearl, une Afro-Américaine. J'ai rencontré des électeurs démocrates ici et ils m'ont dit Je votais pour le parti démocrate dans le passé, mais je suis en train de changer. C'est triste à dire, mais la principale raison, c'est la situation économique. Ils se souviennent que c'était différent pendant les quatre années où Donald Trump était au pouvoir. Regardez où nous en sommes aujourd'hui. Yann Cottenlem, peut-on dire que Donald Trump parvient à séduire cet électorat précaire ?

  • Speaker #0

    Oui, mais de façon... bizarre, encore une fois, en promettant de mettre le pied dans la fourmilière. Si on se base sur son bilan économique, le bilan économique de sa présidence, on est quand même loin du compte. D'abord, il y a son action personnelle, puis l'action de son administration. J'ai du mal à mettre Trump et bon gestionnaire dans la même phrase. Mais si on regarde l'action de son administration, il y a eu un rééquilibrage qui était sans doute... plus que nécessaire des échanges commerciaux avec la Chine. Donc ça, ça a été fait, ça a été préservé par l'administration Biden. Ça avait commencé un petit peu sous Obama en réalité. Donc tout ça, c'est plutôt une bonne chose. Il y a eu la réforme fiscale de 2017, à la fois pour les ménages et les entreprises, dont on considère qu'il y a eu un léger impact positif sur l'économie, au moins dans le court terme. Mais en fait, ce qui est assez troublant, c'est que si on considère toutes les nouvelles... taxe que Trump envisage contre la Chine, d'après les projections dont on dispose, ça va compromettre ces bons résultats économiques. Et puis les baisses d'impôts, elles étaient provisoires en 2017. Donc l'impôt sur les sociétés était passé de 35% à 21%. Kamala Harris, en meilleur gestionnaire d'une certaine manière, en termes d'équilibre budgétaire en tout cas, veut le faire passer de 21% à 28%.... Trump veut le laisser à 21% et même l'abaisser à 15% dans les cas de made in America d'une certaine manière. Mais malheureusement, si on continue sur la voie de Trump avec ses allégements, la dette américaine exploserait à 200% du PIB. Donc, on est très loin, en fait, de ce qu'on appelle le fiscally responsibility du PIB. parti républicain traditionnel. Très très loin de ça. Là on est vraiment dans le populisme de bas étage.

  • Speaker #2

    Vous avez prononcé le mot de l'inflation qui est effectivement le mot magique de cette campagne, on a l'impression. Donald Trump lui dit en gros que pendant sa présidence, l'inflation était à des niveaux plus faibles que d'une certaine manière, la vie était plus simple. pendant sa présidence d'un point de vue économique. Est-ce qu'il a raison ? Est-ce que finalement le gouvernement Biden-Harris est responsable au moins en partie de cette inflation ?

  • Speaker #0

    Alors Trump a un peu raison mais beaucoup tort. Au sens où l'inflation a certainement fait beaucoup de dégâts. Donc si on regarde depuis fin 2020, donc juste avant la présidence Biden jusqu'à aujourd'hui, en gros le milieu de 2024, les prix ont augmenté de 17% en cumulé. Si l'inflation était restée autour de 2%, qui est l'objectif de la réserve fédérale, 2% par an, on serait arrivé à une hausse cumulée de 7%. Donc on s'est pris 10%. Alors qui est le responsable ? En réalité, c'est ni Biden ni Trump. C'est d'abord la période de Covid, puis les troupes géopolitiques, la guerre en Ukraine, etc., qui ont fait qu'il y a une perturbation assez forte des chaînes de valeur. Et ça agit sur les prix. Il y a eu ensuite une trop grande période d'argent facile, mais ça c'est l'action des banques centrales et en particulier de la réserve fédérale, donc c'est en dehors du champ d'action du président américain. Mais ensuite, il y a une action directement imputable au président et au congrès américain qui est toutes les aides qui ont été accordées aux ménages, aux entreprises pendant Covid. Et là, en fait, c'est beaucoup plus sous Trump que sous Biden, puisque ça a été un package de 5 000 milliards de dollars sous Trump. Et seulement 1900 milliards, enfin seulement si je puis dire, 1900 milliards sous Biden. Et alors je dirais en plus que les critiques de Trump sont d'autant plus injustifiées que toutes ces annonces de programmes vont souvent... Dans un sens inflationniste, le plan de reconduite aux frontières de 10 millions d'immigrés illégaux ou non régularisés, si on veut, parce qu'en fait, ils sont intégrés à l'économie, ils payent des impôts comme vous et moi. Et d'une certaine manière, ils ont un certain degré d'immatriculation, mais ils ne sont pas complètement réguliers. Donc je les appellerais non réguliers. Ce serait par nien et ça, ça créerait de l'inflation. Et la guerre commerciale contre la Chine qu'on veut pousser encore plus loin. et celle qu'on veut éventuellement conduire aussi avec l'Europe, tout ça aura un impact inflationniste. Donc je trouve la critique complètement injustifiée de ce point de vue-là.

  • Speaker #2

    On a l'impression, en tout cas vu de l'étranger, que les présidents américains sont tout puissants, qu'ils contrôlent tout. En fait, en matière d'économie, ils ne contrôlent pas grand-chose.

  • Speaker #0

    Tu as tout à fait raison. Et c'est une remarque que j'aurais pu faire avant. C'est que quand on juge d'un bilan présidentiel, en fait, on juge du bilan d'une période. C'est déjà d'ailleurs difficile d'inscrire les évolutions de long terme dans une période assez courte parce qu'en fait, il y a du bruit. C'est un petit peu quand on se pèse le matin, de jour en jour, il y a une grande volatilité. Et donc, il faut faire des moyennes sur une certaine durée pour essayer d'y voir quelque chose. Est-ce que je prends du poids vraiment ou est-ce que j'arrive à me contrôler ? En économie, c'est pareil. Il faut regarder les choses sur des durées de moyen ou de long terme. Donc ça, c'est la première remarque. Et puis, effectivement, si c'est difficile de mesurer les grandes variables économiques, c'est encore plus difficile d'attribuer... Ces performances à des contributions spécifiques comme celle du président, du congrès, de la réserve fédérale, des entreprises elles-mêmes. On le voit dans le domaine du climat. Même sous Trump, l'investissement dont je parlais vers le changement climatique, il a en fait augmenté globalement parce que les entreprises faisaient leur travail, les États faisaient leur travail et les municipalités aussi. Donc même si l'État fédéral, en tout cas l'administration fédérale contrôlée par le président, mettait des freins... globalement, on est allé dans un sens opposé à ce que souhaitait Trump. Donc, voilà, le rôle du président n'est pas aussi important qu'on veut le croire. Et c'est bien toute la difficulté, je crois, de réconcilier le peuple avec ses dirigeants. C'est que malheureusement, on promet trop pour une capacité d'action très limitée.

  • Speaker #1

    Avant de reprendre la conversation, arrêtons-nous sur les propositions des deux candidats pour réduire l'inflation. En plus d'aides fiscales diverses pour les nouveaux parents et les nouveaux propriétaires, Kamala Harris a dit qu'elle voulait interdire aux entreprises de l'alimentaire de gonfler artificiellement leur prix. Les économistes parlent d'une mesure populiste et vague qui serait difficile à mettre en œuvre. Pour sa part, Donald Trump veut abaisser le coût de l'énergie en augmentant notamment les forages pétroliers sur les terres fédérales. Il a aussi proposé de défiscaliser les pourboires, mode de rémunération important dans les services, et de réduire les dépenses publiques pour baisser les impôts. Il accuse Kamala Harris et Joe Biden d'être responsables de l'envolée des prix de ces dernières années. Quant à la vice-présidente, elle lui reproche de vouloir imposer des droits de douane sur tous les produits importés, une mesure qui aurait pour effet une augmentation générale des prix. C'est ce qu'elle appelle la tax Trump Mais à l'heure où nous enregistrons ce podcast, l'ex-homme d'affaires est toujours vu par l'opinion américaine comme plus compétent que la candidate démocrate pour gérer l'économie, même si l'écart se réduit.

  • Speaker #2

    Quand on regarde les propositions des deux candidats, l'accent que met Kamala Harris est intéressant sur le fait qu'il faut réduire les prix justement. Elle a dit qu'elle en ferait vraiment sa priorité pour sa présidence. Est-ce que du coup elle ne promet pas trop ? Est-ce que finalement elle fait des promesses qu'elle n'est pas en mesure de tenir, compte tenu de ce que vous disiez sur les cycles économiques, la difficulté de vraiment maîtriser l'économie pour le locataire de la Maison-Blanche ?

  • Speaker #0

    Je crois que c'est une très bonne question. Et justement, devant l'incapacité de vraiment changer les choses, on se lance dans des surenchères populistes. Et je crois qu'il faut être honnête, il y a du populisme dans les deux camps actuellement. Les deux partis se sont radicalisés, plus le Parti républicain et MAGA, clairement, que le Parti démocrate, mais quand même. Et à la fois dans les programmes des candidats et dans l'appréciation du programme de l'autre. On exagère. Par exemple, dans le camp démocrate, la lutte contre la manipulation des prix. Est-ce qu'il faudrait revenir à une espèce de contrôle des prix comme on l'a eu longtemps en Europe, dans les années 70 et 80 ? Je ne pense pas et je ne pense pas qu'on puisse faire quoi que ce soit de concret, mais c'est sans doute bien d'en parler pour s'attirer les faveurs d'un certain électorat. Après, dans l'appréciation du camp adverse, quand on dit que Trump envisage des hausses d'impôts sur les classes moyennes, en réalité, ce n'est pas ça. Ce que les démocrates essaient de mesurer, c'est l'impact de ces mesures inflationnistes, justement. On a d'ailleurs quantifié ça de façon très précise en disant que ce serait un impact de 3 900 euros par ménage américain. Donc c'est très précis pour quelque chose quand même de très vague. Donc il y a du populisme dans les deux sens. Cela dit, si on regarde le chiffrage des programmes, alors il faut mettre un petit bémol parce que le chiffrage des programmes, c'est souvent une vue très partielle, qui est en fait... purement comptable et qui ne tient pas bien compte des effets indirects sur l'économie de moyen ou de plus long terme. Mais enfin, d'un point de vue comptable, ce que disent différents instituts indépendants de projection, c'est que pour Kamala Harris, le déficit américain augmenterait, il augmente toujours, malheureusement c'est toujours dans ce mauvais sens, mais enfin, sur 10 ans, le déficit pour Kamala Harris augmenterait de seulement 1300. milliards de dollars, alors que dans le cas de Trump, les instituts, encore une fois, considèrent qu'il y aurait un dérapage du budget et un déficit cumulé de 10 000 milliards de dollars sur 10 ans, et sur la seule base de ces réductions d'impôts, sans compter l'impact de sa guerre commerciale avec la Chine éventuellement, d'une mauvaise gestion macroéconomique, etc. Donc, du populisme des deux côtés, mais quand même... beaucoup plus du côté Trump et une espèce de laissé-aller fiscal, total, qui fait qu'on peut aller dans le mur.

  • Speaker #2

    Est-ce que ce ressenti d'une grande partie de la population, comme vous le disiez, que le pays va dans une mauvaise direction économique, que la vie est difficile à cause de l'inflation, est-ce que c'est un problème pour Kamala Harris d'un point de vue politique ?

  • Speaker #0

    Je crois qu'en fait, toute la subtilité est dans le degré de rejet du système. Et si le rejet est d'une certaine manière marginal, si on considère que les choses vont mal, mais qu'on voit la fin du tunnel, qu'on voit un moyen de s'en sortir de façon rationnelle, en ajustant certains paramètres de l'action macroéconomique, là on va plutôt faire confiance aux camps démocrates, aux camps progressistes, en disant voilà, c'est les recettes habituelles de gouvernance qui vont permettre de nous en sortir en réduisant certaines inégalités. en augmentant l'efficacité de l'école et de l'ascenseur social en général. Mais si on est à un niveau quasiment désespéré, là on aura sans doute plus envie de faire confiance aux extrêmes, quels qu'ils soient, extrême gauche, extrême droite, on le voit en Europe aussi. Et dans ce cas-là, il faut casser le système et on verra bien ce qui se passe. C'est ça, je crois, le risque aujourd'hui. C'est que... L'exaspération, quand elle est poussée trop loin, considère que les recettes habituelles ne marchent plus et qu'il faut casser le système. Casser non seulement le capitalisme, mais d'une certaine manière la démocratie. Et on est prêt à accepter les travers d'une espèce de nouveau Caligula comme Trump.

  • Speaker #2

    Merci beaucoup Yann Cotterdame.

  • Speaker #0

    Merci.

  • Speaker #1

    En 1992, le stratège politique Jim Carville, qui a travaillé sur la campagne victorieuse de Bill Clinton cette année-là, a eu une formule qui a fait date dans la vie politique américaine. It's the economy, stupid. C'est l'économie qui compte, imbécile. C'était une manière pour lui d'insister sur l'importance de parler de ce sujet aux électeurs. À l'époque, les États-Unis étaient en récession et grâce en partie à ce slogan, Bill Clinton est parvenu à s'imposer face au sortant George Bush père. 32 ans plus tard, Jim Carville... peut se réjouir, sa formule n'a pas pris une ride. Merci à vous d'avoir suivi ce nouvel épisode de C'est ça l'Amérique. On se retrouve la semaine prochaine.

  • Speaker #0

    C'est ça l'Amérique, un podcast proposé par La Croix, le programme Alliance Columbia et le site d'information French Morning. Vous pouvez toujours m'assurer de mettre le pays en haut. party and self.

Chapters

  • La présidence de Joe Biden a-t-elle été une réussite sur le plan économique ?

    04:14

  • La baisse de la natalité est-elle un sujet dans la campagne présidentielle américaine ?

    07:12

  • Les États-Unis traversent-ils vraiment une crise économique ?

    07:25

  • Donald Trump parvient-il à séduire l'électorat précaire ?

    11:09

  • L'inflation était-elle plus faible et maitrisée sous la présidence de Donald Trump ?

    13:17

  • Les présidents américains ont-ils réellement le contrôle de l'économie ?

    16:06

  • En matière d'inflation, Kamala Harris fait-elle des promesses qu'elle ne pourra pas tenir ?

    19:20

  • Le pessimisme économique d'une grande partie des américains sera-t-il un handicap pour Kamala Harris ?

    22:22

Share

Embed

You may also like